Notes
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[1]
M. Debré, Discours devant le Conseil d’État, 27 août 1958, in Comité national chargé de la publication des travaux préparatoires des institutions de la Ve République, Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, vol. III : Du Conseil d’État au référendum, 20 août-28 septembre 1958, Paris, la Documentation française, 1991, p. 257.
-
[2]
G. Carcassonne et M. Guillaume rappellent qu’à l’origine, « on imaginait le chef de l’État tenu de satisfaire à une demande. Le 18 mars 1960, le Général de Gaulle signifia que l’on avait tort… les motifs qu’il invoqua […] étaient secondaires. L’essentiel était qu’il attribuât un pouvoir d’appréciation, et de refus […] Les successeurs du Général de Gaule ont persisté », « Article 30 », La constitution (introduite et commentée par), Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 14e éd, 2017, p. 175.
-
[3]
J. Lyon, « l’organisation des débats parlementaires », ICP 1973, n° 95, p. 129-163.
-
[4]
G. Bergougnous, « L’ordre du jour partagé et le nouveau rythme législatif », « Le nouveau Règlement de l’Assemblée nationale », journée d’étude organisée par le Centre de recherches en droit constitutionnel de l’université Paris I (CRDC), 1er avril 2010 à l’Assemblée nationale, Paris, Imprimerie nationale, 2010, p. 9.
-
[5]
Comme le résument G. Bergougnous et D. Chamussy : « Le diagnostic est unanimement partagé. Le Parlement fait trop de choses, à un rythme effréné, et en séance de nuit, selon une tradition bien française », « Le Parlement dans l’exercice de ses missions : à la recherche du temps perdu ? », in Le Parlement et le temps : approche comparée, éd. Institut universitaire Varennes, coll. « Colloques et Essais », 2017, p. 177.
-
[6]
Le Conseil constitutionnel a validé ces réductions de durées. CC, décis. n° 2015-712 DC, 11 juin 2015, Règlement du Sénat
-
[7]
Avant la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale, 652 rappels au Règlement ont été comptabilisés par le service de la séance pour la session 2008-2009.
-
[8]
La résolution du 13 mai 2015 a réduit à 2 minutes 30 au lieu de 5 minutes les interventions pour rappel au Règlement.
-
[9]
La nouvelle rédaction de l’article 57 alinéa 2 RAN à l’issue de la résolution du 27 mai 2009 est la suivante : « Si la clôture de la discussion générale est proposée par un membre de l’Assemblée, la parole ne peut être accordée que contre la clôture et à un seul orateur, pour une durée n’excédant pas deux minutes. Le premier des orateurs demeurant inscrit dans la discussion ou, à son défaut, l’un des inscrits dans l’ordre d’inscription, s’il demande la parole contre la clôture, a la priorité ; à défaut d’orateurs inscrits, la parole contre la clôture est donnée au député qui l’a demandée le premier ». (Souligné par nous.)
-
[10]
« Nous ne voulons pas transformer les commissions en hémicycles » : J.-L. Warsmann, JO AN, Débats, 2e séance du 13 mai 2009, p. 4134. Cette affirmation ne suffit pas à calmer le débat sur cette question. Plusieurs échanges ont eu lieu sur l’ampleur du rapprochement qui était à l’œuvre entre les deux organes : Voir R. Muzeau, JO AN, Débats, 1re séance du 13 mai 2009, p. 4292 et J. Mallot, JO AN, Débats, 2e séance du 13 mai 2009, p. 4134. Il semble pourtant assez clair pour la doctrine que c’est la direction prise : « la première réunion de la commission consacrée à l’établissement du texte peut ainsi ressembler à une “mini-séance” ou à une “avant-séance” », J.-L. Hérin, « La nouvelle procédure législative au Sénat ou comment concilier l’accroissement du rôle de la commission avec le primat de la séance plénière », Pouvoirs 2011, n° 139, p. 125.
-
[11]
Dans ce sens, lire V. Mazeaud, « La défaveur apparente du temps législatif programmé : simple éclipse, ou désuétude achevée ? », Constitutions, p. 222-226.
-
[12]
Proposition de résolution visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission ; présentée par G. Larcher ; Doc. Sénat n° 98 ; 20 novembre 2017, p. 4.
-
[13]
Ibid., p. 25-39.
-
[14]
Art. 47 ter al. 4 RS.
-
[15]
Chiffres fournis par la division de la séance du Sénat.
-
[16]
Le cas de la loi relative au droit des étrangers mérite d’être noté puisque le gouvernement avait déposé 7 articles additionnels. Cette inflation touche aussi les propositions de lois puisque 13 articles additionnels furent ajoutés lors de la discussion de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant. Un chapitre entier fut ajouté à l’initiative du gouvernement à la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
-
[17]
La doctrine Urvoas fut adoptée par la commission des Lois à l’unanimité. Elle prévoyait que les députés socialistes s’opposent aux amendements portant articles additionnels que le gouvernement dépose sur ses propres projets sauf ceux de coordination. Elle fut appliquée dans toute sa rigueur lors de la rentrée de septembre 2015. Selon les fonctionnaires de cette commission, la doctrine Urvoas est appliquée avec moins de rigueur depuis le départ de J.-J. Urvoas. À ce jour, elle demeure invoquée comme une menace ou au titre des bonnes pratiques, et elle demeure donc utile pour prévenir les abus.
-
[18]
G. Carcassonne et M. Guillaume, « Article 48 », in La Constitution (introduite et commentée par), Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 12e éd., 2014, p. 238.
-
[19]
CC, décis. n° n2013-677, du 14 novembre 2013, Loi organique relative à l’indépendance de l’audiovisuel public (JO du 16 novembre 2013, p. 18633).
-
[20]
Calculs effectués à partir des statistiques fournies par le service de la Séance de l’Assemblée nationale.
-
[21]
Statistiques de l’Assemblée nationale et du Sénat.
-
[22]
Les députés ont siégé du 1er juillet au 23 juillet 2014 (soit 14 jours de séance et 27 séances), du 9 au 18 septembre puis le 24 septembre 2014 (soit 8 jours de séances et 15 séances), du 1er au 23 juillet 2015 (soit 13 jours de séance et 27 séances) puis du 15 au 30 septembre 2015 (6 jours de séance et 12 séances).
-
[23]
La session extraordinaire de juillet 2011 s’est tenue du 3 au 31 juillet 2012 (avec 11 jours de séance et 18 séances).
-
[24]
Rapport de J.-J. Urvoas ; Doc. AN n° 2381, p. 104-105. La modification fut validée par le Conseil constitutionnel : CC, décis. n° 2014-705 DC, 11 décembre 2014, Résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale ; JO 13 décembre 2014, p. 20882).
-
[25]
Souligné par nous. Ainsi, pour la commission se réunissant un mardi, le délai limite est le vendredi précédent à 17 heures.
-
[26]
Proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat ; présenté par G. Larcher ; Doc. Sénat n° 377 ; 30 avril 2009, p. 11-12 et p. 27.
-
[27]
La rédaction suite à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 est la suivante : « Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session ».
-
[28]
Statistiques du service de la séance de l’Assemblée nationale, mai 2017.
-
[29]
Statistiques du service de la séance du Sénat pour la période courant d’octobre 2012 à octobre 2016.
-
[30]
Ce que confirme E. Tavernier, directeur général des missions institutionnelles du Sénat. Cf. en ce sens E. Tavernier, « Réaction #5 », in O. Rozenberg et al., « La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a-t-elle renforcé le Parlement français ? », Débats du LIEPP n° 3, mars 2017, p. 50.
-
[31]
Sources : http://www.senat.fr/plateau/tableaux_bord/index.html ; http://www2.assemblee-nationale.fr/14/statistiques-de-l-activite-parlementaire/bulletins-annuels
-
[32]
Le 18 juin 2014 à l’occasion de la première lecture du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Le 10 décembre 2014 sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
-
[33]
L’engagement de l’article 49 al. 3 fut déclaré le 9 février 2006 : cf. JO AN, Débats, 2e séance du 9 février 2006, p. 996. Le texte fut considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution en 1re lecture par l’Assemblée nationale le 10 février 2006.
-
[34]
B. Lacourieux « Contrairement au cas de la loi Macron, où la lenteur du débat parlementaire avait été évoquée – sans doute comme prétexte – le doute n’est pas permis ici : nous retombons sur une utilisation « classique » du 49.3, qui vise simplement à pallier l’absence de majorité », « 49.3 beaucoup de bruit pour rien », blog « Les cuisine de l’Assemblée nationale », 6 juillet 2016, http://blogs.lexpress.fr/cuisines-assemblee/2016/07/06/49-3-beaucoup-de-bruit-pour-rien/.
-
[35]
On notera d’ailleurs que ces deux phénomènes peuvent être liés. En effet, l’une des manifestations de l’indiscipline de la majorité se retrouve dans des débats anormalement longs causés par des prises de paroles et des amendements nombreux issus de ses membres. En d’autres termes, discipliner la majorité permet d’accélérer les débats.
-
[36]
L. Audouy, « La révision de l’article 49 al. 3 de la Constitution à l’aune de la pratique », RFDC 2016, supplément électronique disponible sur www.cairn.fr., p. e17.
1Le temps est une dimension majeure du parlementarisme rationalisé imposé par la Ve République. Dès sa genèse, la Constitution de 1958 s’est employée à le mettre au service de l’exécutif. Deux des quatre séries de mesures garantissant le nouvel équilibre du régime entretiennent avec le temps une complicité évidente et éclairante quant aux intentions constitutionnelles. Le « strict régime de session » et la « réorganisation profonde de la procédure législative et budgétaire » [1] visent tous deux à retirer la maîtrise du temps au Parlement au profit du gouvernement.
2 Au soutien de cet objectif, le texte constitutionnel consacrera plusieurs articles assurant à l’exécutif une maîtrise du temps. Il fut instauré un régime de session à la durée fortement réduite et prescrivant précisément les dates de début et de fin de session (art. 28 C.). L’extension demeurait possible, mais la pratique Gaullienne va aboutir à ce qu’elle procède dorénavant de la seule volonté présidentielle (art. 29 et 30 C.) [2]. Le Parlement aurait à traiter non des travaux de son choix mais de ceux que le gouvernement lui imposerait en priorité (art. 48 C.). Ceux de la matière budgétaire devraient être examinés selon un rythme très contraint sous peine qu’il en soit dessaisi (art. 47 C.). Ne choisissant plus ses dates de réunions, ni son programme de travail, le Parlement ne choisissait pas plus sa cadence de travail puisque le gouvernement se voyait attribuer la possibilité de le précipiter (art. 45 C.).
3Ces choix ont permis à l’exécutif de ne plus connaître les mêmes difficultés que sous les précédentes Républiques dans la gestion de l’institution parlementaire. Pourtant cette rationalisation n’a nullement résolu « l’éternel problème du manque de temps [3] » du Parlement. G. Bergougnous rappelle que « la gestion du temps est le problème récurrent du Parlement » et que « c’est toujours à sa solution que se sont employées les révisions constitutionnelles le concernant » [4]. Depuis plusieurs décennies, cette dimension du travail parlementaire ne connaît pas d’amélioration sensible malgré plusieurs tentatives opérées par des révisions de la Constitution ou les réformes des Règlements. La doctrine dénonce régulièrement la dégradation permanente de cette dimension essentielle du travail parlementaire [5]. À la veille de la révision constitutionnelle de 2008, le temps parlementaire est marqué par un surmenage caractérisé à la fois par une procédure trop lente (débats sans fin, augmentation permanente du temps de séance, du nombre des amendements déposés) et une précipitation de son rythme.
4La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a tenté d’apporter une réponse aux dysfonctionnements temporels en réécrivant de nombreuses normes relatives au temps parlementaire. Le constituant est parti du constat que d’une part, le texte de 1958 était une pièce essentielle du régime temporel et de ses dysfonctionnements et que d’autre part, une révision de la norme fondamentale contraindrait les parlementaires à modifier leurs comportements. Cette démarche a par la suite irrigué les normes inférieures (en 2009 avec la loi organique du 15 avril et avec les réformes réglementaires puis une nouvelle fois à l’occasion de la réforme du règlement de l’Assemblée nationale en 2014 et du Sénat en 2015 et 2017). Pour obtenir des résultats positifs et tangibles, le recours à l’écrit juridique, et en premier lieu à son expression sommitale – la Constitution – fut ainsi largement privilégié. Après huit années parlementaires de mise en œuvre, un bilan mitigé de cette rénovation peut être tiré. Pourtant, des instruments nouveaux avaient été mis en place pour tout à la fois accélérer la procédure législative (I.) mais aussi ralentir la précipitation excessive du rythme de travail (II.).
I – Les accélérations temporelles, instruments d’une revalorisation limitée de la procédure législative
5En 2008, l’accélération de la procédure législative a été au cœur de la révision constitutionnelle et des réformes réglementaires. Mais à la différence de 1958, cette fois, c’est le Parlement qui a choisi d’imposer à la procédure législative des mesures d’accélération, rationalisant les règles de la discussion législative en hémicycle afin qu’elle gagne en compacité et en rapidité (A). Dans une perspective similaire, il a entrepris de modifier la répartition organique du travail législatif : le travail en commission devait en absorber une partie plus conséquente afin d’alléger la séance publique (B).
A – La volonté du constituant d’établir une procédure législative plus rapide
6Assurer une réelle accélération de la procédure législative imposait de s’attaquer à la durée d’examen des amendements. On ne s’étonnera donc pas que la question de l’allégement de la discussion ait été traitée par une modification de son régime. Le constituant a souhaité profondément le renouveler afin d’en rendre l’examen plus rapide. Pour y parvenir, il a estimé que la solution la plus sûre était de s’appuyer sur de nouvelles règles constitutionnelles afin de modifier l’exercice de cette prérogative.
7 Depuis la révision du 23 juillet 2008, l’article 44 C. affirme que « ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ». La limitation du nombre d’amendements en séance en faisant de la commission le lieu privilégié, voire unique, de l’examen de ces derniers, devenait possible. Sur ce fondement, deux perspectives d’allégement du Plenum s’ouvraient. Sans aller jusqu’à mettre en place une procédure d’adoption des lois en commission, des procédures d’examen supprimant le droit d’amender en séance publique pouvaient être envisagées (article 16 de la loi organique du 15 avril 2009). En outre, le droit d’amender n’étant plus garanti systématiquement au sein des deux organes, cela permettait d’envisager les procédures globales d’organisation de la discussion législative (article 17 de la loi organique du 15 avril 2009).
8 Poursuivant cette volonté d’allégement du Plenum, les parlementaires ont travaillé à une réduction de la durée des interventions des parlementaires. Les deux Assemblées vont réformer leurs règlements afin que l’addition des interventions soit moins importante. Les prises de paroles lors des différentes phases des discussions législatives vont être réduites à l’occasion des différentes réformes réglementaires de 2009 puis de 2014 (Assemblée nationale) et de 2015 (Sénat).
9 Le temps consacré à la discussion générale a fait l’objet d’une réduction progressive depuis 2009. Si l’Assemblée nationale ne la retouche pas en 2009 c’est uniquement parce que le temps législatif programmé (TLP) devait devenir la procédure d’examen par défaut des textes. N’ayant pas intégré une programmation globale des débats, le Sénat avait fixé à 2 heures la discussion générale. L’Assemblée nationale s’est résolue à suivre le même chemin puisqu’à l’occasion de sa réforme réglementaire du 28 novembre 2014, elle a fixé la durée de la discussion générale par défaut à 1 h 30. Le Sénat a été encore plus rigoureux à l’occasion de sa réforme réglementaire du 13 mai 2015 puisque la durée de cette séquence est dorénavant fixée à 1 heure.
10 Considérées comme des moments privilégiés d’obstruction, les interventions des parlementaires à l’occasion des motions de procédures ont aussi été rationalisées. Ainsi, en 2009, l’Assemblée nationale a fusionné l’exception d’irrecevabilité et la question préalable pour les rassembler sous une unique procédure : la motion de rejet préalable. Elle a par ailleurs réduit la durée de défense des motions en seconde lecture de 30 à 15 minutes. Le Sénat n’a réagi qu’en 2015, adoptant lui aussi une réduction de la durée de défense des motions de procédure, puisque la durée passe de 15 à 10 minutes [6].
11Enfin, les interventions des parlementaires dans le cadre de la discussion par article ont aussi été réduites. En 2009, l’Assemblée nationale a réduit de 5 à 2 minutes toute une série d’interventions. Au total pas moins de dix types d’interventions concernant la discussion par article ont été réduits.
12Le Sénat a poursuivi la même logique mais seulement depuis la révision du Règlement en date du 13 mai 2015. D’une façon générale, la durée d’intervention de droit commun en séance, y compris pour les rapporteurs, s’est vue limiter à 2 minutes 30 aussi bien pour les prises de paroles sur articles (au lieu de cinq minutes auparavant), les présentations d’amendement (au lieu de trois minutes auparavant) et les explications de vote sur amendements, articles et ensemble des textes (au lieu de cinq minutes auparavant).
13 Le droit est venu de la même façon restreindre les interventions dites « incidentes » dont l’usage répété les transforme en un procédé dilatoire efficace. Les interruptions incessantes, à la faveur des suspensions de séance permettent de différer efficacement l’examen final d’un texte. Initialement, ces suspensions ne devaient pas être une source d’obstruction. Souhaitant réduire l’impact de ces prises de parole, l’Assemblée nationale a ramené à deux minutes au lieu de cinq minutes la durée des interventions. Les rappels au Règlement permettent de soulever de potentielles irrégularités dans le respect des règlements parlementaires. Dans les deux cas, il s’agit d’un dispositif très utilisé [7] par les parlementaires conduisant l’Assemblée nationale à réduire de cinq à deux minutes les prises de parole pour cette procédure. Le Sénat a opéré une réduction similaire de la durée allouée à ce dispositif quelques années plus tard [8].
14 Enfin, les procédures de clôtures ont été rénovées. À l’Assemblée nationale, lorsque la clôture de la discussion générale est proposée, la durée pendant laquelle s’exprimera l’orateur d’opinion contraire est réduite à deux minutes au lieu de cinq minutes [9].
15 L’accélération de la procédure législative a aussi amené le constituant à repenser la répartition organique du travail parlementaire afin d’alléger la séance publique.
B – L’allégement de la séance publique, une volonté constituante contrariée par les parlementaires
16L’objectif affiché était de désencombrer la séance publique de débats trop longs. Pour ce faire, le constituant a utilisé deux leviers. Primo, il a permis que le débat plénier s’engage sur le texte de l’organe préparatoire (art. 42 C.). L’article 44 C. lui prêtait assistance puisqu’il reconnaît les commissions comme un organe au sein duquel peut s’exercer le droit d’amendement, avec ou en lieu et place de la séance publique. Les parlementaires devaient amender davantage en commission. Au global, une part de la discussion législative serait alors absorbée par le stade préparatoire, permettant de gagner du temps ensuite. Secundo, dans la dynamique de la révision constitutionnelle et du Conseil constitutionnel, les règlements parlementaires ont opéré un rapprochement des conditions d’examen des textes entre la séance publique et les commissions par deux mesures. Les commissions parlementaires furent ouvertes plus largement au gouvernement et les modalités de publicité des débats préparatoires furent développées.
17Les modifications aboutissaient à transposer une part majeure des caractéristiques du débat plénier aux commissions. L’objectif du constituant, même s’il semble s’en défendre [10], apparaît clair : il s’agissait de recréer au sein des commissions parlementaires, une mini-séance publique, permettant au maximum de débats législatifs d’y avoir lieu. Mais un décalage important va naître entre les normes constitutionnelles, organiques et leur retranscription dans les règlements parlementaires. En outre, la pratique parlementaire ne sera pas non plus vertueuse. L’ensemble va significativement réduire l’accélération recherchée.
18Tout d’abord, aucune procédure d’examen supprimant le droit d’amendement en séance publique n’a émergé. Les modifications acceptées par les Assemblées dans leurs Règlements ont refusé cette possibilité ouverte par la loi organique et ce jusqu’en 2015. Deux innovations ont tout de même été consacrées. En 2009, l’Assemblée nationale a instauré le temps législatif programmé (TLP) et en 2015, le Sénat a introduit la procédure d’examen en commission (PEC), devenue récemment procédure de législation en commission.
19L’accélération des débats menés dans le cadre du TLP est plus mitigée qu’espérée. Certes, lors de son activation, le dépôt d’amendement se réduit et si ce n’est pas le cas, l’effet est nul puisque le TLP ne permet plus de tous les examiner si le temps est épuisé. Pour autant, le TLP révèle deux limites. Une part des débats a été transférée au Sénat. Le dispositif est victime de sa localisation unique à l’Assemblée nationale. La pratique des acteurs a réduit l’effet du dispositif. Sur plusieurs textes, les interventions des acteurs non soumis à la durée limite de temps ont fortement augmenté la durée d’examen des textes [11].
20Quant à la PEC, son application est trop limitée pour réellement impacter le temps de séance global. Entre 2015 et 2017, seuls six textes ont été concernés. Pour autant, les sénateurs ont décidé de pérenniser cette procédure. Le président du Sénat a considéré que « le bilan de la mise en œuvre de la procédure d’examen en commission après deux années d’expérimentation est positif », car celle-ci « a permis d’éviter le dédoublement du droit d’amendement, en commission et en séance » [12]. La procédure de législation en commission reprend les grands principes de la PEC [13] et en premier lieu le même souci de consensus devant conduire à son déclenchement tout en apportant deux modifications principales. Tout d’abord, cette procédure aura la possibilité de s’appliquer sur « certains articles seulement d’un projet de loi ou d’une proposition de loi ou de résolution [14] ». Ensuite, il est à présent permis de déposer des amendements en séance dans des cas spécifiques. À cet effet, l’art. 47 quater al. 1 ouvre le dépôt des « amendements visant à assurer le respect de la Constitution, opérer une coordination avec une autre disposition du texte en discussion, avec d’autres textes en cours d’examen ou avec les textes en vigueur ou procéder à la correction d’une erreur matérielle ».
21 Le rapporteur P. Bas, se faisant le porte-parole de ses collègues, rappelle l’état d’esprit devant guider l’usage de la procédure de législation en commission : « une telle procédure ne saurait toutefois être généralisée et ne peut se concevoir que par exception à la procédure ordinaire » convenant « prioritairement aux textes consensuels et dotés d’une portée politique limitée ou à des deuxièmes lectures pour des textes ne soulevant pas de controverse majeure ». En tout état de cause, l’allégement du Plenum dépendra du volume de texte concerné à l’avenir par cette procédure.
22Concernant la pratique de la procédure de droit commun, la répartition du travail parlementaire n’est pas allée dans le sens d’un partage favorable à l’accélération. Certes, les parlementaires amendent plus en commission, mais cela n’a pas entraîné une diminution des amendements en séance publique alors que c’était le but recherché.
Répartition des amendements déposés à l’Assemblée nationale (2012-2016)
Répartition des amendements déposés à l’Assemblée nationale (2012-2016)
Répartition des amendements déposés au Sénat (2012-2016) [15]
Répartition des amendements déposés au Sénat (2012-2016) [15]
23La nouvelle complémentarité organique promue par le constituant a été tenue en échec par les comportements des acteurs parlementaires. On assiste à une démultiplication du travail législatif. Les parlementaires amendent en commission car ils ont saisi l’opportunité du nouvel article 42 C. pour renforcer leurs positions. En revanche, plusieurs motivations poussent les députés et les sénateurs à amender en séance publique. Primo, le texte adopté par la commission absorbant en quelque sorte l’identité de l’auteur des amendements, la volonté de ne pas perdre la visibilité que confère le dépôt d’un amendement incite les élus à privilégier la séance publique. Secundo, la distinction entre amendement technique et politique est difficile à opérer dans les faits alors qu’elle semblait être une voie théorique à exploiter. Enfin, la séance publique demeure le lieu privilégié des parlementaires pour amender. Cette culture se double d’une espérance d’adoption en Plenum pour une initiative rejetée en commission. À ces comportements individuels, il faut ajouter que l’opposition affiche une préférence marquée pour l’hémicycle, afin de bénéficier de son écho, à défaut de voir ses propositions adoptées. Enfin, phénomène nouveau sous la XIVe législature, le gouvernement est venu faire enfler le nombre d’amendements déposés par sa pratique répétée des amendements portant articles additionnels. Ces derniers peuvent contenir un nombre substantiel de dispositions supplémentaires [16], alourdissant fortement l’examen des textes en commission et/ou en séance publique. L’intensité de cette pratique amena le président de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale à la dénoncer. Il enjoignit les députés à s’opposer par principe à ces amendements [17].
24 Du point de vue des conditions d’examen, l’ouverture des commissions au gouvernement n’a pas été aussi automatique que les textes le laissaient entendre. Si l’Assemblée nationale s’est montrée ouverte, le Sénat est toujours réticent (le gouvernement ne s’y déplace pas). Cela limite l’assimilation des deux séquences et donc l’accélération. Concernant la publicité, il faut noter une réelle amélioration de nature à valoriser les travaux en commission.
25 L’accélération de la procédure a donc été fortement hypothéquée. Le même bilan peut être tiré quant à la recherche d’un tempo législatif plus apaisé.
II – Les ralentissements temporels, instruments inefficaces de revalorisation du travail parlementaire
26Plusieurs normes constitutionnelles majeures ont été modifiées afin de réduire l’emballement chronique du Parlement français, principalement dû à l’afflux de projets de loi déposés par le gouvernement. À cet effet, l’article 48 C. a été réécrit afin que la seule production législativo-gouvernementale, raison essentielle du rythme frénétique, ne préempte la totalité (A). Dans un second temps, il a été mis en place toute une série d’encadrements à même de contrôler les dispositifs d’accélération du temps législatif disponibles entre les mains du gouvernement (B). Malheureusement l’ensemble de ces mesures a débouché sur des effets décevants.
A – L’incapacité de l’article 48 C. à limiter la production législative
27 Refroidir la machine à légiférer imposait non seulement de partager la prérogative de fixation de l’ordre du jour, mais aussi de contraindre les parlementaires à se détourner du seul travail législatif. En conséquence, une réécriture de l’article 48 C. était une étape indispensable pour répondre à ces objectifs et un préalable pour influer sur le temps parlementaire.
28Le nouvel ordre du jour a imposé de diversifier la matière des séances, et par là même de réduire le temps disponible pour le travail législatif en général, et surtout celui du gouvernement en particulier. En réduisant les possibilités d’inscription, le législateur espérait réduire le flot législatif et, in fine, le rythme du travail parlementaire. Pour ce faire, le nouvel ordre du jour a fait place à des périodes dévolues au contrôle et à l’évaluation ainsi qu’aux initiatives des parlementaires. En complément, l’article 48 C. a mis en place un nouveau régime de priorité, théoriquement moins favorable à l’exécutif. L’ensemble du travail parlementaire ne serait plus dévolu au gouvernement, celui-ci disposant d’une priorité sur seulement deux semaines. L’ordre du jour prévoyait qu’une semaine serait dévolue, en priorité, aux activités de contrôle. Restait une semaine que les conférences des présidents devaient construire.
29 Les différents alinéas de l’article 48 C. font émerger divers régimes de priorités entre les organes et les activités à mettre en œuvre de nature à fragiliser le ralentissement. Tout d’abord, le gouvernement s’est vu attribuer plusieurs priorités d’inscription pour certains textes. Ensuite, si le constituant a bien invité au développement du contrôle parlementaire, il n’a nullement imposé que la semaine qui doit y être consacrée y soit totalement dévolue. En d’autres termes, si du temps de séance subsiste, d’autres travaux peuvent y prendre place. Il surgit ici une souplesse manifeste qu’une partie de la doctrine trouva « désolante [18] ». Le Conseil constitutionnel a rapidement confirmé cette mise en œuvre dans sa décision du 14 novembre 2013 [19]. En conséquence, cette décision attribue au gouvernement des espaces supplémentaires au sein de l’ordre du jour. Seulement déduite des autres semaines, l’utilisation de la quatrième semaine n’a pas été précisée par le constituant. Cette indétermination en fait un débouché naturel pour les demandes de l’exécutif et en particulier pour ses super-priorités gouvernementales.
30 Au bilan, le gouvernement a réussi à optimiser son temps grâce aux régimes de priorités dont il bénéficie et aux rétrocessions concédées par les parlementaires sur les semaines de contrôle et d’initiatives parlementaires. En effet, les députés et les sénateurs n’ont globalement pas investi suffisamment l’ensemble des plages horaires que la Constitution mettait à leur disposition : le contrôle parlementaire peine à passer les 20 % du volume d’activité du Parlement, ce qui n’est pas suffisant pour obliger le gouvernement à ralentir le rythme. Quant à la semaine innommée, son effet ralentisseur ne s’est pas vérifié. En effet, quand les parlementaires l’utilisent, cela participe à l’inflation normative et donc à l’accélération. Quand ils ne l’utilisent pas, cela permet au gouvernement de déposer ses projets de loi, allant à l’encontre de tout ralentissement.
31 En fait, les Conférences des présidents consentent à libérer des espaces lors des semaines réservées à l’ordre du jour fixé par l’Assemblée et sur les semaines dévolues aux activités de contrôle afin que le gouvernement puisse y inscrire ses projets de lois. Déjà bien entamé en temps normal, le partage de l’ordre du jour devient symbolique en période budgétaire. Le partage de l’ordre du jour est fortement remis en cause, notamment en fin d’année civile lorsque le budget pour l’année suivante doit être obligatoirement voté. Cela est d’autant plus net que cette séquence prend généralement la suite de la session extraordinaire de septembre, dont l’ordre du jour est essentiellement composé de projets de loi.
32 Au bilan, le temps gouvernemental apparaît incompressible puisque son volume, s’il varie d’une année sur l’autre, oscille entre 800 et 900 heures par an. Selon les statistiques de l’Assemblée nationale, durant la XIVe législature, l’ordre du jour s’est composé comme suit : 38 % des séances ont été dévolues à l’ordre du jour gouvernemental, 17 % aux débats budgétaires (qui est aussi un ordre du jour gouvernemental) et 13 % à la session extraordinaire (périodes largement composées d’un ordre gouvernemental). Au global, le gouvernement s’arroge 68 % des séances publiques du Palais Bourbon [20]. Cette situation n’est nullement l’apanage de l’Assemblée nationale puisque les données mises à disposition par le Sénat permettent de tirer des conclusions similaires. En moyenne sur la période 2012-2017, le gouvernement a disposé de 74 % du temps de la séance publique.
33 L’un des paris de l’ordre du jour partagé n’a pas été remporté : l’ordre du jour matériel n’a pas permis de contenir voire de réduire l’ordre du jour temporel du gouvernement. Cette situation se traduit très nettement dans le rythme législatif. Le calendrier parlementaire le prouve. Les sessions ordinaires et extraordinaires sont plus lourdes et plus étendues : le nombre d’heures et de jours de séance a augmenté. Qui plus est, les semaines parlementaires sont plus longues (les assemblées siègent de plus en plus en dehors des jours en principe dévolus à la semaine parlementaire) et les jours de séances sont toujours aussi longs.
34 Le plafond des 120 jours de séances est régulièrement dépassé : depuis 2009, 4 fois à l’Assemblée nationale et 7 fois au Sénat. Alors que l’objectif était de siéger moins, le volume horaire augmente au global depuis la XIIe législature à l’Assemblée nationale, le volume horaire de la période 2012-2017 est proche des cinq années précédentes au Sénat.
Volume horaire des séances publiques, 2002-2017 [21]
Volume horaire des séances publiques, 2002-2017 [21]
35Le nombre de sessions extraordinaires est au minimum de deux par année parlementaire. Le gouvernement ouvre systématiquement une session ordinaire dans le prolongement de la fin de la session ordinaire close au 30 juin. Celle-ci se termine la plupart du temps lors de la troisième semaine de juillet [22] voire au-delà [23]. Après la trêve estivale, une session extraordinaire est ouverte sur le mois de septembre afin d’anticiper l’ouverture de la session ordinaire. Lors des années 2010-2011, 2012-2013 et 2013-2014, le gouvernement a ouvert 2 sessions extraordinaires lors du mois de septembre.
36Plus éloquent encore, le nombre de jours de séances tenus lors de ces sessions extraordinaires est de 18 par année parlementaire entre 2008 et 2016 contre 7,5 entre 1995 et 2007. Le chiffre s’élève à 11,25 si on ne prend pas en compte les années sans sessions extraordinaires sur cette dernière période. Les besoins en temps supplémentaire vont donc croissants depuis la révision constitutionnelle.
37 Enfin, les semaines parlementaires sont de plus en plus continues par un allongement des semaines. L’Assemblée nationale a siégé 149 jours atypiques entre 2012 et 2017 contre 120 entre 2007 et 2012. Le Sénat se caractérise par une stabilité à hauteur de 120 jours sur les mêmes périodes, mais il n’y eut aucune baisse. Le volume des séances nocturnes stagne au Sénat et est en augmentation à l’Assemblée nationale. Sous la XIIIe législature, 379 séances se sont prolongées au moins jusqu’à 1 heure du matin, dont 183 après cette heure. Sous la XIVe législature, le phénomène s’accroît encore puisque 456 se sont achevées au moins à 1 heure du matin, dont 218 après 1 heure du matin. On notera que face à ce fléau, la chambre basse a décidé d’agir. Depuis la réforme de son Règlement en date du 20 novembre 2014, les séances de nuit ne peuvent se tenir que pour achever la discussion en cours et non plus seulement pour poursuivre l’examen [24]. Autrement dit, l’achèvement d’un texte ne peut être envisagé que si celui-ci est imminent, par exemple s’il ne reste qu’une poignée d’amendements à examiner. La réforme a été efficace puisque sur la session 2015-2016, 48 séances se sont déroulées jusqu’à une heure du matin contre 70 lors de la session précédente. Le nombre de séances au-delà d’une heure du matin est aussi en baisse sensible à partir de 2015 par rapport aux autres sessions de la XIVe législature.
B – L’échec d’une maîtrise du tempo législatif par le droit
38Il s’agissait d’une part, de constitutionnaliser plusieurs dispositions permettant de donner du temps à certaines séquences du travail parlementaire et, d’autre part, de garantir que les acteurs pouvant accélérer à l’excès le travail législatif ne puissent en abuser.
39Afin de ralentir la phase prédécisionnelle, l’article 42 C. al. 3 a accordé aux commissions législatives des délais constitutionnels minimaux venant « écarter » les deux étapes essentielles que sont le dépôt du texte et son examen en séance publique. Six semaines ont été imposées en faveur de la première assemblée et quatre semaines pour la seconde pour la première lecture. L’objectif était qu’entre les deux, les acteurs parlementaires (parlementaires et administration des assemblées) puissent avoir suffisamment de temps pour préparer et mûrir les textes. Cependant, le constituant l’a assorti de plusieurs exceptions qui en limitent les effets. Il est à noter que ces délais ne s’appliquent pas pour les textes financiers – projet de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Ils ne s’appliquent pas non plus aux projets de loi relatifs aux états de crise. Enfin, et c’est peut-être le plus regrettable, ils ne trouvent pas non plus à s’appliquer lorsque la procédure accélérée est engagée.
40 La loi organique a invité, sans les contraindre, les règlements parlementaires à prévoir un délai limite de dépôt des amendements en commission. L’Assemblée nationale a inséré un article 86 al. 5 au sein du RAN afin de prévoir que « les amendements autres que ceux du gouvernement, du président et du rapporteur de la commission et, le cas échéant, des commissions saisies pour avis doivent être transmis par leurs auteurs au secrétariat de la commission au plus tard le troisième jour ouvrable précédant la date de début de l’examen du texte à 17 heures, sauf décision contraire du président de la commission [25] ». Ce délai pouvant être adapté. Le Sénat a fait de même en prévoyant que les amendements devaient être déposés au plus tard l’avant-veille de cette réunion (article 28 ter al. 1 RS).
41 De surcroît, un délai à respecter entre la première réunion de la commission et la séance fut inséré au sein des deux chambres. À l’Assemblée nationale, un délai minimal de sept jours a été prescrit, sauf engagement de la procédure accélérée, entre la mise à disposition par voie électronique du texte adopté par la commission et le début de son examen en séance. Le Sénat a consacré lors de sa réforme réglementaire de 2009 un écart type devant séparer la première réunion de la commission et l’examen en séance publique. L’article 28 ter RS al. 1 prévoit que « deux semaines au moins avant la discussion par le Sénat d’un projet ou d’une proposition de loi, sauf dérogation accordée par la Conférence des présidents, la commission saisie au fond se réunit [26] ».
42Le constituant a ensuite encadré l’usage des dispositifs d’accélération entre les mains de l’exécutif pour l’empêcher de hâter à l’excès la phase décisionnelle. Il a ouvert la possibilité aux parlementaires, via un droit de véto de la conférence des présidents des deux assemblées, de s’opposer à la procédure accélérée. Il a par ailleurs encadré la fréquence de l’utilisation de l’article 49 al. 3 C., excepté pour les textes financiers [27]. En fait, la réforme entérinée en 2008 opère un encadrement permettant de stabiliser les dérives d’utilisation quantitative qui cristallisaient les critiques les plus vives.
43Pourtant, le rythme de la procédure législative est traversé par les mêmes difficultés qu’auparavant. La durée demeure trop contrainte jusqu’à l’adoption du texte en commission. Toutes les séquences de la procédure sont touchées. Qu’il s’agisse de l’instruction des textes, de la durée séparant la fin de l’examen en commission de celui en séance publique, la précipitation présente avant 2008 est toujours d’actualité. Si juste après la révision, des effets positifs ont été notés, ils n’ont pas duré. À l’Assemblée nationale [28], pour la XIVe législature, le délai entre le dépôt et le début de la discussion est en moyenne de 151 jours pour l’ensemble des textes, de 73 jours pour l’ensemble des textes examinés sous l’empire de la procédure accélérée.
44Au Sénat [29], la durée séparant le dépôt de l’examen en séance publique est de 169,6 jours pour l’ensemble des textes et de 72,3 jours pour les textes sur lesquels la procédure accélérée a été engagée par le gouvernement. Dans les deux assemblées ces délais sont orientés tendanciellement à la baisse [30].
45 Principal responsable, le gouvernement, qui n’a nullement poursuivi l’esprit induit par la réforme, continue à faire un usage intense de ses outils d’accélération. Le constat statistique est sans appel, l’utilisation de la procédure accélérée n’a nullement été réduite. Son usage devient de plus en plus systématique au point de devenir progressivement la procédure de droit commun. Les modifications intervenues sur cet article suite à la révision constitutionnelle n’ont pas modifié l’appétence de l’exécutif pour ce mécanisme juridique efficace pour accélérer l’examen des textes. Le bilan statistique met en évidence un accroissement de son déclenchement et ne permet pas de conclure à un changement réel de comportement de l’exécutif. Au bilan, sous la XIIIe législature, l’exécutif a utilisé à 134 reprises la procédure accélérée soit deux fois plus que lors des trois précédentes législatures. L’emballement se poursuit sous la XIVe législature puisque 70 % des textes ont été adoptés selon cette procédure. En définitive, si la fréquence des engagements varie d’une session à une autre, l’utilisation cumulée sur chaque législature demeure très intense et ce, quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place, comme le démontre le tableau suivant [31] :
Nombre de textes soumis à la procédure accélérée à l’Assemblée nationale, hors loi portant ratification d’engagements internationaux (XIIIe et XIVe législature)
Nombre de textes soumis à la procédure accélérée à l’Assemblée nationale, hors loi portant ratification d’engagements internationaux (XIIIe et XIVe législature)
46Face à cela, les conférences des présidents ne sont pas parvenues à opposer le moindre véto. Le Sénat pourtant, à deux reprises, tenta de s’opposer, en vertu du nouvel article 45 C. et de l’article 29-6 de son Règlement, à l’engagement de la procédure accélérée décidée par le gouvernement. Mais ces deux seules tentatives de mise en œuvre du dispositif se sont traduites par un échec alors même que les deux assemblées étaient d’une composition politique convergente lors de la première tentative [32].
47Quant à l’article 49 al. 3 C., l’examen de la loi Macron a démontré que ce dispositif demeure au moins pour partie un outil d’accélération. Les modifications apportées en 2008 n’ont pas permis de détourner ce dispositif de son usage le plus fréquent depuis 1958 à savoir, mettre fin à des débats parlementaires s’éternisant. A contrario, la XIVe législature signe le retour de l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur un texte qui n’avait pas été utilisé depuis 2006 [33]. M. Valls dut recourir à six reprises à l’article 49 al. 3 C. entre 2014 et 2016. Sur ces six utilisations, les trois engagements de la responsabilité effectués sur la loi travail sont motivés par une absence de majorité [34]. Pour les trois cas observés lors de l’examen de la loi dite loi Macron, la volonté d’en finir avec des débats législatifs très longs se mêle avec la nécessité de discipliner la majorité [35]. Comme le note L. Adouy, l’article 49 al.3 C « demeure une procédure mobilisée pour mettre fin aux débats [36] ». Le gouvernement considère toujours après la révision de 2008 que l’article 49 al. 3 C. est son outil le plus efficace pour faire face à un ralentissement de son action au Parlement
48La pratique des parlementaires a donc constitué un frein puissant à l’amélioration de la gestion du temps au sein de la procédure législative. Les règles constitutionnelles, organiques et réglementaires sont demeurées impuissantes à modifier des pratiques parlementaires ancrées depuis plusieurs décennies. Huit ans après l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, il est possible d’affirmer que la révision constitutionnelle a, en grande partie, échoué à créer une procédure législative plus efficace. Le poids des choix et des pratiques parlementaires a révélé qu’une transformation normative, aussi ambitieuse soit-elle, ne pouvait suffire à améliorer la situation temporelle du Parlement.
Notes
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[1]
M. Debré, Discours devant le Conseil d’État, 27 août 1958, in Comité national chargé de la publication des travaux préparatoires des institutions de la Ve République, Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, vol. III : Du Conseil d’État au référendum, 20 août-28 septembre 1958, Paris, la Documentation française, 1991, p. 257.
-
[2]
G. Carcassonne et M. Guillaume rappellent qu’à l’origine, « on imaginait le chef de l’État tenu de satisfaire à une demande. Le 18 mars 1960, le Général de Gaulle signifia que l’on avait tort… les motifs qu’il invoqua […] étaient secondaires. L’essentiel était qu’il attribuât un pouvoir d’appréciation, et de refus […] Les successeurs du Général de Gaule ont persisté », « Article 30 », La constitution (introduite et commentée par), Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 14e éd, 2017, p. 175.
-
[3]
J. Lyon, « l’organisation des débats parlementaires », ICP 1973, n° 95, p. 129-163.
-
[4]
G. Bergougnous, « L’ordre du jour partagé et le nouveau rythme législatif », « Le nouveau Règlement de l’Assemblée nationale », journée d’étude organisée par le Centre de recherches en droit constitutionnel de l’université Paris I (CRDC), 1er avril 2010 à l’Assemblée nationale, Paris, Imprimerie nationale, 2010, p. 9.
-
[5]
Comme le résument G. Bergougnous et D. Chamussy : « Le diagnostic est unanimement partagé. Le Parlement fait trop de choses, à un rythme effréné, et en séance de nuit, selon une tradition bien française », « Le Parlement dans l’exercice de ses missions : à la recherche du temps perdu ? », in Le Parlement et le temps : approche comparée, éd. Institut universitaire Varennes, coll. « Colloques et Essais », 2017, p. 177.
-
[6]
Le Conseil constitutionnel a validé ces réductions de durées. CC, décis. n° 2015-712 DC, 11 juin 2015, Règlement du Sénat
-
[7]
Avant la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale, 652 rappels au Règlement ont été comptabilisés par le service de la séance pour la session 2008-2009.
-
[8]
La résolution du 13 mai 2015 a réduit à 2 minutes 30 au lieu de 5 minutes les interventions pour rappel au Règlement.
-
[9]
La nouvelle rédaction de l’article 57 alinéa 2 RAN à l’issue de la résolution du 27 mai 2009 est la suivante : « Si la clôture de la discussion générale est proposée par un membre de l’Assemblée, la parole ne peut être accordée que contre la clôture et à un seul orateur, pour une durée n’excédant pas deux minutes. Le premier des orateurs demeurant inscrit dans la discussion ou, à son défaut, l’un des inscrits dans l’ordre d’inscription, s’il demande la parole contre la clôture, a la priorité ; à défaut d’orateurs inscrits, la parole contre la clôture est donnée au député qui l’a demandée le premier ». (Souligné par nous.)
-
[10]
« Nous ne voulons pas transformer les commissions en hémicycles » : J.-L. Warsmann, JO AN, Débats, 2e séance du 13 mai 2009, p. 4134. Cette affirmation ne suffit pas à calmer le débat sur cette question. Plusieurs échanges ont eu lieu sur l’ampleur du rapprochement qui était à l’œuvre entre les deux organes : Voir R. Muzeau, JO AN, Débats, 1re séance du 13 mai 2009, p. 4292 et J. Mallot, JO AN, Débats, 2e séance du 13 mai 2009, p. 4134. Il semble pourtant assez clair pour la doctrine que c’est la direction prise : « la première réunion de la commission consacrée à l’établissement du texte peut ainsi ressembler à une “mini-séance” ou à une “avant-séance” », J.-L. Hérin, « La nouvelle procédure législative au Sénat ou comment concilier l’accroissement du rôle de la commission avec le primat de la séance plénière », Pouvoirs 2011, n° 139, p. 125.
-
[11]
Dans ce sens, lire V. Mazeaud, « La défaveur apparente du temps législatif programmé : simple éclipse, ou désuétude achevée ? », Constitutions, p. 222-226.
-
[12]
Proposition de résolution visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission ; présentée par G. Larcher ; Doc. Sénat n° 98 ; 20 novembre 2017, p. 4.
-
[13]
Ibid., p. 25-39.
-
[14]
Art. 47 ter al. 4 RS.
-
[15]
Chiffres fournis par la division de la séance du Sénat.
-
[16]
Le cas de la loi relative au droit des étrangers mérite d’être noté puisque le gouvernement avait déposé 7 articles additionnels. Cette inflation touche aussi les propositions de lois puisque 13 articles additionnels furent ajoutés lors de la discussion de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant. Un chapitre entier fut ajouté à l’initiative du gouvernement à la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
-
[17]
La doctrine Urvoas fut adoptée par la commission des Lois à l’unanimité. Elle prévoyait que les députés socialistes s’opposent aux amendements portant articles additionnels que le gouvernement dépose sur ses propres projets sauf ceux de coordination. Elle fut appliquée dans toute sa rigueur lors de la rentrée de septembre 2015. Selon les fonctionnaires de cette commission, la doctrine Urvoas est appliquée avec moins de rigueur depuis le départ de J.-J. Urvoas. À ce jour, elle demeure invoquée comme une menace ou au titre des bonnes pratiques, et elle demeure donc utile pour prévenir les abus.
-
[18]
G. Carcassonne et M. Guillaume, « Article 48 », in La Constitution (introduite et commentée par), Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 12e éd., 2014, p. 238.
-
[19]
CC, décis. n° n2013-677, du 14 novembre 2013, Loi organique relative à l’indépendance de l’audiovisuel public (JO du 16 novembre 2013, p. 18633).
-
[20]
Calculs effectués à partir des statistiques fournies par le service de la Séance de l’Assemblée nationale.
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[21]
Statistiques de l’Assemblée nationale et du Sénat.
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[22]
Les députés ont siégé du 1er juillet au 23 juillet 2014 (soit 14 jours de séance et 27 séances), du 9 au 18 septembre puis le 24 septembre 2014 (soit 8 jours de séances et 15 séances), du 1er au 23 juillet 2015 (soit 13 jours de séance et 27 séances) puis du 15 au 30 septembre 2015 (6 jours de séance et 12 séances).
-
[23]
La session extraordinaire de juillet 2011 s’est tenue du 3 au 31 juillet 2012 (avec 11 jours de séance et 18 séances).
-
[24]
Rapport de J.-J. Urvoas ; Doc. AN n° 2381, p. 104-105. La modification fut validée par le Conseil constitutionnel : CC, décis. n° 2014-705 DC, 11 décembre 2014, Résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale ; JO 13 décembre 2014, p. 20882).
-
[25]
Souligné par nous. Ainsi, pour la commission se réunissant un mardi, le délai limite est le vendredi précédent à 17 heures.
-
[26]
Proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat ; présenté par G. Larcher ; Doc. Sénat n° 377 ; 30 avril 2009, p. 11-12 et p. 27.
-
[27]
La rédaction suite à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 est la suivante : « Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session ».
-
[28]
Statistiques du service de la séance de l’Assemblée nationale, mai 2017.
-
[29]
Statistiques du service de la séance du Sénat pour la période courant d’octobre 2012 à octobre 2016.
-
[30]
Ce que confirme E. Tavernier, directeur général des missions institutionnelles du Sénat. Cf. en ce sens E. Tavernier, « Réaction #5 », in O. Rozenberg et al., « La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a-t-elle renforcé le Parlement français ? », Débats du LIEPP n° 3, mars 2017, p. 50.
-
[31]
Sources : http://www.senat.fr/plateau/tableaux_bord/index.html ; http://www2.assemblee-nationale.fr/14/statistiques-de-l-activite-parlementaire/bulletins-annuels
-
[32]
Le 18 juin 2014 à l’occasion de la première lecture du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Le 10 décembre 2014 sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
-
[33]
L’engagement de l’article 49 al. 3 fut déclaré le 9 février 2006 : cf. JO AN, Débats, 2e séance du 9 février 2006, p. 996. Le texte fut considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution en 1re lecture par l’Assemblée nationale le 10 février 2006.
-
[34]
B. Lacourieux « Contrairement au cas de la loi Macron, où la lenteur du débat parlementaire avait été évoquée – sans doute comme prétexte – le doute n’est pas permis ici : nous retombons sur une utilisation « classique » du 49.3, qui vise simplement à pallier l’absence de majorité », « 49.3 beaucoup de bruit pour rien », blog « Les cuisine de l’Assemblée nationale », 6 juillet 2016, http://blogs.lexpress.fr/cuisines-assemblee/2016/07/06/49-3-beaucoup-de-bruit-pour-rien/.
-
[35]
On notera d’ailleurs que ces deux phénomènes peuvent être liés. En effet, l’une des manifestations de l’indiscipline de la majorité se retrouve dans des débats anormalement longs causés par des prises de paroles et des amendements nombreux issus de ses membres. En d’autres termes, discipliner la majorité permet d’accélérer les débats.
-
[36]
L. Audouy, « La révision de l’article 49 al. 3 de la Constitution à l’aune de la pratique », RFDC 2016, supplément électronique disponible sur www.cairn.fr., p. e17.