Notes
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[1]
L’auteur remercie R.AThiétart et A. Desreumaux pour leur aide ainsi que T. Muller de la société Andersen pour avoir mis à sa disposition les données du baromètre.
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[2]
« It makes little or no sense to try to distinguish those things which are ‘inside’the firm from those things that are ‘outside’of it. There is in a very real sense only a multitude of relationships (i.e. contracts) between the legal fiction (the firm) and the owners of labor, material and capital inputs and the consumers of output. » (Jensen et Meckling, 1976, p. 9).
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[3]
Cette façon de comprendre la transaction nous semble la seule compatible avec le postulat de la TCTselon lequel une transaction peut être gérée par une structure de gouvernance hiérarchique ou de marché. En effet, définir la transaction par référence au transfert de droits de propriété exclut la possibilité de voir la hiérarchie régenter une transaction.
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[4]
Les détails de la méthodologie ainsi que l’opération de codage des variables utilisée sont présentés dans G. Chanson (2002).
1Les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix ont vu un développement très important des politiques d’externalisation. De nombreuses recherches ont été entreprises pour essayer d’identifier les déterminants de ce phénomène de masse. La plupart de ces études ont utilisé deux cadres théoriques pour analyser ce phénomène : la théorie des coûts de transaction et la théorie de la ressource, qui donnent de bons résultats. Bénéficiant de plus de recul, nous disposons désormais d’informations sur les résultats de ces externalisations. Ceci conduit à envisager une réorientation de l’axe de recherche de deux façons [1].
2Les difficultés que certaines entreprises externalisatrices peuvent rencontrer avec leurs prestataires nécessitent pour être étudiées de prendre en compte la relation entre l’entreprise externalisatrice et son prestataire. Celle-ci s’apparente parfaitement à une relation entre un principal et un agent, unité d’analyse de la théorie de l’agence. Pourtant, il s’agit d’un corpus théorique qui n’a été utilisé que dans très peu d’études. Nous proposons un cadre d’analyse original inspiré du courant principal-agent de la théorie de l’agence.
3Toujours grâce aux informations sur les résultats, nous pouvons analyser la performance des fonctions externalisées et par là même tester la pertinence du concept de governance misalignment (Williamson, 1985).
I. – LE CADRE CONCEPTUEL
4Afin d’évaluer la pertinence de la théorie de l’agence pour analyser les pratiques d’externalisation, nous comparerons celle-ci à la théorie des coûts de transaction.
1. L’économie des coûts de transaction
5La théorie des coûts de transaction (TCT) appréhende la question de l’externalisation au travers du concept d’intégration verticale. Cette problématique y est tellement centrale qu’elle constitue pour cette théorie the archetypal problem (Williamson, 1998). La TCT a engendré de très nombreuses études empiriques qui ont testé le modèle explicatif de l’intégration verticale avec de très bons résultats. Qui plus est, Williamson (1985) affirme qu’en termes de capacité à expliquer l’intégration verticale, la TCT s’est montrée supérieure à toutes les autres théories.
6Ces études empiriques ont pour la plupart sélectionné une fonction de l’entreprise et cherché à expliquer sa position par rapport aux frontières de l’entreprise (internalisée ou externalisée). Ces études ont mis l’accent sur trois facteurs influençant les coûts de transaction : la spécificité de l’actif, l’incertitude et la fréquence des transactions.
2. La théorie de l’agence
7À la différence de la TCT, la théorie de l’agence (TA) n’a que rarement été mobilisée dans les travaux relatifs à l’externalisation (Logan, 2000). La mise en garde des pères fondateurs de cette théorie n’a vraisemblablement pas incité ses théoriciens à investir ce champ d’étude [2]. Au cours de notre revue de littérature, nous n’avons trouvé qu’une seule étude quantitative utilisant des variables de la TA pour expliquer l’externalisation (Poppo et Zenger, 1998) mais en revanche plusieurs autres sur des domaines connexes comme l’intégration financière verticale, le partenariat, ou la franchise, etc.
8En nous plaçant dans le cadre du courant principal-agent (Eisenhardt, 1989), nous pouvons distinguer deux grands types de contrats sur lesquels peut se construire la relation d’agence :
- le contrat basé sur le comportement
- appelé par la suite CBC), par lequel l’agent s’engage sur les actions qu’il effectuera pour le compte du principal (et non sur les résultats) ;
- le contrat basé sur le résultat (CBR), par lequel l’agent s’engage sur le résultat des actions qu’il effectuera pour le compte du principal (et non sur les moyens d’y parvenir).
9Les raisons qui poussent à opter pour un CBC (respectivement CBR) ou pour une structure de gouvernance hiérarchique (respectivement de type marché) sont identiques (Eisenhardt, 1989). En effet, le marché correspond naturellement à une relation reposant sur un CBR, car les participants prennent en compte le produit échangé et non les efforts fournis. À l’inverse, la firme capitaliste repose sur le salariat : dans leur contrat de travail, les employés s’engagent à mettre à disposition leur capacité de travail contre un salaire (majoritairement fixe), à charge pour l’employeur de s’assurer qu’ils fournissent les efforts prévus.
10En prolongeant cette logique, nous considérerons que l’externalisation s’apparente à un CBR : l’entreprise cliente obtient par un contrat d’externalisation de la société prestataire un engagement sur des objectifs spécifiés (quantitatifs et qualitatifs). À l’inverse, l’internalisation s’apparente à un CBC : l’entreprise s’assure par le contrat de travail un lien de subordination envers le personnel.
3. La fonction comme unité d’analyse
11Comparer deux cadres théoriques différents nécessite de proposer une unité d’analyse compatible avec ces deux théories.
12La TCT, suivant en cela Commons, choisit la transaction comme unité d’analyse. Pour la TA, nous retiendrons la définition du concept de relation d’agence par Jensen et Meckling (1976). Ces deux concepts abordent le contrat à travers deux visions différentes : la première, plus économique, met l’accent sur le processus de production, ce qui n’est pas sans poser problème pour l’analyse des services de support. De plus, la transaction ne correspond pas nécessairement au périmètre d’externalisation des entreprises. Les contrats d’externalisation peuvent porter sur des fonctions, des tâches ou des processus, or ceux-ci correspondent rarement exactement à une transaction. La relation d’agence, plus organisationnelle, insiste sur la délégation d’autorité mais ne précise pas le contenu de cette délégation.
13Il est donc nécessaire de choisir un niveau d’analyse pour une telle étude. Nous avons retenu la véritable unité d’analyse des contrats d’externalisation : la fonction, et plus précisément la sous-fonction, puisqu’une fonction (par exemple, la gestion des ressources humaines) peut se décomposer en de nombreuses sous-fonctions (la formation, le recrutement, la gestion de la paye, etc.) qui peuvent être externalisées indépendamment.
14Comment réconcilier la fonction et la transaction ?
15Williamson (1985) définit cette dernière ainsi : « Il y a transaction lorsqu’un bien ou un service est transféré à travers une interface technologiquement séparable ». Cette définition technologique ne considère pas le changement de propriété mais le processus de production. L’activité d’une entreprise industrielle consiste donc en des transactions successives entre le centre de production, le centre de conditionnement, le service logistique, etc., que ces acteurs soient internes (fonction internalisée) ou externes (externalisée) à l’entreprise. Dans ce dernier cas seulement, la transaction sera supportée par un contrat formel. Pour autant, les transferts de biens ou de services entre les différentes fonctions de l’entreprise sont aussi des transactions. Fort de cette conception de la transaction [3], nous considérerons alors qu’une fonction peut donner lieu à une ou plusieurs transactions entre le personnel de cette fonction et celui des autres fonctions. Comment réconcilier la fonction et la relation d’agence ?
16Si la fonction est internalisée, nous dirons que la direction de l’entreprise entretient une relation d’agence avec le responsable du service assurant la fonction. La délégation décisionnelle repose sur le contrat de travail. Si la fonction est externalisée, la même direction, par un contrat d’externalisation, délègue au responsable de la société prestataire la capacité décisionnelle nécessaire à l’accomplissement de la fonction.
4. Articulation des niveaux positifs et normatifs
17La TCT postule qu’il existe un mode de gouvernance optimal parmi les solutions réalisables pour une transaction donnée. Selon les attributs de cette dernière, il s’agit soit de la firme, soit du marché, soit d’une forme intermédiaire. Or, on observe que pour un même type de transaction, différents modes de gouvernance coexistent simultanément.
18De nombreuses études empiriques ont montré, cependant, que les entreprises choisissent majoritairement la structure de gouvernance préconisée par la TCT. Mais, elles n’ont pas vérifié les effets de ces variables sur la performance (Poppo et Zenger, 1998). Elles ne peuvent donc que postuler qu’il s’agit de la structure optimale (puisqu’elle est préconisée par la TCT et choisie par les dirigeants).
19Toutefois, les agents sont, par hypothèse, supposés être dotés d’une rationalité limitée. Il n’est donc pas automatique que le mode de gouvernance majoritaire soit aussi le mode optimal. Et ce, d’autant plus que chaque entreprise dispose de contraintes propres, qui peuvent l’amener à choisir en fonction d’une efficience contrainte. L’exemple que Williamson reprend de Chandler sur les fabricants de machine à coudre au dix-neuvième siècle aux États-Unis est éclairant. Sur vingt-quatre producteurs, seuls trois d’entre eux intègrent en aval la distribution de détail. « Eux seuls sont restés les principaux acteurs de l’industrie. » (Williamson, 1985). Ce qui signifie donc que vingt et une entreprises sur vingt-quatre ont choisi un mauvais mode de gouvernance pour leur distribution, alors que le mode optimal était réalisable. Or, ces entreprises n’ont pas disparu du jour au len-demain. Sur une durée importante, une majorité d’entreprises était donc en governance misalignment. Une telle situation est toutefois transitoire, car comme le note Williamson (1998) : « Clever gambits will rarely save a firm in which serious governance misalignments are observed. »
20L’étude du governance misalignment suppose une problématique à deux niveaux : positif (comment expliquer les décisions d’externalisation par les dirigeants ?) et normatif (comment expliquer la performance des fonctions externalisées ?). Poppo et Zenger (1998) et Leiblein et al. (2002) représentent à notre connaissance les seules études qui proposent une double analyse comme celle que nous réalisons. Si une telle approche est si rare, cela est probablement dû à la difficulté d’opérationnaliser la performance.
5. L’opérationnalisation de la performance
21Poppo et Zenger choisissent d’opérationnaliser le concept de performance par une évaluation (multiniveau) de la satisfaction du principal ; Leiblein et al. retiennent une performance technologique (la densité de transistor dans le produit fabriqué). Nous avons choisi d’appréhender la performance des fonctions externalisées à partir de leur échec. Pour l’opérationnalisation, nous avons considéré qu’une fonction externalisée qui était réinternalisée était un échec. En effet, les coûts de transition (Geyer, 1996) sont importants, même s’ils ne sont pas tous connus à l’avance. Il paraît alors difficilement concevable qu’un dirigeant engage un tel processus tout en prévoyant le processus inverse peu après. La réinternalisation révèle donc que le dirigeant a décidé l’externalisation dans une situation d’incertitude et qu’il a disposé par la suite d’informations nouvelles qui l’ont amené à modifier son évaluation de l’externalisation.
22Toutefois, il existe des externalisations qui échouent sans pour autant déboucher sur une réinternalisation du fait de leur irréversibilité (clauses contractuelles, pertes de compétences, etc.). C’est pourquoi, si nous pouvons dire qu’une réinternalisation est un échec, nous nous garderons d’affirmer qu’une absence de réinternalisation est un succès.
23Notre problématique consiste donc à identifier les variables qui expliquent les décisions d’externalisation de fonctions et qui influent sur la performance des fonctions externalisées. Dans une logique hypothéticodéductive, nous reprendrons les variables explicatives identifiées par la TCT et la TA que nous testerons.
6. Hypothèses
24Nous formulerons pour chaque variable deux hypothèses : une pour le niveau positif, une pour le niveau normatif.
EXTERNALISATION DE LASOUS-FONCTION
EXTERNALISATION DE LASOUS-FONCTION
25En ce qui concerne les variables issues de la TCT, nous retiendrons l’analyse traditionnelle (Williamson, 1985), dont certaines des hypothèses ont été depuis critiquées (H1 à H6 ).
26En raison de la manière dont nous avons appliqué la théorie de l’agence, nous pouvons reprendre les travaux du courant principalagent. Eisenhardt (1989) en propose une synthèse qui identifie huit facteurs explicatifs du type de contrat sous-jacent à la relation d’agence. Nous n’en retiendrons que cinq, en reprenant ses hypothèses (H7 à H16 ).
H2 :Les fonctions externalisées caractérisées par une forte spécificité de l’actif conduisent plus fréquemment à des échecs.
H3 : Une fonction caractérisée par une forte incertitude des transactions est moins fréquemment externalisée.
H4 : Les fonctions externalisées caractérisées par une forte incertitude des transactions conduisent plus fréquemment à des échecs.
H5 : Une fonction caractérisée par des transactions récurrentes est moins fréquemment externalisée.
H6 : Les fonctions externalisées caractérisées par une grande fréquence des transactions conduisent plus fréquemment à des échecs.
H8 : Les fonctions externalisées caractérisées par une grande difficulté à observer les comportements conduisent moins fréquemment à des échecs.
H9 : Une fonction caractérisée par une grande incertitude sur les résultats (du comportement de l’agent) est moins fréquemment externalisée.
H10 : Les fonctions externalisées caractérisées par une grande incertitude sur les résultats conduisent plus fréquemment à des échecs.
H11 : Une fonction caractérisée par une grande difficulté à mesurer les résultats (du comportement de l’agent) est moins fréquemment externalisée.
H12 : Les fonctions externalisées caractérisées par une grande difficulté à mesurer les résultats conduisent plus fréquemment à des échecs.
H13 : Une fonction caractérisée par des tâches programmables est moins fréquemment externalisée.
H14 : Les fonctions externalisées caractérisées par des tâches programmables conduisent plus fréquemment à des échecs.
H15 : Une fonction caractérisée par la nécessité d’une relation de longue durée est moins fréquemment externalisée.
H16 : Les fonctions externalisées caractérisées par la nécessité d’une relation de longue durée conduisent plus fréquemment à des échecs.
II. – L’ÉTUDE EMPIRIQUE
27Afin de tester ces hypothèses, nous allons utiliser une régression logistique sur un échantillon de données secondaires. Notons que le recours à la régression logistique (ou à probit) pour étudier l’externalisation est courante (Barthélemy, 2000).
MÉTHODE [4] DE RECHERCHE
Pour valoriser les différentes variables explicatives, quatre codeurs (d’origine universitaire) ont codé séparément. Ensuite, deux praticiens ont réalisé le même codage. (cf. tableau 2).
La première régression prend pour niveau d’analyse les 3441 sous-fonctions (internalisées ou externalisées) des entreprises de l’échantillon. Et la variable dépendante est : la sous-fonction a-t-elle été externalisée (codée 1) ou est-t-elle toujours restée internalisée (codée 0)?
La seconde régression prend pour niveau d’analyse les 639 sous-fonctions ayant été externalisées (ce qui signifie les sous-fonctions toujours externalisées au moment du sondage et celles qui ont été réinternalisées avant le sondage). Et la variable dépendante est : la sous-fonction externalisée a-t-elle été un échec (c’est-à-dire réinternalisée avant le sondage ou en prévision d’être réinternalisée après)? (cf. figure 1)
Les variables de contrôle choisies sont la taille de l’entreprise et son secteur (plus rarement utilisé car de nombreuses études se limitent à un seul secteur).
ÉCHANTILLON
ÉCHANTILLON
TAUX DE FIABILITÉ INTERCODEUR
TAUX DE FIABILITÉ INTERCODEUR
1. Résultats de l’étude
28Quelques précisions sur les tableaux de résultats :
- la valeur dans chaque cellule est égale à exp(paramètre estimé);
- * : p < 0,05 ** : p < 0,01 *** : p < 0,001).
29Des modèles ont été construits pour tester si des variables d’interactions sont significatives. Ils ne sont pas présentés car aucune ne l’est.
RÉSULTATS DE L’ÉTUDE
RÉSULTATS DE L’ÉTUDE
30Le premier modèle teste uniquement les variables de contrôle, le second modèle celles de la TCT, le troisième celles de la TA et le dernier, toutes les variables ensemble. Avec un risque de 1 ‰, H9, H11 et H13 sont corroborées, alors que H5 est infirmée.
31Avec un risque de 5 %, H10 est corroborée.
2. Discussion
32Les modèles sont peu prédictifs, ce qui peut s’expliquer par l’utilisation de variables explicatives binaires. En revanche certaines variables sont fortement significatives. Ceteris paribus, les grandes entreprises externalisent plus que les petites, et les entreprises industrielles plus que les entreprises de service. De plus, les fonctions caractérisées par des relations d’agence marquées par l’incertitude ou la difficulté à mesurer les résultats, ainsi que par la programmabilité des tâches sont moins externalisées, de même pour les transactions occasionnelles. Pour la performance, les relations d’agence marquées par l’incertitude conduisent plus fréquemment à des échecs.
RÉSULTATS DE L’ÉTUDE
RÉSULTATS DE L’ÉTUDE
33Par notre double niveau d’analyse, nous pouvons comparer le taux d’externalisation (TE) et le niveau de performance (NP) des fonctions caractérisées par nos variables (tableau 5).
34buts des transactions. Or, nos résultats montrent que la taille de l’entreprise influence le taux d’externalisation et le niveau de performance des fonctions externalisées. Si l’on considère donc l’existence Nous ne trouvons pas de serious governance misalignment (qui correspondraient aux cellules SGM). Toutefois, l’interprétation de ce tableau pose question. En effet, les fonctions caractérisées par l’incertitude des résultats connaissent, lorsqu’elles sont externalisées, un niveau de performance inférieur à la moyenne des fonctions. De plus, elles ont un taux d’externalisation inférieur à la moyenne des fonctions. Nous semblons donc être en présence d’un cas de governance alignment. Mais au niveau individuel, peut-on alors dire qu’une entreprise ayant choisi de les externaliser soit en situation de governance misalignment? De même, celle qui a choisi de les internaliser serait-elle en situation de governance alignment?
TAUX D’EXTERNALISATION/NIVEAU DE PERFORMANCE
TAUX D’EXTERNALISATION/NIVEAU DE PERFORMANCE
35Une des difficultés de ce concept réside dans le fait qu’il se place au niveau d’un ensemble d’entreprises (une population) comparables en termes de coûts, ces derniers n’étant déterminés que par les attride niveaux de coûts de transaction relatifs à l’entreprise, il devient quasi-impossible de déterminer empiriquement des governance misalignments. En effet, on ne peut le faire qu’au niveau de l’entreprise, en calculant en détail le coût de chacun des modes de gouvernance alternatifs pour cette transaction.
CONCLUSION
36En adoptant une problématique originale à deux niveaux, cette étude a permis de mettre en avant plusieurs points. Le concept de governance alignment est un concept théorique indispensable à l’économie des coûts de transaction mais il semble quasiment impossible de le mesurer empiriquement. De plus, les résultats obtenus renvoient à une certaine rationalité des décideurs qui ont des pratiques d’externalisation cohérentes avec les performances des fonctions externalisées. Enfin, les études empiriques traditionnelles qui se limitent à expliquer les pratiques d’externalisation par différents facteurs théoriques sont difficilement interprétables pour les gestionnaires. Les résultats que nous avons obtenus devraient inciter ces derniers à tenir compte de l’incertitude des résultats d’une relation d’agence tant lors de la décision d’externalisation/internalisation (par exemple en redélimitant le périmètre externalisé afin d’en sortir les éléments les plus incertains), que lors de la négociation avec le prestataire ou lors du pilotage de cette relation.
37En proposant d’analyser les phénomènes d’externalisation à l’aide de la théorie de l’agence, nous avons montré que certaines variables issues de celles-ci sont très significatives, tant sur les décisions d’externalisation que sur la performance des fonctions externalisées. De plus, les résultats obtenus semblent confirmer la pertinence de l’opérationnalisation que nous avons proposée.
38Cette recherche pourrait être complétée par d’autres, en suivant deux types d’orientation. Au vu de nos résultats, il semblerait intéressant de développer le recours à la théorie de l’agence dans les études sur l’externalisation. Ceci peut être fait, par exemple, en étudiant l’influence de l’aversion au risque du principal ou de l’agent, ou en analysant les mécanismes d’incitation et de surveillance déployées par le principal. Ainsi, l’étude de l’externalisation ne se limiterait ni à une vision centrée sur les compétences de l’entreprise externalisatrice (théorie des ressources), ni à une vision centrée sur l’élément externalisé (TCT) pour mieux prendre en compte la relation entre l’entreprise externalisatrice et son prestataire.
39Par ailleurs, la double dimension positive et normative de la problématique d’externalisation doit être développée pour enrichir ou dépasser le concept de governance misalignment et permettre des prescriptions manageriales.
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
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Notes
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[1]
L’auteur remercie R.AThiétart et A. Desreumaux pour leur aide ainsi que T. Muller de la société Andersen pour avoir mis à sa disposition les données du baromètre.
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[2]
« It makes little or no sense to try to distinguish those things which are ‘inside’the firm from those things that are ‘outside’of it. There is in a very real sense only a multitude of relationships (i.e. contracts) between the legal fiction (the firm) and the owners of labor, material and capital inputs and the consumers of output. » (Jensen et Meckling, 1976, p. 9).
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[3]
Cette façon de comprendre la transaction nous semble la seule compatible avec le postulat de la TCTselon lequel une transaction peut être gérée par une structure de gouvernance hiérarchique ou de marché. En effet, définir la transaction par référence au transfert de droits de propriété exclut la possibilité de voir la hiérarchie régenter une transaction.
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Les détails de la méthodologie ainsi que l’opération de codage des variables utilisée sont présentés dans G. Chanson (2002).