Notes
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[1]
http://www.assembleenationale.fr/13/projets/pl0284.asp (consulté le 20/04/2015).
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[2]
Circulaire relative aux orientations propres à l’évolution de la répartition territoriale des professionnels de santé libéraux.
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[3]
Création d’une option conventionnelle dans laquelle les honoraires des médecins exerçant dans les zones sous-médicalisées ont pu être majorés de 20 % par l’avenant n°20 à la convention médicale de 2005 signée en 2007. Cette option a été supprimée et remplacée par l’option démographie introduite dans la convention médicale de 2011.
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[4]
Nos données étant exhaustives, nous observons, en 2011, l’intégralité des installations en libéral effectuées entre 2005 et 2011, sauf si certains médecins ont cessé leur activité libérale prématurément. Dans ce cas, ils ne sont plus présents dans la base en 2011. Ce cas existe, même si les données ne nous permettent pas de vérifier intégralement son ampleur. Ainsi, en mobilisant la base 2008, nous observons que 6 % des médecins installés entre 2005 et 2008, et présents dans la base 2008, ne perçoivent plus d’honoraires associés à leur activité libérale dans la base 2011 : ayant arrêté leur activité libérale, ils ne sont plus inclus dans les données de 2011 et donc dans notre étude sur les installations de MG.
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[5]
Une unité urbaine est une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants.
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[6]
Les données nous permettent d’observer le statut marital des médecins au moment de leur installation. En revanche, l’information permettant de savoir, pour les couples mariés et pacsés, s’il s’agit de couples de médecins libéraux, n’est disponible qu’en 2011. Nous extrapolons donc cette information en supposant qu’avoir un conjoint médecin en 2011 revient à avoir un conjoint médecin au moment de l’installation, ce qui peut conduire à une erreur de mesure sur cette variable. L’erreur est cependant probablement de faible ampleur car 93 % des médecins mariés ou pacsés dans les données de 2005 le sont toujours en 2011.
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[7]
À l’exception des médecins installés en 2005, qui contribuent à cette variable de densité. Toutefois, les résultats de nos analyses économétriques sont robustes à l’exclusion de ces médecins.
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[8]
Ce modèle est estimé avec la procédure mixlogit (Stata13®).
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[9]
Nous choisissons de représenter la corrélation entre les alternatives via les constantes spécifiques aux zones qui synthétisent l’ensemble de leurs caractéristiques observées et inobservées. En ce sens, elles nous semblent préférables à quelques variables telles que les honoraires ou l’activité des médecins dans chaque zone, qui ne caractérisent que peu les différentes zones.
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[10]
Les tests de Hausman et McFadden [1984] qui consistent à comparer la vraisemblance d’un modèle non contraint (les médecins ont le choix entre quatre zones) avec celle d’un modèle contraint (où les médecins ont le choix seulement entre trois zones) conduisent tous à rejeter l’hypothèse IIA, quel que soit le choix de la zone omise dans l’ensemble des choix offerts aux médecins. Les tests de rapports de vraisemblance aboutissent aux résultats suivants : χ2 = 248.9 ; p = 0.000 lorsque la zone « ville-isolée » est omise ; χ2 = 319.31 ; p = 0.000 lorsque la zone « banlieue » est omise ; et χ2 = 104.74 ; p = 0.000 lorsque la zone « rurale » est omise.
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[11]
Cet effet négatif persiste lorsque nous excluons du modèle la part de patients en ALD.
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[12]
En échange d’une installation en zone sous-dotée, les MG ayant souscrit à l’option démographie bénéficient, par exemple lorsqu’ils exercent en groupe, d’une hausse de 10 % du montant des honoraires associés aux actes cliniques (sans dépassements) plafonnée à 20 000 euros et d’une aide à l’investissement de 5 000 euros par an pendant trois ans.
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[13]
(Consulté le 17/04/2015).
-
[14]
Notre modèle initial (modèle 5) ne contrôle pas la variable d’activité. En effet, en contrôlant cette variable ainsi qu’une partie de la composition de l’activité (via la part des visites), le contenu de la variable d’honoraires sans dépassement ni forfait serait assez pauvre, uniquement lié à la variabilité des tarifs conventionnels entre médecins en raison d’une plus ou moins forte proportion de consultations, actes en K ou actes en Z dans leur activité. Or, la variabilité des pratiques entre médecins généralistes de secteur 1 est assez faible. Rappelons que la variable d’honoraires n’inclut pas les dépassements occasionnels appliqués par les médecins de secteur 1 pour des consultations effectuées dans ces circonstances particulières (en dehors des horaires d’ouverture du cabinet), ni les forfaits associés au suivi de patients spécifiques (patients de moins de six ans, patients en ALD en tant que médecin traitant …), qui pourrait également être source de variabilité des honoraires entre médecins, à activité donnée. Mais ce n’est pas le cas ici.
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[15]
Voir le site http://www.paps.sante.fr (consulté le 28/06/2016).
1Dans tous les pays de l’OCDE, la répartition des médecins sur les territoires est, en 2014, inadaptée aux besoins des populations (Ono, Schoenstein, et Buchan [2014]). En France, alors que la densité médicale est relativement élevée – 14ème position sur les trente-trois pays de l’OCDE en 2011 (OCDE [2013]) -, le projet de loi de financement de la sécurité sociale indique pourtant dès 2008 que « la répartition inégale des médecins sur le territoire devient de plus en plus problématique pour l’accès aux soins des concitoyens, surtout pour les soins de premiers recours » [1]. En effet, les disparités régionales de localisation des médecins généralistes (MG) libéraux sont importantes : en 2014, l’écart est de 52 % entre la région la moins densément peuplée (79 MG pour 100 000 habitants en Bourgogne) et la région la plus densément peuplée (121 MG pour 100 000 habitants en Provence-Alpes-Côte d’Azur – Eco santé 2014, RPPS). Les disparités infrarégionales sont encore plus marquées : Barlet et Collin [2009] montrent que 94 % des inégalités de répartition des jeunes médecins généralistes sont liés à des différences infrarégionales entre bassins de vie alors que 6 % sont liés à des inégalités entre les régions.
2Une répartition des médecins inadaptée aux besoins des populations et particulièrement celle des MG – qui constituent le premier maillon du parcours de soins -, peut impliquer de réelles barrières à l’accès aux soins pour les patients qui font face à une très faible densité médicale. À l’inverse, une densité médicale très élevée peut exacerber des comportements de demande induite chez les médecins qui, pour maintenir un niveau de revenu « cible », peuvent être amenés à modifier la composition de leur activité en se concentrant sur les actes les plus rémunérateurs (Delattre et Dormont [2003]). Il est donc essentiel d’étudier les déterminants des choix de localisation des jeunes MG au sein d’une région afin d’identifier de potentiels leviers susceptibles d’influencer leurs arbitrages et d’améliorer leur répartition.
3De nombreux travaux ont mesuré les inégalités de répartition des professionnels de santé sur un territoire et leurs conséquences en termes d’accès aux soins en mobilisant des indicateurs d’inégalités classiques comme des indices de Gini et d’Atkinson (Gravelle et Sutton [2001] ; Wilkinson et Symon [2000] ; Theodorakis et al. [2006] ; Munga et Mæstad [2009] ; Barlet et Collin [2009]). En revanche, peu de travaux identifient et expliquent les déterminants des choix de localisation des médecins : Bilodeau et Leduc [2003] mettent en évidence l’importance des variables individuelles. Goddard et al. [2010] pour le Royaume-Uni et Delattre et Samson [2012] pour la France relèvent l’importance des variables de contexte géographique, et Delattre et Samson [2012] et, pour le Québec, Bolduc, Fortin et Fournier [1996], l’importance des caractéristiques socioéconomiques des territoires. Ces travaux sont toutefois tous menés à un échelon géographique très agrégé, généralement la région. Au-delà de l’âge et du genre du médecin, les caractéristiques individuelles telles que le lieu de naissance, la spécialité médicale, les lieux de stage pendant les études (Ono, Schoenstein et Buchan [2014] ; Bilodeau et Leduc [2003]) et le statut familial comme la présence d’un conjoint ou d’enfant(s) au moment du choix du lieu d’installation (Bilodeau et Leduc [2003] ; Bui et Levy [2000]) sont des facteurs déterminants des choix de localisation. Les caractéristiques de l’offre de soins telles que l’accès à différents équipements de santé et ou à des spécialistes (densité de spécialistes) sont également déterminantes pour de jeunes médecins qui s’installent. Enfin, la zone en elle-même peut être plus ou moins attractive du fait du contexte économique (niveau d’urbanisation de la zone, âge de la population, taux de chômage, prix des logements) et de la qualité de vie liée, par exemple, à l’accès à des équipements culturels et sportifs, au degré d’ensoleillement, etc. (Barlet et al. [2012] ; Couffinhal et al. [2002] ; Goddard et al. [2010] ; Ono, Schoenstein, et Buchan [2014]). L’ensemble de ces études intègre le revenu espéré par le médecin au moment de son installation. L’effet des revenus attendus est toutefois ambigu : alors que Hurley [1991] montre aux Etats-Unis, que les incitatifs monétaires peuvent significativement encourager les médecins à s’installer dans des zones rurales, Couffinhal et al. [2002] notent qu’en France le revenu et l’activité espérés ne sont pas les facteurs les plus influents. En Norvège, Holte et al. [2015] confortent ces résultats et montrent, à partir d’une méthode de choix discrets, que les incitatifs monétaires ont un effet plus faible sur les choix de localisation que les attributs non monétaires tels que la possibilité de contrôler son temps de travail ou d’exercer en groupe. Toutefois, ces résultats semblent dépendre de l’échelon géographique considéré dans les analyses. En effet, au niveau régional, certaines études mettent en évidence un effet positif du revenu espéré sur l’attractivité d’une région : Bolduc, Fortin et Fournier [1996] montrent que pour les MG québécois, une hausse des revenus de 10 % augmente la probabilité de choisir une région de près de 11 %. En France, Delattre et Samson [2012] montrent également que le revenu espéré influence significativement le choix d’une région, même si son impact n’est pas suffisamment élevé pour contrebalancer celui d’autres variables liées à la qualité de vie. Au total, selon les auteurs, les primes à l’installation dans les régions sous-dotées devraient être très élevées pour réellement inciter les médecins à s’y installer en compensant la perte de qualité de vie liée à l’installation dans ces zones.
4Notre étude analyse les déterminants des choix de localisation des MG installés entre 2005 et 2011 en France métropolitaine. Nous nous situons à un niveau géographique plus fin que celui défini dans les travaux précédents, en spécifiant quatre types de zones appelées « Banlieue », « Ville-centre », « Ville-isolée » et « Rural », à partir de la définition des unités urbaines de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee [2010]). Nous analysons alors, conditionnellement à la région choisie par le MG, les déterminants du choix de la zone d’installation des MG. À notre connaissance, aucune étude française ne s’est encore intéressée aux déterminants des choix de localisation des médecins au niveau infrarégional, en prenant en compte à la fois les caractéristiques individuelles des MG liées notamment à leur statut familial, mais aussi les caractéristiques contextuelles et économiques liées à chaque type de zone (honoraires, variables d’offre et de demande de soins, équipements).
5En estimant différents modèles logit à paramètres aléatoires, nous montrons que les variables individuelles telles que le statut matrimonial ou le genre du médecin expliquent relativement peu le choix de localisation. À l’opposé, les facteurs liés à la zone comme les caractéristiques associées à l’offre locale de soins, les caractéristiques locales de demande de soins, les dispositifs d’exonérations fiscales et les équipements présents dans la zone expliquent significativement le choix des jeunes MG.
6L’article est organisé de la façon suivante : dans la première partie, nous présentons les différentes mesures de régulation de la localisation des médecins mises en place par les pouvoirs publics. La section suivante présente le zonage utilisé ainsi que les données. La troisième section décrit la spécification économétrique et la quatrième section présente les résultats. La cinquième section propose quelques simulations de politiques publiques. Enfin, nous concluons.
La régulation géographique des médecins sur le territoire
7En France, il n’y a presque aucune régulation géographique des médecins en activité. Cette régulation s’effectue principalement en amont, vers les étudiants en médecine. En effet, en première année de médecine, le numerus clausus est ventilé au niveau régional en fonction des futurs besoins en médecins de chaque région (ONDPS [2014]). En outre, en sixième année, le nombre de postes offerts dans chaque spécialité à l’issue des épreuves classantes nationales est modulé entre les régions, généralement en faveur des régions sous-dotées (ONDPS [2011] ; ONDPS [2007]). Mais une fois leur thèse soutenue, et en vertu du principe de libre installation – un des fondements de la médecine libérale depuis 1927 -, les médecins peuvent choisir librement leur lieu d’exercice.
8Depuis 2005, de nombreuses mesures incitatives ont été mises en place pour tenter d’orienter les choix des MG vers des zones dites prioritaires [2] (sous-dotées en médecins). Il s’agit essentiellement d’aides à l’installation qui peuvent prendre différentes formes : primes, mise à disposition de locaux professionnels, prise en charge de frais d’investissement et ou de fonctionnement, aides au maintien de médecins et d’étudiants en médecine (indemnités de logement et de déplacement, bourses d’étude) ou aides financières plus pérennes via une hausse ciblée des honoraires [3] ou des exonérations fiscales. En 2009, la loi « Hôpital patients, santé et territoires » a introduit les « contrats d’engagement de service public » : les étudiants en médecine peuvent bénéficier d’une allocation mensuelle de 1 200 € à partir de leur 2ème année contre l’engagement d’exercer, à l’issue de leurs études, à titre libéral ou salarié, dans une zone définie par les pouvoirs publics comme étant sous-dotée en médecins. Plus récemment, la convention médicale de 2011 a mis en place deux nouvelles mesures incitatives destinées à favoriser l’installation et le maintien des médecins libéraux en zones dites « fragiles » : i) l’option démographie permet aux médecins en groupe (maison ou pôle de santé) de bénéficier d’aides à l’investissement (5 000 € par an pendant 3 ans) et d’aides à l’activité (10 % du montant total des honoraires) ; ii) l’option santé solidarité territoriale vise à inciter les médecins situés à proximité d’une zone sous-dotée à aider leurs confrères en exerçant une partie de leur activité dans cette zone. En échange, ils bénéficient d’une rémunération complémentaire (10 % du montant des honoraires réalisés dans la zone sous-dotée et prise en charge des frais de déplacement). Le bilan de ces mesures montre qu’elles sont, pour l’instant, inefficaces et qu’elles ont probablement représenté des effets d’aubaines pour les médecins qui en ont bénéficié (Vigier [2012]). Enfin, soulignons qu’en 2013, au regard de l’ampleur des enjeux de santé publique en termes d’accès équitable aux soins, 200 postes de praticien territorial de médecine générale ont par ailleurs été créés. Ce nouveau statut s’adresse aux jeunes médecins qui vont s’installer dans des zones déficitaires et vise à leur garantir un revenu mensuel brut de 6 900 € par mois.
9Finalement, la multiplicité des aides les rend peu lisibles par les médecins. En outre, elles sont souvent locales, spécifiques à une commune ou un territoire ; il est donc difficile de recenser l’ensemble des aides existantes et d’évaluer empiriquement leur efficacité.
Les données
Une base de données exhaustive sur les MG libéraux observés en 2011
10Cette étude exploite les données d’un appariement, effectué par l’Insee pour le compte de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), de deux sources de données administratives permettant d’observer l’ensemble des médecins français ayant eu une activité libérale en 2011.
11Les données issues des fichiers de la CNAMTS (Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés) fournissent des informations détaillées sur les caractéristiques socio-démographiques des médecins, leur activité et leurs honoraires détaillés par type d’actes, leur localisation géographique (commune, département et région) et les caractéristiques de leur clientèle. Ces données sont appariées avec les déclarations de revenus issues de la DGFiP (Direction générale des finances publiques, formulaire Cerfa n°2042), dans lesquelles est recensé l’ensemble des revenus déclarés par les médecins (revenus individuels, salariés ou non, revenu du foyer fiscal) ainsi que la composition du foyer (nombre d’enfants à charge et statut matrimonial).
12Les données sont exhaustives : la base inclut la totalité des médecins ayant perçu des honoraires en 2011, soit 60 197 MG libéraux. L’appariement est également disponible pour les années 2005 et 2008, avec un suivi longitudinal des médecins sur ces trois années. Notre analyse empirique porte toutefois sur les seules données de l’année 2011, celles des années 2005 et 2008 ayant été mobilisées pour construire certaines variables explicatives des modèles. Nous avons décidé de ne pas exploiter la dimension longitudinale des données car il apparaît qu’une fois installés, les médecins ne changent pas de lieu d’exercice : la comparaison des bases 2005 et 2011 a, en effet, permis de montrer que seuls 2 % des MG récemment installés ont changé de commune sur la période.
13Les données de la base 2011 comportent la date d’installation en libéral du médecin. Pour étudier les stratégies de localisation des MG, nous nous intéressons aux médecins installés entre 2005 et 2011 [4], c’est-à-dire à partir de la mise en place des premières incitations à l’installation dans les zones sous dotées. Cette sélection vise à se concentrer sur les choix de localisation des jeunes MG, c’est-à-dire ceux dont les caractéristiques sont les plus proches de celles des étudiants en médecine actuels, et qui sont les principales cibles des politiques actuelles de régulation géographique.
14Dans notre base, 7 392 MG exerçant en libéral en 2011, ont choisi de s’installer entre 2005 et 2011. Parmi eux, nous excluons les médecins installés et/ou ayant soutenu leur thèse dans les départements d’outre-mer (DOM) (n = 217) et ceux qui ont soutenu leur thèse à l’étranger (n = 314). En effet, les données sur les médecins installés dans les DOM sont peu fiables (par exemple, il n’y a eu aucune remontée d’information en 2005) et peu des variables explicatives des choix de localisation qui sont utilisées (voir ci-dessous) sont disponibles pour ces départements. En outre, les comportements de localisation des médecins ayant soutenu leur thèse dans les DOM ou à l’étranger sont, sans doute, très différents de ceux des médecins ayant étudié en France. Nous excluons également les MG ayant une activité privée avec un exercice à temps plein hospitalier (n = 9), les MG âgés de plus de 59 ans lors de leur installation (n = 41), les MG non conventionnés (n = 80) ainsi que les MG qui s’installent en secteur 2 (n = 113) car leurs choix de localisation répondent probablement à des logiques différentes de celles des autres médecins. En particulier, les médecins de secteur 2 s’installent en moyenne plus tardivement (38 ans versus 35 ans pour les médecins de secteur 1) et les caractéristiques de leur activité (tarifs plus élevés, composition des actes différente) les conduisent à s’installer plus fréquemment dans la zone « centre-ville » (63 % versus 40 % pour les médecins de secteur 1) et beaucoup moins souvent en zone rurale (seulement 2 % s’y installent contre 13,5 % des médecins de secteur 1). Notre population finale compte donc 6 619 MG qui se sont installés en libéral et en secteur 1 en France métropolitaine durant la période 2005-2011.
Découpage des territoires régionaux en quatre types de zone
15Si les MG sont, en théorie, libres de s’installer dans la région et la commune de leur choix, en pratique, ils sont extrêmement sédentaires : près de trois sur quatre s’installent dans leur région de thèse. Nous mettons donc de côté l’analyse du choix de la région d’exercice et notre travail empirique consiste à analyser les déterminants du choix du type de zone, conditionnellement à la région d’installation. Nous choisissons d’utiliser un découpage au sein des régions qui permet de prendre en compte la diversité des territoires en utilisant le zonage en unité urbaine [5] de l’Insee qui repose uniquement sur la notion de continuité du bâti et le nombre d’habitants. Ce découpage est donc indépendant de l’accessibilité aux services et équipements qui constituent un ensemble de facteurs potentiellement influents du choix de localisation d’un MG. Les communes sont ainsi catégorisées en quatre types : « banlieue », « ville-centre », « ville isolée », « rural » (cf. annexe n° 1). Les communes françaises sont majoritairement à dominante rurale (80 % des communes) mais celles-ci ne rassemblent que 23 % de la population. Les communes définies comme ville-centre sont peu nombreuses (4 %) mais elles représentent près de 32 % de la population en France métropolitaine. Nous verrons plus loin plus précisément les différences entre ces types de zone.
16Le tableau n°1, construit à partir de nos données, montre que les MG qui choisissent de s’installer optent majoritairement pour les villes-centres : 40,3 % s’y sont installés entre 2005 et 2011 ; 13,5 % ont choisi d’exercer en zone rurale et 10,6 % en ville isolée. Ces écarts de répartition entre zones pourraient traduire des différences de besoins de soins, les installations moins nombreuses des MG en zone rurale peuvent refléter une moindre population à couvrir dans ces zones. Mais lorsque les effectifs de nouveaux installés sont rapportés à la population, et donc lorsque l’on raisonne en termes de densité, les zones rurales semblent encore plus délaissées. En effet, on compte en moyenne 0,18 nouveau médecin installé pour 100 000 habitants en zone rurale entre 2005 et 2011, contre 0,22 en banlieue, 0,43 en ville-centre et même 0,80 en ville isolée. Les choix de localisation des jeunes médecins reproduisent ceux de leurs ainés : les écarts de densité entre zones rurales – qui sont actuellement les moins densément peuplées (61 MG pour 100 000 habitants) – et ville-centre (140 MG pour 100 000 habitants) devraient ainsi a minima perdurer.
Les déterminants potentiels des choix de localisation
17Deux catégories de variables sont mobilisées pour expliquer les choix de localisation des MG : des variables spécifiques au médecin, présentes dans la base de données appariées (CNAMTS-DGFiP) ; des variables spécifiques aux alternatives (i.e. caractérisant les quatre zones au sein de chaque région) disponibles dans la base de données appariées ou dans des bases de données complémentaires comme la base permanente des équipements de l’Insee.
Les variables spécifiques au médecin
18Sept variables individuelles ont été retenues pour expliquer les choix de localisation des MG. Ces variables sont décrites dans le tableau n°1 ci-après dans lequel les MG sont distingués en fonction du type de zone dans laquelle ils se sont installés.
Statistiques descriptives des variables définies au niveau médecin [6]
Statistiques descriptives des variables définies au niveau médecin [6]
19On n’observe pas de différences très marquées dans les caractéristiques socio-démographiques des médecins installés entre les différentes zones (répartition par sexe, statut marital, nombre d’enfants, nombre d’années écoulées entre la thèse et l’installation, présence d’un conjoint médecin). En revanche, les MG ayant un mode d’exercice particulier (tel que l’homéopathie, l’acupuncture, etc.), sont moins nombreux à s’installer en zone rurale qu’en ville-centre. Et si près d’un quart des MG de notre échantillon ont choisi de s’installer dans une région différente de celle de leur troisième cycle d’études médicales et de leur thèse, c’est le cas de 30 % des médecins exerçant en zone rurale. Autrement dit, les médecins exerçant en zone rurale sont plus souvent originaires d’autres régions que les médecins qui choisissent les trois autres zones.
Les variables caractérisant les quatre types de zones au sein de chaque région
20Pour caractériser l’attractivité d’une zone, nous utilisons trois grands types de variables : i) des variables d’honoraires attendus et d’offre de soins ; ii) des variables caractérisant la demande de soins ; iii) des variables d’équipement, services et dispositifs fiscaux présents dans la zone. Ces variables sont précisément décrites dans l’annexe n°2.
21i) Les variables d’honoraires attendus et d’offre de soins au sein de chaque zone (activité annuelle, densité de MG libéraux, densité de spécialistes, pourcentage de MG installés dans chaque zone depuis moins de dix ans et part des visites à domicile) sont utilisées comme proxy des caractéristiques de l’activité que peuvent espérer avoir les MG s’ils s’installent dans une zone. Notons que, dans l’ensemble du texte, les termes d’« honoraires attendus » et « d’activité attendue » sont des abus de langage puisqu’ils correspondent respectivement au montant moyen d’honoraires et à l’activité moyenne des médecins actuellement en activité dans un type de zone d’une région donnée. Ces niveaux ne sont donc pas équivalents au montant moyen d’honoraires et à l’activité moyenne que peuvent espérer avoir les MG s’ils s’installent dans une zone, car ces niveaux sont inconnus a priori et dépendent du nombre d’installations et des comportements d’offre de soins des nouveaux installés ; nous les approximons par ces variables calculées sur les médecins actifs dans ces zones avant 2005.
22Les honoraires annuels, l’activité annuelle (nombre total d’actes) et la part des visites dans l’activité sont calculés sur les médecins installés depuis plus de cinq ans dans chaque type de zone de chaque région. Ces variables sont observées dans les données de 2005, 2008 et 2011 (et une extrapolation linéaire permet d’approximer la valeur prise par ces variables au cours de ces années) et associées à chaque jeune médecin, en fonction de sa date d’installation (qui varie entre 2005 et 2011). Calculer ces variables de décision sur les médecins installés depuis plus de cinq ans permet de contourner les problèmes d’endogénéité en excluant du calcul des indicateurs les jeunes MG dont on analyse les comportements de localisation. En effet, en raison du système de paiement à l’acte, l’activité et les honoraires sont directement liés au nombre de médecins en activité, et donc au nombre de nouveaux médecins qui s’installent dans une zone. La densité de MG libéraux, incluse dans la liste des variables caractérisant l’offre de soins de chaque zone, pourrait également être endogène car directement liée au nombre de médecins qui font le choix de s’installer dans chaque zone. Nous choisissons donc de ne la reporter que pour l’année 2005 afin que ses valeurs ne soient pas influencées par les choix d’installation des médecins de notre échantillon [7]. Ce problème d’endogénéité ne se pose pas pour la densité de médecins spécialistes, qui est incluse dans les variables d’offre et calculée en 2005, 2008 et 2011 (avec interpolation linéaire entre ces années). Enfin, le pourcentage de MG installés dans chaque zone depuis moins de dix ans (hormis les médecins installés lors de l’année considérée) est calculé en 2005, 2008 et 2011.
23Il est relativement consensuel de supposer que les médecins valorisent positivement les zones dans lesquelles les honoraires sont plus élevés, mais négativement celles dans lesquelles l’activité est forte (charge de travail élevée). En revanche, l’impact des variables de densité et de la proportion de MG installés depuis moins de dix ans est plus ambigu. En effet, ces variables traduisent à la fois l’intensité de la concurrence entre les MG – de sorte que la théorie économique prédit un effet négatif sur le choix de ces zones – mais également un degré de coopération potentielle, puisque ces variables peuvent refléter un environnement social et professionnel favorable qui pourrait être attractif pour le MG. Enfin, du fait de la perception souvent contraignante et faiblement rémunératrice des visites à domicile (Keenan et al. [1992] ; URML [2005] ; Dontenville [2011]), les zones dans lesquelles les MG installés effectuent beaucoup de visites à domicile devraient être moins attractives.
24ii) Les variables de demande de soins, dans la même logique, peuvent constituer des facteurs plus ou moins attractifs des zones. Nous en sélectionnons trois : l’indice de vieillissement de la population (part des plus de 65 ans rapportée à celle des moins de 20 ans), la part des patients en ALD et la part des cadres. L’effet de ces variables est à nouveau ambigu. En effet, plus la population est âgée ou plus la part de patients en affection longue durée est importante, plus les besoins de soins sont élevés et plus les MG peuvent espérer des revenus élevés. Dans le même temps, ces zones peuvent constituer des environnements moins attractifs pour des jeunes actifs et leur famille. La part des cadres, quant à elle, peut traduire le dynamisme de la zone ainsi que les opportunités d’emplois pour le conjoint du médecin. On attend un effet positif de cette variable. Elle renvoie également au niveau de vie et au niveau d’éducation des habitants de la zone : plus ils sont élevés, plus la demande de soins est importante (Buchmueller et al. [2004]). Ces différentes variables ne sont pas toujours observées à la date de l’installation du médecin (i.e. entre 2005 et 2011), mais parfois, et en raison de leur disponibilité, uniquement sur une année donnée, par exemple en 2009 (annexe n°2).
25iii) Enfin, les variables d’équipement (nombre de cinémas, part de communes sans école maternelle, accès aux opérateurs de haut-débit) et les caractéristiques de la fiscalité locale (part des communes bénéficiant d’un dispositif d’exonération fiscale) reflètent le dynamisme local et devraient favoriser l’installation dans une zone. Comme pour les variables de demande, ces variables sont observées à différentes années, en fonction de leur disponibilité dans les sources utilisées.
26Le tableau n°2 présente la répartition de ces différentes variables selon les quatre types de zones (banlieue, ville-centre, ville-isolée, rural) conditionnellement à la région choisie par les MG. Comme attendu, il existe des différences importantes de caractéristiques entre les zones.
27En termes d’offre de soins, les écarts de densité entre zones rurales (61 MG et 1,4 spécialiste pour 100 000 habitants) et ville-centre (140 MG et 135 spécialistes pour 100 000 habitants) sont particulièrement illustratifs. Si on observe une relation globalement décroissante entre densité et honoraires (plus la densité de MG est faible, plus l’activité et les honoraires des médecins sont élevés), en ville isolée, les médecins perçoivent les honoraires les plus élevés (en moyenne, 119 000 € par an) malgré une densité de MG comparable à celle des villes-centres. L’explication tient au fait que ces zones se caractérisent par une densité de spécialistes très faible : une partie de l’activité « spécialisée » se reporte donc probablement sur les MG. Enfin, il est intéressant de noter que les comportements de localisation des jeunes médecins semblent différer légèrement de ceux de leurs aînés. En effet, si les MG installés depuis moins de 10 ans ne représentent que 16,8 % des MG exerçant en zone rurale, ils représentent près de 22 % de ceux exerçant en banlieue, 20,4 % de ceux exerçant en zone isolée et 20 % de ceux exerçant en ville-centre. Autrement dit, les MG installés entre 2005 et 2011 tendent à se répartir de façon un peu plus homogène sur le territoire que ne le faisaient leurs aînés.
Statistiques descriptives des variables caractérisant les types de zones
Statistiques descriptives des variables caractérisant les types de zones
28Au-delà des différences dans les demandes locales de soins, les choix différenciés des MG en termes de zone peuvent refléter des différences de qualité de vie et d’accès aux services de proximité entre les zones. Par exemple, les zones banlieues et rurales sont celles qui disposent le moins d’équipements par habitant, les zones ville-centre étant les mieux dotées en nombre de cinémas, écoles maternelles et accès au haut débit. À l’inverse, ce sont les zones rurales qui comptent le plus de communes bénéficiant de dispositifs d’exonération(s) fiscale(s).
Méthodologie
29Pour analyser les déterminants des choix de localisation des MG installés entre 2005 et 2011, nous estimons des modèles logit à paramètres aléatoires (mixed logit) [8]. Ces modèles prennent généralement la forme de modèles logit à « coefficients aléatoires », qui introduisent une hétérogénéité entre les individus dans l’impact des variables spécifiques aux alternatives, c’est-à-dire une hétérogénéité des préférences. Dans notre cas, nous utilisons ces modèles comme modèles à « erreurs composées » : l’hétérogénéité se retrouve dans les termes d’erreurs, créant une corrélation entre les utilités associées aux différentes alternatives (Train [2009]). En réalité, ces deux modèles sont formellement équivalents mais leur interprétation, ainsi que la liste des variables associées à un coefficient aléatoire, diffèrent.
30Concrètement, nous supposons que les MG ont déjà choisi leur région d’exercice et nous nous intéressons au choix de la zone au sein de chaque région. Nous supposons que les MG font face à quatre choix j au moment de leur installation, j = {1,2,3,4} : « banlieue », « ville-centre », « ville-isolée », « rural ».
31L’utilité du MG i à s’installer dans la zone j au sein d’une région r à la date t dépend de ses caractéristiques spécifiques (notées Zi), des caractéristiques spécifiques aux options (notées Xjrt) et d’un terme d’erreur εijrt, tel que :
33Le vecteur Zi = (1,Zi(1), Zi(2),…, Zi(M)) est constitué des M + 1 variables explicatives spécifiques à l’individu i constantes dans le temps et quelle que soit la zone choisie. La première composante du vecteur vaut 1 : notre spécification contient des constantes spécifiques à chaque alternative. Pour des raisons d’identification, une de ces constantes sert d’alternative de référence et son coefficient est nul : dans notre cas, nous choisissons la plus prisée par les médecins, la zone « ville-centre ». Ces constantes reflètent le nombre de MG qui choisissent de s’installer dans la zone.
34Le vecteur Xjrt = (Xjrt(1),…, Xjrt(K)) contient les K variables explicatives spécifiques à la zone j intégrée à la région r. Ces variables peuvent varier par alternative, année et région ou seulement par alternative et région, en fonction de la disponibilité des données (Annexe n°2).
35Le terme εijtr d’erreur se décompose en deux parties aléatoires : Wj représente les constantes spécifiques à chaque zone, associées à un vecteur de paramètres aléatoires αi qui suit une loi de moyenne nulle et de variance-covariance Ω μijrt ; représente les erreurs qui sont iid et distribuées selon une loi des valeurs extrêmes de type I. Cette spécification du terme d’erreurs revient à introduire de la corrélation entre les utilités associées aux différentes options. En effet, Cov (εijtr, εiktr) = E (Wʹjαi + μijrt) (Wʹkαi + μikrt) = W′jΩWh ≠ 0 (Train [2009]) [9].
36Cette corrélation entre les caractéristiques inobservables qui expliquent le choix de deux zones k et j permet de s’affranchir de l’hypothèse d’Indépendance des alternatives non pertinentes (IIA) qui n’est pas vérifiée dans notre modèle [10]. Ainsi, le rapport de probabilité de choix de deux zones dépend des caractéristiques de ces zones, mais également des caractéristiques de l’ensemble des zones, ce que ne permettraient pas les logit conditionnels et multinomiaux classiques, qui reposent tous deux sur l’hypothèse IIA. Dit autrement, lorsqu’une option est supprimée de l’ensemble des choix offerts aux médecins, les rapports de probabilité de choix des autres zones sont modifiés ; les modèles logit conditionnels et logit multinomiaux n’autorisent pas cela.
37Au total, le médecin i choisit de s’installer dans la zone j de la région r à la date t si Uijtr ≥ Uiktr, ∀k ≠ j, c’est-à-dire si l’utilité qu’il retire du choix est supérieure à l’utilité qu’il obtiendrait avec toute autre alternative.
38Ainsi, pour chaque médecin i, on observe les J variables binaires yijtr, correspondant aux J alternatives qui s’offrent à lui à la date t, dans la région r, et définies ainsi :
40Nous estimons successivement cinq modèles :
41- Le modèle 0 inclut l’ensemble des variables « médecin » notées Zi.
42- Les modèles 1 à 5 incluent, en plus des variables Zi, les différentes variables Xjtr introduites par grands groupes : uniquement les variables d’honoraires attendus et d’offre de soins (modèle 1), uniquement les variables de demande de soins (modèle 2), uniquement les variables d’équipement (modèle 3), les variables d’offre et de demande de soins (modèle 4), auxquelles on ajoute dans le modèle complet, les variables d’équipement et d’exonérations fiscales (modèle 5).
43Enfin, rappelons que près de 25 % des médecins ont fait le choix de changer de région à l’issue de leur thèse. Les médecins qui changent de région s’installent plus fréquemment que les autres en zone rurale (17,5 % contre 12,5 % pour les autres) et en ville isolée (12,6 % contre 10 %). A l’inverse, ils s’installent beaucoup moins fréquemment en banlieue (28,6 % contre 38 %). Dans la mesure où ce déménagement a un coût (financier, personnel), il est probable que ces médecins valorisent différemment les attributs intégrés comme facteurs explicatifs du choix de la zone d’exercice. Aussi, nous estimons le modèle 5 sur deux sous-échantillons : les MG s’installant dans la région de leur thèse et les MG qui changent de région, afin de tester si les déterminants des choix de localisation de ces derniers sont différents.
Résultats des estimations
Modèle 0 : variables spécifiques au médecin
44Les résultats des estimations du modèle 0 sont présentés dans le tableau n°3. Les variables « médecin » ont peu d’impact sur le choix du type de zone, conditionnellement au choix préalable d’une région. Les comportements de localisation ne sont pas significativement différents entre hommes et femmes. De même, on n’observe pas d’impact significatif du statut marital ni du fait d’avoir un conjoint médecin libéral. En revanche, les médecins qui ont un enfant à charge lors de leur installation ont une probabilité légèrement plus élevée de s’installer en zone rurale qu’en ville-centre. Les médecins qui choisissent de changer de région après la thèse ont une probabilité plus forte de s’installer en zone rurale et en zone ville isolée par rapport à la zone ville-centre. La mobilité, définie par la décision de changer de région à l’issue de sa thèse, semble associée au choix d’une pratique médicale dans des zones sensiblement moins urbaines. Enfin, les médecins qui ont un mode d’exercice particulier ont une probabilité plus forte de s’installer en ville-centre. Ces deux dernières variables doivent cependant être interprétées avec précaution car elles sont potentiellement endogènes. En effet, les raisons qui conduisent les médecins à changer de région à l’issue de leur thèse et celles qui les incitent à faire une spécialisation leur permettant d’acquérir une compétence supplémentaire (homéopathie, acupuncture, …) ne sont probablement pas indépendantes de celles qui les conduisent au choix d’une zone plutôt que d’une autre. Notons cependant que les résultats de l’ensemble de nos estimations sont maintenus lorsque ces variables sont exclues.
45Le modèle 0 inclut également des constantes spécifiques à chacune des zones. Le coefficient estimé traduit l’attractivité de chaque zone par rapport à la référence, la zone ville-centre. Toutes choses égales par ailleurs, les MG s’installent significativement moins en zones ville-isolée, en banlieue et en zone rurale qu’en ville-centre. Ils s’installent par ailleurs significativement moins en ville-isolée qu’en zone rurale.
Modèle 0 : modèle avec les variables « médecin »*,**,***
Modèle 0 : modèle avec les variables « médecin »*,**,***
Note : écart-type entre parenthèses ;* p < .10,
** p < .05,
*** p < .01.
Modèles 1 à 5 : variables spécifiques au médecin et aux choix
46Les résultats des estimations des modèles 1 à 5 sont présentés dans le tableau n°4. Pour en simplifier la lecture, nous présentons seulement les coefficients estimés associés aux variables Xjtr même si l’ensemble des modèles intègrent les variables spécifiques aux médecins pour lesquelles les coefficients estimés sont très proches de ceux du modèle 0.
47Le modèle 1 montre qu’à structure identique d’offre de soins, l’effet des honoraires sans dépassements et forfaits a un effet positif : la probabilité qu’un MG choisisse un type de zone dans une région augmente avec les honoraires qu’il peut espérer y gagner. De façon moins intuitive, les densités de MG et de spécialistes ont également un effet positif sur la probabilité de choisir une zone : à honoraires identiques, les MG valorisent donc plus fortement les zones dans lesquelles les possibilités de coopération avec les autres médecins sont importantes. En revanche, à densité identique, la proportion de MG installés depuis moins de dix ans a un effet négatif sur la probabilité de choisir une zone : au moment de s’installer, les médecins redoutent donc la concurrence provenant de médecins qui, comme eux, sont en phase de constitution de leur clientèle et de montée en charge de leur activité. Enfin, comme attendu, plus la part de visites à domicile dans l’activité des MG est élevée, moins la zone est attractive pour les jeunes MG.
48Le modèle 2 montre que les variables de demande de soins influencent significativement les choix des MG. La part de patients en ALD a un effet positif sur la probabilité de s’installer dans une zone. En effet, cette variable renvoie au niveau de l’activité espérée par les jeunes MG qui s’installent (les patients ALD consultant plus fréquemment leur médecin traitant) et au niveau de la rémunération espérée (les médecins recevant un forfait annuel pour chaque patient suivi en ALD). L’indice de vieillissement a un effet négatif sur la probabilité de choisir une zone : comme le modèle contrôle la part des patients en ALD, l’indice de vieillissement reflète davantage l’impact d’un environnement moins jeune et potentiellement moins dynamique de la zone qu’une part importante de patients « rémunérateurs » [11]. De façon contre-intuitive, la proportion de cadres dans une zone semble avoir un effet négatif sur la probabilité de s’y installer.
49Comme attendu, les résultats du modèle 3 montrent que les variables d’équipement et la présence de dispositifs fiscaux améliorent significativement l’attractivité des zones qui en sont dotées. On notera toutefois que la valeur de « la log vraisemblance » est bien plus élevée (en valeur absolue) que celle obtenue avec le modèle 1 ou le modèle 2 : les variables d’offre et de demande de soins ont un pouvoir explicatif des choix de localisation plus élevé que ce dernier ensemble de variables.
50Le modèle 4, incluant à la fois les variables d’offre et de demande de soins, permet de mieux comprendre certains des effets mis en évidence dans les modèles 1 et 2. Même si les résultats restent relativement stables, deux différences sont notables. D’une part, la proportion élevée de visites dans l’activité (variable d’offre) n’influence plus significativement le choix du lieu d’installation des médecins lorsque l’on contrôle notamment l’indice de vieillissement dans la zone. Il existe en effet une corrélation forte entre ces deux variables : ce sont les personnes âgées qui ont le plus besoin de visites à domicile (Collin et al. [2011] ; Buyck et al. [2014]). La variable de composition de l’activité des MG capte donc des paramètres liés à la demande locale de soins. D’autre part, alors que les MG restent moins attirés par l’installation dans les zones où l’indice de vieillissement est fort (variable de demande), la part des patients en ALD et la part des cadres deviennent toutes deux non significatives.
51Dans le modèle complet, les variables traduisant les conditions de vie de la zone sont maintenant ajoutées. Le nombre de cinémas, l’accessibilité aux écoles maternelles ou l’accessibilité au haut débit influencent significativement le choix de localisation des médecins. La fiscalité de la zone, appréhendée par la proportion de communes bénéficiant de dispositifs d’exonérations fiscales, est également un élément susceptible d’orienter positivement le choix de localisation des médecins. En outre, les coefficients des variables d’offre et de demande sont peu modifiés par rapport au modèle 4, à l’exception de la « part des cadres » qui devient positive et significative : à conditions de vie, demande de soins et offre de soins identiques, les zones qui concentrent une part élevée de cadres sont donc plus attractives, probablement parce qu’elles elles peuvent offrir des opportunités d’emploi aux conjoints des médecins. En effet, une forte proportion des médecins ont des conjoints cadres supérieurs (46 %) (Breuil-Genier et Sicart [2005]).
52Finalement, bien que les comportements d’installation des MG soient probablement le résultat d’un grand nombre de facteurs propres à chaque médecin et inobservables dans nos données, les variables plus macroéconomiques, caractérisant les zones telles que les facteurs d’offre et de demande locales de soins et les conditions de vie de la zone influencent significativement les choix de localisation.
Modèles 1 à 5 intégrant des variables « médecins » et des variables « zone »*,**,***
Modèles 1 à 5 intégrant des variables « médecins » et des variables « zone »*,**,***
Note : les écarts-type sont entre parenthèses ;* p < .10,
** p < .05,
*** p < .01.
53Nous avons enfin estimé le modèle complet sur deux sous-échantillons : les MG s’installant dans la région de leur thèse et les MG qui changent de région, afin de tester si les déterminants des choix de localisation de ces derniers sont différents. Les résultats sont présentés dans l’annexe n°3. Nous observons que les variables d’offre de soins, de demande de soins et les variables d’équipement influencent de façon similaire les choix d’installation des médecins, qu’ils aient ou non changé de région à l’issue de leur thèse. En effet, les coefficients ne sont pas significativement différents entre les deux sous-échantillons. Ces résultats sont cependant à prendre avec précaution du fait notamment de la taille réduite de l’échantillon des médecins qui ont changé de région (1 553 médecins) : certaines zones de certaines régions sont associées à de très faibles effectifs de MG récemment installés. Cette analyse peut ainsi manquer de puissance, comme en témoignent les écarts-type élevés associés aux coefficients de ce sous-échantillon. Nos résultats semblent toutefois montrer que, contrairement à l’intuition, les médecins qui choisissent de changer de région ne valorisent pas différemment des autres les caractéristiques des zones dans lesquelles ils s’installent.
Quels leviers pour orienter le choix des jeunes médecins ?
54Dans le tableau n°1, nous montrons que les zones rurales concentrent la plus faible densité de nouveaux MG installés. Ce constat est d’autant plus inquiétant que les zones rurales affichent déjà les densités médicales les plus faibles. Nous nous concentrons donc sur ces zones et utilisons les résultats des estimations du modèle complet afin de simuler l’impact de trois dispositifs qui pourraient être mis en œuvre par les pouvoirs publics pour favoriser l’installation de MG en zone rurale.
55Une augmentation de 5 % ou 10 % du montant annuel des honoraires sans dépassements en zone rurale (respectivement plafonnée à 10 000 euros ou 20 000 euros). Cette mesure est proche de l’option démographie introduite dans la convention médicale de 2011 qui vise à inciter les MG à s’installer ou à maintenir leur cabinet de groupe ou pôle de santé dans des zones sous dotées [12].
56Un élargissement de l’éligibilité à des incitations fiscales qui correspondrait concrètement à une hausse du nombre de communes bénéficiant d’exonérations fiscales et sociales dans les zones rurales. Depuis 1995, un dispositif dédié aux zones rurales, « zone de revitalisation rurale » (ZRR), permet aux entreprises et aux médecins libéraux de bénéficier d’une exonération totale de l’impôt sur le revenu pendant les cinq premières années, puis dégressive pendant neuf ans. Le bénéfice total moyen de cette exonération pour l’ensemble des médecins dans le cadre des ZRR était en 2009, de 58 800 € par médecin concerné (Cour des comptes [2011]). Ces exonérations fiscales s’accompagnent d’une exonération de la taxe professionnelle et d’une exonération de l’impôt sur le revenu au titre de la permanence de soins. Notre simulation consiste à augmenter le nombre de communes proposant des exonérations fiscales (via les ZRR) à 30 % : cette mesure revient à placer 1 748 communes supplémentaires en ZRR dans les zones rurales (toutes régions confondues).
57La troisième mesure vise à améliorer la couverture du haut débit et s’inscrit dans le cadre du plan « France très haut débit » lancé au printemps 2013 [13]. Nous approximons le degré de couverture des communes en haut débit en mesurant la part de communes ayant accès à au moins trois opérateurs de haut débit. Notre simulation consiste donc à augmenter la part de communes des zones rurales proposant au moins trois opérateurs de haut débit à 50 % : cette mesure revient à faire bénéficier 6 872 communes rurales supplémentaires d’au moins trois opérateurs de haut débit (toutes régions confondues). On peut s’interroger sur la pertinence de considérer que la couverture en haut débit est véritablement un facteur d’attractivité. Toutefois, développer la couverture haut débit semble être une approche innovante pour modifier la répartition des médecins. D’une part, et à l’inverse des deux autres politiques, les coûts d’investissements liés à cette mesure ne sont pas seulement publics mais font également intervenir des opérateurs privés et donc un plus grand nombre d’acteurs. D’autre part, les moyens de communication modernes susceptibles de modifier l’attractivité d’une zone sont en vogue, comme en témoigne la mise en place du plan santé numérique. Le développement de la télémédecine nécessite un réseau haut débit beaucoup plus fiable et performant.
58Pour chacun des dispositifs, nous repartons du modèle complet (colonne 5 du tableau n°4). Nous autorisons un effet hétérogène de la variable d’intérêt (logarithme des honoraires ; part des communes bénéficiant d’un dispositif d’exonération fiscale ; part des communes ayant accès à trois opérateurs de haut débit) entre les quatre zones. Pour cela, les trois variables explicatives sont successivement croisées avec les indicatrices de zone. Les résultats des estimations sont présentés dans l’annexe n°4. Ces estimations sont ensuite utilisées pour simuler la probabilité de chaque médecin de s’installer dans chaque type de zone après i) hausse des honoraires de 5 % ou 10 % en zone rurale ; ii) augmentation du nombre de communes en zone rurale bénéficiant de dispositifs d’exonérations fiscales ; iii) augmentation du nombre de communes en zone rurale ayant accès à au moins trois opérateurs de haut débit.
59Au final, nous obtenons la répartition simulée des médecins dans chacune des zones après la mise en place de ces trois politiques (tableau n°5). Il importe de noter que ces simulations sont effectuées dans un cadre statique, c’est-à-dire sous l’hypothèse forte que la hausse des honoraires simulée en zone rurale ou que la mise en place des dispositifs d’exonérations fiscales ou encore l’augmentation de la couverture en haut débit se font en maintenant constantes les autres variables de notre modèle (et notamment à densité de MG et de spécialistes constante, à part des MG installés depuis moins de dix ans constante).
Résultats des simulations pour les trois dispositifs
Résultats des simulations pour les trois dispositifs
Simulation d’une augmentation de 5 % à 10 % des honoraires sans dépassement
60Pour cette première simulation, nous devons modifier légèrement le modèle 5 estimé. En effet, les MG étant payés à l’acte, les honoraires (sans dépassement) résultent de l’activité globale des médecins, valorisée au tarif de chacun des actes pratiqués. Or, pour que l’augmentation des honoraires de 5 % ou 10 % prévue par notre mesure ne soit pas associée à une charge de travail accrue pour les médecins, elle doit se faire à activité et composition de l’activité constantes. Ainsi, elle correspond uniquement à une hausse des tarifs conventionnels en zone rurale, comme prévu par l’option démographie de la convention de 2011. Nous intégrons donc au modèle 5, comme variable de contrôle supplémentaire, l’activité libérale des MG installés depuis plus de 5 ans (le nombre annuel d’actes) [14]. Les résultats de cette nouvelle estimation, qui intègre en plus un effet différencié des honoraires en fonction de la zone, sont présentés dans l’annexe n°4-A.
61À activité donnée, l’augmentation des honoraires de 5 % (respectivement 10 %) en zone rurale conduit à augmenter de 11 % (respectivement 22,4 %) le nombre de MG qui s’installent en zone rurale (tableau n°5). Notons que ces chiffres sont peu modifiés quand on ne contrôle pas l’activité dans notre modèle (cf. annexe n°5) : le nombre de MG augmente de 8,8 % (respectivement de 17,7 %). Une hausse significative des tarifs ciblés dans les zones rurales permettrait donc d’inciter les MG à s’y installer.
Simulation d’une augmentation du nombre de communes en ZRR en zone rurale
62Le développement du nombre de communes bénéficiant de ZRR s’inscrit dans une démarche globale de redynamisation économique de la zone (avantages fiscaux pour les entreprises). Cette augmentation conduirait à une hausse de près de 15,7 % du nombre de MG exerçant en zone rurale (tableau n°5). En contrepartie, cette nouvelle répartition diminuerait mécaniquement, mais assez uniformément, le nombre de MG s’installant dans les autres zones. Notons que si cette mesure semble aussi efficace que celle associée à l’augmentation des honoraires, son coût doit être bien supérieur car cette mesure touche l’ensemble des entreprises de ces territoires, et pas les seuls médecins généralistes.
Simulation d’une augmentation du nombre de communes bénéficiant d’au moins trois opérateurs de haut débit en zone rurale
63Une hausse du nombre de communes ayant accès à au moins trois opérateurs de haut débit en zone rurale conduirait à augmenter de 19,7 % le nombre de MG choisissant de s’y installer, soit 177 médecins supplémentaires (tableau n°5). En contrepartie, cette nouvelle répartition diminuerait mécaniquement le nombre de médecins dans les autres zones et cette diminution serait légèrement plus forte dans les zones bénéficiant de densités médicales élevées (ville-isolée et ville-centre). Cette mesure semble donc davantage contribuer à améliorer la répartition des MG sur le territoire.
Discussion
64Cet article étudie, pour la première fois à un niveau fin (infrarégional), les déterminants du choix de localisation des jeunes MG (installés entre 2005 et 2011) entre quatre types de zones (banlieue, ville-centre, ville-isolée et rural), conditionnellement à la région d’installation (que nous supposons choisie au préalable). Nous montrons que les variables individuelles des MG contribuent assez peu au choix d’une zone : les médecins hommes et femmes n’ont ainsi a priori pas de comportement d’installation différent. La féminisation des MG, particulièrement importante ces dix dernières années, ne devrait donc pas amplifier les tendances actuelles.
65De manière cohérente avec la littérature, nous montrons que les choix d’installation des MG sont influencés par un grand nombre de dimensions décrivant les zones, qu’il s’agisse des caractéristiques de l’offre locale de soins (densité médicale, honoraires attendus), des caractéristiques de la demande de soins et de facteurs pouvant capturer les conditions de vie de la zone (part des communes sans école maternelle, nombre de cinémas) mais aussi de dispositifs d’incitations fiscales (Couffinhal et al. [2002] ; Barlet et Collin [2009] ; Goddard et al. [2010]). Du fait des différentes dimensions influençant les choix de localisation des MG, d’autres variables ont été testées, tant pour préciser l’offre locale de soins (densité d’infirmiers et présence de structures d’hospitalisation à domicile) que la demande de soins (taux de chômage et revenu moyen des habitants) ou d’équipements (nombre de gares, nombre de restaurants étoilés et densité de postes). Ces variables n’ont finalement pas été incluses dans les modèles car elles sont généralement très corrélées aux variables retenues.
66Il peut sembler étrange de considérer que les médecins disposent d’une information parfaite sur l’ensemble de ces variables macroéconomiques et qu’ils la prennent en compte au moment de leur installation. Les médecins connaissent-ils en pratique les différences dans les niveaux moyens d’honoraires et d’activité qui existent entre les zones géographiques ? Les différences dans les niveaux de consommation de soins ? Cette hypothèse paraît toutefois réaliste. En effet, le portail d’accompagnement des professionnels de santé [15] permet aux médecins de réaliser une étude avant leur implantation, et d’obtenir, pour chaque zone géographique envisagée, des informations sur les caractéristiques de la population (âge, répartition et évolution des CSP), la démographie des professionnels de santé, la consommation de soins, etc.
67Les zones rurales présentant les densités médicales actuelles et à venir les plus faibles, nous utilisons nos résultats pour simuler l’effet de trois mesures visant à y attirer les MG : une augmentation des tarifs en zone rurale, une augmentation du nombre de communes offrant des dispositifs d’exonérations fiscales en zone rurale (via le développement des zones de revitalisation rurales) et enfin une augmentation des communes avec un accès facile au haut débit en zone rurale. Nos simulations montrent que les politiques d’incitations financières via une hausse des tarifs de 5 % et a fortiori de 10 % sont susceptibles d’influencer les comportements d’installation des jeunes MG. Toutefois, l’impact positif d’un tel type de mesure est à nuancer. Un rapport de l’Assemblée nationale (Vigié [2012]) a montré que le dispositif visant à majorer de 20 % la rémunération des généralistes exerçant en groupe dans les zones déficitaires avait coûté 20 millions d’euros à l’assurance maladie, pour un apport net de 50 médecins environ depuis 2007. Les seuls leviers financiers ne semblent donc pas suffisants et peuvent constituer pour les médecins de véritables effets d’aubaine. Ils nécessitent donc d’être complétés par d’autres leviers. Nous avons également simulé l’impact qu’auraient des mesures d’exonérations fiscales. Ces dernières, qui s’inscrivent dans une dynamique plus globale d’amélioration du tissu économique de la zone, en proposant des mesures d’aides aux entreprises et aux médecins (ZRR-exonérations d’impôts), semblent aussi être efficaces en termes d’attractivité des zones rurales. C’est également le cas des mesures visant à améliorer les conditions de vie et de travail, en favorisant par exemple l’accès au haut débit. Même si les mesures visant à développer les ZRR ou à augmenter l’accès au haut débit sont toutes deux susceptibles d’améliorer la répartition des médecins sur le territoire, il reste à en évaluer le coût car il apparaît évident que le champ d’application de telles mesures dépasse les seuls professionnels de santé exerçant en libéral. Le placement de communes en ZRR impacte la fiscalité des médecins mais aussi celle des entreprises (en 2009 le coût total du dispositif pour l’ensemble des communes placées en ZRR s’élevait à 500 M€ (Ferrier et al. [2014]).
68Bien que cette étude apporte des résultats originaux, elle comporte toutefois un certain nombre de limites. D’une part, notre analyse du choix de la zone d’exercice est effectuée conditionnellement à la région d’installation. Nous ne prenons pas en compte le fait que l’attractivité des quatre zones peut être dépendante des régions. Mais, bien que nos données contiennent l’exhaustivité des MG installés en libéral entre 2005 et 2011, nos effectifs sont trop faibles pour estimer un effet propre des zones banlieue, ville-centre, ville-isolée et rurale pour chacune des vingt-deux régions. Par ailleurs, notre analyse des choix de localisation des MG devrait intégrer certaines variables explicatives supplémentaires, que nous n’observons pas. Par exemple, nous ne disposons pas d’informations sur les stages effectués par les jeunes MG durant leurs études. Nous ne savons pas non plus si le médecin a effectué une part de sa formation dans un cabinet libéral en zone rurale. Pourtant, il s’agit là de facteurs fortement explicatifs des choix d’installation des MG (Ono, Schoenstein et Buchan [2014]). Il aurait ensuite pu être intéressant de simuler l’effet d’une augmentation de la part de stages effectués dans les zones rurales ou même d’une augmentation de la rémunération des maîtres de stage en zone rurale. De même, faute de données, nous n’avons pas pu prendre en compte la possibilité d’un exercice en groupe alors que cette caractéristique est devenue un élément décisif dans le choix de s’installer en libéral et dans le choix du lieu d’installation : en 2009, 54 % des médecins généralistes exercent en groupe ; c’est même le cas de 77 % des MG de moins de 40 ans (Baudier et al. [2010]). L’exercice en groupe est par ailleurs soutenu par les pouvoirs publics. Ainsi, l’option démographie qui prévoit une hausse des tarifs des MG s’installant en zone sous-dotée, s’adresse uniquement aux médecins exerçant en groupe. Nous ne pouvons pas avec les données disponibles évaluer l’effet du regroupement dans le choix de localisation infrarégional. Des données plus récentes permettraient d’apporter un éclairage sur l’effet des maisons de santé dans le choix d’une zone au sein d’une région puisque les maisons de santé sont désormais recensées dans la base des équipements de l’Insee [2013].
69Malgré ces limites, ce travail montre la multiplicité des facteurs décisifs dans le choix de localisation des MG sur les territoires. Les aspects économiques et financiers sont essentiels mais sont loin d’être les seuls facteurs, les politiques d’aménagement et d’équipements des territoires apparaissant également très importantes dans les arbitrages réalisés par les jeunes MG au moment du choix du lieu de leur installation en libéral.
Annexe 1. Définition des types de zone selon l’Insee
Annexe 1. Définition des types de zone selon l’Insee
Annexe 2. Définition des variables caractérisant les quatre types de zones au sein des régionsa,b,c,d,e
Annexe 2. Définition des variables caractérisant les quatre types de zones au sein des régionsa,b,c,d,e
a. Commissariat général à l’égalité des territoires.b. Les zones de revitalisation rurale (ZRR) visent à aider le développement des territoires ruraux principalement à travers des mesures fiscales et sociales. Elles ont été créées par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995. Le classement des communes en ZRR utilisé est celui de l’arrêté de 2005.
c. La loi n°96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville indique que les zones franches urbaines (ZFU) sont créées dans les quartiers de plus de 10 000 habitants particulièrement défavorisés au regard des critères pris en compte pour la détermination des zones de redynamisation urbaine.
d. Les zones urbaines sensibles (ZUS) sont des territoires infra-urbains définis par les pouvoirs publics pour être la cible prioritaire de la politique de la ville, en fonction des considérations locales liées aux difficultés que connaissent leurs habitants.
e. Observatoire régional des technologies de l’information en santé.
Annexe 3. Test de robustesse : estimation des modèles sur deux sousé-chantillons i) les médecins ayant changé de région à l’issue de leur thèse ii) les médecins installés dans la région de leur thèse
Annexe 3. Test de robustesse : estimation des modèles sur deux sousé-chantillons i) les médecins ayant changé de région à l’issue de leur thèse ii) les médecins installés dans la région de leur thèse
Notes : les écarts-types sont entre parenthèses ; * p < .10, ** p < .05, *** p < .01 ; la 3ème colonne renvoie au test de significativité des différences de coefficients entre les deux modèles. Ce test est issu d’une régression supplémentaire (non présentée), dans laquelle toutes les variables sont croisées avec une indicatrice « changement de région ». Le résultat du test est simplement le résultat du test de significativité de la variable croisée.Annexe 4
Annexe 4A. Résultats des estimations utilisées pour la simulation d’une hausse des honoraires sans dépassement*,**,***
Annexe 4A. Résultats des estimations utilisées pour la simulation d’une hausse des honoraires sans dépassement*,**,***
Note : écarts-types entre parenthèses ;* p < .10,
** p < .05,
*** p < .01.
Annexe 4B. Résultats de l’estimation utilisée pour la simulation d’une hausse des dispositifs d’exonérations fiscales*,**,***
Annexe 4B. Résultats de l’estimation utilisée pour la simulation d’une hausse des dispositifs d’exonérations fiscales*,**,***
Note : écarts-types entre parenthèses ;* p <.10,
** p < .05,
*** p <.01.
Annexe 4C. Résultats de l’estimation utilisée pour la simulation sur le haut débit*,**,***
Annexe 4C. Résultats de l’estimation utilisée pour la simulation sur le haut débit*,**,***
Note : écarts-types entre parenthèses :* p <.10,
** p < .05,
*** p <.01.
Annexe 4
Annexe 5. Modification de la répartition des MG simulation issue de la régression sans contrôle de l’activité
Annexe 5. Modification de la répartition des MG simulation issue de la régression sans contrôle de l’activité
Bibliographie
Références
- M. Barlet, et C. Collin [2009] : Localisation des professionnels de santé libéraux, Comptes nationaux de la santé 2009, Drees.
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Notes
-
[1]
http://www.assembleenationale.fr/13/projets/pl0284.asp (consulté le 20/04/2015).
-
[2]
Circulaire relative aux orientations propres à l’évolution de la répartition territoriale des professionnels de santé libéraux.
-
[3]
Création d’une option conventionnelle dans laquelle les honoraires des médecins exerçant dans les zones sous-médicalisées ont pu être majorés de 20 % par l’avenant n°20 à la convention médicale de 2005 signée en 2007. Cette option a été supprimée et remplacée par l’option démographie introduite dans la convention médicale de 2011.
-
[4]
Nos données étant exhaustives, nous observons, en 2011, l’intégralité des installations en libéral effectuées entre 2005 et 2011, sauf si certains médecins ont cessé leur activité libérale prématurément. Dans ce cas, ils ne sont plus présents dans la base en 2011. Ce cas existe, même si les données ne nous permettent pas de vérifier intégralement son ampleur. Ainsi, en mobilisant la base 2008, nous observons que 6 % des médecins installés entre 2005 et 2008, et présents dans la base 2008, ne perçoivent plus d’honoraires associés à leur activité libérale dans la base 2011 : ayant arrêté leur activité libérale, ils ne sont plus inclus dans les données de 2011 et donc dans notre étude sur les installations de MG.
-
[5]
Une unité urbaine est une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants.
-
[6]
Les données nous permettent d’observer le statut marital des médecins au moment de leur installation. En revanche, l’information permettant de savoir, pour les couples mariés et pacsés, s’il s’agit de couples de médecins libéraux, n’est disponible qu’en 2011. Nous extrapolons donc cette information en supposant qu’avoir un conjoint médecin en 2011 revient à avoir un conjoint médecin au moment de l’installation, ce qui peut conduire à une erreur de mesure sur cette variable. L’erreur est cependant probablement de faible ampleur car 93 % des médecins mariés ou pacsés dans les données de 2005 le sont toujours en 2011.
-
[7]
À l’exception des médecins installés en 2005, qui contribuent à cette variable de densité. Toutefois, les résultats de nos analyses économétriques sont robustes à l’exclusion de ces médecins.
-
[8]
Ce modèle est estimé avec la procédure mixlogit (Stata13®).
-
[9]
Nous choisissons de représenter la corrélation entre les alternatives via les constantes spécifiques aux zones qui synthétisent l’ensemble de leurs caractéristiques observées et inobservées. En ce sens, elles nous semblent préférables à quelques variables telles que les honoraires ou l’activité des médecins dans chaque zone, qui ne caractérisent que peu les différentes zones.
-
[10]
Les tests de Hausman et McFadden [1984] qui consistent à comparer la vraisemblance d’un modèle non contraint (les médecins ont le choix entre quatre zones) avec celle d’un modèle contraint (où les médecins ont le choix seulement entre trois zones) conduisent tous à rejeter l’hypothèse IIA, quel que soit le choix de la zone omise dans l’ensemble des choix offerts aux médecins. Les tests de rapports de vraisemblance aboutissent aux résultats suivants : χ2 = 248.9 ; p = 0.000 lorsque la zone « ville-isolée » est omise ; χ2 = 319.31 ; p = 0.000 lorsque la zone « banlieue » est omise ; et χ2 = 104.74 ; p = 0.000 lorsque la zone « rurale » est omise.
-
[11]
Cet effet négatif persiste lorsque nous excluons du modèle la part de patients en ALD.
-
[12]
En échange d’une installation en zone sous-dotée, les MG ayant souscrit à l’option démographie bénéficient, par exemple lorsqu’ils exercent en groupe, d’une hausse de 10 % du montant des honoraires associés aux actes cliniques (sans dépassements) plafonnée à 20 000 euros et d’une aide à l’investissement de 5 000 euros par an pendant trois ans.
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[13]
(Consulté le 17/04/2015).
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[14]
Notre modèle initial (modèle 5) ne contrôle pas la variable d’activité. En effet, en contrôlant cette variable ainsi qu’une partie de la composition de l’activité (via la part des visites), le contenu de la variable d’honoraires sans dépassement ni forfait serait assez pauvre, uniquement lié à la variabilité des tarifs conventionnels entre médecins en raison d’une plus ou moins forte proportion de consultations, actes en K ou actes en Z dans leur activité. Or, la variabilité des pratiques entre médecins généralistes de secteur 1 est assez faible. Rappelons que la variable d’honoraires n’inclut pas les dépassements occasionnels appliqués par les médecins de secteur 1 pour des consultations effectuées dans ces circonstances particulières (en dehors des horaires d’ouverture du cabinet), ni les forfaits associés au suivi de patients spécifiques (patients de moins de six ans, patients en ALD en tant que médecin traitant …), qui pourrait également être source de variabilité des honoraires entre médecins, à activité donnée. Mais ce n’est pas le cas ici.
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[15]
Voir le site http://www.paps.sante.fr (consulté le 28/06/2016).