Notes
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[1]
Cet article trouve son origine dans nos nombreux échanges avec Nathalie Goedert – que nous remercions vivement – qui a attiré notre attention sur l’existence du tribunal Monsanto. Le lecteur intéressé pourra se reporter à ses travaux portant sur les procès fictifs. Un ouvrage est en préparation. Certaines publications sont également en ligne sur www.imaj.hypotheses.org
-
[2]
C. De Gaulle, « Lettre à Jean-Paul Sartre, le 19 avril 1967 », Le Nouvel Observateur, n° 128, 26 avril - 3 mai 1967, p. 4.
-
[3]
Lato sensu.
-
[4]
Unicef, Tribunal d’opinion. Dossier pédagogique : La détention des enfants étrangers en centres fermés, p. 17. Édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.dei-belgique.be/IMG/pdf/dossier_pedagogique_unicef_-_la_detention_des_enfants_etrangers_ en_centres_fermes.pdf
-
[5]
E. Jouve, « Du tribunal de Nuremberg au Tribunal permanent des peuples », Politique étrangère, n° 3, 1981, p. 673.
-
[6]
Unicef, art. cit., p. 17.
-
[7]
Permanent People’s Tribunal, Statute, art. 6 § 2, p. 4. Édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : http://permanentpeoplestribunal.org/tribunale-permanente-dei-popoli/statuto/ « The members of the Tribunal as well as the Secretary-General must be held in the highest consideration and have the qualifications required for the exercise of the highest legal functions, or else be eminent scholars, jurisconsults, political or religious personalities, of recognized integrity and competence ».
-
[8]
Il s’agit de l’expression retenue par le tribunal Monsanto qui, après avoir un temps recouru au terme de « jugement » a préféré utilisé le terme d’« avis consultatif ». Voyez : http://fr.monsantotribunal.org
-
[9]
V. Dedijer, A. Elkaim, C. Russel, Tribunal Russel, Le jugement de Stockholm, Paris, Gallimard, 1967, pp. 17-30.
-
[10]
Tribunal Monsanto, Contexte du projet, voyez : http://fr.monsantotribunal.org/Comment_
-
[11]
Le lecteur intéressé constatera en effet que le site internet dédié au tribunal Monsanto utilise de manière synonyme « opinion publique » et « société civile », concepts qui, à notre sens, doivent être distingués. Voyez notamment : G. Pirotte, La notion de société civile, Paris, La découverte, 2007, 122 p.
-
[12]
Malesherbes, Discours prononcé dans l’Académie française le 16 février 1775 : du rang que tiennent les lettres entre les différents ordres de l’État, Paris, Demonville, 1775, p. 5.
-
[13]
Idem.
-
[14]
M. Ozouf, « Quelques remarques sur la notion d’opinion publique au xviii e siècle », Réseaux, vol. V, n° 22, 1987, p. 10.
-
[15]
Condorcet, Œuvres, Arago et O’Connor, Paris, Didot, 1847-1849, t. VI, p. 139.
-
[16]
F. Salaün, « Les livres nécessaires et l’opinion publique selon Malesherbes », in B. Binoche, A. J. Lemaitre (dir.), L’opinion publique dans l’Europe des Lumières, Paris, Armand colin / Recherches, 2013, p. 70.
-
[17]
Dans tous les sens du terme.
-
[18]
J.-P. Sartre, « Lettre au général De Gaulle », Le Nouvel Observateur, n° 128, 26 avril - 3 mai 1967, p. 5.
-
[19]
Nous reviendrons sur ce point dans la suite de nos développements.
-
[20]
Sur cette question, voyez notamment S. Cohen, « ONG, altermondialistes et société civile internationale », Revue française de science politique, n° 54, 2004, pp. 379-387 ; P.-M. Dupuy, « La société civile internationale : genèse et définition du concept », Actes du colloque des 2 et 3 mars 2001 – L’émergence de la société civile internationale : vers une privatisation du droit ?, Paris, Pédon, 2003, pp. 5-17 ; M. Kaldor, « L’idée de société civile mondiale », Recherches sociologiques en anthropologiques, n° 38, 2007, pp. 89-108 ; B. Pouligny, « Une société civile internationale ? », Critique internationale, n° 13, 2001, pp. 120-122.
-
[21]
Le lecteur intéressé trouvera dans les deux ouvrages suivants la liste exhaustive des participants : V. Dedijer, A. Elkaim, C. Russel, op. cit., pp. 19-21 ; A. El Khaim, J-P. Sartre, Tribunal Russel ii, Le Jugement final, Paris, Gallimard, 1968, pp. 9-10.
-
[22]
Cet extrait du refus prononcé par le préfet de police de Paris est cité par : J.-P. Sartre, art. cit., p. 5.
-
[23]
Jean-Paul Sartre se disait même prêt à « siéger sur un bateau, ancré hors des eaux territoriales, comme ceux des radios pirates anglaises ». Voyez : J.-P. Sartre, art. cit., p. 7.
-
[24]
Il nous paraît préférable d’employer, eu égard à l’état d’esprit qui nous semble être celui des créateurs de ce mouvement, le terme « transnational » plutôt que le terme « international ».
-
[25]
S’il nous est impossible d’être exhaustif, il a existé depuis, à notre connaissance plus de 70 tribunaux d’opinion à vocation transnationale. Ce chiffre, extrêmement élevé, nous provient de simples recherches sur internet ainsi que de l’analyse du site internet du tribunal permanent des peuples. Il serait encore bien plus important si nous tenions compte des initiatives à vocation seulement nationales sur lesquelles nous dirons quelques mots dans la suite de nos développements.
-
[26]
J. Louvrier, « Le tribunal Russel ii pour l’Amérique latine (1973-1976) : mobiliser les intellectuels pour sensibiliser l’opinion publique internationale », Les intellectuels dans la cité. Identités, sociabilités et fonctions intellectuelles de l’Antiquité à nos jours. Actes du colloque international de Rouen, 15-17 mai 2006, p. 1. Édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.academia.edu/166082/Le_Tribunal_Russell_II_pour_l_Amérique_latine_1973-1976_Mobiliser_les_intellectuels_pour_sensibiliser_l_opinion_publique_internationale
-
[27]
Le lecteur intéressé pourra utilement consulter l’article suivant, paru en 1967, et listant déjà des ouvrages portant sur la question de la guerre du Vietnam : F. Cayrac, « La guerre du Vietnam vue à travers quelques livres récents », Revue française de science politique, 1967, vol. 17, n° 1, pp. 157-163. De même, nous noterons que le mouvement de la « contre- culture » fut lancé bien avant l’initiative de Sartre et Russel aux Etats-Unis : le « Free-Speech Movement » fût lancé en 1964, le « Black Panther Party » en 1966. Sur cette question, voyez par exemple : Les dossiers histoire et civilisation de Sherbrooke, « La contre-culture américaine des années 1960 », En Marge, vol. VIII, n° 1, 2014, 48 p. Édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.cegepsherbrooke.qc.ca/~bourgech/HetC/En-marge_contreculture-americaine_finalb.pdf
-
[28]
J. Louvrier, art. cit., p. 12.
-
[29]
Voyez sur cette question, et son traitement par voie d’expression cinématographique : N. Goedert, « Le tribunal Monsanto : un remake de « Bamako » », Billet mis en ligne le 5 avril 2017 sur imaj – Carnets de recherches en Analyse juridique de l’Image, hébergé sur hypotheses.org.
-
[30]
Le cas congolais appela la création d’un Tribunal Russel iii dès 1982. Mais cette initiative ne fût pas la seule pour le pays. En 2015, un nouveau tribunal d’opinion fut établi dans une forme nouvelle et hybride. Nouvelle et hybride car il s’agissait de faire siéger, en deux sessions, un tribunal d’opinion (en mai 2015 à Bukavu et en juin 2015 à Berlin) qui allait se prononcer à partir du visionnage d’un film présenté comme documentaire réalisé par Milo Rau. Voyez, pour plus de détails, le film suivant : M. Rau, « Le tribunal sur le Congo ». Un dossier de presse présentant la démarche du réalisateur et l’organisation des débats est disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.the-congo-tribunal.com/wp-content/uploads/2015/05/150424_Kongo-Tribunal_Dossier-de-presse_final.pdf
-
[31]
S’est tenu en septembre 2015 un Tribunal Russel sur le Burundi à Paris dont l’impact a été pour le moins minime.
-
[32]
Nous reviendrons sur cette volonté des tribunaux d’opinion de contribuer à l’évolution du droit dans la suite de nos développements.
-
[33]
TPP ci-après.
-
[34]
Tribunal Permanent des Peuples, Statut, Préambule. Édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : http://permanentpeoplestribunal.org/tribunale-permanente-dei-popoli/statuto/ « to enlightened political groups and advanced trade-unions, supported by world public opinion to create international structures to attract the attention of governments,
political movements, trade-unions and world public opinion to the serious and systematic violations of the rights of peoples and, in connection with these violations, those of the rights of minorities and individuals, as well as to their economic, political and social causes ». -
[35]
Tribunal Permanent des Peuples, La violation des droits fondamentaux de l’enfant et de l’adolescent au Brésil. L’écart entre la loi et la réalité, Saõ Paulo, Brésil, 17-19 mars 1999, décision disponible en ligne à l’adresse suivante : http://permanentpeoplestribunal.org/wp-content/uploads/1999/03/Diritti_Bambini_Brasile_TPP_it.pdf
-
[36]
Tribunal Permanent des Peuples, Sur les crimes contre l’humanité en ex-Yougoslavie, Barcelone, 7-11 décembre 1995, décision disponible en ligne à l’adresse suivante : http://permanentpeoplestribunal.org/wp-content/uploads/1995/12/Ex-Yugoslavia-II.pdf
-
[37]
Tribunal Permanent des Peuples, Tchernobyl : environnement, santé et droits de l’homme, Vienne, 12-15 avril 1996, décision disponible en ligne à l’adresse suivante : http://permanentpeoplestribunal.org/wp-content/uploads/1996/04/Chernobyl_TPP_IT.pdf
-
[38]
La composition exhaustive de ce comité est disponible en ligne à l’adresse suivante : http://fr.monsantotribunal.org/Comite
-
[39]
Tribunal Monsanto, Tribunal, http://fr.monsantotribunal.org/Comment_
-
[40]
Idem.
-
[41]
Idem.
-
[42]
En 2016, de nombreuses juridictions françaises, à l’initiative du syndicat de la magistrature, ont mis en place des tribunaux d’opinion afin de juger le gouvernement pour « non- assistance en justice en danger ». Dans cette parodie de procès à laquelle se sont prêtés, à travers la France, des magistrats, avocats, greffiers, etc. de formation, il s’agissait ici clairement, de manière ironique, d’interpeler l’opinion publique face aux conditions de justice présentées, par les participants, comme dégradées. Un appel a été lancé le 14 mars 2016 par le syndicat des avocats de France afin de soutenir cette initiative ; il est disponible à l’adresse suivante : http://lesaf.org/tribunal-dopinion-letat-cite-a-comparaitre-pour-non-assistance-a-justice-en-danger/ Pour plus d’information sur ces questions, voyez notamment : A. Fache, « Je déclare l’État coupable de non-assistance à justice en danger », L’Humanité, 16 mars 2016 ; E. Marnette, « Justice en danger : l’État coupable selon le tribunal d’opinion de Créteil », Le Parisien, 14 mars 2016 ; J-B. Jacquin, « Rire jaune au procès de l’État pour non-assistance à justice en danger », Le Monde, 15 mars 2016.
-
[43]
V. Codaccioni, « Justice populaire et mimétisme judiciaire. Les maoïstes dans et hors la Cour de sûreté de l’État », Droit et société, 2015/1, n° 89, p. 17.
-
[44]
Ibidem, p. 19.
-
[45]
Elle est également appelée Déclaration d’Alger. Sa force juridique est, sinon nulle, au moins quasi-inexistante.
-
[46]
Cette notion est envisagée par l’article 53 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969. Le jus cogens peut se définir comme l’ensemble des normes impératives du droit international, qu’elles soient coutumières ou contenues dans un instrument juridique, auxquelles il est impossible de se soustraire. Citons ici simplement à titre d’illustration l’interdiction de la guerre d’agression, de l’esclavage, de la piraterie, du génocide.
-
[47]
Nous pensons ici notamment aux acteurs liés aux activités terroristes.
-
[48]
Pour prendre un exemple médiatique relativement récent, nous pouvons nous référer à la Convention relative aux droits de l’enfant du 7 septembre 1990. Les Etats-Unis font partie des 197 pays signataires de ladite Convention mais ils ne l’ont pas ratifiée, ce qui implique que les dispositions de cette dernière ne sont pas opposables à ce pays.
-
[49]
V. Codaccioni, art. cit., p. 33.
-
[50]
Sur ces questions, voyez : A. Garapon, Bien juger : essai sur le rituel judiciaire, Paris, Odile Jacob, 2010, 342 p. ; A. Garapon, L’âne portant des reliques, Paris, Le Centurion, 1985, 211 p.
-
[51]
S. Zientara-Logeay, « La théâtralité du procès pénal : entre archaïsme et modernité », Le rituel du procès d’hier à aujourd’hui ou la théâtralité de la justice en question, mis en ligne le 08 février 2013, consulté le 02 mai 2017. URL : http://criminocorpus.revues.org/2376
-
[52]
http://fr.monsantotribunal.org/main.php?obj_id=664727965
-
[53]
Idem.
-
[54]
Idem.
-
[55]
Idem.
-
[56]
La liste est encore longue mais elle ne trahira jamais cette logique : les juges, greffiers et avocats du tribunal sont non seulement des juristes, rompus à l’exercice du droit, mais qui plus est des spécialistes hautement diplômés ayant exercé par le passé des fonctions de magistrat, d’avocat ou d’universitaire spécialiste du droit. Elle est disponible en ligne à l’adresse suivante : http://fr.monsantotribunal.org/main.php?obj_id=664727965
-
[57]
Opinion publique qui, par essence, n’est pas exclusivement composée de juristes rompus à la technicité de la pratique du droit, loin s’en faut.
-
[58]
Sur cette question, voyez : E. Chevreau, « « Juridiction », « tribunal », aux origines des mots. L’évolution du vocabulaire de la justice à travers l’histoire », article disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/juridiction-tribunal-aux-origines-des-mots-24813.html
-
[59]
Voyez : https://www.littre.org/definition/tribune
-
[60]
Instrument régional de première importance à l’échelle de l’Europe, la Convention est aujourd’hui ratifiée par 47 pays. Dotée d’un système juridiction propre, elle dispose d’une effectivité importante.
-
[61]
CEDH, Affaire Airey c. Irlande, requête n° 6289/73, 9 octobre 1979.
-
[62]
PIDCP ci-après.
-
[63]
M. Nicke, « Le degré d’application du pacte international relatif aux droits civils et politiques dans l’ordre juridique des États », Les blogs pédagogiques de l’université Paris-Ouest, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://blogs.u-paris10.fr/content/le-degré-dapplication-du-pacte-international-relatif-aux-droits-civils-et-politiques-dans-lo
-
[64]
Idem.
-
[65]
Pour de plus amples développements, nous renvoyons le lecteur intéressé à la consultation du site internet dédié au tribunal : http://fr.monsantotribunal.org/Pourquoi_
-
[66]
Pour plus de détails sur l’histoire du concept, voyez : E. Schneiter, « Peu à peu, le crime d’écocide s’impose dans le droit international », Reporterre, 4 octobre 2016, édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : https://reporterre.net/Peu-a-peu-le-crime-d-ecocide-s-impose-dans-le-droit-international
-
[67]
Sur l’histoire du concept, voyez : L. Neyret, « Pour la reconnaissance du crime d’écocide », Revue juridique de l’environnement, n° 39, pp. 177-193 ; L. Neyret, Des éco-crimes à l’écocide. Le droit pénal au secours de l’environnement, Bruxelles, Bruylant, 2015, 468 p. ; D. Zierler, The Invention of Ecocide: Agent Orange, Vietnam, and the Scientists who Changed the Way We Think about the Environment, Athens, University of Georgia press, 2011, 245 p.
-
[68]
V. Cabanes, « Reconnaître le crime d’écocide », Revue Projet, n° 353, pp. 70-71.
-
[69]
Tribunal Monsanto, Résumé de l’avis consultatif du Tribunal International Monsanto, 18 avril 2017, p. 1. Édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : http://fr.monsantotribunal.org/upload/asset_cache/119865256.pdf
-
[70]
http://fr.monsantotribunal.org/Comment_
-
[71]
Idem.
-
[72]
Ici encore, dans les deux sens du terme.
-
[73]
V. Dedijer, A. Elkaim, C. Russel, op. cit., p. 28.
-
[74]
Les organisateurs visaient alors les hypothèses de crime de guerre, crime contre l’humanité et de génocide ; crimes qui constituent aujourd’hui le fondement essentiel de la compétence de la Cour pénale internationale.
-
[75]
V. Dedijer, A. Elkaim, C. Russel, op. cit., p. 29.
-
[76]
Tribunal Monsanto, Résumé de l’avis consultatif du Tribunal International Monsanto, art. cit., p. 1
-
[77]
Le jugement définitif affirme ainsi clairement : « En donnant la parole à ces témoins, qui se sont exprimés publiquement, […] le Tribunal a contribué à alerter […] les médias sur la nature et les conséquences des activités de Monsanto ». Le jugement est disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-28835-avis-juridique-tribunal-monsanto.pdf
-
[78]
F. Bussy, « Justice et Médias », recueil Dalloz, 2010, p. 2526.
-
[79]
Sandrine Roure soulignera ainsi « la relation existant entre deux champs sociaux différents – la justice et les médias – liés par la nécessité démocratique. Cette relation peut prendre la forme d’un contrôle réciproque ». Ce constat est également celui de Roland Cayrol qui considère que « les médias, parce qu’ils nous informent et contribuent à la formation de l’opinion publique, font partie intégrante de la définition moderne de la démocratie ». Voyez : S. Roure, « L’élargissement du principe de publicité́ des débats judiciaires : une judiciarisation du débat public », Revue française de droit constitutionnel, 2006/4 (n° 68), p. 741 ; R. Cayrol, Médias et démocratie : la dérive, Paris, Presses de Sciences Po, 1997, p. 7.
-
[80]
Y. Poirmeur, Justice et médias, Paris, LGDJ, Lextenso éditions, 2012, p. 12.
-
[81]
A. Garapon, Le gardien des promesses. Justice et démocratie., Paris, Odile Jacob, 1996, p. 65.
-
[82]
A. Garapon, op. cit., p. 74.
-
[83]
CEDH, Affaire Worm c. Autriche, requête n° 22714/93, 29 août 1997.
-
[84]
Nous avons consulté : D. Alland, S. Rials, Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Puf, 2003, 1667 p. ; S. Bissardon, Guide du langage juridique, Paris, LexisNexis, 2013, 623 p. ; R. Cabrillac, Dictionnaire du vocabulaire juridique, Paris, LexisNexis, 2013, 529 p. ; G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, Puf, 2016, 1102 p. ; S. Guinchard, Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2007, 721 p. ; C. Puigelier, Dictionnaire juridique, Bruxelles, Larcier, 2015, 1073 p.
-
[85]
Sur cette question de la définition matérielle du tribunal et des développements liés, voyez notamment : CEDH, Affaire Sramek c. Autriche, 22 octobre 1984, requête n° 8790/79 ; CEDH, Affaire Campbell c. Royaume-Uni, 25 mars 1992, requête n° 13590/88 ; CEDH, Affaire X. c. Royaume uni, 5 novembre 1981, requête n° 7215/75 ; CEDH, Affaire De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, 18 juin 1971, requête n° 2832/66 ; 2835/66 ; 2899/66
-
[86]
CEDH, Affaire Sramek c. Autriche, 22 octobre 1984, requête n° 8790/79 ; CEDH, Affaire Belilos c. Suisse, 29 avril 1988, requête n° 10328/83.
-
[87]
CEDH, Affaire Benthem c. Pays-Bas, 23 octobre 1985, requête n° 8848/80 ; CEDH, Affaire Sramek c. Autriche, 22 octobre 1984, requête n° 8790/79.
-
[88]
CEDH, Affaire Ringeinsein c. Autriche, 16 juillet 1971, requête n° 2614/65.
-
[89]
CEDH, Affaire Rolf Gustafson c. Suède, 1er juillet 1997, requête n° 23196/94 ; CEDH, Affaire Lithgow et autres c. Royaume-Uni, 8 juillet 1986, requêtes n° 9006/80 ; 9262/81 ; 9263/81 ; 9265/81; 9266/81; 9313/81; 9405/81 ; CEDH, Affaire Campbell c. Royaume-Uni, 25 mars 1992, requête n° 13590/88 ; CEDH, Affaire X. c. Royaume uni, 5 novembre 1981, requête n° 7215/75
-
[90]
CEDH, Affaire Van de Hurk c. Pays-Bas, 19 avril 1994, requête n° 16034/90 ; CEDH, Affaire Brumarescu c. Roumanie, 28 octobre 1999, requête n° 28342/95.
-
[91]
CEDH, Affaire Lavents c. Lettonie, 28 novembre 2002, requête n° 58442/00 ; CEDH, Affaire Savino et autres c. Italie, 28 avril 2009, requête n° 17214/05, 42113/04 et 20329/05.
-
[92]
Ulpien, Digeste, Livre i, Titre i, lex 1, principium : « Jus est ars boni et aequi ».
-
[93]
CEDH, Affaire Platakou c. Grèce, 11 janvier 2001, requête n° 38460/97 ; « La Convention n’astreint pas les États contractants à créer des Cours d’appel ou de cassation ».
-
[94]
Une nouvelle fois, dans tous les sens du terme.
-
[95]
La question de la légitimité du juge est notamment abordée sur les points suivants : mode de désignation, compétences (juridiques mais également plus larges : économiques, sociales, etc.), principes directeurs d’action afin que l’office soit légitime (équité, proportionnalité, rituel précis, procédure, etc.), qualités personnelles et déontologiques (impartialité, réserve, loyauté, etc.), qualité des jugements. Ce sont également de nombreuses questions sur l’office prétorien lui-même : le juge n’est-il pas devenu plus qu’une simple bouche de la loi ? Sur toutes ces questions, voyez notamment : B. Bernabé, « L’office du juge et la liturgie du juste », Cahiers philosophiques, 2016/4, n° 147, pp. 48-67 ; B. Bernabé, « L’autorité du juge et la recherche de l’adhésion », Les cahiers de la justice, 2013/2, pp. 149-156 ; G. Canivet, « Au nom de qui, au nom de quoi jugent les juges ? De la gouvernance démocratique de la justice », Après demain, 2010/3, n° 15, pp. 3-7 ; P. Pescatore, « La légitimité du juge en régime démocratique », Commentaire, 2000/2, n° 90, pp. 339-349 ; D. Salas, « Le juge d’aujourd’hui », Droits, 2001/2, n° 34, pp. 61-71 ; D. Salas, « La légitimité démocratique du juge en question », Histoire de la justice, 2014/1, n° 24, pp. 145-152.
-
[96]
Étymologie commune.
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[97]
Ulpien, op. cit., principium.
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[98]
Lien de demande héritée du droit canonique établissant une relation entre les plaideurs et le juge en vertu duquel celles-ci renoncent au droit allégué au profit d’une clarification de leurs situations juridiques qui sera le fait de la décision de justice. Ce faisant, la formule « Res judicativa pro veritate accipitur » contenue au Digeste (Dig. 50, 17, 207) prend tout son sens. Ce n’est que dans le cadre d’une relation tripartite entre les plaideurs et le juge que peut naître la vérité. Elle peut ne pas être celle des faits mais devient la vérité révélée par voie judiciaire acceptée, accipitur, par les parties. Elle devient alors également la vérité s’imposant à l’ensemble de la société, erga omnes, lors de l’extinction du lien d’instance, qui est le lien relatif à la demande, instantia, introduite en justice par les parties.
« Ce n’est pas à vous que j’apprendrai que toute justice, dans son principe comme dans son exécution, n’appartient qu’à l’État [2]. »
1 Par ses mots, le général De Gaulle, alors Président de la République, signifiait à Jean-Paul Sartre la principale raison justifiant son refus que se tienne sur le territoire national la première session d’un « tribunal » d’un genre nouveau – un tribunal d’opinion – à l’initiative de Lord Bertrand Russel et du philosophe français. Cette démarche, lancée en 1966, visait à déterminer si les États-Unis avaient ou non violé le droit international [3] dans le cadre de la guerre du Vietnam. Démarche singulière s’il en est, celle-ci a néanmoins fait long feu et a connu depuis de multiples avatars dont le dernier en date a siégé à La Haye les 15 et 16 octobre 2016 afin de juger non plus un État mais une entreprise : Monsanto – le « jugement » a été rendu le 18 avril 2017. Néanmoins, la légitimité ainsi que la portée des « jugements » rendus par ces « tribunaux » interrogent.
2 L’Unicef définit le tribunal d’opinion comme un instrument créé par et composé de « personnes privées qui deviennent juges et jury [4] ». Edmond Jouve souligne que cette création tient « [son] existence et [son] pouvoir de personnes privées et non d’une autorité souveraine [5] ». Ce « tribunal » « se donne pour mission de dénoncer, sous une forme juridique, des actes ayant porté atteinte aux droits des peuples. Ainsi, il est compétent pour se prononcer sur tout crime international, sur toute infraction aux droits fondamentaux des peuples ou des minorités, sur les violations graves et systématiques des droits et des libertés des individus » [6]. On le voit, le domaine de compétence semble particulièrement large, d’autant plus que cet instrument, dont l’existence repose sur une démarche militante, n’obéit à aucune règle stricte de création. Il se compose en effet de personnalités dont la légitimité ne vient pas forcément de la compétence juridique. Celles-ci doivent en effet jouir « de la plus grande considération et avoir les compétences requises pour l’exercice des plus hautes fonctions légales, ou alors être d’éminents universitaires, juristes, personnalités politiques ou religieuses, dont l’intégrité et les compétences sont reconnues [7] ».
3 Ainsi, l’objectif des tribunaux d’opinion est de combler ce qu’ils présentent comme des carences étatiques afin de rendre, selon la forme du rituel judiciaire, des jugements présentés comme fondés en droit – parfois pudiquement appelés « avis consultatif [8] » en raison de leur absence d’effectivité – dont la fonction première est d’en appeler à « l’opinion publique » afin qu’elle se mobilise sur un sujet donné. Cette visée était déjà clairement affirmée le 2 mai 1967 lors de la première session du tribunal Russel-Sartre lorsque les deux principaux organisateurs déclarèrent : « Nous nous considérons donc comme un tribunal […] et nous souhaitons, grâce à la collaboration de la presse, maintenir un contact constant entre nous et les masses. […] Nous souhaitons qu’elles […] se fassent au jour le jour leur opinion [9]. » Elle se retrouve affirmée avec une clarté identique par le tribunal Monsanto qui cherche à faire en sorte que « les opinions publiques […] aient une meilleure connaissance des pratiques de l’entreprise Monsanto et de leurs impacts sur l’environnement et sur les droits humains fondamentaux [10] ».
4 Cette recherche du dépassement de l’institution judiciaire par l’appel à la société civile ou à l’opinion publique [11] peut alors sembler être l’expression d’une reconfiguration du rapport que la société entretient avec la justice. Cependant, cet appel ne saurait être regardé comme inédit. En effet, on trouve dès le xviii e siècle en France des traces d’une justice de dernier ressort, symbolique, qui serait rendue par l’opinion publique. Cette suprématie du tribunal de l’opinion publique est mise en avant par Malesherbes qui considère « ce tribunal du public comme le juge souverain de tous les juges de la terre [12] ». Et ce dernier d’affirmer : « Le public porte une curiosité avide sur les objets qui autrefois lui étaient les plus indifférents. Il s’est élevé un tribunal indépendant de toutes les puissances, et que toutes les puissances respectent, qui apprécie tous les talents, qui prononce sur tous les genres de mérite [13]. » Les conséquences d’une telle pensée sont alors tirées par Mona Ozouf qui souligne que « l’opinion publique est un tribunal impersonnel et anonyme : dans les verdicts qu’elle rend chacun peut entendre la voix de tous, et donc la voix de personne ; et croire ne la tenir finalement que de soi [14] ». Cette affirmation est également présente chez Condorcet qui voit dans l’opinion publique un « tribunal indépendant de toute puissance humaine, auquel il est difficile de rien cacher et impossible de soustraire [15] ». Cependant, cette mise en exergue de l’existence d’un tribunal d’opinion dès le xviii e siècle ne se doublait pas de la tenue concrète d’instruments visant à exprimer, sous la forme judiciaire, la voix de cette dernière.
5 S’inscrivant ainsi dans un mouvement ancien pour lequel « au lieu de considérer ce que l’État peut ou ne peut pas tolérer, il faut accepter d’envisager ce que l’opinion peut ou ne peut pas tolérer [16] », les tribunaux d’opinion tendent, dans un périlleux exercice d’équilibrisme, à utiliser la justice et ses codes [17] pour « juger d’un point de vue moral [18] ». Il s’agit donc de considérer ici un acte militant plutôt que judiciaire qui a la particularité de s’appuyer sur les rituels de la justice tels qu’aujourd’hui utilisés par les États afin de mettre ces derniers à distance.
6 La question soulevée par ces instruments se présentant comme des tribunaux est celle de savoir si la justice, pour être rendue, peut se passer des États.
7 À cette interrogation, Jean-Paul Sartre apportait déjà une réponse ambivalente en considérant que « la véritable justice doit tirer sa puissance à la fois de l’État et de [l’opinion] ». Dès lors, les tribunaux d’opinion peuvent être regardés comme des formations militantes pensant le droit au-delà de l’État pour le faire évoluer (I). Et, en invitant à dépasser le cadre étatique, ces instruments concourent, en interrogeant la définition du concept de tribunal, à la remise en cause de l’institution judiciaire (II).
I – Le tribunal d’opinion, une formation militante s’appuyant sur le droit produit par les États
8 Le tribunal d’opinion ayant vocation à se prononcer sur le comportement des États-Unis lors de la guerre du Vietnam est un modèle qui a influencé ses contemporains. En effet, loin d’être une expérience unique, les juridictions d’opinion se sont multipliées (A). Ce développement permet alors de constater la difficulté qu’ont ces juridictions d’opinion à penser le droit au-delà de l’État (B).
A – Du tribunal Russel-Sartre au tribunal Monsanto : la multiplication des juridictions d’opinion
9 Fondé en novembre 1966 et siégeant jusqu’en décembre 1967, le tribunal Russel-Sartre demeure l’initiative la plus connue à ce jour – sans doute parce que la première - en matière de tribunal d’opinion. La plus connue sans doute également en raison des personnalités qui le composèrent ainsi que du retentissement médiatique dont il bénéficia. En effet, si l’on consulte la liste des participants à cette juridiction d’un genre particulier, on ne peut que constater la renommée de ces derniers, connus pour leurs travaux et leurs actions dans leurs pays mais également bien au-delà de leurs frontières nationales. Il y avait donc, dès la composition de cet instrument, l’expression d’une conception selon laquelle l’application du droit international [19] ne pouvait être le fait que d’un « tribunal » composé selon une mixité de nationalités annonçant, d’une certaine manière, le concept de « société civile internationale » [20]. Parmi les personnalités composant cet instrument d’opinion, nous pouvons notamment [21] citer : Bertrand Russel, Jean-Paul Sartre, Lelio Basso, Simone de Beauvoir, Lazaro Cardenas, James Baldwin, Dave Dellinger, Mehmet Ali Aybar, etc. On le voit, les organisateurs de ce premier tribunal d’opinion avaient à cœur d’asseoir la légitimité de leur action en s’appuyant sur des participants de renom, aux fonctions diverses et aux origines multiples. On trouve en effet un ancien chef d’État, un philosophe, un mathématicien, des juristes, des avocats, des militants des droits de l’homme, un poète, des acteurs de la décolonisation, etc. À l’heure de la naissance des mouvements tiers-mondistes et de l’essor du non-alignement, les membres de ce tribunal reflétaient également la pluralité du monde en étant originaires de divers pays, de tous les continents, sans distinction entre ce que l’on appelait alors le nord et le sud. L’impact sur l’opinion publique vint ainsi en partie de cette composition plurielle. Il vint également des difficultés que rencontra l’installation de ce tribunal, difficultés qui furent relayées par voie de presse. Citons à titre d’illustration le refus opposé par le gouvernement français aux porteurs de ce projet qui considéra, par la voix de son préfet, qu’il était impossible d’autoriser la tenue d’un tel instrument, ce dernier « constitu[ant] une manifestation exorbitante du droit et des usages internationaux [22] ». Face à ce refus, le tribunal Russel-Sartre siégea, en deux sessions, à Stockholm (Suède) puis à Roskilde (Danemark). Cette itinérance [23] de la juridiction à travers l’Europe concourut, à n’en pas douter, à renforcer la vocation transnationale [24] du tribunal.
10 Suite au succès rencontré dans l’opinion par le tribunal Russel-Sartre sur les crimes que les États-Unis étaient accusés d’avoir commis au Vietnam, les initiatives se multiplièrent [25] aux fins de reconduite de l’expérience, sans que toutes n’aient un succès identique. Citons ainsi le « Tribunal Russel II » qui avait pour objectif « d’apporter les preuves des exactions et violations des droits de l’homme commises par les régimes dictatoriaux d’Amérique latine » [26]. Suite à la mort de Bertrand Russel en 1970, l’un des participants au tribunal d’opinion sur le Vietnam, Lelio Basso, fut approché par des militants, notamment brésiliens, souhaitant que l’opinion publique internationale soit alertée des crimes commis dans les différents pays sud-américains subissant les violences des divers régimes dictatoriaux alors en place. Si la composition de ce tribunal siégeant entre 1973 et 1976 demeura internationale, force est de constater que les juristes prirent une part plus importante dans cette seconde mouture. Cependant, alors que le tribunal Russel-Sartre avait réussi à trouver un certain écho dans l’opinion publique – peut-être notamment car celle-ci s’était déjà saisie de la question [27] –l’initiative menée pour l’Amérique latine fut un revers cuisant : « N’étant pas jugé crédible par la presse, le Tribunal Russell II, qui ne dispose pas d’un organe autonome, n’a pas été non plus jugé crédible par l’opinion publique qui ne lui reconnaît pas l’impartialité adéquate pour “juger” et “condamner” [28]. »
11 À ces deux premières initiatives, de nombreuses autres ont succédé au cours des années 1980 et 1990 sur des objets aussi divers que la politique économique imposée par le FMI et la Banque mondiale dans le cadre des programmes d’ajustements structurels [29], les crimes commis au Congo, [30] au Burundi [31], etc. Les objets saisis par ces instruments d’opinion concernent ainsi tant ceux classiquement saisis par le droit international que sont les crimes de guerre, les génocides ou les crimes contre l’humanité que ceux non encore pleinement saisis par les concepts juridiques. Dans le cadre de l’exemple des politiques d’ajustement structurels, le droit ne dispose pas d’incrimination sanctionnant les conséquences négatives d’une politique économique et budgétaire [32] conduite par une ou plusieurs institutions internationales.
12 Ces initiatives conjoncturelles souhaitant mobiliser, avec plus ou moins de succès, l’opinion publique face à des situations que leurs organisateurs estimaient devoir dénoncer ont été doublées d’une création pérenne : le Tribunal Permanent des Peuples. Il fut fondé à Bologne en 1979 par Lelio Basso qui avait déjà participé activement aux deux premières moutures du tribunal Russel. Le statut de ce Tribunal Permanent des Peuples [33] affirme avec une particulière clarté la filiation qu’il entend entretenir avec l’initiative lancée dans le cadre de la guerre du Vietnam. Celle-ci passe par une démarche singulière assimilable au concept, très récent, de lanceur d’alerte. La volonté ici encore affichée est bien, avant tout, de faire en sorte que l’opinion publique puisse se mobiliser face à des sujets que la « juridiction » estime devoir dénoncer. Le préambule de son statut affirme ainsi : « Il nous revient d’éclairer les groupes politiques et les syndicats, soutenus par l’opinion publique mondiale, afin de créer les structures internationales susceptibles d’attirer l’attention des gouvernements, des mouvements politiques, des syndicats et de l’opinion publique mondiale sur les graves et systématiques violations des droits des peuples et, en lien avec ces violations, celles concernant les droits des minorités et des individus, ainsi que les causes économiques, politiques et sociales [34]. » Cet instrument s’est, pour le moment, prononcé sur quarante-trois situations, touchant à des thématiques aussi diverses que la violation des droits de l’enfant au Brésil [35], les crimes contre l’humanité en ex-Yougoslavie [36], les conséquences de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl sur l’environnement et la santé [37], etc. Les thématiques connues par le TPP sont larges et peuvent aller jusqu’à embrasser, de manière indirecte au moins, des causes environnementales.
13 Pourtant ce n’est pas par l’intermédiaire de celui-ci que la dernière juridiction médiatique en appelant à l’opinion publique s’est constituée. En effet, c’est à La Haye qu’un comité composé [38] d’universitaires, militants, journalistes, anciens ministres, etc. a entrepris de composer un nouveau tribunal d’opinion dont la vocation serait de juger de la responsabilité du groupe Monsanto dont les activités sont suspectées d’avoir nui à l’écosystème ainsi qu’à la santé d’un grand nombre d’usagers, directs ou indirects, des produits conçus par la firme. Cet objectif est clairement énoncé par les organisateurs de cette manifestation : « L’objectif du Tribunal est de livrer un avis juridique consultatif sur les dommages sanitaires et environnementaux causés par la multinationale Monsanto [39]. » Cet avis juridique s’inscrit pleinement dans la tradition inaugurée quarante ans auparavant puisque sa fonction première est de faire en sorte que « les opinions publiques et les décideurs politiques [aient] une meilleure connaissance des pratiques de l’entreprise Monsanto et de leurs impacts sur l’environnement et sur les droits humains fondamentaux. Le Tribunal aura contribué à la prise de conscience des dangers d’une agriculture industrielle et chimique et de la nécessité de changer le paradigme agricole [40] ». Cette démarche s’inscrit également dans une action militante puisque, au-delà de la volonté d’alerter l’opinion publique, les organisateurs cherchent également, dans le cadre de ce procès d’un genre particulier, à révéler des arguments qui pourraient être utilisés par des particuliers parties à une instance, réelle cette fois-ci, contre la firme : « Les travaux du Tribunal auront permis de mettre à disposition des victimes et de leurs avocats des arguments et des bases juridiques de nature à faciliter les actions en justice contre l’entreprise Monsanto au niveau national [41]. » Ainsi, le tribunal Monsanto a pour originalité de s’inscrire sur le terrain exclusif des atteintes à l’environnement et de leurs conséquences sur la santé des individus, objet qui semblait alors peu, voire pas, traité par les précédents tribunaux d’opinion. Il y a également une volonté de se détacher de la structure qu’est le TPP dont les travaux sont, aujourd’hui, d’une portée relativement faible.
14 Les tribunaux d’opinion se présentent comme des outils servant à alerter l’opinion publique sur des questions que leurs organisateurs jugent centrales. Ces initiatives se sont multipliées au cours du xx e siècle afin d’alerter l’opinion publique internationale, mais également, dans certains cas non développés ici, les opinions publiques nationales [42]. Afin de réaliser leur mission, ces instruments présentent la particularité de s’appuyer sur le droit produit par les États afin de, paradoxalement, tenter de le(s) dépasser (B).
B – Une difficulté certaine à dépasser l’horizon étatique pour faire œuvre de justice
15 Les tribunaux d’opinion sont des objets intrigants en ce qu’ils prétendent s’appuyer sur les instruments juridiques établis par les États pour les dépasser. En effet, outre la reprise du rituel judiciaire, on constate la volonté de la part de ces « juridictions » de s’appuyer sur le droit produit par les États, qu’il s’agisse des règles relatives à la procédure judiciaire ou des règles de droit substantiel. Cette situation, paradoxale, est mise en avant par Vanessa Codaccioni qui souligne « la fascination exercée par la justice sur ceux qui veulent se réapproprier le monopole de la violence physique étatique, et l’utiliser pour punir ceux épargnés par la loi [43] ». Il s’agit alors, par l’exercice d’un mimétisme judiciaire, de « dénoncer un “vide de justice” et de juger des crimes non punis [44] ».
16 Dans ce mouvement, les organisateurs des tribunaux vont, en un premier temps, s’appuyer sur le droit existant pour en dénoncer l’inapplication. Ainsi, dans le cadre du tribunal Russel-Sartre, les organisateurs ont entendu interroger plusieurs dispositions juridiques appartenant au droit international. Ils ont en effet cherché à fonder leur « décision » sur le pacte Briand-Kellog de 1928, la Charte des Nations unies, le statut de Nuremberg, une résolution des Nations unies de 1960, les accords de Genève. C’est à partir de ces fondements qu’ils ont tenté de répondre aux questions suivantes : le Gouvernement des États-Unis a-t-il commis des actes d’agression contre le Vietnam ? Y a-t-il eu bombardement d’objectifs purement civils ? Y a-t-il eu violations répétées de la souveraineté, de la neutralité et de l’intégrité d’un territoire ? D’autres pays ont-ils été coupables de complicité avec le Gouvernement des États-Unis aux fins de violation du droit international ?
17 Une démarche comparable se retrouve auprès du TPP ainsi qu’auprès du tribunal Monsanto. Pour le premier, si la Déclaration universelle du droit des peuples [45] du 4 juillet 1976 constitue le fondement essentiel de son action, son statut se réfère également aux principes de Nuremberg, au jus cogens [46], à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ainsi qu’à diverses sources d’inégale valeur produites par les Nations unies (depuis la Déclaration universelle des droits de l’homme jusqu’à une résolution sur la décolonisation). S’agissant du tribunal Monsanto, on retrouve également la volonté de fonder la décision à rendre sur des dispositions présentées comme composant le droit international – bien qu’ici encore, la juridicité de telles dispositions soit, en l’espèce, le plus souvent sujette à caution. Il s’agit notamment des Principes directeurs des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme, le statut de Rome, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention relative aux droits de l’enfant, diverses résolutions du Conseil des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
18 Que penser de ces fondements juridiques multiples ? Cette accumulation de dispositions aux valeurs plus que contrastées et à l’invocabilité rarement possible tend à faire passer ces éléments pour des prétextes utilisés afin de fonder la légitimité d’une réponse déjà établie. Aux questions posées, les organisateurs des juridictions d’opinion semblent déjà connaître la réponse. Le droit est alors invoqué dans un second temps, de manière utilitaire et confuse, pour mâtiner d’une apparence de légitimité fondée dans la légalité une solution déjà trouvée.
19 Soulignons tout d’abord le fait que tous les éléments invoqués n’ont pas la même valeur, ni la même portée. À l’échelle du droit international, seules les normes tirées du jus cogens sont opposables, de manière universelle, à l’ensemble des États et des organisations et/ou particuliers [47] susceptibles d’avoir une influence sur les relations internationales. Les autres normes internationales, sont d’une juridicité très variable. Elles reposent en effet sur la volonté des États. Ainsi, un État peut signer une Convention sans la ratifier, ce qui la lui rend inopposable [48]. Dès lors, pour louable que soit la volonté de se fonder sur des normes tirées du droit international, il apparaît néanmoins que nombreuses sont les hypothèses dans lesquelles le fondement juridique de la décision rendue par la juridiction d’opinion est, en droit, inopposable à l’État partie à cette instance fantoche. Il en va ainsi lorsque l’on considère, par exemple, la déclaration d’Alger sur les droits fondamentaux des peuples du 4 juillet 1976. On peine même parfois à trouver la cohérence parmi la multiplicité des normes invoquées par les tribunaux d’opinion, tout se passant comme si la seule invocation du terme « norme internationale », sans souci de son applicabilité ou de sa juridicité, suffisait à légitimer la décision rendue par la « juridiction ». En effet, si le tribunal Russel-Sartre se fondait essentiellement sur le jus cogens, il en va bien autrement pour le tribunal Monsanto. Le commentateur se trouve alors placé face à un véritable melting-pot de textes juridiques présentés comme susceptibles de fonder juridiquement la décision.
20 Les juridictions d’opinion se trouvent ainsi dans une situation paradoxale. Désireuses de penser le droit au-delà de l’État, elles se révèlent incapables de s’affranchir des normes qu’il produit. Plus encore, cette incapacité se mue en approximations juridiques importantes en mettant sur le même plan tous les instruments juridiques du droit international, sans considérer leurs normativités ou leurs opposabilités. Cette situation révèle l’incapacité de ces organisations à se défaire du modèle posé par l’État. Vanessa Codaccioni souligne alors habilement qu’« il y a donc un paradoxal consensus entre détenteurs du pouvoir et opposants sur la manière de rendre justice et sur sa centralité dans le fonctionnement et l’organisation du monde social [49] ».
21 Ce consensus est très net lorsque l’on considère le rituel judiciaire [50] pour lequel on retrouve un mimétisme important de la part des juridictions d’opinion. C’est en effet « toute la dimension théâtrale originelle du procès [51] » que l’on trouve reprise. Tout d’abord la scénographie avec l’entrée du public puis du président suivi de ses assesseurs, chacun prenant son rôle sur la scène où se joue, avant de se dire, le droit. Le public est alors tenu à bonne distance des parties au procès qui vont plaider face à leurs juges avant d’obtenir, suite à un délibéré secret, la décision de justice. Seuls les costumes judiciaires ne sont pas repris par la scénographie des tribunaux d’opinion. Nous noterons cependant que malgré l’absence de robe la légitimité de ces « juges » est, en grande partie, présentée comme reposant, outre leur moralité, sur leur connaissance du droit. Cela traduit de nouveau la nécessité pour ces « juridictions » de s’appuyer sur l’État, ici en tant que formateur de professionnels du droit de haut niveau, pour fonder leur légitimité. Considérons les juges du tribunal Monsanto pour illustrer notre propos. Nous trouvons une « consultante pour la Cour Pénale Internationale, ex-avocate générale du Tribunal Pénal International pour le Rwanda [52] », un « juge à la Cour des contentieux administratifs de la ville de Mexico [53] », un membre « de la Direction des Droits Humains de la Cour Suprême de Justice de Mendoza [54] », un « associé au cabinet juridique Goldblatt Partners LLP [55] », etc. [56]. Tous sont des juristes de haut niveau dont la compétence technique est, nécessairement, le fait d’une formation étatique au droit. Cette incapacité à dépasser l’idée selon laquelle le droit ne peut être dit que par des techniciens interroge alors d’autant plus que la vocation de ces tribunaux est d’en appeler à l’opinion publique [57]. Ces juridictions ne parviennent donc pas à sortir le droit de la représentation mentale selon laquelle la loi ne peut être comprise et appliquée que par des experts. Partant, cette entreprise de réappropriation de la norme par l’opinion publique semble presque impossible puisque la démarche, dès son début, ne parvient pas à s’élever au-dessus d’une vision concevant la norme et son application – donc l’œuvre de justice – comme une technè.
22 En conséquence, se dessinent les contours d’un paradoxe dans le cadre de cette entreprise de réappropriation du droit. La composition de la « juridiction », le droit sur lequel elle se fonde ainsi que la reprise du rituel judiciaire semblent en effet traduire une incapacité totale à se détacher de l’État et du droit qu’il produit.
23 L’initiative lancée par Lord Bertrand Russel et Jean-Paul Sartre était, à bien des égards, inédite. Inédite en raison non pas tant de son mimétisme militant de l’institution judiciaire que de sa volonté, doublée de sa capacité réelle, à obtenir un écho auprès de l’opinion publique. Ce tribunal d’opinion consacré à la question vietnamienne a, au-delà de la volonté ou des espoirs de ses membres, fait long feu. On peut en effet constater la multiplication de cette forme depuis maintenant plus de cinquante ans. Tentant de s’appuyer sur le rituel judiciaire ainsi que le droit produit par les États, ces instruments de militantisme visent à dire la morale en utilisant le droit pour la justifier. Ce faisant, c’est le concept de tribunal qui se trouve lui-même interrogé (II).
II – Dire la morale pour faire évoluer le droit : une mutation de la fonction juridictionnelle interrogeant le concept de tribunal
24 Tribunal et tribune partagent la même étymologie [58], fondée dans le terme latin « tribuna », nous renvoyant à un lieu surélevé depuis lequel le peuple peut entendre ses orateurs [59]. Si aujourd’hui il n’est plus nécessaire de se rendre sur le forum pour les entendre, les juridictions d’opinion ont fait leur cette étymologie commune en se présentant comme des tribunes plutôt que comme des juridictions au sens strict du terme (A). Ces dernières semblent alors s’inscrire dans un mouvement contemporain, fait de défiance à l’endroit du monopole étatique pour dire la justice, interrogeant la définition même du concept de tribunal (B).
A – Plaider au-delà du prétoire : le tribunal comme tribune
25 Le recours au mimétisme du rituel judiciaire par les tribunaux d’opinion peut être regardé comme un moyen performatif permettant de faire de la scène judiciaire une tribune à destination de l’opinion publique. Tout en s’appuyant sur le droit produit par les États, cette tribune est alors employée, dans le cadre d’une démarche militante, pour porter un projet de réappropriation de la norme par la société civile. Cette tentative visant à repenser le rapport à la norme ainsi qu’à son mode de production s’est articulée, au fil des juridictions d’opinion autour de trois axes : revendiquer l’application du droit, demander une évolution du droit et enfin chercher une reconfiguration du rôle des institutions internationales.
26 Le premier mouvement s’inscrit dans une démarche affirmée depuis 1979 par la Cour européenne des droits de l’homme [60]. Celle-ci a en effet souligné que les pays partis à « la Convention [ont] pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs [61] ». Or, si les dispositions conventionnelles sont respectées par les États parties, toutes les normes du droit international ne disposent pas d’une identique force contraignante à l’égard des États qui se sont pourtant engagés à les respecter. C’est ce que mettent en avant les juridictions d’opinion. En se fondant, pêle-mêle, sur des dispositions internationales de valeurs différentes, elles entendent souligner que le droit ne saurait rester lettre morte. Si l’on considère le tribunal Monsanto, celui-ci s’appuie notamment sur les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques [62]. Or, malgré l’importance théorique de ses dispositions, Mandy Nicke souligne très justement que « les Etats peuvent librement choisir si et comment ils incorporent le PIDCP dans leur droit interne [63] » de telle sorte que « le degré d’application du PIDCP en droit interne diffère selon les pays [64] ». Adopté en 1966 par l’Assemblée des Nations unies et comprenant des dispositions prohibant notamment la torture, l’esclavage ou garantissant le droit à la vie et à la liberté, il peut alors sembler, sur le plan non plus du droit mais bien de la morale, discutable que des États puissent se soustraire à cet engagement qu’ils ont pourtant signé alors que garantissant des droits essentiels bafoués à une échelle dépassant l’entendement humain à peine vingt ans auparavant. Par la mise sur le même plan de dispositions de valeurs totalement différentes issues du droit international, les juridictions d’opinion entendent utiliser le tribunal qu’elles ont constitué ad hoc pour affirmer que ce qui compte le plus à l’échelle de l’humanité n’est pas la valeur juridique d’un droit mais la nécessité de le garantir. Au-delà de l’affirmation, seule compte la protection, peu important que celle-ci se fonde dans une déclaration, une résolution, une convention, un traité, etc. La tribune médiatique ainsi constituée sert alors à revendiquer la réalisation et la protection concrète des droits humains. Les tribunaux d’opinion cherchent ainsi dans un premier temps à s’appuyer sur le droit pour en exiger l’effectivité.
27 À ce premier mouvement visant à exiger l’effectivité de droits consacrés par le droit international vient se superposer, dans certaines hypothèses, un second objectif : faire évoluer le contenu du droit international. Cet objectif est très clairement affirmé par le tribunal Monsanto qui recherche l’incorporation dans celui-ci d’un crime qui, jusqu’ici, n’a pas reçu de consécration juridique : l’écocide. C’est au regard de celui-ci, dont l’inclusion a été proposée dans le droit international pénal, que le Tribunal évalue les actions de la firme Monsanto. Les organisateurs affirment en ce sens que la fonction du tribunal sera également d’« examine[r] l’opportunité de réformer le Statut de Rome créant la Cour pénale internationale en vigueur depuis 2002 afin d’y inclure le crime d’écocide et de permettre la poursuite des personnes physiques et morales soupçonnées d’avoir commis ce crime [65] ». Concept développé par le biologiste Arthur Galston dans les années 1960 [66], le terme d’écocide fut employé pour la première fois lors de la Convention sur la guerre et la responsabilité nationale tenue à Washington en 1970 [67]. C’est en effet dans le cadre de la guerre du Vietnam et de l’utilisation de l’agent orange produit par la firme Monsanto (déjà !) que le concept fût développé. Valérie Cabanes souligne que le terme « renvoie au fait de détruire (cidere, tuer) notre maison (oikos), la seule que nous ayons : la Terre. Ce crime est caractérisé par un endommagement grave et durable des communaux planétaires – les océans, les pôles, l’atmosphère… – et de fonctions écosystémiques dont dépendent des populations pour vivre [68] ». Le concept est donc plus précis qu’une simple atteinte, provisoire ou définitive, à l’écosystème. Il faut que cette atteinte mette en péril l’humanité, que ce péril soit actuel, imminent ou à venir. Le tribunal Monsanto a alors, en s’inscrivant dans une démarche revendiquée de « droit prospectif [69] », entendu proposer sa propre définition synthétique du crime d’écocide : « Le fait de porter une atteinte grave à l’environnement ou de détruire celui-ci de manière à altérer de façon grave et durable des communaux globaux ou des services écosystémiques dont dépendent certains groupes humains [70]. » Et le « tribunal », ciblant plusieurs activités de la firme, de conclure : « Si un tel crime d’écocide existait en droit international, alors les activités de Monsanto pourraient relever de cette infraction [71]. » La formule, particulièrement éloquente, souligne la démarche poursuivie par la juridiction d’opinion. En effet, elle constate que dans l’hypothèse où le droit international viendrait à se saisir du concept d’écocide, la firme Monsanto serait alors susceptible de l’avoir commis. Si le procès est fictif, l’impact recherché est quant à lui solidement ancré dans le réel : faire évoluer le droit positif en reprenant les codes [72] de la justice.
28 Enfin, il nous faut souligner que le tribunal Russel-Sartre poursuivait un autre objectif, complémentaire : la création d’une Cour de justice à compétence universelle pour connaître des crimes les plus graves commis contre l’humanité. Soulignant que le tribunal de Nuremberg n’était qu’une initiative ad hoc, les participants réunis à Stockholm puis à Roskilde militaient en faveur de l’existence d’une structure permanente de compétence identique, rationae materiae et rationae loci. Jean-Paul Sartre, lors de son discours d’ouverture, affirmait alors : « Le Tribunal Russel est né de cette double constatation contradictoire : la sentence de Nuremberg a rendu nécessaire l’existence d’une institution destinée à enquêter sur les crimes de guerre et, s’il y a lieu, à en juger ; ni les gouvernements ni les peuples ne sont en mesure de la créer [73]. » On comprend dès lors mieux la démarche poursuivie par les organisateurs et la raison justifiant qu’ils mettent sur le même plan des normes du droit international dotées de valeurs juridiques différentes. Il s’agissait pour eux de dénoncer le fait qu’en raison de l’absence d’une structure judiciaire permanente, la répression des crimes les plus graves [74], condamnés avec la plus grande fermeté par la communauté internationale au sortir de la seconde guerre mondiale dans le cadre du tribunal de Nuremberg, n’était de la compétence d’aucune juridiction. C’est cette situation que les organisateurs du tribunal d’opinion entendaient faire évoluer. Sartre, toujours dans son discours inaugural, soulignait ainsi que « le Tribunal Russel n’[avait] d’autre souci, dans son enquête comme dans ses conclusions, que de faire sentir à tous la nécessité d’une institution internationale qu’il n’a[vait] ni les moyens ni l’ambition de remplacer et dont l’essence serait de ressusciter le jus contra bellum, mort-né à Nuremberg et de substituer à la loi de la jungle des règles éthiques et juridiques [75] ». Apparaît ainsi clairement l’appel à la création d’une juridiction pénale universelle permanente qui serait compétente pour connaître, notamment, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des génocides. Cette juridiction, il a fallu plus de trente ans à la communauté internationale pour s’en doter. Elle a été instituée par le statut de Rome en 1998, entré en vigueur en 2002 : la Cour pénale internationale.
29 Objet militant tentant de se légitimer par l’invocation de règles juridiques disparates, les tribunaux d’opinion se présentent, in fine, comme des acteurs contribuant à l’évolution du droit et de la justice. Revendiquant une légitimité fondée dans le mimétisme du rituel judiciaire sans disposer pour autant du pouvoir de rendre des décisions juridiquement contraignantes – le tribunal Monsanto emploie le terme d’« avis consultatif [76] » – les tribunaux d’opinion s’inscrivent dans le cadre d’un mouvement plus général de remise en cause de la justice étatique interrogeant alors la notion même de tribunal (B).
B – Un mouvement de défiance à l’endroit de la justice étatique interrogeant la notion de tribunal
30 Les instigateurs des tribunaux d’opinion affirment vouloir saisir l’opinion publique en s’appuyant sur les médias [77]. Ces derniers sont alors perçus comme des relais et deviennent, dans ce mouvement, une interface essentielle entre les citoyens et l’institution judiciaire. Par conséquent, considérer les tribunaux d’opinion c’est également évoquer les rapports qu’entretiennent « dans une société démocratique [ces] deux organes essentiels [78] » que sont la justice et les médias. Ils apparaissent en effet en doctrine comme des piliers de la démocratie ayant des fondements et des légitimités différents à la faveur d’un contrôle réciproque [79].
31 Cette conception impose que les médias puissent rendre compte de la manière avec laquelle la justice est rendue : « La démocratie exige en effet que l’opinion publique dispose d’une information suffisamment précise et complète sur tous les aspects de la vie collective, au premier rang desquels figure la justice [80]. » Néanmoins, loin d’être de simples interfaces, les médias concourent à l’émergence d’un mouvement fait d’une défiance certaine à l’endroit de l’institution judiciaire.
32 Il est ainsi possible d’observer un mouvement de disqualification des procédures judiciaires. Antoine Garapon parle en ce sens d’« oubli du droit […] dans cette transgression commune de la règle au nom d’une morale prétendument supérieure. Désormais, la justice est recherchée sur la place publique, hors la médiation de la règle et d’un espace propre pour la discussion, c’est-à-dire sans le secours d’un cadre, sensible et intellectuel, qui la réalise. La force de la règle de droit en sort doublement affaiblie : dans son caractère obligatoire et dans le principe éthique qu’elle contient [81] ». Et ce dernier de poursuivre en concluant que « les médias abolissent les trois distances essentielles qui fondent la justice : la délimitation d’un espace protégé, le temps différé du procès et la qualité officielle des acteurs de ce drame social. Ils délocalisent l’espace judiciaire, paralysent le temps et disqualifient l’autorité [82] ». On peut alors observer un mouvement de disqualification du rituel judiciaire pourtant essentiel à l’œuvre de justice. L’audience devient le lieu devant consacrer non pas la vérité judiciaire mais la vérité de l’opinion publique, laquelle se forme (ou est formée) dans (par ?) les médias.
33 Ce mouvement de disqualification des tribunaux étatiques pour rendre la justice suscite des inquiétudes importantes en doctrine, mais également de la part des juridictions supranationales. La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi souligné que « si l’on s’habitue au spectacle de pseudo-procès dans les médias, il peut en résulter à long terme des conséquences néfastes à la reconnaissance des tribunaux comme les organes qualifiés pour juger de la culpabilité ou de l’innocence quant à une accusation [83] ».
34 Ainsi, se dessine un mouvement de délocalisation de la justice. Dans le cadre de celui-ci, les tribunaux étatiques apparaissent comme de moins en moins légitimes pour dire le vrai et le juste. Se dresse en face de l’État une justice concurrente rendue par l’opinion publique via le prisme médiatique. Et, c’est précisément à cette dernière que les tribunaux d’opinion entendent faire appel pour les raisons que nous avons précédemment exposées. Cependant, si le « tribunal médiatique » n’est qu’un tribunal métaphorique, les tribunaux d’opinion, quant à eux, ont une existence réelle. C’est cette existence réelle, concurrente d’une manière plus prégnante encore que la justice médiatique, qui interroge la notion même de tribunal.
35 Or, ce qui frappe le commentateur qui s’intéresse à cette notion c’est, en premier lieu, son indéfinition. Sur l’ensemble des dictionnaires juridiques que nous avons consultés [84], seuls deux tentent une ébauche. Et, ces définitions sont minimes. Pour Catherine Puigelier, le tribunal est soit « une juridiction du premier degré », soit, d’une manière plus générale, « le lieu où est rendue la justice ». Le dictionnaire dirigé par Gérard Cornu reprend une approche identique, ajoutant simplement que le tribunal peut désigner « la juridiction elle-même, que celle-ci soit composée de plusieurs magistrats (tribunal de grande instance) ou d’un seul (tribunal d’instance) ». Ce silence quasi-généralisé de la part de la doctrine la plus autorisée interroge alors même que la notion semble pourtant essentielle lorsque l’on s’intéresse à la justice. À ce silence de la doctrine vient se superposer celui tout aussi criant du législateur. On ne trouve pas de définition légale de ce qu’est un tribunal en droit français.
36 À l’échelle internationale, seule la Convention européenne des droits de l’homme, complétée par la jurisprudence de sa Cour, produit une définition précise de ce qu’est un tribunal. Pour la juridiction strasbourgeoise, le tribunal est une notion autonome : il faut l’apprécier concrètement. Cependant, quand bien même un organe remplirait au sens matériel toutes les exigences posées par la Convention pour le qualifier de tribunal, il n’en deviendrait vraiment un que lorsqu’établi par la loi. Enfin, on notera que pour qu’un tribunal soit qualifié comme tel, il faut que ses décisions puissent être exécutées de manière obligatoire (supposant ici encore le concours actif de l’État).
37 Dans l’approche conventionnelle telle qu’interprétée par les juges strasbourgeois, une autorité qui ne figure pas parmi les juridictions « classiques de l’État » peut être qualifiée de tribunal en recourant à une appréciation matérielle, pour ne pas dire concrète [85]. On pourrait penser que la Cour serait susceptible de reconnaître les tribunaux d’opinion comme des juridictions à part entière. Il n’en est rien. En effet, dans toutes les espèces portées à la connaissance de la juridiction, même si les organes en cause n’étaient pas présentés par les États parties comme intégrés à l’organisation judiciaire, ils étaient institués par celui-ci. Si l’État n’avait pas entendu les qualifier expressément de tribunaux, il leur avait néanmoins confié, dans des domaines extrêmement spécifiques, la compétence de trancher les litiges (prisons, eau, forêt, etc.). Ainsi, lorsque la Cour affirme qu’il faut rechercher concrètement et matériellement l’existence d’une fonction caractéristique d’un tribunal, elle n’imagine pas que cette fonction soit exercée par un organe qui n’ait pas été au moins institué par l’État. Elle établit donc un lien qui semble naturel entre fonction judiciaire et autorité étatique, même lorsque considérant que la fonction de tribunal doit être appréciée matériellement. Toujours selon cette approche matérielle, la Cour estime qu’un tribunal se caractérise au sens matériel par son rôle juridictionnel : trancher, sur la base de normes de droit et à l’issue d’une procédure organisée, toute question relevant de sa compétence [86]. Avec cette jurisprudence, si l’on s’en tient strictement aux mots de la Convention et de la Cour, ce qui caractérise un tribunal est essentiellement le fait qu’un organe tranche, en appliquant des normes de droit, et en respectant les garanties procédurales posées par la Convention, les questions portées à sa connaissance. Dès lors, les tribunaux d’opinion pourraient entrer dans ce champ de définition. Or, la Cour va très rapidement préciser que pour entrer dans cette définition, l’organe en cause doit assurer la « solution juridictionnelle du litige [87] », ce qui n’est pas le cas pour la juridiction d’opinion siégeant à La Haye puisque cette dernière rend un « avis ». Ainsi, même si la Cour admet qu’un tribunal « ne doit pas nécessairement être une juridiction de type classique, intégrée aux structures judiciaires ordinaires [88] » et qu’il peut « avoir été institué pour connaître de questions relevant d’un domaine particulier dont il est possible de débattre de manière adéquate en dehors du système judiciaire ordinaire [89] », elle affirme par ailleurs la nécessité, pour recevoir la qualification de tribunal, de pouvoir rendre une décision obligatoire ne pouvant être modifiée par une autorité non judiciaire [90]. Surtout, la Cour ajoute qu’un tribunal doit nécessairement être « établi par la loi [91] ».
38 L’analyse de la jurisprudence conventionnelle quant à la notion de tribunal révèle alors une position intrigante. Alors même que l’approche matérielle proposée par la juridiction strasbourgeoise ouvre la voie à la reconnaissance de structures établies hors l’autorité de l’État pour dire le bien et le juste [92], l’horizon étatique semble malgré tout indépassable. Pour le juge conventionnel, l’office juridictionnel ne peut être légitime que lorsque sanctionné par l’État. Et c’est bien là un paradoxe : admettre que des structures en dehors du système judiciaire ordinaire puissent être des tribunaux tout en leur refusant une telle qualification si elles venaient à exister en dehors de l’action de l’État qui seul peut assurer un établissement par la loi ainsi que l’exécution de la décision prise par le tribunal. La Cour semble d’ailleurs consciente du léger paradoxe de cette position et affirme alors clairement, quoiqu’indirectement, dans l’affaire Patakou c. Grèce, qu’elle ne conçoit pas que des tribunaux puissent être créés en dehors de l’initiative étatique [93].
39 L’indéfinition du concept de tribunal fait alors naître une situation doublement paradoxale. D’une part, on trouve des tribunaux d’opinion s’inscrivant dans une démarche de remise en cause du monopole étatique confié à l’institution judiciaire pour faire œuvre de justice incapables de dépasser les codes [94] posés par l’État pour dire le droit. D’autre part, on trouve un instrument régional, la CEDH, qui admet presque à demi-mot la possibilité que la justice puisse se dire en dehors de l’État mais qui n’ose pas « franchir le pas » en affirmant, d’une manière péremptoire – peut-être justement pour éviter tout débat sur ce point -, que malgré tout la justice ne peut être rendue hors du cadre posé par l’État.
Conclusion
40 Les tribunaux d’opinion se présentent comme une invitation à penser le droit au-delà de l’État. Néanmoins, malgré une volonté de s’affranchir du cadre régalien, on constate une reprise très forte de l’ensemble des codes propres à la justice étatique. Ce mimétisme du rituel judiciaire ainsi que la reprise de la substance même du droit révèlent en réalité une incapacité à dépasser l’État. Pour autant, cette incapacité n’est pas inutilité. Par leur faculté à faire évoluer le droit positif ainsi que les relations internationales, les tribunaux d’opinion révèlent le fait que si la justice peut difficilement être pensée en dehors de l’État, tel n’est pas le cas du droit. Par le recours au droit prospectif, ces instruments militants concourent à faire évoluer les normes.
41 Les tribunaux d’opinion sont également une invitation à la réflexion sur la notion de tribunal. Concept donné comme un acquis par le juriste, celui-ci apparaît en réalité comme relativement indéfini. Cette indéfinition interpelle d’autant plus que le juge lui, en revanche, fait l’objet de très nombreux travaux interrogeant son office et sa légitimité [95]. C’est au regard de ces travaux relatifs à l’office du juge ainsi que de nos développements ici proposés qu’il nous semble possible de proposer une approche duale du concept de tribunal.
42 En un premier sens, le tribunal se présente en réalité comme une tribune [96]. Dans cette première acception, le concept serait un lieu dénué de symbolique employé non pas pour dire la vérité judiciaire mais pour revendiquer le droit. La reproduction du rituel judiciaire sans l’office prétorien transforme la scène offerte par le tribunal en lieu où l’on ne dit plus le bien et juste [97] mais où l’on dit la morale afin de faire évoluer le droit, sans qu’il y ait œuvre de iuris dictio.
43 En un second sens, le tribunal serait une métonymie impliquant le juge permettant alors de faire œuvre de iuris dictio. Pour qu’il soit un lieu, cette fois-ci symbolique, permettant de dire le bien et le juste, il faut que s’établisse une relation particulière entre les parties et le juge au sein du tribunal. Celle-ci s’établit par le lien d’instance [98]. C’est dans le cadre de ce lien impliquant le respect de la procédure ainsi que du rituel judiciaire que le tribunal se mue en juridiction : le lieu où le droit est utilisé pour dire la vérité judiciaire.
Notes
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[1]
Cet article trouve son origine dans nos nombreux échanges avec Nathalie Goedert – que nous remercions vivement – qui a attiré notre attention sur l’existence du tribunal Monsanto. Le lecteur intéressé pourra se reporter à ses travaux portant sur les procès fictifs. Un ouvrage est en préparation. Certaines publications sont également en ligne sur www.imaj.hypotheses.org
-
[2]
C. De Gaulle, « Lettre à Jean-Paul Sartre, le 19 avril 1967 », Le Nouvel Observateur, n° 128, 26 avril - 3 mai 1967, p. 4.
-
[3]
Lato sensu.
-
[4]
Unicef, Tribunal d’opinion. Dossier pédagogique : La détention des enfants étrangers en centres fermés, p. 17. Édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.dei-belgique.be/IMG/pdf/dossier_pedagogique_unicef_-_la_detention_des_enfants_etrangers_ en_centres_fermes.pdf
-
[5]
E. Jouve, « Du tribunal de Nuremberg au Tribunal permanent des peuples », Politique étrangère, n° 3, 1981, p. 673.
-
[6]
Unicef, art. cit., p. 17.
-
[7]
Permanent People’s Tribunal, Statute, art. 6 § 2, p. 4. Édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : http://permanentpeoplestribunal.org/tribunale-permanente-dei-popoli/statuto/ « The members of the Tribunal as well as the Secretary-General must be held in the highest consideration and have the qualifications required for the exercise of the highest legal functions, or else be eminent scholars, jurisconsults, political or religious personalities, of recognized integrity and competence ».
-
[8]
Il s’agit de l’expression retenue par le tribunal Monsanto qui, après avoir un temps recouru au terme de « jugement » a préféré utilisé le terme d’« avis consultatif ». Voyez : http://fr.monsantotribunal.org
-
[9]
V. Dedijer, A. Elkaim, C. Russel, Tribunal Russel, Le jugement de Stockholm, Paris, Gallimard, 1967, pp. 17-30.
-
[10]
Tribunal Monsanto, Contexte du projet, voyez : http://fr.monsantotribunal.org/Comment_
-
[11]
Le lecteur intéressé constatera en effet que le site internet dédié au tribunal Monsanto utilise de manière synonyme « opinion publique » et « société civile », concepts qui, à notre sens, doivent être distingués. Voyez notamment : G. Pirotte, La notion de société civile, Paris, La découverte, 2007, 122 p.
-
[12]
Malesherbes, Discours prononcé dans l’Académie française le 16 février 1775 : du rang que tiennent les lettres entre les différents ordres de l’État, Paris, Demonville, 1775, p. 5.
-
[13]
Idem.
-
[14]
M. Ozouf, « Quelques remarques sur la notion d’opinion publique au xviii e siècle », Réseaux, vol. V, n° 22, 1987, p. 10.
-
[15]
Condorcet, Œuvres, Arago et O’Connor, Paris, Didot, 1847-1849, t. VI, p. 139.
-
[16]
F. Salaün, « Les livres nécessaires et l’opinion publique selon Malesherbes », in B. Binoche, A. J. Lemaitre (dir.), L’opinion publique dans l’Europe des Lumières, Paris, Armand colin / Recherches, 2013, p. 70.
-
[17]
Dans tous les sens du terme.
-
[18]
J.-P. Sartre, « Lettre au général De Gaulle », Le Nouvel Observateur, n° 128, 26 avril - 3 mai 1967, p. 5.
-
[19]
Nous reviendrons sur ce point dans la suite de nos développements.
-
[20]
Sur cette question, voyez notamment S. Cohen, « ONG, altermondialistes et société civile internationale », Revue française de science politique, n° 54, 2004, pp. 379-387 ; P.-M. Dupuy, « La société civile internationale : genèse et définition du concept », Actes du colloque des 2 et 3 mars 2001 – L’émergence de la société civile internationale : vers une privatisation du droit ?, Paris, Pédon, 2003, pp. 5-17 ; M. Kaldor, « L’idée de société civile mondiale », Recherches sociologiques en anthropologiques, n° 38, 2007, pp. 89-108 ; B. Pouligny, « Une société civile internationale ? », Critique internationale, n° 13, 2001, pp. 120-122.
-
[21]
Le lecteur intéressé trouvera dans les deux ouvrages suivants la liste exhaustive des participants : V. Dedijer, A. Elkaim, C. Russel, op. cit., pp. 19-21 ; A. El Khaim, J-P. Sartre, Tribunal Russel ii, Le Jugement final, Paris, Gallimard, 1968, pp. 9-10.
-
[22]
Cet extrait du refus prononcé par le préfet de police de Paris est cité par : J.-P. Sartre, art. cit., p. 5.
-
[23]
Jean-Paul Sartre se disait même prêt à « siéger sur un bateau, ancré hors des eaux territoriales, comme ceux des radios pirates anglaises ». Voyez : J.-P. Sartre, art. cit., p. 7.
-
[24]
Il nous paraît préférable d’employer, eu égard à l’état d’esprit qui nous semble être celui des créateurs de ce mouvement, le terme « transnational » plutôt que le terme « international ».
-
[25]
S’il nous est impossible d’être exhaustif, il a existé depuis, à notre connaissance plus de 70 tribunaux d’opinion à vocation transnationale. Ce chiffre, extrêmement élevé, nous provient de simples recherches sur internet ainsi que de l’analyse du site internet du tribunal permanent des peuples. Il serait encore bien plus important si nous tenions compte des initiatives à vocation seulement nationales sur lesquelles nous dirons quelques mots dans la suite de nos développements.
-
[26]
J. Louvrier, « Le tribunal Russel ii pour l’Amérique latine (1973-1976) : mobiliser les intellectuels pour sensibiliser l’opinion publique internationale », Les intellectuels dans la cité. Identités, sociabilités et fonctions intellectuelles de l’Antiquité à nos jours. Actes du colloque international de Rouen, 15-17 mai 2006, p. 1. Édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.academia.edu/166082/Le_Tribunal_Russell_II_pour_l_Amérique_latine_1973-1976_Mobiliser_les_intellectuels_pour_sensibiliser_l_opinion_publique_internationale
-
[27]
Le lecteur intéressé pourra utilement consulter l’article suivant, paru en 1967, et listant déjà des ouvrages portant sur la question de la guerre du Vietnam : F. Cayrac, « La guerre du Vietnam vue à travers quelques livres récents », Revue française de science politique, 1967, vol. 17, n° 1, pp. 157-163. De même, nous noterons que le mouvement de la « contre- culture » fut lancé bien avant l’initiative de Sartre et Russel aux Etats-Unis : le « Free-Speech Movement » fût lancé en 1964, le « Black Panther Party » en 1966. Sur cette question, voyez par exemple : Les dossiers histoire et civilisation de Sherbrooke, « La contre-culture américaine des années 1960 », En Marge, vol. VIII, n° 1, 2014, 48 p. Édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.cegepsherbrooke.qc.ca/~bourgech/HetC/En-marge_contreculture-americaine_finalb.pdf
-
[28]
J. Louvrier, art. cit., p. 12.
-
[29]
Voyez sur cette question, et son traitement par voie d’expression cinématographique : N. Goedert, « Le tribunal Monsanto : un remake de « Bamako » », Billet mis en ligne le 5 avril 2017 sur imaj – Carnets de recherches en Analyse juridique de l’Image, hébergé sur hypotheses.org.
-
[30]
Le cas congolais appela la création d’un Tribunal Russel iii dès 1982. Mais cette initiative ne fût pas la seule pour le pays. En 2015, un nouveau tribunal d’opinion fut établi dans une forme nouvelle et hybride. Nouvelle et hybride car il s’agissait de faire siéger, en deux sessions, un tribunal d’opinion (en mai 2015 à Bukavu et en juin 2015 à Berlin) qui allait se prononcer à partir du visionnage d’un film présenté comme documentaire réalisé par Milo Rau. Voyez, pour plus de détails, le film suivant : M. Rau, « Le tribunal sur le Congo ». Un dossier de presse présentant la démarche du réalisateur et l’organisation des débats est disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.the-congo-tribunal.com/wp-content/uploads/2015/05/150424_Kongo-Tribunal_Dossier-de-presse_final.pdf
-
[31]
S’est tenu en septembre 2015 un Tribunal Russel sur le Burundi à Paris dont l’impact a été pour le moins minime.
-
[32]
Nous reviendrons sur cette volonté des tribunaux d’opinion de contribuer à l’évolution du droit dans la suite de nos développements.
-
[33]
TPP ci-après.
-
[34]
Tribunal Permanent des Peuples, Statut, Préambule. Édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : http://permanentpeoplestribunal.org/tribunale-permanente-dei-popoli/statuto/ « to enlightened political groups and advanced trade-unions, supported by world public opinion to create international structures to attract the attention of governments,
political movements, trade-unions and world public opinion to the serious and systematic violations of the rights of peoples and, in connection with these violations, those of the rights of minorities and individuals, as well as to their economic, political and social causes ». -
[35]
Tribunal Permanent des Peuples, La violation des droits fondamentaux de l’enfant et de l’adolescent au Brésil. L’écart entre la loi et la réalité, Saõ Paulo, Brésil, 17-19 mars 1999, décision disponible en ligne à l’adresse suivante : http://permanentpeoplestribunal.org/wp-content/uploads/1999/03/Diritti_Bambini_Brasile_TPP_it.pdf
-
[36]
Tribunal Permanent des Peuples, Sur les crimes contre l’humanité en ex-Yougoslavie, Barcelone, 7-11 décembre 1995, décision disponible en ligne à l’adresse suivante : http://permanentpeoplestribunal.org/wp-content/uploads/1995/12/Ex-Yugoslavia-II.pdf
-
[37]
Tribunal Permanent des Peuples, Tchernobyl : environnement, santé et droits de l’homme, Vienne, 12-15 avril 1996, décision disponible en ligne à l’adresse suivante : http://permanentpeoplestribunal.org/wp-content/uploads/1996/04/Chernobyl_TPP_IT.pdf
-
[38]
La composition exhaustive de ce comité est disponible en ligne à l’adresse suivante : http://fr.monsantotribunal.org/Comite
-
[39]
Tribunal Monsanto, Tribunal, http://fr.monsantotribunal.org/Comment_
-
[40]
Idem.
-
[41]
Idem.
-
[42]
En 2016, de nombreuses juridictions françaises, à l’initiative du syndicat de la magistrature, ont mis en place des tribunaux d’opinion afin de juger le gouvernement pour « non- assistance en justice en danger ». Dans cette parodie de procès à laquelle se sont prêtés, à travers la France, des magistrats, avocats, greffiers, etc. de formation, il s’agissait ici clairement, de manière ironique, d’interpeler l’opinion publique face aux conditions de justice présentées, par les participants, comme dégradées. Un appel a été lancé le 14 mars 2016 par le syndicat des avocats de France afin de soutenir cette initiative ; il est disponible à l’adresse suivante : http://lesaf.org/tribunal-dopinion-letat-cite-a-comparaitre-pour-non-assistance-a-justice-en-danger/ Pour plus d’information sur ces questions, voyez notamment : A. Fache, « Je déclare l’État coupable de non-assistance à justice en danger », L’Humanité, 16 mars 2016 ; E. Marnette, « Justice en danger : l’État coupable selon le tribunal d’opinion de Créteil », Le Parisien, 14 mars 2016 ; J-B. Jacquin, « Rire jaune au procès de l’État pour non-assistance à justice en danger », Le Monde, 15 mars 2016.
-
[43]
V. Codaccioni, « Justice populaire et mimétisme judiciaire. Les maoïstes dans et hors la Cour de sûreté de l’État », Droit et société, 2015/1, n° 89, p. 17.
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[44]
Ibidem, p. 19.
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[45]
Elle est également appelée Déclaration d’Alger. Sa force juridique est, sinon nulle, au moins quasi-inexistante.
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[46]
Cette notion est envisagée par l’article 53 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969. Le jus cogens peut se définir comme l’ensemble des normes impératives du droit international, qu’elles soient coutumières ou contenues dans un instrument juridique, auxquelles il est impossible de se soustraire. Citons ici simplement à titre d’illustration l’interdiction de la guerre d’agression, de l’esclavage, de la piraterie, du génocide.
-
[47]
Nous pensons ici notamment aux acteurs liés aux activités terroristes.
-
[48]
Pour prendre un exemple médiatique relativement récent, nous pouvons nous référer à la Convention relative aux droits de l’enfant du 7 septembre 1990. Les Etats-Unis font partie des 197 pays signataires de ladite Convention mais ils ne l’ont pas ratifiée, ce qui implique que les dispositions de cette dernière ne sont pas opposables à ce pays.
-
[49]
V. Codaccioni, art. cit., p. 33.
-
[50]
Sur ces questions, voyez : A. Garapon, Bien juger : essai sur le rituel judiciaire, Paris, Odile Jacob, 2010, 342 p. ; A. Garapon, L’âne portant des reliques, Paris, Le Centurion, 1985, 211 p.
-
[51]
S. Zientara-Logeay, « La théâtralité du procès pénal : entre archaïsme et modernité », Le rituel du procès d’hier à aujourd’hui ou la théâtralité de la justice en question, mis en ligne le 08 février 2013, consulté le 02 mai 2017. URL : http://criminocorpus.revues.org/2376
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[52]
http://fr.monsantotribunal.org/main.php?obj_id=664727965
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[53]
Idem.
-
[54]
Idem.
-
[55]
Idem.
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[56]
La liste est encore longue mais elle ne trahira jamais cette logique : les juges, greffiers et avocats du tribunal sont non seulement des juristes, rompus à l’exercice du droit, mais qui plus est des spécialistes hautement diplômés ayant exercé par le passé des fonctions de magistrat, d’avocat ou d’universitaire spécialiste du droit. Elle est disponible en ligne à l’adresse suivante : http://fr.monsantotribunal.org/main.php?obj_id=664727965
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[57]
Opinion publique qui, par essence, n’est pas exclusivement composée de juristes rompus à la technicité de la pratique du droit, loin s’en faut.
-
[58]
Sur cette question, voyez : E. Chevreau, « « Juridiction », « tribunal », aux origines des mots. L’évolution du vocabulaire de la justice à travers l’histoire », article disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/juridiction-tribunal-aux-origines-des-mots-24813.html
-
[59]
Voyez : https://www.littre.org/definition/tribune
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[60]
Instrument régional de première importance à l’échelle de l’Europe, la Convention est aujourd’hui ratifiée par 47 pays. Dotée d’un système juridiction propre, elle dispose d’une effectivité importante.
-
[61]
CEDH, Affaire Airey c. Irlande, requête n° 6289/73, 9 octobre 1979.
-
[62]
PIDCP ci-après.
-
[63]
M. Nicke, « Le degré d’application du pacte international relatif aux droits civils et politiques dans l’ordre juridique des États », Les blogs pédagogiques de l’université Paris-Ouest, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://blogs.u-paris10.fr/content/le-degré-dapplication-du-pacte-international-relatif-aux-droits-civils-et-politiques-dans-lo
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[64]
Idem.
-
[65]
Pour de plus amples développements, nous renvoyons le lecteur intéressé à la consultation du site internet dédié au tribunal : http://fr.monsantotribunal.org/Pourquoi_
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[66]
Pour plus de détails sur l’histoire du concept, voyez : E. Schneiter, « Peu à peu, le crime d’écocide s’impose dans le droit international », Reporterre, 4 octobre 2016, édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : https://reporterre.net/Peu-a-peu-le-crime-d-ecocide-s-impose-dans-le-droit-international
-
[67]
Sur l’histoire du concept, voyez : L. Neyret, « Pour la reconnaissance du crime d’écocide », Revue juridique de l’environnement, n° 39, pp. 177-193 ; L. Neyret, Des éco-crimes à l’écocide. Le droit pénal au secours de l’environnement, Bruxelles, Bruylant, 2015, 468 p. ; D. Zierler, The Invention of Ecocide: Agent Orange, Vietnam, and the Scientists who Changed the Way We Think about the Environment, Athens, University of Georgia press, 2011, 245 p.
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[68]
V. Cabanes, « Reconnaître le crime d’écocide », Revue Projet, n° 353, pp. 70-71.
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[69]
Tribunal Monsanto, Résumé de l’avis consultatif du Tribunal International Monsanto, 18 avril 2017, p. 1. Édition numérique disponible en ligne à l’adresse suivante : http://fr.monsantotribunal.org/upload/asset_cache/119865256.pdf
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[70]
http://fr.monsantotribunal.org/Comment_
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[71]
Idem.
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[72]
Ici encore, dans les deux sens du terme.
-
[73]
V. Dedijer, A. Elkaim, C. Russel, op. cit., p. 28.
-
[74]
Les organisateurs visaient alors les hypothèses de crime de guerre, crime contre l’humanité et de génocide ; crimes qui constituent aujourd’hui le fondement essentiel de la compétence de la Cour pénale internationale.
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[75]
V. Dedijer, A. Elkaim, C. Russel, op. cit., p. 29.
-
[76]
Tribunal Monsanto, Résumé de l’avis consultatif du Tribunal International Monsanto, art. cit., p. 1
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[77]
Le jugement définitif affirme ainsi clairement : « En donnant la parole à ces témoins, qui se sont exprimés publiquement, […] le Tribunal a contribué à alerter […] les médias sur la nature et les conséquences des activités de Monsanto ». Le jugement est disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-28835-avis-juridique-tribunal-monsanto.pdf
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[78]
F. Bussy, « Justice et Médias », recueil Dalloz, 2010, p. 2526.
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[79]
Sandrine Roure soulignera ainsi « la relation existant entre deux champs sociaux différents – la justice et les médias – liés par la nécessité démocratique. Cette relation peut prendre la forme d’un contrôle réciproque ». Ce constat est également celui de Roland Cayrol qui considère que « les médias, parce qu’ils nous informent et contribuent à la formation de l’opinion publique, font partie intégrante de la définition moderne de la démocratie ». Voyez : S. Roure, « L’élargissement du principe de publicité́ des débats judiciaires : une judiciarisation du débat public », Revue française de droit constitutionnel, 2006/4 (n° 68), p. 741 ; R. Cayrol, Médias et démocratie : la dérive, Paris, Presses de Sciences Po, 1997, p. 7.
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[80]
Y. Poirmeur, Justice et médias, Paris, LGDJ, Lextenso éditions, 2012, p. 12.
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[81]
A. Garapon, Le gardien des promesses. Justice et démocratie., Paris, Odile Jacob, 1996, p. 65.
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[82]
A. Garapon, op. cit., p. 74.
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[83]
CEDH, Affaire Worm c. Autriche, requête n° 22714/93, 29 août 1997.
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[84]
Nous avons consulté : D. Alland, S. Rials, Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Puf, 2003, 1667 p. ; S. Bissardon, Guide du langage juridique, Paris, LexisNexis, 2013, 623 p. ; R. Cabrillac, Dictionnaire du vocabulaire juridique, Paris, LexisNexis, 2013, 529 p. ; G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, Puf, 2016, 1102 p. ; S. Guinchard, Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2007, 721 p. ; C. Puigelier, Dictionnaire juridique, Bruxelles, Larcier, 2015, 1073 p.
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[85]
Sur cette question de la définition matérielle du tribunal et des développements liés, voyez notamment : CEDH, Affaire Sramek c. Autriche, 22 octobre 1984, requête n° 8790/79 ; CEDH, Affaire Campbell c. Royaume-Uni, 25 mars 1992, requête n° 13590/88 ; CEDH, Affaire X. c. Royaume uni, 5 novembre 1981, requête n° 7215/75 ; CEDH, Affaire De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, 18 juin 1971, requête n° 2832/66 ; 2835/66 ; 2899/66
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[86]
CEDH, Affaire Sramek c. Autriche, 22 octobre 1984, requête n° 8790/79 ; CEDH, Affaire Belilos c. Suisse, 29 avril 1988, requête n° 10328/83.
-
[87]
CEDH, Affaire Benthem c. Pays-Bas, 23 octobre 1985, requête n° 8848/80 ; CEDH, Affaire Sramek c. Autriche, 22 octobre 1984, requête n° 8790/79.
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[88]
CEDH, Affaire Ringeinsein c. Autriche, 16 juillet 1971, requête n° 2614/65.
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[89]
CEDH, Affaire Rolf Gustafson c. Suède, 1er juillet 1997, requête n° 23196/94 ; CEDH, Affaire Lithgow et autres c. Royaume-Uni, 8 juillet 1986, requêtes n° 9006/80 ; 9262/81 ; 9263/81 ; 9265/81; 9266/81; 9313/81; 9405/81 ; CEDH, Affaire Campbell c. Royaume-Uni, 25 mars 1992, requête n° 13590/88 ; CEDH, Affaire X. c. Royaume uni, 5 novembre 1981, requête n° 7215/75
-
[90]
CEDH, Affaire Van de Hurk c. Pays-Bas, 19 avril 1994, requête n° 16034/90 ; CEDH, Affaire Brumarescu c. Roumanie, 28 octobre 1999, requête n° 28342/95.
-
[91]
CEDH, Affaire Lavents c. Lettonie, 28 novembre 2002, requête n° 58442/00 ; CEDH, Affaire Savino et autres c. Italie, 28 avril 2009, requête n° 17214/05, 42113/04 et 20329/05.
-
[92]
Ulpien, Digeste, Livre i, Titre i, lex 1, principium : « Jus est ars boni et aequi ».
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[93]
CEDH, Affaire Platakou c. Grèce, 11 janvier 2001, requête n° 38460/97 ; « La Convention n’astreint pas les États contractants à créer des Cours d’appel ou de cassation ».
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[94]
Une nouvelle fois, dans tous les sens du terme.
-
[95]
La question de la légitimité du juge est notamment abordée sur les points suivants : mode de désignation, compétences (juridiques mais également plus larges : économiques, sociales, etc.), principes directeurs d’action afin que l’office soit légitime (équité, proportionnalité, rituel précis, procédure, etc.), qualités personnelles et déontologiques (impartialité, réserve, loyauté, etc.), qualité des jugements. Ce sont également de nombreuses questions sur l’office prétorien lui-même : le juge n’est-il pas devenu plus qu’une simple bouche de la loi ? Sur toutes ces questions, voyez notamment : B. Bernabé, « L’office du juge et la liturgie du juste », Cahiers philosophiques, 2016/4, n° 147, pp. 48-67 ; B. Bernabé, « L’autorité du juge et la recherche de l’adhésion », Les cahiers de la justice, 2013/2, pp. 149-156 ; G. Canivet, « Au nom de qui, au nom de quoi jugent les juges ? De la gouvernance démocratique de la justice », Après demain, 2010/3, n° 15, pp. 3-7 ; P. Pescatore, « La légitimité du juge en régime démocratique », Commentaire, 2000/2, n° 90, pp. 339-349 ; D. Salas, « Le juge d’aujourd’hui », Droits, 2001/2, n° 34, pp. 61-71 ; D. Salas, « La légitimité démocratique du juge en question », Histoire de la justice, 2014/1, n° 24, pp. 145-152.
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[96]
Étymologie commune.
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[97]
Ulpien, op. cit., principium.
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[98]
Lien de demande héritée du droit canonique établissant une relation entre les plaideurs et le juge en vertu duquel celles-ci renoncent au droit allégué au profit d’une clarification de leurs situations juridiques qui sera le fait de la décision de justice. Ce faisant, la formule « Res judicativa pro veritate accipitur » contenue au Digeste (Dig. 50, 17, 207) prend tout son sens. Ce n’est que dans le cadre d’une relation tripartite entre les plaideurs et le juge que peut naître la vérité. Elle peut ne pas être celle des faits mais devient la vérité révélée par voie judiciaire acceptée, accipitur, par les parties. Elle devient alors également la vérité s’imposant à l’ensemble de la société, erga omnes, lors de l’extinction du lien d’instance, qui est le lien relatif à la demande, instantia, introduite en justice par les parties.