Notes
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[1]
Le traité instituant la communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), signé en octobre 1983 à Libreville, est entré en vigueur en décembre 1984. C’est l’une des huit CER (communautés économiques régionales) reconnues par l’Union africaine (UA), désignée comme le pôle d’intégration africaine en Afrique centrale. Elle comprend dix États-membres : l’Angola, le Burundi, le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, la R.D. Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, Sao Tomé-et-Principe et le Tchad. La CEEAC a repris ses activités en 1999, après plus d’une décennie d’interruption à cause de nombreux conflits à l’intérieur des États-membres et des difficultés financières qui en ont résulté. L’objectif poursuivi par la communauté est la promotion et le renforcement d’une coopération harmonieuse et un développement dynamique, équilibré et auto-entretenu dans tous les domaines de l’activité économique et sociale. Dans ses statuts réactualisés, il apparaît que l’objectif ultime de la CEEAC est la création d’un marché commun en Afrique centrale. L’une des spécificités de la CEEAC, qu’elle partage avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), est que certains de leurs pays-membres participent, depuis plus de quarante ans, à une union monétaire dans le cadre des accords de la zone franc.
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[2]
Pour tester la robustesse, l’estimateur Gamma-PML (Head et Mayer [2014]), et l’approche Zero-Inflated Poisson Model ou Zero-Inflated Negative Binominal Model (De Benedictis et Taglioni [2011]), seront également envisagés.
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[3]
L’indice de complémentarité commerciale indique dans quelle mesure la structure des exportations d’un pays j (ou groupement de pays) correspond à la structure des importations d’un pays k (ou groupement de pays), partenaire du pays j. La valeur de l’indice est comprise entre 0 et 1. Une valeur égale à 0 indique qu’aucun bien exporté par le pays j n’est importé par le pays k. Lorsqu’elle est égale à 1, elle indique que la structure des importations du pays correspond exactement à la structure des exportations du pays partenaire (source : http://unctadstat.unctad.org).
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[4]
Krugman [1995] montre que les justifications théoriques de la troisième formulation imposent une restriction très f rigide selon laquelle ϕni est une constante. Cette contrainte montre ainsi que la prise en compte des effets bilatéraux n’est pas nécessaire, ce qui entre en contradiction avec l’évidence selon laquelle les coûts de transport varient avec les paires de pays.
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[5]
La mesure Rem1in est biaisée, parce qu’elle est fondée sur l’hypothèse d’équidistance entre les pays ; elle n’intègre donc pas la variabilité des distances entre le pays i et ses n partenaires. Rem2in est, quant à elle, insensible à la variabilité des PIB des n pays partenaires. Ces deux mesures sont donc qualifiées de résistances « multilatérales », puisque calculées à partir des données constantes sur les n partenaires du pays i.
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[6]
Les six indicateurs de Kaufman et al. [2010] sont : i) voix citoyenne et responsabilité ; ii) stabilité politique et absence de violence ; iii) efficacité des pouvoirs publics ; iv) qualité de la réglementation ; v) état de droit ; vi) maîtrise de la corruption.
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[7]
En partant d’un modèle simple Xij = Exp (Z′ijβ)εij, où ε est un terme d’erreur multiplicatif, les conditions de premier ordre de maximisation sous les spécifications Poisson, MCO et Gamma sont respectivement données par :et . Poisson et Gamma fournissent tous deux des estimateurs consistants, quelle que soit la distribution du terme d’erreur (Head et Mayer [2013]).
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[8]
L’estimateur Poisson est théoriquement fondé sur la proportionnalité entre la variance conditionnelle et la moyenne conditionnelle. Toutefois, lorsque la variance est supérieure à la moyenne (over-dispersion), on peut avoir recours à la loi binomiale négative.
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[9]
L’application des effets fixes n’est pas appropriée car la variable d’intérêt est muette. Par ailleurs, le test LR (LR test α = 0) montre que la technique d’estimation choisie (à savoir l’estimateur Poisson en effets aléatoires) est la meilleure.
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[10]
Head et Mayer [2014] concluent à cet effet : « Nos résultats de Monte Carlo suggèrent que plutôt que de sélectionner l’estimateur PPML comme l’unique “cheval de bataille” des équations de gravité, il devrait être utilisé dans le cadre d’un ensemble explorant la robustesse qui inclut également les MCO et le Gamma PML ».
1De nombreuses études empiriques montrent que, malgré les périodes de repli dictées par l’occurrence des crises, le commerce international a considérablement progressé depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Par exemple, entre la chute du mur de Berlin en 1989 et le début de la crise financière en 2007, la part des flux internationaux de capitaux dans le PIB mondial a progressé rapidement de 5 à 21 %, alors que celle du commerce est passée de 39 à 59 % (Mallaby [2016]). Bien que l’essentiel du commerce relevé se soit effectué à l’intérieur des regroupements régionaux, il existe de nombreuses disparités. D’une manière générale, l’Afrique paraît être le continent où le commerce est le plus faible. En effet, selon les statistiques publiées par la conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), le commerce intra-africain sur la période 1995-2015 est faible et se situe à 11,84 % pour les exportations et 13,46 % pour les importations, alors qu’il est estimé sur la même période à 24,34 % dans l’Anase (association des nations d’Asie du Sud-Est), 51,43 % dans l’Alena (accord de libre-échange nord-américain) et 65,95 % dans l’UE (Union européenne). À l’intérieur du continent africain, des disparités sont encore plus importantes entre les communautés économiques régionales (CER). Ainsi, sur la même période, le commerce intra-Cedeao (communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) est estimé à 9,33 %, celui de SADC (Southern Africa Development Community) à 14,20 %, et dans la CAE (communauté économique de l’Afrique de l’Est), il est estimé à 17,96 %. Le commerce intra-CEEAC [1] (communauté économique des États de l’Afrique centrale) est le plus faible, soit 1,31 %, avec une valeur maximale de 1,79 % en 2015 et une valeur minimale de 0,87 % en 2005.
2Pourtant, la CEEAC, regorge d’un potentiel économique immense non exploité (pétrole, cuivre, coltan, or, etc.). Elle est par ailleurs dotée d’une population estimée à 181 millions d’habitants en 2016, selon la Banque mondiale, soit près de 14 % de la population totale de l’Afrique. En outre, l’Afrique centrale, représente le deuxième bassin hydro-forestier du monde après l’Amazonie. Il convient toutefois de relever que la CEEAC est une sous-région très hétérogène. À titre d’illustration, six pays (Cameroun, Congo, Centrafrique, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad) partagent la même monnaie, un pays (Sao Tomé-et-Principe (STP)) a rattaché sa monnaie à l’euro via le Portugal depuis janvier 2010, alors que trois autres (Angola, Burundi, République démocratique du Congo (RCD)) ont opté pour une gestion monétaire autonome. Ainsi, les cadres macroéconomiques divergent selon que l’on est membre ou pas d’une union monétaire. Alors que les pays de la Cemac et STP bénéficient des externalités positives de leur rattachement à l’euro, la RDC et le Burundi font face à une forte instabilité de leur cadre macroéconomique caractérisé par des mésalignements des taux de change, des taux d’inflation élevés et des déficits publics chroniques. L’Angola, en revanche, a fait de remarquables progrès qui lui ont permis de stabiliser son cadre macroéconomique depuis la fin de la guerre, malgré le fléchissement observé en 2008 et 2009, à cause de la crise économique et financière. En termes de marché, quatre pays (Angola, Burundi, Cameroun et RDC) concentrent près des neuf dixièmes de la population totale. Des inégalités apparaissent également au niveau des dotations naturelles du sol et du sous-sol. Elles expliquent, en partie du moins, les différences de performances en termes de croissance économique et d’indicateurs sociaux. Face à cette réalité, une question peut dès lors se poser : pourquoi le commerce intra-CEEAC est-il si faible comparé à celui enregistré dans les autres CERs ? Cette question est intéressante parce que la réponse peut contribuer à éclairer les décideurs publics en charge des questions d’intégration régionale et contribuer également à enrichir les études empiriques des expériences africaines.
3L’objectif de cet article est, en prenant appui sur les développements théoriques et empiriques récents, d’évaluer les déterminants du faible niveau d’intégration commerciale de la CEEAC. Autrement dit, existe-t-il des déterminants spécifiques à la CEEAC qui expliqueraient le faible niveau des échanges ? En effet, selon la littérature économique, l’intégration commerciale induit des gains spécifiques, théoriquement qualifiés depuis les décennies 1950 et 1960 de gains statiques et dynamiques. Les gains statiques sont considérés comme donnés une fois pour toutes et ne modifient pas le rythme de croissance à long terme, lequel est gouverné par le progrès technique et l’accumulation des facteurs. Les gains dynamiques, en revanche, sont censés affecter durablement la croissance à travers la diffusion de la technologie, du savoir et des effets d’incitation (Viner [1950], Meade [1955], Scitovsky [1958], Tinbergen [1965]).
4Les travaux récents sur l’intégration économique ont globalement confirmé les résultats des études pionnières. À cet effet, deux groupes de travaux peuvent être distingués. Le premier renouvelle, tout en les questionnant sous un angle critique, les déterminants traditionnels de l’intégration économique. Ces travaux mettent particulièrement l’accent sur l’ouverture financière et le crédit domestique (Alotaibi et Mishra [2014]), l’ouverture commerciale, le niveau de développement économique et financier, le taux d’inflation, les fluctuations du taux de change (Garali et Othmani [2015]), les aspects sociologiques tels que l’ethnie (Guo [2015]), les accords commerciaux (Hannan [2017]), la qualité des infrastructures, le capital humain et la pression fiscale (Hadzi-Vaskov et Ding [2017]), l’effet des migrations (Baldárrago et Salinas [2017]), entre autres. Marginean [2015] les regroupe en déterminants macroéconomiques (barrières tarifaires, politique d’intégration…) et microéconomiques (comportement des individus et des firmes en matière de commerce). Le second groupe analyse les effets économiques de l’intégration, en insistant sur le bien-être (Behrens et al. [2007]), la flexibilisation des institutions du marché du travail (Schöb et Wildasin [2007]), l’intensification de la corrélation des rendements (Tavares [2009]) et la concentration géographique des firmes multinationales (Chen [2009]). Plus largement, l’intégration influence la sécurité sociale (Artige et al. [2014]), stimule la mobilité des capitaux (Kumar et al. [2014]), promeut la libéralisation multilatérale (Venables [2015]), réduit les effets frontaliers et les élasticités liées à la distance (Bergstrand et al. [2015]), favorise la gestion des crises économiques et amplifie l’intensification de la synchronisation des cycles d’affaires (Rana [2007], Calderón Villarreal et Hernández Bielma [2017]). Au total, l’intégration induit des bénéfices macroéconomiques (Cebotari et al. [2017]).
5Dans cet article, nous estimons l’évolution et les déterminants des échanges commerciaux bilatéraux de la CEEAC depuis 1995. La référence à cette année est dictée par la disponibilité des données pour tous les pays de l’échantillon. L’estimation des flux commerciaux bilatéraux entre les pays de la CEEAC, et entre les pays de la CEEAC et un échantillon de partenaires, est basée sur un modèle de gravité. Ce modèle explique les flux commerciaux par des facteurs traditionnels (revenu par tête, distance, population), géographiques (frontières, infrastructures), historiques (colonisation), sociologiques (langue) et institutionnels entre autres. Par ailleurs, le modèle permet de tester de manière spécifique l’effet d’une appartenance des pays à cette CER. Ce test consiste à introduire une variable muette qui prend la valeur 1 en supposant que la paire de pays appartient à la CEEAC, et 0 sinon. L’originalité de cet article réside dans l’emploi de techniques économétriques avancées. En effet, l’estimation du modèle de gravité peut se faire par des méthodes linéaires ou non linéaires. Parmi les approches linéaires, on relève notamment les moindres carrés ordinaires (MCO) (Rose [2000]). Cependant, l’incapacité des modèles linéaires à corriger efficacement différents biais a favorisé le développement des techniques non linéaires, dont l’estimateur Poisson du pseudo-maximum de vraisemblance (PPMV), en présence d’hétéroscédasticité et de valeurs nulles (Santos-Silva et Tenreyro [2006, 2010, 2011]). Nous utilisons donc cet estimateur [2].
6Les principaux résultats auxquels nous parvenons montrent que le commerce intra-CEEAC est le plus faible de toutes les CERs, et estimé à moins de 1,5 % de son commerce total. De manière plus précise, l’appartenance des pays à la CEEAC a eu un effet extrêmement marginal sur leur commerce bilatéral. Par ailleurs, les résistances multilatérales et bilatérales ont des effets mitigés sur ce commerce. En outre, la mauvaise qualité des infrastructures amplifiée par celle des institutions affecte négativement les échanges commerciaux.
7Le reste de cet article est organisé autour de quatre sections. La première section est consacrée à la présentation des faits stylisés, permettant de comprendre la structure et la dynamique du commerce intra-CEEAC. Dans la deuxième section, nous présentons la spécification du modèle et la stratégie empirique. Les résultats sont, quant à eux, analysés et éprouvés par un test de robustesse dans la troisième section. La quatrième section conclut.
Quelques faits stylisés du commerce intra-CEEAC
8L’observation des statistiques du commerce extérieur des pays membres de la CEEAC produites par la Cnuced, disponibles sur la période 1995-2014, fait apparaître trois régularités importantes : i) le commerce intra-CEEAC est faible comparativement aux autres CERs d’Afrique ; ii) la structure productive est très peu diversifiée au sein des pays-membres ; iii) les échanges commerciaux sont également faiblement complémentaires, et surtout peu corrélés entre les pays-membres.
Un commerce interne faible comparativement aux autres CERs d’Afrique
9Le graphique n°1.a retrace la part du commerce interne des CERs africaines en proportion de leur commerce total. Il ressort que la CEEAC se classe en dernière position par rapport à toutes les autres CERs. La Cedeao, la SADC et la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) enregistrent les meilleures performances en matière d’intégration sous-régionale par le marché en Afrique, alors que l’Union du Maghreb arabe (UMA) reste proche des performances de la CEEAC tout en se situant légèrement au-dessus.
10En moyenne, les exportations internes de l’Uma, de la Cedeao, de la SADC et de la CAE représentent respectivement environ 2, 7, 11, et 14 fois celles de la CEEAC sur la période 1995-2014. Relativement aux importations, ces ratios, un peu plus faibles, sont à 1,1, 3,4, 3,8 et 6,4 pour l’Uma, la CAE, la Cedeao et la SADC, respectivement, impliquant que les pays membres de la CEEAC achètent plus qu’ils ne vendent dans la sous-région par rapport au monde. En d’autres termes, les pays de la CEEAC ont tendance à exporter davantage vers le reste du monde qu’ils n’en importent. Toutefois, cette tendance ne modifie en rien la dépendance commerciale de la sous-région vis-à-vis du reste du monde.
Part du commerce interne des CER africaines et des pays de la CEEAC (moyenne 1995-2014)
Part du commerce interne des CER africaines et des pays de la CEEAC (moyenne 1995-2014)
Note : AGO = Angola ; BDI = Burundi ; CMR = Cameroun ; CAF = Centrafrique ; TCD = Tchad ; COG = Congo ; COD = RD Congo ; GNQ = Guinée équatoriale ; GAB = Gabon ; STP = Sao Tomé-et-Principe.11Cette analyse globale pourrait toutefois masquer les spécificités propres aux pays. En effet, le graphique n°1.b montre que les pays sont intégrés à des degrés différents relativement à leur commerce interne. Sur la période 1995-2014, la plupart des pays enregistrent un déficit commercial vis-à-vis de la communauté. Ce déficit est plus marqué au Tchad. Parmi les pays excédentaires, seul le Cameroun présente une position significative. Enfin, trois pays (Burundi, Centrafrique et Sao Tomé-et-Principe) contribuent marginalement au commerce intra-régional.
Un commerce bilatéral faiblement diversifié
12Le faible niveau d’intégration commerciale dans la CEEAC peut également être perçu par le nombre de produits échangés entre les pays-membres. En effet, lorsque l’on considère les exportations, les flux sont faibles et parfois nuls sur la période 1995-2014. Seuls deux pays sur dix, à savoir le Cameroun et le Gabon, ont au moins un produit exporté en moyenne vers tous les autres pays membres de la CEEAC (tableau n°1).
Matrice du nombre de produits commercés entre les pays de la CEEAC (moyenne 1995-2014)
Matrice du nombre de produits commercés entre les pays de la CEEAC (moyenne 1995-2014)
Note : AGO = Angola ; BDI = Burundi ; CMR = Cameroun ; CAF = Centrafrique ; TCD = Tchad ; COG = Congo ; COD = RD Congo ; GNQ = Guinée équatoriale ; GAB = Gabon ; STP = Sao Tomé-et-Principe.13En outre, sur le petit nombre de produits échangés, les pays sont en concurrence. En effet, la matrice des corrélations bilatérales du commerce dans la CEEAC montre que la plupart des coefficients sont positifs, ce qui suggère que les pays sont en concurrence sur le marché mondial puisque exportateurs nets des mêmes produits.
Un commerce bilatéral peu complémentaire
14Les pays de la CEEAC affichent une faible complémentarité de leurs profils commerciaux. Les indices des deux dates extrêmes (1995 et 2013) sont plus proches de 0 que de 1 (graphique n°2), traduisant le fait que peu de biens importés par les uns sont des biens exportés par les autres.
15Par ailleurs, seule la moitié des pays voient leurs indices augmenter, les sauts les plus significatifs étant relevés au Burundi et au Cameroun. Pour ces pays, les profils des exportations (importations) semblent correspondre dans le temps avec les profils des importations (exportations) des partenaires de la CEEAC en moyenne. En revanche, les indices des pays tels que l’Angola, le Tchad et la Guinée équatoriale notamment, qui diminuent dans le temps, indiquent un manque de compatibilité entre les profils commerciaux. Cette caractéristique illustre également le manque de besoins croisés, car les pays de la sous-région sont hyper-spécialisés dans le secteur primaire, et plus précisément dans les sous-secteurs du pétrole et du bois.
Indices de complémentarité [3] bilatéraux des pays avec la CEEAC (1995-2013)
Indices de complémentarité [3] bilatéraux des pays avec la CEEAC (1995-2013)
Note : AGO = Angola ; BDI = Burundi ; CMR = Cameroun ; CAF = Centrafrique ; TCD = Tchad ; COG = Congo ; COD = RD Congo ; GNQ = Guinée équatoriale ; GAB = Gabon ; STP = Sao Tomé-et-Principe.Le modèle de gravité : justification et spécification
16Comme outil standard de modélisation du commerce international, le modèle de gravité connaît un grand succès depuis le début des années 1990. La multiplicité de ses applications a largement favorisé sa rapide diffusion. Il permet, par exemple, d’évaluer le volume des échanges bilatéraux ainsi que leur nature. De manière générale, l’équation de gravité s’applique dans un contexte monopolistique qui suppose des rendements d’échelle croissants et la différenciation des produits. Le cadre d’analyse repose généralement sur trois hypothèses fondamentales (Bergstrand [1985, 1989], Anderson [1979], Anderson et van Wincoop [2003]) à savoir la maximisation des profits par les firmes en concurrence monopolistique, la maximisation sous contrainte de l’utilité par les consommateurs et la spécialisation de l’offre de biens entre pays. Ce cadre d’analyse s’avère toutefois inapproprié à la réalité du commerce bilatéral des pays africains, en raison notamment de l’absence de grands groupes monopolistiques. Pour cette raison, d’autres fondements sont mobilisés dans le cadre de cet article. Ainsi, Oguledo et MacPhee [1994] fondent, par exemple, leur modèle de gravité sur une analyse microéconomique à l’aide d’un système linéaire de dépenses. Deardorff [1998] démontre, pour sa part, que le modèle de gravité peut provenir d’un contexte général indépendant de tout modèle de commerce international. Quant à Evernett et Keller [2002], c’est la théorie de la spécialisation de Heckscher-Ohlin dans un contexte de rendements d’échelle croissants qui justifie l’équation de gravité. Harrigan [2003] justifie les fondements de l’équation de gravité par le volume de commerce entre les pays concernés, pendant que Helpman et al. [2008] s’inspirent d’un contexte d’hétérogénéité des firmes.
Spécification du modèle
17La spécification récente du modèle de gravité revient à Head et Mayer [2014] qui identifient trois formulations : générale, structurelle et naïve. La formulation « générale » se présente ainsi :
19où Xni est le commerce bilatéral entre un pays i et ses n partenaires. Le terme Si exprime les capacités de l’exportateur i vers toutes les destinations. Mn capte toutes les caractéristiques des n marchés destinataires, avec ϕni(0 ≤ ϕni ≤ 1) un coefficient qui mesure l’accessibilité bilatérale du pays i vers ses partenaires n. Il combine les coûts des échanges, auxquels on associe les élasticités mesurant leur impact sur les flux commerciaux. Enfin, G est la constante de gravité. La deuxième formulation du modèle de gravité est « structurelle ». Selon Head et Mayer [2014], le commerce bilatéral entre un pays i et ses n partenaires peut également s’exprimer par :
21où Yi = ∑nXn est la production, Xn = ∑iXni est la dépense globale de l’importateur, Ωi et Φn les termes de résistance multilatérale. Cette formulation est meilleure en raison de la bonne approximation des effets fixes par rapport à leurs valeurs théoriques.
22La troisième formulation est celle des équations de gravité « naïves ». Selon Head et Mayer [2014], elles expriment le commerce bilatéral de la manière suivante :
24Ayant connu un succès sur le plan empirique, cette formulation est très intéressante sur le plan pédagogique. Elle exprime le commerce bilatéral proportionnellement au produit des tailles (PIB) des pays. C’est une formulation plus restrictive que les formulations dérivées des fondements théoriques. La présence de la restriction a ≠ b est une généralisation imposée lors des estimations depuis Tinbergen [1962]. Toutefois, plusieurs approches théoriques postulent des élasticités unitaires [4]. Dans cet article, nous adoptons la seconde spécification qui donne une importance particulière aux résistances multilatérales. Pour les capturer, nous utilisons les deux proxies proposées par Helliwell [1998], en raison de leur sensibilité à la taille des économies. Le recours aux effets fixes bilatéraux est exclu car cette mesure est issue d’une estimation biaisée. La première expression de Helliwell [1998] est donnée par où Distij est la distance bilatérale entre les pays i et j. Cette mesure donne une importance particulière aux résistances multilatérales dans les petits pays, car elle croît exponentiellement lorsque tend vers zéro. La seconde expression se note . Cette dernière mesure tend à minimiser les résistances multilatérales dans les petits pays. Cependant, ces deux proxies sont peu flexibles et biaisées, car calculées à partir de quantités constantes dans le temps pour tous les pays [5]. L’une des originalités de cet article est de proposer une mesure simple des résistances, jugée plus flexible, variant dans le temps et selon le pays partenaire. Nous la qualifions par commodité de résistance « bilatérale », puisque son calcul utilise des données des deux pays i et j. En effet, étant donné que le modèle intègre une dimension temporelle, que les distances bilatérales sont différentes et que les PIB des pays partenaires varient dans le temps, il est pertinent de tenir compte de ces spécificités pour réduire les biais. Nous proposons donc la mesure suivante :
26Une des énigmes du modèle de gravité est la mesure de la distance. De manière générale, la mesure adoptée est celle d’une distance orthodromique entre les deux capitales des pays i et j qui se calcule en fonction de la latitude et de la longitude des villes considérées. Toutefois, cette mesure est critiquée, du fait que le transport des marchandises ne suit pas une trajectoire tel un vol d’oiseau. Ainsi, le commerce international d’un pays est tributaire non seulement de la distance bilatérale entre ce pays et ses différents partenaires, mais également de sa distance intra-nationale. La prise en compte de cette dernière fait l’objet de plusieurs mesures largement débattues dans la littérature (Disdier et Head [2008]). Nous adoptons ici la mesure suggérée par Nitsch [2000] qui définit la distance intra-nationale d’un pays i comme la racine carrée de sa superficie. Sur le plan empirique, la transposition économétrique originelle du modèle de gravité inspirée de Tinbergen [1962] prend généralement la forme suivante :
28Comij représente le commerce total bilatéral entre les pays i et j, Yi et Yj les PIB respectifs des pays, et Dij la distance qui les sépare. Les βi sont des paramètres à estimer et εij est une perturbation. Nous adoptons dans cet article la forme log-linéaire augmentée suivante :
30Dans cette spécification, Xijt représente les exportations bilatérales du pays i vers le pays j, Yi(j) le PIB réel, Popi(j) la population et Distij la distance qui sépare les pays i et j. CEEACij est une variable muette prenant la valeur 1 si les pays i et j appartiennent à la communauté et 0 si non. Elle capte l’effet sur le commerce bilatéral, de l’appartenance des pays à la CEEAC. Dist_Intra mesure la distance intra-nationale, approximée comme la racine carrée de la superficie du pays (Nitsch [2000]). Rem1(2)in et Remij donnent une mesure des résistances multilatérales et bilatérales respectivement. VolTCNij est une approximation de la volatilité du taux de change nominal bilatéral entre le pays i et le pays j. Cette variable est obtenue en générant l’écart-type sur 5 ans du taux de change nominal bilatéral. Infrai capture les infrastructures mesurées comme la somme du nombre d’abonnés des réseaux téléphoniques fixes et mobiles. Gouvi est un indicateur de gouvernance construit comme une moyenne des six indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale (Kaufman et al. [2010]) [6]. Ouvij est la variable indicatrice de l’ouverture simultanée, prenant la valeur 1 si les pays i et j sont simultanément ouverts à la mer et 0 sinon. LCij vaut 1 si i et j partagent la même langue officielle et 0 sinon. CCij est une variable prenant la valeur 1 si les pays i et j ont été colonisés par la même métropole et 0 sinon. λt est un facteur qui capte l’effet spécifique temporel, μij un terme qui capte les effets bilatéraux et εijt le reste de la perturbation ou le terme d’erreur idiosyncratique. Les statistiques et la description des variables sont données en annexe n°1.
31Selon Baldwin et Taglioni [2007], le biais d’estimation du modèle de gravité peut provenir de trois erreurs, à savoir : i) une erreur liée à l’omission de certains déterminants potentiels du commerce bilatéral (Gold Medal Error) ; ii) une erreur relative à la comptabilisation des exportations bilatérales comme une moyenne des flux réciproques (Silver Medal Error) ; iii) une erreur induite par l’utilisation du PIB réel (Bronze Medal Error). Pour corriger ces erreurs, nous introduisons à la fois des variables muettes invariantes dans le temps et les résistances multilatérales, nous adoptons une spécification en données de panel qui nous évite de calculer la moyenne des flux réciproques, et nous introduisons des variables muettes temporelles (Baldwin et Taglioni [2007]).
La stratégie empirique
32L’un des débats récurrents concernant le modèle de gravité porte sur le problème des valeurs nulles de la variable dépendante, entraînant une perte d’information. Deux approches concurrentes sont généralement utilisées, à savoir les approches log-linéaires et celles dites non linéaires. Les approches log-linéaires conduisent généralement à des résultats biaisés à cause de la transformation logarithmique qui engendre une indétermination des zéros de la variable dépendante. Santos-Silva et Tenreyro [2006] proposent une stratégie permettant de surmonter les insuffisances des approches log-linéaires en présence d’hétéroscédasticité et de flux nuls des échanges commerciaux. Santos-Silva et Tenreyro [2006, 2010, 2011] recommandent l’utilisation de l’estimateur Poisson du pseudo-maximum de vraisemblance (PPMV) qui, selon eux, a la même robustesse que l’estimateur Gamma PML, à cause de la similarité de leurs conditions de premier ordre [7] (Head et Mayer [2014]).
33Plusieurs contributions axées sur la performance relative des différents estimateurs non linéaires ont suivi. La littérature économétrique sur des données de décompte, appliquée à des valeurs entières non négatives, propose différentes alternatives. De Benedictis et Taglioni [2011], par exemple, soulignent que lorsque le taux de prévalence de zéro est élevé dans les flux commerciaux le PPMV n’est plus approprié. Ils proposent d’utiliser le Zero-Inflated Poisson Model ou Zero-Inflated Negative Binominal Model. En revanche, Head et Mayer [2014] déconseillent le recours à la loi binomiale négative (NEGBIN), même en cas d’une assez grande dispersion [8] de la variable dépendante, à cause de la forte sensibilité de cet estimateur à l’unité de mesure de la variable dépendante. Dans cet article, nous retenons le PPMV comme principale technique d’estimation, les autres étant utilisées pour tester la sensibilité des résultats.
Estimation, interprétation et robustesse des résultats
34L’estimation et l’interprétation des résultats sont faites dans un premier temps. Dans un second temps, nous présentons la robustesse des résultats à l’aide des estimateurs alternatifs.
Estimation et interprétation des résultats
35L’échantillon considéré dans cette étude couvre deux groupes de pays, les pays reporters (pays de la CEEAC), soit 10 pays, et 86 pays partenaires appartenant aux zones Cedeao, SADC, UMA, CAE, UE, Asean, Mercosur, Alena (voir la liste des pays dans l’annexe n°2). Au total, l’échantillon compte 96 pays. Nous disposons de données annuelles sur 20 ans, couvrant la période 1995-2014, et par conséquent 20 × 95 = 1 900 paires par pays, soit 10 × 20 × 95 = 19 000 observations. Les données utilisées sont simultanément extraites de trois principales bases : la Cnuced, la Banque mondiale et le Cepii. Les résultats obtenus par application de la méthode du PPMV en effets aléatoires [9] sont consignés dans le tableau n°2. Les estimations révèlent que les coefficients associés au PIB ont les signes attendus. En effet, le PIB du pays i est positivement corrélé au commerce bilatéral de ce pays avec ses partenaires j ce qui traduit une forte propension à exporter du pays i, assurant son intégration croissante dans le commerce international. En termes de demande, ce résultat signifie qu’un pays commerce avec ses partenaires proportionnellement à son revenu. Une augmentation de 1 % du PIB du pays i augmente ses exportations bilatérales vers ses partenaires j de 0,10 %. Le signe du PIB du pays j s’inscrit dans la même logique, avec un effet et une significativité plus forts que ceux du PIB du pays i. Ainsi, une augmentation d’un point du PIB du pays j induit une augmentation de 0,21 à 0,23 point des exportations bilatérales du pays i vers ce pays. Les coefficients associés à la population affichent un signe négatif pour le pays i et positif pour le pays j. En effet, pour le pays i, sa population est un déterminant de l’absorption nationale, c’est-à-dire qu’elle exprime une forte demande pour la production locale et limite ses exportations vers les partenaires. Le signe associé à la population du pays j est positif, traduisant logiquement le fait que l’augmentation de la population du pays partenaire augmente les exportations bilatérales du pays i. La distance, appréhendée comme une approximation des coûts de transaction, présente un coefficient significatif et de signe attendu. Intuitivement, plus la distance est grande entre deux pays, plus leur commerce bilatéral diminue. Ces résultats sont globalement conformes à ceux précédemment obtenus par Avom [2005], Gbetnkom et Avom [2005], Avom et Mignamissi [2013], Avom et Gandjon Fankem [2014], dans le contexte africain.
Résultats du modèle de gravité estimé par le PPMV
Variable dépendante : exportations bilatérales | |||||
---|---|---|---|---|---|
Variables | Modèle 1 | Modèle 2 | Modèle 3 | Modèle 4 | Modèle 5 |
Log(PIBi) | 0,1064*** (13,84) | 0,1000*** (12,21) | 0,1071*** (12,10) | 0,1046*** (11,30) | 0,1057*** (11,40) |
Log(PIBj) | 0,2268*** (127,66) | 0,2183*** (121,83) | 0,2264*** (124,47) | 0,2180*** (118,94) | 0,2329*** (121,86) |
Log(POP) | -0,5461*** (14,55) | -0,5445*** (14,29) | -0,4153*** (4,87) | -0,4286*** (5,09) | -0,4518*** (5,33) |
Log(POPi) | 0,0425*** (18,75) | 0,1157*** (35,09) | 0,0422*** (18,27) | 0,1154*** (34,31) | 0,1247*** (36,77) |
Log(Distance) | -0,7772*** (69,73) | -0,8231*** (71,66) | -0,7753*** (68,16) | -0,8223*** (70,26) | -0,7867*** (65,95) |
CEEACij | 0,1725*** (16,56) | 0,2344*** (22,10) | 0,1617*** (15,20) | 0,2234*** (20,62) | 0,2162*** (19,80) |
Log(Dist_Intra_i) | 0,7872*** (4,76) | 0,6710*** (4,18) | 0,6796*** (4,00) | ||
Log(Dist_Intra_j) | -0,1361*** (30,98) | -0,1360*** (30,34) | -0,1772*** (39,44) | ||
Résistance multi | -0,0081*** (7,20) | -0,0068*** (5,68) | -0,0056*** (4,65) | ||
Résistance bil. | 0,4918 (8,28)*** | 0,5225*** (8,68) | 0,4265*** (7,00) | ||
Volatilité changeij | 0,0000*** (3,12) | 0,0000*** (2,71) | 0,0000*** (3,36) | ||
Infrastructuresi | -0,0135** (2,43) | -0,0131** (2,39) | -0,0144*** (2,60) | ||
Gouvernancei | -0,0054* (1,74) | -0,0031 (0,97) | -0,0040 (1,24) | ||
Ouv. simultanéeij | 0,1070*** (11,99) | ||||
Langue communeij | 0,1487*** (17,96) | ||||
Col. communij | 0,4330*** (38,14) | ||||
Constante | 2,5347*** (4,65) | -2,5524** (2,48) | 0,5568 (0,44) | -3,6014*** (3,40) | -3,7247*** (3,29) |
Observations | 18 080 | 18 080 | 17 243 | 17 243 | 17 243 |
Paires | 1 900 | 1 900 | 1 900 | 1 900 | 1 900 |
lnalpha_cons | -0,2230 (0,54) | -1,1649*** (2,65) | -0,5635 (1,18) | -1,5157*** (2,94) | -1,3572** (2,67) |
LR test α = 0 Prob >= chibar2 | 7 558,02 [0,0000] | 6 932,79 [0,0000] | 6273,68 [0,0000] | 6 085,64 [0,0000] | 4 093,07 [0,0000] |
Wald chi2 Prob > chi2 | 36 139,88 [0,0000] | 37 327,20 [0,0000] | 34 276,41 [0,0000] | 35 430,09 [0,0000] | 38 674,65 [0,0000] |
Résultats du modèle de gravité estimé par le PPMV
Note : les nombres entre parenthèses sont les t de Student. * p < 0,10 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.36L’estimation montre également que le fait d’appartenir conjointement à la CEEAC aurait accru le commerce bilatéral des pays-membres. Toute chose étant égale par ailleurs, le commerce bilatéral aurait augmenté de 17,55 % (soit (e0,1617 *100) − 100%) à 26,41 % (soit (e0,2344 *100) − 100%) en fonction des spécifications du modèle de gravité. Il faut toutefois nuancer ce résultat en arguant que, basé sur une performance préalablement faible (le commerce intra-CEEAC sur la période n’est que de 1,31 %), cet effet multiplicateur ne serait que marginal.
37Les distances intra-nationales et les résistances multilatérales (et bilatérales) sont des facteurs explicatifs des échanges dans la CEEAC. La distance intra-nationale dans le pays i est positivement corrélée à son commerce bilatéral. L’effet est inverse dans le pays j. Ce résultat semble être cohérent puisque la distance intra augmente avec la superficie du pays. Ainsi, si le pays i est doté d’une grande superficie, il est probable qu’il possède de vastes surfaces arables et un sous-sol riche. En revanche, ce résultat pour le pays j montre qu’il serait moins enclin à importer du pays i. Les résistances multilatérales sont négativement associées au commerce bilatéral, ce qui laisse présager l’existence de facteurs et phénomènes invisibles (accords politiques, caractéristiques structurelles) exerçant un effet déprimant sur les échanges dans la CEEAC. Cet effet est d’autant plus ambigu que les résistances multilatérales, dans leur calcul, concernent tous les pays partenaires. En revanche, en retenant la dimension bilatérale des résistances, les estimations montrent que les pays de la CEEAC gagneraient à privilégier des négociations bilatérales avec les partenaires hors zone, puisque cette stratégie semble leur être bénéfique.
38L’effet des infrastructures de télécommunication sur le commerce des pays de la CEEAC est significativement négatif, ce qui est attendu. Faute de données sur les infrastructures routières, ferroviaires et maritimes qui sont plus corrélées au commerce, nous avons comme proxy retenu les infrastructures de télécommunication. Les estimations montrent que de telles infrastructures n’ont pas encore atteint un seuil critique pour booster les échanges dans la communauté. Cet effet dépressif de la qualité des infrastructures semble être conforté par celle des institutions, approximées dans cet article par les indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale (Kaufmann et al. [2010]). Enfin, l’ouverture simultanée des pays de la CEEAC et de leurs partenaires explique positivement leur commerce bilatéral. Cette variable montre sans surprise que moins les pays sont enclavés, plus ils sont enclins à augmenter leur commerce du fait de la diminution considérable des coûts de transaction. L’effet marginal de cette ouverture sur les exportations bilatérales est de 11,29 % (soit (e0,1070 *100) − 100%) et significatif à 1 %. Le partage d’une langue commune renforce les flux bilatéraux de commerce en jouant à la fois sur la marge intensive et sur la marge extensive du commerce. Par exemple, Anderson et Van Wincoop [2004] assimilent la barrière linguistique à une taxe qu’ils estiment à 7 %. Egger et Lassmann [2012] déduisent des études économiques existantes que le partage d’une langue commune augmente le commerce bilatéral d’environ 44 %. Plus récemment, Head et Mayer [2014] confirment un impact médian de la langue sur les flux bilatéraux de l’ordre de 39 %. De même, Mélitz et Toubal [2014] testent plusieurs variables de proximité linguistique en distinguant entre le partage d’une langue parlée, maternelle et officielle pour compléter et approfondir les analyses existantes. Nos estimations sont très en deçà des résultats précédemment présentés et limitent à 16 % l’effet du partage de la langue commune sur le commerce bilatéral des pays de la CEEAC. De même, il faut penser au rôle que peut jouer le partage d’une frontière terrestre commune. Ainsi, partager une frontière constitue un contrepoids à la distance. Toutefois, il faut que le pays de proximité puisse satisfaire les besoins de son partenaire en matière de commerce, condition nécessaire pour justifier la modélisation de cette variable. Or, les économies de la CEEAC sont très spécialisées et présentent des dotations similaires. Dans ce contexte, la modélisation de la distance seule suffit. Par ailleurs, le commerce de la CEEAC avec les pays hors zone est largement supérieur au commerce intra-zone, impliquant le fait qu’une frontière commune n’est pas une condition nécessaire à l’intensification des échanges. Toutefois, cette variable est pertinente pour les régions spécialisées dans le commerce intra-branche comme l’UE. Les estimations montrent enfin que les pays qui ont été colonisés par une même métropole ont tendance à avoir une forte intensité commerciale, à cause, notamment, des liens qu’ils ont pu développer et des accords politiques et commerciaux qui ont été signés.
39En dernière analyse, et au-delà des explications traditionnelles, le faible niveau des échanges commerciaux entre les pays de la CEEAC s’explique davantage par la mauvaise qualité des infrastructures, amplifiée par celle des institutions.
Tests de robustesse
40Head et Mayer [2014] recommandent, pour valider les résultats de l’estimateur Poisson, de les comparer à deux principaux estimateurs : les moindres carrés ordinaires d’une part et Gamma [10] d’autre part. La similitude des estimateurs MCO et Gamma est liée au fait que leurs conditions de premier ordre sont assez comparables (soit pour l’estimateur MCO et pour l’estimateur Gamma).
41Les estimateurs Poisson et Gamma aboutissent à des résultats robustes, en présence de zéros et d’une forte dispersion de la variable dépendante. Nous utilisons également le Zero-Inflated Negative Binominal Model (ZINBPML) et le Zero-Inflated Poisson Model (ZIPPML) qui sont indiqués en cas de forte dispersion de la variable dépendante et en cas de grande proportion de zéros dans la variable dépendante (De Benedictis et Taglioni [2011]). Enfin, pour tenir compte de la nature de la variable dépendante (qui peut être censurée ou tronquée), nous utilisons le Censored Poisson Regression Model (CPRM) et le Truncated Poisson Regression Model (TPRM) (Cameron et Trivedi [2013]). Les résultats de ces différents estimateurs sont reportés dans le tableau n°3. De manière générale, les principales variables conservent les signes précédemment obtenus. En ce qui concerne plus spécifiquement la variable d’intérêt (à savoir Ceeacij), le coefficient reste positif et significatif à 1 %. Les résultats sont assez asymptotiques sous les spécifications ZIP, CPRM et TPRM.
Robustesse des résultats avec les estimateurs concurrents
Robustesse des résultats avec les estimateurs concurrents
Note : les nombres entre parenthèses sont les t de Student ou les z-stat. * p < 0,10 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.Conclusion
42L’objectif de cet article était d’expliquer le faible niveau des échanges commerciaux entre les pays de la CEEAC. Après la présentation des faits stylisés justifiant le faible niveau des échanges, nous avons appliqué l’estimateur Poisson du pseudo-maximum de vraisemblance (PPMV) à un modèle de gravité augmenté sur un panel de 96 pays, en retenant les pays de la CEEAC comme pays reporters. Nous avons ensuite contrôlé spécifiquement le modèle pour les résistances multilatérales et bilatérales, les distances intra-nationales, les infrastructures et les institutions et opéré plusieurs tests de robustesse. Nous sommes parvenus à trois principaux résultats. Premièrement, l’appartenance des pays à la CEEAC a eu un effet positif variant de 17,55 % à 26,41 % sur leur commerce bilatéral depuis 1995, qui reste toutefois insignifiant à cause de la faiblesse du commerce intra-CEEAC. Deuxièmement, les résistances multilatérales et bilatérales ont des effets mitigés sur le commerce bilatéral des pays membres de la CEEAC. Les estimations montrent que les résistances multilatérales ont un signe négatif et significatif, c’est-à-dire qu’il existe des phénomènes non observables qui expriment un effet dépressif sur le commerce des pays membres de la CEEAC, lorsque l’on considère l’ensemble de leurs partenaires. En revanche, les résistances bilatérales montrent que les pays de la CEEAC doivent prendre des initiatives bilatérales en matière de commerce, car elles seraient plus bénéfiques. Troisièmement, la mauvaise qualité des infrastructures diminue significativement les échanges entre les pays de la CEEAC. Cet effet négatif tend à être amplifié par la mauvaise qualité des institutions. Ces résultats interpellent les autorités de la sous-région pour prendre des initiatives, en cohérence avec les objectifs d’intégration africaine basée sur celle des CERs. Premièrement, la stratégie consiste à accélérer le processus de rationalisation de toutes les entités de la CEEAC, réforme nécessaire à la mise en œuvre de véritables CERs en Afrique. En effet, la multi-appartenance, en dispensant les ressources financières, handicape fortement la mise en œuvre des réformes nécessaires au développement des échanges commerciaux. Deuxièmement, les États-membres doivent implémenter des réformes nécessaires à une transition vers une union douanière effective, puis vers un véritable marché commun qui assure la mobilité des facteurs. Par ailleurs, il faudra investir dans le capital infrastructurel à travers la promotion de projets intégrateurs majeurs et bâtir de meilleures institutions, capables de contraindre les gouvernants à appliquer les décisions communautaires. Toutes ces mesures participeraient à opérer la transformation structurelle de la communauté qui, couplée à une véritable stratégie de diversification, assurerait une intégration commerciale viable. Forte de ces résultats, la nécessité de promouvoir l’intégration économique en général et l’intégration commerciale en particulier en Afrique se justifie par les caractéristiques même des économies de ce continent. Ce sont des économies à faibles revenus, disposant de marchés cloisonnés et faiblement peuplées, avec des structures de production peu développées, des infrastructures de qualité médiocre et insuffisantes. Par ailleurs, ces économies font face à des conflits multiples, causant une instabilité politique qui tend à être structurelle. On y relève également des lenteurs dans l’implémentation des réformes, avec un impact plus ou moins direct sur les performances macro-économiques globales, notamment en termes d’attractivité des investissements étrangers (CEA [2004]). Ainsi, l’intégration économique est généralement présentée comme l’une des solutions face à ces problèmes structurels propres aux pays africains. Il ne faudrait toutefois pas la considérer comme une solution miracle, car ses effets dépendent de la nature des mécanismes adoptés et surtout de la volonté politique garantissant une meilleure évaluation, mais essentiellement une répartition équitable des gains et des pertes potentiels. Une autre explication importante de la faiblesse des échanges intra-CEEAC pourrait provenir de l’existence d’un risque de change entre pays dû à l’utilisation de plusieurs monnaies, ainsi que des coûts de couverture contre ledit risque. Une réflexion portant sur les conséquences qu’aurait eues l’adoption d’une monnaie unique serait intéressante, dans l’optique capturer son effet multiplicatif endogène sur l’intégration par le marché de la CEEAC.
Annexe 1. Présentation des variables et statistiques descriptives
Annexe 2. Liste des pays de l’échantillon
Annexe 3. Matrice des coefficients de corrélation
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Notes
-
[1]
Le traité instituant la communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), signé en octobre 1983 à Libreville, est entré en vigueur en décembre 1984. C’est l’une des huit CER (communautés économiques régionales) reconnues par l’Union africaine (UA), désignée comme le pôle d’intégration africaine en Afrique centrale. Elle comprend dix États-membres : l’Angola, le Burundi, le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, la R.D. Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, Sao Tomé-et-Principe et le Tchad. La CEEAC a repris ses activités en 1999, après plus d’une décennie d’interruption à cause de nombreux conflits à l’intérieur des États-membres et des difficultés financières qui en ont résulté. L’objectif poursuivi par la communauté est la promotion et le renforcement d’une coopération harmonieuse et un développement dynamique, équilibré et auto-entretenu dans tous les domaines de l’activité économique et sociale. Dans ses statuts réactualisés, il apparaît que l’objectif ultime de la CEEAC est la création d’un marché commun en Afrique centrale. L’une des spécificités de la CEEAC, qu’elle partage avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), est que certains de leurs pays-membres participent, depuis plus de quarante ans, à une union monétaire dans le cadre des accords de la zone franc.
-
[2]
Pour tester la robustesse, l’estimateur Gamma-PML (Head et Mayer [2014]), et l’approche Zero-Inflated Poisson Model ou Zero-Inflated Negative Binominal Model (De Benedictis et Taglioni [2011]), seront également envisagés.
-
[3]
L’indice de complémentarité commerciale indique dans quelle mesure la structure des exportations d’un pays j (ou groupement de pays) correspond à la structure des importations d’un pays k (ou groupement de pays), partenaire du pays j. La valeur de l’indice est comprise entre 0 et 1. Une valeur égale à 0 indique qu’aucun bien exporté par le pays j n’est importé par le pays k. Lorsqu’elle est égale à 1, elle indique que la structure des importations du pays correspond exactement à la structure des exportations du pays partenaire (source : http://unctadstat.unctad.org).
-
[4]
Krugman [1995] montre que les justifications théoriques de la troisième formulation imposent une restriction très f rigide selon laquelle ϕni est une constante. Cette contrainte montre ainsi que la prise en compte des effets bilatéraux n’est pas nécessaire, ce qui entre en contradiction avec l’évidence selon laquelle les coûts de transport varient avec les paires de pays.
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[5]
La mesure Rem1in est biaisée, parce qu’elle est fondée sur l’hypothèse d’équidistance entre les pays ; elle n’intègre donc pas la variabilité des distances entre le pays i et ses n partenaires. Rem2in est, quant à elle, insensible à la variabilité des PIB des n pays partenaires. Ces deux mesures sont donc qualifiées de résistances « multilatérales », puisque calculées à partir des données constantes sur les n partenaires du pays i.
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[6]
Les six indicateurs de Kaufman et al. [2010] sont : i) voix citoyenne et responsabilité ; ii) stabilité politique et absence de violence ; iii) efficacité des pouvoirs publics ; iv) qualité de la réglementation ; v) état de droit ; vi) maîtrise de la corruption.
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[7]
En partant d’un modèle simple Xij = Exp (Z′ijβ)εij, où ε est un terme d’erreur multiplicatif, les conditions de premier ordre de maximisation sous les spécifications Poisson, MCO et Gamma sont respectivement données par :et . Poisson et Gamma fournissent tous deux des estimateurs consistants, quelle que soit la distribution du terme d’erreur (Head et Mayer [2013]).
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[8]
L’estimateur Poisson est théoriquement fondé sur la proportionnalité entre la variance conditionnelle et la moyenne conditionnelle. Toutefois, lorsque la variance est supérieure à la moyenne (over-dispersion), on peut avoir recours à la loi binomiale négative.
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[9]
L’application des effets fixes n’est pas appropriée car la variable d’intérêt est muette. Par ailleurs, le test LR (LR test α = 0) montre que la technique d’estimation choisie (à savoir l’estimateur Poisson en effets aléatoires) est la meilleure.
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[10]
Head et Mayer [2014] concluent à cet effet : « Nos résultats de Monte Carlo suggèrent que plutôt que de sélectionner l’estimateur PPML comme l’unique “cheval de bataille” des équations de gravité, il devrait être utilisé dans le cadre d’un ensemble explorant la robustesse qui inclut également les MCO et le Gamma PML ».