Couverture de RFDC_093

Article de revue

Le Conseil d'État, conseiller du Parlement : premier bilan

Pages 125 à 148

Notes

  • [*]
    Mariette Todorova, docteur en droit public de l’université de Montpellier.
  • [1]
    L’article 39 dispose : « L’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement. »
  • [2]
    Les premières dispositions concernant les fonctions du Conseil d’État n’évoquent ni un statut juridictionnel ni a fortiori une place prééminente du Conseil d’État dans l’ordre juridictionnel. Ce n’est en effet qu’à la fin du xixe siècle que le Conseil d’État reçoit le pouvoir de juger « au nom du peuple français » : l’article 9 de la loi du 24 mai 1872 sur le Conseil d’État disposait : « Le Conseil d’État statue souverainement sur les recours en matière contentieuse administrative et sur les demandes d’annulation pour excès de pouvoir formées contre les actes des diverses autorités administratives ». V. également sur l’histoire du Conseil d’État : D. Lochak, La Justice administrative, Montchrestien, coll. « Clefs », 1998 ; M. Roux, « La fonction consultative du Conseil d’État », Rev. adm., n° 6/1999, pp. 16 sq. ; Y. Gaudemet, « La VIe République, quel Conseil d’État ? », RD publ., 2002, pp. 376 sq.
  • [3]
    M. Roux, op. cit., p. 16.
  • [4]
    Sur ce point : H. Hoepffner, « Les avis du Conseil d’État. Essai de synthèse », RFDA, 2009, § 17 ; A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, « Limites et perspectives de la nouvelle fonction législative du Conseil d’État », AJDA, 2009, p. 1994.
  • [5]
    R. Bouchez, « Le Conseil d’État, conseil du Parlement. Premières consultations du Conseil d’État sur des propositions de loi », JCP Administration et collectivités territoriales, n° 17, 26 avril 2011, pp. 2161 sq.
  • [6]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., pp. 1994 sq.
  • [7]
    Six avis du Conseil d’État dans le cadre de cette nouvelle procédure ont été rendus à ce jour (2 octobre 2011) : Avis du 5 octobre 2009 sur la proposition de loi n° 1890 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, Rapport de l’Assemblée nationale n° 2095 ; Avis du 28 janvier 2010 sur la proposition de loi n° 2055 visant à améliorer l’indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation, Rapport de l’Assemblée nationale n° 2297 ; Avis du 7 octobre 2010 sur la proposition de loi n° 2773 relative à l’établissement d’un contrôle des armes à feu moderne, simplifié et préventif, Rapport de l’Assemblée nationale n° 2929 ; Avis du 7 avril 2011 sur la proposition de loi n° 2977 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique, Rapport de l’Assemblée nationale n° 3331 ; Avis du 28 avril 2011 sur la proposition de loi n° 3232 visant à permettre aux services départementaux d’incendie et de secours d’obtenir le remboursement des frais d’opération de secours auprès de l’incendiaire, Rapport de l’Assemblée nationale n° 3446 ; Avis du 22 septembre 2011 sur la proposition de loi n° 3585 tendant à adapter la loi de réforme des collectivités territoriales aux caractéristiques et contraintes particulières de la Guadeloupe, Rapport de l’Assemblée nationale n° 3778.
  • [8]
    P. Gonod a remarqué que « la grande jeunesse de la consultation facultative sur des propositions de loi peut expliquer qu’elle soit encore ignorée de certains ouvrages récents de droit administratif ou du Conseil d’État lui-même, lequel décrit sur son site “la procédure devant les formations administratives” en oubliant de mentionner cette compétence » (« Brèves remarques sur une présentation du Conseil d’État, conseiller du Parlement », JCP Administration et collectivités territoriales, n° 19, 9 mai 2011, pp. 2179 sq., § 12).
  • [9]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1996.
  • [10]
    Dans le même sens, v. A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, ibid.
  • [11]
    P. Gonod, « Le Conseil d’État, conseil du Parlement. À propos de l’art. 39, al. 3 de la Constitution », RFDA, 2008, p. 872.
  • [12]
    Dans le même sens, v. P. Gonod, op. cit., RFDA, 2008, pp. 871 sq.
  • [13]
    Ibid.
  • [14]
    M. Long, « Le Conseil d’État et la fonction consultative : de la consultation à la décision », RFDA, 1992, pp. 787 sq.
  • [15]
    Dans le cadre de la nouvelle procédure, il ne s’agit que d’une suggestion de rédaction, alors qu’en ce qui concerne les projets de loi, le Conseil d’État se permet de proposer une rédaction entière du texte, voire même un projet alternatif. Sur cette différence, voir infra.
  • [16]
    N. Belloubet, « Conseiller l’État », in Le Conseil d’État. Pouvoirs, n° 123, p. 35.
  • [17]
    M. Long, op. cit., p. 788.
  • [18]
    Dans le même sens, v. A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., pp. 1994 sq.
  • [19]
    V. Tchen, « Compétence du Conseil d’État. Attributions non contentieuses », JCL Adm., § 10.
  • [20]
    Ibid.
  • [21]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1995. L’article R. 123-4 du CJA dispose que « les commissaires du Gouvernement assistent avec voix consultative aux séances de l’assemblée générale, des commissions ou des sections pour les affaires qui dépendent de leurs services ».
  • [22]
    L’article R. 123-34 du CJA dispose que « peuvent participer avec voix consultative aux séances au cours desquelles une proposition de loi est examinée, outre l’auteur de la proposition, les personnes que ce dernier désigne pour l’assister ».
  • [23]
    Proposition de loi n° 2055 visant à améliorer l’indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation.
  • [24]
    Y. Jegouzo, « À propos de la fonction consultative du Conseil d’État », in Mélanges en l’honneur de D. Labetoulle, Juger l’administration, administrer la justice, Dalloz, 2007, p. 506.
  • [25]
    Y. Jegouzo, op. cit., p. 506.
  • [26]
    M. Long, op. cit., p. 787.
  • [27]
    Ibid., p. 788.
  • [28]
    V. le rapport de J.-L. Warsmann, Assemblée nationale, n° 1009 relatif à la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, notamment p. 129 et les débats au Sénat du 16 juillet 2008 : l’amendement de M. Arnaud Montebourg et l’amendement, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
  • [29]
    Sénat, débats, séances du 16 juillet 2008.
  • [30]
    P. Gonod, « L’examen des propositions de loi par le Conseil d’État : procédure novatrice ou simple gadget », RFDA, 2009, p. 891.
  • [31]
    L’article 4 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (introduit par l’article 1er de la loi n° 2009-689 du 15 juin 2009) dispose : « Le président d’une assemblée parlementaire peut saisir le Conseil d’État d’une proposition de loi déposée par un membre de cette assemblée, avant l’examen de cette proposition en commission. […] L’avis du Conseil d’État est adressé au président de l’assemblée qui l’a saisi, qui le communique à l’auteur de la proposition. »
  • [32]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1996.
  • [33]
    Ibid., p. 1995.
  • [34]
    AJDA, 1991, p. 475, note X. Prétot.
  • [35]
    AJDA, 2003, p. 948, note G. Drago et p. 1625, note M.-T. Viel.
  • [36]
    H. Hoepffner, op. cit., § 4.
  • [37]
    N° 1890 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.
  • [38]
    N° 2055 visant à améliorer l’indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation.
  • [39]
    R. Bouchez, op. cit., n° 19.
  • [40]
    V. le rapport n° 2297 de l’Assemblée nationale, notamment l’intervention du rapporteur Guy Lefrand.
  • [41]
    N° 2773 relative à l’établissement d’un contrôle des armes à feu moderne, simplifié et préventif.
  • [42]
    N° 2977 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique.
  • [43]
    Le texte ne comporte que 29 articles.
  • [44]
    Rendu à propos de la proposition de loi n° 3232 visant à permettre aux services départementaux d’incendie et de secours d’obtenir le remboursement des frais d’opération de secours auprès de l’incendiaire.
  • [45]
    N° 3585 tendant à adapter la loi de réforme des collectivités territoriales aux caractéristiques et contraintes particulières de la Guadeloupe.
  • [46]
    R. Bouchez, op. cit., n° 35.
  • [47]
    V. Rapport 2297 de l’Assemblée nationale.
  • [48]
    Ibid.
  • [49]
    Il faut noter ici que le Conseil d’État, saisi par le Gouvernement, a rendu un avis le 20 juin 1967, sur une proposition de loi tendant à modifier les limites des départements de l’Ain, de l’Isère et du Rhône (loi n° 67-1205 du 29 décembre 1967 modifiant les limites des départements de l’Ain, de l’Isère et du Rhône) dans lequel il avait procédé à un examen proche de celui qu’il a retenu pour les avis rendus dans le cadre de la nouvelle procédure de consultation, puisqu’il n’a alors pas réécrit le texte mais formulé une suggestion de rédaction.
  • [50]
    R. Bouchez, op. cit., nos 36 et 37. Le moment de la saisine du Conseil d’État n’influe pas uniquement sur la forme de l’avis, mais également sur l’étendue du contrôle qu’il peut déployer. Le Conseil d’État a estimé qu’il ne lui appartient pas dans le cadre de la nouvelle procédure consultative d’examiner les questions de recevabilité financière que peuvent soulever les dispositions de la proposition de loi au regard de l’exigence de l’article 40 de la Constitution. La proposition de loi étant soumise au Conseil d’État pour avis après son dépôt, il résulte des règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat que sa recevabilité financière a nécessairement déjà fait l’objet d’un examen et d’une décision positive de la part des instances de l’assemblée au sein de laquelle elle a été déposée (V. sur ce point R. Bouchez, op. cit., nos 38 et 39).
  • [51]
    En application de l’article 4 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958, le Conseil d’État examine une proposition de loi déposée – et partant, faisant l’objet d’une publication – par un membre du Parlement, avant l’examen de cette proposition en commission.
  • [52]
    R. Bouchez, op. cit., nos 36 et 37.
  • [53]
    Ibid.
  • [54]
    Ibid.
  • [55]
    J. Chevallier, « Le Conseil d’État, au cœur de l’État », in Le Conseil d’État. Pouvoirs, n° 123, p. 10.
  • [56]
    M. Long, op. cit., p. 788.
  • [57]
    P. Gonod, op. cit., RFDA, 2008, p. 871.
  • [58]
    Ibid., p. 872.
  • [59]
    Dans le même sens, v. A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1995.
  • [60]
    Dans le même sens, v. P. Gonod, op. cit., RFDA, 2008, p. 871.
  • [61]
    Ibid., p. 872.
  • [62]
    Ibid., p. 873.
  • [63]
    Ibid., p. 872. L’auteur explique que « comme le traduit la position initiale du Sénat lors de la récente révision constitutionnelle, les craintes exprimées tout au long de la IIIe République demeurent. Les échanges auxquels ont donné lieu l’examen en première lecture par le Sénat, puis la décision arrêtée présentent étrangement avec elle de fortes analogies, en dépit du fait que le dogme révolutionnaire de la suprématie de la loi a depuis lors été bien entamé ».
  • [64]
    H. Hoepffner, op. cit., § 1.
  • [65]
    Ibid., § 36.
  • [66]
    Ibid.
  • [67]
    M. Long, op. cit., p. 789.
  • [68]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, « Limites et perspectives de la nouvelle fonction législative du Conseil d’État », AJDA, 2009, p. 1997.
  • [69]
    H. Hoepffner, op. cit., pp. 895 sq.
  • [70]
    Rapport de l’Assemblée nationale n° 2095 relatif à la proposition de loi n° 1890 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, p. 23.
  • [71]
    Ibid., p. 23.
  • [72]
    Ibid., p. 61.
  • [73]
    Ibid., p. 61.
  • [74]
    Ibid., p. 24.
  • [75]
    L’avis du 28 janvier 2010 sur la proposition de loi n° 2055 visant à améliorer l’indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation a été entièrement rendu public. V. le rapport de l’Assemblée nationale n° 2297.
  • [76]
    V. Rapport de l’Assemblée nationale n° 3446, p. 16.
  • [77]
    V. Rapport de l’Assemblée nationale n° 3778, p. 5.
  • [78]
    V. supra.
  • [79]
    Sauf pour les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.
  • [80]
    L’intervention de J.-L. Warsmann lors de l’examen par la commission de la proposition de loi n° 2977 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique. V. le rapport de l’Assemblée nationale n° 3331.
  • [81]
    Rapport de l’Assemblée nationale n° 2095, p. 32.
  • [82]
    Il s’agit des articles 2, 20, 58, 83, 96 et 128. V. Rapport de l’Assemblée nationale n° 2095.
  • [83]
    Dans le même sens, v. A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1995.
  • [84]
    V. l’intervention de M. J. P. Schosteck lors de la discussion de cette proposition de loi en séance plénière.
  • [85]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1998.
  • [86]
    Y. Gaudemet, « Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État dans le processus législatif », in Conseil constitutionnel et Conseil d’État, LGDJ-Montchrestien, 1988, pp. 87 sq.
  • [87]
    V. sur ce point le rapport de l’Assemblée nationale n° 3778.
  • [88]
    P. Gonod, « Brèves remarques sur une présentation du Conseil d’État, conseiller du Parlement », JCP Administration et collectivités territoriales, n° 19, 9 mai 2011, n° 9.
  • [89]
    P. Gonod, op. cit., JCP Administration et collectivités territoriales, 2011, n° 10.
  • [90]
    V. l’intervention de M. J.-P. Schosteck.
  • [91]
    V. l’intervention de M. M. Vexès.
  • [92]
    P. Gonod, op. cit., JCP Administration et collectivités territoriales, 2011, n° 9.
  • [93]
    V. les débats en séance plénière concernant la première proposition de loi soumise à consultation.
  • [94]
    V. l’intervention de M. J. M. Clément, Rapport de l’Assemblée, p. 28.
  • [95]
    V. l’intervention de M. P. Vuilque.
  • [96]
    V. l’intervention de M. P. Vuilque.
  • [97]
    P. Gonod, op. cit., JCP Administration et collectivités territoriales, 2011, n° 10.
  • [98]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1997.
  • [99]
    V. la prise en compte de l’avis par la commission saisie pour l’examen de la première proposition de loi.
  • [100]
    Ainsi, il est apparu lors de la discussion en séance publique de la deuxième proposition de loi que « le législateur doit faire figurer dans le texte » une disposition que la commission avait décidé de retirer sur la recommandation du Conseil d’État, qui considérait qu’elle était d’ordre réglementaire. V. l’intervention de G. Lefrand.
  • [101]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1997.
  • [102]
    M. L. Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’Emploi.
  • [103]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1997.
  • [104]
    La seule proposition de loi issue de l’initiative des députés de l’opposition est celle relative tendant à adapter la loi de réforme des collectivités territoriales aux caractéristiques et contraintes particulières de la Guadeloupe (n° 3585).
  • [105]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1997.
  • [106]
    J.-M. Sauve, interview, AJDA, 2007, n° 11, p. 556.
  • [107]
    N. Belloubet, op. cit., p. 49.
  • [108]
    V. J. Chevallier, « Le Conseil d’État, au cœur de l’État », Pouvoirs, 2007/4, n° 123, pp. 5-17.
  • [109]
    V. N. Belloubet, op. cit., p. 50.

1La procédure législative nécessite l’intervention de nombreux acteurs. Le Gouvernement et le Parlement y jouent, bien évidemment, un rôle central. Ils sont les seuls détenteurs du pouvoir d’initiative législative selon le premier alinéa de l’article 39 de la Constitution [1], le Parlement est, par ailleurs, le seul compétent pour adopter les projets et propositions de loi. Mais la complexité croissante du droit implique, aujourd’hui plus qu’auparavant, l’intervention de divers experts et l’assistance dans les prises de décision. Le processus d’élaboration des lois n’échappe guère à cet impératif. Parmi ces acteurs, auxquels on n’apporte pas toujours une attention suffisante mais qui concourent incontestablement à l’élaboration de la loi, le Conseil d’État occupe une place essentielle.

2L’implication du Conseil d’État dans la procédure législative n’est pas récente. La fonction de conseil des autorités publiques qu’il remplit est à l’origine même de l’institution. C’est d’ailleurs celle qui s’est affirmée d’abord [2] dans l’article 52 de la Constitution du 22 frimaire de l’an VIII qui a habilité le Conseil d’État à « rédiger les projets de lois et les règlements d’administration publique et (à) résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative ». Au fil du temps, les contours de cette attribution sont restés relativement stables, un nombre limité de réformes est venu la modifier, l’ajuster ou la réviser sans apporter de changements considérables. Cependant, cette fonction de conseil ne s’étendait pas au Parlement qui n’avait pas connaissance des avis émis par le Conseil d’État. Il en résultait que la fonction de conseil des autorités publiques s’est attachée, pendant longtemps, « essentiellement aux demandes d’avis dont le Conseil est saisi par le Gouvernement[3] ».

3Or, cet aspect du rôle du Conseil d’État dans le processus législatif se trouve en question depuis la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République (JO, 24 juillet 2008) qui a introduit à la fin de l’article 39 de la Constitution la brève mention suivante : « dans les conditions prévues par la loi, le président d’une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d’État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l’un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s’y oppose ». Une nouvelle mission consultative est donc accordée au Conseil d’État. La disposition constitutionnelle a été complétée par la loi n° 2009-669 du 15 juin 2009 tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le Code de justice administrative qui a fixé les conditions selon lesquelles cette consultation pour avis du Conseil d’État peut avoir lieu. Les dispositions suivantes y étaient introduites : il est procédé à l’examen de la proposition de loi selon la procédure habituelle, c’est-à-dire en principe par l’une des sections administratives du Conseil d’État puis par l’assemblée générale (CJA, art. L. 123-1) ; lors de cet examen, l’auteur de la proposition peut produire toutes observations, être entendu par le rapporteur et participer avec voix consultative aux séances au cours desquelles l’avis du Conseil d’État est délibéré (CJA, art. L. 123-2) ; l’avis émis par le Conseil d’État est adressé au président de l’assemblée qui l’a saisi, qui le communique à l’auteur de la proposition (Ord. n° 58-1100, 17 nov. 1958, art. 4 bis, Journal officiel 18 novembre 1958) ; ainsi informé, l’auteur de la proposition dispose d’un délai de cinq jours francs pour s’y opposer (Ord. n° 58-1100, 17 nov. 1958, art. 4 bis, Journal officiel 18 novembre 1958). Le décret du 29 juillet 2009 a également modifié la partie réglementaire du Code de justice administrative pour y apporter des ajustements de coordination et de détail de la nouvelle procédure consultative.

4Cette réforme des attributions consultatives du Conseil d’État, s’inspirant de la loi du 3 mars 1849 qui autorisait le Conseil d’État à formuler « un avis sur les projets de loi émanant soit de l’initiative parlementaire, soit du gouvernement, que l’Assemblée nationale juge à propos de lui renvoyer[4] », est perçue comme une « réelle innovation[5] » dans le cadre de la Ve République. Ainsi, lorsque le Conseil d’État émet un avis sur une proposition de loi, il exerce incontestablement une fonction de conseil législatif et, grâce à cette fonction, il est placé aujourd’hui « au cœur des pouvoirs publics[6] ». C’est un dialogue inédit qui est instauré entre le Parlement et le Conseil d’État, conseiller traditionnel du Gouvernement.

5Cependant, l’impact réel de cette réforme est à déterminer. Il est nécessaire, tout d’abord, de se demander si, eu égard aux différences demeurant entre la procédure d’examen des projets de loi, d’une part, et celle d’examen des propositions de loi, d’autre part, la nouvelle fonction consultative est de nature à scinder les attributions du Conseil d’État en matière législative. Il est question ici de savoir si cette fonction est autonome, indépendante par rapport à sa fonction traditionnelle de conseiller du Gouvernement, ou bien si elle est pleinement intégrée dans les attributions législatives préexistantes du Conseil d’État, tout en sauvegardant une certaine spécificité. C’est cet aspect de la réforme constitutionnelle de 2008 que nous tenterons de clarifier en premier lieu à travers une réflexion portant sur l’unité des fonctions consultatives du Conseil d’État en matière législative (I).

6Ensuite, l’autorité des avis du Conseil d’État rendus dans le cadre de cette procédure consultative relativement récente est à évaluer. Qualifiés de sources réelles du droit, les avis juridiques, au sens strict du terme, n’ont généralement qu’une autorité incertaine : ils n’engagent pas leurs destinataires et n’ont donc pas d’autorité contraignante. Cependant, la pratique, bien établie, démontre que les avis du Conseil d’État rendus au Gouvernement ont une influence déterminante sur la prise de décisions des organes concernés. La question se pose de savoir si les avis rendus au Parlement produisent également des effets persuasifs. On s’attachera donc en second lieu à mesurer l’efficacité de la nouvelle fonction consultative (II) à travers l’analyse des suites données aux six avis rendus à ce jour [7].

I – L’impact de la nouvelle fonction consultative sur l’unité des attributions législatives du Conseil d’État

7L’idée est encore présente dans les esprits que le Conseil d’État exerce sa fonction de conseil législatif, uniquement ou à titre principal, auprès du Gouvernement [8]. Mais il est nécessaire de bien souligner que la réforme initiée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 se présente comme une extension de la fonction de conseiller législatif du Conseil d’État au-delà des initiatives gouvernementales aux initiatives parlementaires. C’est l’objectif principal de la réforme : améliorer le travail législatif en renforçant le pouvoir d’appréciation et de décision et la capacité d’expertise du Parlement, tout en accentuant le poids du Conseil dans le processus d’élaboration de la loi. Le Conseil d’État voit ainsi « son rôle évoluer dans le sens d’une participation généralisée à la fonction législative se traduisant par l’exercice d’un contrôle a priori de l’initiative des lois […], c’est-à-dire avant son intervention au contentieux ou l’intervention du Conseil constitutionnel[9] ». De même, il ne faut pas oublier que, lorsqu’il rend des avis au Gouvernement et au Parlement, il exerce incontestablement sa troisième fonction, aux côtés de sa fonction administrative et de sa fonction juridictionnelle. Cette fonction est de nature législative et revient en dernier lieu à l’assemblée générale après examen par une section administrative [10]. D’ailleurs, le parallélisme qui peut être observé entre les deux fonctions consultatives témoigne clairement d’une certaine unité des attributions législatives du Conseil d’État (I).

8Certes, des différences de procédures entre les deux types de consultations peuvent être constatées mais, s’il est possible de s’interroger sur leurs conséquences pour l’unité de la fonction législative du Conseil d’État, il ne faut pas conclure hâtivement à l’absence d’une telle unité, mais prendre du recul et voir dans ces différences une adaptation nécessaire du Conseil d’État à son nouvel interlocuteur : le Parlement (B).

A – Le parallélisme des fonctions consultatives : signe d’une unité souhaitée des attributions législatives

9Le législateur s’est borné, en complétant la nouvelle disposition constitutionnelle, à mettre en place un régime de consultation comparable sur plusieurs points au régime préexistant. Cependant, ce parallélisme des régimes de consultation (2) n’est pas le seul signe d’une unité souhaitée des attributions législatives du Conseil d’État. En effet, ce dernier contribue également à cette unité en alignant la manière dont il exerce, depuis peu, sa mission auprès du Parlement sur celle qu’il est amené à exercer, depuis longtemps, auprès du Gouvernement (1).

1 – Le parallélisme des missions du Conseil d’État

10Comme lors de l’examen des projets de loi, ici aussi le Conseil d’État doit être perçu comme un organe indépendant, exerçant une fonction de conseil législatif. Tout d’abord, le Conseil d’État livre une expertise juridique du texte – projet ou proposition de loi – qui lui est soumis. Il se contente d’exprimer le droit, « il ne procède pas à une critique de la norme, sinon du point de vue technique et juridique[11] ». La reconnaissance de ces compétences techniques, tant en ce qui concerne ses fonctions de conseiller du Gouvernement que celles de conseiller du Parlement, ne signifie donc pas une restauration de compétences politiques [12]. Il est appelé, dans l’un comme dans l’autre cas, à se livrer à une expertise juridique neutre des textes. La qualité de cette expertise qui tient notamment à la permanence du Conseil d’État, son organisation, sa discipline et ses méthodes, a fait que le Conseil d’État apparaît particulièrement apte à ces rôles de conseiller [13].

11Ensuite, dans les deux types de fonction, le Conseil d’État se prononce sur des problèmes dans des domaines très variés. En tant que conseiller du Gouvernement, il a été et est toujours appelé à se prononcer sur des questions diverses qui touchent à des textes du droit administratif comme du droit civil, du droit commercial, du droit pénal, du droit communautaire, du droit international [14]. En tant que conseiller du Parlement, le Conseil d’État s’est également prononcé sur des dispositions de diverses natures. La première saisine dans le cadre de la nouvelle procédure est un exemple par excellence de l’étendue des domaines que la consultation peut couvrir. Le Conseil d’État s’est prononcé sur 150 articles tendant à améliorer la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations ; à clarifier et à simplifier le régime juridique des groupements d’intérêt public ; à simplifier le droit de l’urbanisme ; à tirer les conséquences du défaut d’adoption des textes d’application prévus par certaines dispositions législatives ; à simplifier et à clarifier notre législation pénale ; à améliorer la qualité formelle du droit ; et à modifier diverses dispositions législatives.

12Enfin, le Conseil d’État ne modifie pas la nature et l’intensité de son contrôle en fonction des destinataires de ses avis – Gouvernement ou Parlement, ce qui montre qu’il veille à l’unité de la fonction législative exercée à l’égard de l’ensemble des projets et propositions de loi. Le Conseil d’État a entendu accomplir sa nouvelle fonction de manière complète comme il a l’habitude de le faire pour les projets de loi. Loin de se borner à formuler un simple avis qui porte la mention « favorable » ou « défavorable » et sans connaître de frontières précises, le Conseil d’État contrôle les textes qui lui sont soumis à trois niveaux : le droit, l’opportunité et la forme.

13Le Conseil d’État se livre à une recherche de l’impact de la proposition de loi sur la sécurité juridique. Il vérifie notamment le respect des normes de droit supérieur – la Constitution, les textes de l’Union européenne, la Convention européenne et/ou tout autre texte de droit international que la France a signé et intégré dans l’ordre juridique interne. Il vérifie également si la proposition de loi s’articule correctement avec le droit existant. Il contrôle enfin la bonne application des dispositions nouvelles dans le temps et dans l’espace.

14Le Conseil d’État s’engage également dans une recherche de l’« opportunité » législative et administrative du texte qui lui est soumis. Il examine la cohérence tant interne qu’externe de la proposition de loi ainsi que la pertinence des solutions retenues au service des objectifs du texte. Il apprécie la possibilité de mettre en œuvre efficacement ces objectifs.

15En ce qui concerne le dernier niveau de son contrôle, le Conseil d’État procède non seulement à une correction purement formelle mais également à une correction juridique des projets et des propositions de loi qui lui sont soumis. Il peut être conduit à suggérer [15] une nouvelle rédaction de certains passages dans une langue correcte et précise, « évitant les ambiguïtés, sources de contestations futures[16] ». Le Conseil d’État s’attache à vérifier si le texte s’insère correctement « à sa place, par rapport notamment aux textes et aux codes existants[17] ». Il tient à ce que les textes soient d’une parfaite qualité du point de vue du droit.

2 – Le parallélisme des régimes de consultation

16Les deux régimes de consultation se ressemblent sur plusieurs points. Tout d’abord, le Conseil d’État n’est consulté que sur les projets de loi et non sur les amendements déposés par le Gouvernement, de même il est consulté seulement sur les propositions de loi et non sur les amendements déposés par les parlementaires [18]. Bien évidemment, ces propos doivent être nuancés, car si les parlementaires conservent une entière liberté d’amender la proposition de loi, la liberté du Gouvernement n’est que « relative[19] ». Certes, après la transmission du projet de loi sur le bureau d’une assemblée parlementaire, le Gouvernement n’est plus tenu de recueillir l’avis du Conseil d’État et peut, en théorie, librement exercer son droit d’amendement. Cependant, le Gouvernement doit veiller, en pratique, à « ne pas dénaturer un projet en l’amendant de dispositions modifiant radicalement le texte initialement transmis pour avis[20] ».

17Ensuite, la participation du parlementaire, auteur de la proposition de loi, aux débats et à la délibération au Conseil d’État tend à « avoir une fonction identique à celle des commissaires du Gouvernement pour les projets de loi, notamment grâce au dialogue qui peut s’instaurer avec le rapporteur qui examine la proposition[21] ». D’ailleurs, certains parlementaires ont profité de cette possibilité qui leur est accordée par le décret du 29 juillet 2009 [22]. Ainsi, l’auteur de la deuxième proposition de loi [23] examinée par le Conseil d’État a-t-il activement participé aux travaux du Conseil d’État. Il a pris part aux délibérations de l’assemblée générale du Conseil d’État du 28 janvier 2010. On peut ainsi lire dans le rapport de l’Assemblée nationale n° 2297 que « le rapporteur a naturellement tiré un grand profit de ces échanges, qui l’ont conduit à préciser ses intentions d’auteur sur de nombreux points ». L’auteur de la proposition de loi n° 2977 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique a également assisté aux débats et aux délibérations du Conseil d’État.

18Enfin, les régimes de publicité des avis rendus par le Conseil d’État démontrent également le parallélisme entre les deux types de consultations : le principe est le secret des avis. Ce n’est pas étonnant dans la mesure où, de manière générale, la fonction consultative du Conseil d’État est « discrète, voire secrète[24] ». La première explication de cette caractéristique de la fonction consultative peut être trouvée dans le fait que « non seulement les rapports et les débats qui précèdent la formulation des avis restent secrets, mais aussi que le sont les avis eux-mêmes ; ils ne sont pas, sauf exception, rendus publics ». La deuxième explication s’appuie sur le fait que, dans sa fonction contentieuse, le Conseil d’État « décide, tranche et, bien souvent, produit la règle » alors que dans sa fonction consultative, il « aide, corrige, parfois morigène[25] ». Dans ce dernier cas, il n’est pas « un corps de contrôle, dont les interventions doivent normalement être publiques[26] ».

19En tant que conseiller du Gouvernement, le Conseil d’État rend ses avis au Gouvernement et à lui seul. C’est à ce dernier de décider de leur éventuelle publicité. Le Gouvernement accepte souvent de rendre publics les avis du Conseil d’État, mais tant qu’il n’a pas décidé de le faire, ils demeurent couverts par le secret. Cette règle « traditionnelle[27] » de confidentialité des avis du Conseil d’État a été transposée en droit positif par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal. Son article 6, modifié par la loi du 17 mai 2011, dispose que « ne sont pas communicables : 1° les avis du Conseil d’État et des juridictions administratives ».

20En ce qui concerne la nouvelle compétence consultative qui fait du Conseil d’État conseiller du Parlement, lors des débats entourant la mise en place de la réforme, plusieurs amendements relatifs à la publicité des avis du Conseil d’État ont été proposés. Quelques parlementaires avaient même suggéré la publicité de l’ensemble des avis rendus par le Conseil d’État sur les projets comme les propositions de loi [28]. Il est apparu en effet qu’il serait artificiel de fractionner le régime de la publicité des avis selon leurs destinataires. B. Frimat a d’ailleurs bien expliqué le problème : « il y aurait d’un côté des avis rendus publics sur les propositions de loi et, de l’autre, des avis faussement secrets sur les projets de loi. Il serait beaucoup plus simple de mettre le droit en rapport avec la réalité et de rendre ses avis publics[29] ». Tous ces amendements ont été rejetés. Le législateur ne s’est en effet borné qu’à déterminer les destinataires de l’avis, en appliquant « la règle habituelle selon laquelle l’avis “appartient” à celui qui l’a demandé[30] » tout en imposant au président de l’assemblée de communiquer l’avis à l’auteur de la proposition [31]. Ce n’est que lors des premières consultations dans le cadre de l’application de la nouvelle procédure que la règle traditionnelle de confidentialité des avis du Conseil d’État a été confirmée. Le Conseil d’État a considéré, dans le tout premier avis rendu, que la question de la publicité à réserver à ses avis relève de la seule compétence des organes de l’Assemblée parlementaire qui l’ont saisi. Le Conseil d’État a donc opéré une unification du régime de publicité de ses avis.

B – La spécificité de la nouvelle fonction consultative : signe d’une adaptation nécessaire du Conseil d’État à son nouvel interlocuteur

21Des différences entre les deux types de consultations existent. Si elles sont au cœur du débat sur l’unité de la fonction législative du Conseil d’État, elles ne permettent pas en réalité de conclure à l’absence d’une telle unité. Ces différences ont pour objectif principal de permettre l’adaptation de la fonction consultative au nouvel interlocuteur du Conseil d’État : le Parlement. En effet, lorsque le Conseil d’État rend un avis sur une proposition de loi, il ne se trouve pas dans la même situation que lorsqu’il rend un avis sur un projet de loi. Ce dernier est donné à l’ensemble du Gouvernement sur saisine du Premier ministre, et ceci alors même que le texte examiné a été rédigé par un ministre. Pour les propositions de loi, l’avis est adressé, selon les termes de la loi, au président de l’assemblée qui a saisi le Conseil d’État et qui le communique à l’auteur de la proposition, il n’est donc pas adressé au Parlement dans son ensemble. On n’est pas en présence d’un organe collégial et unitaire – le Gouvernement –, mais « d’un individu, membre du Parlement et représentant de la nation[32] ».

22Si les différences entre les deux types de consultations sont donc inévitables, elles ont pour effet de démontrer non pas l’autonomie, mais la spécificité de la nouvelle fonction du Conseil d’État par rapport à sa fonction traditionnelle de conseiller du Gouvernement. Cette spécificité se traduit par le caractère facultatif (1) et la forme particulière (2) des avis rendus dans le cadre de la nouvelle procédure.

1 – Le caractère facultatif de l’avis

23La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoit une saisine facultative du Conseil d’État par le président de l’assemblée intéressée. Ce caractère facultatif de la saisine implique, tout d’abord, que la demande d’avis émise par le président de l’assemblée ne se présente pas comme « une formalité substantielle de la procédure législative[33] ». Ainsi, si le Parlement ne souhaite pas l’avis du Conseil d’État, s’abstiendra-t-il de le demander. La saisine du Conseil d’État est envisagée uniquement à la discrétion du Parlement. Or, l’avis du Conseil d’État sur les projets de loi se présente comme une formalité substantielle. En effet, aux termes de l’article 39 alinéa 2 de la Constitution, le Conseil d’État doit être consulté sur les projets de loi préalablement à leur délibération en Conseil des ministres. Il ne s’agit donc pas d’une simple faculté qui est accordée au Gouvernement. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé en ce sens dans deux décisions : du 28 décembre 1990 relative à Loi de finances pour 1991[34] et du 3 avril 2003 concernant Loi relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques[35]. Il a notamment estimé que « l’ensemble des questions posées par le texte adopté par le Conseil des ministres doivent avoir été soumises au Conseil d’État lors de sa consultation », ce qui implique, en réalité, que le texte déposé au Parlement ne doit pas soulever une question essentielle dont le Conseil d’État n’a pas eu à connaître. Si des modifications substantielles du projet de loi sont prévues par le Gouvernement après la consultation du Conseil d’État, celui-ci doit être à nouveau consulté. Dans ce cadre-là, la compétence du Conseil d’État va « au-delà de la simple délivrance d’un avis au Gouvernement[36] ». Elle devient une étape préalable et obligatoire dans le déroulement chronologique qui préside à l’élaboration de l’acte juridique.

24Le caractère facultatif de l’avis a également pour conséquence la possibilité pour l’auteur de la proposition de loi de s’opposer à la saisine du Conseil d’État. La loi du 15 juin 2009 précise que l’auteur de la proposition de loi, informé par le président de l’assemblée concernée de son intention de soumettre pour avis au Conseil d’État cette proposition, dispose d’un délai de cinq jours francs pour s’y opposer.

25Le caractère facultatif de l’avis dans le cadre de la nouvelle procédure a aussi pour effet le renforcement des rôles des présidents des assemblées. En effet, le dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution leur accorde une nouvelle prérogative : celle d’avoir l’initiative de la saisine du Conseil d’État et donc de pouvoir sélectionner les propositions de loi qui méritent de faire l’objet d’un tel examen préalable. Le caractère facultatif de la demande d’avis conduit, par conséquent, à s’interroger sur les critères de sélection des textes faisant l’objet d’un examen préalable par le Conseil d’État. Ses premières saisines démontrent qu’il n’y a pas de domaines juridiques de prédilection choisis par le président de l’Assemblée nationale pour l’intervention du Conseil d’État. Les propositions de loi examinées par le Conseil d’État dévoilent néanmoins quelques éléments communs aux contenus des textes soumis pour avis. Les quatre premières propositions de loi se présentent comme des textes denses juridiquement et/ou difficiles techniquement. La première proposition de loi [37] est exemplaire sur ces deux points. L’ampleur du texte et la variété des domaines abordés ont ainsi nécessité une connaissance juridique approfondie et une maîtrise infaillible du droit positif français. Le travail a été réparti entre les cinq sections administratives du Conseil d’État qui ont été chargées d’examiner les textes, et onze rapporteurs ont été désignés au total. La deuxième proposition de loi [38] a un objet beaucoup plus circonscrit que la première : elle vise à améliorer l’indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation, dont le régime est issu d’une loi de 1985. C’est un « texte court, mais à forts enjeux pour la société[39] ». Il a pour objectif de combler des lacunes dans le droit préexistant afin de permettre la mise en place une protection satisfaisante des victimes d’accidents corporels. Ce texte n’est pas dense juridiquement dans la mesure où il n’a pas pour effet de remanier des pans entiers du droit positif, mais il est difficile techniquement : il a pour objet de « dessiner un cadre commun de l’indemnisation : base de données, définition type de missions d’expertise, nomenclature des postes de préjudice, barème médical unique, table de capitalisation commune… » dans un domaine qui est apparu aux yeux du rapporteur comme un « labyrinthe[40] ». La troisième proposition de loi [41] transmise au Conseil d’État traite également d’un sujet circonscrit mais important : il s’agit de la modernisation et de la simplification du contrôle des armes. Cette proposition de loi de 36 articles fait suite à une mission d’information parlementaire qui a mis en lumière les faiblesses du dispositif existant, complexe et illisible, et n’assurant pas un contrôle optimal des armes à feu et prévoit notamment une nouvelle classification de ces armes. Ce texte, tout comme le précédent, est difficile techniquement. Il nécessite une connaissance approfondie de la matière afin de permettre l’élaboration d’un meilleur encadrement du commerce, de la détention et de l’usage des armes permettant de garantir la sécurité publique. La quatrième proposition de loi [42] présente les mêmes caractéristiques que les deux précédentes : le texte, assez court [43], soulève des difficultés techniques lors de son insertion dans le droit positif. Il a pour objectif d’adapter le cadre juridique actuel de l’organisation et du fonctionnement des services d’incendie et de secours, ce qui nécessite la refonte ordonnée de l’ensemble des dispositions relatives aux sapeurs-pompiers volontaires du Code de la sécurité intérieure dont l’élaboration est en cours. Lors de la préparation de ces quatre textes, la collaboration des parlementaires avec le Conseil d’État a apporté une amélioration sensible de la qualité des textes proposés, une sécurité juridique certaine et une cohérence nécessaire du droit positif. Quant aux deux dernières propositions de loi, elles se présentent comme des textes polémiques d’un point de vue juridique. Ces deux textes ne sont ni denses juridiquement ni difficiles techniquement – chaque texte ne comporte, en effet, que deux articles, mais ils soulèvent des problèmes juridiques certains. Dans l’avant-dernier avis [44], le problème traité par le Conseil d’État concernait l’existence d’une jurisprudence interne relative à la gratuité du service public mais contraire à l’objectif poursuivi par la proposition de loi, à savoir la possibilité pour les services départementaux de secours de se faire rembourser les frais occasionnés lors des incendies involontaires. La dernière proposition de loi [45] soulevait un important risque d’inconstitutionnalité : son article 2 visait à fixer un nouveau mode de scrutin, spécifique à la Guadeloupe, pour l’élection des conseillers territoriaux « différent par sa nature » de celui prévu en métropole. Dans ces deux cas, ce qui a été recherché par les auteurs de la saisine du Conseil d’État n’était pas une expertise juridique approfondie des domaines concernés par les propositions de loi, mais une assurance juridique du bien-fondé de ces deux textes.

2 – La forme particulière de l’avis

26Les avis rendus dans le cadre de la nouvelle procédure ont permis d’observer que leur forme n’est pas celle habituellement adoptée pour l’examen des projets de loi. Le Conseil d’État n’a pas procédé « à la réécriture complète du [texte], assortie le cas échéant d’une note explicative », ainsi qu’il est d’usage pour les projets de loi ou de décret, pour lesquels l’avis du Conseil d’État s’exprime essentiellement par « la mise au point et l’adoption d’un projet alternatif[46] ». En effet, à l’occasion de l’examen de la première proposition de loi portant sur la simplification et l’amélioration de la qualité du droit, le Conseil d’État a passé en revue les dispositions transmises en suggérant des reformulations, mais sans proposer de nouvelle rédaction d’ensemble. Pour la deuxième proposition de loi, le Conseil d’État ne s’est pas écarté de cette ligne de conduite [47]. Par conséquent, « l’usage, qui naît de la répétition, se trouve ainsi établi[48] » : les avis rendus dans le cadre de la nouvelle procédure consultative comportent donc des observations générales puis des remarques article par article, assorties le cas échéant de propositions de rédaction [49].

27Certains auteurs expliquent, à juste titre, que « cette différence de présentation a de fortes justifications, qui tiennent au moment auquel intervient l’avis du Conseil d’État dans le processus législatif[50] ». La consultation ne peut intervenir qu’après dépôt [51] de la proposition et avant son examen en commission, de sorte que l’initiative du ou des parlementaires auteurs de la proposition est déjà « cristallisée[52] » par un texte et rendue publique, et que la procédure parlementaire est déjà engagée sur cette base. Par conséquent, la proposition de loi déposée ne peut être modifiée que lors de son examen en commission puis en séance publique. Il est donc « institutionnellement normal que le Conseil d’État ne “s’empare” pas du texte comme il peut le faire pour un projet de loi[53] ». En revanche, lorsqu’un projet de loi est soumis au Conseil d’État, ce n’est en réalité qu’« un avant-projet du Gouvernement, en phase de confection, qui n’a pas encore vraiment d’existence institutionnelle[54] ». Il peut être facilement modifié ou amputé de certaines de ses dispositions.

28Il est également possible de rechercher une justification de cette forme particulière des avis dans l’histoire même du Conseil d’État. Sa mission consultative traditionnelle, exercée auprès du Gouvernement, l’a placé « au cœur de l’action administrative quotidienne », lui a permis de bien connaître l’administration et d’être pour elle « un point de passage obligé et habituel avant toute décision importante ». Excroissance de l’administration, le Conseil d’État détient une « position clé dans les structures étatiques[55] ». Il se présente aujourd’hui comme « un rouage du processus de décision au sein du pouvoir exécutif », ce qui explique le fait que ses avis sont « à la frontière de la consultation et de la décision[56] ».

29La collaboration entre les assemblées et le Conseil d’État s’avère beaucoup plus complexe dans la mesure où celui-ci se présente comme « une institution placée au cœur du pouvoir exécutif[57] ». Certes, le contexte institutionnel et politique a rangé depuis longtemps « le Conseil d’État aux côtés d’un exécutif qui partage avec le Parlement l’exercice de la fonction normative[58] ». Cependant, le Conseil d’État statuant sur une proposition de loi donne un avis sur « un acte émanant d’un représentant de la nation, non d’un ministre et de son cabinet[59] ». Le Gouvernement ne dispose pas de la même légitimité que le Parlement. Ainsi, si le Conseil peut aller jusqu’à remanier complètement le projet de loi, voire proposer un projet alternatif, il ne peut pas se permettre de faire de même face aux propositions de loi, sauf à s’approprier un pouvoir qui ne lui est aucunement destiné : le pouvoir normatif. Placé au cœur du pouvoir exécutif, le Conseil d’État peut être ainsi perçu comme un usurpateur, comme une menace potentielle à l’exercice de la souveraineté nationale [60].

30Ainsi, et quand bien même l’on admet « l’exclusivité du terrain d’intervention du Conseil d’État, qui rend celle-ci possible : l’expertise juridique[61] », est-il nécessaire de préserver une certaine harmonie « entre respect de la souveraineté nationale et perfection juridique[62] » afin de lutter contre « la méfiance des représentants de la Nation envers une attribution qui a largement contribué par le passé à porter atteinte à la représentation nationale[63] » et de permettre, par conséquent, l’amélioration de la qualité des normes juridiques. Dans ce cadre, le caractère facultatif de la consultation et la forme particulière des avis du Conseil d’État apparaissent comme des garants de la liberté politique des assemblées.

31La question se pose de savoir si cette spécificité de la nouvelle procédure de consultation est susceptible d’interférer sur l’utilité et l’efficacité de l’intervention du Conseil d’État.

II – L’effectivité de la nouvelle fonction consultative du Conseil d’État dans le processus législatif

32Selon H. Hoepffner, l’avis est « une réponse à une sollicitation expresse, de portée non contraignante ». Par définition donc, « l’avis n’engage pas : dépourvu d’autorité contraignante, il est une mesure non décisoire et donc non créatrice de droits ». Il n’apparaît alors que comme « une étape dans le déroulement chronologique qui préside à l’élaboration d’un acte juridique[64] ». L’auteur de la demande reste libre de se conformer ou non à l’avis.

33L’autorité des avis du Conseil d’État est incertaine en raison de leur nature juridique. En effet, « ils appartiennent aux sources réelles qui se contentent d’influer, non aux sources formelles qui ont pour objet de commander[65] ».

34La pratique bien établie démontre que les avis du Conseil d’État rendus au Gouvernement ne sont pas dépourvus de toute autorité. Certes, ils ne sont pas « décisoires », mais ils sont décisifs dans la mesure où ils exercent « de facto une influence déterminante sur les organes prenant des décisions à la suite des avis et sur l’autorité juridictionnelle[66] ». Ainsi, le Gouvernement suit presque toujours les avis du Conseil d’État. En effet, « procéder différemment serait d’ailleurs prendre un très grand risque pour les textes réglementaires, passibles ensuite de la censure du Conseil d’État statuant au contentieux[67] ».

35Si les avis permettent incontestablement au Conseil d’État « d’agir sur le contenu même des futures dispositions législatives[68] », la question se pose donc de savoir dans quelle mesure les avis rendus au Parlement produisent des effets décisifs sur le contenu des propositions de loi.

36Avant de s’aventurer dans l’analyse des effets des premiers avis rendus, deux remarques s’imposent. Tout d’abord, n’étant pas des formalités substantielles de la procédure législative, mais uniquement des éléments propres à éclairer les débats parlementaires, il est peu probable que ces avis produisent des effets identiques à ceux des avis rendus auprès du Gouvernement. Si certains auteurs ont pu qualifier, à juste titre, ces derniers de « faux avis[69] », les premiers se présentent comme des avis purement consultatifs. Ensuite, le caractère récent de la nouvelle procédure ainsi que le nombre limité des avis rendus dans le cadre de celle-ci, s’ils permettent de dresser un premier bilan de leurs effets, ne permettent pas encore de mettre en place une réelle ligne de conduite qui pourra être suivie à l’avenir par les organes qui prennent des décisions à la suite de ses avis.

37Il est néanmoins possible, pour l’instant, d’observer que les avis du Conseil d’État ont eu une influence déterminante lors de la phase préparatoire de la proposition de loi (A). Cependant, leur influence apparaît beaucoup plus relative lors des débats en séance plénière du texte présenté (B).

A – L’influence déterminante des avis du Conseil d’État lors de la préparation de la proposition de loi

38Avant son examen, tout texte – projet ou proposition de loi – doit faire l’objet d’un dépôt subordonné à certaines formalités préalables, notamment à une publicité officielle. À la suite de son dépôt, tout texte est imprimé et renvoyé à l’examen d’une commission permanente ou spéciale qui émet un rapport avant la discussion en séance publique du texte proposé.

39L’avis du Conseil d’État intervient après le dépôt de la proposition de loi et avant son examen en commission de sorte que l’initiative du ou des parlementaires auteurs de la proposition est déjà rendue publique. Il en résulte normalement que la proposition de loi déposée ne peut être modifiée que lors de son examen en commission puis en séance publique, selon les procédures prévues à cet effet par les règlements des assemblées. Cependant, afin de maintenir un certain parallélisme des formes entre l’initiative gouvernementale et l’initiative parlementaire, il est apparu nécessaire de permettre à l’auteur de la proposition de loi de tirer les conséquences de l’avis du Conseil d’État avant la discussion du texte en commission. On peut observer que l’avis produit un effet persuasif certain, voire même déterminant tant à l’égard de l’auteur de la proposition de loi (1) qu’à l’égard de la commission (2).

1 – L’autorité de l’avis à l’égard de l’auteur de la proposition de loi

40L’avis est adressé au président de l’Assemblée qui le transmet à l’auteur de la proposition de loi avant l’examen du texte en commission. La question se pose donc de savoir si l’auteur de la proposition peut disposer, à ce stade-là de l’élaboration de la loi, d’une certaine liberté qui lui permettra de modifier le texte suivant l’avis du Conseil d’État.

41On peut observer que lorsque le Gouvernement reçoit l’avis du Conseil d’État sur un projet de loi, il remet son projet sur le métier, décidant ou non de maintenir les dispositions sur lesquelles ont été formulées des observations, puis il présente son projet de loi au Conseil des ministres. Par conséquent, et afin de respecter « le parallélisme des formes », il a été décidé lors de la première application de la nouvelle procédure consultative qu’il est « normal[70] » que l’auteur de la proposition de loi tire les conséquences de l’avis du Conseil d’État. En effet, trois cas de figure peuvent se présenter à l’issue de l’examen du texte par le Conseil d’État. Ce dernier peut émettre un avis favorable sans observations sur certaines dispositions et/ou un avis favorable avec observations sur d’autres. Enfin, il peut également émettre un avis défavorable « soit qu’il ait déjà été saisi d’un autre projet sur le même sujet, soit qu’il conteste la méthode employée[71] ».

42L’auteur du texte « peut [donc] renoncer à maintenir certaines dispositions au vu de l’avis du Conseil d’État en déposant des amendements de suppression, auquel cas cet avis n’a pas à être rendu public, les dispositions en question n’allant pas être examinées », « pour toute disposition venant en discussion, l’avis du Conseil d’État doit être et sera public[72] », et donc transmis à la commission.

43La méthode retenue vise aussi « à ce que tout auteur d’une proposition de loi n’hésite pas à soumettre au Conseil d’État toutes les dispositions de son texte susceptibles de faire difficulté, quitte à les retirer ensuite plutôt que d’être tenté de les introduire ultérieurement par voie d’amendement[73] ». En effet, si la possibilité de tirer les conséquences de l’avis du Conseil d’État n’est pas reconnue aux auteurs de propositions de loi, on pourrait redouter qu’ils « auront tendance à ne pas inclure les dispositions les plus délicates, de crainte qu’elles ne fassent l’objet d’un avis défavorable du Conseil d’État ». Or, « l’intérêt de la nouvelle procédure est précisément de pouvoir soumettre à son expertise les mesures les plus compliquées[74] ».

44Ainsi, dès la première proposition de loi soumise pour avis au Conseil d’État et à l’exception de la deuxième [75], les auteurs des textes ont communiqué aux rapporteurs de la commission leurs suggestions ou observations dès lors qu’elles portaient sur des articles ou des dispositions qu’ils entendaient maintenir dans le champ des propositions de loi. Ils ont demandé aux rapporteurs des commissions chargées d’examiner les textes à ce que certains articles ou dispositions fassent l’objet d’amendements de suppression, traduisant ainsi leurs souhaits de les retirer du champ des propositions. Il est ainsi possible de conclure que les avis du Conseil d’État ont, à l’égard des auteurs de propositions de loi, un effet persuasif non négligeable. En effet, tous ont retiré des textes les articles ou dispositions que le Conseil d’État n’a pas approuvés.

45Il est néanmoins possible d’observer un certain infléchissement dans cette latitude des auteurs de propositions de loi. Si lors des quatre premières saisines du Conseil d’État, les auteurs se sont tenus à ladite ligne de conduite, pour les deux suivantes, ils en ont adopté une autre. En effet, en ce qui concerne l’avis du 28 avril 2011 sur la proposition de loi n° 3232 visant à permettre aux services départementaux d’incendie et de secours d’obtenir le remboursement des frais d’opération de secours auprès de l’incendiaire, l’auteur a fait figurer « ces suggestions ou observations dans le […] rapport dès lors qu’elles amélioraient la compréhension et la lisibilité des dispositions en cause[76] ». En ce qui concerne l’avis du 22 septembre 2011 sur la proposition de loi n° 3585 tendant à adapter la loi de réforme des collectivités territoriales aux caractéristiques et contraintes particulières de la Guadeloupe, la rapporteure de la commission saisie, à qui l’avis a été transmis par l’auteur de la proposition de loi, « a reproduit avec son accord dans le […] rapport les principales observations et suggestions du Conseil d’État[77] ». Les auteurs s’approprient-ils une plus grande maîtrise des propositions de loi déjà déposées ? Le caractère récent de la nouvelle procédure consultative ne permet pas pour l’instant d’apporter une réponse claire et précise. Il faut également tenir compte de la particularité des deux propositions de loi [78].

2 – L’autorité de l’avis à l’égard de la commission

46Une fois déposé, tout texte est renvoyé à l’examen d’une commission. Sur les textes, projets ou propositions de loi, qui lui sont soumis, la commission, après avoir procédé à des auditions et à un examen approfondi des articles, adopte un rapport qui présente ses conclusions. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, la discussion en séance porte sur le texte adopté [79] par la commission et non sur le texte initialement déposé. La commission doit, conformément à l’article 86, alinéa 3, du règlement, conclure par un texte d’ensemble. À cet effet, la commission peut : soit proposer un nouveau texte, intégrant les amendements des députés ou du Gouvernement acceptés par elle, soit adopter le texte dans sa rédaction initiale ou bien le rejeter. C’est donc à ce stade du processus d’élaboration de la loi que l’on peut réellement mesurer l’influence des avis du Conseil d’État.

47L’analyse des suites données aux six avis démontre qu’ils ont été généralement très bien accueillis par les commissions. Les rapporteurs ont souligné, à plusieurs reprises, « tout l’intérêt de la nouvelle procédure permettant de recueillir l’avis du Conseil d’État sur une proposition de loi[80] » et l’utilité particulière [81] de son intervention. Les suites données aux deux premiers avis du Conseil d’État sont révélatrices des effets persuasifs de la consultation à l’égard des commissions chargées d’examiner les propositions de loi.

48Lors de l’examen de la première proposition de loi, des 64 articles sur lesquels le Conseil d’État a formulé des observations et des suggestions, il n’y a que 6 articles [82] qui n’ont pas été adoptés par la commission suivant intégralement son avis et pour lesquels elle a procédé à des changements mineurs.

49Lors de l’examen de la deuxième proposition de loi, les suggestions, les propositions et les critiques du Conseil d’État ont été si nombreuses que la nécessité s’est imposée de remettre l’ouvrage sur le métier. Au-delà des améliorations rédactionnelles, la commission a procédé à des modifications substantielles suivant l’avis du Conseil d’État, la plus importante étant l’extension du champ d’application, pour une partie des dispositions, à l’ensemble des victimes d’un dommage corporel. Elle a également beaucoup travaillé sur le partage entre loi et règlement : le Conseil d’État avait préconisé parfois de simplifier le texte en renvoyant certaines dispositions au règlement, et parfois, au contraire, de renforcer le versant législatif. Elle a recomposé le texte en modifiant l’ordre des articles. En définitive, à l’issue de l’examen de la proposition de loi par la commission, un nouveau texte reprenant la position du Conseil d’État a été proposé pour les débats en séance plénière.

50On peut également observer que les commissions ont été particulièrement sensibles aux risques d’inconventionnalité et d’inconstitutionnalité soulignés par le Conseil d’État dans ses avis. Il est impératif de souligner l’utilité de sa consultation pour le renforcement des initiatives parlementaires « dans un contexte constitutionnel et conventionnel de plus en plus contraignant[83] ».

51En ce qui concerne, tout d’abord, le contrôle de conventionnalité, les commissions paraissent particulièrement attentives aux observations et suggestions du Conseil d’État. Lors de l’examen de la première proposition de loi, la commission ne s’est pas écartée de l’avis du Conseil. En effet, comme l’ont souligné certains parlementaires, « la crainte de contentieux est vraiment trop forte[84] ». Méconnaître l’avis du Conseil en la matière, c’est faire courir le risque à la loi, dans un éventuel contentieux, à ce que les juges l’écartent pour non-conformité notamment à la Convention européenne ou au droit communautaire. Le Conseil d’État exerce ainsi « une fonction propre qui pour une large part est destinée à prévenir les contentieux futurs et protéger la régularité de la loi avant même son vote ». Sa fonction ne se limite donc pas à celle de « simple conseil[85] ».

52En ce qui concerne, ensuite, le contrôle préventif de constitutionnalité, le Conseil d’État assure incontestablement, et depuis longtemps, par sa fonction consultative un tel contrôle. Comme l’a précisé à juste titre Y. Gaudemet, si « l’appréciation de pur droit à laquelle se livre le Conseil d’État est sans doute la cohérence juridique du texte par rapport à lui-même ou par rapport à d’autres […] elle est aujourd’hui nécessairement et principalement une appréciation sur la constitutionnalité du projet de loi examiné[86] ». Ce n’est donc pas étonnant de voir que le Conseil d’État ne change pas ses habitudes et fait de même en ce qui concerne les propositions de loi. Dans son avis du 22 septembre 2011 sur la proposition de loi n° 3585 tendant à adapter la loi de réforme des collectivités territoriales aux caractéristiques et contraintes particulières de la Guadeloupe, le Conseil d’État souligne « le risque de non-conformité à la Constitution auquel s’exposerait l’article 2 de la proposition de loi » qui vise à instaurer un mode de scrutin mixte permettant de tenir compte des « caractéristiques et contraintes particulières » de cette collectivité, au sens du premier alinéa de l’article 73 de la Constitution mais différent « par sa nature[87] » de celui prévu en métropole. L’auteur de la proposition et la rapporteure ont proposé un amendement de suppression de cet article, adopté sans difficultés par la commission. Ce contrôle de constitutionnalité des textes législatifs rend incontestablement plus effective la fonction législative du Conseil d’État. Les organes chargés de prendre la décision qui méconnaissent son avis sur ce point peuvent s’exposer à une sanction émanant du Conseil constitutionnel qui apprécie en dernier ressort la conformité de la loi à la Constitution. Ce contrôle préventif équivaut, dans une certaine mesure, à une anticipation du contentieux constitutionnel, et c’est bien ceci qui confère aux avis du Conseil d’État une influence déterminante à l’égard tant du Gouvernement que du Parlement.

B – L’influence relative des avis du Conseil d’État lors de la discussion de la proposition de loi en séance publique

53La discussion en séance publique s’articule en deux phases : la phase d’examen général et la phase d’examen détaillé. La première est essentiellement une phase de présentation du texte – projet ou proposition de loi. La seconde phase consiste dans la discussion article par article du texte. Cette phase est largement dominée par le débat sur les modifications proposées par voie d’amendements, ces derniers peuvent être présentés par tous les participants au débat : Gouvernement, commissions saisies au fond et pour avis, et députés à titre individuel. Le débat parlementaire s’exprime en particulier dans l’exercice du droit d’amendement. Or, ce dernier est dénoncé, depuis toujours, comme « l’une des principales causes de l’imperfection de la loi[88] ». Les suites données aux avis du Conseil d’État lors des discussions des propositions de loi en séance plénière indiquent que la consultation peine à atteindre l’objectif fixé par la réforme de 2008, à savoir l’amélioration de la qualité de la loi. Dans ces circonstances, l’efficacité des avis du Conseil d’État apparaît limitée tant à l’égard des parlementaires (1) qu’à l’égard du Gouvernement (2).

1 – L’effet de l’avis à l’égard des parlementaires

54Les débats auxquels a donné lieu la première proposition soumise à consultation, qui, à l’heure actuelle, est la seule à avoir abouti à l’adoption d’une loi, révèlent « la persistance d’une perception concurrente au Parlement du Conseil d’État chez nombre de parlementaires[89] ». Si certains s’accordent à dire que « l’approche juridique de qualité qui a présidé à l’élaboration du texte n’a pu être que renforcée par son passage devant le Conseil d’État », ce qui « affermit considérablement la sécurité juridique du texte[90] », pour d’autres cette consultation constitue une « dérive dangereuse » et pose la question de savoir « quel est le véritable titulaire du pouvoir législatif » et s’il y a finalement un « déplacement du pouvoir délibératif du Parlement vers le Conseil d’État » alors même que ce dernier « n’est ni ne doit être le législateur[91] ». Cette « irréductible opposition entre le respect de l’expression de la volonté générale et de la transposition juridique de cette volonté[92] » s’est traduite, tout d’abord, par les critiques des parlementaires relatives aux conditions concrètes de la communication de l’avis qui, à leurs yeux, risquent de vider la consultation de son apport. Les délais de transmission – quatre jours pour un rapport de 300 pages – ont été, aux yeux des parlementaires, de nature à ne pas leur permettre de prendre connaissance de manière satisfaisante de l’avis du Conseil d’État [93]. Procéder de cette manière, c’est « sous peine que ce soit le Conseil d’État qui légifère[94] ». Ils revendiquent, par conséquent, des conditions leur assurant un examen utile de l’avis. De même, la manière dont l’avis du Conseil d’État a été rendu public était au centre des discussions sur son utilité. D’une part, certains ont insisté sur le fait que « c’est le législateur qui demande un conseil, mais ce serait l’auteur de la proposition de loi qui sélectionnerait ce que, dans l’avis du Conseil d’État, il a envie de porter à la connaissance du législateur. Où sommes-nous ? N’est-il pas normal que tous les parlementaires puissent prendre connaissance de l’avis dans son intégralité ?[95] ». D’autre part, le fait que l’auteur de la proposition de loi a choisi de publier les observations et suggestions du Conseil d’État sur les dispositions qu’il a décidé de maintenir dans le champ de la loi a été de nature à discréditer le texte même de la loi aux yeux des parlementaires. On a pu ainsi lire qu’« en vérité, sur bien des points, l’avis du Conseil d’État est très critique, et ce n’est pas un hasard si vous avez dû modifier certaines de vos propositions[96] ». Néanmoins, cette manière de l’auteur de la proposition de scinder l’avis permet incontestablement, si l’on se réfère aux débats parlementaires, « de soutenir le bien-fondé de certaines dispositions, celles qui ont reçu la caution du Conseil d’État, ce qui ne manque évidemment pas de servir explicitement d’argument à leurs promoteurs[97] ».

55L’exercice du droit d’amendement qui constitue « l’essentiel de l’activité législative des parlementaires[98] » se présente comme l’obstacle principal à une prise en compte utile de l’avis du Conseil d’État. Trois cent cinquante amendements au titre de l’article 88 du règlement de l’Assemblée ont été déposés. Cette proposition de loi a été élaborée, dans une grande partie, par voie d’amendement. Même si la plupart de ces amendements ont eu pour but de prendre en compte les observations et suggestions du Conseil d’État [99], certains ont introduit des dispositions sans un examen préalable du Conseil d’État. Les amendements donnent la possibilité aux parlementaires de ne pas réellement tenir compte de l’avis du Conseil d’État en réintroduisant dans le champ de la loi des dispositions qui n’ont pas reçu la caution du Conseil d’État [100]. De la sorte, « l’expertise juridique dont le Parlement est censé bénéficier sera nécessairement limitée[101] ».

2 – L’utilisation de l’avis par le Gouvernement

56La nouvelle procédure de consultation du Conseil d’État par le Parlement n’affecte pas, en apparence, les rapports entre ce dernier et le Gouvernement dans le processus d’élaboration de la loi. Le Gouvernement l’a, d’ailleurs, bien accueillie. Lors de la discussion de la deuxième proposition de loi, le représentant du Gouvernement [102] a souligné clairement que la manière dont a été mené le travail au sein de l’Assemblée nationale « illustre bien la nouvelle conception du Parlement, un Parlement qui prend l’initiative, avec des députés qui […] portent des projets qui étaient sans doute dans des angles morts de l’attention du Gouvernement et permettent de compléter utilement [le] dispositif public ».

57Malgré ceci et dans la mesure où la discussion d’un projet ou d’une proposition reste l’occasion d’un dialogue constant entre les députés et le Gouvernement, ce dernier peut utiliser, lors des discussions des textes en séances publiques, les armes qui lui ont été reconnues par la Constitution de 1958, dont notamment l’adoption d’un texte sans vote (article 49, alinéa 3), l’opposition à la discussion des amendements qui n’ont pas été préalablement soumis à la commission (article 44, alinéa 2) et le « vote bloqué » sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui (article 44, alinéa 3). Il peut donc s’opposer à ce qu’une disposition adoptée suivant l’avis du Conseil d’État soit maintenue dans le champ de la proposition de la loi, en déposant un amendement présentant même « un lien indirect, avec le texte déposé » selon les termes de l’article 45 de la Constitution modifié par la réforme de 2008. Pour certains, « un tel libéralisme qui permet au Gouvernement d’utiliser le droit d’amendement afin d’échapper au contrôle préalable du Conseil d’État limite l’accroissement des prérogatives de celui-ci à l’égard des propositions de loi[103] ». Cependant, il faut noter que le Gouvernement n’a utilisé son droit d’amendement que de manière assez prudente lors de la discussion des premières propositions de loi soumises pour examen préalable au Conseil d’État. Cette attitude n’a rien d’étonnant dans la mesure où, des six propositions de loi, cinq sont issues de l’initiative des députés de la majorité parlementaire [104]. Il n’y a que l’avenir qui démontrera si le Gouvernement se saisira de toutes les prérogatives qui lui sont reconnues afin de diminuer l’influence des avis du Conseil d’État sur des propositions issues de l’initiative des députés de l’opposition.

58Si le Gouvernement ne semble pas touché directement par la nouvelle réforme, il l’est indirectement. En effet, non seulement il perd le monopole des avis du Conseil d’État, mais également l’avantage non négligeable d’absence d’avis préalable sur les propositions de loi. Jusqu’à la réforme de 2008, il pouvait contourner la règle d’avis obligatoire qui pourrait se révéler potentiellement défavorable, sur les projets de loi « en faisant déposer, par un député de la majorité, une proposition de loi qui est en réalité un véritable projet ». Depuis, le Gouvernement voit « la contrainte de l’intervention du Conseil étendue à des textes politiques qu’il aurait peut-être désiré voir échapper à ce contrôle[105] ».

59Le Conseil d’État doit manifester « qu’il est inscrit dans la cité et pas hors du monde. Il doit dans ses études comme dans ses activités consultatives et contentieuses être à l’écoute de la société française et européenne et jouer pleinement son rôle de passeur et d’interface, un rôle de régulateur entre pouvoirs et société. Il en va de sa responsabilité à l’égard des citoyens[106] ». Cette responsabilité a transformé, à partir de la réforme de 2008, l’institution de simple conseiller du Gouvernement en « conseiller de l’État [107] » et notamment du Parlement. Le Conseil d’État est devenu non seulement un organe qui occupe une place essentielle dans le processus législatif, mais également un élément central du pouvoir d’État [108], garant de la sauvegarde de l’intérêt général [109].


Date de mise en ligne : 17/04/2013

https://doi.org/10.3917/rfdc.093.0125

Notes

  • [*]
    Mariette Todorova, docteur en droit public de l’université de Montpellier.
  • [1]
    L’article 39 dispose : « L’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement. »
  • [2]
    Les premières dispositions concernant les fonctions du Conseil d’État n’évoquent ni un statut juridictionnel ni a fortiori une place prééminente du Conseil d’État dans l’ordre juridictionnel. Ce n’est en effet qu’à la fin du xixe siècle que le Conseil d’État reçoit le pouvoir de juger « au nom du peuple français » : l’article 9 de la loi du 24 mai 1872 sur le Conseil d’État disposait : « Le Conseil d’État statue souverainement sur les recours en matière contentieuse administrative et sur les demandes d’annulation pour excès de pouvoir formées contre les actes des diverses autorités administratives ». V. également sur l’histoire du Conseil d’État : D. Lochak, La Justice administrative, Montchrestien, coll. « Clefs », 1998 ; M. Roux, « La fonction consultative du Conseil d’État », Rev. adm., n° 6/1999, pp. 16 sq. ; Y. Gaudemet, « La VIe République, quel Conseil d’État ? », RD publ., 2002, pp. 376 sq.
  • [3]
    M. Roux, op. cit., p. 16.
  • [4]
    Sur ce point : H. Hoepffner, « Les avis du Conseil d’État. Essai de synthèse », RFDA, 2009, § 17 ; A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, « Limites et perspectives de la nouvelle fonction législative du Conseil d’État », AJDA, 2009, p. 1994.
  • [5]
    R. Bouchez, « Le Conseil d’État, conseil du Parlement. Premières consultations du Conseil d’État sur des propositions de loi », JCP Administration et collectivités territoriales, n° 17, 26 avril 2011, pp. 2161 sq.
  • [6]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., pp. 1994 sq.
  • [7]
    Six avis du Conseil d’État dans le cadre de cette nouvelle procédure ont été rendus à ce jour (2 octobre 2011) : Avis du 5 octobre 2009 sur la proposition de loi n° 1890 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, Rapport de l’Assemblée nationale n° 2095 ; Avis du 28 janvier 2010 sur la proposition de loi n° 2055 visant à améliorer l’indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation, Rapport de l’Assemblée nationale n° 2297 ; Avis du 7 octobre 2010 sur la proposition de loi n° 2773 relative à l’établissement d’un contrôle des armes à feu moderne, simplifié et préventif, Rapport de l’Assemblée nationale n° 2929 ; Avis du 7 avril 2011 sur la proposition de loi n° 2977 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique, Rapport de l’Assemblée nationale n° 3331 ; Avis du 28 avril 2011 sur la proposition de loi n° 3232 visant à permettre aux services départementaux d’incendie et de secours d’obtenir le remboursement des frais d’opération de secours auprès de l’incendiaire, Rapport de l’Assemblée nationale n° 3446 ; Avis du 22 septembre 2011 sur la proposition de loi n° 3585 tendant à adapter la loi de réforme des collectivités territoriales aux caractéristiques et contraintes particulières de la Guadeloupe, Rapport de l’Assemblée nationale n° 3778.
  • [8]
    P. Gonod a remarqué que « la grande jeunesse de la consultation facultative sur des propositions de loi peut expliquer qu’elle soit encore ignorée de certains ouvrages récents de droit administratif ou du Conseil d’État lui-même, lequel décrit sur son site “la procédure devant les formations administratives” en oubliant de mentionner cette compétence » (« Brèves remarques sur une présentation du Conseil d’État, conseiller du Parlement », JCP Administration et collectivités territoriales, n° 19, 9 mai 2011, pp. 2179 sq., § 12).
  • [9]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1996.
  • [10]
    Dans le même sens, v. A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, ibid.
  • [11]
    P. Gonod, « Le Conseil d’État, conseil du Parlement. À propos de l’art. 39, al. 3 de la Constitution », RFDA, 2008, p. 872.
  • [12]
    Dans le même sens, v. P. Gonod, op. cit., RFDA, 2008, pp. 871 sq.
  • [13]
    Ibid.
  • [14]
    M. Long, « Le Conseil d’État et la fonction consultative : de la consultation à la décision », RFDA, 1992, pp. 787 sq.
  • [15]
    Dans le cadre de la nouvelle procédure, il ne s’agit que d’une suggestion de rédaction, alors qu’en ce qui concerne les projets de loi, le Conseil d’État se permet de proposer une rédaction entière du texte, voire même un projet alternatif. Sur cette différence, voir infra.
  • [16]
    N. Belloubet, « Conseiller l’État », in Le Conseil d’État. Pouvoirs, n° 123, p. 35.
  • [17]
    M. Long, op. cit., p. 788.
  • [18]
    Dans le même sens, v. A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., pp. 1994 sq.
  • [19]
    V. Tchen, « Compétence du Conseil d’État. Attributions non contentieuses », JCL Adm., § 10.
  • [20]
    Ibid.
  • [21]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1995. L’article R. 123-4 du CJA dispose que « les commissaires du Gouvernement assistent avec voix consultative aux séances de l’assemblée générale, des commissions ou des sections pour les affaires qui dépendent de leurs services ».
  • [22]
    L’article R. 123-34 du CJA dispose que « peuvent participer avec voix consultative aux séances au cours desquelles une proposition de loi est examinée, outre l’auteur de la proposition, les personnes que ce dernier désigne pour l’assister ».
  • [23]
    Proposition de loi n° 2055 visant à améliorer l’indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation.
  • [24]
    Y. Jegouzo, « À propos de la fonction consultative du Conseil d’État », in Mélanges en l’honneur de D. Labetoulle, Juger l’administration, administrer la justice, Dalloz, 2007, p. 506.
  • [25]
    Y. Jegouzo, op. cit., p. 506.
  • [26]
    M. Long, op. cit., p. 787.
  • [27]
    Ibid., p. 788.
  • [28]
    V. le rapport de J.-L. Warsmann, Assemblée nationale, n° 1009 relatif à la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, notamment p. 129 et les débats au Sénat du 16 juillet 2008 : l’amendement de M. Arnaud Montebourg et l’amendement, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
  • [29]
    Sénat, débats, séances du 16 juillet 2008.
  • [30]
    P. Gonod, « L’examen des propositions de loi par le Conseil d’État : procédure novatrice ou simple gadget », RFDA, 2009, p. 891.
  • [31]
    L’article 4 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (introduit par l’article 1er de la loi n° 2009-689 du 15 juin 2009) dispose : « Le président d’une assemblée parlementaire peut saisir le Conseil d’État d’une proposition de loi déposée par un membre de cette assemblée, avant l’examen de cette proposition en commission. […] L’avis du Conseil d’État est adressé au président de l’assemblée qui l’a saisi, qui le communique à l’auteur de la proposition. »
  • [32]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1996.
  • [33]
    Ibid., p. 1995.
  • [34]
    AJDA, 1991, p. 475, note X. Prétot.
  • [35]
    AJDA, 2003, p. 948, note G. Drago et p. 1625, note M.-T. Viel.
  • [36]
    H. Hoepffner, op. cit., § 4.
  • [37]
    N° 1890 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.
  • [38]
    N° 2055 visant à améliorer l’indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation.
  • [39]
    R. Bouchez, op. cit., n° 19.
  • [40]
    V. le rapport n° 2297 de l’Assemblée nationale, notamment l’intervention du rapporteur Guy Lefrand.
  • [41]
    N° 2773 relative à l’établissement d’un contrôle des armes à feu moderne, simplifié et préventif.
  • [42]
    N° 2977 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique.
  • [43]
    Le texte ne comporte que 29 articles.
  • [44]
    Rendu à propos de la proposition de loi n° 3232 visant à permettre aux services départementaux d’incendie et de secours d’obtenir le remboursement des frais d’opération de secours auprès de l’incendiaire.
  • [45]
    N° 3585 tendant à adapter la loi de réforme des collectivités territoriales aux caractéristiques et contraintes particulières de la Guadeloupe.
  • [46]
    R. Bouchez, op. cit., n° 35.
  • [47]
    V. Rapport 2297 de l’Assemblée nationale.
  • [48]
    Ibid.
  • [49]
    Il faut noter ici que le Conseil d’État, saisi par le Gouvernement, a rendu un avis le 20 juin 1967, sur une proposition de loi tendant à modifier les limites des départements de l’Ain, de l’Isère et du Rhône (loi n° 67-1205 du 29 décembre 1967 modifiant les limites des départements de l’Ain, de l’Isère et du Rhône) dans lequel il avait procédé à un examen proche de celui qu’il a retenu pour les avis rendus dans le cadre de la nouvelle procédure de consultation, puisqu’il n’a alors pas réécrit le texte mais formulé une suggestion de rédaction.
  • [50]
    R. Bouchez, op. cit., nos 36 et 37. Le moment de la saisine du Conseil d’État n’influe pas uniquement sur la forme de l’avis, mais également sur l’étendue du contrôle qu’il peut déployer. Le Conseil d’État a estimé qu’il ne lui appartient pas dans le cadre de la nouvelle procédure consultative d’examiner les questions de recevabilité financière que peuvent soulever les dispositions de la proposition de loi au regard de l’exigence de l’article 40 de la Constitution. La proposition de loi étant soumise au Conseil d’État pour avis après son dépôt, il résulte des règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat que sa recevabilité financière a nécessairement déjà fait l’objet d’un examen et d’une décision positive de la part des instances de l’assemblée au sein de laquelle elle a été déposée (V. sur ce point R. Bouchez, op. cit., nos 38 et 39).
  • [51]
    En application de l’article 4 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958, le Conseil d’État examine une proposition de loi déposée – et partant, faisant l’objet d’une publication – par un membre du Parlement, avant l’examen de cette proposition en commission.
  • [52]
    R. Bouchez, op. cit., nos 36 et 37.
  • [53]
    Ibid.
  • [54]
    Ibid.
  • [55]
    J. Chevallier, « Le Conseil d’État, au cœur de l’État », in Le Conseil d’État. Pouvoirs, n° 123, p. 10.
  • [56]
    M. Long, op. cit., p. 788.
  • [57]
    P. Gonod, op. cit., RFDA, 2008, p. 871.
  • [58]
    Ibid., p. 872.
  • [59]
    Dans le même sens, v. A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1995.
  • [60]
    Dans le même sens, v. P. Gonod, op. cit., RFDA, 2008, p. 871.
  • [61]
    Ibid., p. 872.
  • [62]
    Ibid., p. 873.
  • [63]
    Ibid., p. 872. L’auteur explique que « comme le traduit la position initiale du Sénat lors de la récente révision constitutionnelle, les craintes exprimées tout au long de la IIIe République demeurent. Les échanges auxquels ont donné lieu l’examen en première lecture par le Sénat, puis la décision arrêtée présentent étrangement avec elle de fortes analogies, en dépit du fait que le dogme révolutionnaire de la suprématie de la loi a depuis lors été bien entamé ».
  • [64]
    H. Hoepffner, op. cit., § 1.
  • [65]
    Ibid., § 36.
  • [66]
    Ibid.
  • [67]
    M. Long, op. cit., p. 789.
  • [68]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, « Limites et perspectives de la nouvelle fonction législative du Conseil d’État », AJDA, 2009, p. 1997.
  • [69]
    H. Hoepffner, op. cit., pp. 895 sq.
  • [70]
    Rapport de l’Assemblée nationale n° 2095 relatif à la proposition de loi n° 1890 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, p. 23.
  • [71]
    Ibid., p. 23.
  • [72]
    Ibid., p. 61.
  • [73]
    Ibid., p. 61.
  • [74]
    Ibid., p. 24.
  • [75]
    L’avis du 28 janvier 2010 sur la proposition de loi n° 2055 visant à améliorer l’indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation a été entièrement rendu public. V. le rapport de l’Assemblée nationale n° 2297.
  • [76]
    V. Rapport de l’Assemblée nationale n° 3446, p. 16.
  • [77]
    V. Rapport de l’Assemblée nationale n° 3778, p. 5.
  • [78]
    V. supra.
  • [79]
    Sauf pour les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.
  • [80]
    L’intervention de J.-L. Warsmann lors de l’examen par la commission de la proposition de loi n° 2977 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique. V. le rapport de l’Assemblée nationale n° 3331.
  • [81]
    Rapport de l’Assemblée nationale n° 2095, p. 32.
  • [82]
    Il s’agit des articles 2, 20, 58, 83, 96 et 128. V. Rapport de l’Assemblée nationale n° 2095.
  • [83]
    Dans le même sens, v. A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1995.
  • [84]
    V. l’intervention de M. J. P. Schosteck lors de la discussion de cette proposition de loi en séance plénière.
  • [85]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1998.
  • [86]
    Y. Gaudemet, « Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État dans le processus législatif », in Conseil constitutionnel et Conseil d’État, LGDJ-Montchrestien, 1988, pp. 87 sq.
  • [87]
    V. sur ce point le rapport de l’Assemblée nationale n° 3778.
  • [88]
    P. Gonod, « Brèves remarques sur une présentation du Conseil d’État, conseiller du Parlement », JCP Administration et collectivités territoriales, n° 19, 9 mai 2011, n° 9.
  • [89]
    P. Gonod, op. cit., JCP Administration et collectivités territoriales, 2011, n° 10.
  • [90]
    V. l’intervention de M. J.-P. Schosteck.
  • [91]
    V. l’intervention de M. M. Vexès.
  • [92]
    P. Gonod, op. cit., JCP Administration et collectivités territoriales, 2011, n° 9.
  • [93]
    V. les débats en séance plénière concernant la première proposition de loi soumise à consultation.
  • [94]
    V. l’intervention de M. J. M. Clément, Rapport de l’Assemblée, p. 28.
  • [95]
    V. l’intervention de M. P. Vuilque.
  • [96]
    V. l’intervention de M. P. Vuilque.
  • [97]
    P. Gonod, op. cit., JCP Administration et collectivités territoriales, 2011, n° 10.
  • [98]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1997.
  • [99]
    V. la prise en compte de l’avis par la commission saisie pour l’examen de la première proposition de loi.
  • [100]
    Ainsi, il est apparu lors de la discussion en séance publique de la deuxième proposition de loi que « le législateur doit faire figurer dans le texte » une disposition que la commission avait décidé de retirer sur la recommandation du Conseil d’État, qui considérait qu’elle était d’ordre réglementaire. V. l’intervention de G. Lefrand.
  • [101]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1997.
  • [102]
    M. L. Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’Emploi.
  • [103]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1997.
  • [104]
    La seule proposition de loi issue de l’initiative des députés de l’opposition est celle relative tendant à adapter la loi de réforme des collectivités territoriales aux caractéristiques et contraintes particulières de la Guadeloupe (n° 3585).
  • [105]
    A. Roblot-Troisier, J.-G. Sorbara, op. cit., p. 1997.
  • [106]
    J.-M. Sauve, interview, AJDA, 2007, n° 11, p. 556.
  • [107]
    N. Belloubet, op. cit., p. 49.
  • [108]
    V. J. Chevallier, « Le Conseil d’État, au cœur de l’État », Pouvoirs, 2007/4, n° 123, pp. 5-17.
  • [109]
    V. N. Belloubet, op. cit., p. 50.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.81

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions