Notes
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[1]
Je dédie cet article à ma fille Madeleine, Mado Seiffert (1978-2008), auteur-illustratrice dont j’aurais tant voulu qu’elle illustre un de mes livres.
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[2]
La guerre puis l’Occupation interrompirent son projet, pourtant déjà bien avancé (Delarue, 1993).
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[3]
Pilote, héros de la Seconde Guerre mondiale.
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[4]
De nombreux voyages de démonstration réussis eurent lieu comme en 1956, le French Planes Tour depuis l’Australie jusqu’en France, via le Cambodge ». Source : entretiens en 1990 avec Luc Oget, mécanicien d’essais en vol de 1950 à 1973.
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[5]
L’avion d’apport, aujourd’hui baptisée « commuter », permet de transporter les voyageurs d’aéroports secondaires à des aéroports centraux, hubs, reliés entre eux par des longs courriers. On parle de réseaux hubs and spokes (moyeux et rayons).
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[6]
Note d’information de la SNAMH, décembre 1960.
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[7]
Apparu à la fin des années 1930, cet avion révolutionnaire avait fixé le standard de l’aviation de transport moderne (Ingelis, 1966). Il avait été produit à des dizaines de milliers d’exemplaires pour des usages civils puis militaires (Bower, 1986) comme lors des parachutages massifs du D Day en 1944 ou lors du pont aérien de Berlin en 1953.
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[8]
Encore en 1962, comme le prouve le titre de ce document de Nord-Aviation : « Le Président du Civil Aeronautics Board américain demande d’urgence un avion à court rayon d’action ».
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[9]
Le rendement des turbopropulseurs est bien supérieur à celui des moteurs à explosion.
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[10]
L’État exigeait que les nouveaux turbopropulseurs soient des Bastan fabriqués par le motoriste français Turboméca, beaucoup plus longs à mettre au point que des turbines américaines.
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[11]
Un appareil pressurisé peut voler plus haut, donc à l’abri des turbulences.
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[12]
Convention n° 1 « Super-Broussard » du 5 octobre 1959 entre la SNAMH et Nord-Aviation pour la fabrication en série et la commercialisation par cette dernière du bimoteur MH 250 Super Broussard.
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[13]
Accord du 16 février 1960 entre Cessna Aircraft Company et la Société Nouvelle des Avions Max Holste. Ces accords concernaient la fabrication sous licence d’avions légers à Reims et leur commercialisation en Europe.
-
[14]
« Holste accorde à Cessna une participation à 49 % à son capital. Il est convenu que Holste et Cessna s’imposeront de maintenir strictement les pourcentages respectifs de 49 % et 51 % fixés pour Cessna et pour le groupe Max Holste…».
-
[15]
Convention n° 2 « Super-Broussard » du 23 novembre 1960 entre la Société Nouvelle des Avions Max Holste et Nord-Aviation.
-
[16]
« Les modifications qui seraient éventuellement à apporter…, sont étudiées par un bureau placé sous l’autorité de Nord-Aviation ».
-
[17]
Compte rendu du conseil d’administration du 4 janvier 1961.
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[18]
Compte rendu de l’assemblée générale du 9 août 1961.
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[19]
Compte rendu du conseil d’administration du 21 février 1962.
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[20]
Appareil propulsé par une hélice mais disposant aussi d’un rotor non motorisé, ce qui lui permet un décollage très rapide.
-
[21]
Selon, Noetinger (1978, p. 156), c’est avant guerre, au Brésil où il était né, que Clostermann pris connaissance par la presse aéronautique des projets d’Holste, et qu’il prit contact par correspondance avec lui.
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[22]
Clostermann P. (1948). Cet ouvrage remarquable par son réalisme et son écriture efficace, a été traduit dans de très nombreuses langues et tiré à des millions d’exemplaires.
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[23]
Jane’s All the World’s Aircraft (1965-1966), p. 13. Jane’s est la publication aéronautique mondiale de référence.
-
[24]
« En 1959, Marcel Dassault m’avait demandé d’accueillir, lors de leur arrivée en France, Lindbergh envoyé par la Pan Am, compagnie de lancement du Dassault Mystère 20, il était accompagné de Wallace, le patron de Cessna », Source entretien de l’auteur avec Pierre Clostermann, 3 juillet 1991.
-
[25]
Entretien de l’auteur avec Jean Pichon, P-DG de 1982 à 1989,1 février 1990.
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[26]
Reims « Cessna » F-172, fabriqué comme aux États-Unis avec des méthodes standardisées empruntées à l’industrie automobile, fut vendu dans toute l’Europe. C’est avec ce petit monomoteur, qu’en 1987, le jeune allemand Matias Rust réussit à atterrir sur la Place Rouge. Il « démontra » ainsi les failles du système de défense antiaérienne soviétique; et aussi l’efficacité des avions simples et rustiques chers à Max Holste.
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[27]
Pour Reims Aviation, dans un premier temps, l’augmentation de la part de la sous-traitance permettait de maintenir l’emploi, mais très vite les grands avionneurs, confrontés à une baisse de leur charge de travail décidaient de « rapatrier » la sous-traitance.
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[28]
En fait, cet avion « nouveau » profitait des économies d’échelle et des effets d’apprentissage en utilisant des éléments de trois différents modèles de bimoteurs « Cessna » qui avaient déjà été construits à des milliers d’exemplaires. Cette approche d’hybridation anticipait ce que, vingt après, Renault a pratiqué avec succès avec la Logan.
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[29]
Le concept anglo-saxon de commuter correspond exactement à celui « d’aviation d’apport ».
-
[30]
La Compagnie Française Chaufour Investissement avait été créée en 1987 par la famille Chauffour, après la vente des parts qu’elle possédait chez Dumez, à l’époque le numéro deux du BTP en France.
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[31]
En n’investissant pas suffisamment pour passer de la position de sous-traitant à celle de partenaire coopérant, ce qui aurait permis de dégager plus de marge, le groupe semblait mener une politique de rendement financier à court terme, profitant des acquis de la période précédente.
-
[32]
La seconde société, appelée Reims Aerospace, reprenait les activités de sous-traitance. Malheureusement le succès n’allait pas être au rendez-vous. Le 22 mars 2005 Reims Aerospace déposait son bilan. Cependant, en 2006, l’entreprise allait être sauvée grâce à un partenariat avec EADS (Charton, 2006) et la reprise par Green Recovery. Les activités de Reims Aviation Industries et Reims Aerospace étaient contrôlées à nouveau par un même actionnaire.
-
[33]
Seule note d’optimisme, les trois quarts avaient été achetés par des compagnies régionales américaines qui en étaient très satisfaites. À l’étranger plusieurs avions entre 20 et 50 places destinés à remplacer le DC3 avaient connu de grands succès. Le plus réussi était le biturbopropulseur Fokker 27 Frienship dont le premier vol remontait à 1955 et produit à plusieurs centaines d’exemplaires.
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[34]
Cette loi votée sous l’administration Carter, donc avant la grande vague de déréglementation de l’administration Reagan, dérégulait le transport aérien et favorisa ainsi la création de nombreuses petites compagnies aériennes.
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[35]
Matériaux composites, motorisation et surtout électronique et informatique alors en plein développement, avec les innovations radicales introduites pour le pilotage de l’A 320.
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[36]
On y analysait les projets concurrents. Le plus avancé était de loin le Brasilia d’Embraer, que nous évoquerons plus loin.
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[37]
Or, le programme Airbus n’ayant pas encore donné de résultats tangibles, la priorité allait au développement de l’A 310 et surtout aux études de l’A 320, un appareil très innovant, qui allait donc mobiliser de gros investissements.
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[38]
Dans le premier cas de figure on trouvait l’allemand Dornier, le Britannique Shorts, le Canadien De Havilland; et dans le second le suédois Saab allié à l’américain Fairchild, l’espagnol Casa allié à l’indonésien Nurtano.
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[39]
Comme on va le voir, Embraer faisait partie des constructeurs qui avaient fait le pari d’abandonner les turbopropulseurs pour se lancer sur les jets. L’entreprise brésilienne travaillait sur le projet d’un biréacteur de 45 places, l’Embraer 145.
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[40]
L’industrie allemande avec Dornier qui avait repris Fokker cherchait à rassembler les constructeurs d’aviation régionale.
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[41]
Avec des pales plus nombreuses, fabriquées avec de nouveaux matériaux composites, des profils plus aérodynamiques, les hélices avaient un bien meilleur rendement, et causaient bien moins bruit et de vibration.
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[42]
“The Banderante twin turboprop light transport was developped by a Brasilian design team under the leadership of Mr Max Holste”, Jane’s, 1966-1967, p. 13.
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[43]
Une compagnie régionale américaine Atlantic Southeast Airlines (ASA) acheta le premier des 350 appareils qui allaient être commandés par la suite.
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[44]
Aujourd’hui Alenia Aeronautica filiale du groupe Finmeccanica.
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[45]
Premier vol le 11 août 1995
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[46]
En 2002, une coopération avec la China Aviation Industry Corporation II (AVIC II) permit la création de la Harbin Embraer Aicraft Industry Co. Ltd. (HEAI), permettant la construction et la vente d’avions Embraer ERJ-145 sur le marché chinois.
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[47]
Un pari, du portugais apostar, risquer.
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[48]
Comme l’écrit Diderot : « Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde (…) Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? (…) et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. » Jacques le Fataliste, 1773.
1Cet article [1] cherche à expliquer comment se construisent, par des apprentissages multiples (Pavitt, 1984), les compétences organisationnelles (Chandler, 1992), sources d’avantages compétitifs durables. Une recherche antérieure sur Eurocopter (Seiffert, 2008) avait permis de comprendre comment les multiples entreprises qui avaient fusionné pour devenir le leader mondial des hélicoptères, avaient apporté leurs compétences organisationnelles spécifiques. Ainsi, toutes ces différentes trajectoires technologiques (Nelson et Winter, 1982), organisationnelles (Vérin, 1995) et personnelles (Abraham, 1986) pouvaient être considérées comme les racines qui avaient nourri un tronc unique. Ici, nous montrons qu’à l’inverse, les compétences organisationnelles et les avantages compétitifs de trois firmes, aujourd’hui en position dominante sur leurs niches, le brésilien Embraer, troisième groupe aéronautique mondial après Boeing et Airbus, le franco-italien ATR, et le Rémois Reims Aviation Industrie, ont la même origine, l’entrepreneur innovateur Max Holste. Pour poursuivre la métaphore, elles sont les trois branches d’un même tronc. La crise qui marqua l’entreprise créée par Max Holste, avec l’aide de Pierre Clostermann, est comme le nœud de cette histoire. C’est pourquoi nous cherchons à en analyser les détails de la chronologie et des circonstances, ce que l’on peut appeler le grain de l’histoire narrative car ces situations transitoires, ces décisions individuelles, apparemment sans importance, peuvent exercer une influence persistante d’hystérésis (David, 1986). Après une présentation très rapide des entreprises de Max Holste de 1950 à 1962, nous analysons minutieusement la crise que connut la société qu’il avait créée, puis, pour comprendre leurs réussites, nous étudions les stratégies de chacune des trois firmes.
I – À L’ORIGINE, LES ENTREPRISES DE MAX HOLSTE DE 1950 À 1962
2Tout s’est passé, comme si les entreprises de Max Holste avaient suivi, bien sûr à leur insu, les observations de Joseph Schumpeter (Schumpeter, 1947) sur l’apport des entrepreneurs au renouvellement des techniques et des marchés puis sur leur nécessaire disparition au profit d’organisateurs aux savoirs limités mais approfondis (Chadeau, 1988).
1. La période artisanale
3Dés 1938, Max Holste, un jeune ingénieur entreprenait de construire un avion de record [2]. En 1950, après de nombreuses autres tentatives qui ne purent vraiment aboutir (Foucault, 1985), il obtint enfin un marché d’État pour l’étude et la réalisation d’un prototype d’avion destiné à l’observation d’artillerie. Par l’intermédiaire de Pierre Clostermann [3], Max Holste put s’installer dans un coin d’atelier d’une usine de construction métallique installée à Reims et fabriquer un premier prototype qui donna entière satisfaction. Un autre prototype, très proche du premier, le MH-1521 Broussard, intéressa les services officiels civils et militaires. En 1953, confronté à un besoin urgent d’avions légers de liaison pour la guerre d’Indochine, l’état-major de l’armée de l’air exprima l’intérêt qu’il éprouvait pour cet appareil. L’État commanda d’abord plusieurs appareils de présérie puis, quand le conflit en Algérie s’intensifia, une première série de 186 appareils (Seiffert, 1991).
CHRONOLOGIE 1950-1962 : MAX HOLSTE À REIMS
1956 Création de la SNAMH (Société Nouvelle des Avions Max Holste) pour la construction en série du « Broussard ».
1958 Lettres de commande et de marché de l’État pour la construction du prototype du bimoteur MH 250 Super Broussard.
1959 Première convention entre la SNAMH et Nord-Aviation pour la fabrication en série et la commercialisation par cette dernière du bimoteur MH 250 Super Broussard.
1960 Signature des accords avec Cessna Aircraft Company qui entre à 49 % dans le capital de la société. Ces accords concernent la fabrication sous licence d’avions légers à Reims et leur commercialisation en Europe.
1960 Seconde convention entre la SNAMH et Nord-Aviation qui achète les droits du Super Broussard MH 260 et confie à la SNAMH 33 % de la fabrication de l’avion et entre dans le capital de la SNAMH.
2. L’industrialisation du Broussard et l’étude du Super Broussard
4Le 18 avril 1956 était créée la Société Nouvelle des Avions Max Holste (SNAMH) avec pour objet la fabrication en série du Broussard pour l’armée française qui allait donc l’utiliser massivement pendant la guerre d’Algérie. Par la suite, l’entreprise essaya de diversifier sa clientèle [4] mais n’arriva pas à trouver de débouchés civils significatifs. L’économie française était alors encore principalement caractérisée par un marché intérieur métropolitain et colonial protégé, dans lequel l’État jouait un rôle prépondérant. Comme l’indiquait ce communiqué de l’entreprise, au couple produitmarché, « Broussard - État français », la SNAMH voulut substituer le couple « Super Broussard - compagnies régionales de transport aérien »: « L’aviation de brousse doit desservir les secteurs dépourvus d’aérodrome (…), c’est pour elle qu’a été créé le Broussard MH 251 (…). L’aviation d’apport est celle qui est appelée à desservir des lignes nouvelles dans des régions non développées. Comme son nom le laisse entendre, elle devra résoudre les problèmes d’apport [5] pour les longs courriers; c’est pour elle qu’a été créé d’abord le Super-Broussard MH 250 expérimental, puis le MH 260 turbopropulseurs qui vole depuis le 29 juillet 1960. [6] » Il s’agissait donc de fournir un moyen de transport adapté aux pays ayant des infrastructures routières et ferroviaires peu ou pas développées, comme c’était le cas pour l’Afrique subsaharienne. Dès 1954, Max Holste avait commencé à travailler sur un projet d’avion bimoteur, capable de transporter dix passagers et de décoller et se poser sur des terrains très précaires, là où le DC 3, l’avion de transport le plus utilisé au monde, ne pouvait le faire. Avant d’avancer dans le projet, il entreprit une étude de marché approfondie auprès des compagnies aériennes de tout niveau (Delarue, 1993). D’autres études de marché faisaient, également, apparaître la nécessité de remplacer rapidement l’avion de transport le plus utilisé au monde, le fameux bimoteur Douglas DC 3 [7]. Deux types d’avions bien différents étaient donc attendus de manière urgente [8] :
- un appareil de capacité supérieure au DC3, soit plus de trente passagers.
- un bimoteur pouvant transporter environ 15 passagers.
6Le choix initial de Max Holste se porta sur ce second segment avec des appareils destinés aux lignes d’apport, sans terrain préparé, donc rustiques, solides et faciles à entretenir. En avril 1957, après avoir procédé à de larges consultations, en vue d’obtenir l’aide de l’État, il remit le projet du MH 250 Super Broussard aux services officiels. Le choix du type de moteur était encore à déterminer; moteurs à explosion classiques ou modernes turbopropulseurs [9]. Avec le MH 260 Super-Broussard, c’est ce dernier type de moteur qui fut choisi [10]. Mais peu à peu, sous la pression des services officiels et des compagnies aériennes, on s’orientait vers le lancement d’un appareil de la taille du DC3, le MH 262, pressurisé [11], avec des turbopropulseurs, donc beaucoup plus confortable et plus rapide. Le développement du prototype devenait bien plus complexe et nécessitait des investissements beaucoup plus coûteux que l’entreprise ne pouvait financer.
II – LE NŒUD DE L’HISTOIRE : LA CRISE DANS L’ENTREPRISE
1. L’origine
7Max Holste avait pensé pouvoir conserver son indépendance en signant simultanément des accords avec deux entreprises différentes. Le premier accord [12] où il aurait été donneur d’ordre lui aurait permis d’utiliser les moyens industriels de Nord-Aviation comme sous-traitant pour fabriquer le Super Broussard. Cette entreprise, issue des nationalisations d’avant guerre, faute de débouchés pour ses produits, disposait en effet d’importantes surcapacités de production. Le second accord [13] concernait Cessna, le numéro un mondial de l’aviation générale, qui, comme beaucoup d’entreprises américaines, voulait alors s’implanter en Europe pour à pénétrer un marché en forte expansion en contournant les barrières douanières mises en place par les six États signataires du traité de Rome. Les Européens voulaient, quant à eux, profiter de transferts technologiques et managériaux (Mowery, 1987). Cet accord devait aboutir à la distribution du Super Broussard aux États-Unis par la firme américaine et en contrepartie la distribution de la gamme « Cessna » en France. La multinationale américaine devenait actionnaire minoritaire, avec un dispositif de verrouillage imposé par les autorités de tutelle [14].
2. L’issue
8Rapidement la situation financière de la SNAMH se dégradait et elle était de plus en plus endettée à l’égard de Nord-Aviation. Une deuxième convention entre les deux entreprises était alors signée ayant « pour objet de fixer les conditions dans lesquelles la société Max Holste cède certains droits à Nord-Aviation » [15]. En clair, de position de donneur d’ordre de Nord-Aviation, la Société Nouvelle des Avions Max Holste devenait sous-traitant et bureau d’études sous contrôle [16]. Le contrat prévoyait pour l’entreprise rémoise la fabrication de 30 % de la cellule du Super-Broussard et la poursuite de l’étude de la version pressurisée.
9Après ces accords, qu’il considérait comme léonins, Max Holste réagissait. Il était encore plus convaincu de la pertinence de son choix initial, développer des avions de servitude rustiques, bimoteurs remplaçant les appareils de type Broussard, fiables, faciles à réparer et pouvant être construits en petite série de manière rustique donc sans grands moyens industriels. Il fit donc une proposition à ses associés de Cessna : produire le MH-300 Broussard Major, un appareil pouvant transporter 9passagers, à décollage et atterrissage courts sur des terrains sans infrastructure [17]. Mais il essuya un refus catégorique. Déçu, Max Holste voulut alors créer une entreprise francomarocaine. L’apport de Max Holste comprenait ses droits sur le MH-250, l’État marocain devait fournir les locaux et s’engager à commander cinquante appareils. Fort d’appuis locaux, les statuts de la Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Maroc furent déposés en mars 1961. Mais, peut-être sous l’influence de Pierre Clostermann, les autorités marocaines décidèrent de ne pas aller plus avant. Cette affaire déboucha sur un violent conflit [18], portant sur les droits de propriété du Super Broussard, qui aboutit à la démission de Max Holste. Ce dernier racheta ses droits sur le MH-250 Super Broussard contre la vente de ses actions de la société qu’il avait créée et dont il voulut qu’elle ne porte plus son nom.
10En 1962, un rapport [19], inspiré par Cessna, émettait de violentes critiques à l’égard de la stratégie suivie sous la direction de Max Holste entre 1956 et 1961. Le « caractère spécial et personnel » de la gestion de la société, selon les termes du rapport, ne lui aurait pas permis de se structurer et de s’organiser pour devenir une entreprise industrielle capable d’arbitrer judicieusement entre les investissements de recherche et développement, les investissements industriels et les réserves financières. Ainsi les résultats bénéficiaires générés par le Broussard auraient du être utilisés pour financer l’achat de machines modernes et le développement d’un nouveau modèle. Mais presque tout avait été consacré au développement du Super Broussard. Or, la société ne possédait ni les moyens financiers pour réaliser un prototype de cette taille et de cette complexité, et encore moins la construction en série. Il aurait fallu mettre en place une stratégie alternative. Dans un premier temps, jusqu’en 1968, Max Holste aurait dû proposer à des clients civils et militaires plusieurs versions du Broussard amélioré, ce qui aurait permis de bénéficier d’économie d’échelle. Ces marges importantes auraient pu financer les études d’un appareil moderne de remplacement qui, à partir de 1968, aurait été mis sur le marché. Sur le court terme, le plan de redressement proposé par ce rapport comportait deux volets : sous-traitance du Super Broussard, rebaptisé Nord 262 pour le compte de Nord-Aviation et construction sous licence Cessna d’un avion de tourisme et d’affaires quadriplace destiné aux marchés européens, du Moyen-Orient et d’Afrique.
11Évincé de l’entreprise qu’il avait fondée, Max Holste créa la société d’études Max Holste Aviation qui lançait en novembre1963 le MH-500, un autogire [20] de 4-5 places destiné en premier lieu au travail aérien agricole et à la lutte contre les grandes endémies dans les pays du tiers-monde. Mais les services officiels ne s’intéressèrent pas à ce projet. C’est pourquoi, en 1964, devant les échecs de ses projets français et marocains, appelé par des responsables de l’industrie aéronautique du Brésil, Max Holste décida de partir dans ce pays avec la volonté d’y réaliser un dérivé de son projet initial de Super Broussard
3. Une grille d’analyse de la crise et de ses conséquences
12L’explication de cette crise et de ses conséquences nécessite d’analyser les conditions de la naissance de la société, rendue possible par la rencontre entre deux personnalités [21], Pierre Clostermann et Max Holste, d’abord alliés, puis en conflit jusqu’à leur rupture définitive. C’est pourquoi, la création de l’entreprise, sa croissance dans les années cinquante, la crise qu’elle dut affronter entre 1959 à 1962, puis les trajectoires personnelles, organisationnelles et technologiques peuvent être en partie analysées en combinant les concepts de Pierre Bourdieu (1970,1984), et ceux du courant évolutionniste (Nelson et Winter, 1982).
13Pour Bourdieu, les différents types de capitaux dont disposent les acteurs sociaux se présentent sous trois formes principales : le capital économique, le capital social, le capital scolaire. Le volume et la répartition de ces capitaux, hérités ou acquis, se modifient durant toute la vie en fonction de la trajectoire individuelle et des contraintes sociales et économiques.
14Dans cette perspective, François de Singly (1987) analyse la constitution du couple et les effets du mariage sur les capitaux des deux conjoints. Il montre que dans le cadre du mariage il existe une valorisation des capitaux complémentaires apportés par chacun d’entre eux. Le divorce, de plus en plus fréquent, permet de faire un bilan de ce que chacun a tiré de la vie conjugale. Il n’y a pas d’effets symétriques. On constate ainsi à l’issue du mariage, que les hommes, contrairement aux femmes, valorisent à la fois leur capital social et leur capital scolaire. On peut aborder aussi la crise de l’entreprise avec la même grille d’analyse : les associés apportent différents types de capitaux, certains sont enregistrés dans des documents comptables (apports en numéraire, en nature, etc.), d’autres beaucoup plus rarement, comme le capital social et le capital scolaire.
15Ainsi, Max Holste était un innovateur autodidacte et sans capitaux, créant sans doute de nouveaux prototypes, mais qui n’avait jamais eu les moyens de leur fabrication industrielle. Passionné par la conception de nouveaux avions, les problèmes financiers, industriels et commerciaux l’intéressaient peu. Pierre Clostermann, quant à lui, était un héros de la Seconde Guerre mondiale, auteur de best-sellers racontant ses exploits de pilote de chasse de la Royal Air Force [22]. À la Libération, devenu compagnon de la Libération, il avait été élu député et vice-président de la commission de la Défense nationale. S’il ne possédait pas, lui non plus, de capital économique, il avait construit un capital de relations sociales à la fois dans l’État français mais aussi dans l’industrie aéronautique, non seulement en France mais partout dans le monde, particulièrement au Royaume Uni et aux États-Unis. Les capitaux complémentaires, techniques pour le premier et de relations sociales pour le second, leur permirent de mobiliser les capitaux économiques, dont ils étaient tous les deux dépourvus, et donc de créer l’entreprise en 1956. La répartition des tâches entre eux était logique et correspondait à leur dotation initiale en capitaux. Max Holste créait les avions alors que Pierre Clostermann assurait les relations avec l’État et les clients privés. L’un était donc tourné vers l’entreprise l’autre vers son environnement. L’avenir des deux hommes après leur « divorce » allait montrer que leur « mariage » avait été un jeu à somme positive. En effet, Max Holste avait enrichi sensiblement son capital technique en développant le Super Broussard mais surtout la réputation de “Mr Max Holste, the well known French aircraft engineer [23] ”, avait considérablement augmenté. Sur tous les continents, dans le monde aéronautique, il disposait maintenant d’un réseau étendu de relations sociales. Quant à Pierre Clostermann, il avait aussi renforcé un capital social déjà considérable [24]. Il était donc logique que Cessna, dans sa stratégie de prise de contrôle de la firme française, s’appuie sur les réseaux de Pierre Clostermann dans les milieux aéronautiques et politiques français, en fasse son allié et lui propose à terme la direction de sa nouvelle filiale.
III – LES TROIS TRAJECTOIRES TECHNOLOGIQUES, ORGANISATIONNELLES ET PERSONNELLES
1. La première branche : Reims Aviation
16Après le départ Max Holste et de certains de ses fidèles, Reims Aviation, garda l’essentiel du personnel de la SNAMH. L’entreprise possédait les compétences technologiques suffisantes pour assembler les modèles « Cessna » [25] mais, devenue filiale d’une firme au management moderne, elle absorba les innovations organisationnelles et gestionnaires importées des États-Unis (Cohen, Lewinthal, 1990).
CHRONOLOGIE DE REIMS AVIATION (1962-2008)
1964 Jacques Clostermann, devient P-DG de la société. En 1970, Pierre succède à son père jusqu’en 1982.
1971 Le deux millième « Cessna » est fabriqué sous licence par ReimsAviation qui fabrique également des fuselages pour Dassault. C’est le début de sa participation comme sous traitant à la plupart des programmes majeurs de l’industrie aéronautique française.
1979 Sortie du cinq millième « Cessna ». L’effectif est de plus de cinq cents personnes et la production de cinq cents avions par an.
1982 Jean Pichon, cadre historique de l’entreprise, remplace Pierre Clostermann comme P-DG.
1983 Premier vol du bi-turbopropulseur Cessna F-406 Caravan.
1989 la CFCI (Compagnie Française Chaufour Investissement) reprend les parts du capital de Reims Aviation détenues par Cessna Aircraft Company.
2003 Après un dépôt de bilan, Reims Aviation est scindée en deux sociétés indépendantesReims Aerospace qui conserve les activités de sous-traitance pour les grands donneurs d’ordres aéronautiques et Reims Aviation Industries qui produit et commercialise le F-406.
De 1962 à 1989 Reims Aviation leader européen de l’aviation générale
17Reims Aviation, avec la fabrication sous licence de monomoteurs puis de bimoteurs Cessna, devenait, d’une part, le leader européen dans sa catégorie [26] et s’engageait d’autre part, dans la sous-traitance. En 1975, une grave crise touchait l’aviation légère puis l’ensemble de l’industrie aéronautique [27]. À partir du début des années 1980, l’entreprise retrouvait une forte croissance grâce à une stratégie reposant sur deux axes complémentaires, sous-traitance pour les grands programmes d’Aérospatiale et de Dassault mais aussi activité d’avionneur à part entière et non plus de simple fabricant sous licence. Dans ce but, un bureau d’études était recréé pour le développement d’un appareil nouveau [28], conçu par l’entreprise, le F-406 Caravan II, un biturbopropulseur pouvant transporter dix personnes, comme commuter [29] ou avion de surveillance. Cet appareil était assez rustique mais très fiable et bon marché, très proche du paradigme technologique du Broussard et du Super Broussard.
De 1989 à 2003, reprise de Reims Aviation et absence de stratégie
18En 1989, Cessna décida de vendre Reims Aviation à la CFCI, un groupe [30] dont les participations étaient réparties entre l’aviation légère et la construction de navires de plaisance à l’étranger. La stratégie de ce petit conglomérat sans véritables compétences managériales, ne tira pas le fruit du bilan de l’expérience américaine analysée par Chandler (1988). Sans véritable équipe dirigeante, il allait manquer de vision industrielle à long terme et il ne profita pas des effets de synergie que l’on aurait pu attendre [31].
De 2003 à 2008. Scission en deux sociétés indépendantes et succès du F-406
19Après le dépôt de bilan de Reims Aviation par son ancien actionnaire (Casamayou, 2002), l’entreprise était scindée en deux sociétés indépendantes reprises par deux groupes différents. La première société, Reims Aviation Industries [32] reprise par le fond d’investissement Green Recovery, devait produire et commercialiser le Caravan F-406. Elle allait connaître une progression régulière de son activité sur la niche à haute valeur ajoutée des missions spéciales aéroportées. Sur ce marché, l’ambition était de devenir le leader mondial du segment des appareils légers en fournissant des appareils spécialement dédiés et adaptés aux spécificités des missions (Ruffier, 2005). Le chiffre d’affaires progressait rapidement et on estimait que sur les dix ans, face aux menaces en tout genre, la demande sur la niche des missions de surveillance et de sécurité allait encore fortement augmenter (Charton, 2007). Signe de cette réussite, afin de financer sa croissance, Reims Aviation Industries décidait l’ouverture de son capital sur le marché Alternext.
2. La deuxième branche :ATR
20En 1971, à la création de l’Aérospatiale, son premier président, Henri Ziegler, procéda à une revue de tous les programmes en cours. La décision fut prise d’arrêter le programme Nord 262 afin de se consacrer prioritairement à la relance de la Caravelle et surtout aux nouveaux programmes très dispendieux, Concorde et Airbus. En 1977, le dernier exemplaire du Nord 262 était livré avec un bilan très modeste : 108 avions livrés, dont seulement 40 à des compagnies aériennes [33]. La même année, la question de la relance du programme, préconisée par la division Avions de l’Aérospatiale, confrontée à la baisse de son plan de charge, rencontra l’opposition résolue des services de l’État, qu’ils fussent civils ou militaires. Bien que ce fût un avion à hélices, on peut rappeler ce mot du conseiller du Premier ministre chargé des problèmes aéronautiques « Le Nord 262 était un avion à réactions » (Latreille, 2005).
CHRONOLOGIE DE ATR
1978 Promulgation aux États-Unis du Deregulation Act et ouverture de nombreuses lignes régionales par de nouvelles compagnies.
1981 Aérospatiale et Aeritalia fusionnent leurs projets d’avion régional et signent un accord sur le lancement de l’ATR 42 dans le cadre d’un GIE (groupement d’intérêt économique) formé par Aérospatiale (aujourd’hui EADS) et Aeritalia (aujourd’hui Alenia Aeronautica, filiale de Finmecanica), chacun ayant 50 % des parts du GIE.
1999 Création d’EADS (European Aeronautique Defence and Space Company) avec la fusion d’Aerospatiale Matra et de DASA (filiale aéronautique du groupe Daimler Benz).
21Après l’échec de la relance du Nord 262, la division « Avions » de l’Aérospatiale n’avait plus de perspectives commerciales. Or le contexte était redevenu favorable aux commuters. Aux États-Unis on assistait à la promulgation en 1978 du Deregulation Act [34] et à l’ouverture de nombreuses lignes régionales par de nouvelles compagnies. Alors que sur les lignes d’appoint de l’ordre de 500 km, les constructeurs n’avaient à offrir aux compagnies régionales que des appareils de conception ancienne et peu confortables, au début des années 1980, la multiplication de ces lignes et les études de marché très optimistes poussaient les industriels à concevoir des appareils utilisant les mêmes technologies que pour les moyens et gros porteurs [35] (Maoui, 1996).
22Or l’Aérospatiale disposait toujours de spécialistes expérimentés du transport régional, en particulier dans les équipes d’après vente pour le support technique du Nord 262. C’est pourquoi, sous la pression de sa direction commerciale, l’Aérospatiale lança un avant projet pour un avion régional nouveau. Un projet fut présenté en 1980 à la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) [36]. Mais l’État ne s’engageait à octroyer des avances remboursables que dans le cadre d’une coopération internationale. En effet, bien que l’Aerospatiale possédât toutes les compétences nécessaires, elle était sous-capitalisée et manquait cruellement de moyens financiers [37]. (Latreille, 2004; Ville, 2005).
23Dés 1979, des contacts avaient été pris avec des avionneurs spécialistes des commuters mais ils n’aboutirent pas. Certains avionneurs voulaient faire cavalier seul, car ils pensaient avoir les compétences nécessaires pour bénéficier de ce marché émergent; d’autres avaient déjà noué des alliances [38]. Seule Aeritalia, qui désirait sortir de sa position de sous-traitant des constructeurs américains, répondit favorablement. L’entreprise italienne, qui avait aussi mené ses propres études de marché, avait abouti à un projet d’avion très proche de celui d’Aérospatiale. Le 4 novembre 1981, Aérospatiale et Aeritalia fusionnaient leurs projets d’avion régional, et signaient un accord sur le lancement de l’ATR42 qui rencontra un grand succès, entre autre en Amérique du Nord. C’est pourquoi le programme de l’ATR 72, un avion de 70 places fut lancé quelques années après. Cependant, à la fin des années 1980, l’image des avions à hélices, même munis de turbopropulseurs, était redevenue très négative. Ils étaient considérés comme lents, assourdissants et inconfortables comparés aux jets utilisés pour les lignes moyens et longs courriers. Il semblait impossible de proposer à la clientèle des vols supérieurs à 90 minutes soit 600 km. D’où l’idée, rendue possible par les progrès techniques, de remplacer les turbopropulseurs par des turboréacteurs [39]. Saab répliqua sur ce créneau des 50 sièges par des innovations radicales avec le turbopropulseur Saab 2000 permettant de réduire le bruit tout en augmentant la vitesse. Inquiets d’une l’hégémonie allemande dans ce domaine [40] et leurs gammes semblant complémentaires, des discussions furent ouvertes entre Saab et ATR pour coopérer sur un nouveau programme de turbopropulseur. (Promé, 1993). Mais elles n’aboutirent pas. Les ventes des ATR s’effondrèrent. Le débat sur le choix entre jets et turbopropulseurs semblait avoir été tranché en faveur des jets comme le confirmait le succès de l’Embraer 145 et l’échec du Saab 2000 (Promé, 1997).
24Mais en 2005, ATR bénéficia à nouveau d’une conjoncture favorable. On assista à une reprise du trafic régional. La « jetmania » (Tilloy, 2007) avait disparu et la hausse du prix du carburant ainsi que les préoccupations environnementales rendaient les turbopropulseurs à nouveau attractifs. Leurs coûts d’acquisition et d’exploitation étaient largement plus bas que ceux de leurs concurrents à réaction. De plus, la différence de vitesse n’était pas pénalisante pour des étapes d’un millier de kilomètres. Les études tendaient à prouver que le jet n’était rentable qu’au-delà de 80 sièges. ATR profita d’innovations importantes [41] dans un marché où avaient disparu ses concurrents historiques, Saab et Fokker. Avec 60 % du marché, il se retrouva en situation de leader, sur une niche en pleine croissance, dans les régions dépourvues de trains à grande vitesse comme en Asie, sur le continent américain et en Afrique.
CHRONOLOGIE DE EMBRAER (1946-2008)
1965 Max Holste devient conseiller technique au CTA chargé de l’étude d’un avion moyen de transport régional le futur Bandeirante.
1969 Création d’Embraer, société de droit privé dont l’État brésilien détient 51 % du capital.
1973 Première livraison du bi-turbopropulseur Bandeirante construit à 500 exemplaires.
1985 Première livraison du bi-turbopropulseur Brasilia (étudié depuis 1979) construit à plus de 300 exemplaires.
1994 Privatisation d’Embraer et mise en œuvre de la nouvelle orientation stratégique et technologique.
1996 Première livraison du biréacteur ERJ-145, produit à plus de 1000 exemplaires.
2002 La coopération avec la China Aviation Industry Corporation II (AVIC II) permet la création de la Harbin Embraer Aicraft Industry Co. Ltd. joint-venture qui fabrique et vend l’ERJ-145 sur le marché chinois.
3. La troisième branche : Embraer
25Le Brésil est un pays immense avec de vastes zones démunies de toute infrastructure ferroviaire et routière, et où, par conséquent, le transport aérien est un élément capital de développement. L’État avait voulu très tôt doter le pays d’une industrie aéronautique indépendante dans le cadre d’une stratégie brésilienne de substitution aux importations. En 1946 le ministère de l’Aéronautique brésilien avait créé un Centre technique aérospatial (CTA).
Dans la continuité de Max Holste : entrée sur le marché des « commuters »
26En 1964, après différents projets avortés, des études furent menées pour le développement d’un avion de transport régional. En 1965, le responsable du projet, proposa à Max Holste de devenir conseiller technique au CTA, chargé de l’étude et de la réalisation du projet en partant des caractéristiques du Super Broussard [42]. Le 29 mars 1965 se tint une réunion décisive puisqu’elle allait préciser officiellement la définition de l’appareil : un avion de transport à usage civil ou militaire pour dix passagers, non pressurisé, motorisé par deux turbopropulseurs. Le travail sur le prototype commença dés juin 1965. Mais, en raison du manque de formation et d’expérience de la maind’œuvre, les essais n’eurent lieu que fin 1968. Heureusement, les choix technologiques de Max Holste, rusticité et solidité, étaient parfaitement adaptés au contexte brésilien. Après des essais effectués par les militaires et les compagnies civiles, l’armée brésilienne prit une option sur quatre-vingts appareils. En 1969, afin de passer au stade en série, était créée Embraer (Empresa Brasileira de Aeronautica), société de droit privé avec une participation de 51 % de l’État brésilien. L’appareil, baptisé « Bandeirante » (le « pionnier » en portugais), connut un grand succès. Vendu à 500 exemplaires, il devint le premier appareil produit par un pays de ce que l’on appelait alors le tiers-monde, exporté dans des pays industrialisés, d’abord en France en 1977 puis aux États-Unis et dans de nombreux autres pays.
27À la fin des années 1970, Embraer mettait en œuvre le développement d’une gamme d’avions de transport de 6 à 24 passagers, en signant des accords de licence avec Piper et Aermacchi (Condom, 1977). Une nouvelle étape se dessinait pour coopérer avec cette dernière sur le développement d’un avion d’entraînement à réaction. À partir du paradigme technologique du Bandeirante et en absorbant les technologies nouvelles grâce à la fabrication sous licence, le processus d’apprentissage d’Embraer se poursuivait (Frischtack, 1994). Ainsi, en 1975, le Xingu, avion de liaison plus petit que le Bandeirante mais pressurisé, fut fabriqué mais ne rencontra pas un grand succès commercial. Par contre, en 1985, Embraer, commença à produire le Brasilia qui fut un grand succès à l’exportation. De conception très proche du Bandeirante, il pouvait transporter trente passagers et non plus dix, dans une cabine pressurisée. Grâce à la réputation acquise à l’étranger par ce dernier, le Brasilia connut l’honneur de succès initiaux à l’exportation [43].
« Uma aposta » réussie : le passage du turbopropulseur au réacteur et la montée en gamme
28En juillet 1981, Embraer, en partenariat avec Aeritalia [44] et Aermacchi, développa un avion de combat à réaction qui lui permit d’absorber de nouvelles technologies, ce qui allait se révéler décisif pour l’avenir. À la fin des années 1980, après plusieurs échecs et la baisse du soutien étatique à l’industrie aérospatiale brésilienne, Embraer connut une grave crise financière et le 7 décembre 1994, elle fut privatisée. La réorientation de la stratégie reposait sur une remise en cause partielle des choix technologiques et de marché. La cible restait toujours les lignes régionales mais sur de plus longues distances et pour de plus forts trafics. Sur le produit, l’entreprise opérait alors une rupture radicale en passant au réacteur. L’avion nouveau, l’ERJ 145 de 50 places [45], vendu à plus de mille exemplaires [46], permit à Embraer franchir une nouvelle étape et de devenir l’un des avionneurs mondiaux majeurs. En 1999, sur la lancée de ce grand succès, furent développés les Embraer 170 et 190, des avions de 70 à 120 places. Face à son principal concurrent, le Canadien Bombardier, Embraer gagnait ce que les Brésiliens avaient appelé uma aposta [47]. En 2008 Embraer était devenu le troisième plus grand industriel de l’industrie aéronautique mondiale après Boeing et Airbus. L’entreprise, spécialisée dans les avions civils de petite et de moyenne taille, utilisés dans l’aviation régionale, d’affaire et agricole, construisait également des avions de chasse, de télédétection et de transport de VIP.
CONCLUSION
29Les diverses compétences organisationnelles accumulées à partir du Broussard puis le Super Broussard de Max Holste, depuis les années 1950, ont donc été à l’origine des réussites de Reims Aviation, d’ATR, et d’Embraer. Mais les trajectoires ont été de nature différente (tableau 1): trajectoire organisationnelle pour Reims Aviation, qui a bénéficié des ressources matérielles, immatérielles et humaines de la SNAMH; trajectoire technologique pour ATR qui a hérité des droits sur le Super Broussard, trajectoire humaine pour Embraer dont le premier succès avait été l’œuvre de Max Holste. De plus, à l’intérieur des trajectoires des trois entreprises, des « dilemmes » technico commerciaux (figure 1) ont dû être tranchés de manière différente, expliquant chacune des orientations stratégiques. Reims Aviation est devenu leader mondial sur une niche très étroite grâce à un avion dont la conception repose sur le paradigme technologique initial de Max Hoste. ATR et Embraer profitent chacune de leurs choix stratégiques des années 1980. En effet les compagnies aériennes régionales privilégient soit les turboréacteurs d’un peu plus de 100 places sur des distances de plus de 1000 km, soit des turbopropulseurs de nouvelle génération d’environ 70 places sur les lignes de 500 km. Les prévisions sur l’avenir très prometteur des avions régionaux étaient confirmées dans la décennie 1990, avec une progression 2,5 fois plus forte que celle de l’ensemble du trafic aérien, lui-même en forte hausse. Les nouvelles études de marché prévoient un marché de 8000 appareils de 15 à 90 places jusqu’en 2015, avec une forte progression pour le haut du segment. Le tissu de cette histoire est une « intrigue », mêlant causes matérielles, fins et hasards [48] et qui ne se reproduira jamais à l’identique (Veyne, 1979). Cependant elle nous apprend beaucoup sur la sélection des entreprises et des techniques et enrichit ainsi l’approche évolutionniste des entreprises et les recherches sur le management de l’innovation (Fernez-Walch et Romon, 2006).
Continuité et ruptures dans les produits et les entreprises
Continuité et ruptures dans les produits et les entreprises
Arbre séquentiel des choix techniques
Arbre séquentiel des choix techniques
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
- Documents internes de Reims Aviation
- Accords et conventions avec Nord-Aviation, Accords et conventions avec Cessna, comptes rendus des assemblées générales et des conseils d’administration de la Société Nouvelle des Avions Max Holste (SNAMH) de 1956 à 1962, plan des avions Cessna, statistiques comptables et d’effectifs de la SNAMH, statistiques comptables et d’effectifs de Reims Aviation.
- Sources publiées
- GIFAS (Groupement des industries aéronautiques et spatiales).
- Jane’s All the World’s Aircraft publiée chaque année par Janes’s Defence Data, Coulsdon, Surrey, United Kingdom, est la publication de référence mondiale.
- Sources orales
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Notes
-
[1]
Je dédie cet article à ma fille Madeleine, Mado Seiffert (1978-2008), auteur-illustratrice dont j’aurais tant voulu qu’elle illustre un de mes livres.
-
[2]
La guerre puis l’Occupation interrompirent son projet, pourtant déjà bien avancé (Delarue, 1993).
-
[3]
Pilote, héros de la Seconde Guerre mondiale.
-
[4]
De nombreux voyages de démonstration réussis eurent lieu comme en 1956, le French Planes Tour depuis l’Australie jusqu’en France, via le Cambodge ». Source : entretiens en 1990 avec Luc Oget, mécanicien d’essais en vol de 1950 à 1973.
-
[5]
L’avion d’apport, aujourd’hui baptisée « commuter », permet de transporter les voyageurs d’aéroports secondaires à des aéroports centraux, hubs, reliés entre eux par des longs courriers. On parle de réseaux hubs and spokes (moyeux et rayons).
-
[6]
Note d’information de la SNAMH, décembre 1960.
-
[7]
Apparu à la fin des années 1930, cet avion révolutionnaire avait fixé le standard de l’aviation de transport moderne (Ingelis, 1966). Il avait été produit à des dizaines de milliers d’exemplaires pour des usages civils puis militaires (Bower, 1986) comme lors des parachutages massifs du D Day en 1944 ou lors du pont aérien de Berlin en 1953.
-
[8]
Encore en 1962, comme le prouve le titre de ce document de Nord-Aviation : « Le Président du Civil Aeronautics Board américain demande d’urgence un avion à court rayon d’action ».
-
[9]
Le rendement des turbopropulseurs est bien supérieur à celui des moteurs à explosion.
-
[10]
L’État exigeait que les nouveaux turbopropulseurs soient des Bastan fabriqués par le motoriste français Turboméca, beaucoup plus longs à mettre au point que des turbines américaines.
-
[11]
Un appareil pressurisé peut voler plus haut, donc à l’abri des turbulences.
-
[12]
Convention n° 1 « Super-Broussard » du 5 octobre 1959 entre la SNAMH et Nord-Aviation pour la fabrication en série et la commercialisation par cette dernière du bimoteur MH 250 Super Broussard.
-
[13]
Accord du 16 février 1960 entre Cessna Aircraft Company et la Société Nouvelle des Avions Max Holste. Ces accords concernaient la fabrication sous licence d’avions légers à Reims et leur commercialisation en Europe.
-
[14]
« Holste accorde à Cessna une participation à 49 % à son capital. Il est convenu que Holste et Cessna s’imposeront de maintenir strictement les pourcentages respectifs de 49 % et 51 % fixés pour Cessna et pour le groupe Max Holste…».
-
[15]
Convention n° 2 « Super-Broussard » du 23 novembre 1960 entre la Société Nouvelle des Avions Max Holste et Nord-Aviation.
-
[16]
« Les modifications qui seraient éventuellement à apporter…, sont étudiées par un bureau placé sous l’autorité de Nord-Aviation ».
-
[17]
Compte rendu du conseil d’administration du 4 janvier 1961.
-
[18]
Compte rendu de l’assemblée générale du 9 août 1961.
-
[19]
Compte rendu du conseil d’administration du 21 février 1962.
-
[20]
Appareil propulsé par une hélice mais disposant aussi d’un rotor non motorisé, ce qui lui permet un décollage très rapide.
-
[21]
Selon, Noetinger (1978, p. 156), c’est avant guerre, au Brésil où il était né, que Clostermann pris connaissance par la presse aéronautique des projets d’Holste, et qu’il prit contact par correspondance avec lui.
-
[22]
Clostermann P. (1948). Cet ouvrage remarquable par son réalisme et son écriture efficace, a été traduit dans de très nombreuses langues et tiré à des millions d’exemplaires.
-
[23]
Jane’s All the World’s Aircraft (1965-1966), p. 13. Jane’s est la publication aéronautique mondiale de référence.
-
[24]
« En 1959, Marcel Dassault m’avait demandé d’accueillir, lors de leur arrivée en France, Lindbergh envoyé par la Pan Am, compagnie de lancement du Dassault Mystère 20, il était accompagné de Wallace, le patron de Cessna », Source entretien de l’auteur avec Pierre Clostermann, 3 juillet 1991.
-
[25]
Entretien de l’auteur avec Jean Pichon, P-DG de 1982 à 1989,1 février 1990.
-
[26]
Reims « Cessna » F-172, fabriqué comme aux États-Unis avec des méthodes standardisées empruntées à l’industrie automobile, fut vendu dans toute l’Europe. C’est avec ce petit monomoteur, qu’en 1987, le jeune allemand Matias Rust réussit à atterrir sur la Place Rouge. Il « démontra » ainsi les failles du système de défense antiaérienne soviétique; et aussi l’efficacité des avions simples et rustiques chers à Max Holste.
-
[27]
Pour Reims Aviation, dans un premier temps, l’augmentation de la part de la sous-traitance permettait de maintenir l’emploi, mais très vite les grands avionneurs, confrontés à une baisse de leur charge de travail décidaient de « rapatrier » la sous-traitance.
-
[28]
En fait, cet avion « nouveau » profitait des économies d’échelle et des effets d’apprentissage en utilisant des éléments de trois différents modèles de bimoteurs « Cessna » qui avaient déjà été construits à des milliers d’exemplaires. Cette approche d’hybridation anticipait ce que, vingt après, Renault a pratiqué avec succès avec la Logan.
-
[29]
Le concept anglo-saxon de commuter correspond exactement à celui « d’aviation d’apport ».
-
[30]
La Compagnie Française Chaufour Investissement avait été créée en 1987 par la famille Chauffour, après la vente des parts qu’elle possédait chez Dumez, à l’époque le numéro deux du BTP en France.
-
[31]
En n’investissant pas suffisamment pour passer de la position de sous-traitant à celle de partenaire coopérant, ce qui aurait permis de dégager plus de marge, le groupe semblait mener une politique de rendement financier à court terme, profitant des acquis de la période précédente.
-
[32]
La seconde société, appelée Reims Aerospace, reprenait les activités de sous-traitance. Malheureusement le succès n’allait pas être au rendez-vous. Le 22 mars 2005 Reims Aerospace déposait son bilan. Cependant, en 2006, l’entreprise allait être sauvée grâce à un partenariat avec EADS (Charton, 2006) et la reprise par Green Recovery. Les activités de Reims Aviation Industries et Reims Aerospace étaient contrôlées à nouveau par un même actionnaire.
-
[33]
Seule note d’optimisme, les trois quarts avaient été achetés par des compagnies régionales américaines qui en étaient très satisfaites. À l’étranger plusieurs avions entre 20 et 50 places destinés à remplacer le DC3 avaient connu de grands succès. Le plus réussi était le biturbopropulseur Fokker 27 Frienship dont le premier vol remontait à 1955 et produit à plusieurs centaines d’exemplaires.
-
[34]
Cette loi votée sous l’administration Carter, donc avant la grande vague de déréglementation de l’administration Reagan, dérégulait le transport aérien et favorisa ainsi la création de nombreuses petites compagnies aériennes.
-
[35]
Matériaux composites, motorisation et surtout électronique et informatique alors en plein développement, avec les innovations radicales introduites pour le pilotage de l’A 320.
-
[36]
On y analysait les projets concurrents. Le plus avancé était de loin le Brasilia d’Embraer, que nous évoquerons plus loin.
-
[37]
Or, le programme Airbus n’ayant pas encore donné de résultats tangibles, la priorité allait au développement de l’A 310 et surtout aux études de l’A 320, un appareil très innovant, qui allait donc mobiliser de gros investissements.
-
[38]
Dans le premier cas de figure on trouvait l’allemand Dornier, le Britannique Shorts, le Canadien De Havilland; et dans le second le suédois Saab allié à l’américain Fairchild, l’espagnol Casa allié à l’indonésien Nurtano.
-
[39]
Comme on va le voir, Embraer faisait partie des constructeurs qui avaient fait le pari d’abandonner les turbopropulseurs pour se lancer sur les jets. L’entreprise brésilienne travaillait sur le projet d’un biréacteur de 45 places, l’Embraer 145.
-
[40]
L’industrie allemande avec Dornier qui avait repris Fokker cherchait à rassembler les constructeurs d’aviation régionale.
-
[41]
Avec des pales plus nombreuses, fabriquées avec de nouveaux matériaux composites, des profils plus aérodynamiques, les hélices avaient un bien meilleur rendement, et causaient bien moins bruit et de vibration.
-
[42]
“The Banderante twin turboprop light transport was developped by a Brasilian design team under the leadership of Mr Max Holste”, Jane’s, 1966-1967, p. 13.
-
[43]
Une compagnie régionale américaine Atlantic Southeast Airlines (ASA) acheta le premier des 350 appareils qui allaient être commandés par la suite.
-
[44]
Aujourd’hui Alenia Aeronautica filiale du groupe Finmeccanica.
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[45]
Premier vol le 11 août 1995
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[46]
En 2002, une coopération avec la China Aviation Industry Corporation II (AVIC II) permit la création de la Harbin Embraer Aicraft Industry Co. Ltd. (HEAI), permettant la construction et la vente d’avions Embraer ERJ-145 sur le marché chinois.
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Un pari, du portugais apostar, risquer.
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Comme l’écrit Diderot : « Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde (…) Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? (…) et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. » Jacques le Fataliste, 1773.