Couverture de RFEA_105

Article de revue

De Baton Rouge à Yellowstone : les couleurs de la carte américaine

Pages 7 à 26

Notes

  • [1]
    Instance fédérale créée en 1890 dans le but de légiférer en matière de toponymie.
  • [2]
    Sauf indication contraire, tous les toponymes de Californie ont pour référence GUDDE,
    • ceux d’Arizona, BARNES
    • ceux du Nouveau-Mexique, JULYAN
    • ceux d’Oregon, McARTHUR
    • ceux de Floride, MORRIS
    • ceux du Texas, TARPLEY
    • ceux de l’Idaho, BOONE
    • ceux de l’Ohio, OVERMAN
    • ceux du Minnesota, UPHAM
    • ceux du Michigan, ROMIG
  • [3]
    Voir US Board on Geographic Names. Principles, Policies, and Procedures : Domestic Geographic Names, 1989.
  • [4]
    Le gouvernement fédéral dut intervenir, obligeant les communes ou les autorités locales à proposer d’autres noms.
  • [5]
    En général un quart de la nomenclature (en 3e position derrière les toponymes inspirés de patronymes et ceux dits « transférés » d’autres lieux), comme le confirment la plupart des dictionnaires et études toponymiques. Voir, sur la catégorisation de la toponymie américaine, l’article de Louis N. Feipel, “American Place Names.” American Speech 1 : 78-91, ainsi que Henry Louis Mencken, The American Language, 529.
  • [6]
    Les noms de ces résidences, proposées à l’achat, figurent sur les pages web de plusieurs sites immobiliers, en l’occurrence Yahoo, rubriques immobilières des Yellow Pages.
  • [7]
    Nommé en 1889.
  • [8]
    Ne sont pas compris ici les toponymes qui, comme par exemple Painted Cave (comté de Santa Barbara), renvoient à des sites riches en peintures rupestres indigènes.
  • [9]
    Cette tribu d’Algonquins est sans rapport avec le terme muskogee de Floride (qualifiant une rivière).
  • [10]
    L’algonquin est la langue (aux variations dialectales) parlée par différentes tribus de la région des Grands Lacs, parmi lesquelles les Menominee, Chippewa/Ojibwa, Ottawa, Potawatomi, Miami, Sauk, Delaware et Cree/Cri (pour ne citer que les principales).
  • [11]
    Tribu sioux du Nord-Ouest.
  • [12]
    Peut-être le brassage démographique et économique y fut-il plus important.
  • [13]
    Curieusement, blanco et black, dérivés de termes germaniques, partagent la même étymologie.
  • [14]
    Origine contestée.
  • [15]
    Si en 1540 Alarcón remonta à deux reprises le fleuve jusqu’à l’actuelle ville de Yuma (sud-est de l’Arizona), année où l’expédition de Francisco Vásquez de Coronado s’approcha, elle, du canyon, le premier Européen à explorer l’embouchure du fleuve fut probablement Francisco de Ulloa, dès 1539.
  • [16]
    Le changement se fera entre le xve et le xviie siècles.
  • [17]
    Les Puans (sic) était alors le nom donné à la tribu des Winnebago qui habitaient la région.
  • [18]
    Voir American Names Society. http:// www. wtsn. binghamton. edu/ ANS/
  • [19]
    Publiée par cette société.
  • [20]
    Lorsque le nombre est absent, figure à sa place un classement des couleurs en fonction de leur fréquence, comme pour red et blue en Californie.
  • [21]
    Chiffre non communiqué.
  • [22]
    Cette catégorie compte également, sans que l’on puisse toujours les authentifier, des patronymes, les origines étant parfois floues. Le chiffre devrait donc être interprété à la baisse.
  • [23]
    S’il représente le soleil et la chaleur, il est aussi, dans les cultures occidentales, associé à la maladie et à la trahison (Pastoureau 111). On peut aussi penser qu’il est « naturellement » moins bien représenté que d’autres couleurs telles le vert (des forêts et des champs) ou le bleu (de l’eau et du ciel).
  • [24]
    Le xiie siècle bousculera cet ordre, en introduisant d’autres couleurs. Viendront ensuite les classifications en couleurs primaires ou secondaires, froides ou chaudes.
  • [25]
    Des études similaires entreprises en Asie révèlent que le jaune l’emporte, alors que dans les pays de l’Islam, ce sera le vert, la couleur du Prophète.
  • [26]
    L’étymologie populaire est un procédé linguistique de reproduction d’un son appartenant à une langue d’emprunt qui donne à ce dernier un sens dans la langue d’arrivée.
  • [27]
    Voir note précédente.
  • [28]
    Entre 600 et 1 300 ans après J.-C., des nations pueblos, ancêtres de 24 tribus actuelles du Sud-Ouest, occupèrent ce plateau.
  • [29]
    Voir aussi à ce sujet Daniel Boorstin, Histoire des Américains, 797-799, ainsi que Scott Guenter, The American Flag, 1777-1924.
  • [30]
    Aujourd’hui disparu.
  • [31]
    Date à laquelle on fait remonter la naissance du drapeau américain.
  • [32]
    Voir à ce sujet l’article de Wilbur Zelinsky, « Nationalism in the American Place-Name Cover », qui recense et analyse, chronologiquement et par région, l’attribution de toponymes patriotiques aux États-Unis.
5 août : Comme nous descendons le Mississippi [...] ; celui-ci s’est gonflé des rivières Embarras [Zumbro], La Claire [white] et Badaxe. [...] Les Renards [...] sont actuellement en guerre avec les Sioux, ayant récemment surpris et tué neuf membres de cette nation, sur un affluent de la Peter, appelée Terre Bleu (sic), où les deux groupes se rendent pour se procurer l’argile avec laquelle ils se peignent le corps.
Henry Schoolcraft, Récit de voyages, année 1820 (in Williams 119)

1Au-delà de motivations personnelles communautaires ou politiques, l’acte toponymique permet d’identifier des lieux, signalant des particularités géophysiques, opposant parfois des éléments du relief entre eux, soulignant le discontinu géographique. Comme le dit le célèbre toponymiste George Rippey Stewart dans American Place-Names en 1970 : « Nommer un lieu en le décrivant est chose courante chez les peuples primitifs comme chez les plus avancés » (xxix). Ainsi le Bluegrass renvoie-t-il naturellement aux graminées bleutées du Kentucky, les Green Lakes du Minnesota, aux eaux émeraudes des lacs glaciaires, et les White Mountains du Colorado, aux neiges des Rocheuses. Faut-il saisir derrière l’apparente facilité de l’acte nominatif, un esprit pragmatique lié à la volonté de vaincre les éléments parfois hostiles de la Frontière ? Comment interpréter alors la poésie d’une Alba Mountain, d’une Anthracite Creek ou d’une Vermilion River inscrites sur les cartes du Nouveau Monde ? En évoquant une nature moins assujettie au « terre à terre » onomastique, ces dénominations soulignent déjà l’osmose entre la terre et son histoire. Baton Rouge n’est pas alors sans rappeler les défis territoriaux des nations indiennes, le Colorado, la conquête espagnole, les El Dorado, la ruée vers l’or de la Sierra.

2On peut se demander quelles nuances de la gamme chromatique la toponymie aura retenues. Des trois couleurs emblématiques – « red, white, and blue » – de l’Amérique, laquelle l’emporte-t-elle ? Est-ce le rouge des déserts du Sud-Ouest, du sang versé, de la terre indienne ? Les Américains seront-ils sensibles au bleu de l’éthique protestante ? La blancheur y sera-t-elle vécue comme un gage de pureté originelle, une rédemption à laquelle le pays aspire ? Peut-être la réponse est ailleurs, sur cette terre où se mêlent peuples et couleurs dans de multiples variations linguistiques, dans d’éclatants camaïeux toponymiques tels ces Yellowstone/Bayou Jaune/Amarillo.

3A partir de dictionnaires toponymiques des États du Sud-Ouest, du Pacifique, de la région des Grands Lacs et de Floride, ainsi qu’à la lumière d’articles sur les nomenclatures indigènes et espagnole, mais aussi plus généralement américaine, la présente étude analyse les mécanismes de choix des couleurs dans le processus de nomination des lieux. Tout en soulignant le traitement des toponymes d’origine indienne ou coloniale, et la délicate assimilation de ces nomenclatures, elle propose d’en dégager une certaine représentativité ainsi qu’une interprétation symbolique des couleurs inscrites sur les cartes.

La Nature… naturellement

4Black Creek, Red Bluffs, Yellow River, Blue Lake, White Water… des noms qui se répètent, ordinaires, État après État, jusqu’au Pacifique. Les cartes des États-Unis seraient-elles à ce point monotones ? Bien que l’homme de la Frontière s’attachât davantage à cultiver sa terre qu’à la nommer, chaque nomination, ou presque, était un acte mesuré, tout choix, une conscience portée. Les archives du comté de Hennepin, au Minnesota, rapportent, à propos de la commune de Greenwood, que « c’est dans l’apparence charmante de ces terres boisées, telles que les aperçurent les pionniers, aux premiers jours de l’été 1855, que se trouve l’origine de ce nom » (Upham 222). Aussi peut-on affirmer que tout toponyme, aussi descriptif soit-il, porte en lui les enthousiasmes engendrés par la découverte d’un monde nouveau. Vus sous cet angle, les innombrables Red Rocks du Sud-Ouest, White Springs des Rocheuses et Green Valleys de Nouvelle Angleterre échappent à leur apparente banalité. Qu’une butte rouge s’élève au milieu de terres arides, qu’une source écume après la traversée d’un interminable col, qu’une vallée s’ouvre au milieu d’un relief boisé : les immigrants en notaient les spécificités, dûssent celles-ci se répéter à l’envi à chaque traversée de désert, à chaque passage de col, à chaque sortie des bois. De quelle variété lexicale, par exemple, corpus indigène inclus, les habitants du Minnesota, « l’État aux dix mille lacs », disposaient-ils pour décrire leurs étangs ? Frappés par la beauté des eaux glaciaires, ils en vinrent, somme toute assez banalement, à nommer des dizaines de lacs et de rivières Blue Lake, Blue Creek ou Blue River ; pour ces Scandinaves fraîchement débarqués dans la région des Grands Lacs, ce réflexe onomastique fut l’option la plus immédiate, la plus parlante, et probablement, la plus naturelle. En 1929, dans ses « Observations on Iowa Place Names », Allen Walker Read s’interroge sur l’esprit créatif des pionniers : « L’invraisemblable répétition de certains noms de ville prouve que nous sommes le peuple le moins imaginatif de la planète » (35), propos qu’il tempère en citant Robert Louis Stevenson : « Il n’y a pas de région au monde où la nomenclature soit si riche, si poétique, si pleine d’humour, si pittoresque qu’aux États-Unis » (34). Comme l’explique en 1972, Daniel J. Orth, du Conseil des noms géographiques [1] : « L’environnement fut appréhendé en tant qu’expérience humaine, pas juste expliqué ou observé, mais perçu affectivement » (6). En Oregon, on nomma Blue Mountains une chaîne qui « s’élevait, avec une beauté et une grandeur indescriptibles, de toute son apparence azur » [2]. Pour chaque couleur, des dizaines d’histoires. Ainsi, derrière certains clichés onomastiques, point de lieux communs.

5Toutefois, le Conseil fédéral des noms géographiques, pas davantage que le Ministère des Postes, ne l’entendit de cette oreille, qui imposa dès la fin du xixe siècle, de nouvelles règles nominatoires [3]. Comment, en effet, distinguer des dizaines de Black Buttes entre elles ? Comment assurer une distribution du courrier sans se tromper de destinataire [4] ? Bien que l’on compte une centaine de Black Mountains, trente Black Buttes et pas moins de dix Black Peaks dans la seule Californie, ramenées aux quelque 150 000 toponymes figurant sur les cartes de cet État (Gudde xxi), ces répétitions restent néanmoins dérisoires. Et pour cause : nommer un lieu revient à en signaler la forme, la couleur, les particularités géophysiques, en clair, à le différencier des autres. Ainsi les Green Mountains du Vermont contrastent-elles avec les proches White Mountains du New Hampshire (décrites comme White Hills dès 1642), les secondes, de plus haute altitude, se couvrant d’un manteau neigeux en hiver (Stewart). Bien qu’arbitraires, ces choix furent associés à des référents physiques identifiables, ce qui explique que les noms descriptifs représentent l’une des plus importantes catégories toponymiques [5].

6Tout en confirmant que les noms de lieux « peuvent dériver de particularités géographiques, telles la couleur, la forme, la taille, la situation » (81), Robert Plank ajouta en 1958 dans « Projection in Topographic Names » que certains toponymes relèvent de la « projection », un processus qui confère aux lieux une certaine qualité (l’eau claire comparée au cristal) et traduit « l’étrange histoire d’amour que l’homme entretient avec la nature » (87). Parfois bouleversées par des paysages qui s’offraient à elles dans toute leur splendeur, les familles pionnières en décrivirent ainsi le caractère exceptionnel. Dépassés alors les cris originels de la découverte immédiate, les désignations trop explicitement empruntées à l’éventail chromatique. La nomenclature choisie témoignait désormais de considérations mêlant à la couleur, le minerai, à la teinte, la luminosité, à la palette, la mélodie des noms retenus, à la pierre, parfois, la symbolique. Or ou argent, la terre étincelle, depuis les éclats du gypse des Silver Creeks et les pierres jaune cuivré de Goldsboro (Stewart) au Texas, jusqu’aux reflets des épicéas de Silver Point en Oregon et aux scintillements de la roche des Silver Canyons au Nouveau Mexique. Alors qu’une terre de Caroline du Sud que l’on espérait fertile fut baptisée Goldville (Stewart), à l’aube du troisième millénaire, la nomenclature des projets immobiliers poursuit les mêmes rêves dorés, évoquant l’accès à un environnement particulièrement privilégié, comme à Golden Key Apts (Phœnix), Golden Gate Apts (Atlanta), Golden Park Apts (Liberty, État de New York) [6]. A cette recherche d’absolu, la nomenclature associa les nuances précieuses de la roche comme pour ce Jasper, « village de jaspe » du Minnesota [7] (Stewart), ou encore ces Sapphire et Topaz Canyons d’Arizona baptisés par John W. Powell. Bien qu’aujourd’hui disparue des cartes, cette Esmeralda du Nouveau Mexique témoigne de la grâce qu’inspirait la terre américaine, bien avant l’arrivée des Anglo-Saxons. Alors que serpente, au Colorado, la ténébreuse Anthracite Creek (CO Magazine), en Californie, la palette du peintre offre des Painted Gorge[8], Rainbow Mountain, Chocolate Point, Mosaic Canyon et Artist’s Point.

7Si les scientifiques des équipes topographiques inscrivirent sur les cartes, comme ils le firent au Yellowstone, un Ebony Geyser, sorti des obscurités de la terre, un Opalescent Pool, aux eaux translucides, un Lemonade Lake, aux tons acidulés, une Palette Spring, aux parois multicolores, ou encore de délicats Artists’ Painpots et Fountain Paint Pot pour des bassins de boue crachotante, les pionniers, hommes de terrain plus que de poésie, ne se lassèrent pas des Black Buttes, des Blue Holes et des Green Lakes. Cadencée par les appréhensions et les espoirs des populations pionnières, la nomination du territoire fut une mise en exergue à la fois de la diversité chromatique et des perceptions que l’on en avait. Nulle surprise alors que s’exerça une subtile synergie entre cette terre d’Amérique et l’histoire qui la coloriait.

Antécédences et métissages

8Le Kentucky, territoire de chasse partagé par les Miami [9] au nord de l’Ohio, et par les Cherokee au sud, attire dès la seconde moitié du xviiie siècle, trappeurs français et anglais séduits par ces grandes étendues de graminées sauvages bleutées où paissent cervidés et bisons. Pour les Miami, qui traversent le pays du Blue Grass, rien de plus simple que de suivre le cours de l’Ohio et de ses affluents, comme cette rivière de huit cent kilomètres de long qu’ils jugent particulièrement écumante et désignent par « eau blanche ou pure » ou « chemin blanc ». Retranscrit par les jésuites et les pelletiers français dès le début du xviiie siècle comme Ouaboustikou, puis par les anglophones comme Wah-bah-shik-ki, ce toponyme miami (algonquin [10]) sera simplifié en Ouabache par les premiers, Wabash par les seconds (Vogel, IL ; McPherson). Comme le faisait remarquer, en 1975, W.F.H. Nicolaisen, dans son étude sur le bilinguisme toponymique : « Il est probable que les noms qui se succèdent en un même lieu soient le résultat d’un bilinguisme inscrit dans un contexte socioculturel. Sans cela, chaque nouvelle langue dominante re-créerait, isolément, à partir de rien, un nouveau système onomastique » (167).

9Ces exemples soulignent la complexité du canevas historique exerce une influence sur la nomination des lieux. Virginiens partis s’établir en petits groupes dispersés dans les contrées sauvages du sud, les pionniers du Kentucky, dispersés dans leur habitat (Merk 88), entretenaient un contact immédiat avec la nature. Aussi peut-on penser que pour ces hommes de la Frontière, Bluegrass avait l’avantage d’être simple, donc efficace. Quant au toponyme Wabash, il rappelle l’importance de l’antécédence indienne ; sans elle, les trappeurs, négociants et soldats qui sillonnaient l’Amérique du Nord auraient tergiversé sur les itinéraires à suivre. Qu’ils se soient familiarisés avec les Indian canoe routes et la nomenclature indigène des rivières était somme toute attendu : les jésuites avaient donné le ton, qui pendant tout le xviie siècle recueillirent auprès des populations indiennes les informations géophysiques et toponymiques du territoire. Cette préexistence renvoyait toutefois à la « question indienne », opposant populations dominantes et groupes minoritaires. Se battrait-on pour préserver la toponymie des Premières Nations ? Avant d’être nommé Minnesota, comme le suggéra le représentant à la Chambre, H. Sibley, en 1848, ce territoire fut connu comme Menesota, Menisothe, Minnay sotor, d’après l’expression sioux dakota (minne, « eau », et sota, « nuageux, blanchâtre, bleuté »), tel que le nota Jonathan Carver, qui passa l’hiver 1766-67 dans la région. Or, cette « eau teintée de bleu » des Dakotas fut pendant cent cinquante ans indiquée sur les cartes comme rivière Saint Pierre, d’après Pierre Charles Le Sueur qui la remonta à la fin du xvie siècle (Upham 2-4). « L’option » indienne fut donc davantage le fruit d’une décision – arbitraire autant qu’heureuse –, que l’application d’une politique officielle de sauvegarde de la nomenclature indigène.

10Parfois la toponymie indienne semble aisée à identifier. Soctehoma, au Mississippi, est l’adaptation d’une expression creek-chickasaw, « falaises rouges » (Stewart) ; Manistique, au Michigan, de l’algonquin onaman, « ocre rouge » et de tigweia, « rivière » (Gagnieur 550-551) ; Soctum Hill, en Alabama, du choctaw sakti humma, « berges rouges » (Stewart). Trop souvent, malheureusement, les explications restent nébuleuses : Waco, ville de Floride, est-il un transfert du Texas, dérivé de tawakoni, « rivière sinuant entre des falaises rouges », ou bien une expression seminole désignant un « petit héron bleu » ? Confusion encore dans le cas des tribus – itinérantes, donc plus difficiles à suivre – qui sont à l’origine du toponyme Baton Rouge, en Louisiane ; tout juste sait-on qu’il s’agit « de piquets peints du sang d’animaux morts plantés par les Indiens Houmas et Goulas » pour délimiter leurs aires de chasse. Toponyme choisi par les Français, il se retrouve également en Caroline du Sud, renvoyant à un même partage du territoire. Quant à Painted Post, dans l’Etat de New York, il désignait un poteau symbolique (sans qu’on en sache davantage), érigé par des nations indiennes (Stewart).

11L’osmose entre la terre d’Amérique et l’histoire des peuples qui l’ont habitée fluctue donc au gré des influences communautaires, culturelles et politiques. Comme le nota l’un des plus éminents spécialistes de la toponymie indienne, Virgil J. Vogel, dans Indian Names on Wisconsin’s Map, en 1991 : « Les noms géographiques laissés par les Indiens sont les plus anciens et peut-être les plus négligés par les chercheurs ; assurément les moins bien compris du public » (xiv). Bien que décidés à faire tabula rasa de cette antécédence, les populations blanches s’en inspirèrent pourtant, faisant ressurgir, sous une nomenclature de langue européenne (essentiellement française ou anglaise), les vestiges d’une toponymie amérindienne préexistante. Les Sioux minnetare [11], qui désignèrent un canyon couleur ambre par Misiadazizi, allaient indirectement soufflé aux trappeurs français le nom Roche/Pierre jaune ; quelque temps après, l’expression serait traduite par Yellowstone (Whittlesey 169). Au Minnesota, Red Lake est la traduction de Lac Rouge que l’explorateur Varennes de la Vérendrye inscrivit sur sa carte de 1737, ayant adapté un nom ojibwa, Misquagumiwi, « lac de couleur rouge » (Upham 444-46). Quant aux sombres Black Hills du Dakota du Sud, ainsi décrites pour leurs sapins et leurs épicéas, il s’agit, là aussi, d’une traduction littérale du nom sioux dakota Paha Sapa (NPS-Black Hills).

12Ces adaptations linguistiques ne sont pas le fait des seuls Français ou Anglo-Saxons. Elles se retrouvent en réalité dans toutes les aires d’influence européenne, comme lorsque depuis Madrid, la Couronne d’Espagne décida d’imposer à la loi indigène la sienne, à la langue autochtone, le corpus castillan. Ainsi, en Floride, Wikaiwa devint-il Las Aguas Azules, avant de s’angliciser en Blue Springs. Au Nouveau Mexique, les Espagnols adaptèrent un nom des Indiens taos en un Río Colorado, lui-même changé en Red River. Devenus minoritaires, les noms espagnols durent à leur tour coexister avec des toponymes anglais, comme, au Nouveau Mexique, Sierra Blanca au côté de White Mountain, Agua Azul, de Bluewater Creek. Selon les calculs effectués par Thomas M. Pearce, en 1958, 45 % des toponymes de cet État sont d’origine espagnole (218), un chiffre légèrement corrigé par Robert L. Herrick en 1983, qui mentionne plus précisément 35,9 % de noms espagnols, contre 58,7 % de noms anglais. Si ces pourcentages sont élevés, dans les autres régions du Sud-Ouest [12], les toponymes cédèrent davantage à la domination anglo-saxonne, comme ces nombreuses Cañada Verde californiennes devenues des Green Valley. L’étude menée en 1964 par Alan K. Brown, sur la toponymie du comté de San Mateo au sud de San Francisco, révèle qu’à partir de 1850, lorsque la Californie devint un État de l’Union et attira des anglophones en nombre croissant, un tiers de la nomenclature espagnole – qui diminua de moitié – fut partiellement traduit (171, 175). Parfois mal appliquées, les substitutions entraînèrent des erreurs sémantiques, comme ce Río Blanco de Floride transformé, par mimétisme phonétique entre les deux adjectifs, en Black Creek[13].

13Compte tenu de la présence ininterrompue des hispanophones dans tout le sud des États-Unis, la nomenclature espagnole fit, toutefois, preuve de résistance. Au Texas, des éleveurs soulignèrent en 1887 le jaune des berges et des fleurs en baptisant leur communauté Amarillo[14]. Au Wyoming, Colores rappelle la polychromie des roches, tout comme en témoigne Pintura, en Utah (Stewart). Alors qu’en Espagne palo signifie « piquet », dans le Sud-Ouest américain il désigne un arbre, d’où ces nombreux Palo Blanco, Palo Verde, Palo Colorado, Palito Blanco… érigés au milieu des déserts. Contrastant avec les couleurs de Bayou Pintou, en Louisiane, adaptation créole de Pinto, « peint » (Stewart), Negrito Creek, profonde rivière traversant un canyon, Moreno River, « rivière brune » alluvionnaire d’une région aurifère, et Rio Agua Negra, de couleur ferrugineuse, affichent au Nouveau Mexique la noirceur de leurs eaux.

14Aux El Dorado de la ruée vers l’or de la Sierra, nourris des légendes de l’époque coloniale tout autant que des espoirs dans les richesses infinies de la Terre Promise américaine, le non moins mythique Colorado faisait écho. En 1540, le navigateur Hernando de Alarcón note sur ses carnets le nom d’un fleuve aux eaux fort rouges : Río de Buena Guía[15]. Un an plus tard, Melchor Diaz inscrit sur sa carte Río del Tizon ; il remarque en effet que des Indiens allument de temps à autre des feux le long de ses berges. En 1604, l’expédition de Don Juan de Oñate désigne cette rivière à « l’eau presque rouge » comme Río Colorado. En réalité, c’est l’actuelle Little Colorado River d’Arizona que Oñate vient de baptiser, le fleuve Colorado étant signalé en janvier 1605 comme Río Grande de Buena Ezperanza. En 1700, Eusebius Kino, jésuite allemand en mission d’exploration, le renomme Río Colorado del Norte. Le toponyme n’en est pourtant pas au bout de ses voyages. En 1776, le père franciscain Francisco Hermenegildo Garcés le consigne comme El Arroyo de los Mártires, « rivière des martyrs ». Alors que sur la carte de l’Amérique du Nord de John Cary, publiée à Londres en 1806, la forme anglo-espagnole Colorado River apparaît pour la première fois, il lui faudra encore s’imposer face aux velléités de cartographes américains qui, dans les années 1840 et 1850, victoire américaine sur le Mexique oblige, cherchent à angliciser le toponyme en Red River of the West ou Red River of California, sans succès (Gudde, Barnes).

15Comme l’illustre à merveille l’exemple du Colorado, les épopées de la toponymie prouvent qu’il lui faut franchir plusieurs obstacles avant de se stabiliser. Ces allées et venues entre les différents corpus, comme en témoigne le ton sur ton des Blue Earth/Azul Creek/Terre Bleue/Minnesota, rappelle à l’évidence l’infini possible des métissages culturels de la nation américaine.

Choisir sa couleur

16L’eau, dans les sociétés antiques et médiévales, n’est pas associée au bleu comme elle l’est de nos jours [16], mais au vert. Green River, qui désigne cette rivière traversant l’Utah et le Wyoming, serait-elle donc plus proche des origines de la culture occidentale que Blue Hole décrivant une source du Nouveau Mexique ? Voyageurs et géographes s’accorderont naturellement pour y voir des couleurs distinctes (bien que voisines sur la gamme chromatique). Or, il en va tout autrement pour l’homme du Moyen âge, pour qui seul le ciel est bleu, tonalité du lointain – infini géographique, onirique ou spirituel (Pastoureau 32-39). Dans leur conviction de détenir une voie d’accès vers l’Orient – le fameux passage du Nord-Ouest –, les Français désigneront le lac Michigan comme Le Lac des Gens de Mer (1640) ou Le Lac des Peuples Maritimes (1660). Rien d’étonnant, peut-être, à ce que les pères jésuites nomment l’une des anses par laquelle ils accèdent au lac, la Baye Verte, qui deviendra Green Bay, ville du Wisconsin. Comment, alors, distinguer les grandes étendues d’eau, des forêts ? Green Bay serait-elle verte parce qu’entourée de conifères ou par la couleur de ses eaux ? Les différents rapports au sujet de ce lieu, complexes comme souvent en toponymie, ne favorisent pas une interprétation plutôt qu’une autre. Frederic G. Cassidy lui-même, spécialiste de la région des Grands Lacs, hésite sur les raisons qui ont fait transmuer le nom Baie des Puants (en référence à ses odeurs fétides [17]), en un Baye Verte, mentionné en 1721 par le père Charlevoix, devenu Green Bay sous influence anglaise vers 1770 (168-178).

17L’exemple de Green Bay révèle la difficulté à établir des étymologies parfaitement avérées. Les publications de l’American Name Society[18] (fondée en 1951) n’ont consacré que peu d’études sur l’utilisation des couleurs en toponymie. Dans « Notes on Place-Naming in Chinese and English », seul article figurant à l’entrée “color” de l’index de la revue Names[19], les auteurs comparent brièvement l’usage des couleurs entre les cultures anglo-saxonne et chinoise ; si Red River et Yellowstone ont leur équivalent en Chine avec Hong Shui, « eau rouge », et Huang Shi, « eau jaune », on y apprend surtout que la gamme chromatique chinoise y est bien plus nuancée, et souvent liée à l’imaginaire plus qu’au descriptif (Millward 35-36).

18La présente tentative, qui vise à une classification des couleurs liée à une possible symbolique, s’appuie sur des calculs qui souvent ne peuvent être effectués de manière systématique : en effet, la nomenclature d’une région ne figure que rarement de manière intégrale sur les registres toponymiques, ceux-ci ne faisant souvent ressortir que les éléments les plus saillants, ce qui exclut de fait de « communs » Red River et Blue Mountains. De plus, certains Greenville ou White Creek dérivent de patronymes, non de descriptions géophysiques. Élaboré à partir de dictionnaires toponymiques, le tableau ci-dessous répertorie le nombre [20] de qualificatifs « de couleur » pour les États sélectionnés ; ces données serviront de point de départ à une interprétation sur la représentativité des couleurs.

Nombre de génériques de couleur employés en toponymie[21][22]

tableau im1
ÉTATS Black Blue Green Red White Yellow Arizona 40 +/- 16 3 20 18 3 7 Verde Californie 1er rang 4e rang 5e rang 2nd rang 3e rang 1 ( ?) ( ?) (50 +/-) (550) (100 +/-) 1 Floride 6 1 6 4 4 2 Idaho 30 +/- 11 13 6 14 6 Michigan 11 3 20 +/- 11 25 1 1 Bois Blanc, 11 Grand Blanc Minnesota 30 +/- 17 30 +/- 60 +/- 40 5 Nouveau-Mexique 170 91 25 +/- 100 +/- 200 +/- 70 +/- Negro 8 Azul 105 Blanco Oregon 12 8 12 5 15 2

Nombre de génériques de couleur employés en toponymie[21][22]

19En dehors du jaune, moins bien représenté sur la carte [23], et sur lequel nous reviendrons, les couleurs qui dominent la nomenclature américaine se déclinent davantage en noir et blanc, couleurs de base des sociétés occidentales [24] (Pastoureau 8). Dans les huit États cités, ces deux couleurs se partagent en effet la première place, le noir devançant le blanc dans quatre États (Arizona, Californie, Floride et Idaho), et inversement pour le blanc où il domine au Michigan, au Minnesota, au Nouveau-Mexique et en Oregon. Attaché à décrire, dans ces États, comme nous le verrons plus bas, des eaux écumantes, des forêts de bouleaux ou des sommets neigeux, le blanc y semble mieux représenté que le noir a contrario plus ancré dans les forêts de conifères de l’Idaho, près des caps de Floride visibles depuis les côtes, ou encore dans la Sierra californienne traversée de sombres canyons. Alors que le rouge occupe une place de choix au Minnesota, souvent adapté d’expressions indigènes, ou dans les États du Sud-Ouest, en référence à la roche sanguine ou aux lumières vespérales, il cède devant le vert dans les États plus verdoyants que sont l’Idaho, le Michigan et l’Oregon. Si la logique admet des exceptions, qui seront dégagées par la suite, elle permet aussi de comprendre que le bleu, qui referme notre palette, y soit, hormis le jaune déjà cité, la couleur la moins bien représentée. S’il était un élément du paysage identifié au bleu, ce ne pouvait être que le ciel, par définition changeant et inaccessible, à la fois dans l’acception mystique et physique du mot, d’où cette relative pénurie d’azur dans la nomenclature de lieux terrestres, si ce n’est dans celle de lacs reflétant des fragments de bleu céleste. Ainsi, bien que dans la vie quotidienne le bleu soit de nos jours plébiscité par 50 % des Européens et des Nord-Américains, devant le vert (20 %) et le rouge (à peine 10 %) [25], il n’est pas en toponymie la couleur de référence (l’exemple de Green Bay semblait déjà le mettre en évidence).

20Le noir l’emporte en effet « haut la carte » dans la plupart des États. On pourrait alors tempérer ces équations modernes l’identifiant à une absence de couleur et s’inspirer de l’interprétation du Moyen âge qui en faisait une « couleur » à part entière, complémentaire du blanc. Ainsi, ce Black Giant de Californie qui se détache du paysage y est-il bien visible, tout comme cette Black Range d’Arizona s’élevant « au-dessus de la rivière […] en un canyon extraordinaire ». Imposante présence aussi que cette sombre forme arrondie d’Arizona, Negro Head (Stewart). La nomenclature révèle bien là qu’il y a couleur, magistrale de surcroît. Les pionniers qui, « d’instinct », ont nommé des hauteurs, Black Mountains, n’ont pas échappé à la majesté qu’inspire cette couleur. Ces hommes qui baptisaient des gorges, Black Canyon, n’ont pu qu’être sensibles à cette apparence menaçante de certains passages entre les roches. Points de non retour ou coupe-gorge, certains canyons semblaient mériter leur sombre appellation, comme au Nouveau Mexique, Devils’ Inkwell, obscure gorge sillonnée par une rivière aussi noire que le diable. Située à l’ouest des Vulture Mountains, en Arizona, Black Butte semblait d’un tout aussi sombre augure. On conjura peut-être le sort, toujours de manière très inconsciente, par un tour de passe-passe linguistique, transposant, par étymologie populaire [26], une Terre Noire en un Turnwall (Ellis 250). Là, en Arizona, on découpait un bout de ciel pour en coiffer de ténébreuses Black Mountains, comme à Blue Ridge Mountains, ainsi isolée du reste de la chaîne. Malgré la rigidité, les pressentiments, les ténèbres, réels ou sataniques, qui s’y rattachent, le noir reste néanmoins la couleur la plus employée de la gamme toponymique, sous sa forme anglaise ou espagnole, le Nouveau Mexique comptant à lui seul quelque 70 occurrences de Negro/Negra pour 170 de Black. La nature de l’Amérique, si prometteuse fût-elle, restait une inconnue dont on se méfiait et sur laquelle se projetèrent les craintes et, parfois, les frustrations. Peut-être cette couleur noire permet-elle aussi de mettre en valeur des coloris plus chauds, plus attrayants, plus… vivants.

21Le vert, comme le rouge et le bleu, occupe des positions variables, suivant les États. Assez logiquement, son utilisation semble banalisée dans les régions verdoyantes, plus rare dans les régions arides du Sud-Ouest. Samuel de Champlain qui établit en Amérique des comptoirs au nom de la Couronne française (au « Mont Royal », devenu Montréal), ne s’y trompe pas : après avoir fondé Québec, il part en 1609 explorer les collines boisées au sud de Montréal, qu’il baptise Vert Mont, devenu le Vermont. Quelque deux siècles et demi plus tard, c’est une commune de l’Iowa, que l’on nommera Green Mountain, sur la proposition de pionniers originaires du… Vermont (Dilts). Moins chanceux, dans l’Etat du Vermont, Les Monts Verts sont devenus, par étymologie populaire [27], un plus lumineux Lemon Fair (Stewart) ! Au Colorado, alors que les responsables des Parcs nationaux envisagèrent de nommer Colorado Cliff Dwellings cet ensemble de vestiges troglodytiques indigènes, on lui préféra Mesa Verde, « table/plateau vert(e) », pour sa référence à la végétation du site ainsi qu’à l’ancien « maître des lieux » espagnol, fût-ce au détriment de son occupation par les nations indiennes [28] (NPS-Mesa Verde). Couleur végétale par excellence, le vert décrit des régions naturellement boisées, mais aussi, sur des terres arides, des oasis de verdure : aussi le trouvera-t-on sur les cartes du Sud-Ouest (Stewart), témoin cette cinquantaine de Green Valleys, Green Flats et Green Acres de la luxuriante vallée californienne. Aujourd’hui encore, ce réflexe s’applique aux résidences immobilières, les Greenwoods Apartments et les Green Acres Homes des villes venant inscrire sur le macadam les rêves d’une verdure disparue. Alors qu’au Moyen âge cette couleur était de mauvais présage, parce qu’associée à un destin plus funeste que prometteur (Pastoureau 177), pour l’Amérique, c’est la bonne fortune qu’elle invoque, celle d’une nation prête à saisir sa chance, jouant sur un tapis vert son avenir, se donnant à elle-même le feu… vert pour se lancer dans de nouvelles entreprises.

« Red, white, and blue » ?

22Des trois couleurs emblématiques – “red, white, and blue” – de l’Amérique, dans le Sud-Ouest, souvent le rouge l’emporte (excepté au Nouveau-Mexique). Si le rouge est moins à fleur de terre dans la région des Grands Lacs, il apparaît néanmoins au fond des rivières, tel que le décrivaient les populations sioux du Minnesota, ce qui explique le taux élevé de tels toponymes dans cet État. Fréquemment cité après le noir, le rouge s’attache d’une côte à l’autre, au flamboiement des forêts automnales, comme à Red Hill dans le New Hamsphire (Stewart), à des lits d’agate à Red Shirt dans le parc national des Badlands, dans le Dakota du Sud (NPS-Badlands), à l’embrasement de la prairie au soleil couchant, à Red Hills en Arkansas (Stewart), au mordoré de la roche à Red Rock Bay à San Francisco, baptisée d’après l’Isla del Oro décrite par le père Payeras en 1819. A ces toponymes il convient d’ajouter ceux construits à partir du colorado espagnol, renvoyant au « rouge » davantage qu’au « coloré », comme le fameux Colorado, bien sûr, mais aussi, comme au Nouveau Mexique, cette Casa Colorada, ancien relais de diligences aux murs rouges.

23Alors que la couleur noire peut évoquer l’enfer, le rouge suggère le feu, comme ces incendies vespéraux sur la prairie ou les éclats du soleil sur la roche. Faut-il voir dans cette « couleur archétypale, la première de toutes les couleurs » (Pastoureau 156), le signe d’une vitalité rédemptrice, celle que l’on obtient aussi par le sang versé ? Que cette expiation fût réelle, comme à Blood Basin en Arizona (l’ennemi indien y baigna dans son sang), ou allégorique, comme à Dripping Blood Mountains ou Bloody Mountain en Californie, où le rouge ruisselait sur la roche, elle permettait peut-être de libérer des énergies nouvelles, imprégnant la toponymie de sa symbolique. La terre d’Amérique n’est-elle pas magnifiquement rouge, avec ses centaines de Redbluffs, de Redlands, de Red Domes, de Red Hills ? Attendue, la roche sanguine des déserts du Sud-Ouest ? Peut-être, mais que dire de ces nombreuses rivières d’encre rouge qui serpentent dans la région des Grands Lacs, comme en Ohio, la Vermilion River fournissant aux Ottawa l’argile de leurs peintures corporelles (Lindsey 34) ? Tandis que des tribus d’Algonquins en Illinois désignaient par An-num-mum-se Se-be, une « rivière de couleur ocre », la carte de l’explorateur Jolliet l’indiquait dès les années 1670 comme R. de Pierres Sanguines, nom qui fut un temps traduit par Red River ; nommée Rivière Jaune-Vermillon par les trappeurs, elle finit par adopter le nom de Vermilion (Baker 40, Vogel IL).

24Comme le remarquèrent des immigrants suédois en baptisant leur communauté Redpath, en 1881, toute occupation des lieux se faisait sur une terre indienne, en l’occurrence une piste dakota (Upham 552). Le Pays Indien, devenu terre de déportation des populations indigènes à partir des années 1830, en est une affirmation toponymique parfaite : orphelins de leur terres originelles, orphelins d’un nom pour celles qu’on leur attribuait, ces nations proposèrent, lors du Traité Chocktaw-Chickasaw de 1866 qui établissait les limites des différents territoires indiens, le nom Oklahoma, la « terre des hommes rouges » (Stewart). Alors que l’on retrouve l’origine indienne du nom dans Oma, rouge terre du Mississippi, on peut deviner dans la proposition du chef chocktaw qui signa le traité, l’affirmation d’une identité livrée grâce à une bataille de noms. Sanglante le plus souvent, comme à Isla de la Sangre, devenue Bloody Island où, en 1844, un certain Samuel J. Hensley de Fort Sutters y subit l’assaut de guerriers indiens, cette lutte rappelait la violence parfois imprévue de la terre d’Amérique. Tandis que Red Rock, parc de l’État d’Arizona, fut baptisé Hell’s Hollow par certains cow-boys, Red Rock, parc de l’Etat du Nouveau Mexique, à la roche originellement grise, se teinta de rouge lorsque, selon la légende, un grand cerf y perdit son sang, mortellement touché par un esprit maléfique ! Marquée au – fer ? – rouge, comme à Redess en Oregon, où les terres fédérales inondables étaient estampillées d’un “s” rouge sur les registres (red « s »), la terre des États-Unis qui scintillait encore de tous ces jaspes à Redstone, rivière du Minnesota, annonçait par ailleurs les vermeils déclinants du soleil, et peut-être, aussi, ceux d’une civilisation. Le rouge couleur guerre pourrait alors enfin se taire, laissant aux cartes le soin d’évoquer ces stigmates douloureux.

25Comme le Congrès continental le proclame, à la veille de la déclaration d’Indépendance, les couleurs du drapeau de la nation américaine, inspirées de celles de l’Union Jack anglais, renverraient « pour le Blanc, à la Pureté et à l’Innocence ; pour le Rouge, à la Vigueur et à la Bravoure ; pour le Bleu, à la Vigilance, à la Persévérance et à la Justice » (PBS) [29]. Si le rouge s’exprime à profusion sur les cartes, avec sa puissance mais aussi ses excès, le blanc y poursuit le coloriage, parfois devançant le rouge, parfois lui succédant. Le plus souvent l’association se fait avec la roche, comme à White Mesa et à White Sands, au gypse blanc, ou à Blanco, situé près d’une arête de rhyolite, roche volcanique claire très présente en Californie et au Nouveau Mexique. En Oregon, où cette couleur est bien représentée, White Point y évoque un promontoire de granit, alors qu’en Californie, les White Mountains révèlent la dolomite de leur sommet. Blancheur encore pour ces rivières alluvionnaires et laiteuses, Milky Wash en Arizona ou White Rock Canyon au Nouveau Mexique, cet affluent aux limons glaciaires, White River en Oregon, ces sources de souffre, White Sulphur en Ohio, et ces torrents écumants, Whitewaters des Rocheuses ou Whitewater River de l’Indiana, au nom inspiré du delaware Wapinepay, « eau claire et blanche » (McPherson). Alors qu’une pâture bien maigre de l’Oregon devenait une ingrate White Butte, les neiges éternelles, presque invariablement, se déclinaient, tout comme en Europe les Mont Blanc et Weisshorn, en White Mountain ou Sierra Blanca.

26Contrepoint des incandescents Redlands, ces élans candides semblaient souligner la pureté des lieux, comme si au bouillonnement incarnat de la terre, l’innocence et la virginité répondaient de toute leur symbolique. Non seulement l’éclatante blancheur de la toponymie vantait le Nouveau Monde, terre de tous les possibles, jardin d’Eden de l’humanité retrouvée, mais elle en soulignait également l’indissociable essence divine. L’Amérique saurait-elle, toutefois, être à la hauteur de ce Canaan toponymique et, comme à Alba Mountain, de la blancheur de l’aurore, dans le Michigan, ouvrir ce nouveau chapitre de l’humanité ? Si l’on pouvait penser qu’elle s’affirmait comme cette terre où coule le lait et le miel bibliques, comme peut-être à Milk Creek et Lactose Spring, elle était aussi rattrapée par ses propres contradictions, telle cette dichotomie des races déclinée en noir et blanc. Ainsi Alba fut-il adopté au lendemain de la guerre de Sécession par une commune texane refusant le droit de résidence aux citoyens d’origine africaine (Stewart). Alors que Negro, dans ce même État, avait été fondé par des freedmen du Tennessee, Blackdom, au Nouveau Mexique, fut ce kingdom [30], royaume noir fondé dans les années 1900 par Francis Boyer, fils d’anciens esclaves. Royaume des cieux pour les uns, paradis d’albâtre pour les autres, les expressions de la Terre promise ne se lassaient pas d’être contradictoires.

27Dernière couleur de la bannière étoilée, le bleu y est également la moins bien représentée, hormis l’Idaho et l’Oregon (et sa chaîne des Blue Mountains) où il s’attache à de nombreux lacs. Vigilance, persévérance, justice : les critères retenus par le Congrès continental en 1774 [31] rappellent indubitablement à la nation ses origines puritaines. La Réforme protestante enseigne en effet qu’il existe des couleurs « honnêtes », comme le noir, le blanc et le bleu, et d’autres « déshonnêtes », telles les couleurs chaudes (Pastoureau 34) ; dès lors, le bleu en vient à symboliser, un peu à la manière de la déclaration du Congrès continental, les valeurs d’une société qui, dépouillée du superflu, cultive le sens de l’effort et de la droiture. Ainsi que l’écrivait James Moss, cet ancien colonel de l’Armée américaine, « le bleu de notre drapeau symbolise la loyauté ; il est le bleu du ciel, le vrai bleu » (36). Ces Blue Mountains et Blue Lakes qui se détachent du paysage seraient-ils, ici, autant de sentinelles, là, autant de bénitiers rappelant au pionnier que sa route n’est jamais éloignée des valeurs que défend la démocratie américaine ? Au fil des décennies, cependant, on peut penser que l’aspect sacré lié à cette couleur, du moins en toponymie, s’est estompé. Comme l’écrivaient Wilhelmina et Vivian Jabobs dans un article de la revue American Speech en 1958 : « Quelle que soit la valeur symbolique que le bleu ait représenté pour l’Eglise catholique par le passé, aujourd’hui il ne fait plus partie de ces couleurs frappées du sceau mystique » (29). Alors que des dizaines de Blue Ridges, Blue Creeks et Blue Lakes azurent les cartes de Californie, en pays dakota, Makato Osa Watapa, traduit par les Français en Rivière de la Terre Bleue, a donné naissance à la ville de Mahkato et au comté de Blue Earth (Upham 57-58, 61-62) ; le bleu, considéré comme couleur à part entière par les populations indiennes, confirmait donc, au-delà des interprétations religieuses, sa légitimité en terre américaine.

28Si le bleu, fragment de ciel sur terre, appelle le rêve, à l’azur d’un ciel, le jaune répond par sa lumière. Alors que la nomenclature est relativement pauvre en noms composés avec le qualificatif yellow, elle est bien plus expressive dès qu’il s’agit de matérialiser cette couleur. Jaune de la prospérité, comme ces champs mordorés de Golden Ridge en Idaho, or des pépites à Golden Camp, orangé des vergers à Orange Dale et Orange Hill, en Floride et au Texas, ambré du quartz de Yellowstone Creek en Oregon, celui du soufre à Yellow Springs en Ohio, jaune de la roche troglodyte des Indiens de Yellow House Draw au Texas, doré des herbes sauvages (vespa vulgaris) à Yellow Jacket au printemps en Oregon, ocre de l’eau à Bayou Jaune, en Louisiane (Stewart), celui des berges à Oquawka (algonquin, « terre jaune ») en Illinois, jaune indigène en Floride à Ochlockonee (dérivé de Hitichiti oki, « eau jaune ») : cette couleur se décline en un curieux mélange de lumière et d’opacité, de puissance et de déclin, de vif et de croupi – un demi-rouge en quelque sorte. Au Minnesota, Pezhihutazizi kapi, « rivière des roseaux jaunes » donna le nom de Yellow Medicine, les Dakota faisant usage de ces plantes médicinales (Upham 593-596). S’il est des couleurs qui font vendre, il en est qui apaisent et guérissent. Que cette guérison vienne des populations autochtones d’Amérique, pour controversée qu’elle peut être, n’est pas tout à fait un hasard. Aux couleurs patriotiques de la bannière étoilée se mêlent ainsi des teintes qui ne peuvent donc être qualifiées de secondaires : « complémentaires » serait un terme plus juste.

29Répondant aux toponymes célébrant les grands hommes de la nation, tels les multiples Washington et Jefferson qui, sur les cartes, confirmèrent les aspirations politiques et démocratique des États-Unis [32], les couleurs de la bannière étoilée rendirent, de manière plus fluide, probablement plus inconsciente et populaire, leur propre hommage à la nation américaine.

30Le moyen le plus immédiat de nommer un lieu étant de le désigner d’après ses traits les plus pertinents, il semble assez logique que la couleur ait été retenue comme l’un de ces critères. Synergie entre la terre et son histoire, entre enthousiasme et pragmatisme, les motivations pour étaler sur les cartes américaines la richesse chromatique furent aussi attendues qu’étonnantes. La palette toponymique tantôt révéla les rêves, tantôt les condamna. Ici encore, les artistes-peintres de la nomination maintinrent la tradition, là, la transgressèrent. Dans cette formidable aventure humaine que furent ces mariages parfois sages, parfois fougueux entre la terre et sa nomenclature, les cultures de différents peuples s’entrechoquèrent. Pré-existence indienne, héritage de la conquista espagnole, rémanences françaises en terre d’Amérique s’imposèrent parfois face à l’hégémonie anglo-saxonne, laissant alors parler leurs propres couleurs. D’une côte à l’autre, la carte étala ses noms en noir et blanc, couleurs dominantes de la gamme chromatique. Dans les régions du Sud-Ouest, le rouge s’affirma, comme un écho aux ocres de la roche, laissant au vert l’avantage dans les régions boisées. Quant au bleu, à la pureté sacrée ou cristalline, il vint parfaire, en touches plus légères, la toile toponymique éclairée de quelques ambres.

31Nommée, lors de sa création au début du xxe siècle, Swastika, en référence à l’expression sanscrite pour la « bonne fortune », une mine de charbon du Nouveau Mexique fut dans les années 1940 rebaptisée Brilliant. Qu’au lustre sanscrit on ait, idéologie nazie oblige, substitué une certaine neutralité prouve aussi l’incroyable non-dit de la nomenclature des lieux. Puisqu’en latin, celare, qui donnera naissance au nom « couleur », signifie « cacher », on peut en effet s’interroger sur les facultés de la toponymie à dévoiler ou à retenir certains pans de sa richesse. Entre les franches déclarations des carmins, celles majestueuses du noir, ou encore celles plus posées des azurs, les cartes n’en finissent pas de se jouer des pastels de la nomenclature. Artifices déclarés ou subtilité de la symbolique, les choix toponymiques de l’Amérique expriment à l’infini les liens qui unissent le citoyen à sa terre, mais peut-être, davantage encore, traduisent-ils sa perception du monde et de lui-même.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : indiens d'Amérique, Ouest américain, Conquista, toponymie, couleurs

https://doi.org/10.3917/rfea.105.07

Notes

  • [1]
    Instance fédérale créée en 1890 dans le but de légiférer en matière de toponymie.
  • [2]
    Sauf indication contraire, tous les toponymes de Californie ont pour référence GUDDE,
    • ceux d’Arizona, BARNES
    • ceux du Nouveau-Mexique, JULYAN
    • ceux d’Oregon, McARTHUR
    • ceux de Floride, MORRIS
    • ceux du Texas, TARPLEY
    • ceux de l’Idaho, BOONE
    • ceux de l’Ohio, OVERMAN
    • ceux du Minnesota, UPHAM
    • ceux du Michigan, ROMIG
  • [3]
    Voir US Board on Geographic Names. Principles, Policies, and Procedures : Domestic Geographic Names, 1989.
  • [4]
    Le gouvernement fédéral dut intervenir, obligeant les communes ou les autorités locales à proposer d’autres noms.
  • [5]
    En général un quart de la nomenclature (en 3e position derrière les toponymes inspirés de patronymes et ceux dits « transférés » d’autres lieux), comme le confirment la plupart des dictionnaires et études toponymiques. Voir, sur la catégorisation de la toponymie américaine, l’article de Louis N. Feipel, “American Place Names.” American Speech 1 : 78-91, ainsi que Henry Louis Mencken, The American Language, 529.
  • [6]
    Les noms de ces résidences, proposées à l’achat, figurent sur les pages web de plusieurs sites immobiliers, en l’occurrence Yahoo, rubriques immobilières des Yellow Pages.
  • [7]
    Nommé en 1889.
  • [8]
    Ne sont pas compris ici les toponymes qui, comme par exemple Painted Cave (comté de Santa Barbara), renvoient à des sites riches en peintures rupestres indigènes.
  • [9]
    Cette tribu d’Algonquins est sans rapport avec le terme muskogee de Floride (qualifiant une rivière).
  • [10]
    L’algonquin est la langue (aux variations dialectales) parlée par différentes tribus de la région des Grands Lacs, parmi lesquelles les Menominee, Chippewa/Ojibwa, Ottawa, Potawatomi, Miami, Sauk, Delaware et Cree/Cri (pour ne citer que les principales).
  • [11]
    Tribu sioux du Nord-Ouest.
  • [12]
    Peut-être le brassage démographique et économique y fut-il plus important.
  • [13]
    Curieusement, blanco et black, dérivés de termes germaniques, partagent la même étymologie.
  • [14]
    Origine contestée.
  • [15]
    Si en 1540 Alarcón remonta à deux reprises le fleuve jusqu’à l’actuelle ville de Yuma (sud-est de l’Arizona), année où l’expédition de Francisco Vásquez de Coronado s’approcha, elle, du canyon, le premier Européen à explorer l’embouchure du fleuve fut probablement Francisco de Ulloa, dès 1539.
  • [16]
    Le changement se fera entre le xve et le xviie siècles.
  • [17]
    Les Puans (sic) était alors le nom donné à la tribu des Winnebago qui habitaient la région.
  • [18]
    Voir American Names Society. http:// www. wtsn. binghamton. edu/ ANS/
  • [19]
    Publiée par cette société.
  • [20]
    Lorsque le nombre est absent, figure à sa place un classement des couleurs en fonction de leur fréquence, comme pour red et blue en Californie.
  • [21]
    Chiffre non communiqué.
  • [22]
    Cette catégorie compte également, sans que l’on puisse toujours les authentifier, des patronymes, les origines étant parfois floues. Le chiffre devrait donc être interprété à la baisse.
  • [23]
    S’il représente le soleil et la chaleur, il est aussi, dans les cultures occidentales, associé à la maladie et à la trahison (Pastoureau 111). On peut aussi penser qu’il est « naturellement » moins bien représenté que d’autres couleurs telles le vert (des forêts et des champs) ou le bleu (de l’eau et du ciel).
  • [24]
    Le xiie siècle bousculera cet ordre, en introduisant d’autres couleurs. Viendront ensuite les classifications en couleurs primaires ou secondaires, froides ou chaudes.
  • [25]
    Des études similaires entreprises en Asie révèlent que le jaune l’emporte, alors que dans les pays de l’Islam, ce sera le vert, la couleur du Prophète.
  • [26]
    L’étymologie populaire est un procédé linguistique de reproduction d’un son appartenant à une langue d’emprunt qui donne à ce dernier un sens dans la langue d’arrivée.
  • [27]
    Voir note précédente.
  • [28]
    Entre 600 et 1 300 ans après J.-C., des nations pueblos, ancêtres de 24 tribus actuelles du Sud-Ouest, occupèrent ce plateau.
  • [29]
    Voir aussi à ce sujet Daniel Boorstin, Histoire des Américains, 797-799, ainsi que Scott Guenter, The American Flag, 1777-1924.
  • [30]
    Aujourd’hui disparu.
  • [31]
    Date à laquelle on fait remonter la naissance du drapeau américain.
  • [32]
    Voir à ce sujet l’article de Wilbur Zelinsky, « Nationalism in the American Place-Name Cover », qui recense et analyse, chronologiquement et par région, l’attribution de toponymes patriotiques aux États-Unis.
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