Couverture de RFDC_099

Article de revue

Plaidoyer en faveur d'une réforme de l'article 40 de la Constitution

Pages 507 à 531

Notes

  • [1]
    Un premier pas est franchi avec le vote de la résolution Berthelot par la Chambre des députés le 16 mars 1900 : « aucune proposition tendant soit à des augmentations de traitement, d’indemnité ou de pension, soit à des créations de services, d’emplois ou de pensions ou à leur extension en dehors des limites prévues par les lois en vigueur, ne peut être faite sous forme d’amendement ou d’article additionnel au budget ». D’autres textes suivront tels que la résolution du 27 mai 1920, l’article 14 de la Constitution du 27 octobre 1958. Sur ce thème, B. Baufumé, Le droit d’amendement et la Constitution sous la Cinquième République, LGDJ, coll. Bibl. constitutionnelle et de science politique, t. 77, 1993, pp. 77-79.
  • [2]
    Sans qu’il semble y avoir eu de discussions particulières au sujet de cet article, on le retrouve dans l’avant-projet de constitution préparé à la mi-juin 1958, puis dans le projet d’articles relatifs au Parlement du 27 juin 1958, dans le compte rendu de la réunion du groupe de travail du 3 juillet 1958, etc.
  • [3]
    Comité national chargé de la publication des travaux préparatoires des institutions de la Ve République, Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, vol. II, La Documentation française, pp. 289-293.
  • [4]
    CC, décis. n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013, Loi organique portant application de l’article 11 de la Constitution, à paraître au JORF.
  • [5]
    Ces administrations publiques sont l’État (budget général, annexe, compte spécial ou fonds de concours) ; les organismes divers d’administration centrale (ODAC) ; les collectivités territoriales (communes, départements, régions), incluant ainsi les établissements publics de coopération intercommunale ; les administrations de sécurité sociale ; les organismes divers d’administration centrale (ODAC).
  • [6]
    CC, décis. n° 60-11 DC du 20 janvier 1961, Loi relative aux assurances maladie, invalidité et maternité des exploitants agricoles et des membres non salariés de leur famille, JORF, 24 janvier 1961, p. 982.
  • [7]
    CC, décis. n° 93-329 DC du 13 janvier 1994, Loi relative aux conditions de l’aide aux investissements des établissements de l’enseignement privés par les collectivités territoriales, JORF, 15 janvier 1994, p. 829.
  • [8]
    CC, décis. n° 75-57 DC du 23 juillet 1975, cons. 4.
  • [9]
    J. Arthuis, D. Migaud, « Réforme de la Constitution : supprimons l’article 40 », Le Monde du 16 mai 2008.
  • [10]
    P. Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, coll. Points Histoire, 1990, p. 42.
  • [11]
    V. le rapport d’information n° 401, fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l’application de l’article 40 de la Constitution, par M. Jean Arthuis au cours de la session 2007-2008, Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin 2008.
  • [12]
    CC, décis. n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, Loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, cons. 28.
  • [13]
    CC, décis. n° 2005-526 DC du 13 octobre 2005, Résolution modifiant les dispositions du règlement de l’Assemblée nationale relatives à la discussion des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, cons. 7.
  • [14]
    CC, décis. n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, cons. 12 et 13, Rec., p. 129.
  • [15]
    Rapport d’information n° 401, fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l’application de l’article 40 de la Constitution.
  • [16]
    V. le rapport d’information n° 401, op. cit., p. 28.
  • [17]
    Cette hypothèse est manifeste pour le projet de loi actuellement en débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes, le Sénat l’ayant amendé en faveur de groupes d’influence favorables à la situation du père de famille.
  • [18]
    Ainsi, par exemple, la réforme des retraites a été complétée par un amendement prévoyant l’obligation pour le Gouvernement de remettre un rapport sur le statut des stagiaires qui n’était pas évoqué dans le projet de loi, alors que de nombreux députés de la majorité souhaitaient accroître leurs droits.
  • [19]
    CC, décis. n° 76-64 DC du 2 juin 1976 Résolution tendant à modifier et à compléter certains articles du règlement du Sénat, JORF, 6 juin 1976, p. 3474.
  • [20]
    V. par ex. le projet de loi Égalité Femmes-Hommes, amendement n° 23 rect., 13 septembre 2013 présenté par M. Milon et Mme Kammermann (art. 14) ; projet de loi de finances pour 2014, amendement n° I-CF461 présenté par M. Goua et Mme Mazetier (art. 18). Ces deux amendements ont été rejetés.
  • [21]
    Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, Une Ve République plus démocratique, La Documentation française, Paris, 2008, p. 43.
  • [22]
    Cette révision constitutionnelle a déjà été envisagée. V. par ex. proposition de loi constitutionnelle n° 569 portant abrogation de l’article 40 de la Constitution, enregistrée à la Présidence du Sénat le 29 mai 2012, présentée par Mmes Nicole Borvo-Cohen-Seat, Marie-France Beaufils, Éliane Assassi, MM. Christian Favier, Éric Bocquet, Thierry Foucaud, Michel Billout, Mmes Laurence Cohen, Cécile Cukierman, Annie David, Michelle Demessine, Évelyne Didier, M. Guy Fische, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Michel Le Scouarnec, Mmes Isabelle Pasquet, Mireille Schurch, MM. Paul Vergès et Dominique Watrin.
  • [23]
    Depuis la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale du 27 mai 2009, la Conférence des présidents peut, sous certaines conditions, décider d’appliquer à un texte la procédure du « temps législatif programmé ». Cette possibilité a été ouverte par la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009, sur le fondement de l’article 44 de la Constitution dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
  • [24]
    Art. préc. M. Migaud enfonçait le clou en séance publique à l’Assemblée nationale puisqu’il indiquait le 23 mai 2008 : « pour soutenir l’abrogation de l’article 40, nous estimons que le droit d’amendement doit être exercé dans toute sa plénitude par l’ensemble des parlementaires ». Propos réitéré lors de la séance du 10 février 2010 à 15h00 sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, Discussion des articles : « Mes chers collègues, faute d’avoir su convaincre une majorité d’entre vous de supprimer l’article 40, comme nous l’avions proposé avec Jean Arthuis, je m’efforce d’appliquer cette disposition avec le discernement et la souplesse qui s’imposent. Je travaille, du reste, sur des assouplissements possibles de cette règle, dans le souci de favoriser... ».
  • [25]
    J. Rivero, « Rapport de synthèse », in Vingt ans d’application de la Constitution de 1958 : le domaine de la loi et du règlement, L. Favoreu (dir.), Aix-en-Provence, PUAM, 1978, p. 263.
  • [26]
    On pense par exemple à l’article 39 de la Constitution issu de la révision constitutionnelle de 2008 qui accorde à la Conférence des présidents de la première assemblée saisie, de refuser l’inscription à l’ordre du jour des projets de loi, s’il constate qu’il est dépourvu d’étude d’impact, à raison des obligations découlant de la loi organique 2009. Cette possibilité n’est pas utilisée par les deux chambres. Le Conseil constitutionnel accepte de contrôler l’erreur manifeste de l’étude d’impact dans le cadre d’un contrôle a priori de la loi, sachant qu’il ne censure jamais le texte sur cette base. V. CC, décis. n° 2013-667 DC du 16 mai 2013, Loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, JORF du 18 mai 2013 p. 8258.
  • [27]
    Le rapport précité de Jean Arthuis, en 2008, sur l’application par la commission des Finances de l’article 40 de la Constitution, est un bon exemple de la transparence des critères de l’irrecevabilité financière. Mais, tout d’abord, ces critères sont exposés dans le rapport de manière a posteriori et, d’autre part, ce type de rapport est exceptionnel – il intervient à la suite de la modification du Règlement du Sénat sur la procédure d’irrecevabilité financière.
  • [28]
    Proposition de résolution du Sénat, 29 avril 1976, p. 771.
  • [29]
    « Si les présidents successifs se sont toujours refusé à motiver leurs décisions, écrivait Christian Goux, ils n’ont jamais refusé d’en expliquer les motifs hors de la séance publique, lorsque l’auteur de l’amendement en cause le leur demandait et en séance publique lorsque l’affaire soulevait une question de principe ou en cas de changement de jurisprudence » (Revue française de finances publiques, 1989, n° 26, p. 75). Une telle motivation de fait est artificielle dans la mesure où elle ne garantit pas une véritable évaluation financière et ne peut servir à l’appui d’un recours devant le Conseil constitutionnel.
  • [30]
    Op. cit. pp. 84-85.
  • [31]
    Dans une version a minima, on pourrait admettre que la motivation soit transmise aux seuls parlementaires qui en font la demande auprès de la commission des finances.
  • [32]
    CC, décis. n° 77-82 DC du 20 juillet 1977, Loi tendant à compléter les dispositions du code des communes relatives à la coopération intercommunale et notamment ses articles 2, 4, 6 et 7, JORF, 22 juillet 1977, p. 3885 ; décis. n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984, JORF, 30 décembre 1983, p. 3875.
  • [33]
    CC, décis. n° 93-329 DC du 13 janvier 1994, Loi relative aux conditions de l’aide aux investissements des établissements d’enseignement privés par les collectivités territoriales, JORF, 15 janvier 1994, p. 829 ; CC, décis. n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de solidarité, JORF, 16 novembre 1999, p. 16962 ; CC, décis. n° 2003-476 DC du 24 juillet 2003, Loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l’âge d’éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat, JORF, 31 juillet 2003, p. 13038 ; CC, décis. n° 2002-464 DC du 27 décembre 2002, Loi de finances pour 2003, JORF du 31 décembre 2002, p. 22103. Cette règle a été précisée par le Conseil constitutionnel : le fait que, devant l’une des assemblées, la question de la recevabilité financière ait été soulevée en séance à l’encontre d’un amendement qui n’a pas été adopté ne permet pas de contester devant le Conseil constitutionnel les conditions d’adoption d’un amendement analogue déposé et adopté dans l’autre assemblée sans que, cette fois-ci, la question du respect de l’article 40 de la Constitution ait été soulevée en séance (CC, décis. n° 2012-654 DC du 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012 (II), cons. 65 à 67, JORF, 17 août 2012, p. 13496).
  • [34]
    En revanche, elle est la garantie de la discussion du texte en séance publique. Par ailleurs, la validation de la proposition ou de l’amendement devant le Conseil constitutionnel constituerait un moyen de pression supplémentaire pour imposer son texte au Gouvernement et aux autres parlementaires.
  • [35]
    Conseil d’État, rapport public 1991, De la sécurité juridique, Paris, La Documentation française ; rapport public 2006, Sécurité juridique et complexité du droit, Paris, La Documentation française.

1L’actuel article 40 de la Constitution du 4 octobre 1958 est incontestablement le produit des dérives du parlementarisme des précédentes Républiques et de la partitocratie qui régnait à cette époque, même si l’irrecevabilité financière des initiatives législatives parlementaires était déjà bien implantée dans le paysage institutionnel français depuis 1900 [1]. En ce sens, l’article 40 ne fait que confirmer une vieille préoccupation tendant à préserver les finances publiques. Dès le début du XXe siècle, l’irrecevabilité financière des propositions de loi ou d’amendement qui auraient pour conséquence une diminution des ressources ou une aggravation des charges de l’État, se trouve formulée dans les termes aujourd’hui en vigueur [2]. L’article 40 de la Constitution dispose, et ce dès 1958, sans qu’aucune modification ne soit intervenue depuis, que « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ».

2Un débat éclairant eut lieu lors de la réunion du Comité consultatif constitutionnel du 8 août 1958 [3], au cours duquel la question des limites de la recevabilité parlementaire en matière financière s’est posée avec une particulière acuité entre plusieurs participants, notamment Dejean, De Bailliencourt, Teitgen et Triboulet. Le premier présenta un amendement à l’irrecevabilité financière par la suppression de la référence à la diminution des ressources publiques, faisant valoir que l’on ne pouvait pas interdire aux parlementaires de diminuer la pression fiscale pesant sur les citoyens. Cette formulation constitutionnalisait selon lui l’impossibilité de diminuer la charge fiscale. Dans le prolongement de cette proposition, Pierre-Henri Teitgen proposa de remplacer l’expression « ressources publiques », par celle de « ressources budgétaires », restreignant ainsi le champ de l’irrecevabilité pour le Parlement.

3Comme le précisa le Commissaire du gouvernement Janot, la disposition contestée constitutionnalisait la loi dite « des maxima » prévue par l’article 14 de la Constitution de 1946. Mais, contrairement à cette loi qui autorisait le Parlement à compenser une augmentation de charge publique par une diminution des dépenses à due concurrence, la Constitution du 4 octobre 1958 a ôté aux parlementaires l’initiative de la dépense, en leur retirant toute possibilité de compensation en matière de dépense. Si aucune de ces propositions ne fut retenue, elles démontrent que les constituants étaient bien conscients de la réduction drastique de la maîtrise du Parlement en matière budgétaire.

4Le champ de l’article 40 de la Constitution est très étendu. La décision du Conseil constitutionnel n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 en étend la portée aux propositions de loi référendaire prévues à l’alinéa 3 de l’article 11 de la Constitution, confirmant ainsi que la procédure instaurée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 constitue un référendum d’initiative parlementaire, et non populaire [4]. Par ailleurs, les charges publiques visées concernent l’ensemble des administrations publiques entrant dans le calcul des déficits et de la dette publique [5]. Aucune compensation financière n’est autorisée entre les différentes administrations publiques, celles-ci étant prises en compte catégorie par catégorie.

5En revanche, dans le cas où les dispositions d’un projet de loi en discussion diminuent les ressources publiques, créent ou aggravent une charge publique, la recevabilité financière des amendements parlementaires s’apprécie par rapport aux dispositions du texte en discussion, et non au regard du droit en vigueur [6]. Dans cette optique, l’article 40 autorise toutes les propositions d’amendement qui vont dans le sens d’un moindre coût pour les finances publiques, par rapport au texte initial, même si ces amendements représentent la création d’une charge ou une perte de ressources non gagée. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel admet que la recevabilité financière d’un amendement sénatorial sur une proposition de loi issue de l’Assemblée nationale soit appréciée par rapport aux conclusions de la commission de l’Assemblée elle-même, sous réserve que cette référence se révèle plus favorable à l’initiative parlementaire que le texte transmis au Sénat [7].

6Le Conseil constitutionnel a résumé la portée de l’exigence constitutionnelle de l’article 40 de la Constitution, considérant que si elle

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apporte, en ce qui concerne les membres du Parlement, une limitation aux principes posés aux articles 39, alinéa premier, et 44, alinéa premier, de la Constitution, c’est en vue d’éviter que des dispositions particulières ayant une incidence financière directe, puissent être votées sans qu’il soit tenu compte des conséquences qui pourraient en résulter pour la situation d’ensemble des finances publiques [8].

8Le budget n’étant plus préparé par le Parlement mais le fruit du travail du pouvoir exécutif, notamment celui des cabinets ministériels, rien ne justifie une proposition législative ou un amendement qui bouleverserait le cadre financier défini par le Gouvernement.

9Le rôle du Parlement consiste à adhérer ou à s’opposer de manière mécanique au budget déposé par le Gouvernement, selon que l’on se trouve dans la majorité ou dans l’opposition. Paul Reynaud avait livré au moment des travaux préparatoires de la Ve République la prophétie suivante : « Les parlementaires vont devenir des économes devant un gouvernement dépensier » Les parlementaires sont devenus, selon les termes de Jean Arthuis et Didier Migaud, des « sages budgétaires [9] ». Or, comme le souligne Pierre Rosanvallon, le point de départ de la démocratisation des finances publiques peut être fixé à 1814, date à laquelle le Parlementvote pour la première fois dans l’histoire française le budget de l’État [10]. Peut-on encore considérer que le vote du budget par le Parlement relève d’un acte démocratique lorsque l’on connaît la marge de manœuvre dont il dispose ?

10Les faits ont changé, et l’installation durable du fait majoritaire a fini par déséquilibrer la séparation des pouvoirs en faveur du Président de la République. La discipline et la responsabilité sont désormais bien inscrites dans le fonctionnement parlementaire. Ainsi, par exemple, à l’Assemblée comme au Sénat, seuls 4 % à 8 % des amendements parlementaires sont déclarés irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution, ce qui représente un taux très faible [11]. Le problème du dépôt de propositions et d’amendements législatifs, s’il y en a un, ne se situe pas dans la question de leur recevabilité financière. Contrairement à une idée reçue, le droit d’amendement n’est pas utilisé d’une manière si abusive qu’on le présente. L’article 40 constitue surtout un moyen pour le Gouvernement de museler les initiatives parlementaires et de maintenir la majorité sous le joug de son autorité politique.

11Pourquoi revenir sur l’article 40 de la Constitution alors qu’il ne semble plus aujourd’hui d’actualité après la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui, contrairement aux recommandations du Comité Balladur, n’a fait aucune place à une modification du régime de l’irrecevabilité financière ? Au sein de l’Assemblée nationale, et c’est une originalité, des députés de la majorité actuelle se sentent brimés par les restrictions parfois peu objectives que constitue l’irrecevabilité financière. Or, ce sont habituellement les députés de l’opposition qui cherchent à limiter les effets de cette disposition constitutionnelle. Par ailleurs, depuis 2008, le nombre de propositions de loi n’a pas significativement augmenté, et les textes déposés constituent souvent des projets de loi déguisés en initiative parlementaire. De plus, une réflexion sur cet article permet d’effectuer un bilan mitigé de la révision du 23 juillet 2008, qui n’a pas conduit à replacer le Parlement au centre des institutions publiques.

12Avant de proposer les différentes modalités possibles d’une réforme de l’article 40 de la Constitution, il convient de rappeler très concrètement les dysfonctionnements qui résultent des usages de cet article. Outre son inefficience politique, l’application qui en est faite entraîne l’apparition de nombreuses incohérences (I) qui justifient un recours à une révision constitutionnelle ou, de manière moins ambitieuse, à une révision des Règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat (II).

I – Les dysfonctionnements relatifs à l’usage de l’article 40 de la constitution

13L’utilisation, par le Parlement comme par le Gouvernement, de l’article 40 de la Constitution, est à maints égards critiquable. Parmi les nombreux dysfonctionnements qui peuvent être relevés, deux méritent particulièrement de retenir l’attention. D’une part, l’irrecevabilité financière n’est pas appréciée de manière identique selon qu’elle est invoquée à l’Assemblée nationale ou au Sénat (A). D’autre part, le contrôle effectué ne semble pas fondé sur une évaluation rationnelle et objective de la part des autorités chargées d’y procéder (B).

A – L’irrecevabilité financière à géométrie variable à l’Assemblée nationale et au Sénat

14Si les réformes successives des Règlements parlementaires ont contribué à un rapprochement incontestable des procédures de contrôle effectuées par l’Assemblée nationale et le Sénat sur l’irrecevabilité financière, accroissant ainsi la lisibilité du droit parlementaire (1), la pratique au sein de chacune des deux chambres reste différente. En effet, l’article 40 de la Constitution fait l’objet d’une utilisation plus rigoureuse à la chambre basse qu’à la chambre haute, traditionnellement moins docile au Gouvernement (2).

1 – Le rapprochement des procédures de contrôle de l’irrecevabilité financière entre les deux chambres

15Jusqu’à une époque récente, l’usage de l’article 40 de la Constitution relevait d’une pratique différente au sein des deux assemblées parlementaires. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a contribué au rapprochement progressif des procédures parlementaires. Le Conseil a précisé que les procédures d’examen de la recevabilité financière d’un amendement, qui permettent de vérifier sa conformité à l’article 40 de la Constitution, doivent s’exercer au moment de son dépôt [12]. Depuis une proposition de résolution de 2005, l’Assemblée nationale procède à un contrôle préalable systématique dès le dépôt des amendements ou de la proposition [13]. Il est donc rare que des amendements financièrement irrecevables parviennentjusqu’à la discussion en séance publique. Avant la révision constitutionnelle de 2008, l’article 98 du Règlement de l’Assemblée nationale disposait que le Président pouvait refuser le dépôt d’un amendement dont l’irrecevabilité financière était évidente. En cas de doute, il prenait sa décision après avoir consulté le président ou le rapporteur général de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan ou un membre du bureau désigné à cet effet. À défaut d’avis, le Président pouvait saisir le Bureau de l’Assemblée.

16De son côté, le Sénat ne procédait pas à un contrôle systématique préalable, laissant au Gouvernement la charge d’invoquer l’article 40 de la Constitution. À l’origine, un amendement irrecevable pouvait être discuté dans l’hémicycle, la décision d’irrecevabilité intervenant en séance publique. Tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 14 décembre 2006 [14], le Sénat a mis en place un nouveau système de vérification de la recevabilité financière des amendements au regard de l’article 40 de la Constitution. Cette nouvelle procédure, applicable depuis le 1er juillet 2007, tend à déclarer, lorsqu’il y a lieu, l’irrecevabilité financière dès le dépôt de l’amendement. Ainsi l’article 28 du Règlement du Sénat prévoit-il que le président de la commission saisie au fond se prononce sur la recevabilité financière des amendements et propositions de loi. Quant à lui, l’article 45 dispose que « la commission des finances contrôle la recevabilité financière des amendements au regard de l’article 40 de la Constitution. Les amendements déclarés irrecevables ne sont pas mis en distribution ». Les deux chambres ont donc progressivement aligné leur contrôle sous l’influence de la jurisprudence constitutionnelle.

17Cet alignement a été renforcé par la révision de la Constitution du 23 juillet 2008, qui a entraîné une modification du Règlement de l’Assemblée par la résolution n° 292 du 27 mai 2009 et celui du Sénat par les deux résolutions du 27 mai et du 2 juin 2009 tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat. Cette révision constitutionnelle permet aux membres du Gouvernement d’assister de droit aux réunions des commissions parlementaires, depuis que les députés et sénateurs débattent en séance publique du texte issu de la commission, et non plus de la version du texte déposée par le Gouvernement devant l’une ou l’autre assemblée.

18Dans ce contexte, l’article 89 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit désormais que « Les dispositions de l’article 40 de la Constitution peuvent être opposées à tout moment aux propositions de loi et aux amendements, ainsi qu’aux modifications apportées par les commissions auxtextes dont elles sont saisies, par le Gouvernement ou par tout député ». L’irrecevabilité financière des propositions de loi et amendements est appréciée par le président de la commission et, en cas de doute, par son bureau. Le président de la commission peut, le cas échéant, consulter le président ou le rapporteur général de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire ou un membre de son bureau désigné à cet effet. Quant à la recevabilité des amendements déposés sur le bureau de l’Assemblée, c’est le Président qui apprécie s’il apparaît que leur adoption aurait les conséquences prévues par l’article 40 de la Constitution. En cas de doute, le Président consulte le président ou le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire ou un membre de son bureau désigné à cet effet, et à défaut d’avis, il saisit le Bureau de l’Assemblée.

19De même, selon l’article 45 du Règlement du Sénat, « Tout sénateur ou le Gouvernement peut soulever en séance une exception d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution ; l’irrecevabilité est admise de droit et sans débat si elle est affirmée par la commission des finances ou la commission des affaires sociales. Lorsque la commission n’est pas en état de faire connaître immédiatement ses conclusions sur l’irrecevabilité de l’amendement, l’article en discussion est réservé ». Si la commission estime qu’il y a un doute, le Gouvernement et l’auteur de l’amendement disposent de la parole durant cinq minutes pour expliquer la recevabilité de leur texte. Si le doute subsiste, l’amendement est renvoyé en commission, l’irrecevabilité étant tacitement admise lorsque la commission ne fait pas connaître ses conclusions sur la recevabilité avant la fin du débat.

20Ces nouvelles procédures rationalisent le régime de l’irrecevabilité financière mais font perdre de sa transparence au fonctionnement interne du Parlement en maintenant dans l’opacité les amendements qui sont déposés et écartés avant la séance publique. Par ailleurs, les spécificités du contrôle de l’irrecevabilité financière effectué par le Sénat se justifiaient par sa position originale dans le paysage institutionnel, la chambre haute n’ayant pas la compétence d’engager la responsabilité du Gouvernement, contrairement à l’Assemblée nationale. Malgré cette uniformisation progressive des procédures de contrôle entre les deux chambres, qui contribue à simplifier le droit parlementaire, des différences subsistent en pratique. Le Sénat continue d’utiliser l’article 40 de la Constitution d’une manière plus libérale que ne le fait l’Assemblée nationale.

2 – Le maintien d’une pratique différente de l’irrecevabilité financière entre les deux chambres

21Des amendements déclarés irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution à l’Assemblée nationale, sont parfois repris et adoptés auSénat. Ce fut récemment le cas pour les deux projets de loi sur la transparence de la vie publique ainsi que pour le projet relatif aux métropoles et à l’action publique. Ainsi, par exemple, la composition de la nouvelle Haute autorité pour la transparence de la vie publique n’a pu être modifiée à l’Assemblée alors que le Sénat l’a élargie à deux personnalités qualifiées. Les exemples de ce type sont innombrables.

22Par ailleurs, un avis défavorable du Gouvernement sur un amendement ou une proposition de loi entraîne presque ipso facto son retrait devant l’Assemblée nationale, voire sa déclaration d’irrecevabilité financière. Au contraire, les sénateurs maintiennent leur désaccord, et l’irrecevabilité financière reste étrangère à l’opinion émise par les membres du Gouvernement. Celle-ci peut même venir au soutien de la recevabilité financière d’un amendement sénatorial. Ainsi le sénateur Jean Arthuis, ancien président de la commission des finances du Sénat, rappelle-t-il, dans son rapport d’information sur l’application de l’article 40 [15], que les intentions politiques du Gouvernement peuvent être prises en compte, au-delà du texte en discussion. Aussi, lors de la discussion du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, en juillet 2007, concernant les amendements tendant à créer un contrôleur général et un corps de contrôleurs des prisons, le bureau de la commission des finances du Sénat s’est référé à l’intention du gouvernement d’adopter une mesure de ce type, clairement et formellement affirmée à deux occasions : « la première avait été le souhait exprimé par le gouvernement en Conférence des présidents de soumettre prochainement au Parlement un projet de loi sur la question ; la seconde avait consisté dans la déclaration de politique générale du Premier ministre. C’est sur ce fondement que les amendements concernés, bien que créateurs d’une charge publique nouvelle, ont été déclarés recevables » [16].

23Le Sénat continue d’interpréter l’article 40 dans un sens favorable à l’initiative législative, au contraire de l’Assemblée nationale, soumise plus fortement au fait majoritaire. Les usages divergents de cet article sont un vecteur significatif de l’indépendance du Sénat vis-à-vis du Gouvernement, et de l’Assemblée nationale elle-même. L’irrecevabilité financière est donc à géométrie variable selon la chambre concernée, cette situation démontrant la difficulté d’établir une évaluation objective du coût de l’amendement ou de la proposition de loi en cause. Le cap suivi dès l’origine par le Sénat est donc maintenu : l’article 40 de la Constitution doit être soulevé par le Gouvernement mais ne constitue pas un outil d’autorégulation du Parlement. La différence de traitement de l’irrecevabilité financière selon la chambre concernée est difficilement admissible dans un État de droit, d’autant qu’il s’agit ici d’interpréter une règle de nature constitutionnelle. La sincérité des évaluations financières semble mise en doute, et l’on peut s’interroger sur les critères réels de contrôle des propositions et des amendements législatifs. Il en résulte donc une insécurité et une instabilité juridiques.

24La pratique de l’article 40 de la Constitution bouleverse la séparation des pouvoirs. D’un côté, cet article contribue à affirmer l’indépendance du Sénat vis-à-vis du Gouvernement et de la majorité parlementaire. Cette séparation rigide entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, ainsi qu’en apparence au sein du pouvoir législatif lui-même, se combine dans les faits avec une séparation souple entre les deux chambres. En effet, d’un autre côté, l’Assemblée nationale use à son avantage de l’attitude des sénateurs. Les amendements déclarés irrecevables à l’Assemblée sont parfois transmis de manière informelle au Sénat, viales représentants des partis politiques, afin de faire amender un texte par la chambre haute, dans le sens originairement souhaité par la chambre basse. Une collaboration d’un genre particulier s’installe donc entre les deux chambres : le fait majoritaire ne permettant pas à l’Assemblée de s’opposer au Gouvernement, celle-ci incite le Sénat, plus indépendant, à modifier les projets de loi, grâce à un jeu d’alliances ou d’amitiés politiques. Les amendements préalablement rejetés à l’Assemblée et repris par le Sénat ne sont évidemment pas remis en cause en seconde lecture par la chambre basse qui en est l’auteur indirect. De tels comportements démontrent à quel point l’article 40 de la Constitution est lié au fait majoritaire et donc, à la soumission de la majorité législative au pouvoir exécutif.

25La divergence d’utilisation de l’article 40 entraîne une représentation politique composite selon que l’on se trouve à l’Assemblée ou au Sénat ; l’action des groupes de pression, des pétitions citoyennes ou bien des représentants syndicaux ou autres intérêts socioprofessionnels aura une incidence différente en fonction de la chambre devant laquelle elle a lieu. Dans ce contexte, le Sénat devient très perméable aux pressions des lobbies, alors que son travail est plus discret et opaque qu’à l’Assemblée. Sans que l’on puisse en démontrer la provenance exacte, certains amendements déposés par le Sénat en première lecture dénature le texte envoyé, et laisse présumer de l’influence de groupes de pression sur le travail législatif [17].

26Ces constats soulignent à quel point l’irrecevabilité relève d’une lecture subjective dont les véritables enjeux restent souvent opaques.

B – L’irrecevabilité financière sans évaluation rationnelle et objective

27Loin de faire l’objet d’une évaluation rationnelle, l’irrecevabilité financière est souvent contournée par certaines techniques expérimentées par les élus, qui marquent l’impuissance du Parlement à imposer ses visions politiques (1). Les usages de l’article 40 révèlent concrètement l’instrumentalisation politique des règles parlementaires. Cet article ne constitue pas toujours une limite objective à l’initiative parlementaire, mais représente aussi un élément du rapport de force entre le Gouvernement et le Parlement (2).

1 – L’apparition de modes de contournement de l’irrecevabilité financière

28Afin de contourner l’article 40 de la Constitution, les parlementaires ont recours à plusieurs techniques compensatrices, différentes selon qu’il s’agit d’aggraver une charge ou de diminuer les ressources publiques.

29Le texte de l’article 40 utilise le pluriel pour les ressources mais laisse le mot « charge » au singulier. Il en résulte des conséquences importantes : la création ou l’aggravation d’une charge publique ne peut être compensée par la réduction ou la suppression d’une autre charge. Au contraire, les ressources publiques peuvent être considérées de manière globale, de sorte qu’il suffit que l’amendement n’ait pas d’effet négatif sur leur montant. La distinction entre « aggravation de charge » et « diminution de ressource » étant parfois difficilement perceptible, les parlementaires jouent sur cette ambiguïté pour imposer un amendement ayant des conséquences financières.

30L’enjeu majeur résulte de la définition de « charge publique » : si, et seulement si, des dépenses dont l’objet est proche peuvent être considérées comme les composantes d’une même « charge publique », les parlementaires pourront augmenter l’une de ces dépenses s’ils réduisent dans le même temps les autres. La notion de charge publique recouvre une réalité plus large que celle des dépenses stricto sensu imputées aux personnes publiques, et englobe les droits que des tiers détiennent sur ces personnes ou les compétences qu’elles exercent et les missions dont elles s’acquittent. Selon la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), une charge correspond à une mission au sens budgétaire. Par conséquent, les parlementaires peuvent réduire les crédits d’un programme au profit d’un autre programme, à condition que ces mouvements n’entraînent pas de hausse globale des crédits affectés à la mission.

31Les auteurs des amendements ou propositions de loi aspirent toujours secrètement à voir leur texte récupéré par le Gouvernement. Cette récupération est le fruit de compromis politiques que le droit ne maîtrisepas : la légitimité d’un texte repose en partie sur la réputation et le pouvoir d’influence de son auteur. Or, si selon Jean Arthuis, les propositions de loi aggravant une charge publique ayant été gagée par une compensation en recettes sont communément admises selon une pratique constante et commune aux deux assemblées, c’est parce qu’au préalable, le Gouvernement a donné son accord au dépôt d’un tel texte, qu’il souhaite lui-même voir adopté.

32Dans le cas contraire, les parlementaires utilisent le système des rapports à échéance fixe. Plutôt que de déposer un amendement, sur un sujet non prévu par le projet de loi, qui sera nécessairement déclaré irrecevable, ils insèrent par amendement l’obligation pour le Gouvernement de rendre un rapport, le plus souvent dans un délai de 6 à 12 mois, sur le sujet qu’ils n’ont pu inscrire dans le texte en discussion. Cela leur permet d’interpeller le Gouvernement sur une question non prévue par le texte, de l’inciter à agir et d’anticiper sur une future réforme. Ce processus permet également de mobiliser l’opinion publique qui sera ainsi alertée aussi bien lors du vote du texte qu’au moment de la remise du rapport, cette occasion étant bien souvent relayée par les médias et le fruit de futurs débats. Bien entendu, on ne peut pas exclure la volonté d’affichage politique qui se cache parfois derrière cette technique, celle-ci permettant aux élus de démontrer leur bonne volonté aux électeurs de leur circonscription, sans bousculer les rapports de force avec l’exécutif. L’adoption d’amendement avec rapport à échéance fixe représente souvent l’échec des négociations du ou des élus avec le ou les ministres concernés. Ces discussions infructueuses aboutissent à un compromis en demi-teinte qui repousse une réforme parfois importante, mais impopulaire ou jugée non prioritaire pour le Gouvernement [18].

33Les parlementaires utilisent également la technique de la compensation financière pour imposer des amendements ou des propositions qui diminuent les ressources publiques. L’article 40 autorise en effet la compensation des diminutions de ressources publiques, sous certaines conditions. Il est donc possible de gager une diminution de ressources par une augmentation de ressources simultanée. Le Conseil constitutionnel exige que « la ressource destinée à compenser la diminution d’une ressource publique soit réelle, qu’elle bénéficie aux mêmes collectivités ou organismes que ceux au profit desquels est perçue la ressource qui fait l’objet d’une diminution et que la compensation soit immédiate [19] ». Ainsi arrive-t-il couramment qu’un amendement ou une proposition deloi prévoyant une baisse de ressources pour l’État dispose dans son dernier alinéa d’une augmentation des taxes sur le tabac : « La perte de recettes pour l’État résultant de […] est compensée à concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts [20] ». Cette compensation est appelée « gage » ; elle incite le Gouvernement à réagir en reprenant à son compte les amendements proposés ou déposés par les parlementaires. Lors de l’examen en séance publique, le gouvernement annonce parfois qu’il « lève le gage », impliquant ainsi qu’il dépose un sous-amendement retirant l’augmentation des taxes sur le tabac. Seul le gouvernement dispose d’une telle initiative, dans la mesure où la suppression du gage entraîne une réduction des ressources de l’État.

34Dans le même sens, la commission des finances du Sénat propose aux auteurs d’amendement créant un crédit d’impôt prévoyant a priori une restitution au-delà de l’annulation de l’impôt dû, d’ajouter une formule standard : « Cette disposition n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû ». Le crédit d’impôt devient ainsi une réduction d’impôt, le dispositif s’apparentant à une perte de recettes, susceptible d’être gagée, et donc recevable au regard de l’article 40 de la Constitution, et non plus comme une source supplémentaire de dépense, irrecevable sur le plan financier. En cas d’accord politique avec le gouvernement, un sous-amendement peut être déposé afin de supprimer la formule additionnelle, et de rendre au dispositif sa vocation originelle de crédit d’impôt.

35Ce type de proposition ou d’amendement atteint l’étape de la discussion en séance publique lorsque le Gouvernement a préalablement donné son accord au maintien du texte, sans quoi il sera le plus souvent retiré par les auteurs eux-mêmes. Dans ce contexte, l’article 40 de la Constitution constitue un moyen de trier politiquement les initiatives parlementaires.

2 – L’irrecevabilité financière, ou le tri politique des initiatives parlementaires

36L’article 40 de la Constitution est utilisé en marge des procédures parlementaires, de manière informelle, comme un moyen d’évacuer les amendements qui ne sont pas soutenus par le Gouvernement. À l’inverse, certains amendements parlementaires, alors qu’ils sont soutenus par le Gouvernement, sont pourtant déclarés irrecevables, sans qu’une motivation vienne justifier cette décision.

37Les négociations politiques restant secrètes, il n’est pas possible d’affirmer sans réserve que l’irrecevabilité financière est opposée sans évaluation, à la demande du Gouvernement. Toutefois, une telle hypothèse expliquerait certaines irrecevabilités qui ne semblent pas financièrement justifiées. Il est déjà arrivé qu’un même amendement déclaré irrecevable une première fois en commission mais représenté ensuite par un député en séance publique, soit finalement déclaré recevable la seconde fois après réexamen par la commission des finances. Cette situation ubuesque laisse à penser que l’article 40 de la Constitution constitue un moyen de trier politiquement les amendements parlementaires. À ce titre, le désaccord du Gouvernement entraîne à l’Assemblée nationale le retrait de l’amendement ; en cas de résistance du député, le ministre concerné soulèvera l’irrecevabilité financière du texte en commission.

38Il s’agit ici d’un retour aux origines de la Ve République dans la mesure où l’article 40 a été conçu comme un mécanisme du parlementarisme rationalisé, renforçant la maîtrise par le Gouvernement de la procédure législative. Si cette application de l’irrecevabilité financière n’est pas en soi contestable, elle ne doit pas être mise en œuvre en deçà des textes, d’une manière opaque et souterraine, et rester cantonnée dans le non-dit. Le rejet par le Gouvernement doit être explicitement mentionné, conformément à ce que prévoient les Règlements parlementaires.

39Par ailleurs, le recours à l’article 88 du Règlement de l’Assemblée concernant les amendements déposés avant la séance publique, mais après le travail en commission, constitue une solution hasardeuse pour les parlementaires tentant de faire passer un texte rejeté par le groupe majoritaire. Plutôt que d’encourir le risque d’une irrecevabilité financière, les députés déposent leurs amendements au dernier moment, après l’examen du texte en commission, ce qui leur donne une chance de le voir discuté en séance publique. Ce procédé, lorsqu’il est utilisé par un député de la majorité, n’est pas apprécié par les membres du Gouvernement, ni par les rapporteurs ou responsables des textes discutés au Parlement, ces derniers étant soit les porte-parole de la volonté gouvernementale, soit les gardiens de la ligne politique définie en collaboration avec les membres du cabinet ministériel et du ministre concernés. La cohérence et l’unité politiques exigent que le parti majoritaire présente le moins possible d’amendements nouveaux en séance publique, le tri devant être effectué préalablement en commission. Dans cette optique, l’article 40 de la Constitution représente un moyen politique de faire taire les récalcitrants.

40À l’inverse, il arrive que des amendements proposés par les parlementaires – le plus souvent les rapporteurs et responsables des projets de loi, et certains membres de la commission saisie au fond – soient déclarés irrecevables alors qu’ils sont soutenus par le Gouvernement. Cet état de fait n’est pas en soi choquant, sauf lorsque l’on sait qu’un soutien duGouvernement implique parfois de sa part une évaluation préalable de l’amendement proposé. Des amendements parlementaires soutenus par un ministre après évaluation de ses services ont déjà été déclarés irrecevables à la surprise aussi bien des parlementaires concernés que des membres du Gouvernement qui les avaient validés. Cette incompréhension mutuelle des acteurs publics démontre l’anomalie du fonctionnement de l’article 40 de la Constitution.

41L’absence d’objectivité apparente des modes d’évaluation de la recevabilité financière justifie une remise en cause du régime de l’article 40. Si le droit n’a pas pour fonction de tout régir, les règles de procédure parlementaire doivent éviter que la loi s’élabore en coulisse, à l’abri du regard de l’opinion publique. Ce comportement favorise les tractations souterraines, les luttes d’influence et accroît l’opacité des relations avec les groupes d’intérêts.

42Des solutions ont déjà été évoquées afin de limiter, plus d’ailleurs que de les supprimer, les dysfonctionnements liés à l’article 40 de la Constitution. Les avantages et inconvénients de la plupart de ces réponses doivent être dès à présent examinés afin d’en tirer les conséquences juridiques et d’en apprécier leur faisabilité politique.

II – Les réponses aux dysfonctionnements de l’article 40 de la constitution

43Plusieurs réponses aux dysfonctionnements résultant de l’application de l’article 40 de la Constitution ont déjà été évoquées, et ont parfois fait l’objet de propositions de résolution laissées sans lendemain. Il convient de les étudier et d’en proposer d’autres, qui seront soit plus logiques d’un point de vue strictement juridique, soit plus probable d’un point de vue exclusivement politique. Si la suppression de l’article 40 de la Constitution représente la solution la plus radicale (A), d’autres solutions modérées, plus conformes aux tendances politiques actuelles, peuvent être envisagées (B).

A – Une réponse radicale exigeant une révision de la constitution

44La solution la plus radicale consiste à réviser la Constitution dans l’optique de supprimer l’article 40 de la Constitution (1). Cela exigerait de prévoir de nouvelles modalités de contrôle au sein des deux chambres, afin de permettre au Gouvernement d’agir efficacement pour imposer ses propres vues (2).

1 – La suppression de l’article 40 C

45Le Comité Balladur avait proposé d’assouplir le régime de l’irrecevabilité financière de telle sorte que les amendements et les propositions des parlementaires ne soient irrecevables que lorsqu’ils entraînent une aggravation des charges publiques et non d’une seule charge publique : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit une aggravation des charges publiques [21] ». Les parlementaires pourraient donc compenser l’aggravation d’une charge par la diminution d’une autre. D’autres modifications partielles sont envisageables telles que la suppression de la référence aux propositions de loi et le seul maintien de l’irrecevabilité financière pour les amendements, ou bien l’inverse. De telles révisions constitutionnelles ne permettraient pas d’atteindre le but recherché d’un renforcement de l’initiative législative du Parlement. Une solution plus radicale et efficace consisterait à supprimer l’article 40 de la Constitution. Outre le vide qu’une telle réforme laisserait au milieu de la norme suprême, elle aurait politiquement peu de chance d’aboutir [22].

46Une telle révision constitutionnelle serait politiquement mal perçue à plus d’un titre. Et pourtant…

47Dans un premier temps, elle semblerait renouer avec les expériences parlementaires des régimes d’assemblée des IIIe et IVe Républiques. En effet, ces dernières ont connu une instabilité institutionnelle chronique qui les a transformées, dans la culture constitutionnelle française, en contre-exemples. Rappelons toutefois que les grandes lois républicaines sous l’égide desquelles nous vivons encore aujourd’hui ont été adoptées à cette période, constitutionnellement très féconde. L’absence de verrou constitutionnel à l’initiative parlementaire provoquerait un retour inexorable au parlementarisme d’antan. Les élus feraient valoir les droits des « bouilleurs de cru » de leur circonscription, installant une dérive financière et politique au cœur de la représentation nationale. Cela dit, il n’est pas exclu qu’une telle attitude soit entreprise par les membres du Gouvernement eux-mêmes, qui ont été ou sont encore des élus locaux, espérant parfois revenir dans leur circonscription à l’issue de leur mandat.Par ailleurs, la limitation du cumul des mandats évitera la multiplication de ces situations, en freinant les attitudes électoralistes. Les députés et les sénateurs s’apparenteront moins à des représentants d’intérêts catégoriels, dont ils seront davantage détachés qu’aujourd’hui, et plus à des garants de l’intérêt général. En somme, la suppression de l’article 40 de la Constitution se justifierait d’autant dans le contexte du non-cumul des mandats, qui laissera plus de temps aux parlementaires pour travailler sur les textes de nature législative et pour réfléchir à leurs impacts économiques et financiers.

48Dans un deuxième temps, une telle révision constitutionnelle offrirait de nouvelles prérogatives à l’opposition qui déposerait avec plus de facilité des propositions et amendements législatifs, et disposerait d’une meilleure visibilité au sein des médias. En effet, les propositions de loi déposées par l’opposition seraient plus facilement médiatisées et plus difficilement étouffées par la majorité. La suppression de l’article 40 de la Constitution pourrait constituer un nouvel outil de blocage parlementaire, comme l’a été jusqu’à la réforme du « temps législatif programmé » (TLP) la pratique des dépôts de centaines d’amendements pour bloquer le vote d’un texte. Toutefois, la TLP mise en place en 2009 [23] éviterait certainement de tels abus de droit, sachant par ailleurs que les groupes d’opposition et les groupes minoritaires déterminent l’ordre du jour dans des conditions restrictives. Seul un jour de séance par mois, précise l’article 48 de la Constitution, est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l’initiative des groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’à celle des groupes minoritaires.

49En somme, les réticences à la suppression de l’article 40 de la Constitution ne sont pas justifiées. Les comportements électoralistes font partie intégrante de la vie politique et l’instabilité du régime semble peu vraisemblable dans un contexte très ancré de fait majoritaire. Hormis, l’habitude, voire l’habitus, d’avoir un Président omniprésent disposant d’un Gouvernement docile dirigeant la majorité parlementaire, aucun argument ne permet d’affirmer la nécessité du maintien de cet article, sauf à admettre l’incompétence des élus, ce qui impliquerait tacitement une remise en cause du suffrage universel. Par ailleurs, la suppression de l’article 40 de la Constitution constituerait un gage efficace contre l’hyper-présidentialisation du régime de la Ve République et permettrait de rétablir un équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

50Bien entendu, la suppression de l’article 40 de la Constitution doit s’accompagner de gages constitutionnels, constituant des garde-fous aux dérives envisageables qui en résulteraient.

2 – Un contrôle des initiatives parlementaires

51La révision constitutionnelle ici envisagée doit s’accompagner de contrôles renforcés des conséquences financières des textes proposés.

52La suppression de l’article 40 de la Constitution n’exclut pas, bien au contraire, le maintien d’un contrôle interne au Parlement. Une telle réforme responsabiliserait les parlementaires en leur exigeant une évaluation financière de leur proposition de loi ou amendement, afin d’en déterminer la faisabilité politique et économique. D’une part, les propositions de loi contiendraient une véritable étude d’impact, exposant les effets attendus de la loi et leur coût de mise en œuvre. D’autre part, cela exigerait de recruter un personnel – attaché parlementaire, administrateurs, etc. – disposant d’une expertise qui est aujourd’hui largement centralisée au sein des cabinets ministériels et des administrations publiques. C’est à ce titre qu’une véritable évaluation du Parlement est possible, aussi bien pour les propositions ou amendements que pour le contrôle de l’action gouvernementale en général.

53Les textes d’initiative parlementaire seraient également soumis au contrôle d’une commission parlementaire restreinte composée de représentants de la majorité et de l’opposition, qui seraient contraints de motiver leurs avis, favorables comme défavorables. On pourrait aussi envisager le maintien du contrôle par la commission des finances, tout en prévoyant un renforcement de ses capacités d’évaluation et une obligation de motivation substantielle de l’avis rendu. Cela permettrait un double contrôle du coût économique et financier de la réforme projetée. Ce double filtrage limiterait les abus, notamment de l’opposition, en écartant de manière automatique les propositions ou amendements les plus manifestement illégitimes.

54La suppression de l’article 40 ne mettrait pas fin pour autant au fait majoritaire, de telle sorte qu’un contrôle politique du Gouvernement reste à prévoir. Les propositions ou amendements faisant l’objet d’un veto absolu de la part du pouvoir exécutif n’auraient aucune chance d’aboutir à un vote favorable dans l’hémicycle. De plus, la possibilité, renforcée depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, pour les membres du Gouvernement d’être présents au sein des commissions parlementaires lors des discussions et votes des lois et amendements maintiendrait une tutelle du pouvoir exécutif sur les parlementaires, principalement les députés qui ouvrent plus facilement la porte de leurs travaux en commission que les sénateurs. Or, dès la discussion en commission, les ministres font déjà connaître leur refus de voir adopter tel ou tel amendement. Lamarge de manœuvre du Parlement resterait donc encadrée par l’action gouvernementale.

55Toutefois, l’étau gouvernemental se desserrerait légèrement au profit d’une plus grande liberté d’action des parlementaires. Cela exigerait de les associer plus en amont aux travaux entrepris par le Gouvernement alors qu’aujourd’hui les parlementaires votent très souvent des textes déposés à l’Assemblée, clef en main. Une meilleure collaboration des pouvoirs législatif et exécutif serait ainsi nécessaire pour mettre en place des groupes de travail et imposer de nouvelles réformes. L’équilibre des pouvoirs s’en trouverait modifié à la marge, puisqu’il en ressortirait un régime de collaboration, sans que soient révisées les caractéristiques du régime parlementaire.

56Comme l’ont souligné deux présidents de commissions parlementaires des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat – Didier Migaud et Jean Arthuis – préalablement à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, seule la suppression de cet article 40 permettrait un réel renforcement des pouvoirs du Parlement [24]. Si la très conséquente révision de 2008 prétendait revaloriser l’institution parlementaire, il ne s’est finalement agi que de mettre en place quelques rustines, réparant de manière relative les excès du fait majoritaire. Comme le disait Rivero à propos des articles 34 et 37 de la Constitution, « La révolution n’a (avait) pas eu lieu [25] ».

57Certes, cette relativité résulte aussi du comportement des élus qui n’utilisent pas pleinement les nouvelles compétences dont ils disposent dorénavant pour s’imposer face aux « prérogatives exorbitantes » du Gouvernement [26]. Toutefois, si la suppression du verrou constitutionnelde l’article 40 permet de redonner concrètement aux élus un pouvoir d’initiative législative, encore faut-il que ce renforcement du Parlement soit souhaité par la majorité. Or, une partie de la doctrine et de la classe politique préférerait que le Parlement se cantonne à un rôle de contrôle du Gouvernement et, éventuellement, d’évaluation. Or, la suppression de l’article 40 de la Constitution constituerait également un moyen d’instaurer une évaluation efficace des pouvoirs publics au Parlement, en prévoyant d’associer aux travaux législatifs des experts et personnes compétentes ainsi qu’en les responsabilisant.

58Avant de réaliser cette révision constitutionnelle, des étapes préalables sont envisageables, afin de limiter les dysfonctionnements de la procédure d’irrecevabilité financière des initiatives parlementaires.

B – Des réponses modérées exigeant une modification du règlement des assemblées

59La déclaration d’irrecevabilité financière d’une proposition de loi ou d’un amendement n’est pas motivée (1) et ne peut faire l’objet d’aucun recours (2). Avant d’entreprendre une révision de la Constitution qui, dans le contexte politique actuel, notamment au Sénat, aurait peu de chance d’aboutir, un premier progrès consisterait à combler ces deux lacunes de l’état du droit.

1 – La motivation de l’irrecevabilité financière

60Une réforme minimale consisterait à motiver les déclarations d’irrecevabilité financière des propositions ou amendements parlementaires.

61L’utilité de la motivation serait avérée à condition que des critères d’évaluation soient préalablement définis [27]. En effet, il faut poser de manière a priori les règles du jeu pour que la motivation prenne tout son sens : quel type de compensation est autorisé, de quelle manière doit-on présenter une compensation financière, etc.?

62La question de la motivation a déjà fait l’objet de résolutions par les deux assemblées qui n’ont finalement jamais été adoptées [28]. Or, les différentes anomalies dans l’application de l’article 40 de la Constitution démontrent à quel point une motivation de fait est insuffisante pourgarantir l’évaluation financière [29]. Contrairement à l’opinion de Bruno Baufumé, selon lequel les règles du jeu ne seraient pas clandestines [30], l’évaluation financière des propositions et amendements ne paraît pas suivre des règles objectives de calcul, définies a priori, mais plutôt une logique politique et partisane. La rédaction de rapports à l’Assemblée nationale établissant les règles du jeu du contrôle de l’évaluation financière ne change rien à cette situation dans la mesure où elle ne permet pas d’établir une corrélation entre les règles présentées et les contrôles effectivement opérés. Au contraire, l’obligation de motiver les décisions issues de l’article 40 permettrait aux députés ou aux sénateurs, d’une part, de comprendre la décision et, d’autre part, de modifier leurs propositions ou leurs amendements afin de les rendre compatibles avec les dispositions constitutionnelles. La motivation permettrait également de déceler les difficultés rencontrées en garantissant le respect par l’évaluation effectuée de critères de contrôle prédéfinis [31].

63Le principe de la motivation est en soi insuffisant, et son contenu doit être précisé. La motivation doit installer un dialogue entre l’auteur de la proposition ou de l’amendement qui justifie toujours son texte, et la ou les personnes chargées de le contrôler, confirmant ou infirmant les justifications et les conséquences financières exposées par l’auteur. Elle doit faire place à une analyse financière technique, exposant les référents, références et axiomes de l’évaluation et doit comporter aussi bien des calculs que des explications simples, accessibles et en même temps techniques, des opérations et raisonnements retenus. Cela suppose de s’entourer de personnes compétentes, ce qui modifierait le mode de travail du pouvoir législatif. Cette modification constituerait sans aucun doute un atout en transformant le rôle du Parlement, celui-ci constituerait à terme, dans une perspective plus large, un évaluateur fiable et incontournable de l’activité politique.

64Cette orientation va dans le sens du renforcement de la fonction de contrôle et d’évaluation du Parlement, souhaitée par le constituant en 2008. La motivation des décisions d’irrecevabilité s’apparenterait à une première étape vers une meilleure évaluation alors que celle-ci reste aujourd’hui superficielle au sein du Parlement car, d’une part, les moyens attribués à cette fonction sont faibles, notamment pour le Comitéd’évaluation et de contrôle des politiques publiques qui limite souvent son propre travail à la récupération et à la compilation de rapports produits par des instances tierces, et, d’autre part, le Parlement ne dispose pas, contrairement aux cabinets ministériels, d’experts en nombre suffisant pour procéder à une véritable évaluation des politiques publiques. Il conviendrait, au Parlement et non pas seulement au seul Gouvernement, de recourir de manière récurrente à des personnes compétentes pour évaluer aussi bien financièrement, économiquement que sociologiquement, juridiquement… les réformes envisagées. L’initiative parlementaire acquerrait alors une légitimité renforcée.

65L’obligation de motivation pourrait s’effectuer par l’adoption, dans chacune des deux chambres, d’une proposition de résolution, une révision constitutionnelle n’étant pas nécessaire. En effet, le risque d’inconstitutionnalité de l’insertion de l’obligation de motivation semble faible, celle-ci ne pouvant être regardée comme une restriction au droit d’amendement du Parlement, ou l’instauration d’une condition supplémentaire à l’application de l’article 40 de la Constitution, non prévue par cette dernière. Elle constitue plutôt une modalité procédurale accessoire qui ne réduit ni l’initiative législative, ni le contrôle du Gouvernement ou du Parlement sur l’irrecevabilité financière.

66Afin d’être effective, la motivation doit pouvoir être contrôlée et, éventuellement contestée. Une motivation trop succincte, qui ne permettrait pas de connaître précisément le calcul effectué, serait alors contestée dans un premier temps devant l’auteur de l’irrecevabilité, constituant une sorte de recours gracieux, avant d’être portée ensuite, en cas d’absence de réponse ou de réponse insuffisante, devant le Bureau de l’assemblée ou un autre organe parlementaire tel que la Conférence des Présidents. Le caractère manifestement dérisoire de la motivation entraînerait automatiquement la recevabilité de la contestation. Il s’agit ici de contester la motivation et non l’irrecevabilité, celle-ci pouvant également faire l’objet d’un recours distinct.

2 – Un recours contre la déclaration d’irrecevabilité

67Avant d’envisager l’hypothèse d’un recours contre la déclaration d’irrecevabilité, la relation entre l’auteur de l’amendement ou de la proposition et la commission des finances devrait être améliorée. Dans son rapport précité, Jean Arthuis précise que l’auteur de l’amendement irrecevable est immédiatement prévenu, par téléphone, et un mail lui est adressé par la commission exposant les raisons de l’irrecevabilité ; le lendemain, une lettre lui est adressée, qui justifie l’irrecevabilité. Par ailleurs, la commission des finances entreprend avec l’auteur une recherche de modifications pour trouver les manières de rendre le texte financièrement recevable. Si ces coutumes parlementaires sont intéressantes, elles ne constituentpas une garantie suffisante pour l’auteur du texte puisqu’elles restent informelles. Elles mériteraient d’être inscrites dans le Règlement des assemblées.

68Ce ne serait qu’en cas d’impossibilité d’un accord entre les membres de la commission et l’auteur du texte, qu’un recours contre l’irrecevabilité financière pourrait être envisagé. Les hypothèses de recours seraient donc très limitées ; deux types de contrôle seront ici envisagés, sachant qu’ils peuvent se combiner.

69Tout d’abord, la contestation de l’irrecevabilité pourrait s’effectuer au sein de la chambre concernée. Un recours contre l’irrecevabilité déclarée en commission pourrait être prévu devant le Bureau ou un groupe créé à cet effet, afin que des membres de l’opposition et de la majorité participent à l’évaluation financière du texte. La présence de l’opposition ou de la minorité est indispensable sous peine de rendre le recours en contestation d’irrecevabilité financière inconsistant. Cette hypothèse aurait l’avantage de laisser au Parlement la compétence de juger de ses propres limites d’action, sans immixtion d’une tierce autorité dans la procédure législative. Un tel recours interne pourrait être mis en place par une proposition de résolution, sans recourir à une révision constitutionnelle. Il s’agirait d’assurer une meilleure évaluation et d’installer un principe relatif du contradictoire au sein du Parlement.

70Par ailleurs, l’efficacité du recours interne exige une combinaison avec l’obligation de motivation des décisions d’irrecevabilité financière. D’une part, la motivation constitue un argumentaire sur lequel le recours et le contrôle peuvent s’appuyer, ce qui enrichit incontestablement l’évaluation financière. D’autre part, les différences ou, au contraire, les similitudes dans les raisonnements et modes de justification représentent un atout essentiel pour le contrôle de constitutionnalité a priori du Conseil constitutionnel, celui-ci disposant alors d’un élément l’avertissant sur les difficultés rencontrées au Parlement.

71Ensuite, l’irrecevabilité financière pourrait être contestée devant le Conseil constitutionnel. Dans l’optique de la rationalisation parlementaire recherchée par les constituants, on aurait pu s’attendre à la création d’une saisine du Conseil, en cas de désaccord entre le Gouvernement et la chambre concernée, conformément au dispositif retenu à l’article 41 de la Constitution. Cette formule avait d’ailleurs été un temps envisagée par les constituants de 1958, avant d’être abandonnée à l’unique contrôle interne du Parlement. Cette immixtion au sein du travail législatif a été écartée.

72Actuellement, le contrôle du respect des exigences de l’article 40 de la Constitution, effectué par le Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori, repose sur la règle dite du préalable parlementaire : la question de la recevabilité financière de la dispositiondoit avoir été soulevée lors des débats parlementaires [32]. Le Conseil exige que ce moyen contentieux corresponde à une contestation de la recevabilité financière de la disposition litigieuse en séance, au cours de la première lecture [33]. En revanche, l’article 40 de la Constitution ne peut pas être soulevé dans le cadre d’une Question prioritaire de constitutionnalité, n’étant ni un droit ni une liberté constitutionnellement garanti.

73Afin de garantir un droit de recours, le Conseil constitutionnel pourrait être saisi par le ou les auteurs de l’amendement ou de la proposition déclaré irrecevable, avant tout débat en séance publique. Il se prononcerait après un débat contradictoire comprenant un échange des arguments, l’auteur pouvant faire valoir sa position. Si une telle hypothèse accroît la lourdeur de la procédure parlementaire, elle dissuade les élus qui ne sont pas assurés de remporter le procès, et évite ainsi l’engorgement du Conseil constitutionnel. Une décision favorable devant le Conseil pour l’auteur de l’amendement ou de la proposition n’est pas la garantie d’une adoption du texte en séance publique [34]. Ainsi, le maintien du désaccord du Gouvernement envers le texte contesté, contribue également à dissuader les recours abusifs, sachant que le Conseil pourrait évacuer rapidement les propositions ou amendements manifestement contraires à l’article 40 de la Constitution.

74La mise en place de cette procédure requiert une révision constitutionnelle dans la mesure où elle prévoirait une nouvelle compétence du juge constitutionnel. De plus, il s’agirait d’une restriction au droit d’initiative parlementaire, et notamment au droit d’amendement, puisqu’une autorité extérieure au Parlement statuerait sur la validité du texte contesté. Une telle réforme s’avère difficile à mettre en œuvre. Elle permettraittoutefois de garantir la constitutionnalité du texte du point de vue de sa recevabilité financière, contribuant ainsi à diminuer la portée du contrôlea priori du Conseil dans les cas de saisines de l’opposition.

75Si la plupart des propositions ici présentées peuvent être critiquées en raison de la lourdeur qu’elles entraîneraient dans l’organisation interne du Parlement, elles permettraient aussi d’en finir avec « la logorrhée législative et réglementaire » ainsi que « l’instabilité incessante et parfois sans cause » des normes, dénoncée par le Conseil d’État [35], en exigeant des parlementaires un plus long cheminement législatif avant d’aboutir à l’adoption d’un texte. En somme, les réformes de l’article 40 se répercuteraient sur la qualité de la loi au lieu de participer à son inflation et à sa dégradation. La loi deviendrait le produit d’études approfondies et raisonnées.

76In fine, une réforme de l’article 40 de la Constitution s’impose au regard des dysfonctionnements qui résultent de ses usages. Cette réforme passe, soit par une révision constitutionnelle, soit par des résolutions modifiant les Règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat. La question de l’équilibre institutionnel se pose inéluctablement. La plupart des auteurs considéreront que l’équilibre sera bouleversé et qu’une suppression de l’article 40 serait irresponsable. En effet, les abus de droit seraient confortés par le renforcement abusif de propositions et d’amendements législatifs de la part de l’opposition ainsi que par les effets négatifs qui ne manqueraient pas d’intervenir pour les finances publiques. Ces approches, qui découlent directement de l’image partiellement fausse des IIIe et IVe Républiques, reposent sur l’idée que les élus de la Nation sont irresponsables, conduisant ainsi implicitement à remettre en cause le suffrage universel.

77Au contraire, une telle réforme serait l’occasion de responsabiliser les élus, dont les abus sont aujourd’hui de plus en plus limités par le Temps Législatif Programmé (TLP). De plus, elle réduirait le risque d’un retour à un régime présidentialiste, voire hyper-présidentiel, et permettrait un rééquilibrage des rapports entre les pouvoirs législatif et exécutif. Si la suppression de l’article 40 ouvrait de nouvelles voies pour l’initiative législative du Parlement, une telle réforme devrait être suivie d’autres modifications du Règlement respectif des deux assemblées, à commencer par l’instauration d’un contrôle interne objectif de l’impact financier des propositions et amendements législatifs.

78Cette réforme devrait également s’accompagner d’autres mesures afin d’en garantir le succès. Les compétences du Parlement se trouveront modifiées au point qu’il deviendra indispensable de prévoir une véritableréglementation du lobbying au sein des deux chambres. L’initiative législative du Parlement étant destinée à croître, il sera impératif de prévoir des moyens de visibilité des influences ayant contribué à l’adoption d’une loi. Les auditions et autres rencontres entre les parlementaires et les représentants d’intérêts pourraient être mentionnées dans les futures études d’impact accompagnant les propositions de loi où seront également indiqués le coût de la loi ainsi que ses effets attendus. De même, les personnes compétentes composant habituellement les cabinets ministériels et autres administrations pourront être mises à disposition du Parlement ou bien recrutées afin de garantir une meilleure expertise. La fonction de contrôle et d’évaluation sera enfin garantie. La suppression de l’article 40 de la Constitution ne suffirait-elle pas à nous faire entrer dans une VIe République, réclamée par certains acteurs politiques et auteurs de doctrine, et qui passe par la volonté de renforcer le poids de l’institution parlementaire ?

Notes

  • [1]
    Un premier pas est franchi avec le vote de la résolution Berthelot par la Chambre des députés le 16 mars 1900 : « aucune proposition tendant soit à des augmentations de traitement, d’indemnité ou de pension, soit à des créations de services, d’emplois ou de pensions ou à leur extension en dehors des limites prévues par les lois en vigueur, ne peut être faite sous forme d’amendement ou d’article additionnel au budget ». D’autres textes suivront tels que la résolution du 27 mai 1920, l’article 14 de la Constitution du 27 octobre 1958. Sur ce thème, B. Baufumé, Le droit d’amendement et la Constitution sous la Cinquième République, LGDJ, coll. Bibl. constitutionnelle et de science politique, t. 77, 1993, pp. 77-79.
  • [2]
    Sans qu’il semble y avoir eu de discussions particulières au sujet de cet article, on le retrouve dans l’avant-projet de constitution préparé à la mi-juin 1958, puis dans le projet d’articles relatifs au Parlement du 27 juin 1958, dans le compte rendu de la réunion du groupe de travail du 3 juillet 1958, etc.
  • [3]
    Comité national chargé de la publication des travaux préparatoires des institutions de la Ve République, Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, vol. II, La Documentation française, pp. 289-293.
  • [4]
    CC, décis. n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013, Loi organique portant application de l’article 11 de la Constitution, à paraître au JORF.
  • [5]
    Ces administrations publiques sont l’État (budget général, annexe, compte spécial ou fonds de concours) ; les organismes divers d’administration centrale (ODAC) ; les collectivités territoriales (communes, départements, régions), incluant ainsi les établissements publics de coopération intercommunale ; les administrations de sécurité sociale ; les organismes divers d’administration centrale (ODAC).
  • [6]
    CC, décis. n° 60-11 DC du 20 janvier 1961, Loi relative aux assurances maladie, invalidité et maternité des exploitants agricoles et des membres non salariés de leur famille, JORF, 24 janvier 1961, p. 982.
  • [7]
    CC, décis. n° 93-329 DC du 13 janvier 1994, Loi relative aux conditions de l’aide aux investissements des établissements de l’enseignement privés par les collectivités territoriales, JORF, 15 janvier 1994, p. 829.
  • [8]
    CC, décis. n° 75-57 DC du 23 juillet 1975, cons. 4.
  • [9]
    J. Arthuis, D. Migaud, « Réforme de la Constitution : supprimons l’article 40 », Le Monde du 16 mai 2008.
  • [10]
    P. Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, coll. Points Histoire, 1990, p. 42.
  • [11]
    V. le rapport d’information n° 401, fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l’application de l’article 40 de la Constitution, par M. Jean Arthuis au cours de la session 2007-2008, Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin 2008.
  • [12]
    CC, décis. n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, Loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, cons. 28.
  • [13]
    CC, décis. n° 2005-526 DC du 13 octobre 2005, Résolution modifiant les dispositions du règlement de l’Assemblée nationale relatives à la discussion des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, cons. 7.
  • [14]
    CC, décis. n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, cons. 12 et 13, Rec., p. 129.
  • [15]
    Rapport d’information n° 401, fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l’application de l’article 40 de la Constitution.
  • [16]
    V. le rapport d’information n° 401, op. cit., p. 28.
  • [17]
    Cette hypothèse est manifeste pour le projet de loi actuellement en débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes, le Sénat l’ayant amendé en faveur de groupes d’influence favorables à la situation du père de famille.
  • [18]
    Ainsi, par exemple, la réforme des retraites a été complétée par un amendement prévoyant l’obligation pour le Gouvernement de remettre un rapport sur le statut des stagiaires qui n’était pas évoqué dans le projet de loi, alors que de nombreux députés de la majorité souhaitaient accroître leurs droits.
  • [19]
    CC, décis. n° 76-64 DC du 2 juin 1976 Résolution tendant à modifier et à compléter certains articles du règlement du Sénat, JORF, 6 juin 1976, p. 3474.
  • [20]
    V. par ex. le projet de loi Égalité Femmes-Hommes, amendement n° 23 rect., 13 septembre 2013 présenté par M. Milon et Mme Kammermann (art. 14) ; projet de loi de finances pour 2014, amendement n° I-CF461 présenté par M. Goua et Mme Mazetier (art. 18). Ces deux amendements ont été rejetés.
  • [21]
    Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, Une Ve République plus démocratique, La Documentation française, Paris, 2008, p. 43.
  • [22]
    Cette révision constitutionnelle a déjà été envisagée. V. par ex. proposition de loi constitutionnelle n° 569 portant abrogation de l’article 40 de la Constitution, enregistrée à la Présidence du Sénat le 29 mai 2012, présentée par Mmes Nicole Borvo-Cohen-Seat, Marie-France Beaufils, Éliane Assassi, MM. Christian Favier, Éric Bocquet, Thierry Foucaud, Michel Billout, Mmes Laurence Cohen, Cécile Cukierman, Annie David, Michelle Demessine, Évelyne Didier, M. Guy Fische, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Michel Le Scouarnec, Mmes Isabelle Pasquet, Mireille Schurch, MM. Paul Vergès et Dominique Watrin.
  • [23]
    Depuis la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale du 27 mai 2009, la Conférence des présidents peut, sous certaines conditions, décider d’appliquer à un texte la procédure du « temps législatif programmé ». Cette possibilité a été ouverte par la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009, sur le fondement de l’article 44 de la Constitution dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
  • [24]
    Art. préc. M. Migaud enfonçait le clou en séance publique à l’Assemblée nationale puisqu’il indiquait le 23 mai 2008 : « pour soutenir l’abrogation de l’article 40, nous estimons que le droit d’amendement doit être exercé dans toute sa plénitude par l’ensemble des parlementaires ». Propos réitéré lors de la séance du 10 février 2010 à 15h00 sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, Discussion des articles : « Mes chers collègues, faute d’avoir su convaincre une majorité d’entre vous de supprimer l’article 40, comme nous l’avions proposé avec Jean Arthuis, je m’efforce d’appliquer cette disposition avec le discernement et la souplesse qui s’imposent. Je travaille, du reste, sur des assouplissements possibles de cette règle, dans le souci de favoriser... ».
  • [25]
    J. Rivero, « Rapport de synthèse », in Vingt ans d’application de la Constitution de 1958 : le domaine de la loi et du règlement, L. Favoreu (dir.), Aix-en-Provence, PUAM, 1978, p. 263.
  • [26]
    On pense par exemple à l’article 39 de la Constitution issu de la révision constitutionnelle de 2008 qui accorde à la Conférence des présidents de la première assemblée saisie, de refuser l’inscription à l’ordre du jour des projets de loi, s’il constate qu’il est dépourvu d’étude d’impact, à raison des obligations découlant de la loi organique 2009. Cette possibilité n’est pas utilisée par les deux chambres. Le Conseil constitutionnel accepte de contrôler l’erreur manifeste de l’étude d’impact dans le cadre d’un contrôle a priori de la loi, sachant qu’il ne censure jamais le texte sur cette base. V. CC, décis. n° 2013-667 DC du 16 mai 2013, Loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, JORF du 18 mai 2013 p. 8258.
  • [27]
    Le rapport précité de Jean Arthuis, en 2008, sur l’application par la commission des Finances de l’article 40 de la Constitution, est un bon exemple de la transparence des critères de l’irrecevabilité financière. Mais, tout d’abord, ces critères sont exposés dans le rapport de manière a posteriori et, d’autre part, ce type de rapport est exceptionnel – il intervient à la suite de la modification du Règlement du Sénat sur la procédure d’irrecevabilité financière.
  • [28]
    Proposition de résolution du Sénat, 29 avril 1976, p. 771.
  • [29]
    « Si les présidents successifs se sont toujours refusé à motiver leurs décisions, écrivait Christian Goux, ils n’ont jamais refusé d’en expliquer les motifs hors de la séance publique, lorsque l’auteur de l’amendement en cause le leur demandait et en séance publique lorsque l’affaire soulevait une question de principe ou en cas de changement de jurisprudence » (Revue française de finances publiques, 1989, n° 26, p. 75). Une telle motivation de fait est artificielle dans la mesure où elle ne garantit pas une véritable évaluation financière et ne peut servir à l’appui d’un recours devant le Conseil constitutionnel.
  • [30]
    Op. cit. pp. 84-85.
  • [31]
    Dans une version a minima, on pourrait admettre que la motivation soit transmise aux seuls parlementaires qui en font la demande auprès de la commission des finances.
  • [32]
    CC, décis. n° 77-82 DC du 20 juillet 1977, Loi tendant à compléter les dispositions du code des communes relatives à la coopération intercommunale et notamment ses articles 2, 4, 6 et 7, JORF, 22 juillet 1977, p. 3885 ; décis. n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984, JORF, 30 décembre 1983, p. 3875.
  • [33]
    CC, décis. n° 93-329 DC du 13 janvier 1994, Loi relative aux conditions de l’aide aux investissements des établissements d’enseignement privés par les collectivités territoriales, JORF, 15 janvier 1994, p. 829 ; CC, décis. n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de solidarité, JORF, 16 novembre 1999, p. 16962 ; CC, décis. n° 2003-476 DC du 24 juillet 2003, Loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l’âge d’éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat, JORF, 31 juillet 2003, p. 13038 ; CC, décis. n° 2002-464 DC du 27 décembre 2002, Loi de finances pour 2003, JORF du 31 décembre 2002, p. 22103. Cette règle a été précisée par le Conseil constitutionnel : le fait que, devant l’une des assemblées, la question de la recevabilité financière ait été soulevée en séance à l’encontre d’un amendement qui n’a pas été adopté ne permet pas de contester devant le Conseil constitutionnel les conditions d’adoption d’un amendement analogue déposé et adopté dans l’autre assemblée sans que, cette fois-ci, la question du respect de l’article 40 de la Constitution ait été soulevée en séance (CC, décis. n° 2012-654 DC du 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012 (II), cons. 65 à 67, JORF, 17 août 2012, p. 13496).
  • [34]
    En revanche, elle est la garantie de la discussion du texte en séance publique. Par ailleurs, la validation de la proposition ou de l’amendement devant le Conseil constitutionnel constituerait un moyen de pression supplémentaire pour imposer son texte au Gouvernement et aux autres parlementaires.
  • [35]
    Conseil d’État, rapport public 1991, De la sécurité juridique, Paris, La Documentation française ; rapport public 2006, Sécurité juridique et complexité du droit, Paris, La Documentation française.
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