Notes
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[1]
Cet article étant consacré aux dynamiques historiques, nous laisserons de côté les contributions portant sur la « wage curve », laquelle établit en coupe transversale une corrélation négative entre le salaire réel et le taux de chômage suivant les régions d’un pays, les observations correspondant à des moyennes sur une période donnée (Blanchflower et Oswald [1995]). La « wage curve » a été validée pour 43 pays (Blanchflower et Oswald [2005]), ce qui, contrairement avec la courbe de Phillips initiale, montre la robustesse de ce fait stylisé.
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[2]
Les auteurs suggèrent aussi que, pour déterminer le taux de chômage d’équilibre, il est possible de « mixer » la courbe de Phillips avec certaines hypothèses sous-jacentes à l’approche WS-PS.
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[3]
Les auteurs proposent un élargissement du cadre théorique WS-PS avec un processus endogène d’accumulation du capital, justifiant ainsi a priori la présence du taux d’intérêt réel dans l’équation de prix PS.
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[4]
Les auteurs enrichissent le modèle en introduisant des éléments dynamiques. Notamment, les firmes décident de leurs niveaux d’embauche et d’investissement de manière à maximiser leurs profits inter-temporels. Dans ce cadre, les anticipations des agents génèrent une persistance du chômage observé.
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[5]
Il est à noter que, contrairement aux approches issues de la courbe de Phillips, WS-PS est applicable à l’analyse de données désagrégées (cf. notamment Cahuc et al. [2000], Doisy et al. [2001]).
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[6]
L’article séminal est Pissarides [1985]. Le modèle DMP complet est présenté dans de chapitre 1 de l’ouvrage de Pissarides [2000], 1ère éd. 1990.
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[7]
A ce propos, dans le cadre DMP, Shimer [2012] met en évidence une asymétrie caractérisée par le fait que, depuis 1948 aux Etats-Unis, la probabilité de trouver un emploi pour un chômeur rend compte d’environ 75 % des fluctuations du taux de chômage alors que la probabilité de perdre un emploi pour un travailleur ne rend compte que de 25 % du taux de chômage.
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[8]
Dans le droit fil de Pissarides [2000], L’Haridon et Malherbet [2009] développent un modèle dynamique du marché du travail en distinguant différentes branches d’activité dans le but d’analyser au plan théorique les interactions entre les politiques du marché du travail et les niveaux de centralisation des négociations.
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[9]
Les approches dynamiques du modèle WS-PS placent le marchandage salarial entre syndicats et employeurs dans un cadre inter-temporel avec un horizon d’une période (voir tout particulièrement Cahuc et Zylberberg [1999] ainsi que d’Autume [2001]). Dans ce cadre théorique plus sophistiqué, il devient possible de distinguer une courbe WS de court terme et une courbe WS de long terme, et de déterminer à la fois les niveaux d’équilibre du chômage, du salaire réel et de l’intensité capitalistique ; en outre, par rapport au modèle statique où le taux de marge est supposé exogène, ce taux dépend positivement du niveau d’emploi. Malgré ces avantages, nous n’avons pas retenu une approche dynamique pour deux raisons. La première tient au fait que les spécifications sont nettement plus complexes et nécessitent des hypothèses additionnelles sur l’horizon, les anticipations, le taux d’actualisation et le processus d’accumulation du capital. La seconde raison concerne le mode de validation empirique : le fait de substituer le calibrage du modèle à son estimation économétrique s’écarte de l’objectif de notre travail qui s’intéresse aux évolutions historiques des salaires et du chômage.
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[10]
Les analyses de long terme présentées par Boyer [1978] et Villa [1994] montrent que la flexibilité du marché du travail est en France est un phénomène très évolutif conditionnant la relation entre le salaire et le chômage. Laffargue et l’Horty [1997] estiment pour la France au niveau sectoriel des équations de demande de travail et de salaire et en déduisent une forte rigidité de l’emploi sur la période 1970-1993, le coût du travail paraissant, quant à lui, plus flexible.
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[11]
Voir les équations (1) et (2) et la figure n°6 pp. 12-13 de l’ouvrage.
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[12]
Parmi bien d’autres, voir par exemple Bonnet [1999]). Les formes (a priori inconnues) des fonctions d’utilité (salariés) et de production (firmes) conditionnent bien sûr les formes des fonctions φ1 et φ2 (d’Autume [2001]). Remarquons que si ces dernières sont de la forme φi (.) = exp(kit ut + bi zit), avec i = (p, s), le passage entre les équations PS et WS spécifiées en niveau et leurs formes logarithmiques s’effectue d’une manière stricte. En tout état de cause, dans la mesure où, pour les variables de niveau, les agents sont plus sensibles aux évolutions relatives qu’aux évolutions absolues, on peut penser que les logarithmes traduiront mieux la réalité des comportements.
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[13]
Les équations (1) et (2) s’inspirent notamment de celles présentées par Le Bihan et Sterdyniak [1998] et Simonnet [2008]. On remarque que les agents ne sont pas soumis à l’illusion monétaire.
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[14]
Le taux de marge brut inclut de facto l’impôt sur les bénéfices que les entreprises répercutent sur leurs prix de vente ; en outre, ces dernières sont supposées fixer leurs taux de marge en tenant compte de la TVA due.
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[15]
L’inclusion du taux de marge comme argument dans l’équation des prix PS est justifiée par le fait que, si le salaire réel est égal ou supérieur à la productivité du travail (cf. par ex. la théorie du salaire d’efficience), cela ne doit pas impliquer que la firme accepte un profit nul ou négatif. En effet, dans la situation de concurrence monopolistique considérée ici, la firme peut fixer un prix supérieur au coût marginal afin de s’octroyer une marge positive.
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[16]
Rappelons que le Smig a été créé en février 1950 et a été remplacé en janvier 1970 par le Smic et le Minimum garanti, ce dernier servant de base de calcul pour l’allocation de certaines prestations sociales. La série reconstituée par l’Insee consiste à remplacer le Smig par le Smic à partir de 1970. A la différence du Smig indexé sur l’inflation, le Smic est revalorisé en ajoutant à l’inflation la moitié de l’augmentation du pouvoir d’achat du salaire horaire de base ouvrier (il peut néanmoins bénéficier de hausses supplémentaires de la part du gouvernement).
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[17]
On peut d’autant mieux comprendre qu’un chômeur touchant le RMI puisse éventuellement accepter un emploi rémunéré en dessous du Smic (mais au-dessus du RMI) que le chômage implique un coût humain lié à la dévalorisation du capital humain et à la désinsertion sociale. Notons que certaines catégories de salariés peuvent être légalement rémunérées à un salaire inférieur au Smic (mineurs ayant moins de six mois d’expérience, jeunes en contrat d’apprentissage, stagiaires, travailleurs handicapés…).
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[18]
Pour les chômeurs bénéficiant du RMI, le coefficient de variation des réponses (écart-type/moyenne) est de 26 %, cette valeur atteignant 45 % pour les chômeurs indemnisés.
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[19]
Rappelons ici que les théories microéconomiques du marché du travail décrivent les nombreuses sources endogènes de rigidité salariale, avec en particulier la théorie du salaire d’efficience (Shapiro et Stiglitz [1984], le modèle Insider-Outsider (Lindbeck et Snower [1989]) et la théorie des contrats implicites (Azariadis [1975]). Le degré de flexibilité des salaires et de l’emploi peut donc varier au cours du temps, non seulement en raison des contraintes institutionnelles légales (contrats de travail, minima sociaux, indemnités de licenciement, conventions collectives, indexation des salaires…), mais encore en raison des comportements des acteurs. Au plan empirique, Bonnet [1999] présente une analyse basée sur la courbe de Phillips montrant l’importance des rigidités à la baisse des salaires dans les pays de l’OCDE (1969-1994, Etats-Unis, Japon, pays européens). On peut aussi mentionner l’analyse de Laroque et Salanié [2002] qui montrent, sur la base d’une enquête menée en 1997, l’existence pour les femmes françaises mariées d’un chômage dit « classique » attribuable à une rigidité salariale induite par l’existence d’un salaire minimum.
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[20]
On peut notamment citer le taux intérêt réel, le taux de remplacement, le rapport entre le salaire minimum et le salaire moyen, les allocation chômage, la balance commerciale, la durée du chômage, le « mark-up » des prix sur les salaires, les termes de l’échange, le taux de syndicalisation, le taux de destruction d’emploi, le taux de croissance de la population active, la part des profits dans la valeur ajoutée, le taux d’inflation, la structure du chômage…
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[21]
Cette hypothèse peut formellement se traduire par le processus anticipatif de type régressif , avec μ > 0, et qo quelconque, où est le taux de croissance anticipé de la production.
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[22]
A ce propos, Chagny et al. [2002] suggèrent que la variable Δqt peut conditionner le taux de marge désiré des entreprises dans l’équation PS.
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[23]
On remarque que, reportée dans l’équation du chômage d’équilibre (3), l’équation (A3) établit un lien entre le chômage et la production, rejoignant ainsi la loi empirique d’Okun [1962].
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[24]
Cette identification sera utile pour l’estimation de l’équation de salaire (voir équation (A6), annexe n°1-b).
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[25]
Même si les syndicats prennent en compte le niveau des prix au cours des négociations, les contrats de travail sont fixés en termes de salaire nominal ; c’est pourquoi nous avons considéré ce dernier comme variable endogène plutôt que le salaire réel. En tout état de cause, les résultats obtenus suivant les deux approches sont très voisins.
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[26]
On aimerait bien sûr pouvoir autoriser le coefficient κ à varier au cours du temps. Une telle spécification n’est malheureusement pas envisageable ici car l’algorithme du filtre de Kalman ne permet pas de multiplier entre elles des variables d’état.
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[27]
Voir notamment Layard-Nickell-Jackman [1991], équation (16), p. 431.
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[28]
Nous avons alternativement envisagé un modèle à correction d’erreur : les résultats n’ayant pas été améliorés, le processus adaptatif, plus simple, a été retenu.
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[29]
Les variables sous forme de taux sont exprimées en pourcentage dans l’équation du taux de chômage et en valeur décimale dans l’équation de salaire.
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[30]
A titre d’indication, le R2 entre le taux de chômage d’équilibre estimé et sa composante déterministe s’élève à 0,87 sur l’ensemble de la période. Par comparaison, le R2 entre û*t et sa composante stochastique s’élève 0,73 (le R2 entre ces deux composantes valant 0,42). Par conséquent, bien que les deux catégories de facteurs se complètent d’une manière très significative pour expliquer l’évolution du chômage d’équilibre, les facteurs économiques déterministes restent assez nettement dominants par rapport aux facteurs stochastiques de rigidité.
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[31]
A l’inverse, la baisse de αt observée en 1970 pourrait être rapprochée du projet de « Nouvelle société » du premier ministre Jacques Chaban-Delmas qui cherchait à mettre en place à l’automne 1969 une politique d’ouverture avec les syndicats concernant la négociation des conditions de travail et les rémunérations.
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[32]
La rupture de 1982-1983 est liée à des modifications dans les conventions collectives – dont notamment la désindexation progressive des salaires sur les prix – et a eu pour effet d’augmenter significativement la flexibilité du marché du travail (Blanchard et Sevestre [1989], Ralle et Toujas-Bernate [1990], Desplatz et al. [2003]). Heyer et al. [2007] confirment ces résultats dans le cadre du modèle WS-PS en utilisant la méthode du filtre de Kalman. Le retournement en baisse du partage de la valeur ajoutée en défaveur des salariés à partir de ces années illustre bien ce changement de tendance (Meurs [1990], Gérard-Prenveille [2003]).
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[33]
En effet, en se référant à ses exposés théoriques présentés dans le chapitre V de son Traité d’économie pure [1994], 1ère éd. 1943, Allais [1980, 1981] a proposé une explication du taux de chômage en France sur la période 1952-1978 par une combinaison linéaire de trois composantes (voir Prat [2016]) : i) le rapport (salaire réel + charges sociales) / productivité traduisant du chômage chronique (à rapprocher de notre variable spreadt), ii) l’écart à la tendance de la production, représentant le chômage conjoncturel (à rapprocher de notre variable Δqt), et enfin iii) une constante représentative du chômage technologique (à rapprocher de notre constante fo). Allais [1999] a par la suite proposé une décomposition du chômage en cinq catégories : chômage chronique, chômage conjoncturel, chômage dû au libre échange mondialiste, chômage dû à l’immigration, et enfin chômage technologique. Avouons que l’approche empirique proposée par l’auteur pour mesurer ces cinq types de chômage est loin d’avoir emporté notre conviction.
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[34]
Rappelons ici que la France se situe parmi les pays de l’OCDE où les cotisations sociales sont les plus élevées (voir notamment Lannes et Pâris [2010]).
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[35]
Entre 1950 et 2008, le taux de marge oscille autour d’un niveau moyen de 28,4 % avec une amplitude modérée (écart-type de 2,6 %).
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[36]
Le chômage dit frictionnel renvoie aux modèles de « job search » (Stigler [1962]) et aux modèles d’appariement ou « matching » (Pissarides [2000]).
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[37]
Toutefois, les facteurs propres à ces trois composantes restent globalement dominants. En effet, la part « inexpliquée » (1 − R2) de la variance d’une composante du taux de chômage par une des deux autres vaut respectivement 79 %, 63 % et 44 % pour les couples (u*1,t, u*2,t), (u*2,t, u*3,t) et (u*1,t, u*3,t). Notons aussi que la corrélation entre le facteur chronique spreadt + mt et la marge de production Δqt n’est pas significative, ce qui montre la complémentarité de ces deux catégories de facteurs économiques dans la représentation du chômage. Enfin, le coefficient de rigidité αt n’est pas significativement corrélé avec le facteur chronique spreadt + mt et avec le facteur conjoncturel Δqt, ce qui confirme les complémentarités entre les facteurs de rigidité et les facteurs économiques observables.
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[38]
A titre de comparaison, les valeurs estimées dans la littérature du taux de chômage dit « naturel de plein emploi » tel que défini par Milton Friedman (ce taux pouvant être rapproché du chômage frictionnel) sont généralement comprises entre 3 % et 5 % (voir notamment Weiner [1993] et pour la France Heyer et Timbeau [2002]).
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[39]
On peut notamment constater en 1990 la coexistence entre un chômage conjoncturel faible (1 %) et un chômage chronique conséquent (4 %). Ce résultat rejoint ceux de Salanié [2000] qui montre que, même pendant des phases de bonne conjoncture, le chômage peut rester en France à un niveau élevé, ce phénomène étant attribué par l’auteur à un coût du travail rendu excessif (notamment en raison de la valeur du Smic).
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[40]
En suivant une approche très différente, Heyer et Timbeau [2002] utilisent le filtre de Kalman pour représenter directement le chômage structurel et trouvent des valeurs de l’ordre de 5 % à 6 % entre 1979 et 2000. La figure n°3 montre que nos résultats rejoignent ces estimations.
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[41]
Sur la période 1955-2008, on a R (ut, kst) = − 0,60 et R (ut, kpt) = − 0,48. Sur la période 1982-2008, on obtient respectivement les valeurs de –0,63 et –0,49.
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[42]
Afin de mieux faire ressortir les écarts, la figure n°7 compare le taux de variation des valeurs observées du salaire avec le taux de variation des valeurs estimées en niveau d’après (A9).
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[43]
On a et , (yt = ut, st) et dyt = yt – yt – 1, où SSR est la somme des carrés des résidus du modèle structurel. Une valeur positive (négative) de R2D signifie que le modèle structurel donne une représentation de meilleure (moins bonne) qualité qu’une simple marche aléatoire avec dérive.
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[44]
Par rapport au trend du Smic, les coefficients so et σo influencent chacun d’une manière différente à la fois le niveau et la pente du salaire de réserve, ce qui confère ainsi de la souplesse à la relation supposée entre les deux grandeurs. Afin de capturer les effets éventuels de variables manquantes dans la détermination du salaire de réserve, nous avons tenté d’ajouter un trend linéaire à droite de l’équation (A1) : ce trend s’est révélé non significatif.
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[45]
En effet, les différentes méthodes envisagées dans la littérature pour estimer l’écart de production – y compris les approches fondées sur une fonction de production – conduisent à des résultats souvent assez proches (voir notamment Bonnet et al. [1995]).
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[46]
Notons ici que les variables spreadt et mt ne font pas « double emploi ». En effet, pour que spreadt puisse éventuellement traduire le mark-up, il faudrait d’une part considérer le salaire observé à la place du salaire de réserve (dans notre modèle, l’écart entre ces deux grandeurs est important et très variable), et d’autre part considérer une productivité nette en déduisant de la production, outre les services du travail (ce qui est fait ici), ceux des équipements et des facteurs importés (au prorata des prix de ces trois facteurs). En fait, la corrélation entre spreadt et mt est faible (on a R = 0,31 sur l’ensemble de la période).
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[47]
Conformément à la loi d’Okun [1962], les fluctuations conjoncturelles du taux de chômage et celles (changées de signe) du PIB en volume sont interdépendantes. En estimant les tendances des deux variables avec un filtre HP, on obtient R2 = 0,28 entre les écarts à la tendance sur la période 1955-2008 (R2 = 0,29 sur la sous-période 1975-2008).
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[48]
Notons que ni le taux d’intérêt du marché monétaire, ni le nombre de jours de grèves ne sont apparus comme des facteurs significatifs.
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[49]
Le taux d’inflation anticipé est représenté par un processus adaptatif où le coefficient d’anticipation estimé est celui qui maximise le R2 de la régression du taux d’intérêt nominal sur l’inflation anticipée. On obtient : , avec en 1950), où Pt est l’indice des prix de la valeur ajoutée.
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[50]
L’effet négatif indirect des valeurs passées du taux de marge sur le taux de chômage via le niveau de production compense donc en partie l’influence positive impliquée directement par les équations WS et PS.
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[51]
La croissance de la masse monétaire M1 résulte essentiellement du crédit bancaire qui constitue une source de financement importante de la production.
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[52]
Afin d’éviter les biais pouvant résulter de la covariance entre les valeurs contemporaines des résidus des équations de mesure (εut et εst) et la covariance entre les valeurs contemporaines des résidus auxiliaires des équations d’état (ηut et ηst), il est possible d’intégrer ces deux covariances aux hyperparamètres devant être estimés. Ces dernières s’étant révélées non significatives, le système a été estimé en les excluant. Nous avons vérifié ex post que les corrélations entre ces différents résidus ne sont pas significatives.
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[53]
En effet, la reconstruction française a été encadrée par le plan Marshall d’aide financière à l’Europe et par le plan Monnet de modernisation et d’équipement de l’économie française, ces plans étant soucieux des gains de productivité. En outre, ces plans ont été accompagnés depuis 1945-1946 par la création d’un système de protection sociale (les ordonnances instaurant la Sécurité sociale mettent en place une couverture des risques liés à la vieillesse et la santé). Or, dès 1946, le budget des assurances sociales était l’un des rares à être équilibré ; à cela, on peut ajouter que le contrôle financier fut renforcé en 1950 par une loi rendant obligatoire l’approbation ministérielle de ce budget lorsque, au niveau national, les dépenses excèdent les limites fixées ; cette technique dite du « budget limitatif » illustre ainsi la volonté de l’Etat d’établir en 1950 une protection sociale qui soit financièrement équilibrée. Ainsi, les plans financier et économique soucieux des gains de productivité d’une part, et la mise en place d’une protection sociale solvable d’autre part, donnent crédit à l’idée que la base du coût réel du travail représenté ici par smict + cst + cet − pt s’équilibrait en 1950 avec la productivité du travail πt.
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[54]
Autrement dit, on doit ajouter 0,33 à l’indice de productivité pour évaluer l’écart relatif entre le niveau du Smic réel (augmenté des charges sociales) et celui de la productivité. Ce calage valant a priori pour tout salaire réel et donc en particulier pour le salaire réel de réserve, la constante 0,33 a été soustraite à la variable spreadt définie dans la liste des variables ci-dessus.
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[55]
Les estimations ont été réalisées avec le logiciel Eviews7. Nous avons représenté les variables d’état en mode dit « one-step-ahead predicted states », ce qui implique que le degré de rigidité de l’instant t résulte des valeurs cumulées des chocs stochastiques passés traduisant les changements d’état successifs de ce degré.
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[56]
Ce protocole a notamment, été suivi par Heyer et al. [2007] pour l’estimation du TV-Nairu et du TCE (voir texte, première partie). Les problèmes de nonconvergence rencontrés par les auteurs pourraient ici être induits par le nombre important de variables d’état figurant dans le modèle.
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[57]
L’estimation du système a néanmoins montré une grande sensibilité aux valeurs initiales de certains paramètres, ce qui d’ailleurs caractérise la grande majorité des modèles non linéaires (par exemple les modèles à changement de régime) ; notamment, il est bien connu qu’un écart trop grand entre les valeurs initiales et les « vraies » valeurs favorise les problèmes de convergence. Néanmoins, en choisissant les valeurs initiales des paramètres de manière à minimiser les critères d’information du système, tout en restant à l’intérieur des fourchettes autorisées par la théorie (lorsque ces dernières sont connues), nous avons pu obtenir des résultats cohérents.
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[58]
Dans l’équation (A11) du taux de salaire, le taux de chômage moyen a été considéré car cette spécification a permis une amélioration des résultats, ce qui suggère que l’influence du niveau de l’emploi sur les salaires s’exerce plus lentement que l’influence des prix et des autres variables.
1Cet article a pour objectif une représentation des évolutions macroéconomiques du taux de chômage et du taux de salaire sur le long terme en France qui soit en accord avec la théorie économique. Il n’a donc pas vocation à rendre compte des évolutions suivant les branches, les secteurs public ou privé, les genres, les régions, ni même les degrés de qualification des salariés. Ce travail repose sur l’idée que le chômage et les salaires sont des variables interdépendantes devant être modélisées simultanément. En effet, du point de vue de l’employé pour lequel le salaire reçu est un revenu, ses exigences sont affaiblies par le chômage, alors que du point de vue de l’employeur, pour lequel le salaire constitue un coût de production, le salaire versé conditionne la quantité de facteur travail qu’il souhaite utiliser.
2Bien que cette contribution n’ait pas de prétention en matière d’apport théorique, son objectif impose bien sûr le choix d’un cadre théorique général. Nous avons retenu une spécification simple du modèle WS-PS (Wage Setting – Price Setting). Ce modèle décrit les comportements d’agents dans un monde caractérisé par des agents rationnels et par une imperfection des mécanismes concurrentiels, les entreprises fixant leurs effectifs en fonction des accords sur les salaires réalisés avec les syndicats. Le taux de salaire négocié peut s’exprimer par une moyenne pondérée du salaire désiré par les salariés (WS) et celui offert par les employeurs (PS), le coefficient de pondération traduisant le rapport de force entre les deux camps. Ce modèle permet aussi d’estimer la valeur du taux de chômage d’équilibre correspondant à l’accord salarial réalisé par les deux parties. Moyennant des hypothèses auxiliaires (portant sur la représentation du salaire de réserve, sur les facteurs susceptibles d’influencer les salaires et des prix mais non directement spécifiés par la théorie, et sur les ajustements progressif du taux de chômage et du taux de salaire observés sur leurs valeurs d’équilibre), nous proposons une modélisation économétrique espace/état simultanée du taux de chômage et du taux de salaire avec la méthode du filtre de Kalman ; cette approche permet de représenter l’évolution au cours du temps du degré de rigidité du marché du travail qui est un phénomène non directement observable. Les résultats obtenus montrent que la spécification proposée reproduit valablement les grands traits des dynamiques du taux de chômage et du taux de salaire en France pour la période 1955-2008.
3Cet article est organisé comme suit. La première partie résume les principaux enseignements de la littérature économique sur la relation salaire/chômage et indique en quoi ils nous ont conduits au choix du modèle WS-PS ; en outre, cet article nous permettra de préciser les points communs et les spécificités de notre approche par rapport aux contributions de la littérature reposant sur ce modèle. La deuxième partie présente les fondements théoriques des équations WS et PS ainsi que les équations économétriques du taux de chômage et du taux de salaire qui en sont déduites. Après avoir décrit les données utilisées et la méthode d’estimation, la troisième partie présente les résultats empiriques. Enfin, la conclusion tirera les principaux enseignements des résultats obtenus.
Les enseignements de la littérature et les choix théoriques et méthodologiques de la présente étude
4La littérature économique portant sur la relation au cours du temps entre le taux de salaire et le taux de chômage s’est développée suivant trois approches [1] : la « courbe de Phillips » avec ses nombreuses extensions, le modèle WS-PS et enfin le modèle d’appariement entre les offres et les demande d’emploi. Suite à l’article séminal de Phillips [1958] – mettant en évidence l’existence une relation négative entre le taux de variation du salaire nominal et le taux de chômage pour le Royaume-Uni – les développements théoriques et empiriques réalisés depuis ont conduit au concept de « non-accelerating inflation rate of unemployment » (Nairu) proposé par Tobin traduisant la valeur théorique du taux de chômage lorsque le salaire réel croît au même rythme que la productivité. Le modèle WS-PS (Layard-Nickel [1985, 1986] ; Layard-Nickel-Jackman [1991]) décrit, quant à lui, les comportements des salariés et des firmes dans un cadre de concurrence imparfaite et conduit à définir un taux de chômage d’équilibre (TCE) correspondant à une situation où les employés et les employeurs ont trouvé un accord salarial, le TCE pouvant être à la fois plus élevé et plus fluctuant que le taux de chômage dit « naturel de plein emploi ». A peu près à la même époque que WS-PS, un modèle d’appariement est proposé pour modéliser en termes de flux les frictions entre les offres et les demandes d’emploi, constituant ainsi une nouvelle approche permettant également la détermination des niveaux d’équilibre du chômage et des salaires (Pissarides [1985, 2000] ; depuis l’attribution en 2010 du prix Nobel d’économie à Diamond, Mortensen et Pissarides, ce modèle « DMP » est très utilisé dans la littérature). S’il n’est pas envisageable de donner ici un compte rendu circonstancié des très nombreuses contributions scientifiques reposant sur ces trois approches, il est néanmoins utile d’en résumer les principaux enseignements.
5Le Nairu a été estimé pour un grand nombre de pays industriels et les résultats obtenus ont soulevé un certain nombre de critiques, tant de nature théorique qu’empirique (Bonnet et Mahfouz [1996], L’Horty et Thibault [1997], Le Bihan et Sterdyniak [1998], Heyer et Timbeau [2002]). Au plan théorique, il a été reproché au Nairu de représenter plus une valeur de référence traduisant une condition d’équilibre économique fictive sur le marché du travail qu’une approche explicitant les comportements effectifs des agents. Au plan des vérifications empiriques, si les approches fondées sur la courbe de Phillips décrivent assez bien les variations de salaire (voir notamment Heyer et al. [2000]), en revanche le Nairu ne représente souvent pas de manière satisfaisante la tendance du taux de chômage (L’Horty et Thibault [1997, 1998] ; Richardson et al. [2000]) ; sur ce point, L’Horty et Thibault [1998] ont confronté les résultats obtenus avec le Nairu à ceux obtenus avec le TCE issu de WS-PS et concluent en faveur de ce dernier. Cependant, d’autres travaux montrent que la courbe de Phillips peut aussi donner lieu à une interprétation structurelle traduisant les comportements sous-jacents. Notamment, en introduisant des particularités telles que des asymétries dans la boucle prix/salaire ou des hypothèses sur la dynamique de la composante de long terme (effet d’hystérèse tel que suggéré par Blanchard et Summers [1986]), le Nairu peut permettre de décrire les tendances des taux de chômage dans les pays de l’OCDE depuis les années 1970 (Mc Morrow et Roeger [2000], Chagny et al. [2002] [2]). Par ailleurs, d’autres contributions montrent que, sous certaines conditions restrictives, les équations issues de la courbe de Phillips et celles du modèle WS-PS peuvent se rejoindre. Notamment, Blanchard et Katz [1999] montrent que, suivant l’hypothèse faite pour représenter le salaire de réserve dans l’équation WS (productivité, salaire moyen), on peut retrouver la courbe de Phillips. Dans le même esprit de rapprochement, Heyer et al. [2005, 2007] expriment les restrictions nécessaires pour que l’équation réduite du « time-varying Nairu » – laquelle s’inspire du modèle proposé par Gordon [1997] supposant que l’inflation actuelle est fonction de l’inflation passée – s’accorde avec celle du TCE déduite des équations WS et PS.
6Concernant le modèle WS-PS, les spécifications que l’on rencontre dans la littérature sont aussi nombreuses que le nombre des contributions, ceci sans même évoquer la variété des méthodes quantitatives utilisées pour confronter ce modèle aux données de l’observation. A ce propos, il importe de relever que deux modes de vérification empirique ont été suivis dans la littérature. Le premier consiste à estimer les équations structurelles de salaire (WS) et de prix (PS) pour en déduire la valeur d’équilibre du taux de chômage, ce qui nécessite l’introduction de contraintes pour identifier les paramètres de ces deux équations. Le second mode consiste à estimer directement une équation réduite du TCE déduite de l’égalité entre les valeurs des salaires réels donnés par les deux équations structurelles (en supposant que le TCE traduit à un terme d’erreur près le chômage observé, ou encore en supposant que le chômage s’ajuste progressivement sur sa valeur d’équilibre suivant un processus devant être spécifié). En adoptant ce second mode d’approche et supposant un ajustement adaptatif du chômage observé sur sa valeur d’équilibre, Layard et al. [1991, p. 435] montrent que le modèle WS-PS rend assez bien compte des évolutions du taux de chômage dans dix-neuf pays de l’OCDE, dont la France : la spécification retenue explique en moyenne 86 % de la variance des taux de chômage au cours de la période 1956-1988. Ces résultats ont été confirmés pour la France avec le premier mode d’approche (Bonnet et Mahfouz [1996], L’Horty et Sobczak [1997], Cotis et al. [1998] [3], L’Horty et Thibault [1998], Cahuc et Zylberberg [1996, 1999] [4], l’Horty et Rault [2003], Gérard-Prenveille [2003]). [5]
7D’une manière générale, les analyses empiriques ont montré que l’introduction de nombreuses variables institutionnelles susceptibles de traduire la rigidité du marché du travail ne conduit guère à des résultats très concluants (Chagny et al. [2002], Heyer et al. [2007]). C’est pourquoi certaines contributions consacrées à l’estimation du Nairu ou du TCE ont utilisé le filtre de Kalman, cette méthode permettant la représentation de variables inobservables par un processus stochastique. La composante inobservable de long terme du Nairu a notamment été estimée avec cette méthode (Gordon [1997] ; Heyer et al. [2005, 2007]). Concernant le modèle WS-PS, Heyer et al. [2007] ont analysé la variabilité des paramètres structurels des équations WS et PS, les auteurs justifiant cette méthode par l’insuccès de l’introduction de nombreuses variables quantifiables susceptibles de capturer l’évolution de l’environnement institutionnel du marché du travail. Cette variabilité des paramètres peut traduire à la fois les effets de facteurs institutionnels et de facteurs non mesurables (force de négociation des salariés, valeur du loisir, …). Les résultats obtenus par les auteurs sur la période 1970-2002 montrent que la stabilité des paramètres peut être admise pour les Etats-Unis. Pour la France, certains paramètres varient d’une manière significative en raison de la flexibilité croissante du marché du travail après 1982, causée notamment par la désindexation des salaires. Il est intéressant de noter ici que, en comparant les pays européens aux Etats-Unis, Nickell [1997] avait montré que toutes les rigidités institutionnelles n’impactent pas défavorablement l’emploi, ce qui est sans doute de nature à renforcer une approche avec paramètres stochastiques, ces derniers pouvant être vus comme traduisant les effets globaux des changements institutionnels.
8De même que WS-PS, le modèle DMP décrit les comportements des agents et permet d’endogénéiser le chômage et les salaires. [6] L’originalité majeure de ce modèle consiste à introduire une fonction d’appariement permettant de déterminer le flux d’emplois créés par période en fonction du nombre d’emplois offerts et du nombre de chômeurs, les salariés et les entreprises se rencontrant aléatoirement pour négocier un salaire, sachant que ce processus est coûteux pour les deux parties (notamment sous forme de délais d’attente). Sous certaines conditions, la variable centrale pour déterminer la destruction et la création d’emplois est le rapport entre les emplois vacants et le chômage, ce rapport traduisant le degré de tension sur le marché du travail (cf. notamment Mortensen-Pissarides [1994]). Dans ce cadre d’analyse, plus la tension sur le marché est importante, plus la probabilité de trouver un emploi est grande pour les chômeurs qui se trouvent alors en position de force pour négocier leurs salaires, alors que du côté des entreprises, la difficulté de trouver une main-d’œuvre adaptée à leurs besoins augmente. [7]
9A la fois WS-PS et DMP permettent la détermination d’un niveau d’équilibre du chômage dépendant de la productivité, des taxes et subventions, des allocations chômage et du salaire minimum ; cependant, en raison des mécanismes de régulation du marché du travail qui sont en action, ce niveau sera différent pour les deux modèles. Par exemple, si l’offre de travail augmente d’une manière exogène avec des salaires inchangés (ex. immigration massive), le chômage peut en théorie rester stable dans le modèle DMP, dans la mesure où les firmes pourront recruter facilement en raison d’une baisse de tension sur le marché du travail (on suppose ici du capital inutilisé). En revanche, suivant le modèle WS-PS où cet effet d’absorption direct ne joue pas, le chômage augmentera dans l’immédiat, même si un ajustement salarial finit par intervenir car l’affaiblissement induit des revendications syndicales concernant les salaires conduira in fine à réduire l’écart entre l’offre et la demande de travail. En fait, DMP est adapté pour déterminer l’emploi et les salaires sur un marché décentralisé [8], ce modèle permettant sans trop de difficultés d’introduire de l’hétérogénéité dans les caractéristiques individuelles des agents (salariés et firmes). Il en résulte que DMP paraît plus adapté que WS-PS pour analyser les données individuelles, ce dernier modèle se fondant sur une approche plus globale du salaire. Une autre caractéristique de DMP est que les externalités frictionnelles liées aux difficultés d’appariement conduisent à l’idée qu’une recherche d’emploi insuffisante de la part des salariés est une source d’inefficacité du marché du travail ; par rapport à WS-PS, le regard porté sur le rôle des allocations chômage est modifié puisque, si elles peuvent inciter les travailleurs à rester trop longtemps au chômage, elles permettent aussi d’obtenir de meilleurs appariements, ce qui favorise l’emploi.
10Au-delà de l’attribution en 2010 du prix Nobel d’économie à ses trois auteurs, le succès actuel du modèle DMP tient sans doute beaucoup au fait qu’il permet d’expliquer non seulement le niveau d’équilibre du chômage et des salaires, mais encore les flux de destruction et de création d’emplois, et, en ce sens, il est susceptible d’expliquer plus de phénomènes que WS-PS à un niveau désagrégé. Toutefois, contrairement à WS-PS, Diamond [1982] a montré que ces frictions peuvent donner lieu à plusieurs équilibres possibles, de sorte qu’il faut pouvoir permettre aux agents de se coordonner pour atteindre un « bon » équilibre. Par ailleurs, la capacité de DMP à décrire la dynamique du marché du travail a été contestée par Shimer [2005] qui a montré que ce modèle génère une volatilité excessive des salaires réels (et donc une volatilité trop faible de l’emploi) par rapport à ce qui est observé. En outre, contrairement aux firmes de WS-PS qui sont confrontées à une inversion de la courbe de demande de biens (décroissante en fonction du prix), le modèle DMP n’incorpore pas de mécanisme keynésien faisant intervenir le niveau de la demande globale. Enfin, remarquons que les vérifications empiriques nécessitent dans les deux cas des hypothèses auxiliaires non directement déduites de la théorie : il ne semble donc pas que l’on puisse discriminer les deux modèles sur ce point.
11Compte tenu de l’objectif du présent article, nous avons choisi de mener ce travail dans le cadre du modèle WS-PS. En effet, par rapport aux approches issues de la courbe de Phillips, les comportements des agents y sont d’emblée explicités : les valeurs désirées des salaires et des prix sont respectivement les résultats de comportements rationnels de la part des salariés et des entreprises, les deux parties négociant entre elles pour trouver un accord salarial conduisant in fine les employeurs à fixer le niveau de l’emploi, ce qui paraît assez réaliste. Le modèle DMP est, par nature, plus complexe que WS-PS car il doit décrire les forces de frictions liées aux défauts d’appariements entre les agents et en tirer toutes les conséquences concernant les flux d’entrée et de sortie de l’emploi. Le modèle WS-PS, lui, fournit un outil simple et bien adapté à l’objectif limité de notre étude qui porte sur les évolutions historiques des niveaux du chômage et des salaires en France au plan macroéconomique. Notamment, la version statique de ce modèle utilisée dans notre étude repose sur des comportements et mécanismes économiques plus généraux et peut-être plus directement accessibles que DMP. Néanmoins, le choix de WS-PS ne doit pas cacher le fait que l’estimation des nombreuses spécifications de ce modèle rencontrées dans la littérature soulève des difficultés dont un bon nombre sont liées à des problèmes de mesure des variables. Par rapport aux approches envisagées dans les contributions pour faire face à ces difficultés, celle proposée ci-après se caractérise par les spécificités ou points communs suivants qui seront précisés dans la deuxième partie de cet article.
12- Sur la base d’une spécification statique des équations WS et PS [9], où les agents sont supposés représentatifs et le capital exogène, nous cherchons à estimer à chaque date les valeurs d’équilibre du taux de chômage et du taux salaire déduits de ces équations ; on détermine ainsi une suite d’équilibres de court terme du marché du travail à une fréquence annuelle sur une période dépassant un demi-siècle. Le choix d’une version statique de ce modèle rejoint la grande majorité des applications économétriques réalisées dans la littérature. Néanmoins, même si le processus d’accumulation du capital n’est pas endogénéisé, nous montrerons que le taux d’intérêt réel (représentant le coût du capital) intervient implicitement dans la détermination du chômage d’équilibre en tant que facteur des capacités de production inemployées.
13- Les contributions empiriques de la littérature introduisent souvent de nombreuses variables explicatives du chômage pour représenter des facteurs plus ou moins suggérés par la théorie, de sorte que l’on ne sait parfois plus très bien, in fine, si c’est vraiment la théorie qui est validée ou infirmée. C’est la raison pour laquelle nous adopterons autant que possible une spécification économétrique parcimonieuse où les variables considérées sont celles directement déduites des équations théoriques WS et PS.
14- Il est, a priori, difficile de supposer que les degrés de rigidité des salaires, des prix et de l’emploi sont restés stables au cours de notre période d’analyse. [10] Notamment, il semble peu douteux que la flexibilité du marché du travail se soit accrue depuis le milieu des années 1980 ; à ce propos, les contributions de la littérature montrent que l’introduction de nombreux indicateurs institutionnels quantitatifs susceptibles de traduire ce phénomène se révèle être une approche peu concluante. C’est la raison pour laquelle nous avons représenté le degré de rigidité du marché du travail d’une manière globale en autorisant dans les équations WS et PS une variabilité temporelle des sensibilités des salaires et des prix par rapport au taux de chômage ; ces sensibilités seront déduites de processus stochastiques estimés suivant la méthode du filtre de Kalman, méthode permettant l’estimation de variables latentes non observables.
15- Concernant le salaire de réserve qui est une variable centrale de l’équation WS, nous verrons que les représentations de la littérature fondées sur les allocations chômage, sur la productivité du travail, sur le salaire retardé ou encore sur un trend linéaire, sont assez peu convaincantes. C’est pourquoi nous proposons – sur la base des enseignements tirés d’enquêtes de l’Insee auprès des chômeurs français – une représentation où le Smic joue un rôle de point d’ancrage sur lequel se positionne, par excès ou par défaut, la valeur du salaire de réserve moyen.
16- Etant donné l’augmentation de la part salariale dans la valeur ajoutée observée au cours de la période 1970-1982, les facteurs explicités dans le cadre WS-PS peuvent paraître a priori adaptés à l’explication du chômage pendant cette période. Cependant, le retournement historique à la baisse de cette part en 1982-1983 suggère que ces facteurs doivent être complétés par d’autres – autorisés mais non spécifiés a priori dans les équations WS et PS – pour pouvoir rendre compte du développement postérieur du taux de chômage. Les facteurs explicités par le modèle relevant de la répartition de la valeur ajoutée, nous avons supposé que les « autres facteurs » conditionnant la fixation des salaires et des prix peuvent se résumer par le niveau de la valeur ajoutée, représenté par la capacité de production disponible.
17- L’idée implicite au premier mode d’approche visé ci-dessus suivant lequel l’équation WS expliquerait à elle seule les salaires tandis que l’équation PS expliquerait à elle seule le niveau des prix, ne nous semble pas vraiment satisfaisante. En effet, en principe, ces deux équations déterminent respectivement la valeur du salaire désiré par les salariés (même si WS peut être vue en elle-même comme incluant une logique préalable de négociation) et la valeur du salaire offert par les employeurs (compte tenu des prix fixés), ceci avant la négociation entre les deux parties. C’est pourquoi le taux de salaire négocié correspondant au taux de chômage d’équilibre sera représenté par une moyenne pondérée des aspirations des deux camps, le coefficient de pondération traduisant le rapport de force salariés/patrons.
18- Enfin, comme suggéré parfois par la littérature, nous avons introduit des délais d’ajustement du taux de chômage observé sur sa valeur d’équilibre (pouvant être attribués aux coûts sociaux du chômage) et du taux de salaire observé sur sa valeur négociée (attribuable à la mise en place des contrats de travail). Au total, les aspects dynamiques du modèle économétrique proposé se limitent à la prise en compte de tels délais et au processus stochastique récursif permettant une représentation du degré de rigidité du marché du travail.
Le modèle retenu
Les équations théoriques WS et PS
19Les comportements des entreprises et des salariés peuvent se traduire d’une manière simple dans le cadre général proposé par Layard-Nickell-Jackman [1991]. Nous nous inspirons ici des exposés présentés par Blanchard et Katz [1997] et Bonnet [1999]. En situation de concurrence monopolistique, l’hypothèse jointe d’une productivité marginale du travail décroissante et d’entreprises maximisant leurs profits, entraîne ces dernières à fixer leurs prix de manière à satisfaire l’expression suivante du salaire offert rapporté au niveau des prix :
21où Spst est le salaire offert par la firme représentative compte tenu du niveau général des prix Pt qu’elle juge optimal de fixer, Πt, la productivité du travail (supposée exogène), et φ1 une fonction dont la forme dépend de la fonction de production et dont les arguments sont le taux de chômage ut et un vecteur de variables zpt pouvant également conditionner la fixation des prix par les entreprises (dont notamment le coin fiscalo-social et le taux de marge désiré par les firmes, lesquels sont supposés exogènes au modèle). L’influence positive du taux de chômage traduit ici le fait que, dans le cas général, l’efficacité marginale du travail croît lorsque les effectifs diminuent, incitant ainsi la firme à offrir, toutes choses égales par ailleurs, un salaire réel plus élevé.
22Face à ce comportement des firmes, l’objectif des syndicats est de maximiser l’utilité du revenu des salariés compte tenu de la probabilité pour ces derniers d’être au chômage et de recevoir dans ce cas un « équivalent revenu » égal aux allocations chômage augmentées de la valeur monétaire de la désutilité du travail et du travail domestique (d’Autume [2001]). On peut alors montrer qu’un chômeur n’acceptera de travailler que s’il touche un salaire au moins égal à ce revenu équivalent encore appelé « salaire de réserve » (exogène au modèle). En effet, avec une fonction d’utilité supposée croissante et concave, le programme du salarié représentatif conduit à la solution générale suivante, d’après laquelle le salaire réel désiré est une fonction croissante du salaire réel de réserve et décroissante du taux de chômage :
24où Swst est le salaire désiré, Pct le niveau des prix à la consommation considéré par les salariés pour évaluer leur pouvoir d’achat, SRt leur salaire de réserve, φ2 une fonction (dont la forme exacte dépend de la fonction d’utilité) d’après laquelle le chômage affaiblit les revendications des salariés, et où zst est un vecteur d’autres variables pouvant également conditionner les exigences salariales (parmi lesquelles le coin fiscalo-social).
25Dans ce cadre d’analyse simplifié, le principe du « droit à gérer » conduit les entreprises à fixer leurs effectifs en fonction des accords salariaux obtenus avec les syndicats ; il en résulte que le taux de chômage peut jouer le rôle de variable d’ajustement entre les aspirations des deux parties, à condition bien sûr que le marché du travail soit suffisamment flexible. Notons qu’en supposant Spst = Swst = St (i.e. l’accord salarial est réalisé), Layard et al. [1991] montrent que le fait que la fonction φ1 soit croissante avec le taux de chômage implique que la demande de travail des employeurs décroît lorsque le salaire réel augmente, de même que le fait que la fonction φ2 soit décroissante avec le taux de chômage implique que l’offre de travail des salariés croît avec le salaire réel [11]. Ces propriétés des courbes d’offre et de demande de travail paraissent ainsi assez intuitives.
26Comme cela est très courant dans la littérature, les équations PS et WS ci-dessus sont présentées sous une forme linéaire en considérant les logarithmes des variables [12]. En relâchant l’hypothèse d’une sensibilité constante des prix et des salaires par rapport au chômage (i.e. suivant les dates, le chômage joue plus ou moins le rôle d’une variable d’ajustement entre les prix et les salaires), les équations générales WS et PS ci-dessus permettent d’inférer les équations (1) et (2) ci-après, où, excepté pour les variables exprimées en taux, les variables en minuscules correspondent aux logarithmes des variables en majuscules [13] :
28avec : taux d’ouverture et θt : termes de l’échange.
30spst : taux de salaire horaire brut offert par les entreprises
31swst : taux de salaire horaire brut désiré par les salariés (avant impôt)
32sRt : salaire de réserve (rémunération minimale nette exigée par les salariés)
33pct : niveau des prix à la consommation (considéré par les salariés)
34pt : niveau général des prix (fixé par les entreprises)
35cet : taux de prélèvement social supporté par les entreprises (par rapport au salaire brut)
36cst : taux de prélèvement social supporté par les salariés (par rapport au salaire net)
37mt : taux de marge brut fixé par les entreprises [14]
38πt : productivité horaire du travail
39ut : taux de chômage
40kpt : sensibilité au taux de chômage du niveau des prix fixé par les entreprises
41kst : sensibilité au taux de chômage du salaire réel désiré par les salariés
42fpt : autres facteurs conditionnant la fixation des prix
43fst : autres facteurs conditionnant les exigences salariales.
44Comme cela est habituel, l’équation (1) est obtenue en considérant d’emblée que le taux de marge mt [15] et le taux des cotisations sociales obligatoires à la charge des entreprises cet appartiennent au vecteur zpt des variables conditionnant la fixation des prix par ces dernières ; de même, le taux des cotisations à la charge des salariés cst appartient d’emblée au vecteur des variables zst conditionnant le salaire désiré brut avant impôt par les salariés (équation (2)). En outre, afin de rapporter le taux de salaire offert par les employeurs au même indice de prix que celui considéré par les salariés, l’équation (PS) a été multipliée à gauche et à droite par le rapport de prix Pt / Pct ; cela signifie que, outre le taux de marge et le taux des cotisations, les firmes répercutent également sur leurs prix de vente l’écart entre ces derniers et les prix à la consommation, cet écart capturant l’influence des termes de l’échange (prix des exportations / prix des importations). Quant aux « autres facteurs » fpt et fst des prix et des salaires, ils correspondent à des variables appartenant aux vecteurs zpt et zst (autres que le taux de marge mt et les taux de cotisation cet et cst), le choix de ces variables nécessitant des hypothèses additionnelles qui seront précisées ci-après.
Le taux de chômage d’équilibre
45En égalisant les parties de droite des équations (1) et (2), soit spst = swst = s*t où s*t représente la valeur négociée du taux de salaire, on exprime la valeur du taux de chômage d’équilibre u*t qui rend compatibles les aspirations des deux camps :
47On remarque que l’indice général des prix figurant dans cette équation dépend à la fois des prix à la consommation et des termes de l’échange (i.e. pt = pct +τtθt). L’équation (3) montre que l’estimation de u*t nécessite des hypothèses auxiliaires pour représenter le salaire de réserve sRt, le coefficient αt et les « autres facteurs » ft conditionnant les prix et les salaires. Examinons les hypothèses retenues, formalisées respectivement par les équations (A1), (A2) et (A3) de l’annexe n°1-a.
48Concernant la représentation du salaire de réserve sRt, nous avons vu que son contenu théorique est complexe et qu’il n’existe guère dans la littérature d’indicateur empirique s’imposant a priori. La théorie peut suggérer les indemnités chômage, mais les travaux empiriques montrent que cette variable ne conduit pas à des résultats très probants (Manning [1993], Cotis et al. [1998]) ; une explication pourrait tenir au fait que la part des chômeurs en fin de droit est souvent à la fois importante (pouvant dépasser 50 %) et fluctuante. C’est pourquoi certaines contributions supposent que le salaire réel de réservation suit un trend linéaire (L’Horty et Sobczak [1996], Cotis et al. [1996], L’Horty et Sobczak [1997], L’Horty et Rault [2001]), ou encore qu’il peut être représenté par le salaire de la période précédente (Manning [1993], Blanchard et Katz [1999]) ; même si ces choix se justifient par le caractère a priori inobservable du salaire de réserve, ils restent bien sûr arbitraires. Une autre hypothèse que l’on rencontre consiste à indexer le salaire de réserve sur la productivité du travail (Blanchard et Katz [1997], Cotis et al. [1998]) ; en fait, si on reporte cette hypothèse dans l’équation (3) du chômage d’équilibre, on voit qu’il ne dépend plus ni du salaire de réserve ni de la productivité, ce qui est bien sûr très peu intuitif.
49Pour contourner ces difficultés, nous nous sommes tournés dans une autre direction consistant à exploiter l’existence en France d’un salaire minimum légal [16]. En effet, Rioux [2001] a analysé les résultats de quatre enquêtes menées par l’Insee entre 1994 et 1998 interrogeant des chômeurs (et anciens chômeurs) sur le salaire horaire minimal exigé pour accepter un emploi, c’est-à-dire sur la valeur de leur salaire de réserve ; il importe de souligner ici que les questions posées ne font état d’aucune référence au Smic : elles ne canalisent donc pas a priori les réponses vers la valeur du minimum légal. L’auteur analyse la distribution des réponses et montre que, alors que les deux tiers des chômeurs bénéficiant du RMI (ne bénéficiant donc pas d’allocation chômage) demandent au plus le Smic pour accepter une offre d’emploi [17], les deux tiers des chômeurs bénéficiant d’allocations demandent au moins le Smic ; en outre, pour ces derniers, il apparaît que le salaire de réserve est d’autant majoré par rapport au Smic que le niveau de salaire de leur dernier emploi était élevé et d’autant minoré que l’épisode de chômage se prolonge [18]. Au total, malgré l’hétérogénéité des salaires de réserve, ces résultats suggèrent que le Smic peut constituer une base pour évaluer – par excès ou par défaut – la valeur du salaire de réserve moyen, celui-ci étant vu comme une valeur de référence sociale du prix du travail sur laquelle se positionnent par excès ou par défaut les exigences salariales minimales. C’est pourquoi nous avons supposé que le salaire de réserve horaire moyen sRt est fonction du trend du Smic horaire, la fonction retenue laissant à sRt la possibilité de se situer plus ou moins au-dessus ou en dessous du Smic suivant les dates (équation (A1), annexe n°1-a). La considération du trend du Smic se justifie par le fait que nous cherchons à représenter à chaque date la moyenne des salaires de réserve individuels, de sorte que l’on peut supputer une évolution plus lisse que celle du Smic dont les révisions sont en outre discontinues ; les résultats économétriques obtenus viennent à l’appui de ce choix dans la mesure où ils ont été améliorés en considérant le trend à la place des valeurs observées du Smic.
50Concernant le coefficient αt = 1/ (kst + kpt), sa valeur est d’autant plus petite que la somme kst + kpt des sensibilités par rapport au sous-emploi des salaires réels désirés et offerts est grande, ce qui signifie que αt est d’autant plus petit que le chômage est susceptible de jouer à une date donnée un rôle important en tant que variable d’ajustement entre les salaires (équation WS) et les prix (équation PS). Autrement dit, αt sera d’autant plus grand que le marché du travail est rigide, que ce soit en raison de la rigidité des prix (e.g. politique de contrôle des prix), des salaires [19] ou de l’emploi lui-même (e.g. indemnités de licenciement). A ce propos, rappelons que les contributions de la littérature montrent que l’introduction de nombreuses variables institutionnelles susceptibles de traduire ces rigidités ne conduit guère à des résultats très concluants. En fait, le caractère multidimensionnel, latent et non directement quantifiable du degré de rigidité du marché du travail nous a conduits à représenter la dynamique du coefficient αt par un processus récursif stochastique estimé suivant la méthode du filtre de Kalman qui permet l’estimation de variables latentes inobservables (équation (A2), annexe n°1-a). D’une manière générale, cette méthode augmente le nombre des paramètres devant être estimés par rapport à un modèle linéaire à coefficient constant, ce qui implique une diminution du degré de liberté du modèle ; cependant, elle permet d’économiser des paramètres par rapport à l’approche courante consistant à multiplier le nombre de variables institutionnelles susceptibles de traduire la rigidité du marché du travail. En tout état de cause, supposer a priori constant un coefficient qui ne l’est pas conduirait à des biais d’estimation sérieux. Comme nous le verrons, les valeurs estimées du coefficient αt sont apparues significativement variables, ce qui n’était évidemment pas acquis par avance.
51Enfin, il est nécessaire de formuler une hypothèse pour représenter les « autres facteurs » ft qui interviennent dans l’équation (3) du chômage d’équilibre. Comme nous l’avons déjà noté, les contributions empiriques de la littérature introduisent souvent de nombreuses variables explicatives du chômage en tant que « proxies » de phénomènes institutionnels ou conjoncturels pouvant être plus ou moins suggérés par la théorie [20]. Il en résulte que, comme le soulignent notamment Le Bihan et Sterdyniak [1998], on ne sait parfois plus très bien si c’est la théorie qui est confrontée aux données de l’observation ou si on recherche des corrélations entre le chômage et d’autres variables macroéconomiques, cette démarche impliquant en outre une multiplication de paramètres arbitraires devant être estimés. Les facteurs liés à la répartition de la valeur ajoutée étant déjà représentés par les variables explicitées directement par le modèle WS-PS, nous avons supposé que ft traduit l’influence des facteurs sous-jacents du niveau de la valeur ajoutée réelle. Les facteurs qui déterminent ft sont ainsi résumés par la somme d’un élément conjoncturel proportionnel à la marge de production disponible Δqt et d’une constante fo traduisant l’influence de facteurs frictionnels (équation (A3), annexe n°1-a), où Δqt représente l’écart entre la production potentielle (log) et la production observée qt (log du PIB en volume). Au plan théorique, cet écart relatif de production – qui dépend bien sûr lui-même de variables Xit – peut être vu comme conditionnant ft par le biais des anticipations de croissance. En effet, en raison de rendements décroissants, les agents négociateurs anticiperont en principe un taux de croissance de la production d’autant plus petit que la production est proche de son maximum (i.e. que Δqt est proche de zéro) ; dans ces conditions, une augmentation de Δqt traduira l’attente d’une croissance plus élevée de la production [21], conduisant ainsi les syndicats à des exigences salariales plus élevées et à un meilleur accueil de la part des employeurs, ces derniers pouvant en compensation envisager la fixation de prix plus élevés pour maintenir leurs marges bénéficiaires [22]. Ces comportements conduiront à des hausses simultanées de fst et fpt donc de leur somme ft, et in fine d’après (3), à une augmentation du chômage d’équilibre. La relation (A3) présente l’avantage d’être très simple [23] et d’être parcimonieuse quant au nombre des paramètres devant être estimés dans l’équation du chômage, ce qui est d’autant plus appréciable que la spécification économétrique proposée est non linéaire. Cependant, il importe de s’interroger sur l’identité des facteurs Xit sous-jacents à Δqt et donc à ft. [24] Les résultats indicatifs présentés dans l’annexe n°2 montrent que les valeurs présentes et passées de variables telles que le taux d’intérêt réel, le degré de compétitivité internationale, la marge bénéficiaire des entreprises, la croissance de la masse monétaire, l’inflation et le taux de syndicalisation, peuvent être regardés comme des facteurs plausibles de Δqt.
52Les hypothèses qui viennent d’être décrites concernant la représentation du degré de rigidité αt et des « autres facteurs » ft permettent de voir de quelle manière les effets sur le chômage des politiques économiques et de l’emploi peuvent être pris en compte. Lorsque les mesures concernées sont de type institutionnel ou contractuel (contrôle des prix, indexation des salaires, indemnités de licenciement, changements dans la nature des contrats de travail…), les effets peuvent, a priori, être capturés par le degré de rigidité αt. Comme nous le verrons, les valeurs estimées de αt (cf. figure n°1) suggèrent assez bien une telle interprétation. Lorsque la politique économique est de nature conjoncturelle (politique monétaire et/ou politique budgétaire ou fiscale) et produit des chocs d’offre et de demande sur le marché des biens, les effets induits sur le chômage peuvent être capturés par la marge de production disponible Δqt. A ce propos, l’annexe n°2 montre que Δqt dépend notamment du taux d’intérêt, des variations de la masse monétaire, du taux de marge avant impôt des entreprises et de l’inflation, ces variables pouvant être en lien direct avec les politiques monétaire, budgétaire et fiscale. En outre, comme l’ont bien montré Blanchard et Wolfers [2000], l’ampleur des chocs conjoncturels sur le chômage dépend en fait des institutions régissant le marché du travail, lesquelles conditionnent le degré de rigidité. Or, d’une certaine manière, une propriété de notre modèle est de prendre en compte ce phénomène en exprimant le chômage conjoncturel par le produit αtb Δqt (cf. ci-après équation (A9)) : autrement dit, l’ampleur de l’effet d’un choc conjoncturel sur le chômage est modulée par le degré de rigidité du marché du travail qui évolue suivant les changements institutionnels.
Le taux de salaire négocié
53Les taux de salaires sPSt et sWSt (équations (1) et (2)) étant les solutions des programmes de maximisation des firmes et des salariés avant négociation, ces taux peuvent s’interpréter respectivement comme des grandeurs offertes et désirées. La valeur négociée du salaire s*t correspondant au chômage d’équilibre ne pouvant a priori excéder max (sPSt, sWSt) ni être plus petite que min (sPSt, sWSt), elle peut s’exprimer à chaque date par une moyenne pondérée de sWSt et sPSt, soit [25] :
55Le mécanisme conduisant à la valeur s*t du taux de salaire peut se décrire comme suit (les contrats de travail étant fixés en valeur monétaire, on raisonne ici en terme de salaire nominal en faisant passer le niveau des prix à la consommation pct à droite des équations (1) et (2)). Si, au début de la négociation, le salaire désiré par les salariés swst dépasse de x % celui offert par les firmes spst, ces dernières seront incitées à diminuer le facteur travail dans le processus de production (en vertu du principe du « droit à gérer »), induisant ainsi une augmentation de dut % (en point) du taux de chômage. D’après l’équation WS (2), cette hausse du chômage conduit à une baisse de kst dut % du salaire désiré par les salariés et, d’après l’équation PS (1), à une hausse de kpt dut % du salaire offert par les firmes. La hausse du chômage vers son niveau d’équilibre u*t permet ainsi aux deux parties de parvenir à un accord (i.e. un équilibre) sur une valeur intermédiaire s*t du salaire, grâce à une diminution des exigences des salariés et à une acceptation de la part des firmes d’une révision à la hausse des salaires offerts : « … le chômage est le mécanisme clé réduisant les aspirations du travailleurs, avec une diminution concomitante de la demande pouvant réduire les aspirations des firmes (NDT : en renonçant à une partie de leurs profits, les firmes modifient la répartition de la valeur ajoutée en faveur de leurs salariés) » (Layard et Nickell [1986]). A la fin de la négociation, l’accord salarial se traduit par la condition d’équilibre sps*t = sws*t = s*t. Comme dans toute situation de monopole bilatéral, le résultat s*t dépend bien sûr du rapport de force et de l’habileté des deux parties. Ce rapport est a priori inconnu, mais la théorie du marchandage de Nash – situation où aucun « joueur » n’a intérêt à dévier individuellement de sa stratégie – permet de lever cette indétermination en considérant que la négociation permet de maximiser la moyenne pondérée des suppléments d’utilité pouvant être obtenus par les deux parties par rapport à une situation de repli. La solution globalement optimale correspond ainsi à une valeur négociée du salaire s*t qui est nécessairement comprise entre les valeurs notionnelles spst et swst prévalant au début de la négociation. Le paramètre κ de la relation (4) traduit alors le rapport de force entre le syndicat et l’employeur. Une valeur κ = 0 signifie que l’entreprise est toute puissante et peut donc choisir les niveaux d’emploi et de salaire, alors que la valeur κ = 1 signifie au contraire que le syndicat possède tout pouvoir dans la négociation. Les valeurs de κ allant de 0 à 1 permettent ainsi de décrire la courbe des valeurs possibles du contrat de travail [26] (voir d’Autume [2001], p. 6).
56En reportant les équations (1) et (2) dans (4), on obtient l’expression théorique du salaire négocié :
58La relation (5) montre que la sensibilité du taux de salaire au taux de chômage se traduit par le coefficient ; cette sensibilité est négative lorsque le poids attribué au chômage par les salariés au cours des négociations est plus grand que le poids attribué à cette variable par les employeurs (i.e. et positive dans le cas inverse ; la condition ωt = 0 traduit une situation où les deux poids s’équilibrent. L’équation (5) montre que l’estimation de s*t nécessite des hypothèses sur la représentation du salaire réel de réserve srRt, sur celle du coefficient ωt, et enfin sur les « autres facteurs » conditionnant les prix et les salaires, ces facteurs étant capturés par la pseudo-différence . Les hypothèses retenues pour traduire ces trois grandeurs sont représentées respectivement par les équations (A4), (A5) et (A6) de l’annexe n°1-b. La valeur de srRt est calculée en rapportant le salaire de réserve nominal sRt (voir ci-dessus) au trend de l’indice des prix à la consommation (équation (A4)). De la même manière que pour αt, le coefficient ωt est déterminé par un processus récursif stochastique estimé suivant la méthode du filtre de Kalman (équation (A5)). Enfin, fst et fpt étant supposés dépendre linéairement des variables Xit, on peut déduire que l’influence des « autres facteurs » se traduit par une combinaison linéaire des Xit (équation (A6)), où l’influence de chaque variable sur le salaire peut, a priori, être positive, négative ou nulle (dans ce dernier cas, les effets de Xit sur se compensent). Notons ici que les équations auxiliaires (A4), (A5) et (A6) associées à la détermination du taux de salaire négocié sont en cohérence directe avec, respectivement, les équations auxiliaires (A1), (A2) et (A3) associées au taux de chômage d’équilibre, de sorte qu’elles n’ajoutent pas vraiment d’arbitraire au modèle d’ensemble.
Les délais d’ajustement et les équations du taux de chômage observé et du taux de salaire observé
59Les contributions empiriques de la littérature montrent que l’introduction d’un délai d’ajustement du chômage observé sur le chômage d’équilibre u*t peut se révéler pertinente. [27] De nombreuses causes sont avancées par les auteurs pour expliquer cet effet de persistance du chômage (ou encore dit d’hystérèse « partielle » ou « graduelle ») : les coûts de collecte de l’information concernant les emplois vacants, les coûts de mobilité de la main d’œuvre, les coûts sociaux associés au chômage avec notamment les indemnités de licenciement, la durée du chômage (dégradation du capital humain) ou encore une pénurie de capital physique consécutive à une longue insuffisance des débouchés. Cette persistance est caractérisée dans notre modèle par un processus adaptatif classique (équation (A7), annexe n°1-c). [28] En reportant dans ce processus l’équation (3) ci-dessus du chômage d’équilibre (dans laquelle l’équation (A3) spécifie l’influence des « autres facteurs » ft), on aboutit à une équation du taux de chômage observé pouvant être estimée (équation (A9) ci-après).
60Concernant les salaires, en raison du temps nécessaire à la mise en place des contrats de travail (Avouyi-Dovi et al. [2009]) et du coût et de la durée des négociations (Layard-Nickel-Jackman [1991], p. 425), le salaire moyen observé dans les statistiques ne s’ajuste que progressivement sur sa valeur négociée, ce délai étant également représenté par un processus adaptatif (équation (A10), annexe n°1-c). En reportant dans ce processus l’équation (5) ci-dessus du salaire négocié (dans laquelle traduisant l’influence des « autres facteurs » est représenté par l’équation (A6)), on parvient à une équation du taux de salaire observé pouvant être estimée (équation (A11) ci-après).
Représentations du taux de chômage et du taux de salaire : données, méthode d’estimation et résultats
Données utilisées
61Les séries statistiques utilisées ont été délibérément établies en données annuelles car les salaires, qui sont encadrés par les conventions collectives, donnent lieu à des accords (branches ou entreprises) répartis sur toute l’année (Avouyi-Dovi et al. [2009]) et sont négociés tous les ans ou tous les deux ans, et non tous les trimestres. Ce choix réduit évidemment le nombre des observations, mais la longueur de la période d’analyse qui dépasse un demi-siècle compense en partie cette limite. Les séries chronologiques couvrent la période 1950-2008 et sont présentées avec leurs sources dans l’annexe n°3. L’objectif étant la mise en évidence de relations structurelles sur le long terme, nous avons préféré exclure les années de turbulence correspondant à la crise financière mondiale ayant débuté à la mi-2007. Bien que relayés par une seconde phase de faillites bancaires à l’automne 2008, on peut considérer que les effets macroéconomiques n’ont pris une ampleur significative en France qu’en 2009 (e.g. on observe une baisse continue du taux du chômage pendant les années 2006 à 2008 comprises, le chômage n’augmentant sensiblement qu’en 2009). Pour des raisons analogues, les années 1950-1954 qui sont caractérisées par de très fortes variations des salaires (reconstruction, rattrapages post-inflationnistes après 1952) ont été exclues de la période d’estimation du modèle, laquelle portera donc sur les années 1955 à 2008 incluse.
Le système espace-état à estimer
62L’annexe n°1 résume, respectivement pour le taux de chômage (§a) et le taux de salaire (§b), les expressions formelles des hypothèses auxiliaires présentées ci-dessus concernant le salaire de réserve, le degré de rigidité et les « autres facteurs ». En intégrant ces hypothèses dans les équations structurelles (3) et (5) du chômage d’équilibre et du salaire négocié qui lui correspond, nous déduisons un système espace-état à quatre équations pouvant être estimées avec la méthode du filtre de Kalman (§c). Ce système est composé de deux équations dites « de mesure » (i.e. les équations du taux de chômage et du taux de salaire) et de deux équations d’état (i.e. les équations représentant les coefficients stochastiques αt et ωt), les variables endogènes retardées traduisant, quant à elles, une inertie du taux de chômage et du taux de salaire par rapport à leurs valeurs d’équilibre respectives. On obtient ainsi le système espace-état suivant :
63Les deux équations de mesures :
65Les deux équations d’état stochastiques :
67Comme indiqué par les équations n°s (A1) et (A4) de l’annexe n°1, le salaire de réserve sRt et sa valeur réelle srRt – intervenant respectivement dans l’équation du chômage (A9) et celle des salaires (A11) – dépendent du trend du Smic, et font intervenir les paramètres σo et so qui devront bien sûr être estimés simultanément avec les autres paramètres du système. Les distributions des résidus εut et εst des équations de mesure (appelés « innovations ») sont supposées et , de même que les distributions des résidus auxiliaires ηut et ηst des deux variables d’état (appelés « bruits ») sont supposées et . Les « innovations » et les « bruits » sont en outre supposés indépendants. Les variables utilisées dont les sources sont indiquées dans l’annexe n°3 sont les suivantes [29] :
68ut : taux de chômage (série 11/série 12)
69sRt : log du salaire de réservation, équation (A1), annexe n°1-a
70srRt : log du salaire réel de réservation, équation (A4), annexe n°1-b
71cst : taux des cotisations payées par les salariés par rapport au salaire net (série 3/série2)
72cet : taux des cotisations payées par les entreprises par rapport au salaire brut (série 4/série2)
73pt : log de l’indice des prix de la valeur ajoutée, indice base 1950=1 (série 8)
74πt : log de la productivité horaire du travail Πt, indice base 1950 = 1 (série 10)
75mt : taux de marge brut des sociétés non financières (série 16)
76Δqt : écart relatif entre la production potentielle et la production observée qt
77, avec qt : log du PIB en volume (série 1/série 10) et
78st : log du salaire moyen horaire brut, base 1950=1 (série 2)
79pct : log de l’indice général des prix à la consommation, indice base 1950 = 1 (série 7)
80txst : taux de syndicalisation des salariés (série 20).
81L’annexe n°4 décrit la procédure d’estimation du système espace-état résumé ci-dessus sur la période 1955-2008 (54 années). D’après la méthode du filtre de Kalman, les valeurs successives des variables latentes αt et ωt sont révisées chaque année en fonction de nouvelles informations supposées traduire une variation (positive, négative ou nulle) du degré de rigidité du marché du travail, ces nouvelles informations prenant la forme de bruits blancs additifs de distributions normales dont les variances appartiennent au vecteur des hyper-paramètres devant être estimés. Les effets de ces chocs informationnels étant supposés se propager graduellement sur le marché du travail, les dynamiques de ces deux variables d’état sont caractérisées par des processus AR(1) avec dérive ; comme indiqué dans l’annexe n°4, des processus plus complexes ne se sont pas révélés empiriquement pertinents. Notons que cette méthode (non linéaire) n’impose pas de conditions particulières sur la stationnarité des variables observables du système, mais impose d’autres conditions pouvant paraître plus sévères sur les termes d’erreurs εut et εst des équations de mesure (A9) et (A11) : absence d’autocorrélation, homoscédasticité et normalité (cf. notamment Durbin et Koopman [2001], pp. 33-34). C’est pourquoi des tests de diagnostic sur les résidus standardisés ont été réalisés en utilisant respectivement les tests Q, hH et HK qui ont été élaborés par Harvey spécifiquement pour le filtre de Kalman : les résultats obtenus montrent que ces trois conditions sont admissibles. Le tableau n°1 donné dans l’annexe n°4 présente les valeurs estimées des paramètres ainsi que les statistiques associées aux tests de diagnostic sur les résidus.
L’équation estimée du taux de chômage
82L’examen de l’équation estimée du chômage fait ressortir les points suivants (équation (A9), tableau n°1, annexe n°4). Concernant le salaire de réserve (cf. équation (A1), annexe n°1-a), les valeurs estimées des paramètres et – lesquelles sont communes aux équations de mesure du chômage et du salaire – sont très significatives et situent le salaire de réserve à environ 15 % au-dessus du Smic en moyenne sur l’ensemble de la période, soit entre ce dernier et le salaire médian, les valeurs se rapprochant du salaire médian en fin de période. Le Smic valant environ 60 % du salaire médian, nos résultats signifient que le salaire de réserve serait en moyenne de l’ordre de 70 % du salaire médian, ce qui semble plausible. Par ailleurs, la constante de l’équation du chômage (A9) est significativement positive, ce qui confirme l’existence d’une composante frictionnelle. De même, la valeur du coefficient reliant le chômage d’équilibre à la marge de production disponible est positive, conformément au signe attendu de l’effet conjoncturel. Enfin, le coefficient du taux de chômage retardé indique un délai moyen d’ajustement du chômage à sa valeur d’équilibre qui est voisin d’une année .
83Quant à l’équation d’état (A2) qui détermine le degré de rigidité αt, la pente estimée est bien comprise dans l’intervalle théorique [0,1], traduisant ainsi une inertie des chocs de rigidité, comme l’illustre la figure n°1 représentant les valeurs estimées de αt sur l’ensemble de la période. On doit souligner ici le fait que, conformément au signe théorique, les valeurs obtenues de αt sont à chaque date significativement positives (i.e. les valeurs inférieures sont toujours situées au-dessus de l’horizontale du point zéro) : cela signifie que les variables observables qui déterminent le TCE constituent à tout instant des facteurs explicatifs globalement très significatifs du chômage [30]. L’intervalle de confiance à 95 % indiqué par les bornes supérieure et inférieure montre également que le coefficient αt est significativement variable : les valeurs estimées oscillent entre un minimum de 0,026 et un maximum de 0,093, ce qui indique des modifications substantielles du degré de rigidité du marché du travail allant dans un rapport de 1 à 3,5.
84La tendance générale ascendante de αt jusqu’au milieu des années 1980 semble en accord avec le renforcement des contraintes institutionnelles au cours de cette période ; on peut évoquer la création du régime d’assurance chômage (Unedic et Assedic) en 1958, les accords de Grenelle en mai 1968 aboutissant à une forte augmentation du Smig et qui ont été suivis par la création d’une section syndicale d’entreprise, l’indexation du Smig renforcée en 1970, les dispositions sociales sur l’indemnisation du chômage à partir de 1974… Cependant, on remarque que cette tendance générale est marquée par d’importants « chocs de rigidité ». Notamment, en 1963-1964, la forte augmentation de αt peut être rapprochée du plan de stabilisation Giscard d’Estaing visant à lutter contre l’inflation par une restriction des crédits, un blocage des prix et un contrôle des changes [31]. De même, la très forte hausse de αt en 1981-1982 correspond à l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République en mai 1981 ; outre le fait que la gauche politique est en principe moins favorable à la flexibilité que la droite, cette alternance historique a été marquée par des mesures concrètes constituant des facteurs de rigidité : blocage des salaires et des prix (de juin à novembre 1982), baisse de la durée hebdomadaire légale du travail (39 heures au lieu de 40), institution d’une cinquième semaine de congés payés, augmentation du nombre de fonctionnaires, larges nationalisations, retraite à 60 ans…
85Le retournement en baisse de αt à partir des années 1983-1985 indique le début d’un mouvement général vers une plus grande flexibilité du marché du travail, ce qui semble à nouveau correspondre à une réalité historique largement reconnue par la littérature [32]. En effet, les lois Auroux de 1982 ont institué l’obligation annuelle de négocier les salaires dans l’entreprise tout en réduisant leur indexation ; le « tournant de la rigueur » pris par Jacques Delors entre juin 1982 et mars 1983 a également contribué à ce mouvement : politique de libération progressive des prix et de désinflation compétitive, désindexation progressive des salaires sur l’inflation, diminution des prestations sociales… De nombreux faits se sont ensuite enchaînés pour entretenir ce mouvement de flexibilité : baisse des indemnisations chômage et mise en place d’un nouveau système les faisant dépendre de la durée de cotisation, décentralisation des conventions collectives, suppression de l’autorisation administrative de licenciement économique, différenciation individualisée des salaires, multiplication des contrats à durée déterminée, développement du travail à temps partiel et de l’intérim, assouplissement des conditions de stage, dégressivité des allocations et contrôle renforcé de la recherche d’emploi suite à la crise financière de l’Unedic en 1992 etc. Au sein de ce mouvement général de flexibilité, la création du RMI en 1988 sous le gouvernement Rocard peut être vue comme traduisant la volonté d’une suppléance minimale de l’Etat au nombre grandissant de chômeurs en fin de droits. Cette tendance générale à la baisse est néanmoins parfois contrariée par des chocs positifs de rigidité ; notamment, sur la période 1991-1994 qui suit la réunification allemande (octobre 1989 à octobre 1990), on constate une hausse de αt, cet événement ayant pu faire craindre des difficultés économiques structurelles pour le premier partenaire commercial de la France, incitant ainsi les entreprises françaises à une attitude plus attentiste concernant l’embauche (l’Allemagne connaît un recul de 2 % du PIB en 1993) ; la hausse de αt au cours de cette période a pu également être accentuée par l’adoption du traité de Maastricht en septembre 1992, ce dernier pouvant faire craindre l’émergence de nouvelles contraintes imposées par l’Europe. De même, on constate que la mise en application de la loi des 35 heures en 2000 a été suivie durant trois années par une hausse du coefficient de rigidité, avant que sa tendance en baisse ne se réinstalle ; ce mouvement de hausse a pu être renforcé par l’instauration en 2002 de la monnaie unique européenne, dans la mesure où l’incertitude associée à ce changement institutionnel majeur a pu créer pour les entreprises des situations d’attente sur le marché du travail (hausse de αt) et une révision à la baisse des plans de production (on constate sur cette période une baisse du niveau d’activité, cf. figure n°8, annexe n°2). Dans l’ensemble, cette assez bonne correspondance entre l’évolution du coefficient de rigidité et la réalité historique est de nature à crédibiliser la signification économique du coefficient αt.
Coefficient alpha de l’équation du taux de chômage (*) (degré de rigidité du marché du travail)
Coefficient alpha de l’équation du taux de chômage (*) (degré de rigidité du marché du travail)
86Il peut à présent sembler intéressant de distinguer trois composantes dans le taux de chômage d’équilibre estimé, soit , lesquelles peuvent être rapprochées des composantes proposées par Allais. [33] En effet, le taux u*1,t = αt (spreadt + mt) peut être regardé comme la composante chronique induites par des exigences de revenu (salaires de réserve, marges) ou des prélèvements obligatoires jugés excessifs [34] ; notamment, pour un taux de marge mt donné, la variable spreadt montre que la composante u*1,t sera d’autant plus importante que le salaire réel de réserve augmenté des cotisations sera plus élevé que la productivité du travail. La variable spreadt peut être positive, négative ou nulle, suivant que les exigences salariales augmentées des prélèvements obligatoires sont supérieures, inférieures ou égales à la productivité. Les valeurs de αt étant positives, il en résulte que la composante chronique du chômage u*1,t peut aussi prendre des valeurs positives, négatives ou nulles, ceci même avec une marge bénéficiaire positive [35] ; autrement dit, les comportements sous-jacents à la répartition de la valeur ajoutée peuvent être globalement créateurs ou destructeurs nets d’emploi, conduisant ainsi à abaisser ou à augmenter le taux de chômage d’équilibre par rapport à une situation où cette composante n’existerait pas. Le taux u*2,t = αt b Δqt peut, quant à lui, être regardé comme la composante conjoncturelle (positive ou nulle) du chômage d’équilibre résultant d’une production trop faible pour assurer le plein emploi des facteurs de production. Enfin, les coefficients αt et fo étant positifs, le taux u*3,t = αtfo peut être regardé comme traduisant une composante frictionnelle directement liée au degré de rigidité du marché du travail. Cette composante peut en effet traduire les effets de la durée nécessaire entre le début de la recherche d’emploi et l’accession à un nouvel emploi, ainsi que les effets du progrès technique, ce dernier pouvant créer moins d’emplois dans les branches d’activité innovantes qu’en détruire dans les branches anciennes tout en allongeant le temps nécessaire à la mobilité interbranches de la main-d’œuvre, accentuant ainsi l’inadaptation des offres aux demandes d’emplois [36].
Les trois composantes du taux de chômage d’équilibre
Les trois composantes du taux de chômage d’équilibre
87La figure n°2 retrace sur l’ensemble de la période les valeurs estimées des composantes u*1,t, u*2,t et u*3,t ; ces valeurs doivent bien sûr être regardées comme conditionnelles au modèle proposé, tout en étant assorties de l’incertitude associée aux valeurs estimées de αt et des paramètres structurels, sans oublier l’hypothèse retenue pour le calage de la variable spreadt (voir annexe n°4). Notons que, par construction, ces trois composantes sont liées par un facteur commun représenté par le coefficient stochastique αt [37], ce qui signifie que le degré de rigidité du marché du travail peut conditionner le niveau du chômage par ces trois différents canaux. Sur l’ensemble de la période, les composantes chronique, conjoncturelle et frictionnelle du taux de chômage valent en moyenne respectivement 2,8 %, 2,1 % et 2,5 % ; sur la sous-période 1975-2008, ces valeurs s’élèvent respectivement à 3,5 %, 2,4 % et 2,9 % [38]. Les valeurs négatives de la composante chronique u*1,t observées jusqu’en 1968 indiquent qu’elle a pu contribuer favorablement à l’emploi en créant une tension sur le marché du travail : autrement dit, u*1,t aurait permis d’abaisser le taux de chômage observé vers des valeurs très basses (entre 1 % et 2 %) par rapport au chômage qui aurait prévalu si seules les deux autres composantes avaient existé.
88A partir du début des années 1970, et surtout après le choc pétrolier de 1973, le chômage chronique se développe fortement, atteignant un premier palier de 4 % en 1985 suivi d’un plafond d’environ 5 % pendant les années 1993-1995, pour ensuite diminuer vers une valeur se rapprochant de 3 % en fin de période. Ces évolutions rejoignent le constat souvent fait dans la littérature économique qu’un chômage imputable au partage de la valeur ajoutée en faveur des salariés s’est développé en France depuis les années 1970 jusqu’à la fin des années 1980 (Laroque et Salanié [2002], Baron et al. [2003], Lannes et Pâris [2010]). La composante conjoncturelle u*2,t connaît, quant à elle, des fluctuations d’amplitude importante allant de 0 à 4,5 % [39] ; on peut remarquer une tendance à la hausse de ce type de chômage depuis le choc pétrolier de 1973 jusqu’à la fin des années 1990. Quant à la composante frictionnelle u*3,t, elle oscille entre un minimum de 1 % en 1958 et un maximum situé autour de 4 % pendant les années 1983-1986, pour atteindre environ 2 % en fin de période, cette composante présentant une évolution plus lisse que les deux autres. Au total, même si ces chiffres doivent être considérés comme très indicatifs, ils suggèrent qu’on ne peut négliger ni les facteurs de type chronique, ni les facteurs conjoncturels, ni les facteurs frictionnels. Notamment, après le choc énergétique de 1973, les hausses de ces trois catégories de chômage se cumulent pour expliquer l’évolution du taux de chômage vers des niveaux à deux chiffres. Suivant cette analyse, la somme u*1,t + u*3,t du chômage chronique et du chômage frictionnel traduit la composante structurelle du chômage d’équilibre. La figure n°3 montre que la tendance du taux de chômage sur l’ensemble de la période est largement attribuable à cette composante [40] ; néanmoins, tout comme le chômage observé, le chômage structurel est caractérisé par une nette tendance à la baisse entre 1994 et 2008 (allant de 8,5 % à 5,6 %), les effets de la crise de 2008 sur le chômage conjoncturel n’ayant été significatifs qu’en 2009.
Chômage observé, chômage structurel, chômage conjoncturel
Chômage observé, chômage structurel, chômage conjoncturel
89Pour conclure sur le chômage, il est intéressant de constater que les résultats de notre modèle vont dans le même sens que les appréciations recueillies auprès des entreprises françaises sur une période plus récente. En effet, la Banque de France a interrogé 1 150 entreprises françaises pour savoir comment la crise a affecté leurs pratiques de gestion de la main-d’œuvre entre 2010 et 2013 (Jadeau et al. [2015]). Malgré le ralentissement de la croissance et de la productivité au cours de cette période, il ressort de cette vaste enquête que les salaires ont continué à augmenter dans la plupart des entreprises, montrant une persistance des rigidités salariales à la baisse pouvant contribuer à une hausse de la composante chronique du chômage. Les autres phénomènes évoqués par une majorité d’entreprises comme constituant un frein à l’emploi sont les incertitudes liées à la croissance économique future, aux modifications de la législation du travail et à l’évolution des charges sociales et des coûts de licenciement : nous avons vu que ces phénomènes sont directement ou indirectement pris en compte dans le modèle proposé respectivement avec les variables Δqt et αt et par l’introduction d’effets d’hystérèse partielle, donnant ainsi des éclairages sur les mesures de politique économique susceptibles d’abaisser le chômage.
L’équation estimée du taux de salaire
90Concernant le taux de salaire estimé (équation n°A11, annexe n°4, tableau n°1), il est à noter que seul le taux de syndicalisation txst s’est révélé significatif parmi les autres facteurs Xit considérés (l’annexe n°2 indique la nature de ces derniers). La valeur positive du coefficient υ1 montre que le taux de syndicalisation apparaît comme un facteur favorable aux salaires, ce qui semble assez intuitif. La valeur estimée de 0,21 du paramètre structurel κ est bien comprise dans l’intervalle théorique (0,1) et indique un rapport de force κ/ (1 – κ) de l’ordre de 1 contre 4 en moyenne entre les salariés et les employeurs en faveur de ces derniers ; un rapport s’approchant de 1 contre 2 resterait néanmoins statistiquement admissible. Ce résultat suggère que, en moyenne sur l’ensemble de la période, le salaire vu en tant que coût par l’entreprise l’emporterait sur le salaire vu en tant que revenu par le salarié ; si l’on ajoute que les entreprises fixent le niveau d’emploi correspondant au salaire négocié, les résultats illustrent bien le fait que les entreprises tiennent un rôle principal dans la détermination de la masse salariale, principale composante de la valeur ajoutée.
91La pente de l’équation d’état (A5) est significative et comprise dans l’intervalle attendu (0,1), indiquant ainsi une forte inertie dans la sensibilité ωt du salaire au taux de chômage (équation A(11)). La figure n°4 exhibe l’évolution de ωt sur la période d’analyse : l’intervalle de confiance au seuil de 5 % montre que cette sensibilité est significativement variable, fournissant ainsi une interprétation à l’instabilité constatée dans la littérature de la relation empirique entre le salaire et le chômage. On remarque que les valeurs sont négatives jusqu’en 1995 (i.e. le chômage influence négativement le taux de salaire), ce qui signifie ici que les salariés ont pesé plus lourd que les employeurs dans la relation salaire-chômage pendant cette période. Cependant, à partir de 1995, les valeurs ne sont pas significativement différentes de zéro (même si des valeurs négatives restent pratiquement toujours dans la zone qui est statistiquement admissible), traduisant ainsi une tendance à l’équilibrage des poids des salariés et des entreprises en ce qui concerne l’influence du chômage sur les salaires. Puisque , ce dernier résultat signifie que même si les salariés sont nettement plus sensibles au chômage que les employeurs (kst > kpt, voir figure n°5), leur relative faiblesse face à ces derniers au cours des négociations (κ < (1 − κ)) a pour effet de neutraliser l’effet lié aux sensibilités. Enfin, le coefficient du taux de salaire retardé indique un délai moyen d’ajustement du salaire observé dans les statistiques sur sa valeur négociée qui est de l’ordre de sept mois , confirmant ainsi l’existence d’un délai entre le salaire négocié et le salaire effectivement perçu.
Coefficient oméga de l’équation du taux de salaire (sensibilité du taux de salaire au taux de chômage)
Coefficient oméga de l’équation du taux de salaire (sensibilité du taux de salaire au taux de chômage)
Les propriétés d’ensemble du modèle chômage/salaire
92Les valeurs estimées des variables d’état stochastiques (équation du chômage) et (équation du salaire) ainsi que la valeur estimée du paramètre κ permettent de calculer par date les valeurs implicites des sensibilités kst et kpt des salariés (équation WS) et des employeurs (équation PS) par rapport au taux de chômage. La figure n°5 présente les évolutions des deux sensibilités ainsi calculées : conformément aux équations WS et PS, les valeurs de kst et kpt sont toujours positives sur l’ensemble de la période et montrent une sensibilité au chômage nettement plus forte pour les salariés que pour les employeurs (kst mesure l’importance que les premiers donnent à l’argument chômage dans leurs revendications salariales). Les médianes de kst et kpt valent respectivement 13,7 et 3,1 sur l’ensemble de la période, et 10,2 et 2,4 sur la période 1982-2008. On peut ici illustrer comment le chômage peut jouer son rôle de variable d’ajustement en considérant les valeurs des médianes obtenues sur la seconde période. Par exemple, si, au début d’une négociation, le salaire désiré par les salariés dépasse de 12,6 % celui offert par les firmes, une baisse de l’emploi décidée par ces dernières qui impliquerait une augmentation de 1 % (en point) du taux de chômage conduirait à une baisse de 10,2 % du salaire désiré par les salariés (à travers l’équation WS) et à une hausse de 2,4 % du salaire offert (à travers l’équation PS) : toutes choses égales par ailleurs, la hausse du chômage permettrait donc aux deux parties de parvenir à un accord sur le salaire.
93Par ailleurs, nous avons constaté que les sensibilités kst et kpt présentent une certaine tendance à être d’autant plus élevées que le chômage est réduit. [41] Ce constat est particulières ment net pour kst entre 1955 et 1965 ; notamment en 1958, lorsque ce coefficient atteint son pic, il n’y avait que 1 % de chômeurs : cette grande sensibilité des salariés au taux de chômage au début de la période pourrait traduire une mémoire douloureuse par rapport au chômage des années 1930, même si ce phénomène est resté plus limité en France qu’en Allemagne ou aux Etats-Unis. Au-delà de cette interprétation historico-psychologique, on peut se référer à la courbe de Beveridge qui traduit une relation négative observée entre le nombre de chômeurs et celui des emplois vacants. D’après cette courbe, en période de faible chômage, les offres d’emplois non satisfaites sont relativement nombreuses car la tension sur le marché du travail est accompagnée par une inadaptation des offres aux demandes d’emplois plus importantes qu’en période de sous-emploi massif. Dans ce contexte, en situation de faible chômage, la concurrence entre les entreprises pour attirer une main-d’œuvre adaptée à leurs besoins fera qu’elles seront incitées à proposer des salaires plus élevés que dans une situation où le chômage est important : ce comportement peut se traduire dans l’équation PS par une valeur de kpt d’autant plus élevée que le chômage est faible. Parallèlement, lorsque le chômage est faible, le défaut d’appariement important des offres aux demandes d’emplois non satisfaites peut réduire la position relative des syndicats par rapport aux entreprises relativement à une situation où ce défaut serait de faible ampleur : cela peut se traduire dans l’équation WS par une valeur de kst d’autant plus élevée que le chômage est faible.
Sensibilités estimées des salariés et des employeurs au taux de chômage
Sensibilités estimées des salariés et des employeurs au taux de chômage
94Dans l’ensemble, le modèle représente assez bien les dynamiques historiques du chômage et des salaires. En effet, malgré des écarts parfois substantiels, les figures nos 6 et 7 montrent que les valeurs du taux de chômage et du taux de salaire estimées d’après les équations de mesure (A9) et (A11) [42] décrivent les fluctuations et les points de retournements majeurs des valeurs observées. Comme indiqué sur le tableau n°1 de l’annexe n°4, on peut apprécier la qualité globale des ajustements obtenus avec le coefficient conventionnel R2 et avec le coefficient modifié R2D proposée par Harvey [1992], ce dernier étant plus sévère car il permet d’évaluer la pertinence du modèle structurel non pas par rapport à une valeur estimée constante mais par rapport à un benchmark caractérisé par une marche aléatoire avec dérive [43]. Les valeurs des R2D associées aux équations de mesure étant de 0,67 et 0,94 respectivement pour le chômage et les salaires, on voit que le modèle conduit à des ajustements de qualité sensiblement meilleure que ceux correspondant à ce benchmark. Par ailleurs, nous avons estimé le système composé des équations (A9) et (A11) en imposant sur ces dernières les contraintes αt = αo et ωt = ωo. Les résultats obtenus infirment fortement ces contraintes, confirmant ainsi la pertinence du modèle à coefficients variables. Enfin, les propriétés des valeurs standardisées des résidus et montrent que la spécification du modèle est statistiquement acceptable, puisque, au regard des tests applicables au filtre de Kalman, on peut admettre l’absence d’autocorrélation, l’homoscédasticité et la normalité. En outre, ces résultats suggèrent que les contraintes théoriques se traduisant a priori par les valeurs unitaires des coefficients associés au niveau des prix, à la productivité et aux taux de marge et de cotisation dans les équations WS et PS, sont admissibles a posteriori, au moins dans le cadre du modèle proposé.
Valeurs observées et valeurs estimées du taux de chômage
Valeurs observées et valeurs estimées du taux de chômage
Taux de variation des valeurs observées et valeurs estimées du taux de salaire horaire brut
Taux de variation des valeurs observées et valeurs estimées du taux de salaire horaire brut
95Nous concluons ce travail avec l’idée que la théorie économique permet d’éclairer au niveau macroéconomique les grands traits des évolutions historiques du chômage et des salaires en France. Le principal apport de cette contribution est sans doute d’avoir exhibé sur une longue période les principaux facteurs économiques des évolutions du chômage et des salaires à l’aide d’une version basique du modèle de négociation WS-PS assortie d’un degré de rigidité du marché du travail variable au cours du temps. Le caractère multidimensionnel, latent et non directement quantifiable de ce phénomène nous a conduits à représenter sa dynamique par un processus stochastique récursif estimé suivant la méthode du filtre de Kalman. Dans l’ensemble, nous avons pu constater une assez bonne correspondance entre l’évolution du coefficient de rigidité estimé et la réalité historique. Toutefois, une limite de cet exercice est que, même si on admet que les facteurs sous-jacents au degré de rigidité sont globalement représentés, ils ne sont pas pour autant précisément identifiés.
96Moyennant des hypothèses auxiliaires portant sur la représentation du salaire de réserve et sur les facteurs de nature macroéconomique s’ajoutant aux facteurs microéconomiques qui sont explicités par les équations WS et PS, nous avons estimé le taux de chômage d’équilibre et le taux de salaire négocié qui lui correspond. Les résultats obtenus dans ce cadre d’analyse montrent que le taux de chômage observé s’ajuste progressivement sur sa valeur d’équilibre (on peut évoquer ici les coûts sociaux associés au chômage), celle-ci correspondant à la situation où les salariés et les firmes ont trouvé un accord salarial. Trois composantes peuvent être distinguées dans le taux de chômage d’équilibre, l’importance relative de chacune d’elles variant sensiblement suivant les années : une composante chronique résultant des facteurs sous-jacents à la répartition de la valeur ajoutée (salaire réel de réserve, taux de marge, cotisations sociales, productivité), une composante conjoncturelle résultant d’un niveau de production inférieur à sa valeur potentielle et une composante frictionnelle attribuable au degré de mobilité insuffisant de la main-d’œuvre et au progrès technique. Ces trois composantes se révélant très significatives, ce résultat va dans le sens de l’idée selon laquelle la lutte contre le chômage doit être menée simultanément sur plusieurs fronts : en agissant sur les facteurs conditionnant le partage de la valeur ajoutée (minima de salaire, cotisations sociales, politique de formation et d’innovations destinées à accroître la productivité, fiscalité…), en menant une politique macroéconomique de relance de l’activité, ou encore en instaurant une politique structurelle visant à améliorer la mobilité de la main-d’œuvre ou à augmenter la flexibilité du marché du travail (règles de l’assurance chômage, modalités de licenciement, caractéristiques des contrats de travail…). Nos résultats restent naturellement conditionnels aux hypothèses auxiliaires retenues pour représenter les variables non directement mesurables ou non identifiées par la théorie (salaire de réserve, degré de rigidité, autres facteurs).
97Le taux de salaire négocié est, quant à lui, représenté par une moyenne pondérée du salaire désiré par les salariés (équation WS) et du salaire offert par les firmes (équation PS), le coefficient de pondération traduisant le rapport de force entre les deux parties. En raison du temps de mise en place des contrats de travail, le salaire observé s’ajuste avec délai sur sa valeur négociée, laquelle dépend du salaire de réserve, des cotisations sociales, du niveau des prix, de la productivité, du taux de marge des entreprises, du taux de syndicalisation et enfin du taux de chômage dont l’influence varie au cours du temps. Les résultats obtenus concernant le taux de salaire mettent en évidence quatre enseignements généraux. Le premier est que, en moyenne, les employeurs domineraient assez nettement les salariés au cours des négociations ; dans une version ultérieure du modèle, il serait pertinent de pouvoir permettre à ce rapport de force de varier au cours du temps. Le deuxième enseignement est que le salaire de réserve serait en moyenne situé à environ 15 % au-dessus du Smic, cet écart ayant tendance à s’accentuer au cours de la période. Le troisième enseignement est que les sensibilités, par rapport au taux de chômage des salaires désirés (WS) et offerts (PS), sont variables au cours du temps ; ce phénomène peut fournir une explication à l’instabilité de la relation empirique salaire/chômage constatée dans la littérature. Un dernier enseignement est que nos résultats confirment la pertinence de la distinction faite entre cinq concepts de salaire : le salaire désiré par les salariés dont la valeur dépend du salaire de réserve (équation WS), le salaire négocié qui résulte de la confrontation entre le salaire désiré par les salariés et le salaire offert par les employeurs (équation PS), et enfin le salaire observé qui est le résultat de la mise en application du contrat de salaire négocié.
98En restant à un niveau macroéconomique, un prolongement naturel de ce travail serait d’appliquer l’approche proposée à d’autres pays où il existe un salaire minimum légal sur une période suffisamment longue. Une autre extension serait d’examiner la validité de cette approche à un niveau régional, sachant que des statistiques régionales existent en France sur le chômage, les salaires et la production. Ces deux voies de recherche pourraient permettre d’évaluer le degré de robustesse et de généralité de l’approche proposée – propriétés souvent antinomiques – dans l’espoir d’enrichir et d’étoffer cette approche.
Annexe 1. Hypothèses auxiliaires sur le salaire de réserve, le degré de rigidité, les autres facteurs et les délais d’ajustement
a – Représentations de sRt, αt et ft dans l’équation (3) du taux de chômage d’équilibre
99Salaire nominal de réserve sRt [44]
101 : trend HP (Hodrick-Prescott) du Smic horaire net.
102Degré de rigidité αt du marché du travail (équation d’état stochastique)
104Autres facteurs ft = fpt + fst conditionnant les prix et les salaires
106Δqt : écart (%) entre le log de la production potentielle et le log du PIB réel observé représente le trend HP de qt augmenté d’une constante de 4.46% correspondant au minimum de l’écart par rapport au trend (observé en 1973), permettant ainsi d’assurer une valeur positive ou nulle de Δqt sur l’ensemble de la période. Bien qu’arbitraire, le choix du filtre HP ne semble conditionner que modérément l’évaluation de Δqt [45].
b – Représentations de srRt, ωt et des « autres facteurs » dans l’équation (5) du taux de salaire négocié
107Salaire réel de réserve srRt
109où sRt est déterminé suivant l’équation (A1) ; en cohérence cette dernière, est le trend HP de l’indice des prix à la consommation.
110Sensibilité du taux de salaire au taux de chômage (équation d’état stochastique)
112Influence des « autres facteurs » sur les salaires
113Soit (pour les Xit, voir annexe n°2).
114En posant ai = bci, la relation (A3) permet d’écrire avec , et . Il en résulte que l’on a :
116avec , où asi et api représentent les sensibilités de fst et fpt aux facteurs Xit. On voit donc que les coefficients υi et co peuvent éventuellement s’annuler.
c – Ajustements progressifs des valeurs observées du chômage et du salaire sur leurs niveaux d’équilibre, et expressions des équations économétriques du taux de chômage et du taux de salaire
117Equation du taux de chômage observé ut
118Le taux de chômage observé s’ajuste progressivement sur sa valeur d’équilibre u*t :
120En reportant (A3) dans l’équation (3) (donnée dans le texte), on obtient l’expression suivante du taux de chômage d’équilibre u*t :
122En reportant (A8) dans l’équation (A7), et en ajoutant un terme d’erreur , on obtient l’équation suivante du taux de chômage devant être estimée :
124où , sachant que sRt et αt sont exprimés respectivement par les équations (A1) et (A2). [46]
125Equation du taux de salaire observé st
126Le salaire observé s’ajuste progressivement sur sa valeur théorique négociée S*t (log) :
128En reportant (A6) dans l’équation (5) du salaire négocié (donnée dans le texte) et l’équation résultante dans (A10), et en ajoutant un terme d’erreur , on obtient l’équation devant être estimée du taux de salaire brut :
130où ωt et srRt sont exprimés par les équations (A4) et (A5).
Annexe 2. Quelques facteurs Xit de la marge de production disponible Δqt
131Nous montrons que la marge de production disponible Δqt (cf. annexe 1-b, équation (A3)) capture implicitement un certain nombre de facteurs macroéconomiques conjoncturels Xit susceptibles d’influencer le taux de chômage d’équilibre. [47] La variable Δqt est apparue empiriquement liée aux variables suivantes, cette liste n’étant bien sûr pas limitative [48] (pour les séries, voir annexe n°3) :
132rt : taux d’intérêt réel (% an) ; où jt est le rendement des obligations des sociétés (série 14) et le taux d’inflation anticipé [49].
133mt : taux de marge bénéficiaire brut des sociétés non financières, en % (série 16)
134couvt : indicateur de compétitivité internationale (taux de couverture des importations par les exportations, ensemble des biens et services (rapport entre la valeur des exportations et celle des importations)), en % (série 17)
135μt : taux de croissance conjoncturel de la masse monétaire , avec = taux de variation de la masse monétaire M1 (série 18), en % an ; : valeur moyenne de
136 : taux de variation des prix de gros (série 22)
137txst : taux de syndicalisation des salariés (série 20).
138La valeur retardée de Δqt est introduite dans la régression pour traduire une influence progressive des variables Xit. En utilisant la méthode de Newey-West (robuste à l’autocorrélation et à l’hétéroscédasticité éventuelles des erreurs) et en retenant les retards optimaux, les résultats obtenus sont les suivants (1955-2008) :
140Breusch-Godfrey serial correlation LM test :
141F statistic p-value (4 retards) = 0,17
142ARCH test : F statistic p-value (1 retard) = 0,69
Marge de production disponible : valeurs observées et calculées
Marge de production disponible : valeurs observées et calculées
143Les p-values associées aux tests de diagnostic sur les résidus permettent de conclure à l’absence d’autocorrélation (LM) et d’hétéroscédasticité (ARCH) au seuil de 5 %. La figure n°8 montre que les valeurs calculées représentent les principales fluctuations des valeurs observées. Les signes des coefficients estimés semblent assez intuitifs. Le coefficient négatif trouvé pour le taux d’intérêt réel (indicateur du coût du capital) est conforme au signe attendu lorsque les facteurs de production sont plus substituables que dans une fonction de production Cobb-Douglas (l’Horty et Rault [2003]). Le coefficient négatif de la marge bénéficiaire des sociétés montre que les entreprises produisent d’autant plus que leurs marges sont importantes [50]. De même, le coefficient négatif du taux de couverture suggère que le niveau de production est d’autant plus élevé que l’économie est compétitive au niveau international. L’influence négative des variations passées de la quantité de monnaie montre que ces dernières apparaissent comme un facteur conjoncturel favorable à la production [51]. Le signe négatif du coefficient du taux de variation des prix de gros (on retrouve ici indirectement la relation négative inflation-chômage) et le signe positif du coefficient de son carré suggèrent l’hypothèse d’un taux d’inflation « optimal », c’est-à-dire d’une valeur minimisant la marge de production disponible ; cette valeur est estimée ici à 7 %, mais une valeur plus réaliste de l’ordre de 3 % à 4 % reste admissible au regard des intervalles de confiance. Enfin, le coefficient négatif du taux de syndicalisation suggère qu’en soutenant la hausse des salaires (comme le montre la valeur positive de ce taux obtenue dans l’équation du taux de salaire (voir annexe n°4, tableau n°1, équation (A11), coefficient v1), une hausse de ce taux a pour effet d’augmenter la demande de biens, incitant ainsi les entreprises à accroître le niveau de production (i.e. diminution de Δqt)
Annexe 3. Séries chronologiques utilisées, données annuelles, 1950-2008
1441. PIB aux prix du marché (indice). Source : Insee.
1452. Salaire annuel moyen net des prélèvements, en euros (cotisations salariales, CSG, CRDS). Salariés à temps complet des entreprises du secteur privé et semi-public (y compris les apprentis et stagiaires) en France. Ce champ couvert est en accord avec la statistique du nombre de chômeurs, puisque cette dernière exclut les fonctionnaires. Source : http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?ref_id=asfrevenus
1463. Cotisations salariales annuelles moyennes (en euros) = (taux des cotisations salariales par rapport au salaire moyen annuel brut x salaire moyen annuel net (série 2))/(1- taux des cotisations par rapport au salaire moyen annuel brut), où le taux des cotisations par rapport au salaire moyen annuel brut est donné par l’Insee. Source : idem série 2.
1474. Cotisations patronales annuelles moyennes (en euros) = taux des cotisations par rapport au salaire moyen annuel brut x salaire annuel moyen brut (série 5). Source : idem série 2.
1485. Salaire annuel moyen brut (euros) = salaire moyen annuel net (série 2) + cotisations salariales moyennes annuelles (séries 3).
1496. Coût total annuel moyen du travail (euros) = salaire annuel moyen brut (série 5) + cotisations patronales annuelles moyennes (série 4).
1507. Indice des prix à la consommation, ensemble. Source : Insee.
1518. Indice du prix de la valeur ajoutée brute, total des branches. Source : Insee, comptes nationaux.
1529. Indice déflateur du PIB. Source : Insee
15310. Indice de productivité horaire du travail = [(série 1) / série (9)] / [(série 13) x (série 15)].
15411. Nombre de chômeurs au sens du BIT (milliers) : toute personne en âge de travailler, sans emploi durant la semaine de référence, disponible sous 15 jours et recherchant activement un emploi. Source : Insee.
15512. Population active au sens de la comptabilité nationale (milliers). Totalise les actifs employés dans les différents secteurs de l’économie à partir des sources administratives + les chômeurs au sens du BIT + les jeunes effectuant leur service national. Source : Insee.
15613. Population active salariée totale occupée (milliers). Les chômeurs n’y sont pas comptabilisés. Source : Insee.
15714. Taux d’intérêt à long terme, % an : rendement des emprunts d’Etat à long terme (obligations). Sources : 1950-1969 : Insee, « taux de rendement en bourse des d’Etat, long terme ». Depuis 1970 : Banque de France « taux des emprunts d’Etat à 7-10 ans ».
15815. Durée annuelle du travail pour un salarié (en heures travaillées). Il n’existe pas de série longue et continue. Source : ministère du Travail, Statistique rétrospective de la durée hebdomadaire du travail de 1946 à 1984, Paris [1985], 10 p. Première estimation fournie pour la période 1970-1997 par M.-M. Bordes et C. Gonzalez -Demichel, Marché du travail, séries longues, op. cit, 1998, p 175. La série est rétropolée pour la période 1950-1969 sur la base des données fournies dans O. Marchand, C. Thélot, Le travail en France, 1800-2000, Paris, Nathan [1997], p 240, qui fournit une estimation de la durée du travail de tous les actifs pour dix années repères entre 1949 et 1995. Pour 1990-1997, moyenne arithmétique de la série Bordes-Gonzalez et de la série « durée annuelle du travail des salariés, par branche », tableau Insee en ligne, n°2.210a, puis série en ligne seule depuis 1998.
15916. Taux de marge bénéficiaire des entreprises = excédent brut d’exploitation / valeur ajoutée des sociétés non financières (%). Source : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF08117
16017. Taux de couverture des importations par les exportations (%) = valeur des exportations / valeur des importations, ensemble des biens et services. Source : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=NATnon08459
16118. Masse monétaire M1. Dépôts à vue, billets et pièces en circulation, en milliards de francs, valeurs en fin d’année. Nous avons complété les données en francs à partir de l’année 2000, sur la base du passif du bilan des institutions financières et monétaires hors Banque de France. Source : http://www.banque-france.fr/economie-et-statistiques/monnaie-et-finance.html
16219. Journées de grève (journées individuelles non travaillées) en millions. Sources : ministère du Travail, puis ministère des Affaires sociales.
16320. Taux de syndicalisation en France des salariés des secteurs public et privé. Sources : ministère de l’Emploi, Premières Synthèses, n°16.1 [2008], avril. Le tableau n°1 de ce document d’étude montre que les taux de syndicalisation sont très proches entre les entreprises privées, les entreprises publiques et la fonction publique.
16421. Smic horaire net en euros courants. Le Smic horaire brut en euros courants est connu depuis 1950 en moyenne annuelle (http://france-inflation.com/smic.php). L’Insee a également publié des séries annuelles du Smic mensuel brut et net en monnaie constante (déflaté par les prix à la consommation) sous forme d’indice base 1951=100 (http://www.insee.fr/fr/default.asp). Les valeurs nettes sont celles dégagées des prélèvements sociaux (cotisations, CSG, CRDS). Nous avons calculé le Smic horaire net en euros courants en multipliant le Smic horaire brut en euros courants par le rapport Smic mensuel net en monnaie constante / Smic mensuel brut en monnaie constante.
16522. Indice des prix de gros. Pour 1950-1980 : Bryan R. Mitchell, International Historical Statistics, Europe 1750-1993, op. cit, p 863. Depuis 1980 : Insee, Séries longues, Insee Conjoncture, Paris, éd. 2003, p. 44 puis en ligne. L’Insee a cessé de calculer un indice officiel des prix de gros au début des années 1990. La Banque mondiale continue à publier cet indice notamment pour la France (http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FP.WPI.TOTL).
Annexe 4. L’estimation du modèle espace/état
166Le système espace/état présenté dans le texte comprend deux équations de mesure ((A9) et (A11)) et deux équations d’état ((A2) et (A5)). Ce système ne pose pas de problème d’identification et a été estimé sur la période 1955-2008 (54 années) suivant le principe du maximum de vraisemblance (Harvey [1992], Hamilton [1994]) [52]. On doit noter que l’écart relatif spreadt figurant dans l’équation (A9) du chômage n’est a priori défini qu’à une constante de calage près, puisque, contrairement au Smic horaire net qui est exprimé en euros courants, les séries du niveau des prix Pt et de la productivité du travail Πt sont sous forme d’indices. Pour « caler » ces séries entre elles, on a supposé qu’au moment de la création du Smig en 1950, les variables institutionnelles conditionnant le coût réel du travail (i.e. salaire minimum et cotisations) s’équilibrent avec la productivité du travail. Bien qu’arbitraire, cette hypothèse paraît néanmoins historiquement crédible [53]. Pour ce faire, les séries Pt, Πt et SMICt étant toutes mises en indices 1950 = 1, nous avons calculé la constante de calage cste = – 0,33 satisfaisant en 1950 la condition smict + cst + cet − pt − πt + cste = 0 (smict = log(SMICt)), puis répercuté cette valeur sur la variable spreadt [54].
167Les valeurs du taux de chômage et du taux de salaire estimées dans le cadre du modèle ne dépendent pas de ce calage, mais il conditionne les importances respectives des composantes chronique et frictionnelle estimées du chômage (cf. figure n°2).
168Les variables d’état αt et ωt sont supposées suivre classiquement des processus AR(1) avec dérive. Les résultats obtenus avec un processus AR(2) ou d’un ordre supérieur, ou encore incluant des variables observables ont montré que ces élargissements du processus ne sont pas du tout empiriquement pertinents. Les valeurs initiales des variables d’état αt et ωt ont été déterminées par balayage de manière à minimiser les critères d’information (Akaike, Schwarz-Hannan et Quinn) [55]. On doit noter que les applications empiriques utilisant la méthode du filtre de Kalman peuvent donner lieu à des difficultés liées à l’estimation des variances du résidu (appelé « innovation ») de l’équation de mesure (encore dénommée « signal ») et du résidu (appelé « bruit ») de l’équation d’état, ces variances appartenant à l’ensemble des hyperparamètres estimés. En effet, l’économètre peut se trouver face à une non-convergence de l’estimation (i.e. l’algorithme conduit à un maximum local et non global, de sorte que les paramètres estimés ne convergent pas vers leurs vraies valeurs), ou encore, notamment lorsque la variance de l’équation de mesure est trop petite par rapport à celle du bruit, à des évolutions « exotiques » de la variable d’état. En fait, il est possible de minimiser le risque de rencontrer cette dernière difficulté en initialisant les variances avec des valeurs suffisamment élevées (Stock et Watson [1998], Durbin et Koopman [2001]) et c’est pourquoi nous avons suivi cette recommandation lors de nos estimations. Dans le cas où il existe à l’évidence une non-convergence, les modélisateurs ont pour pratique d’imposer des contraintes sur les variances, notamment en fixant arbitrairement la valeur du ratio signal/ bruit (signal-to-noise ratio) égal au rapport entre la variance du résidu de l’équation de mesure et la variance du résidu de l’équation d’état [56]. En pratique, cette contrainte n’a pas été nécessaire lors de nos estimations, sachant néanmoins que les variances ont été estimées en imposant une contrainte de positivité (voir note du tableau n°1 ci-après) [57].
169Le tableau n°1 donne les valeurs estimées des paramètres [58] ainsi que les statistiques associées aux différents tests de diagnostic effectués sur les valeurs standardisées des résidus et , ces tests ayant été conçus par Harvey [1992] spécifiquement pour le filtre de Kalman. Les résultats obtenus permettent de conclure au seuil de 5 % à l’absence d’autocorrélation Q et d’hétéroscédasticité hH, et à la normalité HK au seuil de 1 % (il n’y a donc pas un nombre significatif de points pouvant être considérés comme aberrants). Ces propriétés des résidus montrent que les conditions d’application du filtre de Kalman sont satisfaites et que la spécification du modèle est statistiquement globalement acceptable.
Estimation simultanée du taux de chômage et du taux de salaire suivant la méthode du filtre de Kalman
Estimation simultanée du taux de chômage et du taux de salaire suivant la méthode du filtre de Kalman
Notes : l’estimation du système composé des équations (A9), (A11), (A2) et (A5) (voir texte) a été réalisée sur la période 1955-2008 (54 années) avec la méthode du maximum de vraisemblance. Les chiffres en italiques entre parenthèses représentent les valeurs de la statistique z (qui s’interprète comme la statistique t). Les variances des résidus et de (i = u, s) ont été estimées respectivement sous la forme et , garantissant ainsi leur positivité. Les valeurs initiales de αt et ωt minimisant les critères d’information sont respectivement 0,053 et -0,795. R2D est le coefficient de détermination modifié de Harvey [1992] : une valeur positive indique que le modèle proposé est plus performant qu’une marche aléatoire avec drift. (*) La constante, non significative, a été éliminée de l’ajustement final. (**) Q et hH sont les statistiques associées respectivement aux tests d’autocorrélation de Ljung-Box (nombre de retards : p = T1/2 ≈ 7) et d’hétéroscédasticité des résidus, ces tests ayant été adaptés par Harvey pour le filtre de Kalman (Harvey [1992]). Au seuil de 5 %, les valeurs obtenues pour Q étant inférieures aux valeurs critiques tabulées χ25 et χ23 respectivement pour l’équation du chômage et celle des salaires (ces valeurs sont indiquées entre parenthèses après les statistiques), on peut conclure pour les deux équations à l’acceptation de l’hypothèse nulle d’absence d’autocorrélation ; de même, les valeurs de la statistique hH étant pour les deux équations inférieures à la valeur tabulée χ218 (18 = T/3), on peut conclure à l’absence d’hétéroscédasticité. HK (test de normalité des résidus) donne les p-values associées à la statistique de Harvey-Koopman adaptée au le filtre de Kalman : les valeurs obtenues permettent de conclure que l’hypothèse de normalité est admissible au seuil de 1 % tant pour l’équation du chômage que pour l’équation du salaire. AIC, SC et HQ désignent respectivement les statistiques associées aux critères d’information d’Akaike, de Schwarz-Hannan et de Quinn ; AICs, SCs et HQs donnent les valeurs de ces mêmes statistiques obtenues en imposant des valeurs constantes pour αt et ωt (méthode Seemingly Unrelated Regression). (***) LR est le rapport de log-vraisemblance (distribution χ2δ(4)) permettant de tester de l’hypothèse nulle Ho (αt = αo, ωt = ωo) ; la valeur calculée de 58,2 étant largement supérieure à la valeur critique tabulée au seuil de δ = 5% (9,49), on conclut au rejet de Ho.Bibliographie
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Notes
-
[1]
Cet article étant consacré aux dynamiques historiques, nous laisserons de côté les contributions portant sur la « wage curve », laquelle établit en coupe transversale une corrélation négative entre le salaire réel et le taux de chômage suivant les régions d’un pays, les observations correspondant à des moyennes sur une période donnée (Blanchflower et Oswald [1995]). La « wage curve » a été validée pour 43 pays (Blanchflower et Oswald [2005]), ce qui, contrairement avec la courbe de Phillips initiale, montre la robustesse de ce fait stylisé.
-
[2]
Les auteurs suggèrent aussi que, pour déterminer le taux de chômage d’équilibre, il est possible de « mixer » la courbe de Phillips avec certaines hypothèses sous-jacentes à l’approche WS-PS.
-
[3]
Les auteurs proposent un élargissement du cadre théorique WS-PS avec un processus endogène d’accumulation du capital, justifiant ainsi a priori la présence du taux d’intérêt réel dans l’équation de prix PS.
-
[4]
Les auteurs enrichissent le modèle en introduisant des éléments dynamiques. Notamment, les firmes décident de leurs niveaux d’embauche et d’investissement de manière à maximiser leurs profits inter-temporels. Dans ce cadre, les anticipations des agents génèrent une persistance du chômage observé.
-
[5]
Il est à noter que, contrairement aux approches issues de la courbe de Phillips, WS-PS est applicable à l’analyse de données désagrégées (cf. notamment Cahuc et al. [2000], Doisy et al. [2001]).
-
[6]
L’article séminal est Pissarides [1985]. Le modèle DMP complet est présenté dans de chapitre 1 de l’ouvrage de Pissarides [2000], 1ère éd. 1990.
-
[7]
A ce propos, dans le cadre DMP, Shimer [2012] met en évidence une asymétrie caractérisée par le fait que, depuis 1948 aux Etats-Unis, la probabilité de trouver un emploi pour un chômeur rend compte d’environ 75 % des fluctuations du taux de chômage alors que la probabilité de perdre un emploi pour un travailleur ne rend compte que de 25 % du taux de chômage.
-
[8]
Dans le droit fil de Pissarides [2000], L’Haridon et Malherbet [2009] développent un modèle dynamique du marché du travail en distinguant différentes branches d’activité dans le but d’analyser au plan théorique les interactions entre les politiques du marché du travail et les niveaux de centralisation des négociations.
-
[9]
Les approches dynamiques du modèle WS-PS placent le marchandage salarial entre syndicats et employeurs dans un cadre inter-temporel avec un horizon d’une période (voir tout particulièrement Cahuc et Zylberberg [1999] ainsi que d’Autume [2001]). Dans ce cadre théorique plus sophistiqué, il devient possible de distinguer une courbe WS de court terme et une courbe WS de long terme, et de déterminer à la fois les niveaux d’équilibre du chômage, du salaire réel et de l’intensité capitalistique ; en outre, par rapport au modèle statique où le taux de marge est supposé exogène, ce taux dépend positivement du niveau d’emploi. Malgré ces avantages, nous n’avons pas retenu une approche dynamique pour deux raisons. La première tient au fait que les spécifications sont nettement plus complexes et nécessitent des hypothèses additionnelles sur l’horizon, les anticipations, le taux d’actualisation et le processus d’accumulation du capital. La seconde raison concerne le mode de validation empirique : le fait de substituer le calibrage du modèle à son estimation économétrique s’écarte de l’objectif de notre travail qui s’intéresse aux évolutions historiques des salaires et du chômage.
-
[10]
Les analyses de long terme présentées par Boyer [1978] et Villa [1994] montrent que la flexibilité du marché du travail est en France est un phénomène très évolutif conditionnant la relation entre le salaire et le chômage. Laffargue et l’Horty [1997] estiment pour la France au niveau sectoriel des équations de demande de travail et de salaire et en déduisent une forte rigidité de l’emploi sur la période 1970-1993, le coût du travail paraissant, quant à lui, plus flexible.
-
[11]
Voir les équations (1) et (2) et la figure n°6 pp. 12-13 de l’ouvrage.
-
[12]
Parmi bien d’autres, voir par exemple Bonnet [1999]). Les formes (a priori inconnues) des fonctions d’utilité (salariés) et de production (firmes) conditionnent bien sûr les formes des fonctions φ1 et φ2 (d’Autume [2001]). Remarquons que si ces dernières sont de la forme φi (.) = exp(kit ut + bi zit), avec i = (p, s), le passage entre les équations PS et WS spécifiées en niveau et leurs formes logarithmiques s’effectue d’une manière stricte. En tout état de cause, dans la mesure où, pour les variables de niveau, les agents sont plus sensibles aux évolutions relatives qu’aux évolutions absolues, on peut penser que les logarithmes traduiront mieux la réalité des comportements.
-
[13]
Les équations (1) et (2) s’inspirent notamment de celles présentées par Le Bihan et Sterdyniak [1998] et Simonnet [2008]. On remarque que les agents ne sont pas soumis à l’illusion monétaire.
-
[14]
Le taux de marge brut inclut de facto l’impôt sur les bénéfices que les entreprises répercutent sur leurs prix de vente ; en outre, ces dernières sont supposées fixer leurs taux de marge en tenant compte de la TVA due.
-
[15]
L’inclusion du taux de marge comme argument dans l’équation des prix PS est justifiée par le fait que, si le salaire réel est égal ou supérieur à la productivité du travail (cf. par ex. la théorie du salaire d’efficience), cela ne doit pas impliquer que la firme accepte un profit nul ou négatif. En effet, dans la situation de concurrence monopolistique considérée ici, la firme peut fixer un prix supérieur au coût marginal afin de s’octroyer une marge positive.
-
[16]
Rappelons que le Smig a été créé en février 1950 et a été remplacé en janvier 1970 par le Smic et le Minimum garanti, ce dernier servant de base de calcul pour l’allocation de certaines prestations sociales. La série reconstituée par l’Insee consiste à remplacer le Smig par le Smic à partir de 1970. A la différence du Smig indexé sur l’inflation, le Smic est revalorisé en ajoutant à l’inflation la moitié de l’augmentation du pouvoir d’achat du salaire horaire de base ouvrier (il peut néanmoins bénéficier de hausses supplémentaires de la part du gouvernement).
-
[17]
On peut d’autant mieux comprendre qu’un chômeur touchant le RMI puisse éventuellement accepter un emploi rémunéré en dessous du Smic (mais au-dessus du RMI) que le chômage implique un coût humain lié à la dévalorisation du capital humain et à la désinsertion sociale. Notons que certaines catégories de salariés peuvent être légalement rémunérées à un salaire inférieur au Smic (mineurs ayant moins de six mois d’expérience, jeunes en contrat d’apprentissage, stagiaires, travailleurs handicapés…).
-
[18]
Pour les chômeurs bénéficiant du RMI, le coefficient de variation des réponses (écart-type/moyenne) est de 26 %, cette valeur atteignant 45 % pour les chômeurs indemnisés.
-
[19]
Rappelons ici que les théories microéconomiques du marché du travail décrivent les nombreuses sources endogènes de rigidité salariale, avec en particulier la théorie du salaire d’efficience (Shapiro et Stiglitz [1984], le modèle Insider-Outsider (Lindbeck et Snower [1989]) et la théorie des contrats implicites (Azariadis [1975]). Le degré de flexibilité des salaires et de l’emploi peut donc varier au cours du temps, non seulement en raison des contraintes institutionnelles légales (contrats de travail, minima sociaux, indemnités de licenciement, conventions collectives, indexation des salaires…), mais encore en raison des comportements des acteurs. Au plan empirique, Bonnet [1999] présente une analyse basée sur la courbe de Phillips montrant l’importance des rigidités à la baisse des salaires dans les pays de l’OCDE (1969-1994, Etats-Unis, Japon, pays européens). On peut aussi mentionner l’analyse de Laroque et Salanié [2002] qui montrent, sur la base d’une enquête menée en 1997, l’existence pour les femmes françaises mariées d’un chômage dit « classique » attribuable à une rigidité salariale induite par l’existence d’un salaire minimum.
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[20]
On peut notamment citer le taux intérêt réel, le taux de remplacement, le rapport entre le salaire minimum et le salaire moyen, les allocation chômage, la balance commerciale, la durée du chômage, le « mark-up » des prix sur les salaires, les termes de l’échange, le taux de syndicalisation, le taux de destruction d’emploi, le taux de croissance de la population active, la part des profits dans la valeur ajoutée, le taux d’inflation, la structure du chômage…
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[21]
Cette hypothèse peut formellement se traduire par le processus anticipatif de type régressif , avec μ > 0, et qo quelconque, où est le taux de croissance anticipé de la production.
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[22]
A ce propos, Chagny et al. [2002] suggèrent que la variable Δqt peut conditionner le taux de marge désiré des entreprises dans l’équation PS.
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[23]
On remarque que, reportée dans l’équation du chômage d’équilibre (3), l’équation (A3) établit un lien entre le chômage et la production, rejoignant ainsi la loi empirique d’Okun [1962].
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[24]
Cette identification sera utile pour l’estimation de l’équation de salaire (voir équation (A6), annexe n°1-b).
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[25]
Même si les syndicats prennent en compte le niveau des prix au cours des négociations, les contrats de travail sont fixés en termes de salaire nominal ; c’est pourquoi nous avons considéré ce dernier comme variable endogène plutôt que le salaire réel. En tout état de cause, les résultats obtenus suivant les deux approches sont très voisins.
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[26]
On aimerait bien sûr pouvoir autoriser le coefficient κ à varier au cours du temps. Une telle spécification n’est malheureusement pas envisageable ici car l’algorithme du filtre de Kalman ne permet pas de multiplier entre elles des variables d’état.
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[27]
Voir notamment Layard-Nickell-Jackman [1991], équation (16), p. 431.
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[28]
Nous avons alternativement envisagé un modèle à correction d’erreur : les résultats n’ayant pas été améliorés, le processus adaptatif, plus simple, a été retenu.
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[29]
Les variables sous forme de taux sont exprimées en pourcentage dans l’équation du taux de chômage et en valeur décimale dans l’équation de salaire.
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[30]
A titre d’indication, le R2 entre le taux de chômage d’équilibre estimé et sa composante déterministe s’élève à 0,87 sur l’ensemble de la période. Par comparaison, le R2 entre û*t et sa composante stochastique s’élève 0,73 (le R2 entre ces deux composantes valant 0,42). Par conséquent, bien que les deux catégories de facteurs se complètent d’une manière très significative pour expliquer l’évolution du chômage d’équilibre, les facteurs économiques déterministes restent assez nettement dominants par rapport aux facteurs stochastiques de rigidité.
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[31]
A l’inverse, la baisse de αt observée en 1970 pourrait être rapprochée du projet de « Nouvelle société » du premier ministre Jacques Chaban-Delmas qui cherchait à mettre en place à l’automne 1969 une politique d’ouverture avec les syndicats concernant la négociation des conditions de travail et les rémunérations.
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[32]
La rupture de 1982-1983 est liée à des modifications dans les conventions collectives – dont notamment la désindexation progressive des salaires sur les prix – et a eu pour effet d’augmenter significativement la flexibilité du marché du travail (Blanchard et Sevestre [1989], Ralle et Toujas-Bernate [1990], Desplatz et al. [2003]). Heyer et al. [2007] confirment ces résultats dans le cadre du modèle WS-PS en utilisant la méthode du filtre de Kalman. Le retournement en baisse du partage de la valeur ajoutée en défaveur des salariés à partir de ces années illustre bien ce changement de tendance (Meurs [1990], Gérard-Prenveille [2003]).
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[33]
En effet, en se référant à ses exposés théoriques présentés dans le chapitre V de son Traité d’économie pure [1994], 1ère éd. 1943, Allais [1980, 1981] a proposé une explication du taux de chômage en France sur la période 1952-1978 par une combinaison linéaire de trois composantes (voir Prat [2016]) : i) le rapport (salaire réel + charges sociales) / productivité traduisant du chômage chronique (à rapprocher de notre variable spreadt), ii) l’écart à la tendance de la production, représentant le chômage conjoncturel (à rapprocher de notre variable Δqt), et enfin iii) une constante représentative du chômage technologique (à rapprocher de notre constante fo). Allais [1999] a par la suite proposé une décomposition du chômage en cinq catégories : chômage chronique, chômage conjoncturel, chômage dû au libre échange mondialiste, chômage dû à l’immigration, et enfin chômage technologique. Avouons que l’approche empirique proposée par l’auteur pour mesurer ces cinq types de chômage est loin d’avoir emporté notre conviction.
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[34]
Rappelons ici que la France se situe parmi les pays de l’OCDE où les cotisations sociales sont les plus élevées (voir notamment Lannes et Pâris [2010]).
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[35]
Entre 1950 et 2008, le taux de marge oscille autour d’un niveau moyen de 28,4 % avec une amplitude modérée (écart-type de 2,6 %).
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[36]
Le chômage dit frictionnel renvoie aux modèles de « job search » (Stigler [1962]) et aux modèles d’appariement ou « matching » (Pissarides [2000]).
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[37]
Toutefois, les facteurs propres à ces trois composantes restent globalement dominants. En effet, la part « inexpliquée » (1 − R2) de la variance d’une composante du taux de chômage par une des deux autres vaut respectivement 79 %, 63 % et 44 % pour les couples (u*1,t, u*2,t), (u*2,t, u*3,t) et (u*1,t, u*3,t). Notons aussi que la corrélation entre le facteur chronique spreadt + mt et la marge de production Δqt n’est pas significative, ce qui montre la complémentarité de ces deux catégories de facteurs économiques dans la représentation du chômage. Enfin, le coefficient de rigidité αt n’est pas significativement corrélé avec le facteur chronique spreadt + mt et avec le facteur conjoncturel Δqt, ce qui confirme les complémentarités entre les facteurs de rigidité et les facteurs économiques observables.
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[38]
A titre de comparaison, les valeurs estimées dans la littérature du taux de chômage dit « naturel de plein emploi » tel que défini par Milton Friedman (ce taux pouvant être rapproché du chômage frictionnel) sont généralement comprises entre 3 % et 5 % (voir notamment Weiner [1993] et pour la France Heyer et Timbeau [2002]).
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[39]
On peut notamment constater en 1990 la coexistence entre un chômage conjoncturel faible (1 %) et un chômage chronique conséquent (4 %). Ce résultat rejoint ceux de Salanié [2000] qui montre que, même pendant des phases de bonne conjoncture, le chômage peut rester en France à un niveau élevé, ce phénomène étant attribué par l’auteur à un coût du travail rendu excessif (notamment en raison de la valeur du Smic).
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[40]
En suivant une approche très différente, Heyer et Timbeau [2002] utilisent le filtre de Kalman pour représenter directement le chômage structurel et trouvent des valeurs de l’ordre de 5 % à 6 % entre 1979 et 2000. La figure n°3 montre que nos résultats rejoignent ces estimations.
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[41]
Sur la période 1955-2008, on a R (ut, kst) = − 0,60 et R (ut, kpt) = − 0,48. Sur la période 1982-2008, on obtient respectivement les valeurs de –0,63 et –0,49.
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Afin de mieux faire ressortir les écarts, la figure n°7 compare le taux de variation des valeurs observées du salaire avec le taux de variation des valeurs estimées en niveau d’après (A9).
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[43]
On a et , (yt = ut, st) et dyt = yt – yt – 1, où SSR est la somme des carrés des résidus du modèle structurel. Une valeur positive (négative) de R2D signifie que le modèle structurel donne une représentation de meilleure (moins bonne) qualité qu’une simple marche aléatoire avec dérive.
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[44]
Par rapport au trend du Smic, les coefficients so et σo influencent chacun d’une manière différente à la fois le niveau et la pente du salaire de réserve, ce qui confère ainsi de la souplesse à la relation supposée entre les deux grandeurs. Afin de capturer les effets éventuels de variables manquantes dans la détermination du salaire de réserve, nous avons tenté d’ajouter un trend linéaire à droite de l’équation (A1) : ce trend s’est révélé non significatif.
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[45]
En effet, les différentes méthodes envisagées dans la littérature pour estimer l’écart de production – y compris les approches fondées sur une fonction de production – conduisent à des résultats souvent assez proches (voir notamment Bonnet et al. [1995]).
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[46]
Notons ici que les variables spreadt et mt ne font pas « double emploi ». En effet, pour que spreadt puisse éventuellement traduire le mark-up, il faudrait d’une part considérer le salaire observé à la place du salaire de réserve (dans notre modèle, l’écart entre ces deux grandeurs est important et très variable), et d’autre part considérer une productivité nette en déduisant de la production, outre les services du travail (ce qui est fait ici), ceux des équipements et des facteurs importés (au prorata des prix de ces trois facteurs). En fait, la corrélation entre spreadt et mt est faible (on a R = 0,31 sur l’ensemble de la période).
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[47]
Conformément à la loi d’Okun [1962], les fluctuations conjoncturelles du taux de chômage et celles (changées de signe) du PIB en volume sont interdépendantes. En estimant les tendances des deux variables avec un filtre HP, on obtient R2 = 0,28 entre les écarts à la tendance sur la période 1955-2008 (R2 = 0,29 sur la sous-période 1975-2008).
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Notons que ni le taux d’intérêt du marché monétaire, ni le nombre de jours de grèves ne sont apparus comme des facteurs significatifs.
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[49]
Le taux d’inflation anticipé est représenté par un processus adaptatif où le coefficient d’anticipation estimé est celui qui maximise le R2 de la régression du taux d’intérêt nominal sur l’inflation anticipée. On obtient : , avec en 1950), où Pt est l’indice des prix de la valeur ajoutée.
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[50]
L’effet négatif indirect des valeurs passées du taux de marge sur le taux de chômage via le niveau de production compense donc en partie l’influence positive impliquée directement par les équations WS et PS.
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[51]
La croissance de la masse monétaire M1 résulte essentiellement du crédit bancaire qui constitue une source de financement importante de la production.
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[52]
Afin d’éviter les biais pouvant résulter de la covariance entre les valeurs contemporaines des résidus des équations de mesure (εut et εst) et la covariance entre les valeurs contemporaines des résidus auxiliaires des équations d’état (ηut et ηst), il est possible d’intégrer ces deux covariances aux hyperparamètres devant être estimés. Ces dernières s’étant révélées non significatives, le système a été estimé en les excluant. Nous avons vérifié ex post que les corrélations entre ces différents résidus ne sont pas significatives.
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[53]
En effet, la reconstruction française a été encadrée par le plan Marshall d’aide financière à l’Europe et par le plan Monnet de modernisation et d’équipement de l’économie française, ces plans étant soucieux des gains de productivité. En outre, ces plans ont été accompagnés depuis 1945-1946 par la création d’un système de protection sociale (les ordonnances instaurant la Sécurité sociale mettent en place une couverture des risques liés à la vieillesse et la santé). Or, dès 1946, le budget des assurances sociales était l’un des rares à être équilibré ; à cela, on peut ajouter que le contrôle financier fut renforcé en 1950 par une loi rendant obligatoire l’approbation ministérielle de ce budget lorsque, au niveau national, les dépenses excèdent les limites fixées ; cette technique dite du « budget limitatif » illustre ainsi la volonté de l’Etat d’établir en 1950 une protection sociale qui soit financièrement équilibrée. Ainsi, les plans financier et économique soucieux des gains de productivité d’une part, et la mise en place d’une protection sociale solvable d’autre part, donnent crédit à l’idée que la base du coût réel du travail représenté ici par smict + cst + cet − pt s’équilibrait en 1950 avec la productivité du travail πt.
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[54]
Autrement dit, on doit ajouter 0,33 à l’indice de productivité pour évaluer l’écart relatif entre le niveau du Smic réel (augmenté des charges sociales) et celui de la productivité. Ce calage valant a priori pour tout salaire réel et donc en particulier pour le salaire réel de réserve, la constante 0,33 a été soustraite à la variable spreadt définie dans la liste des variables ci-dessus.
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[55]
Les estimations ont été réalisées avec le logiciel Eviews7. Nous avons représenté les variables d’état en mode dit « one-step-ahead predicted states », ce qui implique que le degré de rigidité de l’instant t résulte des valeurs cumulées des chocs stochastiques passés traduisant les changements d’état successifs de ce degré.
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[56]
Ce protocole a notamment, été suivi par Heyer et al. [2007] pour l’estimation du TV-Nairu et du TCE (voir texte, première partie). Les problèmes de nonconvergence rencontrés par les auteurs pourraient ici être induits par le nombre important de variables d’état figurant dans le modèle.
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[57]
L’estimation du système a néanmoins montré une grande sensibilité aux valeurs initiales de certains paramètres, ce qui d’ailleurs caractérise la grande majorité des modèles non linéaires (par exemple les modèles à changement de régime) ; notamment, il est bien connu qu’un écart trop grand entre les valeurs initiales et les « vraies » valeurs favorise les problèmes de convergence. Néanmoins, en choisissant les valeurs initiales des paramètres de manière à minimiser les critères d’information du système, tout en restant à l’intérieur des fourchettes autorisées par la théorie (lorsque ces dernières sont connues), nous avons pu obtenir des résultats cohérents.
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[58]
Dans l’équation (A11) du taux de salaire, le taux de chômage moyen a été considéré car cette spécification a permis une amélioration des résultats, ce qui suggère que l’influence du niveau de l’emploi sur les salaires s’exerce plus lentement que l’influence des prix et des autres variables.