Notes
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[1]
Il convient ici de bien faire la distinction entre l’hétérogénéité institutionnelle qui décrit une situation où les réalités institutionnelles sont divergentes (divergences en termes de régimes de change, de degré d’indépendance des banques centrales, de développement financier ou encore de structure de la politique budgétaire) et la qualité institutionnelle qui définit la performance des institutions. Sur le premier aspect, la littérature a été particulièrement abondante (voir Lucotte [2015] pour une revue de littérature sur la question). En revanche, la problématique de la qualité institutionnelle a été beaucoup moins développée.
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[2]
Dans cet article, nous emploierons indistinctement les termes de qualité institutionnelle dégradée, défaillances institutionnelles ou carences institutionnelles.
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[3]
Le tableau n°1 s’inspire de celui de Kuncic [2014] et le complète.
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[4]
Sur ces douze sous-indicateurs, sept sont principalement utilisés dans la littérature. Ces sept indicateurs principaux sont ceux que nous avons rapportés tableau n°3.
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[5]
Si on prend l’exemple de la variable government stability notée sur 12, un score entre 0 et 4 est attribué à chacune des sous-dimensions government unity, legislative strength et popular support.
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[6]
Le sigle KKZ désigne les initiales des personnes à l’origine de cette base de données : Kaufmann, Kraay et Mastruzzi.
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[7]
Les indicateurs WGI de la Banque mondiale ne sont cependant pas sans limites. On peut en citer au moins trois : i) ils réunissent toutes les limites des indicateurs qui les composent comme le manque de précision ou l’opacité qui entoure la méthodologie de certains indicateurs (Freedom House ou The Heritage Foundation par exemple) utilisées pour construire les indicateurs composites WGI, ii) l’existence de biais idéologiques dans la définition de certaines variables et iii) l’existence de biais statistiques en ce qui concerne le poids accordé à l’information provenant de différentes sources. Par ailleurs, la construction des indicateurs composites repose sur une hypothèse très peu réaliste : il n’y aurait pas de corrélation entre les erreurs des indicateurs provenant de sources différentes. Pour une étude approfondie sur les limites de ces indicateurs, on pourra se référer à OCDE [2006] ou Roca [2013].
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[8]
Quatre indicateurs de corruption différents sont utilisés dans les régressions pour mettre en évidence la robustesse des résultats.
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[9]
Ceci est particulièrement intéressant car les pays qui connaissent les difficultés institutionnelles les plus fortes sont aussi ceux ayant un niveau de développement financier relativement faible (Altunbas et Thornton [2012]).
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[10]
Dans leur modèle, les défaillances institutionnelles font référence à la corruption bureaucratique.
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[11]
Cette étude postule qu’une forte volatilité de l’inflation est synonyme d’inflation.
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[12]
Comme on a vu que l’inflation peut conduire à une hausse de la corruption, une politique de ciblage d’inflation devrait a priori pouvoir permettre de contenir la progression du développement de ces défaillances institutionnelles dans l’économie.
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[13]
Par exemple, Masson et al. [1997] affirment : « In many developing countries, these [institutional] requirements for an effective inflation targeting strategy are not present […] The fairly stringent technical and institutional requirements of inflation targeting and its still tentative record in just a handful of industrial countries lead us to believe that the way of improving the monetary and inflation performance of developing countries may not be through the adoption of a framework akin to inflation targeting, at least not in the near term ».
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[14]
Pour plus d’informations sur les conditions pré-requises à l’adoption du ciblage d’inflation, on pourra se référer à Lucotte [2012] et Lucotte [2015].
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[15]
Ce coût peut correspondre à l’ensemble des efforts entrepris par le gouvernement pour effectuer ces réformes institutionnelles.
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[16]
En effet, bien que les institutions soient fréquemment supposées exogènes dans les analyses théoriques classiques, l’idée que les réformes politiques et institutionnelles sont endogènes a été esquissée depuis longtemps (Alesina et Summer [1993]).
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[17]
De manière similaire, une évaluation empirique est proposée par Minea et al. [2015] qui parvient aux mêmes résultats.
-
[18]
Remarquons toutefois que l’euro flotte vis-à-vis de la plupart des autres devises.
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[19]
On parlera en anglais de « pegged exchange rate system ».
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[20]
Les variables de qualité institutionnelle utilisées sont (entre autres) Political risk (BERI), Voice and Accountability (WB WGI), Control of Corruption (WB WGI), Regulatory Quality (WB WGI), Political Stability (WB WGI), Government Effectiveness (WB WGI) et Rule of Law (WB WGI).
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[21]
Pour conduire cette étude, ils utilisent l’indice de fixité des changes développé par Reinhart et Rogoff [2004].
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[22]
Des exemples très concrets, comme le cas de la crise en Argentine entre 1998 et 2002, permettent également de soutenir l’idée selon laquelle une qualité institutionnelle défaillante peut remettre en cause les bénéfices escomptés d’un régime de Currency Board.
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[23]
Gosh et al. [2002] suggèrent que le recours à un régime de Crawling Peg (comme au Pérou) pour des économies où les institutions peuvent être défaillantes est meilleur que le recours à des régimes de type Currency Board ou dollarisation.
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[24]
Ce que nous appelons régimes de change fixe « souples » sont les régimes de change fixe dans lesquels les banques centrales définissent une parité fixe (qui peut exceptionnellement être ajustée) mais garde un contrôle total sur la politique monétaire de leur pays (contrairement aux régimes de Currency Board ou de dollarisation, par exemple).
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[25]
L’endogénéité de cette variable provient de l’introduction de la corruption dans « la fonction objectif » du gouvernement, ce qui va permettre de déterminer un niveau de corruption d’équilibre qui dépend des paramètres du modèle.
-
[26]
Pour le reste, mis à part le fait que Garcia [2015] modélise les défaillances institutionnelles par un paramètre exogène de corruption (identique à celui de Huang et Wei [2006]), les hypothèses du modèle sont similaires à celles de Hefeker [2010].
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[27]
Il reste que la sortie de la Grèce de la zone euro doit faire l’objet d’une analyse beaucoup plus approfondie en termes de coûts et de bénéfices.
1Les trois dernières décennies ont vu l’émergence d’une littérature singulièrement prolifique au sujet du rôle des institutions dans les performances macroéconomiques. Cette problématique s’est développée dans les années 1990 avec les travaux de North selon lesquels la performance institutionnelle est intrinsèquement liée à la performance économique des nations. En d’autres termes, le progrès technique, l’accumulation du capital physique ou humain ou encore l’investissement public ne seraient pas des facteurs qui influenceraient directement la croissance ou le développement économiques mais les conséquences d’un environnement institutionnel plus ou moins performant. Cette conception institutionnaliste de l’économie traduit donc l’idée que la qualité des institutions, en affectant les principaux canaux de transmission de la croissance, est le déterminant originel des niveaux différenciés de croissance et de développement entre les pays. Par la suite, des travaux majeurs comme ceux d’Acemoglu et al. [2002] et Acemoglu [2005] étayeront substantiellement cet argumentaire et conduiront à établir, plus formellement encore, la primauté des institutions dans les processus de croissance et de développement.
2En revanche, la question des politiques économiques à adopter en fonction du niveau de qualité institutionnelle [1] des économies a reçu une attention beaucoup moins prononcée, notamment en ce qui concerne le lien entre qualité institutionnelle et politiques monétaires optimales (ou régimes monétaires optimaux). Pendant longtemps, les travaux traitant des politiques monétaires optimales se sont situés dans un cadre excluant toute hétérogénéité potentielle en termes de qualité institutionnelle (Kydland et Prescott [1977] ; Barro et Gordon [1983] ; Rogoff [1985]). Pourtant, de nombreux travaux plus récents ont mis en évidence que les défaillances institutionnelles minent la confiance des agents dans la monnaie du pays concerné et, de manière corrélative, la crédibilité de cette monnaie (Huang et Wei [2006] ; Hefeker [2010] ; Dimakou [2013]). Par conséquent, les politiques monétaires ne peuvent pas être homogènes et doivent, de fait, prendre en considération le niveau de qualité institutionnelle des économies.
3L’objectif de cet article est de passer en revue les principaux développements de la littérature théorique et empirique au sujet du lien entre qualité institutionnelle, inflation et régime monétaire optimal, en essayant de mettre en évidence les conséquences des défaillances institutionnelles pour les pays développés (à partir de l’exemple spécifique de l’Europe) et en développement. La qualité institutionnelle, qui peut être définie comme la performance des institutions d’une économie (nous reviendrons en détail sur le concept de qualité institutionnelle dans la section suivante), est souvent appréhendée à travers le prisme de la discipline budgétaire et de l’aptitude du gouvernement à collecter les taxes nécessaires au financement des dépenses publiques (Huang et Wei [2006] ; Hefeker [2010] ; Minea et Villieu [2010] ; Dimakou [2015]). En d’autres termes, le concept de qualité institutionnelle fait référence à la capacité de l’Etat à maîtriser sa contrainte budgétaire (un faible niveau d’évasion fiscale ou de corruption traduit en ce sens une bonne qualité institutionnelle). C’est sur cet aspect que nous concentrerons l’essentiel de notre analyse. En diminuant les recettes fiscales pour le gouvernement, une qualité institutionnelle dégradée [2] va engendrer une redéfinition des politiques monétaires optimales, et donc des régimes monétaires optimaux.
4Ainsi, les institutions internationales (et en particulier le FMI) ont souvent encouragé les pays souffrant de défaillances institutionnelles à mettre en place des politiques de ciblage d’inflation ou des régimes de change fixe dits « durs » (comme les régimes de currency board ou de dollarisation). L’analyse de la relation entre les principales variables de qualité institutionnelle et l’inflation montre néanmoins que la question est plus complexe et qu’elle mérite une discussion approfondie. Par la suite, nous discuterons également la pertinence de demeurer dans une union monétaire pour une économie dont les institutions sont profondément dégradées, en nous appuyant sur l’expérience de la Grèce et de l’union monétaire européenne.
5La suite de l’article s’organise de la manière suivante. Dans un premier temps, nous chercherons à définir le concept de qualité institutionnelle tel qu’il est appréhendé dans la littérature. Puis, nous passerons en revue différents travaux afin de mettre en évidence le lien entre la qualité institutionnelle et l’inflation. Enfin, nous discuterons des différents régimes monétaires (pegged exchange rate, currency board, dollarisation, union monétaire) afin de déterminer lesquels sont les plus adaptés à des pays confrontés à de profondes défaillances au niveau institutionnel.
La qualité institutionnelle : de quoi s’agit-il ?
6Douglass North [1990] définit les institutions comme l’ensemble des « contraintes établies par les hommes qui structurent les interactions humaines. Elles se composent de contraintes formelles (comme les règles, les lois, les constitutions), de contraintes informelles (comme des normes de comportement, des conventions, des codes de conduite auto-imposés) et des caractéristiques de leur application ». Dans le même ordre d’idées, Ostrom [2015] considère que les institutions sont l’ensemble des règles utilisées pour déterminer ceux qui sont aptes à prendre des décisions dans certains domaines, les actions autorisées ou contraintes, les procédures à suivre, les informations qui doivent ou ne doivent pas être fournies ainsi que les avantages dont chaque individu doit bénéficier en fonction de ses actions. La qualité institutionnelle peut donc se définir comme l’efficience et la performance des contraintes et des règles énoncées dans ces deux définitions.
7À partir de ces considérations générales, on peut dresser une taxinomie des institutions se déclinant en trois grandes catégories (Joskow [2008]) : les institutions légales, les institutions économiques et les institutions politiques. Les institutions légales sont celles qui assurent le respect de la loi. Les institutions économiques sont les institutions de la liberté économique et financière, de la qualité de la régulation, du contrôle des capitaux, etc. Enfin, les institutions politiques décrivent l’environnement politique dans lequel évolue l’économie. La nature démocratique ou non de l’institution étatique, le contrôle de la corruption ou encore la qualité de la bureaucratie sont les principales variables permettant d’évaluer la qualité et la performance de ces institutions.
8Il existe différents indicateurs pour évaluer quantitativement la qualité des institutions d’une économie. Nous les avons recensés dans le tableau n°1 [3]. Ces indicateurs partagent une caractéristique commune, la subjectivité relative des évaluations qui permettent leur construction. En effet, un peu à la manière des agences de notation financière, ce sont des experts (voire même des membres de la société civile) qui attribuent une note à chaque pays à partir d’une grille de critères prédéterminés.
Scores de qualité institutionnelle (pays du nord de l’Europe)
Finlande | Allemagne | Danemark | France | |
---|---|---|---|---|
Corruption (ICRG) | 5,5/6 | 5/6 | 5,5/6 | 4,5/6 |
Control of corruption (WGI) | 4,3/5 | 4,33/5 | 4,71/5 | 3,81/5 |
Law and order (ICRG) | 6/6 | 5/6 | 6/6 | 5/6 |
Rule of law (WGI) | 4,77/5 | 4,29/5 | 4,54/5 | 3,91/5 |
Bureaucracy quality (ICRG) | 4/4 | 4/4 | 4/4 | 3/4 |
Scores de qualité institutionnelle (pays du nord de l’Europe)
9La plupart des études empiriques utilisent les indicateurs fournis par l’ICRG (International Country Risk Guide) et la Banque mondiale. L’ICRG propose depuis 1984 des notations mensuelles pour 140 pays. Il étudie trois types de risque : le risque économique qui est noté sur 50, le risque financier également noté sur 50 et le risque politique (ou institutionnel) noté sur 100. Dans cette base de données, la qualité institutionnelle est mesurée par douze sous-indicateurs [4] qui proposent des notes variant de 0 à 4, 0 à 6 ou 0 à 12 en fonction de l’importance relative du sous-indicateur dans la qualité institutionnelle globale. Certains sous-indicateurs, en particulier ceux qui proposent une échelle de notation de 0 à 12, dérivent eux-mêmes de « sous-sous-indicateurs » [5]. Bien que l’usage des indicateurs de l’ICRG soit largement répandu, tant au niveau académique que dans le secteur privé, ils présentent un certain nombre de limites sur le plan méthodologique. Tout d’abord, comme nous l’avons évoqué plus haut, à l’instar de la quasi-totalité des indicateurs de qualité institutionnelle, ce sont des indicateurs subjectifs. Ils sont déterminés sur la base d’enquêtes d’opinion conduites par les experts du groupe PRS (Political Risk Services). Ensuite, contrairement à d’autres bases de données, l’accès à ces indicateurs est relativement onéreux. Enfin, comme le souligne Roca [2013], la principale limite des indicateurs de l’ICRG réside dans l’absence d’intervalle de confiance.
10Plus populaires encore que ceux de l’ICRG, les indicateurs de gouvernance développés par Kaufmann et al. [1999] pour le compte de la Banque mondiale (indicateurs WGI aussi appelés indicateurs KKZ [6]) cherchent à apporter des réponses à ces limites. La Banque mondiale développe six indices de qualité institutionnelle : voice and accountability, political stability, government effectiveness, regulation quality, rule of law et control of corruption. Selon Kaufmann et al. [1999], ces six indicateurs renvoient à trois dimensions fondamentales de la qualité institutionnelle. Les deux premières variables décrivent « le processus par lequel les gouvernements sont sélectionnés, contrôlés et remplacés ». Les deux variables suivantes décrivent « la capacité du gouvernement à formuler et mettre en place des politiques adéquates ». Les deux dernières variables définissent enfin « le respect des citoyens et de l’État vis-à-vis des institutions qui régissent les intéractions économiques et sociales ». Contrairement à la base de données de l’ICRG, les indicateurs de développement de la Banque mondiale sont libres d’accès et fournissent des intervalles de confiance pour chaque dimension de la qualité institutionnelle. Par ailleurs, ils ont l’avantage de constituer la base de données sur la qualité institutionnelle qui couvre le plus grand nombre de pays sur une période de plus de 20 ans (plus de 210 pays pour chacune des variables de qualité institutionnelle). En outre, les indicateurs WGI sont construits à partir de 37 bases de données différentes et agrègent toute l’information qu’elles contiennent. Il s’agit donc d’indicateurs composites contrairement aux indicateurs de l’ICRG [7].
11Par la suite, cet article se focalisera plus spécifiquement sur les institutions politiques, et en particulier sur la corruption. C’est sur cet aspect que la littérature récente traitant de la relation entre qualité institutionnelle, inflation et régime monétaire optimal a été la plus abondante. Du reste, la corruption est la principale défaillance que connaissent les pays souffrant d’institutions dégradées. La corruption, en affectant négativement la capacité du gouvernement à collecter l’impôt, est souvent synonyme d’évasion fiscale. Par conséquent, les États doivent redéfinir leurs politiques budgétaires en ayant recours à des instruments autres que le taux comme par exemple le seigneuriage. Cela aura des effets importants sur l’orientation de la politique monétaire, et par conséquent sur les régimes monétaires optimaux, dans ces économies.
Qualité institutionnelle et contrôle de l’inflation
Analyse de la relation qualité institutionnelle/inflation
12La majorité des études empiriques mettent en évidence l’existence d’une relation très significativement négative entre la qualité institutionnelle et l’inflation (Akça et al. [2012]). Cette relation est bidirectionnelle : l’inflation est positivement affectée par les défaillances institutionnelles (Al Marhubi [2000] ; Blackburn et Powell [2011]) et participe dans le même temps à la dégradation de la qualité des institutions (Braun et Di Tella [2004] ; Akça et al. [2012]).
13Dans une étude en coupe transversale incluant 41 pays développés et en développement, Al-Marhubi [2000] montre que la corruption affecte positivement l’inflation, quel que soit l’indice de corruption utilisé dans les régressions [8]. Ces résultats s’expliquent par deux arguments. Premièrement, une qualité institutionnelle dégradée entraîne des difficultés dans la collecte des recettes fiscales (voir Tanzi et Davoodi [2000], par exemple). Par conséquent, le gouvernement peut être incité à avoir recours au seigneuriage pour financer les dépenses publiques. Deuxièmement, en réduisant les revenus fiscaux, les défaillances institutionnelles creusent les déficits budgétaires, ce qui engendre des pressions inflationnistes, en particulier dans les pays où le niveau de développement financier est faible [9]. Ce dernier point a été analysé dans le cas spécifique des pays en développement par Ben Ali et Sassi [2016] confirmant l’intuition initiale d’Al-Marhubi [2000].
14Dans le même ordre d’idée, Blackburn et Powell [2011] construisent un modèle mettant en évidence une relation positive entre défaillances institutionnelles et inflation [10]. Ils se concentrent par ailleurs sur les conséquences de cette relation pour la croissance économique. Leur étude souligne qu’en affectant négativement la capacité du gouvernement à collecter des taxes régulières, une mauvaise qualité institutionnelle contraint ce dernier à se tourner vers le seigneuriage pour financer des dépenses publiques, ce qui génère de l’inflation. Comme chez Stockman [1981], les agents font face à une contrainte de liquidité (ou contrainte cash-in-advance) et l’inflation provoquée par l’augmentation du seigneuriage agit comme une taxe sur la consommation et l’investissement qui, in fine, affecte négativement la croissance.
15Néanmoins, cette conclusion doit être nuancée. Huang et Wei [2006] montrent en effet que l’impact positif d’une dégradation de la qualité des institutions sur l’inflation dépend fondamentalement de la nature du régime monétaire considéré. Dans un régime d’engagement (tel que le ciblage d’inflation par exemple), lorsque la qualité institutionnelle se dégrade, le taux d’inflation croît et le bien-être social s’amenuise. En revanche, si les autorités monétaires décident de mener une politique monétaire discrétionnaire, l’impact de la dégradation de la qualité institutionnelle sur l’inflation est non linéaire. En deçà d’un certain seuil de qualité institutionnelle, l’impact des défaillances institutionnelles sur l’inflation serait négatif. Au-delà de ce seuil, l’impact serait positif. Cette non-linéarité provient du fait que le taux d’inflation discrétionnaire d’équilibre est une fonction à la fois du taux d’inflation d’équilibre du régime d’engagement et du biais d’inflation (voir encadré n°1), et que les défaillances institutionnelles exercent deux effets opposés sur ces deux variables. Une dégradation de la qualité institutionnelle conduit en effet à augmenter le taux d’inflation d’équilibre du régime d’engagement mais tend également à réduire le biais d’inflation. L’effet qui l’emporte dépend du degré de qualité institutionnelle initiale. Si la qualité des institutions est relativement faible (en deçà d’un certain seuil) à l’origine, la réponse optimale de politique monétaire va être de diminuer le taux d’inflation. Le mécanisme contraire se produit lorsque le niveau initial de qualité institutionnelle est faible. L’intuition de ce résultat réside dans le fait qu’une dégradation du cadre institutionnel provoque un accroissement du « prix fictif » (shadow price en anglais) de la collecte de taxes régulières par rapport à la collecte de la taxe d’inflation, d’autant plus important que le niveau de qualité institutionnelle initiale est faible. L’encadré n°1 ci-après présente les grandes lignes du modèle de Huang et Wei [2006].
Encadré 1. Le modèle de Huang et Wei [2006]
Leur modèle s’inscrit dans la continuité de celui d’Alesina et Tabellini [1987]. Ils considèrent une fonction objectif du gouvernement qui est fonction à la fois de l’inflation π et de l’output y, mais également des dépenses publiques g.
Dans leur modèle, Huang et Wei [2006] considèrent qu’il existe seulement deux agents qui gèrent les politiques économiques : le gouvernement qui s’occupe de la politique budgétaire (contrôle du taux d’imposition) et la banque centrale qui s’occupe de la politique monétaire (contrôle du taux d’inflation). Ces deux agents partagent toutefois la même fonction objectif. L’output est produit suivant une fonction d’offre à la Lucas (courbe de Phillips augmentée des anticipations d’inflation) :
En minimisant la fonction objectif sous les contraintes de la fonction de production et de la contrainte budgétaire du gouvernement, on peut déterminer les taux d’imposition et d’inflation optimaux en fonction de la qualité institutionnelle. Deux principaux régimes sont alors étudiés : un régime d’engagement et un régime de discrétion. Dans le régime d’engagement, les autorités monétaires s’engagent de manière crédible à atteindre une cible d’inflation prédéterminée. Ainsi, π = πe et la contrainte liée à l’output devient y = −βτ.
À partir des conditions du premier ordre, on détermine alors l’équilibre de Nash du jeu non coopératif en résolvant le système composé des deux fonctions de réaction, ce qui conduit au taux d’inflation et d’imposition d’équilibres suivants :
De là, on voit clairement qu’un régime discrétionnaire génère un taux d’imposition d’équilibre plus faible, un taux d’inflation plus élevé et un niveau de bien-être social amoindri par rapport à un régime d’engagement. On retrouve également l’effet non linéaire de la relation entre qualité institutionnelle et taux d’imposition d’équilibre.
On remarque en outre que dans le cas d’une politique monétaire discrétionnaire, il existe un seuil de qualité institutionnelle φ tel que , en deçà duquel une dégradation de la qualité institutionnelle conduit à une diminution de l’inflation et au-delà duquel l’inflation augmente. L’intuition de ce résultat est fournie dans le corps du texte.
16Dans le modèle de Huang et Wei [2006], la causalité va dans le sens qualité institutionnelle-inflation. Néanmoins, on peut envisager une causalité dans l’autre sens. Ainsi, Braun et Di Tella [2004] ont développé un modèle théorique de type principal-agent dans lequel une forte variabilité de l’inflation [11] peut conduire à un niveau de corruption (de qualité institutionnelle) plus élevé (plus faible). L’hypothèse de base du modèle est qu’une inflation forte et volatile accroît le coût lié au contrôle du comportement des agents. Par conséquent, réprimer des agents corrompus devient plus difficile, ce qui conduit à une hausse du niveau agrégé de corruption et donc à une dégradation globale du cadre institutionnel. Les conséquences d’une telle relation sont importantes pour l’activité économique : le coût de l’investissement augmente considérablement causant ainsi une diminution du nombre d’entrepreneurs qui s’engagent dans le pays, ce qui ralentit la croissance. Ces conclusions théoriques ont en outre été confirmées au niveau empirique par Paldam [2002], Goel et Nelson [2010] ou encore Akça [2012].
Le ciblage d’inflation : une stratégie optimale contre les défaillances institutionnelles ?
17Comment lutter contre les conséquences inflationnistes des défaillances institutionnelles ? De prime abord, l’adoption d’une politique de ciblage d’inflation peut paraître opportune. En déterminant une cible d’inflation, les autorités monétaires pourraient en effet contenir la croissance du niveau général des prix, ce qui permettrait d’assainir l’environnement institutionnel [12] qui, en retour, créerait un cadre propice à un meilleur contrôle de l’inflation. Une telle politique est-elle vraiment efficace pour des pays où les institutions sont profondément dégradées ?
18Le ciblage d’inflation est une stratégie qui a connu un engouement tout à fait singulier au cours des quinze dernières années. Une telle politique, qui fut longtemps l’apanage des économies industrialisées, a suscité par son succès un vif intérêt dans les pays émergents, en particulier chez ceux qui ont été confrontés à des difficultés pour endiguer une inflation parfois endémique. Mais, s’il est vrai que le résultat des politiques de ciblage d’inflation fut relativement probant pour les économies développées, nombreux sont les travaux empiriques qui contestent les bénéfices de son usage dans les économies émergentes où les carences institutionnelles sont trop marquées (Masson et al. [1997]) [13].
19Afin d’étudier l’efficacité du recours à une telle politique monétaire, Huang et Wei [2006] introduisent une typologie nouvelle du ciblage d’inflation. Selon ces auteurs, il faut distinguer le ciblage « mécanique » du ciblage « optimalement déterminé ». Le ciblage « mécanique » consiste pour les pays émergents à calquer leurs cibles d’inflation sur celles des pays développés (soit une cible approximativement comprise entre 1 % et 4 %). Le ciblage « optimalement déterminé » de l’inflation résulte, quant à lui, du comportement d’optimisation de la banque centrale qui prend comme contraintes les considérations budgétaires (si elle n’est pas complètement indépendante) et institutionnelles de l’économie. Cette typologie est intéressante car elle permet une analyse de l’impact du ciblage d’inflation sur les principales variables macroéconomiques en prenant en compte la qualité des institutions du pays considéré. En effet, plus le cadre institutionnel est dégradé, plus les revenus provenant des taxes régulières diminuent et plus le gouvernement est contraint de financer les dépenses publiques par la taxe d’inflation (seigneuriage). Par conséquent, il peut être préférable pour un gouvernement confronté à de profondes carences institutionnelles de délaisser les politiques de ciblage d’inflation conventionnelles et de mettre en place une politique de ciblage « optimalement déterminé », ce qui revient à calculer la part de seigneuriage qui doit être utilisée pour financer les dépenses publiques et compenser les pertes liées à la baisse des revenus fiscaux.
20Ce résultat peut aisément s’expliquer. En effet, tout un pan de la littérature sur le ciblage d’inflation traite des « préconditions indispensables » à la conduite d’une politique optimale de ciblage d’inflation. Parmi ces « préconditions », l’environnement institutionnel, et plus particulièrement la discipline budgétaire (elle-même conséquence d’un niveau substantiel de qualité institutionnelle), figurent en première ligne (Mishkin [2004]) [14]. Toutefois, nous pourrions également renverser le raisonnement et poser la question suivante : est-ce qu’un contrôle plus drastique de l’inflation peut permettre d’améliorer la qualité des institutions ?
Mieux contrôler l’inflation pour améliorer la qualité des institutions ?
21Comme nous venons de le voir, la qualité institutionnelle est une précondition au ciblage d’inflation mais la relation entre ces deux variables peut être inversée. À ce titre, il apparaît intéressant d’examiner si un contrôle plus rigoureux de l’inflation peut aider à améliorer la qualité institutionnelle. C’est dans cet esprit que Minea et al. [2015] ont tenté d’étudier dans quelles conditions un régime de ciblage d’inflation peut permettre d’améliorer la qualité des institutions. L’argument central est que le ciblage d’inflation limite la possibilité de se financer par seigneuriage. En d’autres termes, l’adoption d’une politique monétaire de ciblage d’inflation entraîne per se une exigence d’assainissement du cadre institutionnel dans lequel s’exerce la politique budgétaire. Par conséquent, le gouvernement n’a pas d’autre choix que d’entreprendre des réformes institutionnelles afin d’assurer les dépenses publiques et ainsi prévenir un ralentissement de l’activité économique et/ou une dégradation du bien-être social.
22De plus, Minea et al. [2015] mettent en évidence une relation négative entre le niveau d’effort dans la réalisation de réformes institutionnelles et la cible d’inflation. Autrement dit, en fixant une cible d’inflation relativement faible, le gouvernement va favoriser l’assainissement de la politique budgétaire en réduisant considérablement les revenus du seigneuriage.
23Il faut néanmoins souligner que la mise en place de ces réformes dépend intrinsèquement du coût supporté par le gouvernement dans leur implémentation [15]. Dans le cas où ce dernier serait extrêmement élevé, les gouvernements n’auront aucune incitation à entreprendre de telles réformes, et ce, quel que soit le régime monétaire dans lequel évolue l’économie. En quelque sorte, un tel scénario conduirait à une situation que l’on peut qualifier de « trappe institutionnelle ». Si le coût est au contraire relativement faible, la performance institutionnelle serait déjà idéale et un contrôle strict de l’inflation n’engendrera pas un surplus de bénéfices quant à la qualité des institutions. C’est d’une certaine manière l’idée d’Acemoglu et al. [2008] qui soutenaient que les réformes ne bénéficient qu’aux économies où le niveau de qualité institutionnelle initiale n’est ni trop élevé, ni trop bas.
24Néanmoins, il faut noter que les valeurs des seuils pour les coûts des réformes institutionnelles sont endogènes et dépendent de la cible d’inflation choisie par le gouvernement [16]. Par conséquent, l’assertion précédente doit être nuancée pour deux raisons. Premièrement, on peut en déduire qu’une politique de ciblage d’inflation strict réduit l’intervalle dans lequel certaines économies sont plongées dans une « trappe institutionnelle ». Deuxièmement, on peut caractériser le fait que l’adoption d’une cible d’inflation stricte, en affectant les valeurs définissant les seuils (bas et haut) de coûts de réformes, permet d’augmenter l’intervalle dans lequel l’efficacité d’un tel régime monétaire est vérifiée. Ainsi, contrairement à Acemoglu et al. [2008], le ciblage d’inflation est un régime monétaire qui permet d’améliorer le cadre institutionnel même lorsque la qualité institutionnelle initiale est très faible ou très élevée.
25L’ensemble de ces prédictions théoriques ont par ailleurs été validées empiriquement dans différents travaux. À titre d’exemple, Lucotte [2012] explore l’éventualité que l’adoption d’un régime de ciblage d’inflation encourage les gouvernements des pays en développement à améliorer la qualité de leurs institutions de collecte des taxes régulières pour faire face aux pertes de revenus provenant du seigneuriage. En utilisant la méthode d’appariement des scores de propension sur un échantillon de 59 pays (19 d’entre eux sont cibleurs d’inflation et 40 ne le sont pas), il montre que l’adoption d’un régime de ciblage d’inflation conduit en moyenne à un effet fortement et significativement positif sur la qualité du système de collecte d’impôts. Ces conclusions sont en outre robustes à un très grand nombre de spécifications économétriques [17].
26Toutefois, les politiques de contrôle de l’inflation basées sur des régimes de ciblage ne permettent pas toujours de parvenir à une stabilité macroéconomique et à un niveau optimal de bien-être social. Pendant longtemps, les institutions internationales ont encouragé les pays en développement, en particulier ceux qui étaient confrontés à des défaillances institutionnelles profondes, à recourir à des régimes de changes « durs » de manière à permettre un contrôle drastique de la volatilité de l’inflation. Une qualité institutionnelle dégradée étant associée à une inflation plus élevée, ne serait-il pas plus opportun de s’inscrire dans un régime de change qui permettrait de contenir les pressions inflationnistes ? Dans la section suivante, nous analyserons la pertinence de tels régimes monétaires, tant pour les pays développés (en prenant l’exemple de l’Europe), que pour les pays en développement.
Qualité institutionnelle et régime de change optimal
Les régimes de change durs, une solution pour les pays souffrant de défaillances institutionnelles ?
27Les dissemblances qui existent entre les régimes de change des pays industrialisés et ceux des pays émergents et en développement sont bien connues. Alors que les pays industrialisés adoptent généralement des régimes de change flottant (à l’exception notoire des pays membres de l’union monétaire européenne [18]), la grande majorité des pays en développement préconisent le recours à des régimes de change fixe (Calvo et Reinhart [2002] ; Reihnart et Rogoff [2004] ; Husain et al. [2004]). L’argument souvent avancé pour justifier de tels régimes monétaires est qu’ils permettraient de résoudre les problèmes liés à la crédibilité de la monnaie de ces économies. Mais les régimes de change fixe permettent-ils réellement de maximiser les performances économiques et le bien-être social dans des pays où les institutions sont sévèrement dégradées ?
28Les différentes typologies des politiques de change fixe révèlent l’existence de trois principaux régimes généralement adoptés par les pays souffrant de défaillances institutionnelles : i) les régimes de parité du taux de change (ou régime de change fixe traditionnel) [19], ii) les régimes de currency boards (ou caisses d’émission monétaire), iii) les régimes de dollarisation. Le régime de change fixe traditionnel est caractérisé par une parité fixe entre la monnaie nationale et une monnaie (ou un panier de monnaies) étrangère(s). Les currency boards sont, quant à eux, des systèmes dans lesquels est émise de la monnaie nationale convertible en une monnaie étrangère à un taux de change fixe prédéterminé. Plus strict encore, la dollarisation consiste en l’abandon de la monnaie nationale au profit d’une monnaie étrangère (cette monnaie étrangère n’est pas nécessairement le dollar). Tous ces régimes ont été analysés afin de déterminer si les arguments de leur efficacité théorique se trouvent vérifiés sur le plan pratique.
29Dans une perspective empirique, Alesina et Wagner [2006] mettent en évidence que la qualité institutionnelle est une variable prépondérante dans la détermination du régime de change optimal [20]. Plus précisément, ils montrent que lorsque les institutions sont de bonne qualité, les pays ont tendance à adopter une politique de change flottant. En revanche, les pays ayant une qualité institutionnelle dégradée, qui ont souvent recours à des régimes de change fixe, ont des difficultés à maintenir la parité imposée par ce type de régime, ce qui conduit in fine à une remise en question du régime monétaire adopté [21].
30Huang et Wei [2006] proposent des explications théoriques à ce résultat. Comme dans les politiques de ciblage d’inflation conventionnelles, les régimes de change fixe (quels qu’ils soient) sont assujettis à une cible d’inflation, bien que cette cible soit implicite (contrairement aux politiques de ciblage d’inflation conventionnelles). La cible d’inflation des régimes de change fixe correspond au taux d’inflation du pays d’ancrage. Généralement, les pays d’ancrage ont une qualité institutionnelle meilleure que celle des pays qui ancrent leur monnaie sur des devises étrangères. Le taux d’inflation des pays d’ancrage est par conséquent plus faible que le taux d’inflation optimal pour les pays souffrant d’institutions défaillantes. Les gouvernements ne peuvent donc plus compter sur les revenus du seigneuriage et doivent en conséquence augmenter le taux d’imposition à un niveau supérieur à son niveau optimal pour pouvoir continuer à réaliser les dépenses publiques et/ou éviter de creuser davantage les déficits budgétaires. Cela conduit à une situation où le bien-être social est amoindri.
31Ainsi, l’idée souvent invoquée qu’un régime de change fixe permettrait d’importer une certaine forme de crédibilité monétaire est remise en cause par Huang et Wei [2006] [22]. En effet, étant donné que la cible d’inflation implicite est trop basse pour des pays souffrant d’une faible qualité institutionnelle, les incitations à dévier de cette cible sont très fortes ce qui peut miner, voire détruire, la crédibilité recherchée à travers l’instauration d’un régime de change fixe.
32La situation est encore plus critique lorsque l’on considère des régimes de change fixe dits « durs », telle la dollarisation. L’engagement des autorités monétaires est en effet plus fort lorsqu’un pays décide d’abandonner sa devise nationale pour une devise étrangère que lorsqu’il décrète un régime de change fixe conventionnel ou un régime de currency board. Cela s’explique par le fait que le gouvernement doit totalement renoncer aux revenus de seigneuriage provenant de l’émission de monnaie centrale. En ne pouvant pas se financer par seigneuriage, le gouvernement doit augmenter le taux d’imposition, au risque de creuser les déficits. Cela conduit à une situation où le taux d’inflation est bien en deçà de ce qui est optimal (Cukierman et al. [1992] affirment que les recettes de seigneuriage comptent pour plus de 20 % des recettes globales de nombre de pays en développement). Le gouvernement doit donc, une fois encore, faire dévier le taux d’imposition de son optimum, ce qui conduit à une dégradation des performances économiques et à une détérioration du bien-être social [23].
33Lorsque la performance institutionnelle est dégradée, les gouvernements ont tendance à vouloir importer de la crédibilité en ayant recours à des systèmes de change fixe. Ce n’est pourtant pas ce qui permet aux gouvernements de maximiser leurs performances économiques, ni le bien-être social de leurs pays, ni même la crédibilité monétaire à laquelle ils aspirent. Pour recouvrer une crédibilité perdue, les pays pourraient être tentés de rejoindre ou de constituer une union monétaire. Est-il toutefois optimal de se constituer en union monétaire lorsque les performances des différents pays la constituant sont divergentes en termes de qualité institutionnelle ? En d’autres termes, quelle relation existe-t-il entre un tel régime monétaire, la qualité des institutions et le bien-être social ?
Unions monétaires et divergences institutionnelles
34Le cas de la performance des unions monétaires asymétriques en termes de qualité institutionnelle a été très peu analysé dans la littérature. L’article pionnier de Hefeker [2010] fait en ce sens figure d’exception. Une union monétaire est une configuration générant, de fait, un taux de change fixe et irrévocable entre tous les membres de l’union. En outre, elle implique une politique monétaire commune (et donc un taux d’inflation unique) à l’ensemble des pays qui la composent. Dès lors, est-il optimal d’édifier des unions monétaires dans lesquelles les différents membres sont caractérisés par des divergences profondes en termes de qualité institutionnelle ?
35Afin de fournir des éléments de réponse à cette question, Hefeker [2010] développe un modèle théorique qui considère une union monétaire composée de deux pays dont l’un a une importance relative plus importante que l’autre dans l’union. L’économie réelle est décrite par une courbe de Phillips augmentée des anticipations. Contrairement à un régime de change fixe « dur » comme la dollarisation, l’union monétaire est un système qui permet aux pays de se financer par seigneuriage. La part de seigneuriage récoltée par chaque pays correspond à son importance relative dans l’union monétaire. En outre, les pays sont décrits par des niveaux de qualité institutionnelle différents : l’un est caractérisé par un niveau de corruption plus important que l’autre.
36L’auteur suggère qu’il existe deux possibilités principales pour un pays qui souhaiterait rejoindre une union monétaire. La première consisterait à passer directement d’un régime d’autonomie monétaire (régime de change flottant ou régime de change fixe « souple » [24]) à un régime d’union monétaire. La seconde, plus graduelle, consisterait à réaliser un ancrage de la devise nationale dans une autre monnaie, avant de rejoindre une union monétaire dans un second temps. Nous analyserons successivement ces deux possibilités.
37Dans le cas du passage direct d’un régime d’autonomie monétaire à un régime d’union monétaire, l’effet sur la qualité institutionnelle d’un pays dépendra des partenaires choisis dans la construction de l’union. Plus précisément, Hefeker [2010] montre que les différents pays, caractérisés initialement par des niveaux différents de qualité institutionnelle, connaîtront une convergence en termes de qualité des institutions et de dépenses publiques. Ainsi, un accroissement de la qualité institutionnelle d’un pays sera possible si celui-ci a un poids relativement faible dans l’union et si les autres pays disposent d’institutions de bonne qualité. Une dégradation de la qualité institutionnelle se produira dans le cas contraire. Par conséquent, l’union monétaire n’est pas bénéfique pour tous les pays d’un point de vue structurel. Par exemple, du fait des processus de convergence des niveaux de qualité institutionnelle entre les différents pays de l’union, une hausse du niveau optimal de seigneuriage nécessaire pour soutenir l’activité économique de pays institutionnellement défaillants, conduira, pour les pays disposant d’institutions de bonne qualité, à un taux d’inflation plus élevé que celui que ces pays auraient connu dans le cadre d’un régime d’autonomie monétaire. Si on se représente le nord de l’Europe comme vertueux, des pays comme la Finlande ou les Pays-Bas subissent donc un taux d’inflation plus élevé que sans union monétaire.
38Dans le cas d’une évolution graduelle qui consisterait à passer d’un régime d’autonomie monétaire à un régime de change fixe « dur » (de type currency board, dollarisation, etc.) dans un premier temps, pour préparer l’intégration d’une union monétaire dans un second temps, le taux d’inflation de l’économie va également augmenter. En effet, contrairement aux régimes de change fixe « durs », un régime d’union monétaire permet de se financer par seigneuriage. Par conséquent, le taux d’inflation devrait augmenter par rapport à la situation qui précédait l’intégration de l’union monétaire. La corruption et l’inflation étant positivement corrélées (voir section précédente), un accroissement de l’inflation va augmenter le niveau agrégé de corruption et la qualité institutionnelle va se dégrader. Il n’est donc pas forcément optimal pour un pays ayant une bonne qualité institutionnelle d’adhérer à une union monétaire, en particulier si les membres de l’union qu’il envisage de rejoindre sont dotés d’un cadre institutionnel moins favorable que le sien.
Encadré 2. Le modèle de Hefeker [2010]
L’output du pays i, noté yi, est déterminé par une courbe de Phillips augmentée des anticipations (de pente α < 1). Contrairement au modèle de Huang et Wei [2006], des chocs d’offre exogènes, notés εi, peuvent affecter la production (avec E[εi] = 0 et E[ε2i] = σ2). De là, l’expression de l’output du pays i est donnée par la relation suivante :
Par ailleurs, le gouvernement et la banque centrale sont indépendants et s’occupent chacun d’une dimension de la politique économique : le gouvernement s’occupe de la politique budgétaire et la banque centrale de la politique monétaire dans un équilibre de Nash non coopératif.
Pour atteindre son objectif, le gouvernement doit parvenir à stabiliser simultanément l’output et l’inflation et minimiser les déviations par rapport à une cible de dépenses publiques notée ḡi.
En outre, le gouvernement se préoccupe de l’état institutionnel de l’économie. Cela se justifie par le fait que des variations de qualité institutionnelle (par rapport à un niveau initial donné ) peuvent conduire à des protestations de la part de la population en cas de dégradation, ou potentiellement à améliorer le bien-être social en cas d’augmentation. De ce fait, le gouvernement doit stabiliser le niveau de qualité institutionnelle de telle sorte que. De là, la fonction objectif du gouvernement s’exprime de la manière suivante :
La banque centrale est, quant à elle, supposée indépendante du gouvernement. En d’autres termes, aucune considération fiscale n’est prise en compte dans sa fonction objectif. Cette dernière cherche donc simplement à minimiser les déviations d’inflation et d’output de leur cible (qui est nulle ici). La fonction « objectif de la banque centrale » est donc donnée par l’expression suivante :
39Ces conclusions ont des conséquences importantes, puisque la décision pour un pays de rejoindre ou non une union monétaire doit se faire sur la base de la qualité des institutions des (futurs) pays partenaires. Ce constat est particulièrement important pour les pays qui souffrent de profondes carences institutionnelles et qui souhaitent se constituer en unions monétaires (pays de l’UEMOA, de la Cemac ou encore les six pays du Golfe, parmi lesquels l’Arabie Saoudite, le Qatar, les Emirats arabes unis, le Bahreïn, Oman et le Koweït, qui réfléchissent depuis de nombreuses années déjà à former la deuxième plus grosse union monétaire du monde). Néanmoins, même le cas de l’union monétaire européenne peut être questionné. L’union monétaire européenne est en effet constituée de pays très hétérogènes en termes de qualité institutionnelle (voir tableaux n°s 2 et 3). Cela peut conduire à des difficultés en termes de gestion des finances publiques, pour les pays souffrant de carences institutionnelles (exemple du sud de l’Europe) comme pour l’ensemble des membres de l’union.
Scores de qualité institutionnelle (pays du sud de l’Europe)
Grèce | Italie | Espagne | |
---|---|---|---|
Corruption (ICRG) | 2,5/6 | 2,5/6 | 3,5/6 |
Control of corruption (WGI) | 2,42/5 | 2,51/5 | 3,08/5 |
Law and order (ICRG) | 4,5/6 | 4/6 | 5/6 |
Rule of law (WGI) | 2,76/5 | 2,77/5 | 3,4/5 |
Bureaucracy quality (ICRG) | 3/4 | 2,5/4 | 3/4 |
Scores de qualité institutionnelle (pays du sud de l’Europe)
40Dans une analyse qui prolonge celle de Hefeker [2010] en introduisant davantage d’asymétries entre les pays (au niveau des préférences des autorités budgétaires et monétaires notamment) [26], Garcia [2015] discute de cette question en étudiant le lien entre les défaillances institutionnelles et l’optimalité du choix d’un régime d’union monétaire (du point de vue d’un pays pris individuellement comme du point de vue de l’ensemble des pays de l’union). Dans un pays où les institutions sont défaillantes, le gouvernement peut avoir des difficultés à récolter des recettes fiscales (voir les travaux traitant de la corrélation négative entre qualité institutionnelle et évasion fiscale, cités précédemment), ce qui peut contribuer à creuser les déficits budgétaires. D’après les différents indicateurs de qualité institutionnelle présentés dans les tableaux n°s 2 et 3, la Grèce, pays de la zone euro ayant les finances publiques les plus dégradées, est également le pays où les institutions sont les plus défaillantes. Au demeurant, nous pourrions faire un constat similaire pour d’autres pays du sud de l’Europe comme l’Espagne ou l’Italie qui ont, de la même façon, une qualité institutionnelle et des finances publiques relativement détériorées. Au contraire, les pays du nord de l’Europe (Finlande, Allemagne, Danemark) affichent des scores de qualité institutionnelle élevés, la France étant dans une position intermédiaire. À la lumière des modèles de Hefeker [2010] et Garcia [2015], la question de savoir s’il est optimal pour les pays du sud de l’Europe comme pour les autres pays membres de la zone euro de rester dans un régime d’union monétaire, est posée.
41Garcia [2015] tente d’apporter des éléments de réponse en prenant l’exemple du cas spécifique de la Grèce. Afin de se voir accorder un troisième plan d’aide en 2015, les institutions internationales (BCE, Commission européenne et FMI) ont demandé à la Grèce de mettre en place une série de mesures visant à réduire ses dépenses (formellement, cela correspond à une baisse de gi) et à assainir la gestion de ses finances publiques (ce qui revient à améliorer la qualité de ses institutions). Le modèle de Garcia [2015] suggère que l’impact de la mise en place de ces mesures sur le choix de rester ou de quitter l’union monétaire dépend fondamentalement de l’importance accordée à la stabilisation des dépenses publiques dans les « fonctions objectifs » des gouvernements. Si le gouvernement grec se préoccupait peu de l’objectif de stabilisation des dépenses publiques alors que les autres pays de l’union y accordent un poids relatif important, il serait optimal pour la Grèce de rester dans l’union, tandis qu’il serait optimal pour l’union monétaire européenne dans son ensemble que la Grèce en sorte. Si au contraire le gouvernement grec accordait une importance substantielle à la stabilisation des dépenses publiques, il serait optimal pour la Grèce de sortir de la zone euro. Cet exemple est intéressant car il met en évidence qu’un pays dont les institutions sont défaillantes risque de devoir faire face à des problèmes de gestion de finances publiques, ce qui, in fine, pourrait conduire à une remise en cause du choix de rester dans une union monétaire, pour lui ou pour les autres pays membres de l’union.
42Bien que le modèle de Garcia ait permis de mettre en évidence l’importance de la dimension institutionnelle dans le traitement du cas grec, on pourrait lui reprocher de passer à côté d’un très grand nombre de paramètres du problème. Qu’en est-il de l’accès aux marchés financiers ? Et aux mécanismes de soutien européen ? L’approche qui consiste à présenter de manière binaire l’existence d’un choix optimal entre rester dans l’union monétaire ou en sortir est également, à certains égards, problématique. Car dans tous les cas, l’option choisie risque d’être dramatique. Des études sur les conséquences du maintien ou de la sortie d’une zone monétaire de pays souffrant de sérieuses défaillances institutionnelles doivent par conséquent être menées. L’objectif de ces études doit être de déterminer les coûts et les bénéfices du choix du maintien ou de la sortie de l’union monétaire pour le pays dont la qualité institutionnelle est dégradée, ainsi que pour les autres pays de l’union, en prenant en considération l’ensemble des variables structurelles et institutionnelles des économies de l’union.
Conclusion
43À travers ses conséquences sur le taux d’inflation, une qualité institutionnelle dégradée interroge la pertinence du recours à certains régimes monétaires. Dans les pays en développement, ceci est particulièrement notoire. Alors que les institutions internationales ont pendant longtemps conseillé à ces pays de mettre en place soit i) des régimes de ciblage d’inflation calqués sur ceux des pays industrialisés avec une cible d’inflation de 2 %, soit ii) des régimes de change fixe « durs », il semblerait qu’aucun de ces régimes ne soit réellement optimal pour les pays en développement qui, dans leur grande majorité, souffrent de profondes carences institutionnelles. En effet, de tels régimes monétaires ne permettent pas aux économies qui les adoptent d’utiliser le seigneuriage de manière à compenser les pertes causées par les défaillances institutionnelles. Par conséquent, le régime le plus adéquat pourrait être un régime de ciblage d’inflation dont la cible serait, non pas identique à celle des pays développés, mais déterminée à partir de l’ensemble des contraintes structurelles et institutionnelles de ces économies. Ce régime aurait le double avantage de permettre aux gouvernements de se financer par seigneuriage et de prévenir une dégradation encore plus importante de la qualité des institutions.
44Les conclusions de cette littérature soulèvent également un certain nombre de questions pour les pays développés, et en particulier pour les pays européens. À ce jour, 19 pays ont rejoint l’union monétaire européenne. Néanmoins, la zone euro est fortement asymétrique en termes de qualité institutionnelle. Les indicateurs de qualité institutionnelle nous montrent que le nord est doté d’institutions de très bonne qualité tandis que le sud est caractérisé par une qualité institutionnelle beaucoup plus dégradée. Dès lors, l’union monétaire est-elle un régime optimal tant pour les économies institutionnellement performantes que pour celles qui sont institutionnellement défaillantes ? Rien n’est moins sûr. Un régime d’union monétaire implique de déléguer sa politique monétaire à une entité extérieure qui est totalement indépendante des autorités budgétaires. Un pays confronté à des défaillances institutionnelles générant des pertes en recettes fiscales ne pourra donc pas ajuster sa politique monétaire en conséquence, ce qui conduira à exacerber la crise dans laquelle il est plongé.
45Le cas de la Grèce, mais aussi de l’Italie est, à ce titre, tout à fait intéressant. Des travaux récents montrent en effet que la corruption fiscale a profondément contribué à creuser les déficits budgétaires en Grèce (Litina et Palivos [2013]) et en Italie (Pappa et al. [2015]) sans que ces déficits puissent être financés par seigneuriage. Cela peut, en outre, permettre de justifier davantage la position d’économistes comme Krugman et Stiglitz recommandant à la Grèce de rejeter le plan d’aide de la troïka et de quitter la zone euro [27]. Par ailleurs, les conclusions d’auteurs comme Hefeker [2010] ou Garcia [2015] permettent de comprendre la non-adhésion à la zone euro de certains pays du nord, comme le Danemark, disposant d’une excellente qualité institutionnelle. En adhérant à la zone euro, ces pays risqueraient de connaître un taux d’inflation plus élevé et une dégradation de la qualité de leurs institutions. Par conséquent, il est impératif de repenser la cohérence de l’union monétaire européenne à l’aune de la question institutionnelle et non à travers le prisme exclusif de la rigueur budgétaire.
Indicateurs de qualité institutionnelle
Indicateur de qualité institutionnelle | Source28 | Nombre de pays et de territoires | Horizon temporel disponible |
---|---|---|---|
Institutions légales | |||
Index of economic freedom : property rights | The Heritage | 187 | 1995-2017 |
EFW index : judicial independence | Foundation | ||
EFW index : impartial courts | Fraser Institute | 159 | 1970-2014 |
EFW index : protection of property rights | Fraser Institute | 159 | 1970-2014 |
Freedom of the press : legal environment | Fraser Institute | 159 | 1970-2014 |
Freedom in the world : civil liberties | Freedom House | 209 | 1973-2016 |
Impartial courts | Freedom House | 209 | 1973-2016 |
Integrity of the legal system | Fraser Institute | 159 | 1970-2014 |
Judicial unpredictability | Fraser Institute | 159 | 1970-2014 |
Law and Order | WB WDR97 | 69 | 1997 |
Personal security and private property | ICRG | 146 | 1984-2016 |
Property rights and rule-based governance | WCY | 61 | 1995-2016 |
Rule of Law | WB CPIA | 95 | 2005-2014 |
WB WGI | 214 | 1996-2015 | |
Institutions politiques | |||
Accountability and Corruption | WB CPIA | 95 | 2005-2015 |
Bribing and Corruption | WCY | 61 | 1995-2016 |
Bureaucratic delays | BERI | 53 | 1966-2016 |
Competence of public sector personnel | GCR | 138 | 2004-2016 |
Control of corruption | WB WGI | 212 | 1996-2015 |
Corruption | ICRG | 146 | 1984-2016 |
Corruption and red-tape | WB WDR97 | 69 | 1997 |
Corruption Perception Index | TI | 176 | 1995-2016 |
Democratic accountability | ICRG | 146 | 1984-2016 |
Effectiveness of police force | GCR | 138 | 2004-2016 |
Freedom in the world : political rights | Freedom House | 209 | 1973-2016 |
Freedom of the press : political environment | Freedom House | 209 | 1973-2016 |
Government effectiveness | |||
Government stability | WB WGI | 212 | 1996-2015 |
Institutionalized democracy/autocracy | ICRG | 146 | 1984-2016 |
Internal conflict | Polity IV | 167 | 1800-2015 |
Military in politics | ICRG | 146 | 1984-2016 |
Military interference in rule of law and politics | ICRG | 146 | 1984-2016 |
Religion in politics | Fraser Institute | 159 | 1970-2014 |
Policy stability | Fraser Institute | 159 | 1970-2014 |
Policy unpredictability | ICRG | 146 | 1984-2016 |
Political risk | BERI | 53 | 1966-2016 |
Political terror scale | WB WDR97 | 61 | 1997 |
Tax evasion | BERI | 53 | 1966-2016 |
Tax evasion | PTS | 187 | 1976-2016 |
Voice accountability | GCR | 138 | 2004-2016 |
WCY | 61 | 1995-2016 | |
WB WGI | 214 | 1996-2015 | |
Institutions économiques | |||
Black market regulation | The Heritage Foundation | 187 | 1995-2017 |
Business Freedom | The Heritage Foundation | 187 | 1995-2017 |
Business regulations | Fraser Institute | 159 | 1970-2014 |
Capital controls | Fraser Institute | 159 | 1970-2014 |
Credit market regulations | Fraser Institute | 159 | 1970-2014 |
Efficiency of public expenditures | WB CPIA | 95 | 2005-2015 |
Financial Freedom | The Heritage Foundation | 187 | 1995-2017 |
Foreign ownership/Investment restrictions | Fraser Institute | 159 | 1970-2014 |
Freedom of the press : economic environment | Freedom | 209 | 1973-2016 |
Investment profile | House | ||
Labor market regulations | ICRG | 146 | 1984-2016 |
Regulatory quality | Fraser Institute | 159 | 1970-2014 |
WB WGI | 214 | 1996-2015 |
Indicateurs de qualité institutionnelle
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- A. Minea, R. Tapsoba et P. Villieu [2013] : Can Inflation Targeting Promote Institutional Quality in Developing Countries ?, mimeo.
- F.S. Mishkin [2004] : Can Inflation Targeting Work in Emerging Market Countries ?, National Bureau of Economic Research.
- D. North [1990] : Institutions, Institutional Change and Economic Performance, Cambridge University Press.
- OCDE [2006] : Les indicateurs de gouvernance, usages et abus, étude du centre de développement, Arndt C. et Oman C.P.
- M. Paldam [2002] : The Cross-Country Pattern of Corruption : Economics, Culture and the Seesaw Dynamics, European Journal of Political Economy, 18(2), pp. 215-240.
- E. Pappa, R. Sajedi et E. Vella [2015] : Fiscal Consolidation with Tax Evasion and Corruption, Journal of International Economics, 96, S56-S75.
- C.M. Reinhart et K.S. Rogoff [2004] : The Modern History of Exchange Rate Arrangements : a Reinterpretation, The Quarterly Journal of Economics, 119(1), pp. 1-48.
- K. Rogoff [1985] : The Optimal Degree of Commitment to an Intermediate Monetary Target, The Quarterly Journal of Economics, 100(4), pp. 1169-1189.
- A.C. Stockman [1981] : Anticipated Inflation and the Capital Stock in a Cash-in-Advance Economy, Journal of Monetary Economics, 8(3), pp. 387-393.
- M.A. Savastano, P.R. Masson et M.S. Sharma [1997] : The Scope for Inflation Targeting in Developing Countries (n° 97-130), International Monetary Fund.
- E. Ostrom [2015] : Governing the Commons, Cambridge University Press.
- V. Tanzi et H.R.Davoodi [2000] : Corruption, Growth, and Public Finances, IMF working paper.
Notes
-
[1]
Il convient ici de bien faire la distinction entre l’hétérogénéité institutionnelle qui décrit une situation où les réalités institutionnelles sont divergentes (divergences en termes de régimes de change, de degré d’indépendance des banques centrales, de développement financier ou encore de structure de la politique budgétaire) et la qualité institutionnelle qui définit la performance des institutions. Sur le premier aspect, la littérature a été particulièrement abondante (voir Lucotte [2015] pour une revue de littérature sur la question). En revanche, la problématique de la qualité institutionnelle a été beaucoup moins développée.
-
[2]
Dans cet article, nous emploierons indistinctement les termes de qualité institutionnelle dégradée, défaillances institutionnelles ou carences institutionnelles.
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[3]
Le tableau n°1 s’inspire de celui de Kuncic [2014] et le complète.
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[4]
Sur ces douze sous-indicateurs, sept sont principalement utilisés dans la littérature. Ces sept indicateurs principaux sont ceux que nous avons rapportés tableau n°3.
-
[5]
Si on prend l’exemple de la variable government stability notée sur 12, un score entre 0 et 4 est attribué à chacune des sous-dimensions government unity, legislative strength et popular support.
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[6]
Le sigle KKZ désigne les initiales des personnes à l’origine de cette base de données : Kaufmann, Kraay et Mastruzzi.
-
[7]
Les indicateurs WGI de la Banque mondiale ne sont cependant pas sans limites. On peut en citer au moins trois : i) ils réunissent toutes les limites des indicateurs qui les composent comme le manque de précision ou l’opacité qui entoure la méthodologie de certains indicateurs (Freedom House ou The Heritage Foundation par exemple) utilisées pour construire les indicateurs composites WGI, ii) l’existence de biais idéologiques dans la définition de certaines variables et iii) l’existence de biais statistiques en ce qui concerne le poids accordé à l’information provenant de différentes sources. Par ailleurs, la construction des indicateurs composites repose sur une hypothèse très peu réaliste : il n’y aurait pas de corrélation entre les erreurs des indicateurs provenant de sources différentes. Pour une étude approfondie sur les limites de ces indicateurs, on pourra se référer à OCDE [2006] ou Roca [2013].
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[8]
Quatre indicateurs de corruption différents sont utilisés dans les régressions pour mettre en évidence la robustesse des résultats.
-
[9]
Ceci est particulièrement intéressant car les pays qui connaissent les difficultés institutionnelles les plus fortes sont aussi ceux ayant un niveau de développement financier relativement faible (Altunbas et Thornton [2012]).
-
[10]
Dans leur modèle, les défaillances institutionnelles font référence à la corruption bureaucratique.
-
[11]
Cette étude postule qu’une forte volatilité de l’inflation est synonyme d’inflation.
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[12]
Comme on a vu que l’inflation peut conduire à une hausse de la corruption, une politique de ciblage d’inflation devrait a priori pouvoir permettre de contenir la progression du développement de ces défaillances institutionnelles dans l’économie.
-
[13]
Par exemple, Masson et al. [1997] affirment : « In many developing countries, these [institutional] requirements for an effective inflation targeting strategy are not present […] The fairly stringent technical and institutional requirements of inflation targeting and its still tentative record in just a handful of industrial countries lead us to believe that the way of improving the monetary and inflation performance of developing countries may not be through the adoption of a framework akin to inflation targeting, at least not in the near term ».
-
[14]
Pour plus d’informations sur les conditions pré-requises à l’adoption du ciblage d’inflation, on pourra se référer à Lucotte [2012] et Lucotte [2015].
-
[15]
Ce coût peut correspondre à l’ensemble des efforts entrepris par le gouvernement pour effectuer ces réformes institutionnelles.
-
[16]
En effet, bien que les institutions soient fréquemment supposées exogènes dans les analyses théoriques classiques, l’idée que les réformes politiques et institutionnelles sont endogènes a été esquissée depuis longtemps (Alesina et Summer [1993]).
-
[17]
De manière similaire, une évaluation empirique est proposée par Minea et al. [2015] qui parvient aux mêmes résultats.
-
[18]
Remarquons toutefois que l’euro flotte vis-à-vis de la plupart des autres devises.
-
[19]
On parlera en anglais de « pegged exchange rate system ».
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[20]
Les variables de qualité institutionnelle utilisées sont (entre autres) Political risk (BERI), Voice and Accountability (WB WGI), Control of Corruption (WB WGI), Regulatory Quality (WB WGI), Political Stability (WB WGI), Government Effectiveness (WB WGI) et Rule of Law (WB WGI).
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[21]
Pour conduire cette étude, ils utilisent l’indice de fixité des changes développé par Reinhart et Rogoff [2004].
-
[22]
Des exemples très concrets, comme le cas de la crise en Argentine entre 1998 et 2002, permettent également de soutenir l’idée selon laquelle une qualité institutionnelle défaillante peut remettre en cause les bénéfices escomptés d’un régime de Currency Board.
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[23]
Gosh et al. [2002] suggèrent que le recours à un régime de Crawling Peg (comme au Pérou) pour des économies où les institutions peuvent être défaillantes est meilleur que le recours à des régimes de type Currency Board ou dollarisation.
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[24]
Ce que nous appelons régimes de change fixe « souples » sont les régimes de change fixe dans lesquels les banques centrales définissent une parité fixe (qui peut exceptionnellement être ajustée) mais garde un contrôle total sur la politique monétaire de leur pays (contrairement aux régimes de Currency Board ou de dollarisation, par exemple).
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[25]
L’endogénéité de cette variable provient de l’introduction de la corruption dans « la fonction objectif » du gouvernement, ce qui va permettre de déterminer un niveau de corruption d’équilibre qui dépend des paramètres du modèle.
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[26]
Pour le reste, mis à part le fait que Garcia [2015] modélise les défaillances institutionnelles par un paramètre exogène de corruption (identique à celui de Huang et Wei [2006]), les hypothèses du modèle sont similaires à celles de Hefeker [2010].
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[27]
Il reste que la sortie de la Grèce de la zone euro doit faire l’objet d’une analyse beaucoup plus approfondie en termes de coûts et de bénéfices.