Notes
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[1]
1Julien Bétaille, Maitre de conférences en droit public, université Toulouse-I-Capitole.
. Article 191 TFUE (ex-article 174 du TCE). Cet article fait seulement une référence explicite au principe de précaution, sans en énoncer le contenu. -
[2]
Au moins en ce qui concerne les principales thèses de droit consacrées au principe de précaution en particulier, ou aux principes environnementaux en général. V. C. Castaing, La théorie de la décision administrative et le principe de précaution, Bordeaux, thèse, droit, dactyl., 2001 ; A. Gossement, Le principe de précaution : essai sur l’incidence de l’incertitude scientifique sur la décision et la responsabilité publiques, Paris, L’Harmattan, 2003 ; M. Boutonnet, Le principe de précaution en droit de la responsabilité civile, Paris, LGDJ, 2005 ; N. de Sadeleer, Les principes du pollueur-payeur, de prévention et de précaution, Bruxelles, Bruylant, 1999 ; G. Bonnel, Le principe juridique écrit et le droit de l’environnement, Limoges, dactyl., 2005 ; N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, Paris 1, dactyl., 2011.
-
[3]
CC, 11 octobre 2013, n° 2013-346 QPC, Société Schuepbach Energy LLC, § 20 ; Environnement, janvier 2014, p. 19, note P. Billet ; JCP G, 28 oct. 2013, n° 44, p. 1124, note L. Fonbaustier ; LPA, 2013, n° 253, p. 12, note O. Mamoudy ; Recueil Dalloz, 2014, p. 104, chron. F.-G. Trébulle.
-
[4]
Loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique (JORF du 14 juillet 2011 p. 12217).
-
[5]
En ce sens, v. A. Roblot-Troizier, « Les clairs-obscurs de l’invocabilité de la Charte de l’environnement », AJDA, 2015, p. 493.
-
[6]
« Est en tout état de cause inopérant le grief tiré de ce que l’interdiction pérenne du recours à tout procédé de fracturation hydraulique de la roche pour l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux méconnaîtrait le principe de précaution » (cons. 20).
-
[7]
En ligne sur le site internet du Conseil constitutionnel.
-
[8]
L’article 5 de la Charte de l’environnement n’est pas la seule norme constitutionnelle à propos de laquelle le Conseil constitutionnel a témoigné d’une certaine hésitation quant à la qualification (par ex., sur le principe de souveraineté nationale, CC, 2 juillet 2010, n° 2010-12 QPC ; 18 juillet 2014, n° 2014-407 QPC).
-
[9]
CE, 17 juin 2015, Association Plastics Europe, n° 387805. Les industriels du plastique considéraient que des dispositions législatives tendant à suspendre la commercialisation de tout conditionnement comportant du bisphénol A « portent à la liberté d’entreprendre une atteinte non justifiée par le principe de précaution énoncé par l’article 5 de la Charte de l’environnement ». Ce n’est pas la violation du principe qui était ici invoquée, mais celle de la liberté d’entreprendre.
-
[10]
CC, 17 septembre 2015, n° 2015-480 QPC, Association Plastics Europe.
-
[11]
A titre anecdotique, on rappellera que le Conseil constitutionnel a récemment pris le soin de publier sur son site internet une note dressant la liste des dispositions constitutionnelles qui ne sont pas invocables en QPC, c’est-à-dire qui n’appartiennent pas à la catégorie des DLCG (« Les normes constitutionnelles non invocables en QPC », mai 2015, site internet du Conseil constitutionnel).
-
[12]
V. P. Bon, « La question prioritaire de constitutionnalité après la loi organique du 10 décembre 2009 », RFDA 2009, p. 1107 ; L. Burgogue-Larsen, « Question préjudicielle de constitutionnalité et contrôle de conventionalité », RFDA 2009, p. 790 ; B. Mathieu, « La question de constitutionnalité : quelles lois ? Quels droits fondamentaux ? », LPA, 25 juin 2009, p. 7 ; P. Mbongo, « Droit au juge et prééminences du droit, Bréviaire processualiste de l’exception d’inconstitutionnalité », Recueil Dalloz, 2008, p. 2091 ; A. Roblot‑Troizier, « La question prioritaire de constitutionnalité devant les juridictions ordinaires : entre méfiance et prudence », AJDA 2010, p. 80 ; M. Verpeaux, « Question préjudicielle et renouveau constitutionnel », AJDA, 2008, p. 1879.
-
[13]
P. Mbongo, « Droit au juge et prééminences du droit, Bréviaire processualiste de l’exception d’inconstitutionnalité », Recueil Dalloz, 2008, p. 2091.
-
[14]
Plusieurs manuels dressent une liste des droits et libertés invocables (v. M. Disant, Droit de la question prioritaire de constitutionnalité, Paris, Lamy, 2011, n° 64 et s. ; C. Maugüe et J.-H. Stahl, La question prioritaire de constitutionnalité, Paris, Connaissance du droit, Dalloz, 2e éd., 2013, p. 150 et s.). Un autre fourni une analyse plus étayée (X. Magnon (dir), La question prioritaire de constitutionnalité, Paris, LexisNexis, 2e éd., 2013, p. 95 et s.).
-
[15]
V. O. Godard, « Le principe de précaution : renégocier les conditions de l’agir en univers controversé », Natures Sciences Sociétés, n° 1, 1998, p. 41 ; « Le principe de précaution, règle impérative ou principe possibiliste en appelant au jugement », Natures Sciences Sociétés, n° 2, 2000, p. 56 ; L. Boy, « La nature juridique du principe de précaution », Natures Sciences Sociétés, n° 3, 1999, p. 5 ; « Le principe de précaution : de la morale au droit », La Recherche, 1999, n° 326, p. 86.
-
[16]
G. J. Martin, « Précaution et évolution du droit », Recueil Dalloz, 1995, p. 299.
-
[17]
C. Cans, « Le principe de précaution : nouvel élément du contrôle de légalité », RFDA, 1999, p. 750 ; A. Rouyère, « L’exigence de précaution saisie par le juge », RFDA, 2000, p. 266 ; N. de Sadeleer, « Le principe de précaution : du slogan à la règle de droit », Droit de l’environnement, n° 77, 2000, p. 14.
-
[18]
Y compris chez un membre de la commission Coppens : v. Y. Jégouzo, « De certaines obligations environnementales : prévention, précaution et responsabilité », AJDA, 2005, p. 1164.
-
[19]
D. Chagnollaud, « Le principe de précaution est-il soluble dans la loi ? », Recueil Dalloz, 2004, p. 1103.
-
[20]
V. par exemple N. de Sadeleer, « Les avatars du principe de précaution en droit public : effet de mode ou révolution silencieuse ? », RFDA, 2001, p. 547. Des hésitations sont palpables jusque dans le rapport Coppens, à l’origine de la Charte de l’environnement (v. L. Benoît, « Le principe de précaution… reste un principe », Environnement, n° 4, 2005, p. 27).
-
[21]
Il était alors, dans l’ordre juridique interne, seulement présent à l’article L. 110-1 du code de l’environnement. Le Conseil constitutionnel avait refusé d’y voir un objectif de valeur constitutionnelle (CC, 27 juin 2001, n° 2001-446 DC, § 6).
-
[22]
Par la suite, Nicolas Huten a défendu l’idée qu’il est possible de considérer, sur la base d’un argument purement textuel, que la Charte ne contient que des droits et des devoirs, ce qui suggère que l’article 5 constitue un droit ou un devoir (La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., pp. 16 ; 19). L’article 1er de la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement ajoute au préambule de la Constitution de 1958 la mention « ainsi qu’aux droits et devoirs définis par la Charte de l’environnement ». Dès lors, la Charte ne comporterait que des droits et des devoirs. Néanmoins, il est aussi possible de considérer que la proclamation de l’attachement du Peuple français ne porte que sur les dispositions de la Charte qui comportent des droits et des devoirs, à l’exclusion des autres dispositions.
-
[23]
Par exemple, Bertrand Mathieu considère que « le juge ne devra pas faire un grand effort pour considérer que le principe de précaution est le support de droits constitutionnels » (B. Mathieu, « La question prioritaire de constitutionnalité : une nouvelle voie de droit », JCP G, 2009, n° 602, p. 68). Patrick Wachsmann considère quant à lui qu’il existe un « droit à ce que les autorités publiques prennent les mesures appelées par le principe de précaution » (P. Wachsmann, Libertés publiques, Paris, Dalloz, coll. Cours, 7e éd., 2013, p. 114). Marie-Anne Cohendet et Philippe Billet considèrent, eux aussi, que le principe de précaution est un droit garanti par la Constitution au sens de l’article 61-1 (v. M.-A. Cohendet, « Le droit répressif, quelles valeurs, quelles frontières ? », Revue juridique de l’environnement, n° spécial, 2014, p. 24 ; P. Billet, « QPC «Gaz de schiste» : la loi «Jacob» validée », JCP A, 28 avril 2014, p. 19.
-
[24]
N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., p. 472.
-
[25]
H. L. A. Hart, Le concept de droit, Bruxelles, Publications des Facultés Universitaires Saint Louis, 1961, trad. fr. M. van de Kerchove, 1976.
-
[26]
L’article 5 pose ainsi, selon Nicolas Huten, « deux séries de conditions concernant respectivement l’applicabilité et l’application du principe de précaution. L’applicabilité du principe est conditionnée par l’existence d’un risque de dommage “grave et irréversible”, menaçant “l’environnement” et dont l’existence même fait l’objet d’une “incertitude scientifique”. Quant à son application, elle n’incombe qu’aux “autorités publiques” et implique l’adoption de précautions “provisoires et proportionnées” ainsi que “la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques” » (N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., p. 472). Il faut néanmoins noter que le Conseil constitutionnel confond manifestement les conditions d’applicabilité du principe (caractère incertain du risque) et les conséquences de son application (l’obligation d’adopter des mesures provisoires). En témoigne la décision CC, 28 mai 2014, n° 2014-694 DC, Loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié. Dans cette affaire, soit le Conseil « avait juridiquement raison en sanctionnant la loi mais politiquement tort ; soit il avait politiquement raison, mais juridiquement tort » (H. Hoepffner, « Chronique de droit public », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2014, n° 45, p. 199). Il a choisi d’avoir raison politiquement.
-
[27]
E. Naim-Gesbert, « Physique de la précaution : l’écriture de trois théorèmes pour voir le principe autrement », Environnement, 2014, ét. 18, n° 4.
-
[28]
V. notamment X. Bioy, Droits fondamentaux et libertés publiques, Paris, Montchrestien, coll. Cours, 3e éd., 2014, p. 73 et s. ; V. Champeil-Desplats, « La notion de droit «fondamental» et le droit constitutionnel français », Recueil Dalloz, 1995, p. 323 ; S. Etoa, « La terminologie des «droits fondamentaux» dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », CRDF, n° 9, 2011, p. 23 ; L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, Paris, Dalloz, coll. Précis, 6e éd., 2012, n° 91 et s. ; L. Ferrajoli, « Théorie des droits fondamentaux », in M. Troper et D. Chagnollaud, Traité international de droit constitutionnel, t. 3, Paris, Dalloz, coll. Traités, 2012, p. 210 et s. ; O. Jouanjan, « La théorie allemande des droits fondamentaux », AJDA, 1998, p. 44 ; M. Levinet, Théorie générale des droits et libertés, Paris, Bruylant/LGDJ, coll. Droit & Justice, 4e éd., 2012, p. 115 et s. ; E. Picard, « L’émergence des droits fondamentaux en France », AJDA, 1998, p. 6 ; « Droits fondamentaux », in Dictionnaire de la culture juridique, Puf, 2003, p. 544.
-
[29]
V. B. Mathieu, « La question de constitutionnalité : quelles lois ? Quels droits fondamentaux ? », LPA, 25 juin 2009, p. 7.
-
[30]
Pour un retour sur ces débats, voir notamment M. Prieur, « Promesses et réalisations de la Charte de l’environnement », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2014, n° 43, p. 7.
-
[31]
On laissera de côté la question des rapports étroits entre « droits » et « libertés ». A cet égard, v. S. Hennette‑Vauchez et D. Roman, Droits de l’Homme et libertés fondamentales, Paris, Dalloz, coll. Hypercours, 2013, p. 7 ; X. Bioy, Droits fondamentaux et libertés publiques, Paris, Montchrestien, coll. Cours, 3e éd., 2014, p. 80.
-
[32]
La réponse est déjà connue, elle est positive : CC, 19 juin 2008, n° 2008-564 DC, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés ; RFDA, 2008, p. 1237, note A. Roblot-Troizier ; RFDC, 2009, p. 189, note A. Capitani ; V. Champeil-Desplats, « La Charte de l’environnement prend son envol aux deux ailes du Palais‑Royal », Revue juridique de l’environnement, 2009, p. 219.
-
[33]
La prudence est l’attitude d’esprit de celui qui prévoit, calcule les conséquences d’une situation, d’une action qui pourraient être fâcheuses ou dangereuses moralement ou matériellement, et qui règle sa conduite de façon à les éviter (entrée « Prudence » in Centre national de Ressources Textuelles et Lexicales : www.cnrtl.fr).
-
[34]
Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution (JORF du 11 décembre 2009, p. 21379).
-
[35]
CC, n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009.
-
[36]
Les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle de juillet 2008 ne permettent pas d’éclairer la notion de « droit » garanti par la Constitution de l’article 61-1. Le rapport du Comité Balladur ne développe pas cette question (Une Ve République plus démocratique, Paris, La Documentation française, 2007). Quant aux débats devant les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, aux débats en séance publique et aux débats au congrès, ceux-ci ne sont d’aucun secours, à l’exception du rapport de la Commission des lois de l’Assemblée nationale en première lecture qui précise que la mention des « droits et libertés que la Constitution garantit » « permettra de confronter la disposition (législative) à l’ensemble du contenu du “bloc de constitutionnalité” » (J.-L. Warsmann, rapport n° 892, 15 mai 2008).
-
[37]
Sans quoi il n’opèrerait pas un contrôle par rapport à cette disposition constitutionnelle.
-
[38]
V. W. Mastor, « La motivation des décisions des cours constitutionnelles », in S. Caudal, La motivation en droit public, Dalloz, 2013, p. 241.
-
[39]
V. notamment P. Cassia, « Le renvoi préjudiciel en appréciation de constitutionnalité, une « question » d’actualité », RFDA, 2008, p. 877 ; M. Fromont, « La notion de justice constitutionnelle et le droit français », in Mélanges Louis Favoreu, Paris, Dalloz, 2007, p. 163 ; B. de Lamy, « L’exception d’inconstitutionnalité : une vieille idée neuve », in G. Drago (dir.), L’application de la Constitution par les cours suprêmes, Paris, Dalloz, 2007, p. 139 ; F. Melin-Soucramanien, « Du déni de justice constitutionnelle en droit public français », in Mélanges Louis Favoreu, op. cit., p. 285.
-
[40]
O. Pfersmann, « Le renvoi préjudiciel sur exception d’inconstitutionnalité : la nouvelle procédure de contrôle concret a posteriori », LPA, 2008, n° 254, p. 103.
-
[41]
M. Verpeaux, « Question préjudicielle et renouveau constitutionnel », AJDA, 2008, p. 1879.
-
[42]
Sont ainsi exclues de la catégorie des DLCG, sans possibilité d’invocabilité conditionnée, les dispositions constitutionnelles relatives à la procédure d’adoption d’une loi (CC, 22 juillet 2010, n° 2010-4/17 QPC), l’exigence constitutionnelle de transposition des directives (CC, 12 mai 2010, n° 2010-605 DC ; 17 décembre 2010, n° 2010-79 QPC), l’incompétence positive du législateur (CC, 4 mai 2012, n° 2012-241 QPC) ou encore les alinéas 2 à 4 de l’article 13 de la Constitution relatifs au pouvoir de nomination du président de la République (CC, 12 octobre 2012, n° 2012-281 QPC).
-
[43]
O. Pfersmann, « Le renvoi préjudiciel sur exception d’inconstitutionnalité… », op. cit., p. 103.
-
[44]
P. Cassia, « Le renvoi préjudiciel en appréciation de constitutionnalité… », op. cit., p. 877.
-
[45]
X. Magnon (dir), La question prioritaire de constitutionnalité, Paris, LexisNexis, coll. Droit & Professionnels, 2e éd., 2013, p. 97.
-
[46]
X. Magnon (dir), ibidem, p. 98.
-
[47]
Sur la titularité des droits fondamentaux par les collectivités territoriales, v. L. Favoreu et A. Roux, « La libre administration des collectivités territoriales est-elle une liberté fondamentale ? », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 12, mai 2012.
-
[48]
CC, 2 juillet 2010, n° 2010-12 QPC ; 17 mars 2011, n° 2010-107 QPC ; 26 avril 2013, n° 2013-309 QPC.
-
[49]
C’est aussi le cas d’autres dispositions constitutionnelles comme le droit d’obtenir un emploi (CC, 4 février 2011, n° 2010-98 QPC), le droit à l’environnement (CC, 8 avril 2011, n° 2011-116 QPC) ou encore le droit à l’information et à la participation du public (CC, 14 octobre 2011, n° 2011-183/184 QPC).
-
[50]
« La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
-
[51]
Il n’est pas invocable en QPC (CC, 24 avril 2015, n° 2015-465 QPC).
-
[52]
CC, 26 avril 2013, n° 2013-304 QPC.
-
[53]
Elle dispose que « la modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi » et n’est pas invocable en QPC (CC, 2 juillet 2010, n° 2010-12 QPC).
-
[54]
Il dispose que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales » et n’est pas invocable en QPC (CC, 22 septembre 2010, n° 2010-29/37 QPC).
-
[55]
CC, 18 juin 2010, n° 2010-5 QPC ; 30 juillet 2010, n° 2010-19/27 QPC.
-
[56]
« Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de le consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
-
[57]
CC, 30 novembre 2012, n° 2012-285 QPC, § 12. Etait invoqué par les requérants l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi et l’article 2 de la Constitution. Or, on sait que cet objectif n’est pas invocable « en lui-même », mais seulement à l’appui d’un droit ou d’une liberté garantis par la Constitution (CC, 22 juillet 2010, n° 2010-4/17 QPC). Le Conseil constitutionnel a accepté de contrôler le respect de cet objectif. Dès lors, même si cela n’est pas explicitement mentionné dans les motifs de la décision, cela implique que l’article 2 de la Constitution selon lequel la langue de la République est le français est invocable en QPC, c’est-à-dire appartient à la catégorie des DLCG.
-
[58]
CC, 20 mai 2011, n° 2011-130 QPC.
-
[59]
Même si l’on sait que, du point de vue de la volonté du pouvoir de révision constitutionnelle, l’article 75-1 n’a pas une portée très importante.
-
[60]
M. Verpeaux, « Langues régionales et QPC : l’impossible dialogue », note sous CC, 20 mai 2011 n° 2011‑130-QPC, AJDA 2011 p. 1963.
-
[61]
Il en va ainsi de l’organisation décentralisée de la République posée par l’article 1er de la Constitution (CE, 15 septembre 2010, n° 330734), du dernier alinéa de l’article 72 sur le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales (CC, 23 novembre 2012, n° 2012-282 QPC) et de la dernière phrase de l’alinéa 3 de l’article 72-1 (CC, 2 juillet 2010, n° 2010-12 QPC)
-
[62]
CC, 18 octobre 2010, n° 2010-56-QPC, Département du Val-de-Marne, § 4 et 6 : en distinguant l’atteinte à cette disposition de celle de l’atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales et en acceptant de contrôler son respect dans le cadre d’une QPC, le Conseil constitutionnel a implicitement admis qu’il s’agissait d’un droit que la Constitution garantit au sens de l’article 61-1 de la Constitution. Cela avait d’ailleurs été explicitement affirmé par la décision de renvoi du Conseil d’Etat (CE, 19 juillet 2010, Département du Val-de-Marne, n° 340028). Par la suite, cela a été plus clairement suggéré par le Conseil constitutionnel. Selon ce dernier, il résulte de cette disposition que « lorsqu’il transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par l’État, le législateur est tenu de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert » (CC, n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et autres, § 12). En acceptant de contrôler le respect de l’article 72-2 al. 4, il admet son invocabilité dans le cadre de la QPC.
-
[63]
CC, 30 novembre 2012, n° 2012-285 QPC, § 12, op. cit..
-
[64]
CC, 30 juillet 2010, 2010-14/22 QPC.
-
[65]
Elle peut même être invoquée par les collectivités (CC, 29 juin 2012, n° 2012-255/265 QPC).
-
[66]
L’alinéa 10 prévoit que « la nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». Le Conseil constitutionnel considère, sur cette base, que le droit de mener une vie familiale normale est invocable en QPC (CC, 6 octobre 2010, n° 2010-39 QPC). L’alinéa 11 dispose que la nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Le droit à la protection de la santé est invocable en QPC (CC, 29 avril 2011, n° 2011-123 QPC).
-
[67]
Alors même que l’on aurait pu s’attendre au contraire. En effet, plusieurs dispositions constitutionnelles formulées de façon objective ne sont pas invocables en QPC, par exemple le second alinéa de l’article 1er de la Constitution (CC, 24 avril 2015, n° 2015-465 QPC) ou encore le dernier alinéa de son article 72-2 (CC, 22 septembre 2010, n° 2010-29/37 QPC).
-
[68]
R. Dworkin, Prendre les droits au sérieux, Paris, Puf, coll. Léviathan, 1996, p. 80.
-
[69]
X. Magnon, Théorie(s) du droit, Paris, Ellipses, coll. Universités Droit, 2008, p. 60.
-
[70]
M. Troper, Philosophie du droit, Paris, Puf, coll. Que sais-je ?, 3e éd, 2011, p. 75.
-
[71]
M. Troper, ibidem, p. 76.
-
[72]
X. Magnon (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité, op. cit., p. 97.
-
[73]
CC, 27 juillet 1994, n° 94-343/344 DC.
-
[74]
L’article 6 est formulé de la façon suivante : la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». L’article 13 dispose quant à lui qu’une contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».
-
[75]
CC, 28 mai 2010, n° 2010-1 QPC, § 10. Il admet aussi l’invocabilité de l’article 13 (CC, n° 2010-24 QPC du 06 août 2010, § 6).
-
[76]
Commentaire sous l’article 61-1 : Code constitutionnel, Litec, 2015.
-
[77]
CC, 17 juin 2011, n° 2011-138 QPC.
-
[78]
Par exemple CC, 6 août 2010, n° 2010-20/21 QPC.
-
[79]
CC, 30 juillet 2010, n° 2010-14/22 QPC.
-
[80]
CC, 23 juillet 2010, n° 2010-15/23 QPC.
-
[81]
Un autre signe de cette prudence est la pratique du flou et des réserves quant à l’invocabilité d’une disposition constitutionnelle. Par exemple, alors que le droit de grève était invoqué, le Conseil constitutionnel répond que les dispositions législatives contestées « ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte aux principes énoncés par le Préambule de 1946 » (CC, 14 juin 2013, n° 2013-320/321 QPC), cela sans préciser si le droit de grève est, ou non, invocable en QPC.
-
[82]
Cela rejoint partiellement l’idée de Véronique Champeil-Desplats selon laquelle « le Conseil fait preuve de pragmatisme institutionnel » (V. Champeil-Desplats, « Charte de l’environnement : La QPC bute sur l’incipit – A propos de la décision n° 2014-394 du 7 mai 2014 », La Revue des droits de l’homme, Actualités Droits-Libertés, n° 19).
-
[83]
Véronique Champeil-Desplats explique, à propos du rejet de l’invocabilité des alinéas précédant la Charte de l’environnement, que le CC « a vraisemblablement ici pris la mesure du vaste potentiel argumentatif ouvert par la généralité des alinéas introductifs de la Charte ». La solution s’explique ici par des « raisons de régulation du contentieux » (V. Champeil-Desplats, « Charte de l’environnement : La QPC bute sur l’incipit », op. cit., n° 20 et 21). Par ailleurs, à propos du moyen tiré de l’incompétence négative du législateur et de la décision n° 2012-254 QPC, certains auteurs considèrent que le durcissement de la position du Conseil constitutionnel quant à l’invocabilité de ce moyen s’explique en partie « par la volonté à la fois de contenir, sur un plan quantitatif, l’invocabilité du grief tiré de l’incompétence négative du législateur » (X. Magnon (dir), La question prioritaire de constitutionnalité, op. cit., p. 105).
-
[84]
X. Magnon (dir), ibidem, p. 105.
-
[85]
X. Magnon (dir), ibidem, p. 97.
-
[86]
« Concept », in Le Petit Robert.
-
[87]
Ce que l’on entend par « normes juridiques » est explicité dans notre thèse (v. Les conditions juridiques de l’effectivité de la norme en droit public interne, Limoges, thèse, droit, dactyl., 2012, n° 12).
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[88]
Ces trois concepts sont tenus ici, pour des raisons pédagogiques, pour équivalents. A ce sujet, voir V. Champeil-Desplats, Méthodologies du droit et des sciences du droit, Paris, Dalloz, coll. Méthodes du droit, 2014, n° 523.
-
[89]
Sur la différence entre approches formelle et matérielle, v. X. Bioy, Droits fondamentaux et libertés publiques, op. cit., p. 76. On en reste ici aux définitions formelles dans la mesure où il ne nous est pas possible, en tant que juriste, de se prononcer sur les valeurs que sous tendent les droits. Or, l’approche matérielle suppose cette capacité.
-
[90]
Sans qu’il soit ici possible de recenser l’ensemble des définitions conceptuelles proposées en doctrine, on peut en rappeler quelques éléments importants. Par exemple, au terme d’un raisonnement très argumenté, Otto Pfersmann considère en substance que les droits fondamentaux sont les permissions qui sont reconnues au niveau constitutionnel ou conventionnel au bénéfice de toutes les personnes (bénéficiaires) et pour lesquelles il existe des organes habilités (titulaires) à saisir un organe juridictionnel de contrôle lui-même habilité à annuler des normes fautives, c’est-à-dire des normes inférieures abolissant ou limitant ces permissions (L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, op. cit., n° 86). D’autres définitions conceptuelles, même si elles sont moins complètes, nous semblent insister sur des points importants. Ainsi, selon Bertrand Mathieu, un droit subjectif, c’est celui « dont un individu pourrait exiger le respect vis-à-vis d’une personne physique ou morale, publique ou privée » (B. Mathieu, « Observations sur la portée normative de la Charte de l’environnement », CCC, n° 15, 2003, p. 246). Xavier Bioy insiste notamment sur l’idée que les droits fondamentaux sont des « droits individuels, exercés individuellement, exigibles de tous contre tous » (X. Bioy, Droits fondamentaux et libertés publiques, op. cit., p. 83). Quant à Jean Rivéro, il estime qu’un droit de l’homme suppose « la détermination exacte de son titulaire, la définition précise de son objet, l’identification de celui ou de ceux auxquels il est opposable, et enfin la possibilité d’une sanction propre à leur assurer le respect » (J. Rivéro, « Déclarations parallèles et nouveaux droits de l’homme », RTDH, 1990, p. 323).
-
[91]
C. Roulhac, « Introduction », La Revue des droits de l’homme, n° 7, 2015, n° 39.
-
[92]
X. Magnon (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité, op. cit., p. 123.
-
[93]
CC, 18 juin 2012, n° 2012-254 QPC.
-
[94]
Par le passé, un auteur avait tenté de rattacher ce principe à la liberté de l’article 4 de la Déclaration de 1789. Selon lui, celle-ci « implique pour son titulaire de prendre dans l’exercice de cette liberté les mesures de précaution qui s’imposent pour s’assurer de ne pas nuire à l’environnement, la santé ou la sécurité d’autrui, dont il doit pouvoir jouir librement » (C. Eoche-Duval, « Le principe de précaution et le juge constitutionnel français : la décision IVG du 27 juin 2001 », Droit de l’environnement, n° 92, 2001, p. 234). V. aussi G. Bonnel, Le principe juridique écrit et le droit de l’environnement, op. cit., 2005, p. 360.
-
[95]
V. CC, 8 avril 2011, n° 2011-116 QPC, décision dans laquelle le Conseil accepte de contrôler le respect des articles 1er à 4 de la Charte. Sa qualification en tant que « droit » avait été discutée (v. notamment M.‑A. Cohendet, « La Charte et le Conseil constitutionnel : point de vue », Revue juridique de l’environnement, n° spécial, 2005, p. 112-113 ; B. Mathieu, « La Charte et le Conseil constitutionnel : point de vue », Revue juridique de l’environnement, n° spécial, 2005, p. 131 ; « Observations sur la portée normative de la Charte de l’environnement », CCC, n° 15, 2003, p. 246 ; M. Prieur, « La Charte de l’environnement : droit dur ou gadget politique ? », Pouvoirs, n° 127, p. 62).
-
[96]
Il serait également possible de considérer que le principe de précaution relève aussi de la mise en œuvre de l’obligation de vigilance dégagée par le Conseil constitutionnel à partir de l’article 2 de la Charte.
-
[97]
Selon Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteur du projet de loi constitutionnelle sur la Charte de l’environnement, « les nouvelles exigences constitutionnelles destinées à garantir l’exercice du droit à un environnement de qualité sont principalement des devoirs : préservation et amélioration de l’environnement (article 2), prévention (article 3), réparation (article 4), précaution, qui incombe aux autorités publiques (article 5) » (rapport à l’Assemblée nationale, n° 1595, 12 mai 2004, p. 41). De même, pour Patrice Gélard, également rapporteur, « l’article 1er (…) doit être interprété avec l’article 2 (…) comme le socle fondateur de la Charte de l’environnement dont le respect dépend des principes d’action posés aux articles suivants » (rapport au Sénat, n° 352, 16 juin 2004, p. 20).
-
[98]
Par exemple, pour Michel Prieur, « les principes sont directement conditionnés par le droit fondamental auquel ils se rattachent » (M. Prieur, « L’environnement entre dans la constitution », Droit de l’environnement, n° 106, 2003, p. 40). V. aussi N. de Sadeleer, Les principes de pollueur-payeur, de prévention et de précaution, op. cit., p. 337 ; M. Prieur, « Droit à l’environnement », Fasc. 360, Jcl Administratif, cote 03,2013, n° 5 et 33.
-
[99]
V. CC, 23 novembre 2012, n° 2012-283 QPC : l’article 6 n’est pas invocable « en lui-même », ce qui sous-entend la possibilité son invocabilité conditionnée.
-
[100]
Michel Prieur considère que l’article 5 de la Charte « énonce un droit à la précaution en tant que mise en œuvre du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » (M. Prieur, « Promesses et réalisations de la Charte de l’environnement », op. cit., p. 21). V. aussi L. Burgogue-Larsen, « Question préjudicielle de constitutionnalité et contrôle de conventionalité », op. cit., p. 787 ; K. Foucher, « La QPC, une chance pour la Charte de l’environnement », Nouveaux CCC, n° 39, 2013, p. 271 ; N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., p. 548 ; X. Magnon (dir), La question prioritaire de constitutionnalité, op. cit., p. 101 ; P. Mbongo, « Droit au juge et prééminences du droit, Bréviaire processualiste de l’exception d’inconstitutionnalité », op. cit., p. 2091 ; A. Roblot-Troizier, « Les clairs-obscurs de l’invocabilité de la Charte de l’environnement », op. cit., p. 493.
-
[101]
En ce sens, v. L. Benoit, « Le principe de précaution reste... un principe », Environnement, 2005, comm. 33 ; J. Bétaille, « Les obligations prudentielles : prévention et précaution », in C. Cerda-Guzman et F. Savonitto, Les 10 ans de la Charte de l’environnement, Paris, LGDJ, coll. Colloque & Essais, à paraître ; Y. Jégouzo et F. Loloum, « La portée juridique de la Charte de l’environnement », Droit administratif, 2004, chron. 5.
-
[102]
V. L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, op. cit., n° 86. Selon Le Petit Robert, permettre est synonyme de « donner le droit ».
-
[103]
P. Mbongo, « Droit au juge et prééminences du droit…», op. cit., p. 2091.
-
[104]
H. Kelsen, Théorie générale des normes, 1979, Paris, Puf, coll. Léviathan, 1996, pp. 179-180.
-
[105]
O. Jouanjan, « La théorie allemande des droits fondamentaux », AJDA, 1998, p. 44.
-
[106]
G. Jellinek, cité par Olivier JOUANJAN, ibidem, p. 44.
-
[107]
A. Vidal-Naquet, « Sources constitutionnelles des libertés », Jcl. Libertés, fasc. 20, 2007, n° 123.
-
[108]
T. Meindl, La notion de droit fondamental dans les doctrines et jurisprudences constitutionnelles françaises et allemandes, Paris, LGDJ, 2003, p. 292.
-
[109]
V. Donier, C. Magord, C. Marzo et M. Pichard, « Les débiteurs des droits sociaux », La Revue des droits de l’homme, n° 1, 2012, p. 388.
-
[110]
B. Mathieu, « Observations sur la portée normative de la Charte de l’environnement », op. cit., p. 246.
-
[111]
M. Deguergue, « Les avancées du principe de précaution en droit administratif français », RIDC, n° 2, 2006, p. 623.
-
[112]
CC, 19 juin 2008, n° 2008-564 DC, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés, op. cit..
-
[113]
Cass., 3e civ., 3 mars 2010, SA des eaux minérales de Vals c/ Di Mayo ; Revue juridique de l’environnement, 2010, p. 690, note S. Nadaud ; M. Boutonnet, « La Charte de l’environnement devant le juge judiciaire », Environnement, 2012, dossier 26.
-
[114]
M.-P. Camproux-Duffrene, « Chronique de droit privé de l’environnement, civil et commercial », Revue juridique de l’environnement, 2011, p. 374.
-
[115]
Même si les débats parlementaires sur la Charte de l’environnement montrent la volonté du constituant de ne pas faire peser le principe de précaution sur les personnes privées (v. N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., p. 535).
-
[116]
Les deux premiers articles de la Charte s’imposent « à l’ensemble des personnes » (CC, 8 avril 2011, n° 2011-116 QPC, Michel Z., § 5). Le juge judiciaire utilise d’ailleurs conjointement l’obligation de vigilance – dégagée par le Conseil constitutionnel dans la QPC précitée – et l’obligation de précaution (v. CA Versailles, 27 oct. 2011, n° 09-01914).
-
[117]
Cela est déjà ce qu’ont fait certains juges du fond (par ex. TGI Lyon, 15 sept. 2009, n° 09/07385). V. N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., p. 562.
-
[118]
M. Prieur, « Les nouveaux droits », AJDA, 2005, p. 1157.
-
[119]
Que ce soit en ce qui concerne l’autorité judiciaire, la langue ou le droit constitutionnel des collectivités territoriales, le Conseil constitutionnel admet que des dispositions constitutionnelles n’ayant pas pour débiteurs des personnes privées constituent des droits au sens de l’article 61-1 de la Constitution.
-
[120]
P. Billet, « QPC « Gaz de schiste » : la loi « Jacob » validée », JCP A, 28 avril 2014, p. 19.
-
[121]
N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., p. 535.
-
[122]
L’alinéa 2 qui précède les articles de la Charte de l’environnement rappelle bien le lien de dépendance entre l’Homme et l’environnement en disposant que « l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ».
-
[123]
L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, op. cit., n° 107.
-
[124]
Le critère de la possibilité d’une sanction juridictionnelle n’est pas partagé par tous les auteurs lorsqu’il s’agit de définir les droits. Pour certains auteurs, « l’établissement d’un mécanisme de protection juridictionnelle ne semble pas conditionner l’existence d’un droit fondamental » (B. Mathieu et M. Verpeaux, Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, LGDJ, 2002, p. 12). Pour Luigi Ferrajoli, « la déclaration d’un droit fondamental (…) n’est pas, (…), «démentie», mais plutôt «violée» tant par la présence de normes contraires que par l’absence de garanties nécessaires ». « Sur le plan théorique, cela implique que l’absence de garanties (…) doit être considérée comme une lacune illégitime qu’il faut combler ». (L. Ferrajoli, « Théorie des droits fondamentaux », op. cit., p. 219). Cela traduit peut-être l’idée qu’une norme juridique n’est pas un droit fondamental à la condition de pouvoir être invoquée par ses titulaires et sanctionnée par un juge, mais elle doit pouvoir être sanctionnée de cette manière parce qu’il s’agit d’une norme juridique, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un droit fondamental.
-
[125]
H. Kelsen, Théorie générale des normes, op. cit., p. 179.
-
[126]
L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, op. cit., n° 103.
-
[127]
CE, 6 avril 2006, Ligue de protection des oiseaux, n° 283103.
-
[128]
CE, 19 juillet 2010, Association du quartier les Hauts de Choiseul, n° 328687.
-
[129]
CE, Ass., 12 avril 2013, Assoc. Coordination interrégionale Stop THT, n° 342409 (à propos d’une déclaration d’utilité publique).
-
[130]
Cass., 3ème civ., 3 mars 2010, SA des eaux minérales de Vals c/ Di Mayo ; Cass., 3ème civ., 18 mai 2011, n°10-17.645.
-
[131]
V. L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, op. cit., p. 126 ; S. Hennette-Vauchez et D. Roman, Droits de l’Homme et libertés fondamentales, Paris, Dalloz, coll. Hypercours, 2013, p. 14. M. Levinet, Théorie générale des droits et libertés, op. cit., p. 126 ; J.-F. Spitz, « Droits négatifs, droits positifs : une distinction dépourvue de pertinence », Droits, Puf, n° 49, 2009, p. 191.
-
[132]
V. S. Caudal, « Rapport introductif », in S. Caudal (dir.), Les principes en droit, Paris, Economica, coll. Etudes Juridiques, 2008.
-
[133]
V. G. Tusseau, « Métathéorie de la notion de principe dans la théorie du droit contemporaine », in S. Caudal (dir.), Les principes en droit, op. cit., p. 75.
-
[134]
M. Troper, Philosophie du droit, op. cit., p. 76.
-
[135]
E. Millard, « Précision et effectivité des droits de l’homme », La Revue des droits de l’homme, n° 7, 2015, n° 11.
-
[136]
R. Guastini, Leçons de théorie constitutionnelle, Paris, Dalloz, coll. Rivages du droit, trad. fr. V. Champeil-Desplats, 2010, p. 232.
-
[137]
R. Guastini, ibidem, p. 232.
-
[138]
M. Deguergue, « Les avancées du principe de précaution en droit administratif français », RIDC, n° 2, 2006, p. 623. Voir notamment N. de Sadeleer, « Les avatars du principe de précaution en droit public : effet de mode ou révolution silencieuse ? », RFDA, 2001, p. 547.
-
[139]
E. Millard, « Précision et effectivité des droits de l’homme », La Revue des droits de l’homme, n° 7, 2015, n° 9.
-
[140]
C. Roulhac, « Introduction », La Revue des droits de l’homme, n° 7, 2015, n° 20.
-
[141]
J. Rivéro, « Déclarations parallèles et nouveaux droits de l’homme », RTDH, 1990, p. 326.
-
[142]
Jean Rivero insistait notamment sur la nécessité d’un contenu précis, et d’un objet relevant du possible (J. Rivéro, ibidem, p. 325).
-
[143]
Y. Jégouzo et F. Loloum, « La portée juridique de la Charte de l’environnement », Droit administratif, 2004, chron. 5.
-
[144]
Selon lui, « une norme est défectible lorsqu’elle n’établit pas exhaustivement tous les faits conditionnant une conséquence juridique, ou lorsqu’elle n’énumère pas toutes les exceptions » (R. Guastini, Leçons de théorie constitutionnelle, op. cit., p. 233).
-
[145]
L. Gay, Les « droits-créances » constitutionnels, Bruxelles, Bruylant, thèse, droit, 2007, p. 17.
-
[146]
L. Gay, ibidem, p. 17.
-
[147]
L. Gay, ibidem, p. 17.
-
[148]
En ce sens, v. G. Bonnel, Le principe juridique écrit et le droit de l’environnement, op. cit., p. 233.
-
[149]
L. Gay, « Droits-créances », Jcl. Libertés, Fasc. 1100, 2009, n° 1.
-
[150]
L. Gay, Les « droits-créances » constitutionnels, op. cit., p. 269.
-
[151]
Selon Laurence Gay, « dans une première hypothèse, la disposition constitutionnelle vise à consacrer un droit de la personne à obtenir une prestation concrète, matérielle. (…). Dans un deuxième cas, en revanche, l’obligation positive réside dans le fait même que le législateur doive intervenir pour mettre en œuvre la norme constitutionnelle ». « A proprement parler, l’image du droit-créance ne vaut que pour le premier type de principes, ceux au fondement de droits à prestations matérielles. Dans ce seul cas, en effet, le texte constitutionnel pose le principe d’une créance (matérielle), rendue exigible dans le cadre des normes de concrétisation. Il s’agit donc de droits-créances «au sens strict» » (Laurence GAY, ibidem, pp. 350-351).
-
[152]
V. J. Bétaille, Les conditions juridiques de l’effectivité de la norme…, op. cit., n° 409.
-
[153]
M. Prieur, « Introduction », in Mondialisation et droit de l’environnement, CIDCE, 2002, p. 15.
-
[154]
V. Champeil-Desplats, « Le Conseil constitutionnel, protecteur des droits et libertés ? », op. cit., p. 12.
-
[155]
155. Sur cette question, v. notamment D. Lochak, « Le Conseil constitutionnel, protecteur des libertés ? », Pouvoirs, no 13, 1986, p. 41 ; « Les trompe-l’œil du Palais royal », Plein droit, n° 22-23, 1994, p. 8 ; G. Vedel, « Le Conseil constitutionnel, gardien du droit positif ou défenseur de la transcendance des Droits de l’homme », Pouvoirs, n° 45, 1988, p. 155 ; P. Wachsmann, « Des chameaux et des moustiques. Réflexions critiques sur le Conseil constitutionnel », in Billet d’humeur en l’honneur de Danièle Lochak, Paris, LGDJ, 2007, p. 279.
-
[156]
156. Véronique Champeil-Desplats montre que « ni la hausse quantitative des décisions rendues, ni la mission confiée par un texte – fût-il de rang constitutionnel –, ne sont des paramètres suffisants pour se prononcer sur le sens de l’action du Conseil constitutionnel à l’égard des droits et libertés » (ibidem, p. 21).
-
[157]
157. Au moment d’apprécier la qualification du principe de précaution au regard de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel pourrait également être amené à prendre en compte la circonstance que ce principe est susceptible, à l’avenir, d’être mieux protégé par le droit de la Convention européenne des droits de l’Homme. En effet, la Cour EDH déduit du droit à la vie (art. 2) et du droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8) l’obligation positive d’édicter des mesures préventives adéquates (Cour EDH, Grande Chambre, 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie ; GACEDH, n° 63 et Cour EDH, 22 mars 2008, Boudaïeva ; Revue juridique de l’environnement, 2010, p. 71, note S. Nadaud ; Cour EDH, 27 janvier 2009, Tatar ; Revue juridique de l’environnement, 2010, p. 62, note J.-P. Marguénaud). Elle pourrait demain faire la même chose à propos de mesures de précaution.
-
[158]
158. P. Billet, « La Charte va-t-elle renouveler les principes du droit de l’environnement ou ceux-ci ont-ils disparu à l’exception d’un seul, le principe de précaution ? », Revue juridique de l’environnement, n° spécial, 2005, p. 231.
-
[159]
159. R. Guastini, Leçons de théorie constitutionnelle, op. cit., p. 203.
-
[160]
160. V. O. Pfersmann, in L. Favoreu et al., Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, coll. Précis, 17e éd., 2014, n° 88.
1 Le principe de précaution n’est pas né sous la forme d’un « droit ». Chacune de ses reconnaissances textuelles, depuis la Déclaration de Rio en 1992 jusqu’à la Charte de l’environnement en 2005 en passant par le droit primaire de l’Union européenne [1] ou l’article L. 110-1 du code de l’environnement, prend la forme d’une obligation de type objective. L’article 5 de la Charte de l’environnement dispose ainsi :
lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.
3 Le principe de précaution semble d’ailleurs ne jamais avoir vraiment fait l’objet d’une analyse en tant que « droit [2] ». C’est la mise en place d’un contrôle de constitutionnalité a posteriori dont les normes de référence sont restreintes aux droits et libertés qui conduit, à partir de 2010, à envisager la qualification du principe de précaution sous un angle différent. En effet, l’article 61-1 de la Constitution, qui institue la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), prévoit que le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d’une telle question que s’il est soutenu par le requérant qu’une disposition législative porte atteinte « aux droits et libertés que la Constitution garantit ».
4 Émerge ainsi une nouvelle catégorie juridique à l’aune de laquelle peut être passée au crible toute disposition constitutionnelle, cela afin de déterminer si elle peut ou ne peut pas être invoquée dans le cadre de la QPC. Il était dès lors prévisible qu’un jour ou l’autre la qualification de l’article 5 de la Charte de l’environnement au regard de la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit » (DLCG) aurait lieu.
5 Il a fallu attendre plus de trois ans avant que le Conseil constitutionnel ait l’occasion de se prononcer sur cette question. Dans l’affaire des gaz de schiste jugée le 11 octobre 2013 [3], l’article 5 de la Charte de l’environnement était invoqué à l’appui d’une QPC contestant la loi du 13 juillet 2011 interdisant les gaz de schiste [4]. Le Conseil a néanmoins évité la question de l’invocabilité en QPC du principe de précaution. Il a considéré que les dispositions législatives contestées mettaient en œuvre l’obligation de prévention et non le principe de précaution [5]. Dès lors, le grief tiré de la violation du principe de précaution a été déclaré « inopérant [6] ». Le Conseil constitutionnel aurait tout aussi bien pu se prononcer d’abord sur l’invocabilité du principe de précaution avant d’écarter le moyen. Comme le précise le commentaire officiel de la décision [7], le Conseil a entendu réserver la question de l’invocabilité en QPC de l’article 5 de la Charte de l’environnement [8], celle-ci donnant probablement lieu à d’importants débats au sein de l’institution. Suite à cette décision, l’opération de qualification du principe de précaution au regard de la catégorie des DLCG n’a pas eu lieu. Néanmoins, l’actualité y a de nouveau fait écho. En effet, le Conseil d’État a transmis au Conseil constitutionnel une QPC qui pouvait impliquer l’examen de l’invocabilité du principe de précaution [9]. Pourtant, la décision du Conseil constitutionnel du 17 septembre 2015 n’a pas fait mention de ce principe [10]. Une seconde fois, la question de l’éventuelle qualification du principe de précaution comme « droit » au sens de l’article 61-1 de la Constitution a été évitée. Elle demeure donc entière.
6 Au-delà de son actualité, l’intérêt de cette question concerne aussi bien la catégorie des DLCG que la nature du principe de précaution. En premier lieu, elle impose comme préalable de s’interroger sur la catégorie juridique des « droits et libertés que la Constitution garantit [11] ». En doctrine, si beaucoup d’auteurs se sont intéressés à cette catégorie avant l’entrée en vigueur de la QPC [12], relevant notamment son caractère obscur [13], depuis ce sont essentiellement les manuels dédiés à la QPC qui dressent l’état de la jurisprudence, sans pour autant éclaircir totalement la catégorie des DLCG [14].
7 En second lieu, la confrontation du principe de précaution à la catégorie juridique des DLCG permet d’interroger sous un jour nouveau la nature juridique du principe de précaution, notamment en suggérant sa requalification. Beaucoup de débats ont porté sur ce principe, que ce soit sur sa nature juridique ou morale [15], sur son influence à l’égard des concepts juridiques [16], sur son entrée dans le bloc de légalité [17] ou sur son contenu [18], sa valeur constitutionnelle n’ayant, quant à elle, pas réellement fait débat en doctrine. Suite à l’adoption de la Charte de l’environnement, le principe a pu néanmoins être considéré comme un « objet juridique encore mal identifié [19] ». Sur le plan de sa qualification, le principe de précaution a fait l’objet d’hésitations [20]. Selon les cas, il a été considéré comme une exigence, une obligation, une approche, une règle, une démarche, un principe ou encore un standard. Pour autant, probablement parce qu’il ne bénéficiait avant 2005 d’aucune valeur constitutionnelle [21], aucun auteur ne s’était alors risqué à le qualifier de « droit [22] ». Sa constitutionnalisation conjuguée à la création de la catégorie des DLCG conduit aujourd’hui à interroger de nouveau sa qualification. Jusqu’à présent, une partie de la doctrine s’est limitée à affirmer qu’il s’agit d’un droit invocable en QPC [23], sans pour autant en expliciter les raisons. Tenter de les éclairer présente donc un intérêt qui est non seulement théorique mais aussi pratique dans la mesure où sur un plan contentieux, qualifier le principe de précaution de « droit » garanti par la Constitution aurait pour effet de le rendre invocable à l’appui d’une QPC, renforçant ainsi ses effets dans l’ordre juridique interne.
8 Par ailleurs, la qualification du principe de précaution au regard de la catégorie des DLCG pose au juriste un certain nombre de difficultés d’ordre méthodologique, que ce soit sur le plan de la définition de ses termes ou au niveau de la dimension politique qu’elle peut prendre.
9 En ce qui concerne la question des définitions, la notion de « droit » garanti par la Constitution se révèle plus difficile à cerner que le principe de précaution. En effet, pour ce dernier, si l’on accepte de faire abstraction « des considérations philosophiques, économiques ou politiques qui peuvent être développées [24] » à son égard, il apparaît qu’il ne s’agit pas véritablement d’un « cas limite » au sens de Hart [25] étant donné que son degré d’indétermination n’est pas extrêmement important [26]. Éric Naim-Gesbert qualifie même sa rédaction à l’article 5 de la Charte de l’environnement de limpide [27]. Du moins, il est plus précis que la plupart des droits et principes constitutionnels. En revanche, la notion de « droit » – au sens de l’article 61-1 – semble juridiquement beaucoup plus indéterminée. En effet, elle ne bénéficie d’aucune définition, que ce soit dans le texte de la Constitution, dans ses travaux préparatoires ou dans la jurisprudence. La notion de « droits fondamentaux » n’est pas nécessairement d’un grand secours dans la mesure où, en France, elle reste une catégorie doctrinale qui, en outre, est sujette à controverses [28]. Le constituant a délibérément choisi de ne pas faire référence au caractère « fondamental » des droits [29]. Depuis 2008, les DLCG constituent une catégorie juridique à part entière. Devant l’absence de définition juridique in abstracto, le juriste n’a d’autre possibilité que d’entreprendre une étude systématique de la jurisprudence constitutionnelle afin de voir s’il est possible de dégager d’éventuels critères utilisés par l’interprète authentique de la Constitution.
10 En ce qui concerne le caractère potentiellement politique de la question, il faut, là encore, distinguer le principe de précaution de la notion de « droit » au sens de l’article 61-1. Le foisonnement des débats politiques sur le principe de précaution est connu [30]. Il s’agit ici de s’en détacher afin de renseigner la nature de ce principe sans porter un jugement de valeur sur son bien-fondé. Sauf à adopter une approche néo-jusnaturaliste, la question n’est pas de savoir s’il est moralement ou philosophiquement plus ou moins important, mais s’il peut être considéré, sur le plan juridique, comme un droit garanti par la Constitution. Il est question d’éclairer, indépendamment de jugements de valeurs, sur la nature de cet objet. En ce qui concerne la notion de « droit », il est proposé d’appréhender la catégorie des DLCG à travers une description de la jurisprudence. Ce n’est que dans un second temps, confronté à une éventuelle impasse, que l’on pourrait avoir recours aux travaux doctrinaux concernant le concept de « droits », afin de qualifier le principe de précaution.
11 La question de savoir si le principe de précaution peut être considéré comme appartenant aux DLCG trouve son point névralgique dans la notion de « droit [31] ». En effet, le problème n’est pas de montrer si le principe de précaution est « garanti par la Constitution [32] », mais celui de savoir s’il peut être considéré comme un « droit ». De ce point de vue, il s’agit d’abord d’envisager dans quelle mesure la jurisprudence constitutionnelle permet de cerner la notion de DLCG. Fournit-elle des indices qui pourraient être utilisés pour qualifier le principe de précaution au regard de la catégorie des DLCG ? Cela amène à une seconde question. En effet, dans le cas où la jurisprudence ne serait pas d’un grand secours, existe-t-il des obstacles conceptuels à la qualification du principe de précaution en tant que DLCG ?
12 Face à ces deux questions, il s’agit de démontrer d’une part qu’il est difficile de déceler, dans la jurisprudence constitutionnelle, des critères juridiques permettant de qualifier une disposition constitutionnelle de DLCG. Il en ressort en revanche une certaine prudence du Conseil constitutionnel dans l’appréciation des DLCG (I), ce dernier veillant particulièrement aux conséquences de la qualification d’une disposition constitutionnelle en tant que DLCG. D’autre part, sur le terrain conceptuel, il est possible de défendre l’idée que l’article 5 de la Charte de l’environnement constitue de façon implicite un droit au bénéfice des personnes dont ces autorités ont la charge. On constate en effet l’absence d’obstacles conceptuels à sa qualification en tant que « droit » (II).
I – La prudence du Conseil constitutionnel dans l’appréciation des droits et libertés garantis par la Constitution
13 Cinq années de jurisprudence sur la catégorie des DLCG constituent un temps suffisant pour analyser la façon dont le Conseil constitutionnel apprécie cette catégorie. Cette analyse nécessite néanmoins un « étalon de mesure ». Sur la base de critères identifiés comme étant susceptibles d’être suivis par le juge pour qualifier telle ou telle disposition constitutionnelle de DLCG (A), la description et la comparaison conduisent à mettre en évidence le manque de cohérence de la jurisprudence constitutionnelle vis-à-vis de ces critères (B). Cela permet de mettre en évidence la prudence dont fait preuve le Conseil constitutionnel [33]. Ce dernier est davantage soucieux des conséquences contentieuses de la qualification d’une disposition constitutionnelle en tant que DLCG que de la rationalité de sa jurisprudence à l’égard de cette catégorie.
A – L’identification de critères possibles d’appréciation
14 L’identification de critères éventuellement utilisés par le Conseil constitutionnel devrait être possible sur la base de l’observation du droit positif, de la jurisprudence et de la doctrine. Elle repose sur l’hypothèse qu’il est probable que le juge constitutionnel se fonde, pour qualifier une norme de DLCG, sur un certain nombre de critères. Les identifier permettra, ensuite, de savoir si le juge constitutionnel suit ou non ces critères. L’étude du droit positif ne comporte que très peu d’enseignements (1). Néanmoins, la doctrine semble identifier un critère positif permettant d’inclure une norme dans la catégorie des DLCG (2) et il est possible de mettre en avant deux critères négatifs (3).
1 – La faiblesse des enseignements du droit positif
15 L’observation du droit positif a de quoi être décevant. Alors que l’article 61-1 de la Constitution se limite à énoncer la catégorie des DLCG, et non à la définir, il en va de même de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution [34]. La décision du Conseil constitutionnel portant sur cette loi organique n’apporte aucune information supplémentaire sur la catégorie des DLCG [35], pas davantage que les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle [36].
16 Du côté de la jurisprudence, il peut au préalable être observé que la rédaction des motifs des décisions QPC varie en ce qui concerne la question de l’invocabilité. Se distinguent les décisions dans lesquelles le Conseil constitutionnel rejette purement et simplement l’invocabilité en QPC en indiquant que telle ou telle disposition constitutionnelle ne fait pas partie de la catégorie des DLCG, celles où il indique clairement qu’une disposition fait partie des DLCG et celles où il contrôle une disposition législative par référence à une disposition constitutionnelle sans pour autant constater explicitement son appartenance aux DLCG, mais en l’acceptant nécessairement [37]. Par-delà ces trois différentes options de rédaction, l’observation de la jurisprudence ne nous apprend pas beaucoup sur d’éventuels critères d’appartenance à la catégorie des DLCG. Ce résultat n’est pas nécessairement étonnant dans la mesure où le Conseil constitutionnel fait l’objet de critiques en raison de la faiblesse de la motivation de ses décisions [38]. Néanmoins, il n’est pas possible d’en déduire l’absence de critères, mais seulement, le cas échéant, leur caractère implicite. Face à ces silences, il faut s’en remettre à la description que fait la doctrine de la catégorie des DLCG.
2 – Un critère positif mis en évidence par la doctrine
17 Au moment de l’adoption de l’article 61-1 de la Constitution, certains auteurs ont pu regretter le choix du pouvoir de révision constitutionnelle de restreindre le champ des dispositions constitutionnelles invocables en QPC [39], Otto Pfersmann rappelant quant à lui que dans d’autres États, « c’est le manque de conformité d’une loi qui constitue la raison nécessaire et suffisante d’un recours opéré par une juridiction [40] », sans qu’il n’y ait de limitation des dispositions constitutionnelles invocables. Selon Michel Verpeaux, en créant la catégorie des DLCG, le pouvoir de révision constitutionnelle a entendu exclure les « règles procédurales d’édiction des normes » et « ce qui intéresse la répartition des compétences normatives» [41], ce qui est d’ailleurs aujourd’hui confirmé par la jurisprudence constitutionnelle [42]. D’autres auteurs vont plus loin. Pour eux, il ne s’agit pas seulement de définir négativement la catégorie des DLCG, mais aussi de décrire les dispositions constitutionnelles qu’elle vise. Par exemple, pour Otto Pfersmann, l’article 61-1 « exclut à première vue toutes les dispositions ne conférant pas une autorisation d’agir aux individus ou aux citoyens en tant que tels [43] » alors que selon Paul Cassia « ce sont celles des dispositions constitutionnelles qui s’adressent directement aux justiciables qui pourront être invoquées à l’appui d’une contestation indirecte de la loi [44] ». Ainsi, pour appartenir à la catégorie des DLCG, il faut qu’une disposition constitutionnelle « ait des personnes (physiques ou morales) comme bénéficiaires [45]», et cela parce que cette procédure vise à protéger les droits du justiciable [46]. Un premier critère peut ainsi être dégagé. La catégorie des DLCG viserait les dispositions constitutionnelles pour lesquelles il est possible d’identifier un titulaire bénéficiant d’une permission.
3 – Deux critères négatifs supplémentaires
18 Deux autres critères peuvent être proposés. Il ne s’agit pas de critères positifs permettant de déterminer les normes qui appartiennent aux DLCG, mais de caractéristiques qui pourraient constituer un obstacle à cette qualification.
19 C’est, en premier lieu, le cas de la formulation d’une disposition constitutionnelle. Il est possible d’en distinguer deux types. La première, de type subjective, vise les dispositions qui sont classiquement admises comme étant des droits. Celles-ci sont souvent rédigées sous la forme X a le droit de faire ou d’avoir A, « Y » devant s’abstenir d’entraver ce droit ou étant tenu à une action positive « Z » vis-à-vis de « X ». La seconde, de type objective, vise les dispositions qui sont rédigées sous la forme de Y a l’obligation de faire ou de ne pas faire Z, « Z » bénéficiant à « X ». Cette distinction permet de mettre au point le critère de la « formulation objective » de la disposition constitutionnelle. Il permet de se poser les questions suivantes : cette caractéristique – formulation subjective ou objective – est-elle neutre ou discriminante dans l’appréciation de l’appartenance aux DLCG ? La jurisprudence constitutionnelle accepte-t-elle l’invocabilité des deux types de formulations ou seulement des dispositions formulées de façon subjective ?
20 En second lieu, le fait qu’une disposition constitutionnelle soit qualifiée, soit par le juge, soit par la doctrine, de « principe » et non pas de « droit » ou de « liberté » pourrait également constituer un obstacle à son appartenance à la catégorie des DLCG. Tous les principes ne sont peut-être pas nécessairement des droits invocables en QPC. La question est donc de savoir si la qualification en tant que « principe » d’une disposition constitutionnelle est neutre ou discriminante du point de vue de son leur appartenance à la catégorie des DLCG.
21 Les critères de la formulation objective et de la qualification de « principe » s’ajoutent ainsi au premier critère, celui de la possibilité d’identifier un titulaire bénéficiant d’une permission. Ces trois critères, exclusivement juridiques, doivent ensuite être mis à l’épreuve de la jurisprudence afin de savoir s’ils sont effectivement suivis par le Conseil constitutionnel. Utilisés comme un étalon de mesure, cela permet de mettre au jour le manque de cohérence de la jurisprudence constitutionnelle dans l’appréciation des DLCG.
B – le manque de cohérence de la jurisprudence constitutionnelle vis-à-vis des critères identifiés
22 La confrontation de la jurisprudence constitutionnelle aux trois critères identifiés permet d’envisager la façon dont le juge constitutionnel apprécie la catégorie des DLCG. Si ces critères sont probants, alors cela implique que le juge constitutionnel suit, au moins, ces critères-là. Il apparaît en réalité qu’aucun de ces trois critères n’est décisif. La jurisprudence contredit chacun d’entre eux.
1 – L’identification possible de titulaires bénéficiant d’une permission
23 L’examen de ce premier critère implique de rapprocher d’une part l’appartenance d’une disposition constitutionnelle à la catégorie des DLCG et, d’autre part, l’identification possible de titulaires bénéficiant d’une permission, afin de savoir si ces deux éléments sont corrélés. Il est possible de distinguer deux cas de figure et de préciser un élément important.
24 Dans le premier cas de figure, on observe qu’une disposition constitutionnelle qui désigne explicitement un titulaire bénéficiant d’une permission est souvent considérée comme étant invocable. C’est le cas, par exemple, de la libre administration des collectivités territoriales. L’article 72 alinéa 3 de la Constitution dispose que « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences». Les collectivités sont le titulaire de la permission de s’administrer librement [47] et, logiquement, cette disposition appartient à la catégorie des DLCG [48]. Ce premier cas de figure n’est pas une surprise. Le titulaire comme la permission sont aisément identifiables [49].
25 Dans le second cas de figure, on observe, de façon plus surprenante, qu’une disposition constitutionnelle qui là encore, désigne explicitement un titulaire bénéficiant d’une permission n’est cette fois pas considérée comme étant invocable. Il en existe plusieurs exemples. Ainsi, l’article 1er alinéa 2 de la Constitution [50] ne fait pas partie des DLCG [51] alors qu’il prévoit la permission, pour les femmes et les hommes, de bénéficier d’un égal accès aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. Il en va de même pour l’article 72 alinéa 2 [52], pour la dernière phrase du troisième alinéa de l’article 72-1 [53] et pour le dernier alinéa de l’article 72-2 [54], alors même que ces dispositions énoncent des permissions au bénéfice des collectivités territoriales. Relève également du second cas de figure le refus du juge constitutionnel d’intégrer à la catégorie des DLCG le droit des citoyens de consentir à l’impôt [55], et cela alors que le texte de l’article 14 de la Déclaration de 1789 est particulièrement explicite [56]. Cette position, si elle s’explique, selon le commentaire officiel du Conseil constitutionnel, par le fait que « l’article 14 de la Déclaration est davantage tourné vers le respect des droits des parlementaires que vers celui des justiciables stricto sensu », contribue à invalider le critère de l’identification possible de titulaires bénéficiant d’une permission.
26 Par ailleurs, le fait que les titulaires, comme la permission, puissent être explicitement ou implicitement désignés par la disposition constitutionnelle impose une précision supplémentaire. Il arrive que le titulaire ne soit pas explicitement désigné par le texte mais puisse être identifié par le juge. On observe, là aussi, que la jurisprudence n’est pas cohérente. Selon les cas, la disposition constitutionnelle appartient ou non à la catégorie des DLCG. L’exemple des dispositions constitutionnelles relatives aux langues est intéressant de ce point de vue. L’article 2 de la Constitution qui dispose que « la langue de la République est le français » n’identifie explicitement aucun titulaire, pas plus qu’une permission. Le Conseil constitutionnel considère néanmoins cet article comme étant invocable dans le cadre de la QPC, le faisant ainsi entrer dans la catégorie des DLCG, et sanctionne l’absence de version officielle en langue française d’une disposition législative [57]. Il suggère ainsi l’existence d’une permission, dont les titulaires sont les citoyens, de disposer d’une version officielle en langue française d’une disposition législative. Derrière l’affirmation laconique de l’article 2 de la Constitution, le Conseil identifie des titulaires et la permission dont ils bénéficient. Cette décision peut être mise en perspective avec celle, antérieure, qui concerne les langues régionales. C’est ici qu’une certaine incohérence apparaît. L’article 75-1 de la Constitution, en disposant que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » est comparable à l’article 2 de la Constitution. Il n’y a ici aucun titulaire et aucune permission explicitement identifiés. Comme pour l’article 2, le Conseil aurait pu voir dans cette disposition constitutionnelle une permission, au bénéfice des citoyens, de voir les langues régionales préservées, du fait de leur appartenance au patrimoine national. Cela n’a pas été le cas puisqu’il a considéré que l’article 75-1 n’appartenait pas à la catégorie des DLCG [58]. On peut donc se demander ce qui explique cette variation [59]. Il nous semble que ces deux dispositions de la Constitution sont comparables du point de vue de leur appartenance à la catégorie des DLCG. Soit on considère qu’elles ne permettent pas d’identifier des titulaires et une permission, comme le fait Michel Verpeaux à propos de l’article 75-1 [60], et alors elles ne sont pas invocables, soit on considère l’inverse. Ainsi, la comparaison des deux décisions du juge constitutionnel montre qu’entre ces deux dernières, c’est l’audace interprétative du juge qui varie, et elle varie non pas en fonction du critère de la possible identification de titulaires bénéficiant d’une permission mais en fonction d’autres éléments que le juge n’explicite pas.
27 Par conséquent, le fait qu’une disposition constitutionnelle identifie, même explicitement, un titulaire bénéficiant d’une permission, ne permet pas de conclure qu’elle appartienne systématiquement à la catégorie des DLCG.
2 – La formulation objective
28 Le deuxième critère n’est pas plus décisif que le premier. L’examen de la jurisprudence montre que le fait qu’une disposition constitutionnelle soit formulée de façon objective – telle que Y a l’obligation de faire ou de ne pas faire Z, « Z » bénéficiant à « X » – ne permet pas d’exclure son appartenance à la catégorie des DLCG.
29 Cela est d’abord perceptible à propos du droit constitutionnel des collectivités territoriales. Si certaines dispositions formulées de façon objective ne sont pas invocables en QPC [61], d’autres, au contraire, appartiennent à la catégorie des DLCG. Il en va par exemple ainsi de l’alinéa 4 de l’article 72-2 de la Constitution selon lequel « tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ». L’État (Y) a l’obligation d’attribuer des ressources équivalentes en cas de transfert de compétences (Z), cette obligation bénéficiant aux collectivités territoriales (X). Or, le Conseil constitutionnel a accepté l’invocabilité de cet alinéa en QPC, de façon autonome par rapport à la libre administration des collectivités territoriales, le faisant ainsi entrer dans la catégorie des DLCG [62].
30 Il en va de même en ce qui concerne l’article 2 de la Constitution lorsque celui-ci dispose que « la langue de la République est le français ». L’État (Y) a l’obligation de publier une version officielle en langue française d’une disposition législative (Z), cette obligation bénéficiant aux citoyens (X). Cette disposition est invocable dans le cadre de la QPC [63], alors qu’elle n’est pas formulée de façon subjective.
31 L’article 66 de la Constitution, lequel prévoit que l’autorité judiciaire est « gardienne de la liberté individuelle», est dans une situation comparable. L’autorité judiciaire (Y) a l’obligation de garder la liberté individuelle (Z), cela bénéficiant à chacun (X). Cette disposition a été intégrée par le Conseil constitutionnel à la catégorie des DLCG [64].
32 En outre, le principe d’égalité devant les charges publiques est lui aussi formulé de façon objective, l’article 13 de la Déclaration de 1789 prévoyant qu’une contribution commune « doit être répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». L’État (Y) a l’obligation (Z) de répartir équitablement la contribution commune, cela bénéficiant aux citoyens (X). Cette disposition fait partie de la catégorie des DLCG [65]. D’autres exemples, assez proches, pourraient aussi être mentionnés à propos des alinéas 10 et 11 du Préambule de 1946 [66].
33 Par conséquent, le fait qu’une disposition constitutionnelle soit formulée de manière objective ne permet pas de conclure qu’elle ne puisse pas appartenir à la catégorie des DLCG [67].
3 – La qualification en tant que « principe »
34 Le dernier critère, celui de la labellisation d’une disposition constitutionnelle en tant que « principe », ne fait pas obstacle à l’invocabilité en QPC. Un « principe » peut appartenir à la catégorie des DLCG.
35 Il est utile à ce stade de faire écho à la distinction théorique opérée entre les règles et les principes. Les premières ont un contenu précis alors que celui des seconds est plus général. Cette distinction, mise en avant par Ronald Dworkin [68], est, selon Xavier Magnon, « trop binaire et ne permet pas de saisir toutes les nuances que sont susceptibles de contenir les énoncés normatifs [69] ». Au-delà, il faut insister sur « le fait que les principes n’imposent pas une conduite précise ne signifie pas qu’ils ne sont pas des normes [70] ». Ainsi, les principes « ne se distinguent des autres normes que par leur degré élevé de généralité ou leur caractère vague ou programmatique [71] ». En d’autres termes, la qualification de principe n’a rien à voir avec la positivité d’une norme, mais bien davantage avec son degré de généralité. Ce dernier peut-il constituer un obstacle à la qualification d’une disposition constitutionnelle en tant que DLCG ?
36 La jurisprudence permet de répondre à cette question. « Certains droits sont reconnus sous forme de principes [72] », comme la sauvegarde de la dignité humaine [73] ou la protection de la santé, et sont pour autant invocables en QPC. Le cas du principe d’égalité est particulièrement topique. En effet, les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 revêtent à la fois la forme d’obligations objectives à la charge du législateur [74] et ont un contenu particulièrement général. Pour autant, nul ne conteste que le principe d’égalité appartient à la catégorie des DLCG, comme l’a d’ailleurs admis le Conseil constitutionnel dès sa première décision rendue au titre du contrôle de constitutionnalité a posteriori [75]. Par conséquent, la circonstance qu’une disposition constitutionnelle soit qualifiée de « principe » ne permet pas de conclure qu’elle ne puisse pas appartenir à la catégorie des DLCG.
37 Au-delà de la qualification de « principe », le contenu général d’une disposition constitutionnelle n’est pas un obstacle à son appartenance aux DLCG. Le Conseil constitutionnel, lorsqu’il le souhaite, a l’audace de poser, par le biais de son interprétation, une norme d’application plus précise. Cela est encore plus clair à l’égard de droits « créés » par la jurisprudence constitutionnelle. En effet, certains droits et libertés « ne sont pas explicitement “consacrés” par la Constitution mais celle-ci les “garantit”, selon l’interprétation qu’en retient le juge constitutionnel [76] », comme par exemple la liberté d’association [77], l’indépendance des professeurs d’université [78], la dignité humaine [79] ou encore le droit à un recours juridictionnel effectif. Ce dernier, alors même qu’il ne figure pas explicitement à l’article 16 de la DDHC, est par exemple invocable dans le cadre de la QPC [80].
38 L’examen du troisième critère montre ainsi que non seulement la qualification de « principe » ne constitue pas un obstacle à celle de DLCG, mais encore que le juge constitutionnel n’hésite pas, lorsqu’il le souhaite, à interpréter les dispositions constitutionnelles pour dégager des droits, en identifier les titulaires et l’objet de la permission qu’ils contiennent.
39 En définitive, en plus d’être riche d’enseignements vis-à-vis du cas du principe de précaution, la confrontation de la jurisprudence constitutionnelle aux critères préalablement identifiés montre qu’aucun d’entre eux n’est systématiquement suivi ou au contraire rejeté par le Conseil constitutionnel. Il est donc possible d’affirmer, au regard de ces critères- là, le manque de cohérence de la jurisprudence constitutionnelle. Est-ce à dire que le juge ne suit aucun critère ? Probablement pas. Cela permet seulement d’écarter les critères qui ont été identifiés. Sur la base de ces trois critères juridiques, il n’est pas possible d’identifier une rationalité d’ensemble dans l’appréciation de la catégorie des DLCG. On est alors tenté d’avancer une thèse, celle de la prudence du Conseil constitutionnel [81]. Ainsi, les conséquences de la qualification d’une disposition constitutionnelle en tant que DLCG sont à ses yeux plus importantes que la rationalité de cette qualification [82]. Le Conseil dispose probablement de principes guidant son appréciation, mais selon les circonstances, il y renonce. Il anticipe la conséquence que pourrait avoir la qualification d’une disposition constitutionnelle en tant que DLCG, à savoir la multiplication possible des QPC déposées sur le fondement de cette disposition [83].
40 Cette thèse de la prudence est à mettre en perspective avec d’autres explications qui ont pu être avancées. La « ligne qui gouverne la QPC » n’est à notre avis pas le fait qu’il s’agisse d’une « une procédure visant à protéger les droits et libertés tournés vers le justiciable » [84], du moins pas seulement, et pas toujours. De même, l’idée selon laquelle la jurisprudence constitutionnelle « permet d’affirmer que le Conseil a retenu une interprétation souple de la notion de droits et libertés que la Constitution garantit [85] » est probablement trop simple. Il arrive en effet que le Conseil agisse de la sorte, mais un certain nombre d’exemples montrent également qu’il apprécie parfois strictement la catégorie des DLCG, et cela en fonction de critères qui restent à expliciter, mais qui relèvent probablement davantage de l’anticipation des conséquences que de la rationalité juridique.
41 Néanmoins, la prudence du Conseil constitutionnel a, à son tour, des conséquences. Il s’agit de la production d’une hiérarchie entre les dispositions constitutionnelles, non pas au plan juridique, mais au plan de leur effectivité. Selon que celles-ci sont invocables ou non en QPC, les citoyens peuvent, ou non, en revendiquer la violation devant le juge. Compte tenu du flou qui entoure la catégorie des DLCG, il semble possible d’affirmer que désormais, le Conseil choisit lui-même les normes qu’il protège en QPC, et cela en dehors de critères véritablement juridiques.
42 Le flou qui accompagne la façon dont est appréciée la catégorie des DLCG ne permet donc pas de répondre à la question de la qualification du principe de précaution, en raison de l’absence d’une définition jurisprudentielle de cette catégorie. Le travail du chercheur pourrait s’arrêter ici. Il peut également, par-delà ce travail de description et de critique de la jurisprudence, envisager la présence éventuelle d’obstacles conceptuels à la qualification du principe de précaution en tant que DLCG.
II – L’absence d’obstacles conceptuels à la qualification du principe de précaution en tant que « droit » garanti par la Constitution
43 Entreprendre de classer le principe de précaution au sein des « droits et libertés que la Constitution garantit» implique, à défaut de pouvoir dessiner avec certitude les contours de cette catégorie juridique à partir du droit positif et de la jurisprudence, de lever les obstacles conceptuels que pourrait rencontrer une telle idée. Ces derniers relèvent des « représentations mentales générales et abstraites d’un objet [86] », c’est-à- dire ici ce que l’on considère comme étant des normes juridiques [87]. Parmi ces représentations, on trouve, en doctrine, le concept de « droit » – fondamental, subjectif ou de l’Homme [88]. Il ne s’agit pas ici de discuter ce concept en tant que tel, mais d’y confronter notre objet, le principe de précaution. Cependant, cette entreprise impose nécessairement d’en retenir une définition.
44 Quel concept de « droit » retenir, tant ses formulations sont diverses selon les auteurs ? Si l’on s’en tient aux définitions de type formel [89], il est utile d’identifier, entre elles, des éléments communs [90]. C’est sur la base d’une définition large et, dans la mesure du possible, consensuelle, que l’on entend examiner le principe de précaution. Ainsi, nous retiendrons, par convention et à la suite de Cédric Roulhac :
La structure des « droits » est le plus souvent appréhendée comme une relation entre quatre voire cinq éléments : un titulaire (qui se voit donc attribuer la prérogative), un ou plusieurs obligés ou « débiteurs » (contre qui il peut la faire valoir), un objet (ce sur quoi porte le droit) et un contenu normatif (qui correspond au(x) comportement(s) qu’implique la réalisation du droit, de la part des débiteurs…). Ce à quoi certains ajoutent encore la « sanction », la garantie du droit : en somme les voies de droit pour obtenir qu’ils soient respectés [91].
46 C’est sur la base de ces cinq éléments qu’il devrait être possible de répondre à la question de savoir si le principe de précaution peut être qualifié de « droit » garanti par la Constitution. Si tel était le cas, alors, il n’y aurait pas d’obstacles conceptuels à ce que ce principe puisse être invoqué dans le cadre de la QPC.
47 Préalablement, il convient de préciser que l’hypothèse de l’« invocabilité conditionnée », c’est-à-dire par l’intermédiaire d’un autre droit ou liberté, ne mérite pas de développements très importants dans la mesure où elle ne pose pas de difficultés particulières. Ce type d’invocabilité n’est admis « que dans la mesure où la violation a pour conséquence d’affecter l’exercice d’un droit ou d’une liberté [92] ». Ainsi, certaines normes constitutionnelles sont invocables seulement en tant que leur « méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit [93] ». Cela semble être le cas du principe de précaution, à condition de pouvoir lui trouver un point d’ancrage au sein de la catégorie des DLCG [94]. Il pourrait bénéficier d’un fondement solide à travers le droit à l’environnement prévu par l’article 1er de la Charte de l’environnement. Le Conseil constitutionnel a reconnu l’invocabilité de ce dernier dans le cadre de la QPC [95]. Le principe de précaution pourrait être vu comme une garantie de ce droit [96], ce qui permettrait son invocabilité. En effet, la violation du principe de précaution induit la persistance possible d’un risque pour l’environnement. Si ce dernier se réalise, la dégradation de l’environnement qui en résulte porte atteinte au droit de chacun à l’environnement. Ce lien entre le droit à l’environnement et le principe de précaution est confirmé tout à la fois par les travaux préparatoires de la Charte de l’environnement [97] et par la doctrine [98]. Il serait dès lors possible d’admettre l’invocabilité en QPC du principe de précaution par le biais de l’article 1er de la Charte, comme cela a déjà été admis en ce qui concerne son article 6 [99]. En doctrine, cette possibilité est assez largement admise [100].
48 Mettre en évidence l’absence d’obstacles conceptuels à la qualification du principe de précaution en tant que « droit » garanti par la Constitution implique tout d’abord de montrer que ce principe est porteur d’une permission (A). Il dispose ensuite, comme les autres droits, de titulaires et de débiteurs, ce qui permet sa sanction devant le juge (B). Enfin, dès lors qu’il présente les attributs conceptuels d’un « droit » se pose la question de sa classification. Au-delà d’un principe, il est un droit mixte, à la fois liberté et créance (C).
A – un « droit » porteur d’une permission
49 L’article 5 de la Charte de l’environnement énonce le principe de précaution sous la forme d’une obligation [101]. Néanmoins, une obligation peut être vue comme équivalente à un droit contenant une permission (1). C’est implicitement le cas du principe de précaution (2).
1 – L’équivalence obligation-permission
50 Un droit est une permission [102], une faculté de faire ou de ne pas faire [103]. Cette permission implique nécessairement une obligation et inversement une obligation implique nécessairement une permission. Il y a une équivalence entre la permission (le droit) et l’obligation. Pour s’en convaincre, il est possible de raisonner à partir de la formalisation déjà proposée. Ici, « X » est le titulaire d’un droit, par exemple un citoyen, « Y » en est le débiteur, par exemple l’État, « A » en est l’objet et « Z » est son contenu normatif, c’est-à-dire la prescription d’une action vis-à-vis de « A ». Dès lors, ce que l’on considère sur le plan conceptuel comme constituant un « droit liberté » se présente sous la forme suivante. Si une norme obligatoire prévoit que « X » a la faculté de faire « A », alors « Y », qui dispose d’un pouvoir sur « A », a l’obligation « Z » de ne pas nuire à la réalisation de « A ». À l’inverse, si « Y » a l’obligation « Z » de ne pas nuire à la réalisation de « A », alors cela implique que « X » a la faculté de faire « A ». Dans le cas d’un « droit créance », cette formalisation devient la suivante : si une norme obligatoire prévoit que « X » a la faculté d’avoir « A » alors « Y », qui dispose d’un pouvoir sur « A », a l’obligation « Z » de réaliser « A ». À l’inverse, si « Y » a l’obligation « Z » de réaliser « A », alors cela implique que « X » a la faculté d’avoir « A ».
51 Cette équivalence n’est pas nouvelle. Hans Kelsen mettait en évidence la relativité de la distinction entre droit et obligation.
Le droit de l’un est l’obligation de l’autre, perçu du point de vue de celui pour qui l’obligation existe. C’est pourquoi l’on parle d’un « droit » au sens subjectif. […] « L’attribution de droits » dans tous les sens possibles du terme présuppose une obligation, c’est-à-dire un commandement. […] Si quelqu’un est obligé à un certain comportement vis-à-vis d’autrui, on dit qu’autrui a un droit à ce comportement. J’ai un droit à ce qu’autrui ne me mente pas parce qu’autrui est alors un reflet de l’obligation d’autrui à ce comportement [104].
53 On retrouve également cela en filigrane chez Jellinek. En effet, « la doctrine “classique” ne bornait pas la dimension des droits fondamentaux à leur seule qualité défensive [105] ». Etaient notamment distingués le status negativus en tant que garantie de la liberté de l’individu, et le status positivus, c’est-à-dire la « capacité juridiquement protégée d’exiger de l’État des prestations positives [106] ». Dans les deux cas, il existe une obligation. Elle est soit négative, soit positive. De la même manière, Ariane Vidal-Naquet précise :
Il est admis que des obligations négatives découlent des sources constitutionnelles des libertés, c’est-à-dire des obligations de ne pas faire pesant sur la puissance publique afin de préserver une sphère d’autonomie à la disposition des individus. […]. Mais des libertés appellent également, pour pouvoir se réaliser, une action de la puissance publique, lui imposant ainsi des obligations positives [107].
55 Dès lors que permission et obligation sont équivalentes, que l’on peut déduire une obligation positive à partir d’un droit, il n’y a, sur un plan théorique, pas de raison de ne pas pouvoir induire un droit, une permission, à partir d’une obligation positive.
2 – Une permission implicite
56 À partir du moment où une obligation positive d’adopter, dans certaines circonstances, des mesures de précaution est posée par l’article 5 de la Charte de l’environnement, cela induit implicitement une permission au bénéfice de chacun de vivre dans un contexte où des mesures de précaution sont prises lorsque cela est nécessaire. Ainsi, comme les autres droits, cet article implique une permission. Néanmoins, cette dernière se singularise par le fait qu’elle n’est pas explicite, mais seulement implicite.
57 L’article 5 de la Charte de l’environnement présente la structure suivante : « Y » a l’obligation « Z » de réaliser « A ». Dans le cas où certaines conditions sont réunies, les autorités publiques (Y) doivent veiller à la mise en œuvre (Z) de procédures d’évaluation des risques (A1) et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées (A2). Cette structure implique que « X » a la faculté d’avoir « A », c’est-à-dire que chacun (X implicite) a le droit de vivre dans un contexte où des mesures de précaution (A1 et A2) sont prises (Z) par les autorités publiques (Y) lorsque certaines conditions sont remplies.
58 Affirmer que l’obligation de précaution implique nécessairement un droit à des mesures de précaution n’est pas particulièrement original. En effet, selon Thomas Meindl, « il semble toujours possible de déduire un droit subjectif de dispositions objectives contraignantes [108] ». Rappelons qu’il s’agit d’une opération qui est déjà effectuée par le Conseil constitutionnel dans le cadre de l’appréciation des DLCG, que ce soit en ce qui concerne l’autorité judiciaire, la langue ou le droit constitutionnel des collectivités territoriales. La circonstance que le principe de précaution fasse l’objet d’une formulation objective dans l’article 5 de la Charte de l’environnement ne s’oppose donc pas à ce qu’il soit considéré comme un droit.
B – un « droit » ayant des titulaires et des débiteurs
59 L’article 5 de la Charte de l’environnement identifie explicitement des débiteurs (1), alors que les titulaires de la permission qu’il comporte restent implicites (2). Cela n’empêche pas ce droit de pouvoir être sanctionné devant le juge (3).
1 – Les débiteurs
60 Le débiteur d’un droit, c’est celui qui est obligé : il « désigne une personne tenue envers une autre d’exécuter une créance [109] ». Il est celui contre lequel les titulaires peuvent faire valoir la permission conférée par le droit.
61 L’article 5 de la Charte de l’environnement identifie clairement des débiteurs. Il s’agit des « autorités publiques ». Or, il est parfois considéré, sur le plan conceptuel, qu’un droit – subjectif – est celui « dont un individu pourrait exiger le respect vis-à-vis d’une personne physique ou morale, publique ou privée [110] ». Or, l’article 5 ne vise pas explicitement les personnes privées en tant que débitrices de l’obligation d’adopter des mesures de précaution. Cet élément compromet-il la qualification du principe de précaution en tant que droit ? Deux raisons conduisent à penser le contraire.
62 Il n’est d’une part, à ce stade, absolument pas certain que l’article 5 ne vise pas également implicitement les personnes privées. Selon Maryse Deguergue :
La circonstance que la Charte de l’environnement fasse peser l’exigence de précaution sur les seules « autorités publiques » n’exclut pas non plus une extension du principe par le juge en direction des décideurs privés qui sont aptes à déceler les risques et à prendre des actes de précaution [111].
64 À l’occasion de sa décision sur les OGM du 19 juin 2008, le Conseil constitutionnel a affirmé que les dispositions relatives au principe de précaution « s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif [112] ». Pour autant, il n’a pour l’heure pas exclu les personnes privées des débiteurs de l’article 5. Par ailleurs, la Cour de cassation a pu considérer que le principe de précaution, tel qu’il est formulé à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, était opposable aux personnes privées [113]. Son non-respect peut être constitutif d’une faute engageant la responsabilité de son auteur [114]. Il ne s’agit pas ici de l’article 5 de la Charte de l’environnement, mais cela montre que le principe de précaution peut, conceptuellement, être vu comme une obligation à la charge des personnes privées. Cela a été rendu possible en raison de la rédaction de l’article L. 110-1, lequel ne mentionne pas les débiteurs de l’obligation de précaution. Le silence du législateur a donc été décisif. Celui de l’article 5, qui n’a pas rejeté explicitement la qualité de débiteurs des personnes privées [115], pourrait également l’être dans le futur, d’autant plus que le Conseil constitutionnel a déjà reconnu l’effet horizontal d’autres dispositions de la Charte de l’environnement [116]. L’article 5 pourrait également être lu en combinaison avec l’article 2 de la Charte de l’environnement [117]. Or, cette « obligation de préserver l’environnement s’impose à tous [118] ».
65 D’autre part, dans le cas où les personnes privées ne seraient pas reconnues comme débitrices de l’obligation de précaution, cela ne constituerait pas un obstacle à la qualification de l’article 5 de la Charte de l’environnement en tant que DLCG. En effet, d’autres dispositions constitutionnelles ne visent pas des personnes privées comme débitrices d’une obligation et pour autant, ont été considérées comme invocables dans le cadre de la QPC. On pense notamment au droit à une vie familiale normale tiré de l’alinéa 10 du Préambule de 1946. Ce dernier fait partie des DLCG alors même qu’il fait de la seule « nation » le débiteur de ce droit [119].
2 – Les titulaires implicites
66 Le bénéficiaire est celui à qui est attribuée la permission. L’article 5 de la Charte de l’environnement n’en identifie pas explicitement. Néanmoins, cet article peut être lu de façon combinée avec l’article 1er au terme duquel c’est « chacun » qui bénéficie du droit à l’environnement. Les bénéficiaires du droit résultant de l’article 5 sont alors les mêmes que ceux du droit à l’environnement. Il s’agit de chacun, des personnes physiques. Philippe Billet explique ainsi :
C’est un véritable droit qu’ont les personnes à ce que ces autorités mettent « en œuvre des procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage », […]. Et au-delà de l’environnement, « équilibré et respectueux de la santé » dans lequel « chacun a le droit de vivre », comme le proclame l’article 1er de la charte […], c’est bien de santé et de sécurité des personnes dont il s’agit [120].
68 Certes, « les principes garantis par la Charte sont des règles générales dont l’objet n’est pas de protéger les intérêts particuliers de chacun mais de garantir une protection objective de l’environnement [121] ». Néanmoins, cette protection bénéficie individuellement à chacun. Ces droits ont un caractère collectif, mais la protection de l’environnement bénéficie à toute personne, y compris individuellement [122].
69 Au-delà des bénéficiaires, les titulaires d’un droit sont ceux auxquels on attribue
une permission qualifiée, l’habilitation de saisir le juge qui pourra annuler une norme valide fautive ou empêcher qu’un acte fautif devienne une norme valide, ou enfin sanctionner l’État auquel une norme ou un acte fautif serait imputable [123].
71 Ainsi, les titulaires du droit résultant de l’article 5 sont, parmi les personnes physiques, ceux qui sont habilités à saisir le juge. Or, de ce point de vue, le principe de précaution n’est pas différent d’autres droits garantis par la Constitution. Toute personne satisfaisant les conditions classiques de recevabilité peut saisir le juge et invoquer le principe de précaution, celui-ci étant, de surcroît, directement invocable.
3 – Un droit susceptible d’être sanctionné
72 Étant donné que les titulaires du droit résultant de l’article 5 de la Charte de l’environnement sont habilités à saisir le juge et peuvent invoquer ce droit, ce dernier est susceptible d’être sanctionné [124]. Il s’agit bien alors d’un droit « au sens subjectif » tel que l’entendait Hans Kelsen car la sanction résulte « d’une requête du sujet de droit lésé dans ses intérêts par l’inexécution de cette obligation » [125]. Ainsi, la condition conceptuelle selon laquelle « la concrétisation fautive d’une norme supérieure de permission (pour des classes universelles de bénéficiaires) par une norme inférieure entraîne la possibilité d’une sanction juridictionnelle [126] » est satisfaite. Tous les juges sont susceptibles de contrôler l’application du principe de précaution. Il est invocable en droit administratif, aussi bien à l’encontre des actes réglementaires [127], des actes individuels [128] que des actes mixtes [129]. Sa version législative est également directement invocable dans le cadre des contentieux entre particuliers [130].
73 Le principe de précaution présentant ainsi les attributs conceptuels d’un « droit », se pose la question de sa classification.
C – au-delà d’un principe, un droit mixte
74 À supposer que la classification des droits soit encore pertinente, ce dont on peut douter [131], il est possible de défendre que non seulement l’article 5 de la Charte de l’environnement ne présente pas nécessairement les attributs conceptuels d’un principe (1), mais aussi qu’il est un droit mixte, à la fois liberté et créance (2).
1 – Une norme en dehors de la catégorie des principes
75 Même si le concept de « principe » est difficile à saisir [132] et qu’il peut être envisagé sous plusieurs angles théoriques [133], on peut retenir que c’est leur degré de généralité et leur caractère vague qui les distinguent des règles [134]. Ainsi, pour Éric Millard, les principes « sont naturellement imprécis de telle manière qu’ils ne sont pas directement applicables et que la concrétisation suppose de les transformer en règles [135] ». Les principes ont, selon Ricardo Guastini, deux caractéristiques. D’une part, il s’agit d’une norme « fondamentale », notamment parce qu’elle « donne un fondement axiologique (une justification éthico-politique) à une pluralité d’autres normes appartenant au même système juridique» [136]. D’autre part, les principes sont des normes « structurellement indéterminées [137] ».
76 Le principe de précaution remplit probablement la première caractéristique mise en avant par Ricardo Guastini. Il peut être considéré comme le fondement éthico-politique d’autres normes, notamment des mesures de précaution adoptées pour son application. Ainsi, Maryse Deguergue rappelle que « pour certains auteurs, le principe de précaution est la figure emblématique des principes directeurs caractérisant l’âge post-moderne du droit positif mêlant droit, politique et morale [138] ». Sa dimension axiologique est prégnante.
77 En revanche, le principe de précaution ne remplit pas la caractéristique de l’indétermination de l’énoncé. Certes, comme tout énoncé, il n’échappe pas « à la nécessité de l’interprétation [139] », mais son contenu est loin d’être imprécis, en tout cas beaucoup moins que bon nombre d’autres droits garantis par la Constitution. Or, on sait que l’imprécision de l’énoncé peut être considérée comme « un prétexte, commode, qui permettrait surtout à certains juristes au sein de la doctrine de défendre l’idée d’une impossible réalisation juridictionnelle de certains droits [140] ». Jean Rivero considérait ainsi que « le “droit à un environnement protégé” se dilue, faute de précision, dans la quasi-impossibilité de cerner et de définir l’ensemble (des) facteurs » de pollution [141].
78 On l’a vu, l’article 5 de la Charte de l’environnement est susceptible d’application à des cas concrets. De ce point de vue, il correspond davantage à une règle qu’à un principe. En effet, il présente un véritable contenu normatif [142]. Il donne
une définition détaillée du principe précisant les conditions de sa mise en œuvre (incertitude scientifique quant à l’existence d’un risque, dommage grave et irréversible à l’environnement) et les conséquences qui doivent en être tirées (obligation pour les autorités publiques de déclencher un processus d’évaluation et de prendre des mesures provisoires et proportionnées) [143].
80 Ainsi n’est-il pas véritablement « défectible » au sens de Ricardo Guastini [144]. Il est à même de fonctionner comme la prémisse majeure du syllogisme juridique. Dès lors, il n’apparaît plus vraiment comme un principe.
2 – Un droit mixte, à la fois liberté et créance
81 Classifier les droits n’est pas nécessairement pertinent, notamment parce que tous les droits impliquent une obligation de l’État. En effet, « le critère de l’obligation positive ne caractérise les “droits-créances” qu’en tendance [145] ». Les droits-libertés impliquent aussi des obligations positives [146]. Néanmoins, cette circonstance « n’invalide pas l’existence d’une catégorie de droits ayant spécifiquement pour objet une obligation positive [147] », c’est-à-dire les droits-créances. Le principe de précaution apparaît tout à la fois comme un droit-liberté et un droit-créance.
82 Il est un droit-liberté en ce qu’il contribue à la liberté de vivre dans un environnement sain. Il oblige à des abstentions, à la fois de la part de l’État, mais aussi de la part de personnes privées. Il s’agit par exemple pour ces dernières de s’abstenir de mettre sur le marché des produits dont les effets sur l’environnement et la santé sont potentiellement dangereux, et pour les autorités publiques de s’abstenir de les autoriser ou de les produire elles-mêmes.
83 Le principe de précaution est aussi un droit-créance, au sens large du terme [148]. Ces derniers sont « ceux qui confèrent à l’individu une prérogative le rendant créancier de l’État, lequel est alors débiteur d’un certain nombre de prestations concrètes à son égard [149] ». Laurence Gay en distingue deux catégories : d’une part l’hypothèse dans laquelle « un droit est concrétisé ou, si l’on veut, une créance matérielle rendue opposable » et d’autre part, celle où « seules sont adoptées des mesures d’intérêt général dans un domaine constitutionnellement protégé, mais sans que l’individu se voit reconnaître un droit corrélatif à l’obtention d’un bien » [150]. Certes, le principe de précaution ne prévoit pas de droit à l’obtention d’un bien. Il ne peut donc pas être considéré comme un droit-créance au sens strict [151]. Néanmoins, au sens large, il peut être vu comme une prérogative rendant l’individu créancier de l’État. Par exemple, un individu peut engager la responsabilité administrative de l’État, ce dernier commettant une faute s’il s’abstient d’adopter une mesure que le principe de précaution commandait [152]. L’article 5 de la Charte de l’environnement implique des prestations concrètes de la part de l’État. Non seulement il commande « l’édiction de règles juridiques nouvelles pour anticiper des catastrophes futures au nom de la prudence [153] », mais aussi de prestations matérielles : la réalisation d’évaluations scientifiques, au besoin par les autorités publiques.
84 En guise de conclusion, deux principaux éléments peuvent être mis en évidence. D’une part, l’idée que l’appréciation de la catégorie des DLCG par le Conseil constitutionnel ne relève, a minima, pas uniquement de la rationalité juridique et, d’autre part, que sur le plan conceptuel, le principe de précaution peut être qualifié de « droit ».
85 La catégorie des DLCG fait l’objet d’une appréciation teintée de prudence. Il s’agit de la politique jurisprudentielle suivie par le Conseil constitutionnel. La stratégie institutionnelle du Conseil constitutionnel s’inscrit dans la « construction d’une image [154] » de défenseur des droits [155] et la QPC est l’un des instruments de cette construction [156]. Néanmoins, derrière l’image, l’analyse de la jurisprudence montre que le juge constitutionnel est soucieux des conséquences de la qualification de telle ou telle disposition constitutionnelle en tant que DLCG, notamment en termes d’ouverture des possibilités contentieuses au profit des requérants [157].
86 Cette analyse montre également la plasticité de la catégorie de « droit » sur le plan jurisprudentiel. Son analyse sur un plan conceptuel la confirme, mais, pour autant, le fait de retenir une définition large de ce concept n’empêche pas le principe de précaution de répondre à ses critères. Dès lors, sur le plan conceptuel, le principe de précaution peut être considéré comme un droit. Aucun élément décisif n’y fait véritablement obstacle. Alors qu’en 2005, Philippe Billet posait la question de savoir si, sous l’impulsion de la Charte de l’environnement, les principes du droit de l’environnement allaient disparaître [158], dix ans plus tard, il nous semble possible de considérer que la Charte de l’environnement a érigé les anciens principes du droit de l’environnement en droits garantis par la Constitution, et que ce mouvement concerne également le principe de précaution.
87 La qualification, sur un plan conceptuel, du principe de précaution en tant que droit garanti par la Constitution serait-elle remise en cause par une décision du Conseil constitutionnel rejetant cette qualification ? Probablement pas. Non seulement, « tout texte normatif est susceptible de plusieurs interprétations synchroniquement conflictuelles et diachroniquement changeantes [159] », mais surtout, les deux qualifications ne doivent pas être lues sur le même plan. Le Conseil constitutionnel est l’interprète authentique de la Constitution. Son interprétation est la seule à produire des effets juridiques, même si elle n’est pas la seule possible. En effet, une interprétation différente est toujours possible et elle enrichit la compréhension de l’interprétation authentique. En cas de divergence, l’analyse conceptuelle fournit des éléments qui permettent de comprendre la décision du juge. Versée à l’analyse du « calcul des défauts [160] », elle permet d’éclairer le raisonnement du juge. La doctrine, en mettant à la disposition de tous des éléments d’information, contribue à ce que le gardien soit mieux gardé par le constituant.
Notes
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[1]
1Julien Bétaille, Maitre de conférences en droit public, université Toulouse-I-Capitole.
. Article 191 TFUE (ex-article 174 du TCE). Cet article fait seulement une référence explicite au principe de précaution, sans en énoncer le contenu. -
[2]
Au moins en ce qui concerne les principales thèses de droit consacrées au principe de précaution en particulier, ou aux principes environnementaux en général. V. C. Castaing, La théorie de la décision administrative et le principe de précaution, Bordeaux, thèse, droit, dactyl., 2001 ; A. Gossement, Le principe de précaution : essai sur l’incidence de l’incertitude scientifique sur la décision et la responsabilité publiques, Paris, L’Harmattan, 2003 ; M. Boutonnet, Le principe de précaution en droit de la responsabilité civile, Paris, LGDJ, 2005 ; N. de Sadeleer, Les principes du pollueur-payeur, de prévention et de précaution, Bruxelles, Bruylant, 1999 ; G. Bonnel, Le principe juridique écrit et le droit de l’environnement, Limoges, dactyl., 2005 ; N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, Paris 1, dactyl., 2011.
-
[3]
CC, 11 octobre 2013, n° 2013-346 QPC, Société Schuepbach Energy LLC, § 20 ; Environnement, janvier 2014, p. 19, note P. Billet ; JCP G, 28 oct. 2013, n° 44, p. 1124, note L. Fonbaustier ; LPA, 2013, n° 253, p. 12, note O. Mamoudy ; Recueil Dalloz, 2014, p. 104, chron. F.-G. Trébulle.
-
[4]
Loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique (JORF du 14 juillet 2011 p. 12217).
-
[5]
En ce sens, v. A. Roblot-Troizier, « Les clairs-obscurs de l’invocabilité de la Charte de l’environnement », AJDA, 2015, p. 493.
-
[6]
« Est en tout état de cause inopérant le grief tiré de ce que l’interdiction pérenne du recours à tout procédé de fracturation hydraulique de la roche pour l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux méconnaîtrait le principe de précaution » (cons. 20).
-
[7]
En ligne sur le site internet du Conseil constitutionnel.
-
[8]
L’article 5 de la Charte de l’environnement n’est pas la seule norme constitutionnelle à propos de laquelle le Conseil constitutionnel a témoigné d’une certaine hésitation quant à la qualification (par ex., sur le principe de souveraineté nationale, CC, 2 juillet 2010, n° 2010-12 QPC ; 18 juillet 2014, n° 2014-407 QPC).
-
[9]
CE, 17 juin 2015, Association Plastics Europe, n° 387805. Les industriels du plastique considéraient que des dispositions législatives tendant à suspendre la commercialisation de tout conditionnement comportant du bisphénol A « portent à la liberté d’entreprendre une atteinte non justifiée par le principe de précaution énoncé par l’article 5 de la Charte de l’environnement ». Ce n’est pas la violation du principe qui était ici invoquée, mais celle de la liberté d’entreprendre.
-
[10]
CC, 17 septembre 2015, n° 2015-480 QPC, Association Plastics Europe.
-
[11]
A titre anecdotique, on rappellera que le Conseil constitutionnel a récemment pris le soin de publier sur son site internet une note dressant la liste des dispositions constitutionnelles qui ne sont pas invocables en QPC, c’est-à-dire qui n’appartiennent pas à la catégorie des DLCG (« Les normes constitutionnelles non invocables en QPC », mai 2015, site internet du Conseil constitutionnel).
-
[12]
V. P. Bon, « La question prioritaire de constitutionnalité après la loi organique du 10 décembre 2009 », RFDA 2009, p. 1107 ; L. Burgogue-Larsen, « Question préjudicielle de constitutionnalité et contrôle de conventionalité », RFDA 2009, p. 790 ; B. Mathieu, « La question de constitutionnalité : quelles lois ? Quels droits fondamentaux ? », LPA, 25 juin 2009, p. 7 ; P. Mbongo, « Droit au juge et prééminences du droit, Bréviaire processualiste de l’exception d’inconstitutionnalité », Recueil Dalloz, 2008, p. 2091 ; A. Roblot‑Troizier, « La question prioritaire de constitutionnalité devant les juridictions ordinaires : entre méfiance et prudence », AJDA 2010, p. 80 ; M. Verpeaux, « Question préjudicielle et renouveau constitutionnel », AJDA, 2008, p. 1879.
-
[13]
P. Mbongo, « Droit au juge et prééminences du droit, Bréviaire processualiste de l’exception d’inconstitutionnalité », Recueil Dalloz, 2008, p. 2091.
-
[14]
Plusieurs manuels dressent une liste des droits et libertés invocables (v. M. Disant, Droit de la question prioritaire de constitutionnalité, Paris, Lamy, 2011, n° 64 et s. ; C. Maugüe et J.-H. Stahl, La question prioritaire de constitutionnalité, Paris, Connaissance du droit, Dalloz, 2e éd., 2013, p. 150 et s.). Un autre fourni une analyse plus étayée (X. Magnon (dir), La question prioritaire de constitutionnalité, Paris, LexisNexis, 2e éd., 2013, p. 95 et s.).
-
[15]
V. O. Godard, « Le principe de précaution : renégocier les conditions de l’agir en univers controversé », Natures Sciences Sociétés, n° 1, 1998, p. 41 ; « Le principe de précaution, règle impérative ou principe possibiliste en appelant au jugement », Natures Sciences Sociétés, n° 2, 2000, p. 56 ; L. Boy, « La nature juridique du principe de précaution », Natures Sciences Sociétés, n° 3, 1999, p. 5 ; « Le principe de précaution : de la morale au droit », La Recherche, 1999, n° 326, p. 86.
-
[16]
G. J. Martin, « Précaution et évolution du droit », Recueil Dalloz, 1995, p. 299.
-
[17]
C. Cans, « Le principe de précaution : nouvel élément du contrôle de légalité », RFDA, 1999, p. 750 ; A. Rouyère, « L’exigence de précaution saisie par le juge », RFDA, 2000, p. 266 ; N. de Sadeleer, « Le principe de précaution : du slogan à la règle de droit », Droit de l’environnement, n° 77, 2000, p. 14.
-
[18]
Y compris chez un membre de la commission Coppens : v. Y. Jégouzo, « De certaines obligations environnementales : prévention, précaution et responsabilité », AJDA, 2005, p. 1164.
-
[19]
D. Chagnollaud, « Le principe de précaution est-il soluble dans la loi ? », Recueil Dalloz, 2004, p. 1103.
-
[20]
V. par exemple N. de Sadeleer, « Les avatars du principe de précaution en droit public : effet de mode ou révolution silencieuse ? », RFDA, 2001, p. 547. Des hésitations sont palpables jusque dans le rapport Coppens, à l’origine de la Charte de l’environnement (v. L. Benoît, « Le principe de précaution… reste un principe », Environnement, n° 4, 2005, p. 27).
-
[21]
Il était alors, dans l’ordre juridique interne, seulement présent à l’article L. 110-1 du code de l’environnement. Le Conseil constitutionnel avait refusé d’y voir un objectif de valeur constitutionnelle (CC, 27 juin 2001, n° 2001-446 DC, § 6).
-
[22]
Par la suite, Nicolas Huten a défendu l’idée qu’il est possible de considérer, sur la base d’un argument purement textuel, que la Charte ne contient que des droits et des devoirs, ce qui suggère que l’article 5 constitue un droit ou un devoir (La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., pp. 16 ; 19). L’article 1er de la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement ajoute au préambule de la Constitution de 1958 la mention « ainsi qu’aux droits et devoirs définis par la Charte de l’environnement ». Dès lors, la Charte ne comporterait que des droits et des devoirs. Néanmoins, il est aussi possible de considérer que la proclamation de l’attachement du Peuple français ne porte que sur les dispositions de la Charte qui comportent des droits et des devoirs, à l’exclusion des autres dispositions.
-
[23]
Par exemple, Bertrand Mathieu considère que « le juge ne devra pas faire un grand effort pour considérer que le principe de précaution est le support de droits constitutionnels » (B. Mathieu, « La question prioritaire de constitutionnalité : une nouvelle voie de droit », JCP G, 2009, n° 602, p. 68). Patrick Wachsmann considère quant à lui qu’il existe un « droit à ce que les autorités publiques prennent les mesures appelées par le principe de précaution » (P. Wachsmann, Libertés publiques, Paris, Dalloz, coll. Cours, 7e éd., 2013, p. 114). Marie-Anne Cohendet et Philippe Billet considèrent, eux aussi, que le principe de précaution est un droit garanti par la Constitution au sens de l’article 61-1 (v. M.-A. Cohendet, « Le droit répressif, quelles valeurs, quelles frontières ? », Revue juridique de l’environnement, n° spécial, 2014, p. 24 ; P. Billet, « QPC «Gaz de schiste» : la loi «Jacob» validée », JCP A, 28 avril 2014, p. 19.
-
[24]
N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., p. 472.
-
[25]
H. L. A. Hart, Le concept de droit, Bruxelles, Publications des Facultés Universitaires Saint Louis, 1961, trad. fr. M. van de Kerchove, 1976.
-
[26]
L’article 5 pose ainsi, selon Nicolas Huten, « deux séries de conditions concernant respectivement l’applicabilité et l’application du principe de précaution. L’applicabilité du principe est conditionnée par l’existence d’un risque de dommage “grave et irréversible”, menaçant “l’environnement” et dont l’existence même fait l’objet d’une “incertitude scientifique”. Quant à son application, elle n’incombe qu’aux “autorités publiques” et implique l’adoption de précautions “provisoires et proportionnées” ainsi que “la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques” » (N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., p. 472). Il faut néanmoins noter que le Conseil constitutionnel confond manifestement les conditions d’applicabilité du principe (caractère incertain du risque) et les conséquences de son application (l’obligation d’adopter des mesures provisoires). En témoigne la décision CC, 28 mai 2014, n° 2014-694 DC, Loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié. Dans cette affaire, soit le Conseil « avait juridiquement raison en sanctionnant la loi mais politiquement tort ; soit il avait politiquement raison, mais juridiquement tort » (H. Hoepffner, « Chronique de droit public », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2014, n° 45, p. 199). Il a choisi d’avoir raison politiquement.
-
[27]
E. Naim-Gesbert, « Physique de la précaution : l’écriture de trois théorèmes pour voir le principe autrement », Environnement, 2014, ét. 18, n° 4.
-
[28]
V. notamment X. Bioy, Droits fondamentaux et libertés publiques, Paris, Montchrestien, coll. Cours, 3e éd., 2014, p. 73 et s. ; V. Champeil-Desplats, « La notion de droit «fondamental» et le droit constitutionnel français », Recueil Dalloz, 1995, p. 323 ; S. Etoa, « La terminologie des «droits fondamentaux» dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », CRDF, n° 9, 2011, p. 23 ; L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, Paris, Dalloz, coll. Précis, 6e éd., 2012, n° 91 et s. ; L. Ferrajoli, « Théorie des droits fondamentaux », in M. Troper et D. Chagnollaud, Traité international de droit constitutionnel, t. 3, Paris, Dalloz, coll. Traités, 2012, p. 210 et s. ; O. Jouanjan, « La théorie allemande des droits fondamentaux », AJDA, 1998, p. 44 ; M. Levinet, Théorie générale des droits et libertés, Paris, Bruylant/LGDJ, coll. Droit & Justice, 4e éd., 2012, p. 115 et s. ; E. Picard, « L’émergence des droits fondamentaux en France », AJDA, 1998, p. 6 ; « Droits fondamentaux », in Dictionnaire de la culture juridique, Puf, 2003, p. 544.
-
[29]
V. B. Mathieu, « La question de constitutionnalité : quelles lois ? Quels droits fondamentaux ? », LPA, 25 juin 2009, p. 7.
-
[30]
Pour un retour sur ces débats, voir notamment M. Prieur, « Promesses et réalisations de la Charte de l’environnement », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2014, n° 43, p. 7.
-
[31]
On laissera de côté la question des rapports étroits entre « droits » et « libertés ». A cet égard, v. S. Hennette‑Vauchez et D. Roman, Droits de l’Homme et libertés fondamentales, Paris, Dalloz, coll. Hypercours, 2013, p. 7 ; X. Bioy, Droits fondamentaux et libertés publiques, Paris, Montchrestien, coll. Cours, 3e éd., 2014, p. 80.
-
[32]
La réponse est déjà connue, elle est positive : CC, 19 juin 2008, n° 2008-564 DC, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés ; RFDA, 2008, p. 1237, note A. Roblot-Troizier ; RFDC, 2009, p. 189, note A. Capitani ; V. Champeil-Desplats, « La Charte de l’environnement prend son envol aux deux ailes du Palais‑Royal », Revue juridique de l’environnement, 2009, p. 219.
-
[33]
La prudence est l’attitude d’esprit de celui qui prévoit, calcule les conséquences d’une situation, d’une action qui pourraient être fâcheuses ou dangereuses moralement ou matériellement, et qui règle sa conduite de façon à les éviter (entrée « Prudence » in Centre national de Ressources Textuelles et Lexicales : www.cnrtl.fr).
-
[34]
Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution (JORF du 11 décembre 2009, p. 21379).
-
[35]
CC, n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009.
-
[36]
Les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle de juillet 2008 ne permettent pas d’éclairer la notion de « droit » garanti par la Constitution de l’article 61-1. Le rapport du Comité Balladur ne développe pas cette question (Une Ve République plus démocratique, Paris, La Documentation française, 2007). Quant aux débats devant les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, aux débats en séance publique et aux débats au congrès, ceux-ci ne sont d’aucun secours, à l’exception du rapport de la Commission des lois de l’Assemblée nationale en première lecture qui précise que la mention des « droits et libertés que la Constitution garantit » « permettra de confronter la disposition (législative) à l’ensemble du contenu du “bloc de constitutionnalité” » (J.-L. Warsmann, rapport n° 892, 15 mai 2008).
-
[37]
Sans quoi il n’opèrerait pas un contrôle par rapport à cette disposition constitutionnelle.
-
[38]
V. W. Mastor, « La motivation des décisions des cours constitutionnelles », in S. Caudal, La motivation en droit public, Dalloz, 2013, p. 241.
-
[39]
V. notamment P. Cassia, « Le renvoi préjudiciel en appréciation de constitutionnalité, une « question » d’actualité », RFDA, 2008, p. 877 ; M. Fromont, « La notion de justice constitutionnelle et le droit français », in Mélanges Louis Favoreu, Paris, Dalloz, 2007, p. 163 ; B. de Lamy, « L’exception d’inconstitutionnalité : une vieille idée neuve », in G. Drago (dir.), L’application de la Constitution par les cours suprêmes, Paris, Dalloz, 2007, p. 139 ; F. Melin-Soucramanien, « Du déni de justice constitutionnelle en droit public français », in Mélanges Louis Favoreu, op. cit., p. 285.
-
[40]
O. Pfersmann, « Le renvoi préjudiciel sur exception d’inconstitutionnalité : la nouvelle procédure de contrôle concret a posteriori », LPA, 2008, n° 254, p. 103.
-
[41]
M. Verpeaux, « Question préjudicielle et renouveau constitutionnel », AJDA, 2008, p. 1879.
-
[42]
Sont ainsi exclues de la catégorie des DLCG, sans possibilité d’invocabilité conditionnée, les dispositions constitutionnelles relatives à la procédure d’adoption d’une loi (CC, 22 juillet 2010, n° 2010-4/17 QPC), l’exigence constitutionnelle de transposition des directives (CC, 12 mai 2010, n° 2010-605 DC ; 17 décembre 2010, n° 2010-79 QPC), l’incompétence positive du législateur (CC, 4 mai 2012, n° 2012-241 QPC) ou encore les alinéas 2 à 4 de l’article 13 de la Constitution relatifs au pouvoir de nomination du président de la République (CC, 12 octobre 2012, n° 2012-281 QPC).
-
[43]
O. Pfersmann, « Le renvoi préjudiciel sur exception d’inconstitutionnalité… », op. cit., p. 103.
-
[44]
P. Cassia, « Le renvoi préjudiciel en appréciation de constitutionnalité… », op. cit., p. 877.
-
[45]
X. Magnon (dir), La question prioritaire de constitutionnalité, Paris, LexisNexis, coll. Droit & Professionnels, 2e éd., 2013, p. 97.
-
[46]
X. Magnon (dir), ibidem, p. 98.
-
[47]
Sur la titularité des droits fondamentaux par les collectivités territoriales, v. L. Favoreu et A. Roux, « La libre administration des collectivités territoriales est-elle une liberté fondamentale ? », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 12, mai 2012.
-
[48]
CC, 2 juillet 2010, n° 2010-12 QPC ; 17 mars 2011, n° 2010-107 QPC ; 26 avril 2013, n° 2013-309 QPC.
-
[49]
C’est aussi le cas d’autres dispositions constitutionnelles comme le droit d’obtenir un emploi (CC, 4 février 2011, n° 2010-98 QPC), le droit à l’environnement (CC, 8 avril 2011, n° 2011-116 QPC) ou encore le droit à l’information et à la participation du public (CC, 14 octobre 2011, n° 2011-183/184 QPC).
-
[50]
« La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
-
[51]
Il n’est pas invocable en QPC (CC, 24 avril 2015, n° 2015-465 QPC).
-
[52]
CC, 26 avril 2013, n° 2013-304 QPC.
-
[53]
Elle dispose que « la modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi » et n’est pas invocable en QPC (CC, 2 juillet 2010, n° 2010-12 QPC).
-
[54]
Il dispose que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales » et n’est pas invocable en QPC (CC, 22 septembre 2010, n° 2010-29/37 QPC).
-
[55]
CC, 18 juin 2010, n° 2010-5 QPC ; 30 juillet 2010, n° 2010-19/27 QPC.
-
[56]
« Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de le consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
-
[57]
CC, 30 novembre 2012, n° 2012-285 QPC, § 12. Etait invoqué par les requérants l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi et l’article 2 de la Constitution. Or, on sait que cet objectif n’est pas invocable « en lui-même », mais seulement à l’appui d’un droit ou d’une liberté garantis par la Constitution (CC, 22 juillet 2010, n° 2010-4/17 QPC). Le Conseil constitutionnel a accepté de contrôler le respect de cet objectif. Dès lors, même si cela n’est pas explicitement mentionné dans les motifs de la décision, cela implique que l’article 2 de la Constitution selon lequel la langue de la République est le français est invocable en QPC, c’est-à-dire appartient à la catégorie des DLCG.
-
[58]
CC, 20 mai 2011, n° 2011-130 QPC.
-
[59]
Même si l’on sait que, du point de vue de la volonté du pouvoir de révision constitutionnelle, l’article 75-1 n’a pas une portée très importante.
-
[60]
M. Verpeaux, « Langues régionales et QPC : l’impossible dialogue », note sous CC, 20 mai 2011 n° 2011‑130-QPC, AJDA 2011 p. 1963.
-
[61]
Il en va ainsi de l’organisation décentralisée de la République posée par l’article 1er de la Constitution (CE, 15 septembre 2010, n° 330734), du dernier alinéa de l’article 72 sur le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales (CC, 23 novembre 2012, n° 2012-282 QPC) et de la dernière phrase de l’alinéa 3 de l’article 72-1 (CC, 2 juillet 2010, n° 2010-12 QPC)
-
[62]
CC, 18 octobre 2010, n° 2010-56-QPC, Département du Val-de-Marne, § 4 et 6 : en distinguant l’atteinte à cette disposition de celle de l’atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales et en acceptant de contrôler son respect dans le cadre d’une QPC, le Conseil constitutionnel a implicitement admis qu’il s’agissait d’un droit que la Constitution garantit au sens de l’article 61-1 de la Constitution. Cela avait d’ailleurs été explicitement affirmé par la décision de renvoi du Conseil d’Etat (CE, 19 juillet 2010, Département du Val-de-Marne, n° 340028). Par la suite, cela a été plus clairement suggéré par le Conseil constitutionnel. Selon ce dernier, il résulte de cette disposition que « lorsqu’il transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par l’État, le législateur est tenu de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert » (CC, n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et autres, § 12). En acceptant de contrôler le respect de l’article 72-2 al. 4, il admet son invocabilité dans le cadre de la QPC.
-
[63]
CC, 30 novembre 2012, n° 2012-285 QPC, § 12, op. cit..
-
[64]
CC, 30 juillet 2010, 2010-14/22 QPC.
-
[65]
Elle peut même être invoquée par les collectivités (CC, 29 juin 2012, n° 2012-255/265 QPC).
-
[66]
L’alinéa 10 prévoit que « la nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». Le Conseil constitutionnel considère, sur cette base, que le droit de mener une vie familiale normale est invocable en QPC (CC, 6 octobre 2010, n° 2010-39 QPC). L’alinéa 11 dispose que la nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Le droit à la protection de la santé est invocable en QPC (CC, 29 avril 2011, n° 2011-123 QPC).
-
[67]
Alors même que l’on aurait pu s’attendre au contraire. En effet, plusieurs dispositions constitutionnelles formulées de façon objective ne sont pas invocables en QPC, par exemple le second alinéa de l’article 1er de la Constitution (CC, 24 avril 2015, n° 2015-465 QPC) ou encore le dernier alinéa de son article 72-2 (CC, 22 septembre 2010, n° 2010-29/37 QPC).
-
[68]
R. Dworkin, Prendre les droits au sérieux, Paris, Puf, coll. Léviathan, 1996, p. 80.
-
[69]
X. Magnon, Théorie(s) du droit, Paris, Ellipses, coll. Universités Droit, 2008, p. 60.
-
[70]
M. Troper, Philosophie du droit, Paris, Puf, coll. Que sais-je ?, 3e éd, 2011, p. 75.
-
[71]
M. Troper, ibidem, p. 76.
-
[72]
X. Magnon (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité, op. cit., p. 97.
-
[73]
CC, 27 juillet 1994, n° 94-343/344 DC.
-
[74]
L’article 6 est formulé de la façon suivante : la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». L’article 13 dispose quant à lui qu’une contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».
-
[75]
CC, 28 mai 2010, n° 2010-1 QPC, § 10. Il admet aussi l’invocabilité de l’article 13 (CC, n° 2010-24 QPC du 06 août 2010, § 6).
-
[76]
Commentaire sous l’article 61-1 : Code constitutionnel, Litec, 2015.
-
[77]
CC, 17 juin 2011, n° 2011-138 QPC.
-
[78]
Par exemple CC, 6 août 2010, n° 2010-20/21 QPC.
-
[79]
CC, 30 juillet 2010, n° 2010-14/22 QPC.
-
[80]
CC, 23 juillet 2010, n° 2010-15/23 QPC.
-
[81]
Un autre signe de cette prudence est la pratique du flou et des réserves quant à l’invocabilité d’une disposition constitutionnelle. Par exemple, alors que le droit de grève était invoqué, le Conseil constitutionnel répond que les dispositions législatives contestées « ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte aux principes énoncés par le Préambule de 1946 » (CC, 14 juin 2013, n° 2013-320/321 QPC), cela sans préciser si le droit de grève est, ou non, invocable en QPC.
-
[82]
Cela rejoint partiellement l’idée de Véronique Champeil-Desplats selon laquelle « le Conseil fait preuve de pragmatisme institutionnel » (V. Champeil-Desplats, « Charte de l’environnement : La QPC bute sur l’incipit – A propos de la décision n° 2014-394 du 7 mai 2014 », La Revue des droits de l’homme, Actualités Droits-Libertés, n° 19).
-
[83]
Véronique Champeil-Desplats explique, à propos du rejet de l’invocabilité des alinéas précédant la Charte de l’environnement, que le CC « a vraisemblablement ici pris la mesure du vaste potentiel argumentatif ouvert par la généralité des alinéas introductifs de la Charte ». La solution s’explique ici par des « raisons de régulation du contentieux » (V. Champeil-Desplats, « Charte de l’environnement : La QPC bute sur l’incipit », op. cit., n° 20 et 21). Par ailleurs, à propos du moyen tiré de l’incompétence négative du législateur et de la décision n° 2012-254 QPC, certains auteurs considèrent que le durcissement de la position du Conseil constitutionnel quant à l’invocabilité de ce moyen s’explique en partie « par la volonté à la fois de contenir, sur un plan quantitatif, l’invocabilité du grief tiré de l’incompétence négative du législateur » (X. Magnon (dir), La question prioritaire de constitutionnalité, op. cit., p. 105).
-
[84]
X. Magnon (dir), ibidem, p. 105.
-
[85]
X. Magnon (dir), ibidem, p. 97.
-
[86]
« Concept », in Le Petit Robert.
-
[87]
Ce que l’on entend par « normes juridiques » est explicité dans notre thèse (v. Les conditions juridiques de l’effectivité de la norme en droit public interne, Limoges, thèse, droit, dactyl., 2012, n° 12).
-
[88]
Ces trois concepts sont tenus ici, pour des raisons pédagogiques, pour équivalents. A ce sujet, voir V. Champeil-Desplats, Méthodologies du droit et des sciences du droit, Paris, Dalloz, coll. Méthodes du droit, 2014, n° 523.
-
[89]
Sur la différence entre approches formelle et matérielle, v. X. Bioy, Droits fondamentaux et libertés publiques, op. cit., p. 76. On en reste ici aux définitions formelles dans la mesure où il ne nous est pas possible, en tant que juriste, de se prononcer sur les valeurs que sous tendent les droits. Or, l’approche matérielle suppose cette capacité.
-
[90]
Sans qu’il soit ici possible de recenser l’ensemble des définitions conceptuelles proposées en doctrine, on peut en rappeler quelques éléments importants. Par exemple, au terme d’un raisonnement très argumenté, Otto Pfersmann considère en substance que les droits fondamentaux sont les permissions qui sont reconnues au niveau constitutionnel ou conventionnel au bénéfice de toutes les personnes (bénéficiaires) et pour lesquelles il existe des organes habilités (titulaires) à saisir un organe juridictionnel de contrôle lui-même habilité à annuler des normes fautives, c’est-à-dire des normes inférieures abolissant ou limitant ces permissions (L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, op. cit., n° 86). D’autres définitions conceptuelles, même si elles sont moins complètes, nous semblent insister sur des points importants. Ainsi, selon Bertrand Mathieu, un droit subjectif, c’est celui « dont un individu pourrait exiger le respect vis-à-vis d’une personne physique ou morale, publique ou privée » (B. Mathieu, « Observations sur la portée normative de la Charte de l’environnement », CCC, n° 15, 2003, p. 246). Xavier Bioy insiste notamment sur l’idée que les droits fondamentaux sont des « droits individuels, exercés individuellement, exigibles de tous contre tous » (X. Bioy, Droits fondamentaux et libertés publiques, op. cit., p. 83). Quant à Jean Rivéro, il estime qu’un droit de l’homme suppose « la détermination exacte de son titulaire, la définition précise de son objet, l’identification de celui ou de ceux auxquels il est opposable, et enfin la possibilité d’une sanction propre à leur assurer le respect » (J. Rivéro, « Déclarations parallèles et nouveaux droits de l’homme », RTDH, 1990, p. 323).
-
[91]
C. Roulhac, « Introduction », La Revue des droits de l’homme, n° 7, 2015, n° 39.
-
[92]
X. Magnon (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité, op. cit., p. 123.
-
[93]
CC, 18 juin 2012, n° 2012-254 QPC.
-
[94]
Par le passé, un auteur avait tenté de rattacher ce principe à la liberté de l’article 4 de la Déclaration de 1789. Selon lui, celle-ci « implique pour son titulaire de prendre dans l’exercice de cette liberté les mesures de précaution qui s’imposent pour s’assurer de ne pas nuire à l’environnement, la santé ou la sécurité d’autrui, dont il doit pouvoir jouir librement » (C. Eoche-Duval, « Le principe de précaution et le juge constitutionnel français : la décision IVG du 27 juin 2001 », Droit de l’environnement, n° 92, 2001, p. 234). V. aussi G. Bonnel, Le principe juridique écrit et le droit de l’environnement, op. cit., 2005, p. 360.
-
[95]
V. CC, 8 avril 2011, n° 2011-116 QPC, décision dans laquelle le Conseil accepte de contrôler le respect des articles 1er à 4 de la Charte. Sa qualification en tant que « droit » avait été discutée (v. notamment M.‑A. Cohendet, « La Charte et le Conseil constitutionnel : point de vue », Revue juridique de l’environnement, n° spécial, 2005, p. 112-113 ; B. Mathieu, « La Charte et le Conseil constitutionnel : point de vue », Revue juridique de l’environnement, n° spécial, 2005, p. 131 ; « Observations sur la portée normative de la Charte de l’environnement », CCC, n° 15, 2003, p. 246 ; M. Prieur, « La Charte de l’environnement : droit dur ou gadget politique ? », Pouvoirs, n° 127, p. 62).
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[96]
Il serait également possible de considérer que le principe de précaution relève aussi de la mise en œuvre de l’obligation de vigilance dégagée par le Conseil constitutionnel à partir de l’article 2 de la Charte.
-
[97]
Selon Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteur du projet de loi constitutionnelle sur la Charte de l’environnement, « les nouvelles exigences constitutionnelles destinées à garantir l’exercice du droit à un environnement de qualité sont principalement des devoirs : préservation et amélioration de l’environnement (article 2), prévention (article 3), réparation (article 4), précaution, qui incombe aux autorités publiques (article 5) » (rapport à l’Assemblée nationale, n° 1595, 12 mai 2004, p. 41). De même, pour Patrice Gélard, également rapporteur, « l’article 1er (…) doit être interprété avec l’article 2 (…) comme le socle fondateur de la Charte de l’environnement dont le respect dépend des principes d’action posés aux articles suivants » (rapport au Sénat, n° 352, 16 juin 2004, p. 20).
-
[98]
Par exemple, pour Michel Prieur, « les principes sont directement conditionnés par le droit fondamental auquel ils se rattachent » (M. Prieur, « L’environnement entre dans la constitution », Droit de l’environnement, n° 106, 2003, p. 40). V. aussi N. de Sadeleer, Les principes de pollueur-payeur, de prévention et de précaution, op. cit., p. 337 ; M. Prieur, « Droit à l’environnement », Fasc. 360, Jcl Administratif, cote 03,2013, n° 5 et 33.
-
[99]
V. CC, 23 novembre 2012, n° 2012-283 QPC : l’article 6 n’est pas invocable « en lui-même », ce qui sous-entend la possibilité son invocabilité conditionnée.
-
[100]
Michel Prieur considère que l’article 5 de la Charte « énonce un droit à la précaution en tant que mise en œuvre du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » (M. Prieur, « Promesses et réalisations de la Charte de l’environnement », op. cit., p. 21). V. aussi L. Burgogue-Larsen, « Question préjudicielle de constitutionnalité et contrôle de conventionalité », op. cit., p. 787 ; K. Foucher, « La QPC, une chance pour la Charte de l’environnement », Nouveaux CCC, n° 39, 2013, p. 271 ; N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., p. 548 ; X. Magnon (dir), La question prioritaire de constitutionnalité, op. cit., p. 101 ; P. Mbongo, « Droit au juge et prééminences du droit, Bréviaire processualiste de l’exception d’inconstitutionnalité », op. cit., p. 2091 ; A. Roblot-Troizier, « Les clairs-obscurs de l’invocabilité de la Charte de l’environnement », op. cit., p. 493.
-
[101]
En ce sens, v. L. Benoit, « Le principe de précaution reste... un principe », Environnement, 2005, comm. 33 ; J. Bétaille, « Les obligations prudentielles : prévention et précaution », in C. Cerda-Guzman et F. Savonitto, Les 10 ans de la Charte de l’environnement, Paris, LGDJ, coll. Colloque & Essais, à paraître ; Y. Jégouzo et F. Loloum, « La portée juridique de la Charte de l’environnement », Droit administratif, 2004, chron. 5.
-
[102]
V. L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, op. cit., n° 86. Selon Le Petit Robert, permettre est synonyme de « donner le droit ».
-
[103]
P. Mbongo, « Droit au juge et prééminences du droit…», op. cit., p. 2091.
-
[104]
H. Kelsen, Théorie générale des normes, 1979, Paris, Puf, coll. Léviathan, 1996, pp. 179-180.
-
[105]
O. Jouanjan, « La théorie allemande des droits fondamentaux », AJDA, 1998, p. 44.
-
[106]
G. Jellinek, cité par Olivier JOUANJAN, ibidem, p. 44.
-
[107]
A. Vidal-Naquet, « Sources constitutionnelles des libertés », Jcl. Libertés, fasc. 20, 2007, n° 123.
-
[108]
T. Meindl, La notion de droit fondamental dans les doctrines et jurisprudences constitutionnelles françaises et allemandes, Paris, LGDJ, 2003, p. 292.
-
[109]
V. Donier, C. Magord, C. Marzo et M. Pichard, « Les débiteurs des droits sociaux », La Revue des droits de l’homme, n° 1, 2012, p. 388.
-
[110]
B. Mathieu, « Observations sur la portée normative de la Charte de l’environnement », op. cit., p. 246.
-
[111]
M. Deguergue, « Les avancées du principe de précaution en droit administratif français », RIDC, n° 2, 2006, p. 623.
-
[112]
CC, 19 juin 2008, n° 2008-564 DC, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés, op. cit..
-
[113]
Cass., 3e civ., 3 mars 2010, SA des eaux minérales de Vals c/ Di Mayo ; Revue juridique de l’environnement, 2010, p. 690, note S. Nadaud ; M. Boutonnet, « La Charte de l’environnement devant le juge judiciaire », Environnement, 2012, dossier 26.
-
[114]
M.-P. Camproux-Duffrene, « Chronique de droit privé de l’environnement, civil et commercial », Revue juridique de l’environnement, 2011, p. 374.
-
[115]
Même si les débats parlementaires sur la Charte de l’environnement montrent la volonté du constituant de ne pas faire peser le principe de précaution sur les personnes privées (v. N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., p. 535).
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[116]
Les deux premiers articles de la Charte s’imposent « à l’ensemble des personnes » (CC, 8 avril 2011, n° 2011-116 QPC, Michel Z., § 5). Le juge judiciaire utilise d’ailleurs conjointement l’obligation de vigilance – dégagée par le Conseil constitutionnel dans la QPC précitée – et l’obligation de précaution (v. CA Versailles, 27 oct. 2011, n° 09-01914).
-
[117]
Cela est déjà ce qu’ont fait certains juges du fond (par ex. TGI Lyon, 15 sept. 2009, n° 09/07385). V. N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., p. 562.
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[118]
M. Prieur, « Les nouveaux droits », AJDA, 2005, p. 1157.
-
[119]
Que ce soit en ce qui concerne l’autorité judiciaire, la langue ou le droit constitutionnel des collectivités territoriales, le Conseil constitutionnel admet que des dispositions constitutionnelles n’ayant pas pour débiteurs des personnes privées constituent des droits au sens de l’article 61-1 de la Constitution.
-
[120]
P. Billet, « QPC « Gaz de schiste » : la loi « Jacob » validée », JCP A, 28 avril 2014, p. 19.
-
[121]
N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, op. cit., p. 535.
-
[122]
L’alinéa 2 qui précède les articles de la Charte de l’environnement rappelle bien le lien de dépendance entre l’Homme et l’environnement en disposant que « l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ».
-
[123]
L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, op. cit., n° 107.
-
[124]
Le critère de la possibilité d’une sanction juridictionnelle n’est pas partagé par tous les auteurs lorsqu’il s’agit de définir les droits. Pour certains auteurs, « l’établissement d’un mécanisme de protection juridictionnelle ne semble pas conditionner l’existence d’un droit fondamental » (B. Mathieu et M. Verpeaux, Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, LGDJ, 2002, p. 12). Pour Luigi Ferrajoli, « la déclaration d’un droit fondamental (…) n’est pas, (…), «démentie», mais plutôt «violée» tant par la présence de normes contraires que par l’absence de garanties nécessaires ». « Sur le plan théorique, cela implique que l’absence de garanties (…) doit être considérée comme une lacune illégitime qu’il faut combler ». (L. Ferrajoli, « Théorie des droits fondamentaux », op. cit., p. 219). Cela traduit peut-être l’idée qu’une norme juridique n’est pas un droit fondamental à la condition de pouvoir être invoquée par ses titulaires et sanctionnée par un juge, mais elle doit pouvoir être sanctionnée de cette manière parce qu’il s’agit d’une norme juridique, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un droit fondamental.
-
[125]
H. Kelsen, Théorie générale des normes, op. cit., p. 179.
-
[126]
L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, op. cit., n° 103.
-
[127]
CE, 6 avril 2006, Ligue de protection des oiseaux, n° 283103.
-
[128]
CE, 19 juillet 2010, Association du quartier les Hauts de Choiseul, n° 328687.
-
[129]
CE, Ass., 12 avril 2013, Assoc. Coordination interrégionale Stop THT, n° 342409 (à propos d’une déclaration d’utilité publique).
-
[130]
Cass., 3ème civ., 3 mars 2010, SA des eaux minérales de Vals c/ Di Mayo ; Cass., 3ème civ., 18 mai 2011, n°10-17.645.
-
[131]
V. L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, op. cit., p. 126 ; S. Hennette-Vauchez et D. Roman, Droits de l’Homme et libertés fondamentales, Paris, Dalloz, coll. Hypercours, 2013, p. 14. M. Levinet, Théorie générale des droits et libertés, op. cit., p. 126 ; J.-F. Spitz, « Droits négatifs, droits positifs : une distinction dépourvue de pertinence », Droits, Puf, n° 49, 2009, p. 191.
-
[132]
V. S. Caudal, « Rapport introductif », in S. Caudal (dir.), Les principes en droit, Paris, Economica, coll. Etudes Juridiques, 2008.
-
[133]
V. G. Tusseau, « Métathéorie de la notion de principe dans la théorie du droit contemporaine », in S. Caudal (dir.), Les principes en droit, op. cit., p. 75.
-
[134]
M. Troper, Philosophie du droit, op. cit., p. 76.
-
[135]
E. Millard, « Précision et effectivité des droits de l’homme », La Revue des droits de l’homme, n° 7, 2015, n° 11.
-
[136]
R. Guastini, Leçons de théorie constitutionnelle, Paris, Dalloz, coll. Rivages du droit, trad. fr. V. Champeil-Desplats, 2010, p. 232.
-
[137]
R. Guastini, ibidem, p. 232.
-
[138]
M. Deguergue, « Les avancées du principe de précaution en droit administratif français », RIDC, n° 2, 2006, p. 623. Voir notamment N. de Sadeleer, « Les avatars du principe de précaution en droit public : effet de mode ou révolution silencieuse ? », RFDA, 2001, p. 547.
-
[139]
E. Millard, « Précision et effectivité des droits de l’homme », La Revue des droits de l’homme, n° 7, 2015, n° 9.
-
[140]
C. Roulhac, « Introduction », La Revue des droits de l’homme, n° 7, 2015, n° 20.
-
[141]
J. Rivéro, « Déclarations parallèles et nouveaux droits de l’homme », RTDH, 1990, p. 326.
-
[142]
Jean Rivero insistait notamment sur la nécessité d’un contenu précis, et d’un objet relevant du possible (J. Rivéro, ibidem, p. 325).
-
[143]
Y. Jégouzo et F. Loloum, « La portée juridique de la Charte de l’environnement », Droit administratif, 2004, chron. 5.
-
[144]
Selon lui, « une norme est défectible lorsqu’elle n’établit pas exhaustivement tous les faits conditionnant une conséquence juridique, ou lorsqu’elle n’énumère pas toutes les exceptions » (R. Guastini, Leçons de théorie constitutionnelle, op. cit., p. 233).
-
[145]
L. Gay, Les « droits-créances » constitutionnels, Bruxelles, Bruylant, thèse, droit, 2007, p. 17.
-
[146]
L. Gay, ibidem, p. 17.
-
[147]
L. Gay, ibidem, p. 17.
-
[148]
En ce sens, v. G. Bonnel, Le principe juridique écrit et le droit de l’environnement, op. cit., p. 233.
-
[149]
L. Gay, « Droits-créances », Jcl. Libertés, Fasc. 1100, 2009, n° 1.
-
[150]
L. Gay, Les « droits-créances » constitutionnels, op. cit., p. 269.
-
[151]
Selon Laurence Gay, « dans une première hypothèse, la disposition constitutionnelle vise à consacrer un droit de la personne à obtenir une prestation concrète, matérielle. (…). Dans un deuxième cas, en revanche, l’obligation positive réside dans le fait même que le législateur doive intervenir pour mettre en œuvre la norme constitutionnelle ». « A proprement parler, l’image du droit-créance ne vaut que pour le premier type de principes, ceux au fondement de droits à prestations matérielles. Dans ce seul cas, en effet, le texte constitutionnel pose le principe d’une créance (matérielle), rendue exigible dans le cadre des normes de concrétisation. Il s’agit donc de droits-créances «au sens strict» » (Laurence GAY, ibidem, pp. 350-351).
-
[152]
V. J. Bétaille, Les conditions juridiques de l’effectivité de la norme…, op. cit., n° 409.
-
[153]
M. Prieur, « Introduction », in Mondialisation et droit de l’environnement, CIDCE, 2002, p. 15.
-
[154]
V. Champeil-Desplats, « Le Conseil constitutionnel, protecteur des droits et libertés ? », op. cit., p. 12.
-
[155]
155. Sur cette question, v. notamment D. Lochak, « Le Conseil constitutionnel, protecteur des libertés ? », Pouvoirs, no 13, 1986, p. 41 ; « Les trompe-l’œil du Palais royal », Plein droit, n° 22-23, 1994, p. 8 ; G. Vedel, « Le Conseil constitutionnel, gardien du droit positif ou défenseur de la transcendance des Droits de l’homme », Pouvoirs, n° 45, 1988, p. 155 ; P. Wachsmann, « Des chameaux et des moustiques. Réflexions critiques sur le Conseil constitutionnel », in Billet d’humeur en l’honneur de Danièle Lochak, Paris, LGDJ, 2007, p. 279.
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[156]
156. Véronique Champeil-Desplats montre que « ni la hausse quantitative des décisions rendues, ni la mission confiée par un texte – fût-il de rang constitutionnel –, ne sont des paramètres suffisants pour se prononcer sur le sens de l’action du Conseil constitutionnel à l’égard des droits et libertés » (ibidem, p. 21).
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[157]
157. Au moment d’apprécier la qualification du principe de précaution au regard de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel pourrait également être amené à prendre en compte la circonstance que ce principe est susceptible, à l’avenir, d’être mieux protégé par le droit de la Convention européenne des droits de l’Homme. En effet, la Cour EDH déduit du droit à la vie (art. 2) et du droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8) l’obligation positive d’édicter des mesures préventives adéquates (Cour EDH, Grande Chambre, 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie ; GACEDH, n° 63 et Cour EDH, 22 mars 2008, Boudaïeva ; Revue juridique de l’environnement, 2010, p. 71, note S. Nadaud ; Cour EDH, 27 janvier 2009, Tatar ; Revue juridique de l’environnement, 2010, p. 62, note J.-P. Marguénaud). Elle pourrait demain faire la même chose à propos de mesures de précaution.
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[158]
158. P. Billet, « La Charte va-t-elle renouveler les principes du droit de l’environnement ou ceux-ci ont-ils disparu à l’exception d’un seul, le principe de précaution ? », Revue juridique de l’environnement, n° spécial, 2005, p. 231.
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[159]
159. R. Guastini, Leçons de théorie constitutionnelle, op. cit., p. 203.
-
[160]
160. V. O. Pfersmann, in L. Favoreu et al., Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, coll. Précis, 17e éd., 2014, n° 88.