Notes
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[1]
Bien que l’objet de l’article ne soit pas la datation du cycle, on y trouve pourtant une contribution du modèle à changement de régime markovien appliquée à la France. Il s’agit, à notre connaissance, de l’une des seules applications de ce genre pour la France depuis Rabault [1993].
-
[2]
Au sens où le modèle de Hamilton a permis de reproduire fidèlement les fluctuations cycliques de l’économie américaine.
-
[3]
Switching Markov dans la terminologie anglo-saxonne.
-
[4]
Voir Piger ([2007], p. 28) et Chauvet et Hamilton ([2006], p. 35) pour d’autres interventions sur la pertinence du modèle de Hamilton.
-
[5]
On notera par ailleurs que le processus autorégressif est ici indépendant de St. Il est cependant possible de faire dépendre les paramètres autorégressifs et la variance du bruit blanc du régime dans lequel l’économie se situe l’économie à chaque période.
-
[6]
Il est possible de postuler trois types de régimes différents : un régime de croissance forte, un régime de croissance faible et un régime de récession. Voir par exemple Ferrara [2003].
-
[7]
Pour choisir le nombre de paramètres autorégressifs, nous estimons un modèle SARIMA pour différents retards.
-
[8]
Il s’avère qu’après vérifications, le choix des paramètres initiaux ne modifie pas les résultats de manière significative dans notre étude.
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[9]
Voir par exemple Bosquet et Fouquin [2009] sur ce point précis.
-
[10]
Pour cette raison, nous estimons donc uniquement ?*1 et ne tenons plus compte de ?*0 (4e colonne).
-
[11]
Il est possible de rencontrer la même référence dans la littérature citée comme Carrasco et al. [2007].
-
[12]
Le lecteur intéressé trouvera une synthèse formalisée dans Morley et Piger ([2009], pp. 41-44).
-
[13]
Hamilton lui-même a recours à l’algorithme de Kim [1994] dans plusieurs de ses travaux. Voir, par exemple, Chauvet et Hamilton [2006].
1L’ampleur de la récession de l’économie française à partir du troisième trimestre 2008 a rappelé l’intérêt de repérer et de prévoir les points de retournement de l’activité économique. Elle a ramené sur le devant de la scène les travaux qui visent à analyser la conjoncture et plus particulièrement le cycle économique. La dynamique d’expansion de l’économie ne suit pas un sentier de croissance régulier mais bien une trajectoire heurtée, faite de mouvements plus ou moins prononcés à la hausse ou à la baisse de l’activité. Il existe donc toujours des cycles économiques (pour ne parler que des cycles courts).
2Un des buts de l’analyse conjoncturelle (voir par exemple A. Sauvy [1977]) est de caractériser les fluctuations économiques et de dater les éventuels changements des phases du cycle. Elle est nécessaire au cadrage des politiques économiques, tant pour ce qui concerne les finances publiques que la politique monétaire. Les grandes institutions (FMI, OCDE…), les ministères des finances et les banques centrales, développent dans cette perspective leurs propres analyses de la conjoncture.
3La caractérisation et la prévision des cycles économiques font l’objet le plus souvent d’analyses empiriques. Le développement des techniques économétriques, en particulier en matière de séries temporelles, a contribué au renouveau de ces analyses depuis une dizaine d’années.
4A notre connaissance, la littérature spécifiquement dédiée à la caractérisation du cycle de l’économie française est relativement restreinte. Elle peut se résumer principalement aux travaux de Fayolle [1993], Allard [1994] et Portier [1994]. Ces travaux remontent en outre – sans que cela soit réellement une coïncidence – à la dernière crise d’ampleur rencontrée par l’économie française (nonobstant la crise actuelle), celle de 1993. Sur le plan de la méthodologie statistique, il s’agissait pour l’essentiel d’extraire une composante cyclique et une tendance de long terme de la chronique du PIB à l’aide du filtre développé par Hodrick et Prescott [1980]. Globalement, la période étudiée couvrait les années 1950 à 1990.
5On trouve cependant – sans que notre recensement soit exhaustif – des travaux relatifs au cycle français, développés sur des panels de grands pays industrialisés ou de la zone euro : c’est le cas de Nilsonn [1987], Rabault [1993], Bouthevillain [1996], Peersman et Smets [2001], Nguiffo-Boyom [2006] ou Anas, Billio, Ferrara et Lo Duca [2007]. Nilsonn [1987] et Bouthevillain [1996] s’inscrivent dans la lignée d’Allard [1994] et de Portier [1994].
6Le travail majeur de Rabault [1993] – à un degré moindre celui des économistes de la BCE (Banque centrale européenne) Peersman et Smets [2001] [1] – se distingue en proposant une première application du modèle à changement de régime markovien de Hamilton [1989] au PIB français tout comme à celui de cinq autres grands pays industrialisés. Ce travail est remarquable en ce sens que la méthode d’Hamilton n’avait été appliquée jusqu’ici – avec succès d’ailleurs [2] – qu’à l’économie américaine. Anas et al. [2007], quant à eux, travaillent à la fois sur les données agrégées du PIB et de l’IPI (indice de production industrielle) de la zone euro à partir de l’algorithme de Bry et Boshan [1971]. Les travaux de Nguiffo-Boyom [2006], auxquels on peut rattacher les écrits de Doz et Langlart [1999], sont menés à partir d’enquêtes d’opinion sur le climat des affaires (notamment dans l’industrie et le bâtiment) plutôt que sur le PIB directement.
7Cet article apporte une nouvelle contribution à la datation des points de retournement du cycle économique français. Précisons-le d’emblée, nous procédons ici à une datation historique du cycle (par opposition aux analyses de détection et de prévision des mouvements cycliques en temps réel, qui réestiment chaque mois ou chaque trimestre leur modèle en fonction de la parution de nouvelles informations) fondée uniquement sur le cycle d’activité ou « business cycle » dans la terminologie anglo-saxonne. Ce choix n’est pas anodin, puisque la littérature s’intéresse également à d’autres concepts de cycle (ceux de croissance et d’accélération). Le cycle d’activité, encore appelé cycle des affaires ou cycle économique, se rapporte aux fluctuations de l’activité globale telles quelles ont été définies à l’origine par Burns et Mitchell [1946]. Comme Ferrara ([2009], p. 706) l’a rappelé, les points de retournement du cycle d’activité opposent les périodes de croissance négative (les récessions) aux périodes de croissance positive (les expansions). Ce cycle peut donc être obtenu à partir de la série brute du PIB d’un pays. Ce n’est en revanche pas le cas des autres concepts mentionnés précédemment, dont l’obtention nécessite un certain nombre de manipulations économétriques. C’est le cas par exemple du cycle de croissance (Mintz [1969]) qui mesure l’écart à la tendance de long terme de l’agrégat étudié et qui s’obtient par diverses techniques de décomposition. Un tel cycle est donc sensible à la technique de décomposition utilisée, la tendance de long terme n’étant pas connue. A ce titre, Harding et Pagan [2004] ne le considèrent pas comme une définition satisfaisante et complète du cycle économique effectif. Pour ces derniers, l’existence d’un cycle ne doit pas être tributaire de la méthode d’extraction de la composante tendancielle. Par ailleurs, comme Ferrara [2009] l’a également noté, l’estimation du cycle de croissance est biaisée, car elle se heurte à des effets de bord dus à la méconnaissance du futur. Cela pose donc des problèmes car l’utilisation des filtres nécessite de connaître précisément les derniers points de la série étudiée. Pour l’ensemble de ces raisons, on préférera donc mesurer le cycle classique, c’est-à-dire du niveau du PIB, dans le reste de cet article. Par ailleurs, comme le mentionnent Anas et Ferrara [2002], une méthode qui est appropriée pour estimer le cycle classique n’est pas forcément efficace pour apprécier les cycles de croissance et d’accélération en raison des différents niveaux de volatilité et de lissage des séries étudiées.
8L’objet de notre travail est de tester la pertinence du modèle à changement de régime markovien, développé originellement par Hamilton [1989], pour détecter les points de retournement de l’économie française de 1970 à nos jours à partir du seul cycle d’activité.
9La justification de notre travail se fonde sur les points suivants. En premier lieu, il n’existe pas en France de datation officielle du cycle, contrairement aux Etats-Unis où le NBER (National Bureau of Economic Research) dresse une chronologie depuis 1854.
10En deuxième lieu, la capacité des modèles de datation probabiliste à rendre compte des cycles d’activité a été très controversée, notamment après le travail pionnier d’Hamilton [1989], relayé en particulier dans les écrits de Kim [1994]. De nombreuses études leur préfèrent une analyse statistique non paramétrique, c’est-à-dire ne reposant sur aucun modèle a priori, comme celle de Bry-Boshan, et dont l’avantage est d’être plus aisée à mettre en œuvre.
11En troisième lieu, l’application des méthodes paramétriques de type changement de régime markovien [3] à l’économie française est relativement rare. Seuls n’existent, à notre connaissance, que les travaux de Rabault [1993] et Peersman et Smets [2001] cités plus haut. Le premier article, complètement dédié à cette méthodologie a en outre été réalisé il y a déjà plus de quinze ans. Une nouvelle application apparaît souhaitable pour rendre compte réellement de la capacité du modèle de Hamilton à dater le cycle français.
12Le but de cet article est donc d’appliquer les modèles probabilistes markoviens au cas français en intégrant le plus possible les fluctuations économiques récentes. On travaille en effet ici sur un échantillon (du premier trimestre 1970 au troisième trimestre 2009) qui intègre pour la première fois des données sur la dernière récession. Nous comparerons les résultats dérivés de l’approche de Hamilton à ceux obtenus en recourant à une approche non paramétrique du type Bry-Boshan [1971] et Harding et Pagan [2002].
13Le plan de l’article est le suivant. Dans la première section, nous revenons sur l’intérêt, controversé, du modèle à changement de régime markovien. La deuxième section précise la méthodologie empirique utilisée pour dater le cycle français. Les résultats obtenus et la robustesse de l’analyse sont analysés dans la troisième section.
Modèles probabilistes : intérêt et controverse
14Quel est l’intérêt de l’outil choisi, à savoir la datation probabiliste sur base d’un changement de régime markovien (Hamilton [1989, 1990], Kim [1994], Kim et Nelson [1999]) ? Parmi les différents outils empiriques utilisés pour évaluer les points de retournement du cycle, il est certainement l’un des plus utilisés et ce, pour plusieurs raisons.
15En premier lieu, cette méthodologie présente l’avantage d’être complètement athéorique ; elle ne nécessite en effet qu’un minimum d’a priori sur la définition du cycle. Les premiers résultats obtenus par Hamilton [1989] retranscrivent pourtant de façon satisfaisante la datation des points de retournement effectuée par le NBER américain, ce qui est par ailleurs sans doute l’une des clés de la popularité de ce type de méthode.
16En deuxième lieu, la méthodologie d’Hamilton prend explicitement en considération les asymétries cycliques. Il existe en effet un constat bien établi dans la littérature : la durée et l’amplitude des mouvements d’expansion excèdent toujours celles des contractions : par exemple, selon Anas et Ferrara [2007], la durée moyenne d’une phase de récession depuis 1970 est de l’ordre d’une année, contre seize ans pour une phase d’expansion. C’est cette particularité qui justifie le recours aux modèles non linéaires. Selon Rabault [1993], contrairement aux modèles linéaires traditionnels de type ARIMA (Nelson et Plosser [1982]) ou à composantes inobservées (Watson [1986]), celui de Hamilton permet à l’économie de se situer dans deux états ou régimes distincts : un d’expansion et un autre de récession. Dans chacun de ces régimes (certains travaux en spécifient trois : croissance soutenue, croissance modérée et récession, voir notamment Ferrara [2002]), la série étudiée suit un processus autorégressif dont la moyenne diffère selon l’état dans lequel se trouve l’économie. On parle alors de modèle à changement de régime markovien, car le mécanisme de transition entre les différents états repose sur une chaîne de Markov stationnaire.
17En troisième lieu, Bellone [2006], Chauvet et Hamilton [2006] et Chauvet et Piger [2003] insistent sur la plus grande rapidité des modèles à changements de régime markovien à dater le cycle, comparativement à la chronologie du NBER qui présente l’inconvénient d’être tardivement publiée. Ainsi, par exemple, l’entrée en récession de l’économie américaine en décembre 2007 n’a été annoncée qu’en décembre 2008, soit un an plus tard. Cela traduit une certaine prudence du NBER, ses annonces pouvant générer des retournements des marchés financiers notamment.
18L’utilité du modèle à changement de régime markovien a cependant été partiellement remise en cause par Kim et Nelson [1994] : en effet, sur la période 1952-1995, ces deux auteurs ne parviennent pas à fournir des estimations raisonnables des paramètres pertinents, l’application du modèle de Hamilton ne permettant pas notamment de dater l’ensemble des récessions de l’économie américaine. D’une manière générale, comme le relève Rabault [1993], le pouvoir explicatif du modèle de Hamilton est très variable d’un pays à un autre : contrairement aux Etats-Unis, au Japon ou à l’Allemagne dans une moindre mesure, le modèle ne permet pas de dater convenablement les points de retournement du cycle français et par là les passages en récession. Cette hétérogénéité des conclusions empiriques a alimenté une discussion sur l’utilisation de tels modèles (cf. Hamilton et Harding et Pagan dans le Journal of Economic Dynamics and Control entre 2002 et 2003, pour qui l’approche paramétrique de Hamilton ne pourrait constituer une méthode de datation intéressante [4].)
L’approche de Hamilton : fondements et estimation
Les fondements
19Soit donc yt, le taux de croissance du PIB trimestriel réel (« en volume »), différence première du logarithme. L’évolution de ce taux de croissance peut être représentée par un modèle autorégressif d’ordre p ou AR(p), dont la particularité est d’intégrer un changement de régimes :
21pour tout t ?T et où ?t est un bruit blanc gaussien de variance finie inconnue tel que ?t : N(0,?2).
22Le taux de croissance du PIB s’écrit donc comme la combinaison d’un processus autorégressif d’ordre p et d’une constante dont la valeur dépend de l’état de l’économie noté St. L’innovation de Hamilton est bien d’avoir ainsi introduit une variable inobservable représentant l’état de l’économie à chaque période [5]. On parle de modèle à changement de régime markovien car l’état inobservable de l’économie peut appartenir à plusieurs états de régime possibles, notés K. Dans la forme la plus simple, le nombre de régimes est fixé à deux [6] : l’un à dynamique de croissance forte (appelé régime d’expansion) et l’autre à dynamique de croissance négative (appelé régime de récession). Les probabilités d’occurrence de cette variable inobservable à chaque période sont liées, par hypothèse, par une chaîne de Markov, ce qui justifie l’appellation de modèle à changement de régime markovien.
23De ce fait, la variable est la moyenne du processus et peut donc s’écrire :
25Lorsque l’économie connaît un état de récession, la variable prend la valeur zéro, tandis qu’elle est égale à l’unité lorsque l’état de l’économie est en expansion. Le modèle à changement de régime suppose que d’une période à une autre, par exemple entre t et t + 1, l’activité économique peut passer d’un état à un autre. Si la dynamique de l’économie évolue d’un état St = 1 à un état St+1 = 0, alors elle indiquera un passage en récession. En conséquence, le taux de croissance de l’activité économique transite de ?1 à ?0, c’est-à-dire de la moyenne du régime d’expansion à celle du régime de contraction. La probabilité de passage d’un état à un autre est obtenue par le biais des probabilités de transition. Dans le dernier exemple où l’économie passe d’un état d’expansion à un état de récession, la probabilité de transition est alors notée p10.
26Les transitions entre les états sont markoviennes dans le sens où elles obéissent à une chaîne de Markov d’ordre un. Cette dernière est homogène, irréductible et indépendante du bruit blanc ?t. Son évolution est donc gouvernée par des probabilités de transition markoviennes stationnaires, par conséquent indépendantes de t. Comme il s’agit d’une chaîne de Markov, les probabilités évoluent indépendamment des valeurs retardées de la série elle-même. Un processus est markovien parce qu’il intègre la mémoire du passé uniquement via une information sur l’état le plus récent. Les probabilités sont définies comme suit :
28Les probabilités de transition pij mesurent ainsi la probabilité de rester dans un régime identique ou au contraire, de changer de régime. Par définition, il existe quatre probabilités de transition différentes :
30Elles constituent également une mesure de la persistance de chaque régime et permettent aussi de calculer leur durée moyenne. De ce fait, la durée moyenne d’une période de récession ou « d’état zéro » s’écrit comme une fonction inverse de la probabilité de demeurer en récession :
32De manière similaire, la durée moyenne d’une période d’expansion s’écrit :
La construction d’une chronologie
34Le modèle de Hamilton a pour but de permettre d’établir une chronologie du cycle. Il s’agit de classer la dynamique de l’économie française selon les deux régimes précédemment définis à partir des probabilités obtenues par l’estimation du modèle. La règle à appliquer selon Hamilton [1989] est de repérer le régime d’appartenance de chaque état de l’économie selon la probabilité lissée la plus élevée :
36où ?t est l’état de l’économie estimé à la période t et N la taille de l’échantillon.
37Dans le cas où l’on postule uniquement l’existence de deux régimes distincts, cette règle de classification est simplifiée. On repèrera une récession si la probabilité d’appartenir à un « état zéro » est supérieure à 50% : Pr(St = 0/?T) > 0,5. Inversement, une probabilité lissée inférieure à 50% désignera une période d’expansion : Pr(St = 0|?T) ? 0,5.
38Pour comparer les résultats obtenus selon cette méthode à la classification établie par le NBER, une récession ne sera considérée comme telle que si deux périodes consécutives, en l’occurrence deux trimestres, mettent en exergue une probabilité supérieure à 50%.
39L’identification de toutes les probabilités de transition de la variable d’état permet ainsi la datation des points de retournement du cycle économique. Un pic survenant à la période t marque alors le fait que l’économie est passée d’un état d’expansion en t à un état de récession à la période suivante t+1. Cela se traduit au niveau des probabilités lissées par le passage de Pr(récession en t|?T)?0,5 à Pr(récession en t+1|?T)>0,5.
40Parallèlement, un creux désigne la dernière période d’une phase de récession. On a alors : Pr(récession en t|?T)>0,5 et Pr(récession en t+1|?T)?0,5.
La datation probabiliste du cycle français
Principaux résultats
41Nous avons estimé le modèle présenté précédemment pour la France à partir de données de l’OCDE pour la période allant du premier trimestre de l’année 1970 au troisième trimestre de l’année 2009. Dans un premier temps, nous estimons le modèle à deux régimes de Hamilton [1989] sur la totalité de l’échantillon. Nous retenons quatre retards dans l’expression (1) du taux de croissance du PIB [7], ce qui équivaut aux choix arbitraire (ou totalement athéorique) retenu par Hamilton pour l’économie américaine [1989] mais diverge de l’étude de Rabault [1993] qui retient trois retards pour la France sur la période 1950-1990. Nous fixons les paramètres initiaux à 0,95 pour la probabilité d’être en expansion et à 0,65 pour ce qui concerne la probabilité d’être en récession. Cela correspond à des durées moyennes de phases de vingt et trois trimestres respectivement [8].
42L’estimation du modèle ainsi défini sur l’ensemble de l’échantillon fournit les probabilités lissées suivantes :
Probabilités lissées obtenues à partir de l’estimation du modèle de Hamilton
Probabilités lissées obtenues à partir de l’estimation du modèle de Hamilton
43L’application du modèle de Hamilton au PIB français permet de dater trois récessions (cf. graphique n° 1) : 1974, 1980 et 2008-2009. Les deux chocs pétroliers (probabilités lissées valant 1 et 0,75 respectivement sur le graphique n° 1) sont donc clairement identifiés par le modèle. La forte récession liée à la crise des subprimes est également bien mise en évidence. Il n’en va pas de même en revanche pour ce qui est de la crise de 1992-1993 qui était également consécutive à un retournement du marché immobilier mais surtout à une montée des taux d’intérêt liée à la préparation de la zone euro et à une crise de change. On peut penser que l’incapacité du modèle originel à repérer la crise de 1992-1993 est lié au positionnement de cette période dans notre échantillon. Elle s’avère être en effet la première récession postérieure à 1980, c’est-à-dire la première récession dans une nouvelle période marquée à la fois par une croissance et une inflation faibles. A l’inverse, les deux précédentes récessions apparaissent clairement comme des points singuliers dans une période qui marque la fin de ce qu’il est convenu d’appeler les Trente Glorieuses et interviennent dans une période encore marquée par une croissance moyenne relativement forte. L’incapacité du modèle à prendre en considération le changement de rythme de croissance entre les Trente Glorieuses et la période post 1980 pourrait expliquer ce phénomène comme l’explique le paragraphe suivant.
Présence d’une rupture et méthodologie de Kim
44Kim [1994] a proposé une version étendue du modèle originel d’Hamilton en y introduisant une variable binaire qui permet de tenir compte du changement structurel de rythme de croissance. Cette extension semble tout à fait appropriée dans le cas du PIB français sur la période étudiée (cf. graphique n° 2) : la dynamique de taux de croissance n’est pas complètement homogène sur l’échantillon total. Il est en revanche possible de distinguer deux grandes sous-périodes. La première fait état d’une dynamique de croissance forte de 1970 à 1979 ; la seconde présente un rythme de croissance plus faible et s’étale de 1980 à 2009. Plus précisément, il ressort que le taux de croissance moyen du PIB sur la période 1970-1979 est de l’ordre de 1%. Sur la deuxième sous-période, ce taux de croissance moyen tombe à environ 0,5%.
Taux de croissance trimestriel du PIB français depuis 1970
Taux de croissance trimestriel du PIB français depuis 1970
45Cette rupture de croissance est imputable à certains phénomènes structurels ayant entamé la dynamique de croissance de l’économie française à la fin des années 1970. Le choc pétrolier de 1974 et ses conséquences, puis le second choc pétrolier de 1979 ont indéniablement conduit à un ralentissement de l’activité. Le taux de croissance du PIB français est alors devenu plus faible à partir de la fin des années 1970 tandis que la politique monétaire devenait essentiellement désinflationniste jusqu’au milieu des années 1990. La baisse structurelle de la croissance française peut être la résultante en grande partie de la flexion très nette du taux de croissance tendanciel de la productivité à partir du premier choc pétrolier [9].
46On peut penser que ce changement structurel explique l’incapacité du modèle de Hamilton à dater toutes les récessions. Plus précisément, la survenance de la forte récession de 1974 apparaît comme un point aberrant dans une période de forte croissance et empêche dans une certaine mesure le modèle de détecter la récession de 1993, de plus faible ampleur. Pour mettre en exergue ce phénomène, nous estimons une nouvelle fois le modèle sur la seule période 1979-2009. L’année 1979, que nous considérons comme la date de rupture, n’est pas postulée de façon arbitraire. Outre la rupture observée sur le graphique n° 2 et déjà commentée, nous effectuons parallèlement un test de Chow qui confirmerait la présence d’une rupture pour cette année précise (tableau n° 1). Par ailleurs, l’année 1979 correspond également à la survenance du second choc pétrolier et à la nomination de Paul Volcker à la tête de la FED, ce dernier ayant décidé d’élever fortement les taux d’intérêt pour contrer les tensions inflationnistes. Lorsque le modèle est estimé sur cette sous-période, il date quatre récessions (voir la première colonne du tableau n° 2) et isole en outre les ralentissements n’ayant pas débouché sur de réelles récessions.
Test de Chow pour une rupture en 1979T3
Test de Chow pour une rupture en 1979T3
Note : les valeurs entre parenthèses désignent les p-valeurs associées.47Puisque le modèle originel de Hamilton est incapable de tenir compte du changement de rythme de croissance pour l’ensemble de la période considérée, nous estimons à nouveau le modèle dans la lignée de Kim [1994]. Ce dernier préconise l’introduction d’une variable binaire dans la moyenne du processus pour prendre en compte le moindre taux de croissance du PIB à la fin de l’année 1979. Ainsi, l’équation (2) précédente devient :
49où Dt est une variable binaire égale à un pour la période 1979T3-2009T3.
50Le tableau n° 2 présente les estimations sur la seconde sous-période (2e colonne) comparées à celles issues du modèle avec variable binaire et ce, pour toute la période étudiée (3e et 4e colonnes). Comme nous pouvons l’observer dans la troisième colonne du tableau n° 1, le paramètre associé au régime de croissance forte est positif, mais non significatif, alors que le paramètre ?*1 associé au régime de croissance faible est négatif et significativement différent de zéro [10].
Estimation du modèle de Hamilton par maximum de vraisemblance
Estimation du modèle de Hamilton par maximum de vraisemblance
51Lorsque l’on analyse les résultats du modèle à variable binaire, il ressort que le paramètre associé au taux de croissance moyen sur la phase d’expansion 1970-1979 (?1) est proche de 1%. Durant la seconde sous-période, en revanche, une période d’expansion présente en moyenne un taux de croissance de 0,51% (?1 + ?*1). Ce taux de croissance s’avère donc très proche de celui obtenu par le modèle estimé uniquement sur la période 1979T3-2009T3 qui est de l’ordre de 0,52%. Pour ce qui est des phases de récession, elles se caractérisent par un taux de croissance moyen de l’ordre de -0,27% pour le modèle à variable binaire, ce qui traduit une amplitude supérieure au taux de croissance obtenu par l’estimation sur la seconde sous-période.
Probabilités lissées obtenues à partir de l’estimation du modèle à variable binaire
Probabilités lissées obtenues à partir de l’estimation du modèle à variable binaire
52Il ressort également de nos résultats que les coefficients associés aux probabilités de transition sont bien significatifs et tout à fait différenciés. Ils sont respectivement de 0,96 et 0,67 à partir du modèle de Kim [1994] et diffèrent peu de ceux estimés à partir du modèle originel (0,94 et 0,58 respectivement). Le graphique n° 3 des probabilités lissées d’occurrence d’une récession obtenues après estimation du modèle à variable binaire fait état de quatre récessions principales. Contrairement aux résultats dérivés du modèle originel, il est par conséquent possible d’identifier la récession de 1993, même si la probabilité associée à celle-ci (62% en 1992T4) demeure inférieure à celles des trois autres récessions (toutes proches de un). Encore une fois, cette probabilité relativement plus faible s’explique par la survenance de cette crise dans une période de croissance « molle » et par la brièveté de la récession (à peine deux trimestres).
Robustesse des résultats
53Nous testons à présent la robustesse des résultats obtenus. Ce point est assez peu discuté dans les études empiriques recourant aux modèles non linéaires en raison de certains problèmes techniques spécifiques, comme nous allons le voir.
54En premier lieu, nous vérifions, à l’aide d’un test du rapport de vraisemblance que le modèle avec variable binaire est globalement plus significatif lorsque nous négligeons la variable ?*0. Cela revient à un test de spécification du modèle (3) par rapport au modèle (2). Soit la statistique suivante : -2(lnL(h0) - lnL) = -2x(-98,43 - (-97,75))=1,37 qui suit une loi du Khi-Deux à un degré de liberté. La valeur calculée est bel et bien inférieure à la valeur seuil à 5%, ce qui nous permet d’affirmer que le modèle (3) est la spécification la plus adaptée.
55En second lieu, et de manière plus fondamentale, il convient de tester la validité d’un modèle à changement de régime markovien dans la datation du cycle économique français. Comme nous l’avons déjà dit, le recours à des fonctions non linéaires se justifie principalement par la présence d’asymétries dans la composante cyclique de l’économie. Tester la significativité de ces asymétries revient donc implicitement à questionner la pertinence du recours au modèle d’Hamilton.
56Les résultats de Rabault [1993] s’inscrivent dans la lignée de ceux de Neftçi [1984] : sur la base d’un test d’égalité des paramètres p00 et p11 associé à une statistique de Student, tous deux montrent que l’asymétrie du cycle est peu marquée dans les pays industrialisés, à l’exception de la France. Lorsqu’on applique ce test à notre modèle à quatre retards, il ressort que l’asymétrie du cycle est bien présente pour notre échantillon (t = 2,3 > 1,96). Un examen complémentaire de la distribution du taux de croissance et un test de normalité de type Jarque-Bera permettent d’arriver à la même conclusion. La valeur de la « skewness » est en effet non nulle et la distribution du taux de croissance n’est donc pas symétrique autour de la moyenne.
57La littérature économétrique s’est intéressée de manière plus approfondie à la question de la justification du recours à certains types de modèles non linéaires plutôt que linéaires. Il en ressort qu’avant d’utiliser un modèle à changement de régime markovien, on devrait tester l’hypothèse d’existence de plusieurs états de régimes contre celle d’existence d’un seul état, cette dernière étant donc équivalente aux modèles linéaires. Il s’agit de comparer un modèle linéaire autorégressif à un modèle à changement de régime markovien.
58Les difficultés de ce type de test résident dans la présence des paramètres de nuisance (p00 et p11 ici) sous l’hypothèse alternative, alors qu’ils ne sont pas identifiés sous l’hypothèse nulle, de même que la singularité de la matrice d’information sous l’hypothèse nulle. En outre, les différents tests de spécification habituellement utilisés ne suivent plus une distribution asymptotique standard : notons que le problème de la non-identification des paramètres de nuisance est formalisé dans Garcia ([1998], pp. 765-766.
59Plusieurs travaux ont vu le jour pour remédier à ces problèmes : Davies [1977, 1987], Hansen [1992] ou encore Garcia [1998]. La méthode de Garcia [1998], moins « coûteuse » empiriquement que les précédentes approches, reconsidère le problème du test comme le supremum (au sens mathématique) d’une statistique du rapport de vraisemblance (Sup LR). Le test de Carrasco, Hu et Ploberger [2004] [11] est le plus récent en la matière [12]. Asymptotiquement équivalent au test de Garcia, il s’avère moins complexe à implémenter, car il nécessite seulement l’estimation du modèle sous l’hypothèse nulle de linéarité. En revanche, les valeurs critiques doivent êtres tabulées par « bootstrap paramétrique ».
Calendrier du cycle
60A partir des résultats du modèle à changement de régime markovien que nous avons discutés plus haut, il est possible de dresser le calendrier du cycle de l’économie française. Les points de retournement (pics et creux) sont obtenus à partir des règles définies dans la section précédente. Les durées des phases sont simplement calculées en comptabilisant le nombre de trimestres séparant un pic et un creux. Enfin, la durée moyenne d’une récession est calculée selon la formule (3) précédemment explicitée. La formule (4) permet d’obtenir de façon analogue la durée moyenne d’une phase d’expansion.
61Pour évaluer la pertinence de nos résultats, nous comparons les estimations obtenues à partir du modèle à changement de régime à celles issues de la méthode non paramétrique de Bry-Boshan [1971], étendue aux données trimestrielles par Harding et Pagan [2002]. Cette méthode algorithmique bien connue (voir Ferrara [2009] ou l’introduction de ce numéro pour plus de détails) présente l’avantage d’être totalement transparente et d’être facilement reproductible par d’autres économistes.
62D’après nos calculs, la durée moyenne d’une phase de récession est de 2.3 trimestres selon l’approche non paramétrique. Toutefois, cette méthode, fondée sur la recherche de maxima et minima locaux ne prend pas en compte les données de la dernière récession ; la moyenne est donc biaisée à la baisse. La durée moyenne d’une récession calculée à partir du modèle à changement de régime markovien est identique sur la période 1970-2008 mais puisqu’elle intègre la récession contemporaine, est plus élevée sur l’ensemble de l’échantillon (3). A l’exception de la récession de 2008-2009, les phases de récession sont généralement très brèves et mettent en avant le caractère asymétrique de la durée des phases du cycle. Il ressort par ailleurs que la crise de 1992-1993 n’a duré que deux trimestres et été relativement peu sévère, son amplitude (0,8%) étant en outre bien inférieure à celle des autres crises (1,38% et 1,4% pour les deux premières). Cela peut expliquer la relative difficulté du modèle à changement de régime markovien à identifier cet épisode de crise. Le fait que le modèle ait facilement détecté la dernière crise (alors que son amplitude est pourtant comparable) résulte de la relative longueur de la récession.
63D’une manière générale, les résultats dérivés à partir du modèle de Hamilton sont donc tout à fait comparables à ceux obtenus à partir de l’approche non paramétrique de Harding et Pagan [2002] et donc au calendrier du NBER. De manière plus détaillée, on remarque que la durée des phases d’expansion s’accroît depuis les années 1970 bien que l’amplitude d’une période de croissance soit plus restreinte depuis la fin des Trente Glorieuses. Au final, la durée moyenne d’un cycle de l’économie française serait de sept ans sur la période considérée.
Calendrier du cycle français de 1970 à 2009
Calendrier du cycle français de 1970 à 2009
Note : MSM Kim = modèle de Switching Markov avec variable binaire.Conclusion
64Au total, l’application du modèle à changement de régime markovien a permis d’identifier quatre récessions en France sur la période 1970-2009, en confirmation des phases de contraction généralement reconnues. De plus, cette périodisation recoupe entièrement celle obtenue à partir de l’application de l’algorithme de Bry-Boshan à la série du PIB trimestriel.
65Un débouché tout naturel de cet article consisterait à réestimer le modèle selon une méthodologie bayésienne, dont l’avantage principal est de traiter à la fois les paramètres du modèle et les états inobservables comme des variables aléatoires et d’apprécier ainsi la robustesse des résultats obtenus.
L’estimation du modèle
66L’estimation du modèle à changement de régime markovien porte sur les paramètres autorégressifs et les probabilités de transition. Le vecteur à estimer est donc le suivant :
68Tous les paramètres ont été définis préalablement aux pages 143 et 144.
69A la suite de Hamilton [1989, 1994], ces paramètres sont obtenus par maximisation de la vraisemblance en utilisant un algorithme de filtrage, c’est-à dire une suite d’opérations mathématiques permettant de ne retenir que certaines valeurs de la série étudiée. L’algorithme, très proche du filtre de Kalman, permet de construire la fonction de vraisemblance du modèle autorégressif ainsi que les probabilités conditionnelles aux observations, dites filtrées, de la variable latente (voir Hamilton [1989]).
70La caractéristique première du modèle est que l’état St est inobservable. Toute l’inférence est fondée uniquement sur le comportement observé de yt. La méthode d’estimation est dès lors la suivante. Dans un premier temps, on estime le vecteur des paramètres ? explicité plus haut, c’est-à-dire les paramètres du modèle autorégressif, les deux moyennes du processus, les deux probabilités de transition et la variance. L’inférence va prendre la forme de deux types de probabilités pour lesquelles St = i, pour i = 1,2, ne dépend pas uniquement de la valeur de St-1 mais aussi des (du ?) taux de croissance réellement observés. La réunion de ces derniers en un vecteur notée ?t permet de compiler ainsi l’information disponible au temps t : ?t = (yt, yt-1,yt-2, k, y1, y0).
71Hamilton [1989] présente un algorithme de filtrage itératif permettant de calculer la vraisemblance du modèle ainsi que les probabilités de régime, conditionnellement aux observations. A chaque itération, il permet de déterminer la vraisemblance conditionnelle pour l’observation t à partir de l’équation suivante :
73Le premier terme du membre de droite représente la densité conditionnelle du taux de croissance yt sachant l’état de régime dans lequel se trouve l’économie (St = i). Le second terme, P(St = i|?t-1 ; ?), explicite la probabilité de prévision de l’état de l’économie. Cette dernière, également fournie par l’algorithme, est le produit des probabilités de transition Pij par des probabilités a posteriori notées P(St-1 = j|?t-1 ; ?).
74En appliquant la règle de Bayes, le filtre permet de calculer les probabilités de régime conditionnellement au passé, P(St = i|?t ; ?), appelées probabilités filtrées :
76La probabilité filtrée est ainsi le rapport entre les vraisemblances conditionnelles des états de régime pour l’observation t, pondérées par les probabilités de prévision.
77Finalement, la vraisemblance est obtenue à partir du produit des vraisemblances conditionnelles (cf. formule (6)) calculées à chaque itération. Ainsi, pour une valeur donnée du vecteur ?, la log-vraisemblance conditionnelle est définie par :
79Une fois, l’inférence réalisée, et la log-vraisemblance calculée, on peut déterminer l’estimateur du maximum de vraisemblance MLE en utilisant les techniques habituelles d’optimisation numérique. Dans le cas des variables inobservables, la recherche de cet estimateur se heurte néanmoins fréquemment à la présence de plusieurs maxima locaux (voir Rabault [1993]). Le choix des paramètres initiaux et plus particulièrement des probabilités de transitions initiales, est à cet égard crucial. Selon Hamilton [1989, 1994], il existe plusieurs options pour effectuer ces choix. Si St suit une chaîne de Markov irréductible et ergodique, il est possible d’imposer P(S0 = i|?0 ; ?) égale à la probabilité non conditionnelle P(So = i). Plus précisément, les probabilités non conditionnelles sont définies comme :
81La probabilité non conditionnelle P(S0 = i | ?0 ; ?) sera alors égale au vecteur ? = (?1, ?2).
82Deux autres options sont également possibles. La première revient à fixer simplement P(S0 = i | ?0 ; ?)=1/2 alors que la seconde consiste à estimer la probabilité initiale elle aussi par maximum de vraisemblance (Hamilton, [1994], p. 695).
83Au total, l’inférence probabiliste sera basée sur les probabilités filtrées fournies par le filtre de Hamilton, mais aussi sur un second type de probabilités dites lissées. Ces dernières, notées P(St = i | ?T ; ?) recensent l’intégralité des valeurs passées de l’échantillon. Elles sont nécessaires pour estimer l’état de régime en chaque point du temps et sont calculées à l’aide d’un algorithme récursif proposé par Kim [1994]. Hamilton [1989] a également proposé un algorithme de calcul des probabilités lissées. Mais cette technique, appelée « espérance-maximisation », est d’une mise en œuvre lourde, puisqu’elle nécessite d’utiliser un grand nombre de fois le filtre (voir Rabault [1993]). L’algorithme de Kim [1994] est en conséquence mis en œuvre dans le présent article [13]. Il repose sur les probabilités filtrées précédemment calculées et les probabilités lissées jointes consécutives. Ces probabilités filtrées permettent de calculer les prévisions à l’ordre un exprimées comme P(St+1|?t).
84On aboutit finalement à la probabilité lissée suivante :
86Le calcul s’effectue de manière itérative, élément par élément. L’algorithme est initialisé par le résultat de la dernière itération à savoir la dernière probabilité filtrée : P(ST = i|?T ; ?) pour t = T.
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Notes
-
[1]
Bien que l’objet de l’article ne soit pas la datation du cycle, on y trouve pourtant une contribution du modèle à changement de régime markovien appliquée à la France. Il s’agit, à notre connaissance, de l’une des seules applications de ce genre pour la France depuis Rabault [1993].
-
[2]
Au sens où le modèle de Hamilton a permis de reproduire fidèlement les fluctuations cycliques de l’économie américaine.
-
[3]
Switching Markov dans la terminologie anglo-saxonne.
-
[4]
Voir Piger ([2007], p. 28) et Chauvet et Hamilton ([2006], p. 35) pour d’autres interventions sur la pertinence du modèle de Hamilton.
-
[5]
On notera par ailleurs que le processus autorégressif est ici indépendant de St. Il est cependant possible de faire dépendre les paramètres autorégressifs et la variance du bruit blanc du régime dans lequel l’économie se situe l’économie à chaque période.
-
[6]
Il est possible de postuler trois types de régimes différents : un régime de croissance forte, un régime de croissance faible et un régime de récession. Voir par exemple Ferrara [2003].
-
[7]
Pour choisir le nombre de paramètres autorégressifs, nous estimons un modèle SARIMA pour différents retards.
-
[8]
Il s’avère qu’après vérifications, le choix des paramètres initiaux ne modifie pas les résultats de manière significative dans notre étude.
-
[9]
Voir par exemple Bosquet et Fouquin [2009] sur ce point précis.
-
[10]
Pour cette raison, nous estimons donc uniquement ?*1 et ne tenons plus compte de ?*0 (4e colonne).
-
[11]
Il est possible de rencontrer la même référence dans la littérature citée comme Carrasco et al. [2007].
-
[12]
Le lecteur intéressé trouvera une synthèse formalisée dans Morley et Piger ([2009], pp. 41-44).
-
[13]
Hamilton lui-même a recours à l’algorithme de Kim [1994] dans plusieurs de ses travaux. Voir, par exemple, Chauvet et Hamilton [2006].