Notes
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[1]
Les dispositifs cognitifs sont définis comme des « ensembles organisés et finalisés d’objets intellectuels, articulés entre eux et distribués dans l’espace à des fins de production de biens ou de connaissances » (Poitou 1997).
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[2]
Un objet intellectuel est défini comme la capacité à susciter des démarches intellectuelles pratiques et techniques inhérentes aux objets artificiels (Janet, 1936). L’idée étant que la manipulation d’un objet apporte non seulement la connaissance de l’objet, mais développe ou améliore les capacités cognitives, de sorte que le sujet peut étendre à de nouveaux objets les processus cognitifs développés à l’occasion de la découverte de l’objet, et grâce à lui. Par exemple, lorsqu’une entreprise acquiert des biens d’équipement, en tant qu’entité socio-économique, elle n’apprend rien, mais elle acquiert des objets intellectuels qui sont susceptibles de développer les capacités intellectuelles des membres de son collectif de travail.
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[3]
Le rôle de l’encadrement intermédiaire est particulièrement souligné par les auteurs (management milieu hautbas) pour structurer des liens entre la vision de la direction générale et les intentions d’innovation émergente.
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[4]
Principalement auprès des directeurs d’unité (plusieurs localisations de l’entreprise), de la direction des ressources humaines, des chefs de groupe technologique, des responsables de projet, de quelques employés de R&D.
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[5]
Pour des raisons de confidentialité des données l’entreprise apparaît sous forme anonyme.
-
[6]
Un laboratoire est souvent composé de plusieurs unités dispersées géographiquement.
-
[7]
Les employés suivent par la suite un minimum de cinq journées de formation par an parmi toute une panoplie disponible (formations technique et de management, formations sur mesure, formation à la qualité, campagnes de mobilisation sur les objectifs stratégiques).
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[8]
Ce référentiel est construit de manière à apprécier les actions objectives de l’employé (participation aux innovations réalisées, dépôts de brevets et publications scientifiques et techniques) et ses capacités de diffusion de la technologie (impact technique sur le potentiel de son équipe, capacité à partager ses connaissances et à réutiliser des technologies existantes).
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[9]
L’étendue et la densité de ce réseau sont définies subjectivement par le candidat.
1Alors que les approches qui considèrent la connaissance comme un objet susceptible de formalisation proposent des méthodes pour capturer le savoir-faire accumulé et le rendre disponible (Klemke, 1999; Kühn et Abecker, 1997; Dieng, 2000), les approches plus réservées vis-à-vis de ces démarches ne proposent pas vraiment d’analyse des outils de gestion des connaissances. Une grande part des travaux portant sur le management des connaissances est en effet structurée par l’importance des dimensions de contexte sans pour autant définir les outils de gestion qui pourraient faciliter la mémorisation et la diffusion des connaissances.
2Tout porte à croire que nous sommes en présence de deux approches antinomiques à l’égal de l’opposition classique entre créativité et contrôle. Pour les uns la connaissance serait une ressource comme les autres dont la codification et le transfert pourraient s’envisager sans limitation critique, et de préférence au moyen d’outils informatiques. Pour les autres la connaissance serait avant tout tacite, ce qui ne permettrait d’envisager sa diffusion que dans le cadre de conditions facilitantes. Nous ferons le constat que ces approches entretiennent en fait une incompréhension mutuelle. Si on admet volontiers que la connaissance n’est pas une ressource comme les autres, on ne peut éluder la question de l’instrumentation. Ce postulat d’antinomie provient d’une certaine conception des outils de gestion qui ne semble pas représenter la plus grande partie des actes de management. Une conception classique de l’instrumentation établit une coupure nette entre d’une part, la créativité individuelle et l’autonomie, et d’autre part, les outils de gestion assimilés au contrôle et à la bureaucratie. Transposer cette conception au domaine du management des connaissances ne permet pas de comprendre comment les entreprises peuvent tout à la fois organiser des espaces de création de connaissances et définir des outils permettant de mémoriser et réutiliser ces connaissances. En dépassant cette approche normative de l’instrumentation, nous souhaitons démontrer, qu’au-delà de leur création, les connaissances font l’objet d’une véritable gestion. Établir ainsi les modalités d’émergence et de traitement des connaissances dans une organisation permet de se situer dans une dynamique de cycles d’exploration et d’exploitation dans laquelle les outils de gestion tiennent un rôle interactif entre créativité et contrôle. Nous procéderons pour cela en deux étapes. Dans la première nous définirons le cadre théorique qui a été choisi afin d’étudier les relations qui s’établissent entre création de connaissances et outils de gestion. Dans la seconde nous examinons à l’aide d’une étude de cas les dimensions dans lesquelles se déploient de manière conjointe les activités de création et les actes de contrôle en matière de connaissances technologiques.
I. – ESPACES DE CRÉATION DE CONNAISSANCES ET OUTILS DE GESTION
1. Une définition « dialogique » des connaissances pour traiter de la « gestion des connaissances »
3Définir et mobiliser la notion de connaissance est faussement trivial, tout autant que l’assimilation de l’apprentissage cognitif dans une organisation sociale à la métaphore biologique de l’apprentissage. Nous adopterons une définition « dialogique » des connaissances en suivant les approches qui considèrent ces dernières comme fortement dépendantes de leur contexte de création et de diffusion. Ces approches sont conduites par les chercheurs en sciences sociales qui adoptent une démarche anthropologique afin d’analyser les processus cognitifs individuels et collectifs. De nombreux auteurs semblent s’accorder sur le fait que « les connaissances se construisent et fonctionnent dans des échanges de coopération productive entre les hommes, mais tout autant dans les interactions entre ceux-ci et les dispositifs cognitifs [1] au sein desquels ils œuvrent » (Poitou, 1997). De la même manière, Vinck (1997) caractérise les connaissances comme des « statues » signifiant ainsi qu’elles sont « indissociablement forme et matière ».
4Dans le cadre des activités industrielles, la distribution des connaissances au sein des organisations est assurée au travers de la division technique et la division sociale du travail (Poitou, 1996). Cette distribution est structurée par les rapports de force entre les partenaires, et constamment remodelée par les évolutions conjoncturelles entre ceux-ci et les objets intellectuels [2] mis en œuvre au sein de la base technologique de l’entreprise. La disposition des connaissances au sein d’une organisation n’est donc jamais stable, puisque les rapports des membres de l’organisation à leurs outils, comme les rapports de ces derniers entre eux sont constamment exposés à des redistributions. Voici donc les connaissances « situées » dans un univers cognitif et social de production et de diffusion, qu’en est-il alors de leur gestion ?
5À partir de l’inventaire des connaissances mises en œuvre dans un dispositif, et de leur répartition entre l’acteur et son outillage, le dialogue entre l’homme et les différents outils de son environnement est organisé au moyen d’un type particulier de compétences, nommé « savoir s’y prendre » par Poitou (1996). Les outils, instruments et procédures de gestion qui sont insérés dans cet apprentissage dialogique, afin d’aider l’acteur dans son travail, représentent une manière de distribuer les connaissances au sein du dispositif actuel ou nouveau. Ceci impose chez l’acteur des transformations de compétences, des évolutions dans son « savoir s’y prendre ». En définitive, la compréhension du fonctionnement du dispositif nécessite celle des ajustements de conduites qu’il requiert des acteurs (Poitou, 1992).
6Dans une perspective davantage collective, examinons maintenant ce qui a contribué à rendre prioritaire la question du management des connaissances.
2. La diversification au centre du management des connaissances
7Cette question est dominée par le développement de la diversité des sources de connaissances. Parmi une littérature abondante, nous limitons le propos aux pratiques concernant plus particulièrement les activités de R&D. C’est dans le cadre de ces activités que nous développons, dans une deuxième partie, l’analyse de la diffusion des connaissances au sein de l’entreprise qui constitue notre cas de référence.
8Dans ce domaine, deux grands facteurs sont répertoriés et analysés de manière régulière. Les travaux spécialisés prennent appui sur les études relatives à la mémoire organisationnelle (Stein et Zwass, 1995) afin d’établir que les connaissances sont réparties entre des processus de gestion, des individus, des artefacts et des organisations partenaires. Ces connaissances ne sont jamais centralisées en un seul lieu, mais réparties entre différentes parties de l’organisation (Walsh et Ungson, 1991). Deux sources de diversification cognitive sont alors étudiées : d’une part, le temps des activités qui s’accélère; d’autre part, l’espace des activités qui s’étend, mais surtout se densifie. Cette diversification semble s’être accélérée au cours des années 1990, posant de fait des problèmes d’organisation et de régulation. Il est possible d’en faire une présentation synthétique (cf. tableau 1).
TEMPS ET ESPACE DE LADIVERSIFICATION COGNITIVE
TEMPS ET ESPACE DE LADIVERSIFICATION COGNITIVE
9Le constat de diversité des sources d’élaboration des connaissances étant établi, examinons enfin quelles sont les modalités de management qui s’offrent aux entreprises et comment elles sont mises en œuvre.
3. Gérer les connaissances ou les espaces de création ?
10Les travaux relatifs aux approches et moyens à mettre en œuvre afin de traiter les savoirs produits dans et hors l’entreprise tendent aujourd’hui à nettement diverger. Ils peuvent se ranger selon deux grandes options conceptuelles.
- Les connaissances sont appréhendées comme des objets : c’est le contrôle de la formalisation et de la diffusion des connaissances pour l’organisation qui est privilégié
- Stein et Zwass, 1995) ; le système informatique permet dans ce cas de capturer le savoir-faire accumulé et le rendre disponible (Kühn et Abecker, 1997; Klemke, 1997). Cette première option s’apparente à celle de la mémoire documentaire, c’est-à-dire un ensemble de fiches décrivant les documents utiles à l’organisation (Fondin, 1998).
- Les connaissances sont davantage pensées en termes de processus : la connaissance, inséparable de l’action, peut difficilement faire l’objet d’un stockage ou d’une mémorisation fidèle. En fait, seuls les participants à une action précise mémorisent leur expérience sans se préoccuper directement de la question de la diffusion. À cet effet il est préférable de raisonner en termes d’« espace de création de connaissances » (Nonaka et Takeuchi, 1997). Cet espace secrète un mode de fonctionnement pour lequel rien n’est a priori conçu pour capitaliser les fruits de l’expérience. La diffusion passe en fait par d’autres voies : pour certains, elle peut utiliser explicitement des fonctions de relais au sein de l’organisation (Nonaka et Takeuchi, 1997) [3]. Pour d’autres, il s’agit de prendre « soin » des relations et plus largement des conditions organisationnelles dans lesquelles se réalise la création de connaissances (Von Krogh, 1998).
12Cette option conceptuelle attribue aux espaces de création des propriétés – la coopération comme mode d’existence du groupe, le don plutôt que le calcul, l’exploration des ressources plutôt que leur contrôle – qui se situent en contrepoint de l’option précédente.
13Ces différences conceptuelles peuvent être présentées à l’aide du tableau 2. Nous y regroupons d’une part, les démarches les plus courantes en matière d’objectivation : les méthodes de type « mémoire de projet » ainsi que les méthodes d’ingénierie des connaissances de type « capitalisation » ou « livret de connaissances » ; d’autre part, les orientations davantage processuelles de management : les espaces de création de type « BA » ou bien les communautés sociales ou épistémiques.
14L’opposition entre créativité et contrôle dans la gestion des connaissances mérite d’être questionnée. Ces deux logiques ne peuvent-elles pas cohabiter, ou encore se développer de manière simultanée dans un même processus de management ? Le déroulement des projets d’innovation fournit à ce titre un moyen d’exploration fertile.
CRÉATION OU CONTRÔLE DANS LAGESTION DES CONNAISSANCES?
CRÉATION OU CONTRÔLE DANS LAGESTION DES CONNAISSANCES?
4. Le management de projet : entre créativité et contrôle ?
15Le management de projet s’inscrit dans une démarche de dépassement de la séquentialité et du cloisonnement des opérations relevant des structures fonctionnelles. Il s’agit d’accélérer le développement de produits ou de services nouveaux en favorisant la prise de décision rapide (Larson et Gobeli, 1988; Clark et Wheelwright, 1992). Il faut pour cela permettre que des ajustements mutuels se développent au sein des groupes de travail. Ces groupes sont par nécessité diversifiés tout en étant orientés vers un même but, leur constitution ainsi que leurs moyens de coordination sont temporaires (Declerck et al., 1983). Il s’agit alors d’organiser les conditions de la créativité : « le projet consiste à organiser la convergence d’expertises professionnelles différentes et complémentaires les unes des autres en construisant la relation entre des métiers pointus » (Garel et al., 2003).
16Les outils de gestion qui sont consacrés au management de projet n’interviennent pas directement dans les relations qui s’opèrent entre les membres d’un projet. Ils tentent plutôt d’influencer le contexte de production de l’innovation en veillant au respect des délais, des coûts et de la fiabilité technique du résultat. L’utilisation de ces outils peut de ce fait prendre des orientations très contrastées : au travers du jalonnement et du contrôle de gestion des projets (Ecosip, 1993; Gautier, 2003), des règles de priorité entre métiers et projet (Charue et Midler, 2001), ou encore des modalités de coordination des différents travaux : coordination séquentielle, ingénierie concourante (Midler, 1993; Declerck et al., 1983; Clark et Wheelwright, 1992).
17Il existe un vrai débat pour savoir si les projets favorisent la créativité ou bien bureaucratisent les activités de R&D (Le Masson, 2001). En effet, d’un côté le projet se traduit par la définition d’une équipe de travail animée par un chef de projet, et chargée de créer une réalité nouvelle (construction, produit, concept, service), mais d’un autre côté, cet espace temporaire de création est sous influence : celle des métiers, du système d’information et de gestion de l’entreprise, des objectifs poursuivis et de l’intervention des clients.
18Les employés n’arrivent pas « seuls » au sein d’un projet, ils l’occupent avec les savoirs qu’ils mettent au point et consolident continuellement au sein de leur département et métier d’appartenance. Le système d’information et de gestion pénètre également la structure et le fonctionnement des projets en mettant à disposition des possibilités (information technique, formation, partenaires externes) et en soumettant les différentes ressources à des évaluations répétées (évaluation individuelle des employés, contrôle budgétaire). Enfin, les objectifs du projet portent la demande de clients internes ou externes et viennent contraindre les actions au travers du triptyque coût-qualité techniquedélai.
19Le développement de deux exemples permet de prendre plus précisément la mesure de cette ambivalence entre créativité et contrôle.
- La revue de projet permet, de manière régulière, l’enregistrement des travaux réalisés et l’identification des écarts avec le calendrier et le résultat prévisionnels. La définition des écarts permet d’orienter les activités, de les consolider ou d’y mettre un terme. La production d’information organisée au moyen de cette revue de projet remplit une fonction directe de régulation du projet, mais elle autorise également l’extraction de connaissances depuis les projets vers leur périphérie (métiers, autres projets concomitants ou futurs). Autrement dit une revue de projet peut exercer, surtout pour les étapes les plus avancées, à la fois une fonction de capitalisation et une fonction de diffusion des connaissances.
- Le chef de projet supporte la responsabilité de la conduite et de la réussite du projet. Si ce dernier est évalué par l’outil de gestion qui vient d’être présenté, il n’en va pas de même pour les acteurs du projet. Ceux-ci font l’objet d’une évaluation individuelle au travers d’une procédure pilotée par la direction des ressources humaines. Pour autant le rôle du chef de projet n’est pas neutre. Non habilité et non formé pour évaluer des employés, il a en fait la possibilité d’intervenir dans la procédure d’évaluation en qualité de manager partenaire de ses collègues des ressources humaines (Martin et Paraponaris, 2003). Les informations qu’il peut élaborer et fournir, dans le cadre d’une procédure « ouverte » d’évaluation des employés, sont d’autant plus appréciées qu’il est l’un des rares managers collaborant régulièrement avec les acteurs du projet.
21Ces deux cas expriment la simultanéité des situations de créativité et de contrôle qui se développent à l’occasion d’un projet. Ils expriment également les rôles multiples que peuvent tenir les outils de gestion. Ces rôles font l’objet d’une conceptualisation qu’il est possible de mobiliser pour le management des connaissances.
5. L’ambidextrie des outils de gestion
22Une conception « ambidextre » (nous tirons l’expression de Duncan (1976) et de Tushman (1996)) du management des connaissances devient compréhensible et valide pour autant que l’on accepte de ne pas opposer trop brutalement création et contrôle.
23Comme l’analyse David (1998), les travaux fondateurs les plus anciens ont attribué aux outils de gestion un rôle normatif, parfois source de dysfonctionnements. L’outil est opposé au relationnel, il est conçu comme moyen de contrôle des organisations et non pas de création. Cette conception normative a été héritée de la définition webérienne de l’organisation rationnelle – légale. Il s’agissait à l’époque de définir une légitimité aux organisations naissantes notamment en séparant la fonction assurée de la personne qui l’occupe. Dès que les conditions de stabilité de l’activité n’ont plus été réunies, les organisations ont du se concevoir avec davantage d’autonomie et d’incertitude. On ne compte plus les travaux ayant analysé cette évolution de l’organisation des activités ainsi que les méthodes de management se proposant de distribuer la prise en charge de l’incertitude de manière décentralisée. Face aux conditions de création de connaissances dans les organisations contemporaines, la légitimité rationnelle devient caduque.
24Une autre conception des outils de gestion s’est développée afin de rendre compte de manière explicite des nouvelles relations qui se sont structurées entre outil et action. Elle participe du constat que toute situation de gestion est prise en charge par des outils (Girin, 1990). Selon cette approche les outils relèvent d’une conception interactive et non normative des rapports de prescription (David, 1998; Hatchuel, 1994). Ils sont le produit de la volonté d’agir sur une situation. Si toute instrumentation poursuit un objectif d’incitation et de contrôle des actions, elle constitue aussi un moyen de s’informer et d’enrichir la représentation des organisations par les décideurs. Ces deux orientations ne sont pas contradictoires. C’est même en soumettant l’expérimentation des outils auprès des acteurs que le manager se met en situation d’apprentissage.
25On peut ainsi donner de l’outil de gestion une définition opérationnelle et non rigide : « ensemble de raisonnements et de connaissances reliant de façon formelle un certain nombre de variables issues de l’organisation et destinées à instruire les divers actes classiques de la gestion » (Moisdon, 1997). Un outil de gestion peut assumer plusieurs rôles (David, 1998, p 55). Le plus reconnu tient dans la conformation afin d’atteindre un optimum défini initialement. Mais il peut aussi permettre d’étudier le fonctionnement de l’organisation (opération révélant les facteurs qui déterminent le fonctionnement organisationnel et aidant à les dépasser ou les changer). Il accompagne parfois le changement en servant de support pour la construction progressive de représentations partagées. Enfin, il peut autoriser l’exploration de trajectoires nouvelles en questionnant et transformant les savoirs techniques en vigueur au sein de l’entreprise.
26Cette conception de l’outil place le manager dans une position qui est particulièrement riche d’enseignements. Comme l’ont souligné les travaux de Schön (1983, 1987), la position du manager est une position d’ordre mais aussi de représentation des situations. Celui-ci se met en état de comprendre la situation d’interaction qui le lie à ses subordonnés dans une situation précise de gestion afin de leur proposer des manières d’agir. L’acte de prescription ne se résume pas à une mise en ordre mais s’étend à un « acte réflexif ». L’outil de gestion incarne alors la construction d’un espace commun de décision. L’outil ne résume pas la totalité des actes de gestion, il fixe plutôt un cadre d’action qui peut se voir enrichi ou infléchi par les décisions des acteurs auxquels il s’adresse. La définition des outils est incomplète par nécessité. Le rôle des utilisateurs, ou de ceux qui font l’objet d’un contrôle au travers d’eux, consiste à les enrichir par leur expérience et leur jugement. Il s’agit d’un apprentissage croisé entre concepteur et utilisateur de l’outil (Hatchuel, 1994). Ce n’est pas seulement le second qui s’adapte aux exigences de l’outil en réalisant un apprentissage plus ou moins complexe, c’est aussi le premier qui apprend les limites de sa conception et travaille à la perfectionner. Autrement dit les outils de gestion constituent une référence par rapport à laquelle l’analyste confronte les comportements observés de certains acteurs. Une telle confrontation lui permet de construire avec ces acteurs une vision des contraintes et des objectifs par rapport auxquels ils opèrent ensemble (Hatchuel et Molet, 1986).
27Cette approche de l’instrumentation de gestion facilite en grande partie la compréhension du fonctionnement des organisations basées sur la diffusion de l’expérience en ce qu’elle permet de dépasser le postulat d’antinomie entre création de connaissances et outils de capitalisation. Nous retrouvons également la conception dialogique de la gestion des connaissances développée précédemment.
28De ce point de vue, l’ambidextrie des outils de gestion des ressources humaines représente un domaine peu exploré. Nous proposons d’envisager la question à l’aide d’une étude de cas relatant l’instrumentation de gestion des connaissances d’une entreprise multinationale.
II. – CRÉATION DE CONNAISSANCES ET OUTILS DE GRH DANS UNE MULTINATIONALE
29Les relations qu’entretiennent la dynamique de création des connaissances et les outils de gestion des ressources humaines sont illustrées par une étude de cas. La stratégie de l’entreprise multinationale que nous avons choisie est basée sur l’innovation technologique. La création de nouvelles connaissances technologiques constitue le moteur de ses activités qui se structurent autour de la définition des usages des clients et du développement des produits avec les partenaires internes répartis dans différentes filiales.
30Après avoir précisé la méthodologie utilisée, nous présentons l’organisation des activités R&D et notamment la vision qui préside à la structuration des espaces de création des connaissances. Nous analysons ensuite les rôles des différents outils de gestion élaborés au sein de cette entreprise dans le but de capitaliser et de diffuser les connaissances, nous apprécions à cette occasion le statut des outils de gestion des ressources humaines. Nous terminons cette analyse en distinguant les enseignements que l’on peut retirer de l’instrumentation développée par cette entreprise.
1. Méthodologie
31L’étude prend appui sur une méthodologie de recherche qualitative, elle a été conduite et approfondie suivant les principes du cadre contextualiste (Pettigrew, 1987).
32Le choix qualitatif se justifie par une perspective de recherche assez peu traitée dans la littérature, ayant pour objectif la compréhension d’un phénomène social complexe dans son contexte. À ce titre, l’étude de cas est la méthode la plus appropriée (Stake, 1994; Yin, 1984). Elle consiste à mener une analyse approfondie d’une situation unique rapportée à de nombreuses dimensions. La démarche adoptée s’inspire des principes de la théorie enracinée telle qu’elle a été développée par Glaser et Strauss (1967). Bien que basé sur des construits théoriques préalables, le recueil de données ne vise pas à tester des hypothèses, mais à rassembler des éléments qui permettront la mise en discussion des théories disponibles et, éventuellement, la formulation de nouvelles propositions. La théorie enracinée peut ainsi être définie comme « une méthodologie générale pour développer une théorie qui est enracinée dans des données rassemblées et analysées de façon systématique » (Strauss et Corbin, 1994). Il s’agit d’une démarche très itérative et fortement liée aux données : la théorie évolue au cours de la recherche et ceci se réalise par un chevauchement continu entre l’analyse et la collecte de données.
33Le cadre d’analyse contextualiste défini par Pettigrew nous fournit quant à lui la possibilité de situer l’utilisation des outils de gestion des ressources humaines au sein du système de décision et d’animation impliquant plusieurs processus et acteurs. Ce cadre permet d’étudier les processus de changement organisationnel en distinguant domaine ou contenu du changement, contexte et processus de ce même changement. De cette manière, les évolutions des outils de gestion peuvent être appréhendées au regard de la formulation des besoins d’organisation et des interactions entre les différentes unités de décision. L’analyse du contexte et des processus permet enfin de limiter la censure des données relatives à l’objet d’étude. En ne désignant pas a priori un acteur principal, ou bien un usage exclusif des outils de gestion des connaissances, mais en analysant les différentes dimensions de l’organisation d’une activité, on se donne les moyens d’identifier plusieurs responsabilités dans la mise en œuvre des outils de gestion.
34L’étude qui a permis la réalisation de ce cas s’est déroulée en trois étapes. Deux sites principaux ont été étudiés sur le territoire français : l’un implique environ 500 salariés dans des activités de développement technologique, l’autre seulement 50 pour des activités de recherche fondamentale.
35La première étape a été réalisée au moyen d’observations et d’entretiens informels de décembre 1999 à février 2000 (phase d’immersion et de prise de connaissance du contexte) ; la seconde sous forme d’entretiens semi-directifs centrés de mars 2000 à juin 2001 (phase de formalisation du contexte et de compréhension des processus de création et de contrôle). Dans un troisième temps, la présentation de notre étude au sein de l’entreprise [4] a suscité des discussions et de nouveaux entretiens semi-directifs centrés jusqu’en janvier 2003 (phase de formalisation des processus visés et élaboration des enseignements en termes d’usages des outils de gestion des ressources humaines) [5].
2. Contexte de l’instrumentation de la gestion des connaissances
36L’entreprise (dénommée ici Electro) emploie 130000 personnes dans 45 pays dont 10000 en R&D (3100 personnes en France dont 900 en R&D). Créée en 1928, elle se situe parmi les leaders mondiaux pour les produits de communication personnelle et les semi-conducteurs.
37L’entreprise a connu trois grandes périodes d’organisation de sa fonction R&D qu’il faut présenter afin de comprendre le contexte dans lequel se déploient les processus étudiés.
38L’organisation actuelle associe de très nombreux espaces de création des connaissances, des directions technologiques ainsi qu’une « communauté technique interne ».
TROIS PÉRIODES D’ORGANISATION DE LA R&D MONDIALE CHEZ ELECTRO [6]
TROIS PÉRIODES D’ORGANISATION DE LA R&D MONDIALE CHEZ ELECTRO [6]
39Les espaces de création prennent le plus fréquemment la forme de projets de R&D et d’alliances technologiques. Chaque unité de R&D conduit simultanément plusieurs projets de développement de produits et participe, de manière exclusive ou en association avec d’autres unités, à un petit nombre d’alliances technologiques. Le contrôle de gestion des projets s’effectue au moyen d’outils sensiblement similaires à ceux présentés ci-dessus.
40Les directions technologiques sont réparties mondialement sur les différentes unités de R&D et de production. Elles mettent en œuvre les orientations technologiques définies par la direction générale basée aux États-Unis, et sont incitées à affirmer leur légitimité en absorbant les connaissances produites dans les autres unités. Ces directions technologiques se déclinent en groupes technologiques, elles incarnent les métiers de l’entreprise dans la durée, participent à l’accumulation des connaissances techniques et fonctionnent ainsi comme des points de repère pour les acteurs engagés dans les projets.
41La « communauté technique interne » rassemble 300 ingénieurs seniors qui sont en charge de la prospective et de la veille technologiques du groupe. C’est une assemblée consultative pour la direction générale qui définit ses modalités de capitalisation des connaissances en disposant de relais d’information au travers des unités (directeurs d’unité, de groupe technologique, chefs de projet). Cette communauté fonctionne au moyen de meetings, de forums technologiques et d’échanges électroniques.
42Enfin, deux impératifs semblent fortement structurer la dynamique des échanges au sein de l’entreprise, ils sont véhiculés par les lignes hiérarchiques. Il s’agit des impératifs « diffusion de l’expérience » et « évaluation des actes de conception ».
- La pratique de diffusion est justifiée par le fait que, l’activité de conception étant collective, il est nécessaire d’opérer un partage des connaissances soit selon une unité de lieu lorsqu’il s’agit de projets ou d’alliances technologiques conduits à partir d’un site particulier, soit à l’aide d’un réseau au travers des différents sites lorsque projets ou alliances sont disjoints.
- La contrainte d’évaluation s’adresse aussi bien au responsable de projet qui doit atteindre ses objectifs et respecter son calendrier de réalisation qu’à l’ingénieur qui propose le choix d’une solution technique particulière. Chacun dans l’entreprise doit ainsi accepter de s’impliquer dans des échanges dans le but de délivrer en quelque sorte sa représentation de la technologie et de faciliter la combinaison de technologies qui conduit progressivement à l’innovation.
3. Les processus de gestion en jeu dans la capitalisation et la diffusion des connaissances
44Les outils de gestion qui participent à la dynamique des connaissances ont été définis et affinés au cours des différentes restructurations de l’entreprise. Nous souhaitons mettre en évidence deux de leurs propriétés essentielles :
- ils sont mis en relation afin de synthétiser l’information relative à la création de connaissances. Cette mise en relation est d’une part, assurée par plusieurs évaluateurs ou prescripteurs qui rapportent leurs informations au niveau de la « communauté technique interne » ; et d’autre part, animée par les deux impératifs de diffusion et d’évaluation (la vision de l’organisation de R&D) qui favorisent une certaine continuité entre les différents espaces de création;
- ils sont au service de plusieurs finalités : chacun des outils examinés n’a pas été exclusivement conçu pour gérer les connaissances, mais pour assumer plusieurs objectifs (contrôle d’une activité, gestion des compétences ou invitation à s’impliquer).
Un outil d’acquisition primaire de connaissances et un outil d’acculturation à la diffusion : le stage et la formation d’accueil
45L’entreprise utilise les services de nombreux stagiaires : élèves-ingénieurs ou étudiants de doctorat. Ces stages sont destinés à faciliter les recrutements de chacune des unités de R&D, mais ils permettent aussi d’incorporer directement des connaissances techniques au sein des projets de conception. Electro a en effet établi des collaborations de longue durée avec des laboratoires publics de recherche qui lui permettent d’accueillir ces étudiants qui réalisent une formation d’ingénieur (stage de six mois) ou un travail doctoral (stage de deux à trois ans). Les stagiaires sont affectés au sein d’équipes-projet, ils permettent d’assurer 50 à 60 % des nouveaux recrutements. Le stage est ainsi conçu comme un moyen de recrutement permettant d’évaluer les personnes selon leurs compétences et leurs attitudes au sein d’une activité concrète. Le stage fonctionne également comme un vecteur d’alliance technologique puisque le stagiaire permet l’accès aux ressources cognitives et à l’expertise de son laboratoire d’appartenance.
46À l’issue du recrutement, les nouveaux employés suivent une première formation [7]destinée à orienter leur socialisation dans l’entreprise. Cette formation a pour finalité explicite de transmettre la vision structurée autour des impératifs de diffusion et d’évaluation. Le programme de formation est construit autour des notions de « développement personnel » et de « responsabilisation ». Le développement personnel est présenté comme le moyen d’associer les objectifs productifs de l’unité et les aspirations professionnelles des ingénieurs. En contrepartie chacun doit s’engager à démontrer ses capacités à coopérer au sein d’équipes en privilégiant l’obtention de résultats tangibles. Comme le souligne l’un des directeurs d’unité : « il faut que les salariés soient associés systématiquement aux procédures d’évaluation et qu’ils en viennent à générer eux-mêmes l’évaluation de leurs actions. Cette préoccupation est conduite dans un but de performance globale qui privilégie la gestion du temps et les objectifs durables ». Ce type de formation consiste donc à préparer les employés à « jouer le jeu » des échanges et du bilan d’activité dans la perspective de diffuser leur expérience.
Deux outils d’identification des connaissances : l’entretien trimestriel d’appréciation des employés et l’entretien annuel
47Au cours de leur carrière, les employés de R&D sont effectivement conduits à réaliser de manière régulière des bilans d’activité. L’entretien trimestriel d’appréciation a pour but de s’assurer de l’implication des personnes vis-à-vis de leur activité, mais aussi et surtout de leur engagement dans les pratiques de diffusion des connaissances. Cet entretien est conduit par le n + 1 : le directeur de laboratoire pour les responsables de groupes technologiques et les chefs de projet, les responsables de groupes technologiques pour les autres ingénieurs. Cet entretien n’a pas de valeur contractuelle, il prépare l’entretien annuel d’appréciation qui définit la rétribution des résultats de l’employé (rémunération au bonus). Il s’agit plutôt d’un moyen de réassurance qui permet d’évaluer le niveau d’implication de l’employé, d’enregistrer ses attentes et d’en discuter autour des objectifs de l’unité. Pour le responsable en charge de l’entretien, il s’agit d’une occasion de rendre explicite l’activité de l’employé et de localiser les connaissances portées par une personne. Cet outil ne consiste pas à contrôler une activité, mais à en extraire de l’information qui, en étant recoupée avec d’autres sources, permettra d’alimenter la mémoire individuelle des managers et de composer les équipes en charge de nouvelles créations de connaissances.
Un outil de capitalisation des connaissances : l’audit pour la promotion des ingénieurs sur l’échelle technique
48Une occasion de promotion est organisée chaque année pour les employés qui souhaitent intégrer l’échelle des leaders techniques et non pas évoluer vers des fonctions de management. Cette échelle se décline en six grades qui expriment un niveau d’expérience professionnelle et un niveau de rémunération.
49Cette promotion se réalise au niveau de grandes zones géographiques, elle est dirigée par un comité d’experts constitué de sept managers (leaders techniques et représentants des ressources humaines). Ce comité est alimenté en candidatures par différentes unités de R&D qui effectuent une première sélection. Les candidats sont évalués à l’aide d’un référentiel qui est informé à la fois par les sept membres du comité et les collaborateurs directs du candidat [8]. Chaque candidat est invité à élaborer un rapport résumant son activité professionnelle ainsi que la vision qu’il possède de son positionnement au sein d’un réseau de diffusion des connaissances [9]. À l’issue de l’audition, le comité établit une évaluation des candidats avec un score précis sur chacun des critères d’appréciation pour conclure à l’insertion ou pas de l’employé au sein de l’échelle d’expertise technique. La même procédure peut être reconduite pour les promotions de ceux qui ont déjà intégré l’échelle technique.
50Cet audit annuel remplit de fait trois fonctions complémentaires. Il constitue tout d’abord un moyen d’enrichir la mémoire individuelle des managers qui sont en charge d’un groupe technologique ou d’un portefeuille de projets. L’information collectée lors des auditions permet d’enrichir la base d’expérience de chacun des groupes technologiques au-delà de l’information codifiée (brevets, nomenclatures des produits). Il facilite également la préparation des projets en permettant de repérer les ingénieurs qui sont porteurs des connaissances les plus pertinentes. Le comité d’experts joue enfin un rôle de relais dans l’élaboration de la mémoire technologique plus agrégée incarnée par la « communauté technique interne ».
Les chefs de projet : acteurs privilégiés de l’identification des connaissances
51La majeure partie du temps de travail des employés est consacrée à l’avancement de projets de R&D. Chaque unité gère un portefeuille de projets différents (en moyenne 10 projets simultanés pour une même unité de R&D). Leur cycle de vie est régulé par des étapes de validation : validation initiale et financement par la direction des projets, revues de projet par la suite jusqu’à l’arrêt : évaluation technique, économique et temporelle de manière mensuelle ou trimestrielle. Ces différentes étapes constituent autant d’occasions pour évaluer les qualités des personnes qui sont sélectionnées puis dirigées par le chef de projet. Si l’évaluation du projet est collective, sa responsabilité revient par contre au chef de projet qui cherche à s’entourer des compétences techniques et relationnelles qui lui semblent optimales. C’est donc au cours du projet que des avis vont se former sur tel ou tel employé. Ils seront ensuite rapportés au sein du groupe des chefs de projets, puis, plus largement, au niveau des leaders techniques, et de la direction des ressources humaines. Ces différents niveaux de responsabilité s’enrichiront de cet avis pour conduire leur propre évaluation.
52Le chef de projet occupe de ce point de vue une position privilégiée qui est reconnue par de nombreuses études : « most decisions nowadays are made in teams, either directly or through the need for teams to translate individual decisions into action. Thus the project leader is at the heart of organizational learning, and the production of new knowledge » (Boutellier et al., 1999, p. 205).
53Le chef de projet endosse dans cette entreprise un rôle spécifique au sein de l’instrumentation de la gestion des connaissances. Ce rôle peut être résumé par deux opérations.
- Identifier les savoir-faire techniques qui relèvent de la connaissance et de la mise en pratique de technologies, mais aussi les capacités à combiner des technologies différentes avec d’autres acteurs du projet. Ces capacités sont d’autant plus recherchées que les projets sont de type « rentabilité contrôlée », c’est-à-dire à destination de clients potentiels que l’on ne connaît pas précisément et dont il faut supposer ou anticiper les besoins d’usage.
- Identifier les connaissances produites au cours du projet et mettre en œuvre les moyens nécessaires pour les mémoriser afin de les diffuser plus tard vers les projets en cours de réalisation. On se situe dans ce cas davantage dans un processus de capitalisation des connaissances que dans celui de management de projet et de créativité.
55L’activité du chef de projet est connectée à l’utilisation des deux outils précédents. Elle alimente les entretiens trimestriels et les audits annuels en fournissant des informations sur la structuration des capacités cognitives des ingénieurs à partir du déroulement d’activités concrètes.
4. Enseignements
56Cette étude de cas permet d’établir plusieurs constats relatifs aux rôles particuliers que peuvent tenir des outils de gestion des ressources humaines. Elle incite également à développer des enseignements en matière de coexistence et de complémentarité des processus de créativité et de contrôle, notamment au sein des activités organisées sous forme de projet. En définitive, cette complémentarité est indissociable des quatre fonctions des outils de gestion que nous avons présentées.
Diversité de la visée et du champ des outils de GRH
57Les outils et dispositifs de gestion des ressources humaines que nous venons d’étudier se prêtent à une analyse qui distingue la visée et le champ de leur influence.
58La visée de l’outil de gestion peut être individuelle ou collective. Par exemple les différents entretiens d’évaluation des employés poursuivent une décision à caractère individuel (individualisation des contributions et rétributions de l’employé), tout en assurant également une visée collective au sens de la prise d’assurance par l’employeur de l’existence d’un sentiment ou esprit d’équipe parmi les acteurs des projets. Une visée individuelle n’écarte pas une visée collective dans la mesure où les managers qui conduisent les entretiens s’intéressent aussi bien aux engagements productifs des ingénieurs qu’à leurs représentations de l’action collective et à leur comportement de diffusion des connaissances.
59Le champ de l’outil de gestion représente une dimension tout aussi importante du système mis en place au sein de l’entreprise étudiée. Il s’agit de déterminer dans quelle mesure l’intervention des responsables des ressources humaines relève encore de la fonction ou si elle en déborde. De ce point de vue l’analyse nous conduit à nouveau à la conclusion d’une double finalité. Si l’entretien annuel d’appréciation correspond tout à fait à une action de gestion des ressources humaines, tel n’est plus le cas lorsque l’on envisage le fonctionnement des autres modalités d’évaluation puis l’agencement général des dispositifs. À ce stade il s’agit de prendre en charge la diffusion des connaissances techniques et l’expertise de certains employés (audit pour la promotion sur l’échelle technique), entre les différents projets qu’ils soient synchrones ou pas, et qu’ils appartiennent à une même unité ou pas. Les évaluateurs (entretiens individuels d’appréciation, audit pour la promotion, avis des chefs de projet) représentent ainsi les relais d’une base de connaissances, davantage tacite que codifiée, qui permet de manière générale à l’entreprise de disposer des ressources pertinentes, et de manière particulière d’alimenter les équipes-projet en ressources cognitives. On se situe alors dans le domaine du management des connaissances ainsi que dans celui du management technologique puisqu’il s’agit de consolider les structures-métier et préparer les projets du futur.
L’ambivalence créativité-contrôle au sein des projets
60La distinction entre le champ et la visée des outils de gestion alimente la réflexion relative à l’ambivalence entre créativité et contrôle inhérente aux activités organisées sous forme de projet. Pour l’entreprise étudiée le projet est l’unité de base des activités de conception de nouveaux produits. Les responsables des différents projets se prêtent à l’évaluation régulière de leur activité en informant la revue de projet. Ils sont ainsi en position d’aide au contrôle de projet. Toujours dans leur fonction, ils sont sollicités par la direction des ressources humaines ainsi que par les comités de promotion sur l’échelle technique afin de produire une appréciation sur les membres de leur équipe. L’information produite permet d’alimenter l’appréciation individuelle des employés de R&D, et d’enrichir les mémoires individuelles des managers en charge du développement technologique. La participation à ces activités de contrôle prépare la mise en œuvre des futurs projets de création. En somme le chef de projet est bien un « agent double » de création et de contrôle.
CHAMP ETVISÉE DES OUTILS DE GRH CHEZ ELECTRO
CHAMP ETVISÉE DES OUTILS DE GRH CHEZ ELECTRO
61Pour cette entreprise créativité et contrôle se complètent dans plusieurs processus de management. La capitalisation des connaissances ne fait pas l’objet d’un traitement exclusif : par exemple au moyen de bases de données qui ne centralisent que la partie codifiée des connaissances techniques. Elle est au contraire distribuée sur plusieurs capteurs animés par des prescripteurs qui assurent collectivement sa mise en œuvre et sa synthèse. Les espaces de création sont de ce point de vue autonomes dans le choix des options technologiques et ce sont les individus qui sont interrogés de manière régulière et interactive afin de constituer la mémoire technologique de l’entreprise incarnée par la « communauté technique interne ».
Mise en relation d’outils et d’acteurs : une complexité assumée de processus
62Cette instrumentation de la gestion des connaissances est en définitive structurée par des processus de management. Chacun est animé par des acteurs différents qui partagent l’information produite par leurs interventions : les directeurs de laboratoire de R&D, la direction des ressources humaines, les chefs de projet, les responsables de groupes technologiques. Ces processus sont finalisés dans plusieurs dimensions : le management des ressources humaines (évaluation, mobilité interne, rémunération), la capitalisation des connaissances, la diffusion des connaissances entre les unités. Pour cela, ils utilisent des outils de gestion de manière commune, ce qui produit une redondance dans l’instrumentation. Plus précisément, deux enseignements majeurs peuvent être dégagés de cette analyse :
- un même outil de gestion assure plusieurs usages, il permet ainsi de rassembler plusieurs managers autour de l’interprétation des résultats après utilisation. Cela présente également l’avantage de réduire la complexité inhérente à la diversité des activités manageriales (Von Krogh et Roos, 1995);
- un même impératif stratégique (la diffusion des connaissances pour accélérer les projets de conception) est pris en charge de manière redondante par plusieurs outils et plusieurs prescripteurs.
63L’analyse de ce cas illustre les quatre rôles principaux d’un outil de gestion (tableau 5). Nous pouvons définir ces quatre rôles en prenant pour exemple central l’activité d’évaluation des chefs de projet et son articulation aux responsabilités prises en charge par les responsables du développement technologique de l’entreprise.
CONCLUSION
64Notre objectif consistait à démontrer que créativité et contrôle en matière de management des connaissances représentaient deux activités qui pouvaient s’associer dans les projets d’innovation technologique. Il nous fallait pour cela remettre en cause l’antinomie postulée entre créativité et contrôle. À partir d’un premier constat conceptuel de non contradiction dans l’articulation d’espaces de création de connaissances et d’outils de gestion, nous avons développé trois grands enseignements qui méritent d’être soulignés et approfondis à l’avenir.
65Nous avons tout d’abord confirmé le caractère interactif de l’acte de prescription et la pluralité de l’utilisation des outils de gestion. Si l’on dépasse le rôle de conformation de l’outil, on peut alors analyser les relations qu’il permet d’établir en direction des personnes auxquelles il s’adresse directement (il s’agit ici de capter des connaissances de manière durable), mais également au sein du groupe des managers qui manipulent les différents outils (il s’agit de l’accumulation collective des connaissances). À cette occasion, nous avons développé les fonctions assurées par les outils de gestion des ressources humaines. Ces derniers ne sont ni complètement extérieurs à un contexte en ce qu’ils participent d’une vision de l’activité (la connaissance ne se réduit pas à un simple objet de transfert), ni complètement encastrés puisqu’ils assurent les relations entre les différents espaces d’activité et les générations successives d’innovation. L’analyse de ces fonctions, et surtout de leur coexistence au sein d’une organisation, présente un intérêt majeur pour l’étude des organisations contemporaines.
MISE EN PERSPECTIVE DES QUATRE FONCTIONS DES OUTILS DE GESTION
MISE EN PERSPECTIVE DES QUATRE FONCTIONS DES OUTILS DE GESTION
66Le second enseignement est relatif à la simultanéité des activités de créativité et de contrôle au sein des projets. Cette simultanéité relève explicitement d’une conception « ambidextre » de l’organisation. Un même outil de gestion peut couvrir plusieurs finalités qui relèvent aussi bien du contrôle que de l’exploration. De manière symétrique, il permet à l’organisation de disposer de plusieurs outils pour une même finalité de management. Les propriétés cumulées des outils de gestion conduisent alors à s’interroger sur celles de l’organisation : la variété des moyens déployés afin de capter les connaissances ainsi que la diversité des acteurs impliqués ne risquent-ils pas de mettre en péril la cohérence de l’organisation ? Cette question mérite également des traitements approfondis en matière de dynamique de management. Dans le cadre de l’entreprise étudiée, nous apportons une réponse qui constitue notre troisième enseignement.
67L’incohérence qui pourrait se développer à partir de la redondance des outils au sein de cette entreprise multinationale semble en effet maîtrisée. Les conflits d’interprétation sont régulés du fait de la forte adhésion des employés à l’image technologique de l’entreprise ainsi que grâce aux moyens consacrés à diffuser l’expérience à partir des projets de conception. Des études complémentaires seraient bien entendu nécessaires pour conforter notre analyse, mais le champ d’analyse des processus de gestion entourant les projets d’innovation semble de cette manière très prometteur.
68Finalement cette articulation entre espaces de création et outils de gestion ne participe-t-elle pas de la dynamique entre unités et système établie par une succession de travaux classiques : la différenciation des divisions et les mécanismes intégrateurs de Lawrence et Lorsch (1974), ou bien la dynamique des projets et des structures matricielles de Larson et Gobeli (1987)?
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Notes
-
[1]
Les dispositifs cognitifs sont définis comme des « ensembles organisés et finalisés d’objets intellectuels, articulés entre eux et distribués dans l’espace à des fins de production de biens ou de connaissances » (Poitou 1997).
-
[2]
Un objet intellectuel est défini comme la capacité à susciter des démarches intellectuelles pratiques et techniques inhérentes aux objets artificiels (Janet, 1936). L’idée étant que la manipulation d’un objet apporte non seulement la connaissance de l’objet, mais développe ou améliore les capacités cognitives, de sorte que le sujet peut étendre à de nouveaux objets les processus cognitifs développés à l’occasion de la découverte de l’objet, et grâce à lui. Par exemple, lorsqu’une entreprise acquiert des biens d’équipement, en tant qu’entité socio-économique, elle n’apprend rien, mais elle acquiert des objets intellectuels qui sont susceptibles de développer les capacités intellectuelles des membres de son collectif de travail.
-
[3]
Le rôle de l’encadrement intermédiaire est particulièrement souligné par les auteurs (management milieu hautbas) pour structurer des liens entre la vision de la direction générale et les intentions d’innovation émergente.
-
[4]
Principalement auprès des directeurs d’unité (plusieurs localisations de l’entreprise), de la direction des ressources humaines, des chefs de groupe technologique, des responsables de projet, de quelques employés de R&D.
-
[5]
Pour des raisons de confidentialité des données l’entreprise apparaît sous forme anonyme.
-
[6]
Un laboratoire est souvent composé de plusieurs unités dispersées géographiquement.
-
[7]
Les employés suivent par la suite un minimum de cinq journées de formation par an parmi toute une panoplie disponible (formations technique et de management, formations sur mesure, formation à la qualité, campagnes de mobilisation sur les objectifs stratégiques).
-
[8]
Ce référentiel est construit de manière à apprécier les actions objectives de l’employé (participation aux innovations réalisées, dépôts de brevets et publications scientifiques et techniques) et ses capacités de diffusion de la technologie (impact technique sur le potentiel de son équipe, capacité à partager ses connaissances et à réutiliser des technologies existantes).
-
[9]
L’étendue et la densité de ce réseau sont définies subjectivement par le candidat.