Couverture de RFG_184

Article de revue

Faut-il globaliser la formation des managers ?

Pages 7 à 8

Notes

  • [1]
    Nioche J.-P. (coord.), Revue française de gestion, vol. 33, n°178-179, novembre-décembre 2007.
  • [2]
    Durand T. et Dameron S. (Ed.), The Future of Business Schools. Scenarios and Strategies for 2020, Palgrave-MacMillan, Houndmills (UK) and New-York, NY (USA), 2008.

1Le sujet n’est pas nouveau mais il s’impose aujourd’hui de façon évidente. Les managers de demain auront le monde pour horizon. Ils devront partager le langage et la culture de ceux avec qui ils devront décider, coopérer ou négocier. Déjà se pose la question de la langue. Un récent éditorial de la revue s’intitulait : « Les scientifiques doivent-ils continuer à écrire en français ? ». Pour beaucoup de managers, la question est dépassée. Beaucoup de conseils de direction de grandes et moyennes entreprises se déroulent déjà en anglais. Et le temps n’est pas loin où ceux qui ne maîtriseront pas la langue de Shakespeare ne seront plus que des managers – voire des citoyens – de second ordre. Les meilleures écoles françaises de gestion l’ont bien compris qui ont internationalisé et anglicisé leur recrutement de professeurs et d’étudiants en collant de près aux standards quasi universels du « MBA ».

2L’importance et l’actualité de ce thème sont attestées par deux publications majeures. La Revue française de gestion a consacré son numéro spécial de fin 2007 à « l’éducation au management face aux défis du XXIe siècle » [1]. Un livre, suscité à l’origine par la Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises (Fnege), écrit par deux enseignants français de gestion traite de ce sujet en l’élargissant à l’Europe, voire au monde [2]. Que retenir de ces deux ouvrages ?

3Dans le monde de l’éducation au management devenu multipolaire, les établissements français risquent d’être dominés et marginalisés s’ils se contentent d’imiter les business schools américaines et leurs clones qui apparaissent dans les pays qui connaissent un développement rapide, s’inquiètent Thomas Durand et Stéphanie Dameron. « La recommandation pour l’Europe est donc une combinaison de stratégies de rattrapage et de différenciation » affirme Jean-Pierre Nioche. Les principales Écoles montrent la voie mais la très grande majorité des institutions universitaires ne disposent ni des ressources, ni des libertés de manœuvre indispensables. L’autonomie des institutions universitaires ne s’inscrira dans leurs choix stratégiques que lorsqu’elles disposeront d’une réelle maîtrise des seuls moyens qui comptent : les personnels. À cet égard, la loi de juillet 2007 sur l’autonomie des universités n’ouvre que des perspectives limitées.

4Si les institutions françaises étaient dans l’incapacité de jouer leur partition dans le concert global, Durand et Dameron imaginent trois autres scénarios du futur. Faudra-t-il que les institutions s’enlisent par manque de moyens et de perspectives ? Qu’elles divergent entre celles qui produisent des connaissances et celles qui arrondissent leurs revenus en stimulant et divertissant des managers ? Qu’elles perdent leur identité et leur autonomie dans des réseaux mondiaux peu visibles ? Aucune de ces trois alternatives n’étant satisfaisante, deux leviers de développement semblent privilégiés : la recherche et l’insertion dans les débats de société.

5L’excellence en recherche est considérée comme un des moyens d’entrer dans le peloton de tête des grandes institutions mondiales de formation des managers. Les classements des institutions par de grands journaux économiques comme le Financial Times et Business Week prennent en compte les publications de recherche dans les plus grandes revues anglo-saxonnes. Le succès de ces classements témoigne du développement de la concurrence et de la mondialisation de l’éducation au management mais contraint les chercheurs à s’aligner sur le modèle des grandes revues académiques internationales.

6Ceci pourrait expliquer pourquoi les gestionnaires sont étrangement absents des débats de société. La distance croissante entre la recherche académique en gestion et son utilité sociale pour les praticiens fait partie des explications plausibles de ce phénomène. Comment pourrait-on réconcilier chercheurs et praticiens ? En orientant la recherche vers « la conceptualisation des pratiques innovatrices des entreprises »? En évitant la « dérive méthodologique »? En faisant fides « ratings » du Financial Times qui renforcent des tendances naturelles à l’isolement des corps professoraux ?

7Bien sûr, il faut globaliser l’éducation des managers. Mais l’ouverture au monde ne devrait pas s’accompagner de la fermeture sur les entreprises et sur la société.


Mise en ligne 23/06/2008

Notes

  • [1]
    Nioche J.-P. (coord.), Revue française de gestion, vol. 33, n°178-179, novembre-décembre 2007.
  • [2]
    Durand T. et Dameron S. (Ed.), The Future of Business Schools. Scenarios and Strategies for 2020, Palgrave-MacMillan, Houndmills (UK) and New-York, NY (USA), 2008.
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