Notes
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[1]
Je remercie les commentaires et suggestions des deux relecteurs. Je reste seul responsable de toutes erreurs ou omissions.
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[2]
Ces derniers mois, le système financier français a connu deux profondes réformes : la première concerne l’organisation de la cote financière sous la bannière d’Euronext. L’institution de marché paneuropéen prévoit le regroupement en 2005 des trois marchés réglementés français (premier marché, second marché, nouveau marché) en un seul marché dont les conditions d’introduction en Bourse seront unifiées. La deuxième réforme porte sur le régime juridique des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales afin de donner plus de souplesse aux sociétés pour l’émission de leurs titres et de simplifier les procédures existantes (ordonnance du 26 juin 2004 « portant réforme des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l’outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale »).
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[3]
Ces motivations ne sont pas exclusives les unes des autres. De plus, d’autres effets induits positifs résultent de l’introduction en Bourse : accroissement de la liquidité, effet diversification et contrôle du pouvoir discrétionnaire des dirigeants par le marché, notamment.
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[4]
Une étude récente de Brau et Fawcett (2005) résume les résultats d’une enquête auprès de 336 entreprises introduites en Bourse. La première raison avancée pour l’introduction en Bourse est la possibilité de financer des acquisitions futures par émission de titres neufs.
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[5]
Le livre d’ordres, tenu par l’intermédiaire, répertorie les intentions d’achat par quantité et par prix des investisseurs. Il est utilisé pour définir le prix d’offre et pour l’allocation discrétionnaire des titres. À côté de cette procédure, il en existe deux autres : la procédure d’enchères où le prix d’offre est fixé par un jeu d’enchère et la procédure à prix fixe où le prix d’offre est fixé arbitrairement par l’entreprise ou l’intermédiaire. Des procédures « mixtes » existent. Le marché français est unique au monde en offrant le choix entre ces trois types de procédures (voir Faugeron-Crouzet (2001) pour un panorama).
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[6]
La théorie des marchés efficients postule que toutes les informations disponibles sont incluses dans les prix des titres.
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[7]
De nombreuses études parviennent à ce constat sur différents marchés dans le monde. On trouvera un panorama des études sur ce thème sur le site de Jay Ritter (http ://bear.cba.ufl.edu/ritter/publ_papers/Int.pdf) régulièrement mis à jour. On pourra également se référer à Ritter (2003) pour un résumé des études en la matière sur les marchés européens.
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[8]
Le flottant correspond au pourcentage des titres détenus par des investisseurs dont l’objectif n’est pas le contrôle de l’entreprise ni d’obtenir une influence notable sur la gestion de celle-ci.
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[9]
Cette activité consiste à souscrire à l’introduction au prix d’offre (généralement sous-évalué) et à revendre le titre sur le marché secondaire durant le(s) premier(s) jour(s) de cotation afin d’empocher la plus-value.
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[10]
La période de lock-up correspond à la durée pendant laquelle les actionnaires-dirigeants initiaux s’engagent à conserver leurs titres.
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[11]
Cette dernière contrainte d’ordre informelle n’est pas exigée par la réglementation française pour l’introduction des entreprises sur ce marché.
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[12]
Les Échos, 27-28 août 2004.
1Pouvoirs publics et institutions de marché ne ménagent pas leurs efforts pour convaincre les entreprises et les investisseurs de l’intérêt de la cotation. Les inquiétudes provoquées par la chute récente du nombre d’entreprises cotées sont à l’origine des dernières mesures [2]. Celles-ci visent à unifier, simplifier et assouplir les procédures d’émissions de titres. Cela suffira-t-il à encourager les entreprises à s’introduire en Bourse et à recourir aux marchés financiers ? Les entreprises se trouvent souvent désarmées face aux perspectives d’une première cotation. Parce qu’elles ne maîtrisent pas toutes les facettes de l’opération, elles recourent à des intermédiaires coûteux qui les incitent à s’introduire en Bourse alors qu’elles n’y sont pas prêtes. Quelquefois, les retombées supposées en termes de prestige et de notoriété de l’opération incitent les dirigeants à franchir le pas. Pourtant, l’évolution du titre peut décevoir les investisseurs et dégrader la réputation de l’entreprise aux yeux de tous ses partenaires.
2D’autres écueils de l’opération existent sans pour autant qu’ils en minimisent les bienfaits. Une réflexion adéquate doit permettre à l’entreprise candidate d’en mesurer tous les aspects. L’objet de cet article est d’offrir une revue de la littérature concise axée sur les choix déterminants auxquels les entreprises sont confrontées lorsqu’elles envisagent leur cotation sur un marché financier. De ces choix, effectivement, dépendent le succès de l’opération d’introduction en Bourse mais également la vie de la valeur ainsi cotée. La thématique de cette revue de la littérature (les choix déterminants de l’opération d’introduction en Bourse) ainsi que son orientation sur les études récentes pouvant raisonnablement inspirer les pratiques en la matière constituent l’originalité de cette revue par rapport à celles existantes (Ritter et Welch, 2002, Ritter, 2003, Jenkinson et Ljungqvist, 2001).
3Nous présenterons, dans une première partie, les protagonistes de l’opération d’introduction en Bourse. Des relations entre ces parties prenantes, émanent un certain nombre de problématiques influençant les choix qu’implique l’opération. Ces choix et leurs conséquences seront exposés dans une seconde partie. Enfin, dans une troisième partie, nous relevons les traits saillants de cette littérature pouvant inspirer les pratiques actuelles de l’introduction en Bourse.
I. – LES PROTAGONISTES DE L’INTRODUCTION EN BOURSE ET LES PROBLÉMATIQUES LIÉES
4L’introduction en Bourse demande l’implication de trois acteurs principaux : l’entreprise elle-même qui fait la demande d’introduction en Bourse; l’intermédiaireintroducteur par lequel elle doit obligatoirement passer pour l’admission de ses titres à la cotation; les investisseurs dont la sous-cription aux parts de l’entreprise est sollicitée. Les caractéristiques et le comportement de chacune de ces parties prenantes seront décrits dans un premier point. Des relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres émergent un certain nombre de problématiques pouvant orienter les choix futurs sur les modalités de l’introduction. Ces problématiques et leurs conditions d’apparition seront abordées dans un deuxième point.
1. Entreprise, intermédiaires, investisseurs : les acteurs principaux de l’introduction en Bourse
L’entreprise et la décision d’introduction en Bourse
5Au premier rang des acteurs de l’introduction en Bourse, l’on trouve évidemment l’entreprise candidate. Elle se compose elle-même de plusieurs parties prenantes du jeu desquelles résulte la nécessité de s’introduire en Bourse. Ainsi, dirigeants, actionnaires existants, créanciers et employés sont tous directement impliqués par l’introduction en Bourse. Trois motivations sont principalement avancées pour justifier d’une introduction en Bourse : la recherche de financement pour investir, le renforcement de la notoriété, le désengagement d’un ou plusieurs actionnaires [3].
6La recherche de financement La vocation première des marchés financiers est de mettre en rapport les agents à capacité de financement avec ceux à besoin de financement. Il semble donc légitime qu’une entreprise se tourne vers les marchés pour lever des fonds [4]. De plus, comme le montrent fort bien Pagano, Panetta et Zingales (1998) pour le marché italien, le recours au marché financier permettrait d’accroître la capacité d’endettement et le pouvoir de négociation de l’entreprise à l’égard des établissements bancaires.
7Le renforcement de la notoriété Il est souvent attribué à l’introduction en Bourse la vertu d’accroître la notoriété de l’entreprise. À l’appui de ce constat, plusieurs études de nature théorique et empirique montrent que l’opération peut signaler la bonne qualité des produits de l’entreprise (Stoughton, Wong et Zechner, 2001), augmenter les visites des pages web des entreprises (Demers et Lewellen, 2003) ou encore susciter l’intérêt de la presse (Reese, 2003).
8Récemment, Chemmanur et Yan (2004) ont montré que la publicité sur le marché des produits, le marketing de l’introduction en Bourse et la sous-évaluation constituent les leviers d’une stratégie globale de divulgation d’informations sur la qualité des produits et sur la valeur de l’entreprise.
9Le désengagement d’un ou plusieurs actionnaires L’introduction en Bourse est également un moyen de cession des parts pour les actionnaires existants. Cette cession se fera à un prix s’apparentant à un prix de marché bien souvent très supérieur à celui obtenu pour une entreprise non cotée. Comme l’argumente Zingales (1995), en plus d’obtenir un prix supérieur, les actionnaires cédants font l’économie d’une négociation avec un éventuel acheteur de gré à gré.
10L’introduction en Bourse constitue également une sortie privilégiée pour une catégorie particulière d’actionnaires : les capitalrisqueurs.
11Cette motivation laisse place à des comportements opportunistes pouvant dissuader les investisseurs de participer à l’opération. La vente des parts de l’entreprise par ses actionnaires initiaux peut signaler l’absence d’opportunités de croissance.
12La solution alternative pour les actionnaires existants réside à céder leurs parts à une autre entreprise. En étudiant cette alternative, Brau, Francis et Kohers (2001) concluent que les actionnaires initiaux préfèrent y recourir lorsque l’introduction en Bourse s’avère difficile du fait de la taille de l’entreprise, du marché et d’un certain nombre de conditions conjoncturelles.
Les intermédiaires
13Au cours de l’opération, l’entreprise doit s’entourer de plusieurs intermédiaires : juristes, conseillers, auditeurs, agences de communication, banques… et intermédiaireintroducteur. Ce dernier est indispensable lorsque l’entreprise a recours à la procédure du livre d’ordres (book building) pour le placement des titres [5]. Dans ce cas, l’intermédiaire collecte les intentions d’achat des investisseurs, fixe le prix d’offre et alloue de manière discrétionnaire les parts auprès de ces investisseurs. Plusieurs auteurs (Biais et Faugeron (2002), Ljungqvist, Jenkinson et Wilhelm (2003)) ont souligné la tendance de la procédure du livre d’ordres à supplanter les autres méthodes d’introduction sur la plupart des places boursières dans le monde. C’est dire que le rôle des intermédiaires-introducteurs se renforce dans le processus d’allocation des titres.
Les investisseurs
14Les investisseurs, en leur qualité de nouveaux actionnaires potentiels, constituent la troisième catégorie d’acteurs directement impliqués dans l’opération. La réussite de l’introduction en Bourse dépend de leur participation. Celle-ci est influencée par l’environnement économique, par le climat de confiance sur l’évolution des marchés et par d’autres facteurs plus intrinsèques à l’opération. Ces facteurs d’influence ont trait au processus de marketing de l’offre (road show…), au marché d’introduction, à la méthode d’introduction et, bien entendu, à l’entreprise elle-même. Cette dernière ne doit pas se contenter de « séduire » les investisseurs pour garantir la réussite de l’opération; elle doit définir une politique rigoureuse de gestion à long terme de la valeur afin de susciter une participation durable de ces futurs actionnaires. Un window dressing agressif consistant à présenter les comptes sous un jour particulièrement favorable n’est donc pas un gage de réussite durable pour la valeur cotée. L’entreprise doit, enfin, se prémunir de l’action des flippers ou staggers dont l’objectif est de réaliser des opérations d’aller-retour (achatvente rapide) profitables mais déstabilisatrices de la valeur.
2. Les problématiques de l’introduction en Bourse
15L’introduction en Bourse soulève plusieurs problématiques émanant directement des relations entre ses participants pris deux à deux comme l’illustre le schéma de la figure 1.
16Trois problématiques sont habituellement reconnues en matière d’introduction en Bourse. Ces problématiques constituent des anomalies au regard de la théorie des marchés efficients [6]. La première d’entre elles est célèbre : la rentabilité initiale d’une introduction en Bourse est en moyenne positive [7]. Cette rentabilité initiale peut s’étaler de quelques pourcents à plusieurs dizaines de pourcents selon les places d’introduction, les périodes, les modalités… Cela signifie que les entreprises acceptent de se sous-évaluer et donc de lever, en proportion, moins de fonds. Cela signifie également que la commission des intermédiairesintroducteurs, calculée en pourcentage des fonds levés, s’amenuise en conséquence. Pourquoi alors consentir un tel rabais aux investisseurs ?
17La deuxième problématique a trait aux performances boursières à long terme des introductions en Bourse. Plusieurs études concluent à une diminution significative de ces performances sur une période de 3 à 5 ans (voir Ritter et Welch, 2002). Pourquoi les introductions en Bourse suscitent-elles alors un tel attrait ? La question qui nous préoccupe ici est également de savoir en quoi les choix commandés par l’opération peuvent influencer le devenir de la valeur cotée.
18Les phénomènes de regroupement d’introductions en Bourse constituent la troisième problématique majeure. Ritter (1984) constate que les phases où les rentabilités initiales sont élevées s’accompagnent d’un plus grand nombre d’entreprises introduites en Bourse. Cette observation suggère un comportement opportuniste de la part des entreprises. Ce comportement est contraire à la philosophie de l’introduction en Bourse, celle-ci devant être guidée par des nécessités propres à l’entreprise (financement de l’activité, désendettement, etc.). Comment justifier l’engouement des investisseurs au cours de telle phase de regroupement ?
19Ces problématiques sont influencées par les relations entretenues entre les parties prenantes de l’opération.
Entreprise et intermédiaires-introducteurs
20En engageant un intermédiaireintroducteur, l’entreprise établit une relation d’agence entre elle-même, en qualité de principal, et cet intermédiaire, en qualité d’agent. Il est difficile à l’entreprise de vérifier parfaitement la qualité de l’intermédiaire et de contrôler pleinement ses agissements. On sait que l’intermédiaire en fixant le prix d’introduction peut être incité à sous-évaluer l’entreprise. En effet, une introduction en Bourse sous-évaluée a plus de chance de réussir en attirant de nombreux investisseurs. Les efforts marketing de l’intermédiaire seront donc moins importants même si sa rémunération, calculée sur les montants levés, se réduira en conséquence. Cet arbitrage a notamment été examiné par Habib et Ljungqvist (2001): ces auteurs montrent que les banques introductrices ont plus intérêt à recourir à la sous-évaluation pour susciter l’intérêt sur l’introduction plutôt qu’à augmenter leurs dépenses marketing.
LES PROBLÉMATIQUES DE L’INTRODUCTION EN BOURSE
LES PROBLÉMATIQUES DE L’INTRODUCTION EN BOURSE
21De plus, il a été montré que la réputation de l’intermédiaire influence la réussite de l’opération, la sous-évaluation constatée et la performance à long terme (Carter, Dark et Singh, 1998). Plus un intermédiaire est prestigieux, moins l’entreprise est sous-évaluée et meilleure est sa performance boursière à long terme. D’où l’intérêt pour une entreprise à engager un intermédiaire prestigieux.
Entreprise et investisseurs
22En s’introduisant en Bourse, l’entreprise sollicite la communauté des investisseurs. On peut distinguer deux grandes catégories d’investisseurs : les importants et les petits. Les premiers sont réputés informés sur les caractéristiques de l’entreprise et de son secteur d’activité. Ils sont souvent représentés par les investisseurs institutionnels. Les seconds sont considérés comme non informés et sont assimilés aux investisseurs individuels. En règle générale, l’entreprise recherche la participation de l’ensemble de ces investisseurs. Les premiers semblent sollicités en qualité de véritables partenaires. L’entreprise attend d’eux qu’ils conservent leur participation sur le long terme. Ces investisseurs répondent présents dans la mesure où ils possèdent des fonds disponibles et perçoivent des perspectives intéressantes sur les secteurs d’activité des entreprises candidates (effet de diversification de portefeuille). Les seconds ont pour rôle d’alimenter le flottant [8] du titre pour des contraintes réglementaires et/ou pour assurer la liquidité du titre. Ils peuvent être utiles simplement pour la réussite du placement de la totalité de l’offre. C’est pourquoi certains auteurs (Rock, 1986) considèrent que la sous-évaluation a pour objectif d’attirer ces investisseurs non informés.
23Naturellement, l’entreprise souhaitera s’introduire à une période propice où les investisseurs sont plus prédisposés à acquérir les titres de sociétés nouvellement introduites. De telles périodes semblent effectivement exister comme en témoigne le phénomène de regroupement des introductions en Bourse déjà évoqué. Lowry (2002) montre que le volume des introductions en Bourse est positivement relié à la demande en capital et à l’optimisme des investisseurs.
Intermédiaires-introducteurs et investisseurs
24Lorsque la détermination du prix d’offre est dévolue à l’intermédiaire, notamment dans le cadre de la construction d’un livre d’ordres, celui-ci cherche à collecter les intentions d’achat des investisseurs informés. En effet, en confiant leurs intentions d’achat en termes de prix et de quantité, ces investisseurs communiquent à l’intermédiaire leurs informations sur la valeur de l’entreprise. Afin de susciter la production d’une information fiable, l’intermédiaire, en contrepartie, alloue à ces investisseurs une part plus importante de l’offre à un prix sous-évalué. La sous-évaluation apparaît donc comme un moyen de rémunérer les investisseurs informés pour leur révélation d’information. Cet argument est dû à Benveniste et Spindt (1989). Plusieurs études empiriques confortent ce rôle actif de l’intermédiaire. Les travaux d’Aggarwal, Prabhala et Puri (2002) mettent à jour l’activité particulière des intermédiaires qui allouent des titres sous-éva-lués aux investisseurs révélant leurs informations.
25Par ailleurs, tout comme les entreprises au nom desquelles ils agissent, les intermédiaires tentent d’identifier les périodes propices aux introductions. Ils agissent ainsi de manière opportuniste comme le montrent Lowry et Schwert (2002) : ces auteurs attribuent l’accroissement du nombre d’introductions à la suite de période de forte sous-évaluation au comportement des intermédiaires qui, en introduisant un plus grand nombre d’entreprises en Bourse, souhaitent bénéficier d’un retour d’information positif; en effet, compte tenu du succès de ces introductions, les intermédiaires peuvent abaisser progressivement la sous-évaluation augmentant leur rentabilité sur ces opérations. Benveniste, Ljungqvist, Wilhelm et Yu (2003) parviennent à des conclusions semblables en examinant un effet de diffusion d’informations : selon ces auteurs, les intermédiaires regroupent les introductions présentant des caractéristiques similaires afin d’étaler sur plusieurs opérations les coûts de recherche d’informations engagés par les investisseurs; ceux-ci ont donc besoin d’une moindre compensation à mesure que le nombre d’introductions augmente, les intermédiaires pouvant ainsi réduire la sous-évaluation.
26Les relations complexes qu’entretiennent les parties prenantes à l’introduction en Bourse conditionnent la mise sur le marché du titre, l’importance des fonds levés et le devenir de la valeur ainsi cotée. C’est pourquoi, l’entreprise devra étudier précautionneusement les choix auxquels elle est confrontée
II. – LES CHOIX DÉTERMINANTS DE L’INTRODUCTION EN BOURSE
27L’opération d’introduction en Bourse engendre une multitude de décisions. Les études académiques et les pratiques en la matière s’accordent sur l’importance cruciale de certaines d’entre elles. Ces décisions peuvent être agencées dans un ordre chronologique.
1. Les choix déterminants en phase préparatoire
28Ces choix concernent les intermédiaires, la (les) place(s) de cotation et la nature des titres à émettre.
Les intermédiaires
29Parmi l’ensemble des intermédiaires nécessaires au bon déroulement de l’opération, deux d’entre eux se voient confier des missions particulièrement importantes : les auditeurs et les intermédiairesintroducteurs.
30Les auditeurs contribuent à la mise en conformité de l’entreprise aux impératifs de l’introduction en Bourse. Ils participent également à l’évaluation de celle-ci et à la détermination du prix d’offre. Plusieurs études (Michaely et Schaw, 1995), par exemple) soulignent l’importance de la réputation des auditeurs : un auditeur réputé permet d’obtenir une meilleure évaluation de l’entreprise, une sous-évaluation moindre et donc un manque à gagner sur l’introduction moins important.
31Les intermédiaires-introducteurs sont des institutions (entreprises d’investissement, banques, etc.) habilitées par les autorités des marchés dont la mission est d’accompagner l’entreprise lors de toutes les phases de l’opération. L’on sait déjà que la réputation de ce partenaire est un élément important de la réussite de l’opération. La raison en est qu’un intermédiaire réputé permet d’initier un suivi précoce des entreprises par les analystes financiers (Das, Guo et Zhang (2002)). Ces analystes promeuvent les titres de ces entreprises et engendrent une demande parmi la communauté des investisseurs. Ainsi, l’entreprise, en choisissant un intermédiaire, doit vérifier sa capacité à engendrer une couverture de bonne qualité par les analystes financiers. Plusieurs auteurs ont montré que cet aspect était déterminant pour la réussite de l’opération (Cliff et Denis, 2004 ; Corwin et Schultz, 2005). L’entreprise doit également vérifier la capacité de l’intermédiaire à diffuser les titres. Ainsi, Ljungqvist, Jenkinson et Wilhelm (2003) montrent que le recours à un intermédiaire américain facilite l’accès au marché américain bien que son coût soit plus élevé que celui d’un intermédiaire européen. Ce dernier aspect de coût est l’ultime élément de choix d’un intermédiaire. La rémunération de l’intermédiaire se calcule généralement en pourcentage des fonds introduits en Bourse. Le pourcentage moyen se situe aux alentours de 7 %.
La (les) place(s) de cotation
32L’entreprise doit procéder à deux choix concernant les places de cotation :
- l’introduction en Bourse doit-elle se faire sur le seul marché domestique ou doit-elle être étendue à d’autres pays ?
- lorsqu’il existe plusieurs places de cotation par pays, quelle est celle que doit choisir l’entreprise ?
33Les entreprises candidates à une double cotation (sur un marché domestique et sur un marché étranger) sont, en général, en forte croissance, de haute technologie et fortement exportatrices (Pagano, Roëll et Zechner, 2002). Elles recherchent cette double cotation soit pour des motivations financières (augmentation de capital, OPE, réduction du coût du capital, etc.), soit pour des motivations commerciales (accroître la notoriété ou la marque de l’entreprise, etc.) ou encore pour disposer d’un moyen de rémunération du personnel implanté à l’étranger (au moyen de stock-options).
34Le choix d’une place de cotation particulière va se faire au regard de plusieurs critères. Le coût en est un déterminant. Foucault et Parlour (2004) montrent que les entreprises sont très sensibles aux frais de transactions pour les investisseurs : elles préfèrent être cotées sur des places financières où les frais de transactions sont faibles car cela abaisse le taux de rendement requis des investisseurs (et donc le coût du capital). Les protections offertes par les places financières à l’égard des investisseurs peuvent être également un critère de choix. Avec évidence, les critères d’introduction et de maintien à la cotation apparaissent déterminants dans ce choix. Plus les critères sont contraignants, plus la place financière est réputée (sans pour autant qu’il y ait un lien de cause à effet). Les entreprises vont privilégier le marché sur lequel elles pourront respecter les critères de maintien (Corwin et Harris, 2001) afin d’éviter le coût élevé d’une radiation intempestive. Enfin, la présence d’une communauté financière active représentée par des analystes offrant une couverture durable et par des entreprises cotées semblables à la candidate oriente également le choix de cette dernière.
La nature de l’émission de titres
35En pratique, les entreprises demandent habituellement la première cotation d’actions ordinaires. La littérature s’est moins intéressée au « design » des titres lors de l’introduction en Bourse. Pourtant, les entreprises demandant l’accès au marché présentent des caractéristiques différentes en termes de risque, de secteur d’activité, d’historique… Il serait donc normal que leurs titres reflètent ces particularités. Schultz (1993) montre que les entreprises jeunes, de hautes technologies et dont l’incertitude de développement est grande, devraient s’introduire en Bourse par le biais d’une « unit IPOs ». Ce type d’introduction en Bourse mêle des bons de souscriptions aux actions ordinaires. Le financement initial doit permettre les investissements nécessaires à l’ouverture des opportunités de croissance (recherche et développement, acquisition de brevet, etc.). Une fois ces opportunités de croissance avérées, une augmentation de capital ultérieure par exercice des bons de souscription pourra procurer les fonds nécessaires à leur exploitation. Habituellement, les entreprises lèvent en une seule fois l’ensemble des fonds liés à l’acquisition des opportunités de croissance et à leur réalisation. Cependant, cette procédure expose les investisseurs à une mauvaise utilisation du free cash flow si les opportunités de croissance ne s’avéraient pas rentables. Dans le cas des unit IPOs, ce risque de mauvaise utilisation est moins prégnant puisque la seconde levée de fonds est conditionnée à la rentabilité des opportunités de croissance.
36Le financement séquentiel offre également une alternative au recours de l’unit IPO. Plusieurs modèles (Chemmanur, 1993, par exemple) examinent les introductions en Bourse dans un contexte dynamique en tenant compte des augmentations de capital ou vente de titres ultérieurs sur le marché. Selon Jegadeesh, Weinstein et Welch (1993) la réaction positive du marché (market feedback) lors de l’introduction en Bourse peut conforter l’entreprise dans ses projets et expliquer les augmentations de capital ultérieures. Dans ce cas, la poursuite des projets est soumise à l’accueil réservé par le marché à l’introduction en Bourse.
37Par ailleurs, des mécanismes existent pour protéger les actionnaires des déconvenues sur l’évolution à court terme du titre. Jenkinson et Ljungqvist (2001) rapportent le cas de l’entreprise Repsol privatisée par le gouvernement espagnol : celle-ci proposait un dédommagement des investisseurs si le cours de l’action perdait plus de 10 % la première année.
38Enfin, l’ordonnance portant réforme des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales, entrée en vigueur le 26 juin 2004 en France, offre une souplesse et des possibilités nouvelles aux entreprises émettrices. L’innovation majeure réside certainement à la transposition en droit français des preferred shares de droit américain sous le vocable d’actions de préférence. Il s’agit de titres de capital pouvant donc faire l’objet d’une introduction en Bourse dont les caractéristiques en termes de droit de vote et de rémunération sont modulables au besoin des entreprises. Lors de leur introduction en Bourse, les entreprises pourront émettre des signaux crédibles sur la rentabilité des projets d’investissement présents et futurs auprès des investisseurs en configurant leurs titres de manière adéquate.
2. Les choix déterminants en phase d’introduction
39Au cours de cette phase, la période choisie, le prix d’offre proposé et la procédure d’introduction retenue revêtent une importance cruciale dans la réussite de l’opération.
La période d’introduction
40La littérature financière (Ritter et Welch, 2002) distingue des périodes d’introduction dites hot market caractérisée par des rentabilités initiales élevées et des périodes dites cold market au cours desquels les rentabilités initiales sont faibles. Cette distinction est-elle pertinente pour les entreprises candidates à l’introduction en Bourse ? Il semblerait que non : Helwege et Liang (2004) montrent que les entreprises s’introduisant au cours d’une période ou d’une autre ne présentent pas de performances opérationnelles et boursières à long terme significativement différentes les unes des autres. De même, elles possèdent des opportunités de croissance similaires et un degré d’innovation semblable.
41Cela ne signifie pas l’absence de moment opportun à l’introduction en Bourse. Les entreprises peuvent s’introduire en Bourse afin de bénéficier des opportunités de croissance apparues dans un secteur d’activité : ce fut le cas des entreprises internet au cours de la période récente. Selon Schultz et Zaman (2001), les introductions massives des entreprises de ce secteur correspondent à la recherche d’un avantage de « first mover ». En levant des fonds et en investissant abondamment dans ce secteur, ces entreprises ont tenté de tirer partie des opportunités de croissance offertes en confortant leurs parts de marché. Cependant, comme le soulignent Maksimovic et Pichler (2001), agir en first mover ne confère pas seulement des avantages : l’introduction en Bourse nécessite la divulgation d’informations pouvant être utilisées par la concurrence. Il s’agira donc pour l’entreprise d’arbitrer entre le renforcement de ses parts de marché et la divulgation d’informations aux concurrents.
42Enfin, Derrien (2005) montre, théoriquement et empiriquement (sur un échantillon de 62 introductions d’entreprises françaises) que la sous-évaluation reflète les conditions du marché. Ainsi, durant les périodes où les investisseurs sont optimistes (hot market), la rentabilité initiale sera fortement positive en même temps que le prix d’offre surévalué. Les entreprises seraient ainsi capables de reconnaître ces phases d’optimisme et d’en bénéficier en surévaluant leur prix à l’introduction.
Le prix d’offre
43Le prix d’offre est un élément déterminant dans la réussite de l’opération. Trop élevé, il dissuade les investisseurs de participer à l’offre et compromet sa réussite. Trop faible, il laisse apparaître un manque à gagner quelquefois préjudiciable aux investissements nécessaires. Le phénomène de sous-évaluation (rentabilité initiale positive) peut sembler, de ce point de vue, surprenant. On l’a vu, la décote constatée représente souvent plusieurs dizaines de pourcent. Les théories pour expliquer ce phénomène sont nombreuses. Globalement, on peut retenir que la sous-évaluation est utilisée pour inciter les investisseurs informés et non informés sur la valeur de l’entreprise à participer à l’offre. Les investisseurs informés peuvent être rémunérés par la sous-évaluation pour l’information qu’ils communiquent aux intermédiaires par leurs intentions d’achat (Benveniste et Spindt, 1989; et Aggarwal, Prabhala et Puri, 2002). Quant aux investisseurs non informés, étant donné que leur participation est quelquefois nécessaire à la réussite de l’offre, la sous-évaluation consentie en moyenne permet de les attirer sur toutes les offres indépendamment de toute information (Rock, 1986).
44De plus, selon Cliff et Denis (2004), la sous-évaluation constatée sur les introductions en Bourse récentes (dites de la bulle internet) serait destinée à susciter l’attention des analystes financiers afin qu’ils initient une couverture de ces entreprises. En couvrant ces entreprises par leurs analyses (prévisions de bénéfices, recommandations à l’achat ou à la vente, etc.), ils permettent d’alimenter la liquidité du titre.
45Les méthodes d’évaluation utilisées pour déterminer le prix d’offre apparaissent peu fiables (Kim et Ritter, 1999). Il faut dire que les prévisionnels offerts, sur lesquels se fondent ces méthodes, dans le prospectus d’introduction ou par les analystes financiers sont largement sur optimistes comme le montrent, entre autres, Michaely et Womack (1999) sur le marché américain et Degeorge et Derrien (2001) sur le marché français.
La procédure d’introduction
46Il existe trois grandes catégories de procédure d’introduction :
- la procédure à prix fixe : le prix d’offre est déterminé par l’entreprise et son intermédiaire, les investisseurs devant libeller leur ordre d’achat à ce prix;
- la procédure d’enchères : le prix d’offre résulte de l’égalisation entre l’offre et la demande de titres;
- la procédure du livre d’ordres : les ordres sont collectés par l’intermédiaire qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire dans l’allocation des titres et la détermination du prix d’offre.
47La procédure du livre d’ordres tend à s’imposer au détriment des autres procédures (notamment celle d’enchères) partout dans le monde (Faugeron-Crouzet, 2001). Ce succès est souvent attribué à la possibilité d’allocation préférentielle de l’offre aux investisseurs révélant leurs informations. Cela renforcerait la réussite de l’opération et permettrait une détermination plus précise du prix d’offre. Pourtant, d’après Biais et Faugeron-Crouzet (2002), les procédures d’enchères (du moins dans leur version française de l’offre à prix minimum) aboutissent également à la révélation des informations des investisseurs au travers du prix d’équilibre entre l’offre et la demande. De plus, le succès de la procédure du livre d’ordres ne peut s’expliquer par une moindre sous-évaluation (et donc une maximisation des fonds levés) : Derrien et Womack (2003) concluent à une moindre sous-évaluation pour les entreprises introduites au moyen de procédures d’enchères en France. Précisons que la procédure d’enchères dont il est question dans ces deux dernières études concerne l’offre à prix minimum (OPM). L’OPM est une procédure d’enchères dites bridées (ou impures) car elle implique l’intervention du régulateur. Celui-ci procède à l’élimination des ordres extrêmes (prix trop élevé ou trop faible) et permet ainsi de limiter les comportements opportunistes souvent dénoncés à l’égard des procédures d’enchères. Confortant les résultats précédents obtenus sur le marché français, Ljungqvist, Jenkinson et Wilhelm (2003) montrent également que la procédure du livre d’ordres ne réduit pas la sous-évaluation initiale des introductions en Bourse.
48Le travail de Chemmanur et Liu (2001) semble résoudre cette apparente contradiction. Les entreprises jeunes en forte croissance dont la valeur intrinsèque est élevée souhaiteraient susciter la recherche d’informations par les investisseurs sur cette valeur intrinsèque. La procédure du livre d’ordres permettrait d’atteindre cet objectif. La sous-évaluation consentie lors de cette procédure servirait à rémunérer les investisseurs pour leur recherche d’informations. À l’inverse, les entreprises plus anciennes déjà bien connues chercheraient à maximiser les fonds levés lors de l’introduction : elles opteront alors pour un système d’enchères (à la manière de Google introduit en Bourse en 2004).
3. Les choix déterminants en phase post-introduction
49Une fois l’introduction réalisée, l’entreprise doit assurer un suivi de sa valeur ainsi cotée. Ce suivi se fera à court terme par des techniques de soutien de cours. À plus long terme, il s’agira de définir une véritable politique de gestion de la valeur.
Les techniques de soutien de cours
50Afin d’éviter toute dépréciation intempestive du titre nouvellement coté, les intermédiaires~introducteurs exercent souvent une activité de soutien des cours consistant à racheter des titres sur le marché secondaire. Cette pratique plusieurs fois mise en évidence par les travaux académiques pose la question de savoir qui en sont les bénéficiaires. Cette question reste entière : certains auteurs (Benveniste, Erdal et Wilhelm, 1998) considèrent que les investisseurs institutionnels bénéficient de cette activité puisqu’ils peuvent revendre les titres sous-crits lors de l’introduction à un cours soutenu. D’autres (Ellis, Michaely et O’Hara, 2000) montrent que l’exercice systématique des options de surallocation assortie à la technique de soutien des cours profite systématiquement aux intermédiairesintroducteurs eux-mêmes agissant la plupart du temps en qualité de teneurs de marché.
51L’entreprise doit se mettre à l’abri des manœuvres opportunistes pouvant déstabiliser rapidement le cours du titre. Ainsi, les activités dites de flipping [9] sont de nature à provoquer une déstabilisation du cours. Aggarwal (2003) a montré que cette activité restait limitée. Lorsqu’elle existe, elle est le fait majoritairement des investisseurs institutionnels. Un système de pénalités peut être instauré pour éviter de telle pratique : le vendeur des actions peut encourir une commission forfaitaire facturée par l’intermédiaire amputant fortement la plus-value réalisée; il peut également se voir limiter ou refuser l’accès aux futures introductions en Bourse réalisées par cet intermédiaire.
Politique de gestion de la valeur
52La politique de gestion de la valeur va directement dépendre des objectifs des propriétairesdirigeants initiaux de l’entreprise. S’ils envisagent un désengagement à terme, il leur faudra créer les conditions favorables à ce désengagement. Aggarwal, Krigman et Womack (2002) prétendent que les dirigeants sous-évaluent leur entreprise pour créer une dynamique positive sur la valeur du titre jusqu’à l’expiration de la période de lock-up [10].
53En règle générale, la communication menée par l’entreprise est déterminante en matière de suivi de la valeur. Par exemple, Schrand et Verrecchia (2002) ont montré que lorsque les entreprises introduites en Bourse menaient une politique de communication active, leur coût du capital s’abaissait.
54Pour finir, l’entreprise devra assurer le maintien de sa cotation en présentant des performances opérationnelles suffisantes afin de continuer à susciter l’intérêt des investisseurs et en respectant les critères de marché.
55Cette étude des choix déterminants de l’introduction en Bourse illustre la complexité de l’opération pour l’entreprise candidate. Les nombreux travaux contribuant à définir les tenants et aboutissants de ces choix peuvent être d’un grand recours pour améliorer les pratiques actuelles en matière d’introduction en Bourse. La partie suivante tente de dresser les apports de cette littérature aux pratiques de l’introduction en Bourse.
III. – LES APPORTS POUR LA PRATIQUE DE L’INTRODUCTION EN BOURSE
56Toute entreprise souhaitant s’introduire en Bourse devra apporter des réponses adaptées aux choix imposés par l’opération présentés dans la partie précédente. La figure 2 situe les choix de l’opération dans un cadre d’analyse pragmatique s’articulant autour de trois thèmes principaux pour lesquels la recherche théorique nous paraît porteuse d’enseignement pour la pratique :
- la nécessité de l’opération,
- la capacité de l’entreprise à assumer les impératifs de l’introduction et de la cotation,
- le degré d’attractivité auprès de la communauté financière.
57Pour chacun de ces thèmes, nous proposons quelques recommandations s’inspirant des résultats des études présentées.
1. L’opération d’introduction en Bourse est-elle nécessaire ?
58L’activité d’introduction en Bourse est très rémunératrice aussi bien pour les intermédiaires que pour les institutions boursières. Il est donc normal qu’intermédiaires et institutions incitent les entreprises à la cotation. Les entreprises ne doivent pas pour autant céder aux charmes présumés de la cotation sans réfléchir préalablement à leurs alternatives.
59Le marché boursier représente une source de financement privilégiée en fonds propres lorsque l’entreprise souhaite financer son développement. Dans ce cas, les perspectives de croissance (exportations, investissements, etc.) et de rentabilité justifient pleinement la demande de cotation. Toute-fois, lorsque le choix existe entre plusieurs sources de financement, l’entreprise devra vérifier l’inadéquation de ces autres sources de financement. En période de marché haussier (hot market), les coûts du financement par les marchés apparaissent faibles (taux de rendement requis par les actionnaires faibles) et les entreprises sont incitées à s’introduire en Bourse pour lever des fonds. Une telle situation peut s’inverser pourtant. En période de récession, le taux de rendement requis exigé par les actionnaires peut augmenter considérablement comme la période récente en a témoigné.
60L’emprunt bancaire constitue le mode de financement le plus immédiat. Il est souvent reproché à ce type de financement la dépendance qu’il crée vis-à-vis de l’établissement bancaire. Une telle dépendance existe pourtant à l’égard de tout type de financement : un financement par fonds propres implique une dépendance de l’entreprise à l’égard de nouveaux actionnaires. De plus, en situation de parcours boursier difficile, la dépendance à l’égard des établissements bancaires peut s’accroître du fait de la décote du titre empêchant le recours au marché.
61De manière similaire, la recherche de notoriété peut s’effectuer plus directement au moyen d’une campagne de communication sur les produits, les marques ou l’entreprise elle-même. Il existe un arbitrage entre les coûts associés à chacune de ces opérations de promotion (l’introduction en Bourse et la simple campagne publicitaire) et leurs retombées respectives en termes de notoriété.
62De plus, l’introduction en Bourse nécessite la divulgation d’informations importantes qui peuvent être utilisées par la concurrence. Les retombées de l’opération doivent justifier la prise d’un tel risque.
63Ces précisions reviennent à proposer l’étude des alternatives aux motivations de l’introduction en Bourse (tableau 1). Ce n’est que lorsque l’introduction en Bourse semble s’imposer comme une solution exclusive aux besoins de l’entreprise qu’il convient d’étudier les capacités de l’entreprise à y faire face.
DÉFINITION DES CHOIX POUR L’INTRODUCTION EN BOURSE
DÉFINITION DES CHOIX POUR L’INTRODUCTION EN BOURSE
MOTIVATIONS ETALTERNATIVES À L’INTRODUCTION EN BOURSE
MOTIVATIONS ETALTERNATIVES À L’INTRODUCTION EN BOURSE
2. L’entreprise a-t-elle la capacité d’assumer les impératifs de l’opération ?
64Chaque place financière à travers le monde présente des critères d’introduction spécifiques correspondant à la vocation particulière de ces places financières. Il serait fastidieux d’énumérer ces marchés et leurs critères. Le point commun à l’ensemble de ces critères est de s’appliquer à la taille de l’entreprise, son secteur d’activité et son ancienneté. Le tableau 2 propose une lecture immédiate des catégories des marchés ouverts aux entreprises en fonction de ces différentes caractéristiques (taille, secteur d’activité, ancienneté).
65Bien entendu, selon le marché envisagé, le secteur, la taille et l’ancienneté ne recouvrent pas la même réalité. Ainsi, une introduction en Bourse sur le premier marché en France nécessite que les entreprises aient au moins trois années d’existence et une capitalisation boursière proche du milliard d’euros [11].
66De même, au cours de la période récente, les secteurs des hautes technologies, de l’internet et de la biotechnologie ont été considérés comme des secteurs émergents justifiant la création et l’expansion de marchés de valeurs high-tech. Au début des années 1960, c’étaient les industries pétrolières et parapétrolières qui essaimaient les start-up de l’époque.
67Certains marchés (Canada, États-Unis, Japon) imposent des critères de rentabilité sur les années antérieures à l’introduction. Une introduction en Bourse sur le New York Stock Exchange (NYSE) nécessite, par exemple, un historique de résultat positif sur les trois années précédentes. Afin de se conformer aux critères d’introduction, l’entreprise doit pouvoir ajuster ses structures sur les plans juridique, comptable, financier et humain. Avant d’envisager l’introduction en Bourse, l’entreprise doit vérifier sa capacité à procéder à de tels ajustements.
68L’introduction en Bourse est une opération coûteuse pas seulement en tant que telle mais aussi pour le suivi qu’elle demande. Les nombreux intermédiaires que l’entreprise sollicite représentent le poste de coût le plus important. L’intermédiaireintroducteur absorbe à lui seul 5 à 10 % des fonds levés.
LES CATÉGORIES DE MARCHÉ EN FONCTION DES CARACTÉRISTIQUES DES ENTREPRISES
LES CATÉGORIES DE MARCHÉ EN FONCTION DES CARACTÉRISTIQUES DES ENTREPRISES
69Le choix de cet intermédiaire – et des diligences à mettre en œuvre – peut conduire à alourdir ou au contraire alléger la facture de plusieurs millions d’euros.
70De même, le maintien de la cotation présente des coûts très importants. En plus des coûts d’adhésion au marché financier, les coûts induits par la publication d’informations, par l’animation du titre et par les prestations de différents intermédiaires spécialisés peuvent apparaître prohibitifs. Ayant procédé à un tel constat, la banque néerlandaise ABN Amro a récemment décidé de retirer ses actions ordinaires de six Bourses étrangères [12], maintenant sa cotation sur Euronext et le NYSE.
71Les exigences en matière de publications imposées par les organismes régulateurs peuvent être considérables; les entreprises doivent se préparer à assurer la divulgation de nombreuses informations. À titre d’exemple, la SEC (l’organisme régulateur américain) a recommandé une action en justice contre la société française Business Objects (cotée sur le premier marché et sur le NASDAQ) pour ne pas avoir publié son carnet de commandes non livrées.
3. L’entreprise peut-elle attirer les investisseurs ?
72Pour attirer les investisseurs, l’entreprise doit :
- procéder à une sous-évaluation mesurée : par exemple, les entreprises jeunes, peu connues et évoluant dans un secteur émergent devront recourir plus systématiquement à la sous-évaluation. Les entreprises anciennes et mieux connues ont plus intérêt à maximiser les fonds levés. Leur introduction nécessite une moindre sous-évaluation ;
- engager un intermédiaire-introducteur réputé et diligent : l’intermédiaire va assurer la promotion de l’opération auprès des investisseurs potentiels par le biais des road show. Il va également solliciter les analystes financiers pour couvrir la valeur. En suscitant ainsi l’intérêt des investisseurs, la sous-évaluation s’avère moins nécessaire. Les fonds levés s’en trouvent accrus. Les performances boursières à long terme s’en ressentiront également. Cependant, cette capacité de l’intermédiaire à susciter l’intérêt des investisseurs et des analystes financiers est coûteuse pour l’entreprise. Un arbitrage doit donc s’effectuer entre coût de l’intermédiaire et moindre sous-évaluation ;
- choisir une procédure d’introduction adaptée : la méthode du livre d’ordres convient particulièrement aux entreprises jeunes et peu connues souhaitant assurer la réussite de l’opération. En effet, l’allocation discrétionnaire de titres sous-évalués permet de rémunérer les investisseurs pour leur recherche d’informations. La méthode d’enchères semble plus adaptée aux entreprises anciennes mieux connues souhaitant maximiser les fonds levés ;
- définir les modalités de son émission de titres : lorsqu’elle devient cotée, l’entreprise voit sa responsabilité sociale renforcée. La participation de nouveaux partenaires au capital de l’entreprise implique des engagements relevant de contrats complets et incomplets. L’émission des titres est définie par ces contrats. Elle doit être utilisée comme un signal en direction des investisseurs. Toute information, pour être crédible, devrait être assortie d’un contrat. Trop d’entreprises par excès d’optimisme ou par simple opportunisme ont diffusé des informations erronées sur leurs perspectives de chiffre d’affaires et de rentabilité. L’introduction des actions de préférence dans le processus législatif français va permettre aux entreprises de décliner la nature des titres en fonction de leurs prévisions de rentabilité. En effet, les droits financier et politique attachés à ces actions peuvent être ajustés selon les besoins de l’entreprise. En plus d’éviter les abus constatés lors des introductions en Bourse passées, la définition des modalités de ces actions de préférence véhiculera un véritable signal en direction des investisseurs. Les émissions initiales composées (telles que les unit IPOs mêlant actions et bons de souscription) ou les modes de financement séquentiel préviennent également les manœuvres opportunistes liées à une augmentation unique de capital pléthorique.
73Comme le résume le tableau 3, ces quatre points forment les principaux leviers d’action dont disposent les entreprises pour augmenter l’attractivité des investisseurs. L’usage de ces leviers dépendra des caractéristiques des entreprises, de la connaissance qu’en ont les investisseurs et de leurs perspectives d’évolution financière.
LES PRINCIPAUX LEVIERS D’ACTION POUR ATTIRER LES INVESTISSEURS
LES PRINCIPAUX LEVIERS D’ACTION POUR ATTIRER LES INVESTISSEURS
CONCLUSION
74Face à la complexité et aux multiples facettes de l’introduction en Bourse, les entreprises candidates se découragent ou s’y préparent mal. L’opération soulève de nombreux choix déterminants la réussite de l’opération et conditionnant la vie de la valeur cotée. La recherche récente en la matière apporte des éléments de réponses à ces choix. Ces réponses peuvent raisonnablement inspirer la pratique. Après avoir présenté les acteurs et les problématiques de l’opération, nous avons proposé l’examen des choix principaux s’imposant aux entreprises candidates. À partir des résultats des études récentes en la matière, nous avons pu proposer quelques éléments de réponse à ces choix. L’entreprise doit notamment s’interroger sur la nécessité de l’opération, sur sa capacité à subvenir aux besoins de la cotation et sur son aptitude à attirer les investisseurs.
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Notes
-
[1]
Je remercie les commentaires et suggestions des deux relecteurs. Je reste seul responsable de toutes erreurs ou omissions.
-
[2]
Ces derniers mois, le système financier français a connu deux profondes réformes : la première concerne l’organisation de la cote financière sous la bannière d’Euronext. L’institution de marché paneuropéen prévoit le regroupement en 2005 des trois marchés réglementés français (premier marché, second marché, nouveau marché) en un seul marché dont les conditions d’introduction en Bourse seront unifiées. La deuxième réforme porte sur le régime juridique des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales afin de donner plus de souplesse aux sociétés pour l’émission de leurs titres et de simplifier les procédures existantes (ordonnance du 26 juin 2004 « portant réforme des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l’outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale »).
-
[3]
Ces motivations ne sont pas exclusives les unes des autres. De plus, d’autres effets induits positifs résultent de l’introduction en Bourse : accroissement de la liquidité, effet diversification et contrôle du pouvoir discrétionnaire des dirigeants par le marché, notamment.
-
[4]
Une étude récente de Brau et Fawcett (2005) résume les résultats d’une enquête auprès de 336 entreprises introduites en Bourse. La première raison avancée pour l’introduction en Bourse est la possibilité de financer des acquisitions futures par émission de titres neufs.
-
[5]
Le livre d’ordres, tenu par l’intermédiaire, répertorie les intentions d’achat par quantité et par prix des investisseurs. Il est utilisé pour définir le prix d’offre et pour l’allocation discrétionnaire des titres. À côté de cette procédure, il en existe deux autres : la procédure d’enchères où le prix d’offre est fixé par un jeu d’enchère et la procédure à prix fixe où le prix d’offre est fixé arbitrairement par l’entreprise ou l’intermédiaire. Des procédures « mixtes » existent. Le marché français est unique au monde en offrant le choix entre ces trois types de procédures (voir Faugeron-Crouzet (2001) pour un panorama).
-
[6]
La théorie des marchés efficients postule que toutes les informations disponibles sont incluses dans les prix des titres.
-
[7]
De nombreuses études parviennent à ce constat sur différents marchés dans le monde. On trouvera un panorama des études sur ce thème sur le site de Jay Ritter (http ://bear.cba.ufl.edu/ritter/publ_papers/Int.pdf) régulièrement mis à jour. On pourra également se référer à Ritter (2003) pour un résumé des études en la matière sur les marchés européens.
-
[8]
Le flottant correspond au pourcentage des titres détenus par des investisseurs dont l’objectif n’est pas le contrôle de l’entreprise ni d’obtenir une influence notable sur la gestion de celle-ci.
-
[9]
Cette activité consiste à souscrire à l’introduction au prix d’offre (généralement sous-évalué) et à revendre le titre sur le marché secondaire durant le(s) premier(s) jour(s) de cotation afin d’empocher la plus-value.
-
[10]
La période de lock-up correspond à la durée pendant laquelle les actionnaires-dirigeants initiaux s’engagent à conserver leurs titres.
-
[11]
Cette dernière contrainte d’ordre informelle n’est pas exigée par la réglementation française pour l’introduction des entreprises sur ce marché.
-
[12]
Les Échos, 27-28 août 2004.