Couverture de RFDC_087

Article de revue

Un an de gestion parlementaire du nouvel article 48 de la Constitution

Pages 515 à 546

Notes

  • [1]
    A. Peyrefitte, C’était de Gaulle, Éditions de Fallois, Fayard, 1995, p. 217.
  • [2]
    Définition de l’ordre du jour extraite du lexique disponible sur le site officiel de l’Assemblée nationale.
  • [3]
    Extraits du rapport fait au nom de la commission des lois par le député J.-L. Warsmann, relatif au projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, p. 43.
  • [4]
    J. Gicquel, Dictionnaire Constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 695.
  • [5]
    Triple priorité, car aux termes de l’article 48 d’alors, Matignon pouvait non seulement inscrire les sujets de son choix, mais encore sélectionner les textes d’initiative parlementaire qu’il souhaitait voir évoquer, le tout dans l’ordre de passage par lui choisi.
  • [6]
    Données extraites de l’ouvrage de H. Cavaillet et D. Pouillard, « L’article 48 », in F. Luchaire, G. Conac et X. Prétot La Constitution de la République Française – Analyses et commentaires, Economica, 1987, p. 937.
  • [7]
    Diverses propositions de réforme de l’ordre du jour avaient été proposées, notamment par L. Fabius, qui, dans son allocution du 28 septembre 1989 proposa d’instituer une séance par quinzaine ou par mois à l’examen des propositions de lois ; ou encore par G. Colombier qui prônait un système de parrainage pour déterminer les propositions à examiner.
  • [8]
    Proposition extraite du rapport établi par le Comité consultatif pour une révision de la Constitution, chapitre 2, § 19.
  • [9]
    P. Fraisseix, « La fenêtre ‘‘parlementaire’’ de l’article 48 alinéa 3 de la Constitution : une nouvelle illustration de la revalorisation parlementaire », cette Revue, 1998, n° 33, p. 3- 33, p. 9.
  • [10]
    Pourcentage établi à partir des données extraites de l’article de P. Fraisseix préc. p. 15.
  • [11]
    J.-E. Gicquel, « L’ordre du jour réservé aux assemblées parlementaires », LPA, 7 juillet 1997, n° 81, p. 4.
  • [12]
    P. Baschschmidt, « Le succès méconnu des lois d’initiative parlementaire », cette Revue, 2009-78, p. 343-365, p. 349.
  • [13]
    P. Fraisseix, article préc. p. 13.
  • [14]
    D’autant que le Conseil constitutionnel a toujours fait fi du contenu de cet ordre du jour spécial (projets ou propositions) du moment que l’organe responsable des inscriptions était bien un parlementaire. Voir notamment la décision CC n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001.
  • [15]
    C’est le cas du Sénat italien où l’opposition bénéficie de deux séances par mois pour inscrire les sujets de son choix.
  • [16]
    Notons que la période d’observation envisagée varie quelque peu en fonction de l’assemblée considérée. Pour le Sénat, nous nous en tenons à la stricte étude de la session ordinaire 2009-2010, tandis que les données relatives à l’Assemblée nationale englobent également la seconde moitié de la session 2008-2009 (et débute, par conséquent, au 1er mars 2009, date d’entrée en vigueur du nouvel article 48).
  • [17]
    Aux termes de l’article 48 alinéa 1er : « […] l’ordre du jour est fixé par chaque assemblée ».
  • [18]
    L’Espagne organise un système mixte qui reconnaît une compétence parlementaire de principe, tout en permettant au Gouvernement d’obtenir l’inscription de « toute affaire à caractère prioritaire ».
  • [19]
    Rapport préc., p. 50.
  • [20]
    Nous renvoyons, à cet égard, à la classification ternaire dressée par J.-L. Pezant « L’article 48 », in F. Luchaire, G. Conac, X. Prétot, préc., 3e édition, 2009, p. 1205-1223, p. 1219. Il y distingue trois catégories. La première à vocation à « assurer une priorité aux textes qui sont au cœur de l’action gouvernementale et dont l’examen annuel est imposé par d’autres dispositions constitutionnelles ou organiques ». Elle regroupe les textes budgétaires. La seconde vise à « garantir le fonctionnement régulier de la navette parlementaire ». La dernière doit « permettre deuxième Parlement de se prononcer sur des situations d’urgence ».
  • [21]
    Notons l’ambiguïté de sa nature : mesure spéciale à l’Assemblée ; mesure de droit commun au Sénat. Au Palais du Luxembourg, il a été décidé que l’alinéa 5 ne serait pas l’apanage exclusif des groupes minoritaires, mais que la majorité en bénéficierait au même titre, le transformant en journée « des » groupes, indépendamment de leur appartenance politique. En contrepartie, les membres de l’opposition ont obtenu que cette réserve déborde sur une journée et demie par mois ainsi qu’un roulement des jours de séances (afin que les groupes minoritaires ne voient pas systématiquement leur séance se dérouler un jeudi, où les bancs des assemblées sont plus que clairsemés). Cette décision fait perdre à l’alinéa 5 son caractère spécial pour en faire une mesure de droit commun.
  • [22]
    Articles 47 alinéa 3 RAN et 29 alinéa 4 RS.
  • [23]
    Par exemple, les articles 9 alinéa 2 et 10 alinéa 2 du RAN retracent les modalités d’élection du président de l’Assemblée ainsi que des présidents de commission, conditions très favorables à la représentation de la majorité.
  • [24]
    A. Vidal-Naquet, « L’institutionnalisation de l’opposition », cette Revue, 2009-77, p. 153-173, p. 154.
  • [25]
    L. Favoreu, Droit constitutionnel, Dalloz, 2004, 7e édition, p. 338. Selon L. Favoreu, la théorie originelle de la séparation des pouvoirs est vouée à disparaître à cause du fait majoritaire : « la confrontation traditionnelle entre pouvoir exécutif et législatif s’estompe de plus en plus, désormais, devant celle de majorité et opposition ».
  • [26]
    Les résultats ne sont guère meilleurs au Sénat où le professeur P. Fraisseix ne recense que quatre questions orales avec débat, contre 35 textes. Article préc., p. 15.
  • [27]
    J.-L. Herin, « L’ordre du jour réservé : sept années de gestion sénatoriale de l’article 48 alinéa 3 de la Constitution », Pouvoirs, 2003, n° 105, p. 159-175, 168.
  • [28]
    Données recueillies sur le site du Sénat.
  • [29]
    J.-L. Pezant, « Parlementarisme rationalisé et système majoritaire », in La République : mélanges en l’honneur de Pierre Avril, Montchrestien, 2001, p. 465-479, p. 476 et suivantes.
  • [30]
    P. Avril, « Le Parlement législateur », RFSP, 1981, n° 1, p. 15-31. Il y écrit que « la législation est un des moyens par lesquels s’exerce le contrôle ».
  • [31]
    Sens des propos tenus par le professeur G. Carcassonne, lors de la Conférence organisée par l’AFDC, à l’Assemblée nationale, le 1er avril 2010, sur le sujet suivant : « Le nouveau règlement de l’Assemblée nationale ».
  • [32]
    Extraits du discours de l’ancien président du Sénat, C. Poncelet, lors de la séance du 7 octobre 1998.
  • [33]
    Selon le recueil statistique de l’activité de l’Assemblée nationale pour la session 2007- 2008, pas moins de 89 lois ont été adoptées au cours de cette session (p. 69). Par ailleurs, l’intégralité de l’ordre du jour de la session extraordinaire 2006-2007 a été consacrée à l’examen de textes, selon le rapport concernant la session de l’Assemblée nationale 2006-2007.
  • [34]
    Données extraites de notre recensement effectué à partir des ordres du jour disponibles sur le site de l’Assemblée nationale, chaque texte n’ayant été recensé qu’une fois, indépendamment du nombre d’inscription. Ont été exclues du décompte les 56 séances de questions au Gouvernement, puisqu’elles résultent d’une obligation constitutionnelle.
  • [35]
    Donnée issue de l’ouvrage de P. Avril et J. Gicquel, Droit parlementaire, Montchrestien, 4e édition, 2010, p. 165.
  • [36]
    Selon le nouvel article 24, « le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement ».
  • [37]
    G. Carcassonne, La Constitution, Seuil, 9e édition, 2009, p. 241.
  • [38]
    Le terme de « priorité » a toujours été présent au sein des différentes versions de l’article 48. En 1958, « l’ordre du jour [comportait], par priorité, la liste des textes […] » (alinéa 1er), les séances de questions avaient également cours « par priorité » (alinéa 2). Depuis 1995, c’est « par priorité » que les ministres fixent l’ordre du jour, que les parlementaires disposent d’une séance par mois pour déterminer le leur, et qu’une séance de questions se tient chaque semaine.
  • [39]
    M. Lascombe, « Les nouvelles règles relatives à la fixation de l’ordre du jour sous la Ve République », LPA, 19 décembre 2008, n° 254, p. 87.
  • [40]
    F. Colly, « L’article 24 », in F. Luchaire, G. Conac, X. Pretot, préc., p. 677-721, 678.
  • [41]
    F. Colly, article préc., p. 683.
  • [42]
    Pour le professeur D. Ribes, leur adoption « pourrait constituer un canal d’expression publique de cette fonction de contrôle » (D. Ribes, « Le comité Balladur, technicien expert du parlementarisme », cette Revue, 2008, hors série : Après le comité Balladur, réviser la Constitution en 2008 ? p. 11-132, p. 128). En revanche, selon le professeur H. Jozefowicz il ne fait pas de doute qu’elles ne font pas partie de la fonction de contrôle (H. Jozefowicz « La réforme des institutions : de la suggestion à l’adoption », Politeïa, 2009, n° 15, p. 233-289, 258).
  • [43]
    Extraits du rapport fait par la commission des lois constitutionnelles et de la législation au Sénat par le sénateur J.-J. Hyest, p. 154.
  • [44]
    Rappelons que chacun des acteurs dispose de deux semaines d’ordre du jour.
  • [45]
    Voir l’amendement déposé par le député P. Ollier (amendement n° 16), ou encore la rédaction originelle de l’article 22 du projet de loi constitutionnelle qui soumettait la « super-priorité » permettant d’inscrire d’office un texte transmis par l’autre assemblée depuis un certain temps au délai d’un mois. De la même façon, nous renvoyons au sous-amendement n° 507 déposé au Sénat, sollicitant l’extension de cette « super-priorité » aux parlementaires, l’idée étant que si l’objet de cette disposition est bien de ne pas laisser la navette en sommeil, il serait bienvenu d’en faire bénéficier également les membres des assemblées.
  • [46]
    Songeons à la « super-priorité » relative à l’état de crise, susceptible de recouvrir des sens divers, voir, en ce sens, les débats constituants, et notamment les propos du sénateur M. Charasse lors de la séance du 24 juin 2008, remarquant qu’une crise peut être « immédiate ou à venir », et qu’étant « brutale et imprévisible, [elle] est toujours indéfinissable par avance ».
  • [47]
    Rapport préc. p. 379 ainsi que les règlements des assemblées, articles 48 alinéa 11 du RAN, et 29 bis alinéa 7 du RS.
  • [48]
    M. Lascombe « Le Gouvernement et la révision constitutionnelle : un oublié très présent », JCP Édition générale, 30 juillet 2008, n° 31-35, p. 35-39.
  • [49]
    À l’époque, le système de répartition des journées parlementaires reposait sur le principe de la proportionnalité ce qui, bien évidemment, désavantageait les groupes minoritaires, qui ne disposaient que de peu de jours. En outre, la fréquence des séances ne permettait pas d’assurer un suivi des textes, peu d’entre eux ayant pu embarquer pour la navette. C’est ainsi que le professeur P. Fraisseix relève, dans son étude, qu’au cours des 14 premières séances, seules quatre propositions minoritaires ont pu accéder à l’ordre du jour.
  • [50]
    Ces propositions proviennent respectivement de l’amendement n° 74 déposé par la sénatrice N. Borvo Cohen-Seat et de l’amendement n° 497 proposé par le député A. Montebourg.
  • [51]
    Il n’est pas exclu que le Gouvernement détourne les mécanismes du parlementarisme rationalisé de leur objet. On peut imaginer qu’il puisse opposer l’irrecevabilité financière et imposer le vote bloqué.
  • [52]
    Pour reprendre la formule autrefois utilisée par J.-L. Herin, article préc.
  • [53]
    Songeons, par exemple, à la précision dont fait preuve le constituant lorsqu’il décrit la procédure accélérée (article 45), ou les règles présidant à la mise en cause de la responsabilité gouvernementale (article 49).
  • [54]
    Sans compter l’œuvre de déblaiement produite par le Conseil constitutionnel, voir la décision CC n° 2009-579 DC du 9 avril 2009 où le juge affiche son intention d’effectuer un contrôle restreint du caractère suffisant ou non des études d’impact.
  • [55]
    Comité d’évaluation et de contrôle.
  • [56]
    Il s’agit du droit de tirage, c’est-à-dire du droit de créer une commission d’enquête. Non seulement sa constitutionnalisation a été refusée (cf. l’amendement n° 281 déposé par le député A. Montebourg), mais en plus il ne s’agit pas d’un droit de création d’une telle commission, simplement d’un droit de solliciter leur création. C’est là que le bât blesse : la demande sera examinée en commission, collège qui, naturellement, assure une forte représentation de la majorité, et qui, au moyen de conditions de fond substantielles, pourra aisément rejeter la proposition (on note, par exemple, que l’article 140 du RAN permet à la commission saisie de la demande de se prononcer sur son « opportunité »).
  • [57]
    Cf. l’amendement n° 498 : « une semaine sur quatre est réservée exclusivement aux fonctions de contrôle du Parlement ».
  • [58]
    Ex. : texte sur la réforme de l’hôpital public (figurant à l’ordre du jour des séances des 2, 3, 4, 5, 9 et 10 mars 2009), sur la protection de la création sur internet (enrôlé à l’ordre du jour des 11, 12, 30, 31 mars 2009, ainsi que les 1er, 2, 9 avril et le 12 mai), le projet relatif à l’ouverture à la concurrence du secteur des jeux en ligne (les 7, 8, 9, 13 octobre 2009, ainsi que le 31 mars 2010), le texte sur le Grand Paris (les 24, 25, 26 et 27 novembre 2009), celui relatif à l’évolution du statut de l’entreprise publique La Poste (15, 16, 17 décembre 2009, ainsi qu’à celui du 12 janvier 2010)…
  • [59]
    12 projets sur les 29 recensés (excepté les projets de loi habilitant le Gouvernement à approuver des accords internationaux).
  • [60]
    Ajoutons aux éléments d’explication le fait que la réserve des votes, autorisée par l’article 95-6 du RAN, et qui permet de procéder à l’examen du texte puis de l’inscrire une nouvelle fois à l’ordre du jour pour ne se livrer qu’aux opérations de votation, est très largement pratiquée au Palais Bourbon, justifiant, pour partie, ce phénomène de dispersion des projets de loi entre les différentes catégories d’ordre du jour.
  • [61]
    Au Sénat, l’ordre du jour gouvernemental pour la session ordinaire 2009-2010 comprend 49 projets, contre quarte propositions.
  • [62]
    En effet la première proposition que l’on décompte a été inscrite à l’ordre du jour du 25 février 2010.
  • [63]
    19 des 24 projets de loi recensés au Sénat (hormis ceux portant habilitation à approuver un accord international) se retrouvent inscrits dans la même catégorie d’ordre du jour à l’Assemblée nationale.
  • [64]
    Sur les 17 propositions recensées, deux seulement étaient de véritables inscriptions, destinées à faire l’objet d’un examen et non pas d’un simple vote (il s’agit de la proposition tendant à modifier le RAN, inscrite à l’ordre du jour du 12 au 14 mai, ainsi que du texte relatif au service civique, étudié le 4 février 2010).
  • [65]
    Partant du postulat qu’une journée de séances contient en moyenne 11 heures de débats et que dans une semaine les parlementaires siègent trois jours (du mardi au jeudi), les quatre semaines préemptées ont représenté, pour les députés et les sénateurs, un manque à gagner de 132 heures de débats.
  • [66]
    À l’exception de quelques séances mais il ne s’agissait que d’approuver les conclusions adoptées par la CMP, mobilisant peu de temps (5 heures au Sénat, 7 heures à l’Assemblée).
  • [67]
    Ordre du jour des séances des 15, 16 et 25 février 2010, ainsi qu’à celle du 6 mai dernier.
  • [68]
    Selon le recueil statistique de l’activité de l’Assemblée nationale 2008-2009, p. 59, annexe IX.
  • [69]
    Selon notre recensement, trois sont susceptibles d’en avoir bénéficié.
  • [70]
    On pourrait objecter que l’opération est nulle pour le Gouvernement car il se trouvera nécessairement contraint d’inscrire les conclusions adoptées par la CMP à l’ordre du jour de chaque assemblée. C’est oublier la différence de taille qui existe entre l’examen d’un texte et la seule adoption des conclusions d’une telle commission, le premier pouvant aller jusqu’à monopoliser plusieurs jours de séances, la seconde ne nécessitant que quelques minutes d’examen (1h40 en moyenne, selon nos calculs).
  • [71]
    Sous la session 2006-2007, seuls six projets ont été soumis à la procédure d’urgence.
  • [72]
    Propos tenus par le professeur G. Carcassonne, conférence préc.
  • [73]
    Ont également été recensés au sein de cet ordre du jour deux propositions de résolutions, 16 questions au Gouvernement (qui constituent la mise en œuvre du 6e alinéa de l’article 48), une question orale sans débat, une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat, une déclaration du Gouvernement relative à la politique étrangère, et un projet de loi de finances.
  • [74]
    Conférence préc.
  • [75]
    Une exception notable doit cependant être relevée : un projet a tout de même monopolisé 18h30 d’examen (projet de loi organisant la concomitance des élections des conseils régionaux et généraux, inscrit à l’ordre du jour des 19 et 22 janvier 2010).
  • [76]
    On recense au sein de cet ordre du jour spécial, 16 débats, six débats relatifs à l’application d’une loi, quatre questions cribles thématiques, 10 questions orales avec débat, une question orale sans débat, deux questions d’actualité au Gouvernement, deux résolutions tendant à obtenir la création d’une commission d’information, et, enfin, une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat. Notons, à cet égard, que la présence des questions cribles thématiques et des questions d’actualité au Gouvernement s’explique par l’exigence de l’alinéa 6.
  • [77]
    L’étude de l’ordre du jour montre qu’elles sont à l’origine de pas moins de sept débats.
  • [78]
    12 projets et 20 propositions de loi.
  • [79]
    Une discussion de la sorte nécessitait, en moyenne, 3 heures de temps en début de session, pour ne mobiliser, en fin de session, plus qu’une à deux heures.
  • [80]
    Notons, tout de même, l’effort fourni par les députés en la matière. Il réside dans la présence des questions orales sans débat : d’une durée moyenne de 3h10, elles incarnent l’espoir de l’uniformisation d’un ordre du jour aujourd’hui atomisé.
  • [81]
    Ont également été recensés cinq propositions de résolution, un projet de loi dont la présence a été consentie par le groupe disposant de la séance d’alors, le groupe Nouveau Centre, et quatre débats.
  • [82]
    Voir par exemple la séance du 30 avril 2009, rythmée par de multiples échanges de rappels au règlement entre le député J.-M. Ayrault, président du groupe socialiste, et J.-F. Coppé, alors qu’il n’est pas certain que cette question puisse relever du rappel au règlement. Depuis cette date, les députés de l’opposition déplorent quasi systématiquement le boycott de la majorité, dénonçant « un simulacre de démocratie », une « dégradation des conditions de travail ».
  • [83]
    Voir le compte rendu de la séance du 19 novembre 2009 à l’Assemblée nationale.
  • [84]
    En témoigne leur déclaration d’appartenance politique : « Partenaires loyaux de la majorité présidentielle née le 6 mai 2007 […] ».
  • [85]
    Il s’agit d’une proposition de loi socialiste relative à la rémunération des dirigeants d’entreprise.
  • [86]
    En effet deux propositions de loi ont été déposées en ce sens, inscrites respectivement à l’ordre du jour des séances des 28 mai 2009 et 20 mai 2010.
  • [87]
    Le meilleur exemple reste encore la question de l’abrogation du bouclier fiscal qui a suscité le dépôt de trois textes, conduisant à ce que les propositions des groupes socialistes, des sénateurs du parti de gauche et du groupe communiste républicain et citoyen soient examinées le même jour, lors de la séance du 20 mai 2010. C’est également le cas du thème du logement qui a fait l’objet une inscription à l’ordre du jour à l’Assemblée nationale à l’initiative du groupe GDR, le 3 décembre, et le 17 novembre au Sénat, par le groupe socialiste.
  • [88]
    La création d’une Conférence des présidents des groupes minoritaires et d’opposition présenterait l’intérêt d’offrir aux sujets choisis par cet organe un large soutien puisqu’ils seraient supportés par l’ensemble des membres de ces groupes, et, ainsi de susciter une cohésion et une concentration des voix autour d’une même initiative.
  • [89]
    Si le groupe UMP bénéficie de l’ordre du jour de l’alinéa 5, nous excluons leurs textes de l’étude tant les résultats s’en trouveraient tronqués.
  • [90]
    Il s’agit de quatre propositions du groupe centriste, de deux propositions du groupe RDSE, et de deux propositions du groupe socialiste.
« Il ne faut modifier la Constitution que pour la maintenir ».
Charles de Gaulle [1].

1 À lire l’instigateur de la Ve République, une modification de la Constitution ne doit avoir pour objet que d’assurer sa survie. L’idée étant que le meilleur moyen de préserver un état est encore de le bouleverser. Si l’on se fie à cette conception de l’évolution de la lettre constitutionnelle, on trouve bien peu d’intérêt à la réforme de l’ordre du jour entreprise en juillet 2008. L’article 48, si crucial fut-il pour la représentation de l’équilibre des forces politiques en présence, ne présentait guère une menace, ni pour la pérennité de la Ve République, ni même pour le bon déroulement de l’activité parlementaire. Certes, si le constituant n’avait pas jugé utile de modifier les modalités de fixation de l’ordre du jour, la situation ne se serait pas assainie d’elle-même. Certes, l’application de l’ancien article 48 aurait continué de susciter ponctuellement l’indignation de tel ou tel parlementaire, provoquant la houle des exclus du processus d’inscription des sujets à l’ordre du jour. Certes, ceux qui disposaient de la plus large tribune pour déterminer « la liste des textes et sujets que les députés doivent examiner en séance publique » [2] n’auraient pas fait preuve de plus d’altruisme envers ceux qui y réclamaient une place. Mais quand bien même les anciennes modalités de fixation de l’ordre du jour auraient perduré, elles seraient restées totalement indolores pour le régime. En un mot, son maintien n’exigeait pas que l’ordre du jour soit modifié. Ce qui le menaçait, en revanche, c’est l’impuissance du Parlement, dénoncée depuis longtemps, au point d’amener le député J.-L. Warsmann à considérer « qu’à lire tous ceux qui ont écrit sur le Parlement depuis 1959, il serait l’homme malade des institutions de la Ve République » [3]. Aussi convenait-il d’amorcer une réflexion afin de rendre au Parlement ce qui est au Parlement dans un régime parlementaire. Figure au premier titre de ses attributions naturelles, s’il en est, la capacité de fixer l’ordre du jour.

2 Pour mémoire rappelons que, jusqu’alors, la Constitution s’est vue imposer deux régimes successifs en la matière.

3 Le système originel était habité par un esprit d’un autre temps, celui de l’instabilité ministérielle. Mal parmi les maux de la IVe République, la précarité gouvernementale s’est muée en un élément caractéristique du régime issu de la Constitution du 27 octobre 1946. L’épisode de l’échec de la Communauté européenne de défense, causé par l’affront des parlementaires qui rejetèrent purement et simplement le projet de P. Mendès-France, hantait l’esprit des constituants. Aussi est-il apparu nécessaire aux promoteurs de la Constitution de 1958 d’enserrer l’influence du Parlement en créant ce que l’on appelle communément les mécanismes du parlementarisme rationalisé, et qui selon le professeur J. Gicquel constituent « un ensemble de règles juridiques destinées à préserver la stabilité du Gouvernement, en l’absence de majorité constante » [4]. Nul doute que l’ordre du jour originel était au nombre de ces règles : en prévoyant une distinction entre ordre du jour prioritaire et complémentaire, en faisant bénéficier le Gouvernement d’une triple priorité [5], et partant, en lui donnant la possibilité de déterminer la quasi-totalité du rôle des assemblées, la Constitution lui assurait une tribune d’expression même en l’absence de majorité stable. Mais ce que n’avaient pas envisagé les partisans de ce système c’est que cette configuration particulière qu’est l’opposition entre majorité et Gouvernement viendrait à péricliter et qu’apparaîtrait le phénomène inverse : le fait majoritaire. Auraient-ils pu anticiper la survenance d’une telle contradiction ? Rien n’est moins sûr. Or ce changement de configuration va profondément bouleverser la perception de l’ordre du jour. D’élément d’équilibre du régime en temps de guerre entre les acteurs du Parlement, il est devenu une arme redoutable aux mains de Gouvernements forts d’une majorité stable. Sous l’empire du premier régime de l’ordre du jour, le rôle des assemblées devint quasi exclusivement gouvernemental. Lors des six premières années d’application, les projets de loi représentèrent 88 % des textes adoptés, pour ensuite se maintenir à une proportion avoisinant 80 %, et ce jusqu’au début des années quatre-vingts [6]. Cette prédominance se confirma, puisque sur la période 1986-1995, 83 % des lois étaient d’origine gouvernementale, le pic ayant été atteint en 1988 avec 94 % des textes votés. Les propositions de loi furent reléguées au simple rôle de figurantes, et c’est ainsi que le premier régime s’est mué en un paradoxe : celui d’une disposition originellement nécessaire mais finalement abusivement rigoureuse ; celui d’un simple droit de priorité devenu, en pratique, un véritable principe, offrant une compétence quasi exclusive au Gouvernement.

4 La situation asphyxie les parlementaires au point d’inciter, d’abord les membres des assemblées eux-mêmes [7], puis le comité Vedel [8] à se saisir de la question. C’est dans ce contexte que le second régime de l’ordre du jour fut imaginé. Le Comité proposa d’amorcer un rééquilibrage du droit d’accès au rôle des assemblées, allant jusqu’à envisager d’instituer une réserve parlementaire hebdomadaire. Le résultat est moins ambitieux : la réserve ne sera que mensuelle, sans doute parce qu’à l’époque la France sort d’une période politiquement éclectique, au cours de laquelle elle a connu toutes les configurations envisageables et qu’ayant pris conscience de la diversité des situations potentiellement réalisables, les constituants n’ont pas entendu opérer un changement radical, sinon la correction de « quelques excès constitutionnels avérés » [9]. Reste que si la réforme est timide, elle comporte deux avantages majeurs : d’une part, elle crée un espace réservé à la discrétion des parlementaires, exempt de tout empiétement gouvernemental ; d’autre part le rang constitutionnel de cet ordre du jour spécial lui garantit une protection juridictionnelle dans l’hypothèse (d’école) où les ministres seraient tentés de s’en emparer. Néanmoins, le résultat obtenu est décevant. Si les membres des assemblées ont indiscutablement entendu s’approprier cet espace, preuve en est du grand nombre de propositions de loi recensées (plus de 79 % de l’ordre du jour parlementaire) [10], ainsi que des sujets concernés (propositions économiques et sociales, textes d’envergure à forte connotation politique), le taux d’adoption des propositions n’a cependant pas connu d’ascension fulgurante. Selon J-E Gicquel, le nombre de textes parlementaires adoptés n’a augmenté que dans des proportions très limitées : sous la session 1995-1996 ils n’ont représenté que 25 % des textes votés [11]. Le recensement effectué par P. Bachschmidt indique que sur 606 lois promulguées entre le 1er octobre 1995 et le 30 septembre 2008, moins de 30 % étaient des propositions [12]. Si l’on ajoute à cela le faible nombre d’heures de débats mobilisées pour l’examen des textes parlementaires (3h30 en moyenne [13] alors qu’une séance au sens sénatorial du terme en comporte dix), on achève de démontrer la relative efficacité du second régime de l’ordre du jour. Plusieurs facteurs permettent de comprendre le maintien de ce déséquilibre organique. Sans doute les parlementaires souffraient-ils d’un manque de culture en la matière : privés pendant 37 ans de toute possibilité d’inscription d’un sujet au rôle de leur assemblée, ils ont éprouvé quelques difficultés lorsqu’il s’est agi de remplir cet espace inédit, et ont certainement été réceptifs aux commandes de Matignon (ce qui explique la présence de projets de loi dans certaines séances d’initiative parlementaire) [14]. Sans doute l’étroitesse de la place laissée à l’opposition permet-elle également de comprendre l’échec du dispositif. Dans un monde politique où l’harmonie règne entre ministres et majorité, le droit d’évocation des sujets devant l’hémicycle n’a de sens que s’il laisse une tribune d’expression à ceux qui sont en dehors de ce vase clos. Or le nombre de séances réservées aux groupes d’opposition était insuffisant pour permettre une véritable « parlementarisation » de l’ordre du jour de l’article 48 alinéa 3. Enfin les chambres ont elles-mêmes participé à l’échec du dispositif. Ne disposant que de très peu de séances réservées, elles ont cherché à favoriser l’inscription des initiatives de leurs membres quitte à ne pas assurer la navette des textes adoptés par leur consœur, repli égoïste à l’origine de nombreux abandons de textes qui n’ont pu accéder à la navette législative sauf à être relayés… par le Gouvernement, à l’ordre du jour prioritaire. C’est ainsi que le second régime de l’ordre du jour s’est également mué en un paradoxe : au lieu d’émanciper les parlementaires, elle a offert aux ministres un formidable droit de filtrage des textes proposés.

5 Aucun des deux régimes de l’ordre du jour n’a apporté satisfaction, les parlementaires se retrouvant auteurs malheureux de textes qu’ils n’avaient pas la faculté d’amener en séance publique, le droit de priorité gouvernementale agissant comme un mur infranchissable (sauf assistance ministérielle). Cette situation était doublement injustifiée. Parce que l’ordre du jour constitue un moment clef de la procédure législative, en ce qu’il symbolise le titre d’embarquement pour la navette, et qu’en fonction de son degré d’accessibilité il détermine la place réelle des droits du parlementaire dans un système juridico-politique. Parce que la France, une fois n’est pas coutume, faisait figure d’exception en la matière, les autres pays européens ayant opté pour un système de fixation de l’ordre du jour « parlementarisé » où le processus de décision appartient aux parlementaires, en assurant une représentation des différents groupes politiques [15].

6 Ces problèmes (récurrents) ont généré une véritable synergie autour de la question de la compétence en matière de fixation de l’ordre du jour. Le comité Balladur a dû répondre à l’équation suivante : qui fixe la liste des sujets à évoquer en séance ; comment ; dans quelles proportions ?

7 Mesurons l’ampleur du changement. La métamorphose de l’ordre du jour se veut complète, à la fois substantielle et formelle (l’article 48 ayant été augmenté de trois alinéas). L’évolution de la lettre est une chose, la pratique parlementaire en est une autre même si l’on ne peut occulter que l’un influence l’autre. De la réforme à la réformette il n’y a qu’un pas, et seul le bilan de cette première année peut nous permettre de quantifier la teneur du changement opéré. On a pu éprouver la tentation de recourir au terme « décevant » mais il se serait révélé impropre tant il ignorerait les progrès, discrets, certes, mais remarquables qu’enregistrent les chambres. Le terme « mitigé » est sans nul doute l’adjectif à retenir pour qualifier cette période d’observation, car c’est bien dans ce caractère « approximatif » que réside toute l’essence de la réforme de l’ordre du jour. Ni absolument aboutie, ni insatisfaisante, elle est, tant dans la lettre (I) que dans la pratique (II) [16], balbutiante.

I – UNE RÉFORME LACUNAIRE

8 Lorsque l’observateur cherche à décrire le nouveau visage de l’ordre du jour, il se trouve partagé entre deux sentiments contradictoires. Un le convainc de l’utilité de la réforme entreprise (A), l’autre lui laisse un goût d’inachevé (B), donnant cette impression de lacunes, de manques dans quelque chose de continu et de nécessaire, à savoir la réhabilitation de la capacité des parlementaires à décider librement de ce qui doit et de ce qui ne doit pas être débattu en séance publique.

A – LA NÉCESSITÉ DE REDONNER UN SENS À L’ORDRE DU JOUR PARTAGÉ

9 On ne peut que saluer l’intention des promoteurs de la réforme : réhabiliter l’ordre du jour dans sa diversité, à la fois organique, à raison des acteurs qui peuvent bénéficier du droit d’inscription (1) et fonctionnelle, à raison des missions qui incombent au Parlement : légiférer et contrôler (2). C’est en consacrant la double dimension du partage que le constituant a redonné un sens, si tant est qu’il en ait eu un jour, à l’ordre du jour partagé.

1 – Assurer un partage organique de l’ordre du jour

10 La réhabilitation organique de l’ordre du jour supposait, avant toute chose, d’envisager une séparation plus nette entre le droit d’inscription gouvernementale et parlementaire. On peut alors parler de séparation externe. Reste que cette réhabilitation supposait également une séparation interne, entre parlementaires, en fonction de leur appartenance politique.

11 S’agissant de la séparation externe, l’objectif était de faire (enfin) écho à l’article 39 de la Constitution, qui énonce que « l’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement ». Certes l’article 48 n’a à aucun moment été directement violé puisqu’il n’a jamais été fait obstacle à ce qu’une proposition de loi soit déposée. Cependant, on ne peut nier que le principe qu’il recèle était battu en brèche par le monopole de fait dont jouissait le Gouvernement. Il fallait donc opérer une répartition des rôles plus équitable. Égalité revendiquée par le Gouvernement lui-même, comme en témoignent les propos du Premier ministre lors de la 3e séance du 20 mai 2008 à l’Assemblée nationale : « Le Gouvernement dialogue et collabore avec le Parlement, il n’est pas son maître d’études ! Au Parlement de fixer son ordre du jour ». La 19e proposition du comité Balladur se charge de la réaliser : les parlementaires détiennent désormais une compétence de principe en matière de fixation de l’ordre du jour, règle qui, de surcroît, se trouve affirmée au tout premier alinéa du nouvel article 48 [17]. Dès lors, on ne peut nier que l’article 48 a été extrait de l’arsenal du parlementarisme rationalisé. Le Gouvernement ne bénéficiera plus que d’un droit de priorité, enfermé dans un strict délai de deux semaines par mois. Le déposséder de tout moyen d’action n’aurait pas été souhaitable, ni, sans doute même, constitutionnel, à raison des missions que lui confie l’article 20 de la Constitution, et des exigences de l’article 39. Comment les ministres pourraient-ils remplir leur fonction s’ils se trouvaient sans cesse empêchés d’inscrire les textes qui incarnent le relais nécessaire de leurs engagements politiques ? Ne serait-ce pas revenir à la situation de la IVe République ? Par ailleurs, même dans les systèmes qui consacrent une place conséquente aux parlementaires dans la fixation de l’ordre du jour, tel l’Espagne, le Gouvernement n’est pas dépourvu de moyens d’action sur le contenu du rôle des assemblées [18]. Le partage entre les acteurs de la procédure législative étant entendu, un juste équilibre devait être trouvé afin que les ministres puissent accéder au rôle, sans que le principe de la détermination parlementaire de l’ordre du jour ne soit remis en cause. Le système de répartition proposé par le Comité a séduit au point d’être repris dans le projet définitif. Le rapporteur du projet de loi constitutionnelle à l’Assemblée nationale s’est félicité du rythme retenu : « La possibilité pour le Gouvernement d’obtenir l’inscription par priorité de textes, dans la limite de deux semaines de séance sur quatre, permet de déroger au principe de la fixation de l’ordre du jour par la Conférence des présidents sans rétablir pour autant un monopole gouvernemental » [19]. Si l’on ajoute à cela les trois « super-priorités » dont dispose le Gouvernement pour assurer un examen rapide de textes importants [20], on s’aperçoit que l’ordre du jour gouvernemental perdure sous un double régime : un espace permanent, certain, prévu à l’alinéa 2 de l’article 48 et un autre ponctuel, incertain, épisodique, prévu à l’alinéa 3. En apparence, le nouveau partage organisé par l’article 48 semble satisfaisant.

12 Le partage interne de l’ordre du jour est assuré par l’alinéa 5 de l’article 48 qui réserve une séance par mois aux parlementaires appartenant aux groupes minoritaires et d’opposition. Cet effort du constituant doit être souligné car il témoigne d’une prise de conscience de l’hétérogénéité du Parlement, et met fin au dogme objectif du parlementaire qui prévalait jusqu’alors [21]. L’alinéa 1er remet entre les mains des parlementaires le soin de fixer l’ordre du jour, et c’est à la Conférence des présidents que les règlements intérieurs ont confié cette tâche [22]. Or, composée principalement de membres du groupe majoritaire [23] et reposant sur un système de votation proportionnel au nombre de membres que comporte le groupe considéré, elle assure à la majorité un véritable pouvoir de filtrage quant aux sujets à inscrire aux rôles des assemblées. Cependant, l’ordre du jour minoritaire comporte deux avantages. D’une part, son rang constitutionnel le protège des assauts du bloc majoritaire, d’autre part, plus qu’une simple priorité, il crée une véritable exception au principe de la fixation majoritaire de l’ordre du jour. Le constituant a institué un régime dérogatoire qui devra être mis en œuvre chaque mois, indépendamment des événements de nature à perturber les travaux parlementaires. L’avancée est considérable. Dans un système politique où le fait majoritaire s’est mué en un élément caractéristique du régime, l’opposition est devenue, sinon le critère de la démocratie [24], au moins un contre-pouvoir indispensable [25]. À l’heure où la connivence entre majorité et Gouvernement est telle qu’un texte émanant de l’un ou de l’autre reste inchangé en substance, on ne peut que saluer la promotion de la minorité, apte à décider épisodiquement des sujets à débattre en séance.

13 Si l’ordre du jour a été organiquement repensé, le constituant s’est également attaché à repenser son contenu.

2 – Assurer un partage fonctionnel de l’ordre du jour

14 Jusqu’à présent, l’article 48 a toujours fait preuve d’une indifférence totale à l’égard du contenu matériel de l’ordre du jour, niant ainsi la pluralité fonctionnelle du Parlement. Ce temps est désormais révolu, la nouvelle version effectue une distinction implicite entre fonction législative et de contrôle. Implicite, car si l’alinéa 4 vise textuellement la fonction de contrôle, aucune disposition ne mentionne la fonction législative, qui, de ce fait, apparaît en filigrane. En effet, le droit de priorité dont bénéficie l’activité de contrôle implique que la seconde semaine parlementaire soit consacrée à l’activité normative.

15 On ne peut que féliciter l’audace du constituant car la fonction de contrôle était, jusqu’alors, le parent pauvre du travail parlementaire, et ce en dépit tant de l’obligation constitutionnelle de mettre en place une séance de questions hebdomadaire que de la télétransmission desdites séances depuis 1981. Le désintérêt des membres des assemblées pour ce pan de l’activité parlementaire apparaît de façon flagrante après l’instauration de la réserve parlementaire en 1995. Selon le professeur P. Fraisseix, lors des 15 premières séances mensuelles tenues au Palais Bourbon, seuls trois débats furent organisés contre 19 propositions de loi ; représentant ainsi moins de 15 % des inscriptions [26]. J.-L. Hérin achève la démonstration lorsqu’il énonce que sur la période 1995-2001, les sénateurs ont systématiquement privilégié la fonction normative : lors de la session 1995-1996, sur 39h45 de travaux, 5h40 seulement ont été consacrées à cette activité [27]. Certes, les séances de questions hebdomadaires ont toujours été portées à l’ordre du jour, mais il s’agit là d’une obligation constitutionnelle que les parlementaires ne pouvaient, de ce fait, que difficilement contourner. En outre, limiter la fonction de contrôle à ces séances de questions serait considérablement réducteur. Au sein de l’ordre du jour, on peut considérer que cette activité se manifeste, au mieux, par l’examen de rapports de commissions d’enquête ou de missions d’information, au moins, par l’organisation de débats d’actualité, touchant à la politique gouvernementale, voire de débats ciblés, portant sur les effets de l’application d’une loi. Or le rôle des assemblées n’a jamais regorgé de telles inscriptions. Preuve en est des données figurant dans le recueil statistique de l’activité de l’Assemblée nationale pour la session 2008-2009. Il apparaît que seuls trois rapports d’information portant sur l’état d’application d’une loi ont été inscrits, et qu’aucun débat relatif au contrôle et à l’évaluation du Gouvernement n’a été tenu avant le 1er mars 2009 (date d’entrée en vigueur du nouvel article 48). La situation observée au Palais du Luxembourg n’était guère plus réjouissante, l’organisation de débats relatifs à l’évaluation de l’activité gouvernementale étant en voie de disparition : si cinq débats ont été tenus lors de la session 2005-2006, trois seulement l’ont été lors de la session suivante, pour qu’il ne s’en tienne finalement plus qu’un au cours de la session 2007-2008 [28]. Trois arguments ont été avancés pour expliquer la rareté des inscriptions relatives au contrôle. Pour certains, elle serait le fait d’un manque de culture des parlementaires en la matière (la fonction de contrôle sous les républiques antérieures s’exerçant au moyen de la fonction législative, par des mécanismes tels que l’interpellation) [29]. Pour d’autres, elle ne serait que la conséquence d’une absence de distinction entre les différentes fonctions parlementaires (normative et de contrôle) [30]. Enfin, certains avancent le caractère non « séduisant » des travaux de contrôle qui, menés entre les murs de collèges restreints, ne sont pas débattus en séance publique et ce faisant ne jouissent pas de la publicité qu’assure la publication des débats au Journal officiel, de sorte que les parlementaires, n’en tirant aucune notoriété, s’en détachent [31].

16 La réforme revalorise la place accordée à la fonction de contrôle, « seconde nature de l’institution parlementaire » [32]. Pas moins de deux alinéas y sont consacrés. Le constituant aurait pu prendre le parti de faire disparaître l’obligation d’organiser les séances hebdomadaires de questions au Gouvernement et préférer lui substituer un alinéa unique, laissant aux parlementaires le soin d’y tenir, ou non, des séances de questions. Tel n’a pas été le cas, ce sont bien deux espaces qui ont été consacrés à l’ordre du jour de contrôle. Un premier espace, obligatoire, permanent, certain, continue d’exiger la tenue de séances de questions au Gouvernement (alinéa 6). Notons que son caractère obligatoire en fait une « super-priorité » dans la mesure où ces séances devront se dérouler chaque semaine, indépendamment des circonstances à même de perturber les travaux parlementaires. Un second espace, inédit, réserve prioritairement une semaine parlementaire sur deux au contrôle et à l’évaluation du Gouvernement. C’est une parcelle d’ordre du jour plus aléatoire, l’alinéa 4 ne conférant pas une exclusivité absolue aux travaux de contrôle.

17 La part belle continue d’être faite à la fonction législative. Vedette incontestable de l’ordre du jour, monopolisant 661h45 de débats sur les 919h50 tenues lors de la session 2007-2008 [33], avec pas moins de 114 textes examinés contre 13 débats et 14 séances de questions orales sans débat [34], elle fait l’objet de toutes les attentions des parlementaires [35]. Cet engouement trouve plusieurs justifications. Textuelles tout d’abord, la Constitution imposant l’obligation d’adopter certaines lois (par exemple en matière budgétaire au moyen des articles 47 et 47-1), le droit communautaire exigeant l’édiction d’un grand nombre d’actes de transposition. Factuelles également. Comment imaginer que les parlementaires, après des années de brimade, privés d’un droit d’accès au rôle de leur propre assemblée, n’allaient pas se ruer sur le moyen le plus efficace de faire valoir leur programme politique ? Et quel meilleur moyen que la loi ? Enfin, il existe une justification intermédiaire, à mi-chemin entre les deux catégories de motifs que nous venons d’évoquer. Le Gouvernement, chargé par l’article 20 de la Constitution de conduire la politique de la nation et de mettre en œuvre son programme est nécessairement porté à solliciter l’inscription d’un grand nombre de textes à l’ordre du jour des assemblées.

18 Le nouvel ordre du jour offre un panorama de l’activité parlementaire, en considérant ses deux fonctions. Tout l’intérêt réside dans la reconquête des travaux de contrôle qui, disposant d’une place à l’ordre du jour, pourront jouir d’une publicité au moins aussi importante que celle dont bénéficient les débats législatifs. Ce faisant, le constituant réconcilie l’article 48 avec l’article 24 de la Constitution, le premier relayant les exigences du second [36].

19 En assurant la représentation du double partage qui anime les assemblées, la réforme offre un aperçu fidèle des forces en présence et de l’hétérogénéité de l’activité du Parlement. Cependant, un examen approfondi de la révision nous amène à douter de son caractère bienfaisant.

B – UNE RÉHABILITATION INACHEVÉE DE L’ORDRE DU JOUR PARTAGÉ

20 Nos espoirs de changement s’assombrissent lorsque l’on se livre à une étude plus approfondie du nouvel article 48. Selon le Professeur G. Carcassonne « [sa] réécriture complète […] fut considérée, naïvement, comme l’une des mesures phares de la révision de 2008 » [37]. L’examen ne dément pas : à y regarder de plus près, le constituant n’est peut-être pas allé suffisamment loin dans sa démarche de rééquilibrage, laissant à l’observateur un goût d’inachevé (2), allant même parfois jusqu’à le faire douter de ses réelles intentions (1).

1 – Une réforme ambiguë

21 L’ambiguïté apparaît lorsque l’on s’aperçoit que les auteurs de la réforme ont maintenu certains principes que le constituant entendait pourtant abolir, maintien difficilement justifiable dès lors qu’il peut se révéler contre-productif pour le dispositif d’ensemble. En ce sens, l’ordre du jour est doublement ambigu.

22 Tout d’abord, dans ses modalités de mise œuvre. Le terme de « priorité » n’y est pas étranger. Dénominateur commun aux trois versions de l’article 48 [38], son sens ne devrait pas soulever de difficultés. Et pourtant cette notion semble des plus incertaine car susceptible de deux interprétations. Une interprétation souple, qui veut que la priorité recouvre un seul droit de préférence, à la discrétion de son bénéficiaire qui reste libre du choix de l’activer ou non. Une interprétation stricte, qui métamorphose le droit de préférence en une obligation constitutionnelle. La difficulté provient de ce que les deux sens de la notion semblent être caractérisés au sein du nouvel article 48. Les alinéas 6 et 2 instituent, en lieu et place d’un droit de priorité, un véritable régime d’exception. La remarque est certaine s’agissant de l’alinéa 6, les séances de questions devront obligatoirement être organisées. Elle vaut également pour l’alinéa 2 qui concerne l’ordre du jour gouvernemental : si le texte ne crée pas d’obligation de préemption de deux semaines par mois d’ordre du jour en faveur du Gouvernement, dans la mesure où ce dernier s’est vu dépossédé de la moitié de l’espace dont il disposait auparavant, naïf serait celui qui imaginerait un mois où les ministres n’épuiseraient pas l’alinéa 2. Aussi est-il certain que la priorité gouvernementale va se muer en un véritable principe. Tout comme il est certain que l’alinéa 5 créé un véritable régime d’exception au profit de ceux qui ne soutiennent pas la majorité. À l’inverse, au titre des priorités authentiques, on peut sans trop d’hésitations classer l’alinéa 4. Droit de préférence par excellence, il est l’archétype des priorités « optionnelles » sans plus de force contraignante que celle que les parlementaires voudront bien lui conférer. Le cas de la priorité de l’alinéa 3 est moins évident. D’apparence, il s’agit d’une priorité authentique, à la discrétion des ministres. Cependant, Matignon ayant perdu la moitié de l’espace dont il disposait, nul doute qu’il se montrera peu altruiste lorsqu’un texte compris dans l’une des trois catégories de l’alinéa 3 sera à inscrire, et que se posera la question de l’empiétement sur l’ordre du jour parlementaire. On ose imaginer que ce dernier se trouvera bien amaigri lorsque viendra la fin de l’année civile et qu’il sera temps d’examiner les textes budgétaires. Nul doute encore que lorsqu’un texte à forte valeur politique aura été transmis depuis plus de six semaines, et que par exemple, des suspensions de travaux seront à venir, les ministres n’éprouveront pas de remords à l’idée d’activer la « super-priorité ». En définitive, le terme « priorité » est susceptible de plusieurs interprétations et le critère discriminant à l’aune duquel on peut apprécier la véritable nature de la catégorie d’ordre du jour concernée semble être la personne de son bénéficiaire. Si le critère organique est un indice permettant de déterminer la valeur du droit de priorité, l’équation n’est pas pour autant simplifiée. Car il faut garder à l’esprit que toutes sont des priorités constitutionnelles, théoriquement égales, sans lien hiérarchique préconçu. De sorte que l’emploi répété de ce terme vient compliquer considérablement le schéma, faisant du dispositif un ensemble complexe à l’efficacité douteuse. Par ailleurs, la notion de « contrôle et [d’]évaluation de l’action du Gouvernement » n’est pas exempte de toute critique. Inédite au sein de l’article 48, elle n’est pas aisée à appréhender et jette le trouble sur les limites matérielles de cet ordre du jour. S’agit-il de synonymes ou de notions distinctes ? La majorité de la doctrine considère que les notions sont indépendantes. C’est notamment le cas du professeur M. Lascombe pour qui « la semaine réservée au Parlement [..] lui permet de remplir le rôle ancien de contrôle et le rôle nouveau d’évaluation » [39] ou du professeur F. Colly qui considère que « la mission d’évaluation des politiques publiques [s’ajoute] aux missions classiques de vote de la loi et de contrôle » [40]. Mais preuve qu’en la matière rien n’est limpide, le professeur F. Colly poursuit son propos en mêlant les deux fonctions : « s’agissant de l’évaluation des politiques publiques, l’article 48 alinéa 4 prévoit que, dans l’ordre du jour parlementaire, une semaine de séance est réservée par priorité au contrôle » [41]. Le contrôle ne serait-il qu’un moyen de l’évaluation ? On serait tenté d’affirmer l’inverse, partant de l’idée que quantifier les effets des politiques gouvernementales participe du contrôle de Matignon. S’agit-il simplement d’une différence temporelle, de stades d’observation, le contrôle concernant la période de détermination de la ligne de conduite politique, l’évaluation portant sur les effets produits par les mesures qui concrétisent ces engagements ? Une telle conception permet d’opérer une classification des sujets potentiellement présents à l’ordre du jour. Si les questions et les débats de droit commun, portant sur l’actualité politique, font partie des instruments de contrôle, les débats spéciaux (relatifs aux effets d’une loi), ainsi que ceux portant sur les rapports des commissions d’enquête relèvent de l’évaluation, en ce qu’ils interviennent après la prise de décision politique du Gouvernement. Mais cette logique n’a pas été retenue par le constituant puisque le nouvel article 51-2 prévoit que les résolutions tendant à obtenir la création d’une commission d’enquête peuvent être inscrites à l’ordre du jour afin de permettre « l’exercice des missions de contrôle et d’évaluation ». D’autres critères de distinction peuvent être avancés : un critère organique (l’idée étant que le contrôle ne vise que le Gouvernement tandis que l’évaluation est susceptible de concerner des entités publiques diverses), un critère faisant appel aux règles de compétence (la fonction de contrôle étant l’apanage exclusif des parlementaires, l’évaluation pouvant être déléguée à des agences, par exemple). En l’état, nous ne pouvons avoir aucune certitude, si ce n’est l’incertitude de ce que recouvrent ces notions. Or l’enjeu est de taille car leur indétermination rejaillit sur le contenu potentiel de cet ordre du jour spécial. Certains considèrent que les résolutions de l’article 34-1 peuvent y être mentionnées, d’autres non [42] ; d’autres encore s’interrogent quant à la possibilité d’inscrire des propositions et projets de loi issus des travaux de mission d’information [43]. L’admettre reviendrait à ouvrir une boîte de Pandore au contenu difficilement maîtrisable, car il justifierait l’inscription intempestive de textes à l’ordre du jour de contrôle, en lien direct ou indirect avec les travaux d’une commission, ce qui, in fine, provoquerait la perte de tout ce qui constitue la spécificité de cet espace particulier qu’est l’alinéa 4.

23 L’ambiguïté de la réforme est ensuite perceptible dans sa finalité même : réattribuer la maîtrise de l’ordre du jour aux parlementaires. Il apparaît que le Gouvernement demeure maître de sa composition. Comment accorder un quelconque crédit au principe posé au premier alinéa de l’article 48 quand chaque acteur dispose strictement de la même portion d’ordre du jour ? [44] De surcroît lorsque l’alinéa 3 confère au Gouvernement de formidables possibilités d’empiétement sur l’ordre du jour parlementaire ? D’autant que les « super-priorités » qu’il renferme ne sont soumises à aucune restriction numérique qui viendrait limiter leur nombre d’activation (à l’image du verrou qui a été apposé à l’article 49 alinéa 3) [45] et que leurs frontières matérielles ne sont pas bien établies [46]. En outre, les privilèges gouvernementaux se manifestent dans les modalités de mise en œuvre du nouvel article 48, Matignon pouvant préempter les semaines de son choix et même les intervertir en cours de session [47]. La maîtrise gouvernementale de l’ordre du jour est indéniable et la répartition artificielle : l’harmonie entre majorité et Gouvernement est telle qu’elle rend obsolète la question de savoir qui de l’un ou de l’autre prend la décision d’inscrire tel sujet à l’ordre du jour. La distinction opérée par la révision est purement pédagogique, les semaines parlementaires étant réduites au simple rôle de prolongement de l’expression de la volonté ministérielle.

24 En pareilles circonstances, difficile de ne pas souscrire aux propos du Professeur M. Lascombe lorsqu’il énonce que le Gouvernement est « un oublié très présent » de la révision [48], et de ne pas considérer que la réforme comporte une part d’ambiguïté. De surcroît, elle apparaît comme une entreprise inaboutie.

2 – Une réforme timide

25 L’observateur regrette le manque d’audace du constituant qui n’a pas su sanctuariser certains points qui pourtant le nécessitaient.

26 Tout d’abord concernant l’ordre du jour minoritaire. Certes, la consécration de la réserve constitue un progrès irréfutable car si les groupes d’opposition bénéficiaient de la réserve mensuelle créée en 1995, elle ne leur profitait guère [49]. Néanmoins, la situation ne sera peut-être pas meilleure après que le nouvel article 48 soit entré en vigueur. Le nombre de séances est notoirement insuffisant : dans la mesure où les groupes sont nombreux (quatre au Sénat, trois au Palais Bourbon), et que la répartition s’effectue au prorata de l’importance numérique, certains ne pourront bénéficier que d’une seule séance par session ordinaire. Des systèmes alternatifs de répartition ont été suggérés. Il fut proposé de l’étendre à trois jours de séances par mois, voire de répartir l’ordre du jour mensuel par tiers, entre les trois catégories d’acteurs [50]. Sans aller jusqu’à de telles proportions, on peut penser qu’une réserve de deux jours aurait sans doute permis d’aboutir à un équilibre satisfaisant entre sujets nouveaux et textes en navette (qui auraient ainsi pu être évoqués lors de la deuxième journée). Car la répartition retenue pose des problèmes évidents en termes de suivi du travail, de continuité de la navette, et revient, in fine, à considérer que le meilleur moyen d’obtenir un examen rapide des textes de la minorité est encore de compter sur la bienveillance de la majorité. L’autre hypothèse qui pourrait conduire à accélérer la navette n’est guère plus réjouissante : il s’agit de la configuration de majorités discordantes entre les chambres. Dans la mesure où la majorité de l’une est opposée à celle de l’autre, les deux groupes majoritaires pourraient relayer les textes inscrits à l’ordre du jour minoritaire dans l’autre chambre. Aucune de ces deux perspectives n’est très satisfaisante. Pour achever de démontrer le manque d’audace du constituant, il suffit de se pencher sur la garantie juridictionnelle des droits de la minorité. La seule garantie dont bénéficient aujourd’hui les groupes est l’obligation de leur laisser le soin de fixer l’ordre du jour d’une séance par mois. Pas un mot des conditions d’organisation et de fonctionnement de ladite journée. Or c’est là que réside le véritable danger : autant il est peu probable que le bloc majoritaire s’aventure à déposséder les groupes de leur journée mensuelle, autant il est plus que probable qu’il tente de la perturber. Ce ne sont pas les armes qui manquent : entre dispositions constitutionnelles [51] et réglementaires, la majorité n’aura que l’embarras du choix pour troubler le fonctionnement de ces journées, pourtant déterminantes. En n’ayant pas « sanctuarisé » la réserve minoritaire [52], le constituant a pris le risque de la faire disparaître. D’autant qu’il ne semble pas que l’opposition puisse trouver en l’article 51-1 un fondement juridique à même de censurer les atteintes portées à leur ordre du jour, tant ses dispositions sont sibyllines. D’aucuns justifieront cette absence de constitutionnalisation par le fait qu’il ne revient pas au texte suprême de fixer les conditions pratiques de mise en œuvre d’une procédure. C’est oublier la spécificité de notre Constitution, particulièrement bavarde sur l’organisation de l’activité législative [53].

27 La timidité du constituant pourrait bien coûter sa place à la fonction de contrôle. Parent pauvre du travail parlementaire, sa réhabilitation ne devait certainement pas s’arrêter à la simple consécration d’un ordre du jour spécial mais aurait dû passer par une redéfinition des moyens. Or la réforme fait preuve, sur ce point, d’un mutisme inquiétant. À en croire le professeur G. Carcassonne, les parlementaires se désintéressent de cette activité parce qu’ils n’en tirent que peu de notoriété. Aussi aurait-il été judicieux de prévoir la publicité des débats portant sur les travaux relatifs au contrôle. Quant au seul moyen mis en place, son dispositif déçoit : le droit de s’opposer à l’inscription à l’ordre du jour d’un projet de loi dont l’étude d’impact est insatisfaisante a été remis aux mains de la majorité, puisque ce sont les présidents d’assemblée qui exerceront conjointement cette prérogative [54]. En revanche, l’effort de l’Assemblée nationale mérite d’être souligné : le Palais Bourbon a opté pour une politique de centralisation de l’activité en créant un organe ad hoc, spécialisé : le CEC [55]. Si l’initiative est louable, la composition envisagée l’est moins : la majorité est nettement représentée au sein de son bureau. À l’heure où le fait majoritaire est devenu un véritable critère d’identification de notre régime politique, le contrôle ne constitue-t-il pas l’activité naturelle, s’il en est, de l’opposition ? Ceci nous amène à nous interroger sur la personne du contrôleur, l’idée étant que le contrôle gagne en crédibilité s’il est mené par ceux qui ne font pas partie de la famille politique du contrôlé. Mais le seul instrument de contrôle confié à l’opposition a été à ce point réduit que ses perspectives de mise en œuvre sont largement contrariées [56]. Dans ces conditions, comment espérer voir naître un véritable ordre du jour consacré au contrôle ? Rappelons que la priorité de l’alinéa 4 est animée par une volonté de laisser aux parlementaires le soin de choisir les sujets qu’ils veulent évoquer en séance, sans les enfermer dans un carcan exigeant qu’une semaine sur deux soit exclusivement réservée au contrôle. Or lorsque se posera la dialectique « légiférer ou contrôler », on doute que la fonction de contrôle puisse tirer son épingle du jeu. Peut-être aurait-il mieux valu verrouiller cet ordre du jour spécial, comme cela a d’ailleurs été proposé lors des débats [57], et laisser une place plus conséquente à l’opposition. Pour l’heure, le succès de l’alinéa 4 dépendra du bon vouloir du bloc majoritaire. Il n’existera qu’autant que la majorité le voudra et que le Gouvernement l’acceptera.

28 Il apparaît que la réforme recèle d’incontestables avancées, mais manque, tout à la fois, d’audace. Cette ambiguïté laisse l’observateur perplexe. Difficile d’imaginer ce que cet amas de dispositions tronquées pourra donner en pratique, sinon une mise en œuvre délicate. L’examen de cette première année de gestion parlementaire de l’article 48 ne dément pas le propos.

II – UNE PRATIQUE PERFECTIBLE

29 L’examen de la première année de mise en œuvre de l’article 48 interpelle l’observateur qui se trouve tiraillé entre deux impressions contradictoires : le changement et l’immobilisme. Certaines choses semblent figées. Le Gouvernement reste l’acteur qui a su maîtriser au mieux les subtilités de la réforme (A) tandis que l’opposition semble condamnée à subir une modification qui la dépasse (C). D’autres évoluent : la majorité apparaît volontaire, cherchant à donner du sens à l’ordre du jour parlementaire, même si elle n’a pas encore pu parfaitement concrétiser les différents aspects de la réforme (B). Chaque acteur a évolué à son rythme, donnant le sentiment que la pratique du nouvel article 48, sans être dépourvue d’intérêt, mérite d’être améliorée.

A – LES VICTOIRES DU GOUVERNEMENT

30 Les ministres sont, à n’en point douter, ceux qui ont su au mieux aménager l’espace dont ils disposent. Ils ont œuvré dans le sens d’une rationalisation de l’ordre du jour, qui s’est traduite par une optimisation de ses performances en tant que contenu (1) comme en tant que contenant (2).

1 – L’optimisation de l’ordre du jour en tant que contenu

31 Matignon a opéré un tri drastique entre ce qui mérite d’être porté à l’ordre du jour gouvernemental et ce qui ne peut y prétendre. Cette stratégie s’est manifestée par un double mouvement convergent : l’ordre du jour est à la fois assailli par les projets de loi et déserté par les propositions de loi. Lors de la session ordinaire 2009-2010 à l’Assemblée nationale, 78 projets de loi ont été recensés contre 17 propositions, représentant au total 82 % des textes inscrits. Parmi les projets de loi, 49 sont des autorisations d’habilitation à approuver des accords internationaux, et sont donc moins importants ne serait-ce que par le temps d’examen qu’ils requièrent (une heure suffisant à adopter dix projets de la sorte, en moyenne). Le reste est composé de textes déterminants, stratégiques, à forte valeur politique, qui portent la trace du programme du Gouvernement [58]. Le constat de la contamination de l’ordre du jour gouvernemental par les projets de loi se confirme lorsque l’on s’intéresse au temps consommé pour leur examen : pas moins de 444h10 ont été mobilisées pour en débattre. Quel enseignement doit-on tirer de cette politique d’exclusivité ? Le Gouvernement semble revenir sur une conception stricte du principe de spécialité organique, considérant que l’ordre du jour de l’alinéa 2 lui est tout entier réservé. Quoi de plus normal dès lors que la majorité dispose d’un espace spécial, les ministres n’ont plus à transiger sur l’inscription de textes émanant des membres des assemblées pour s’assurer de leur soutien. Soit. Mais dans ce cas, comment expliquer le fait que près de la moitié des projets de loi recensés en semaine gouvernementale [59] se retrouvent dans d’autres catégories d’ordre du jour, méconnaissant ainsi le principe de spécialité organique ? Le fait majoritaire poursuit son œuvre : la majorité consent à relayer un projet à son ordre du jour pour éviter le « saucissonnage » de l’examen. Or cette double mention au rôle d’un même projet conduit à éclater le régime de l’examen entre, d’une part, l’alinéa 1 et, d’autre part, l’alinéa 2 voire l’alinéa 4 de l’article 48, condamnant la distinction opérée par l’article 48, à relever de l’ordre de l’idéal théorique [60]. La situation observée au Sénat est quelque peu différente. Elle ne l’est pas matériellement, l’ordre du jour étant très gouvernementalisé (92,5 % des textes recensés sont des projets de loi) [61], poussant le vice jusqu’à être composé exclusivement de textes ministériels pendant les quatre premiers mois de la session [62]. De même, les textes qui composent l’ordre du jour de l’alinéa 2 sont des textes d’envergure, comme ceux recensés au Palais Bourbon [63]. Cela révèle une véritable stratégie gouvernementale : les ministres ont fait de cet espace réservé un espace spécialisé dont l’objet est d’assurer au plus vite la navette de textes dont ils estiment important d’assurer un acheminement rapide. Aussi assiste-t-on à une spécialisation de l’ordre du jour gouvernemental, signe que Matignon a su s’approprier la réforme pour en tirer un maximum de profit, quitte à effectuer un repli égoïste mais stratégique sur les textes dont il est l’auteur et à devenir allergique aux propositions de la majorité. Et c’est bien d’une allergie dont il s’agit car si à l’Assemblée nationale l’ordre du jour de l’alinéa 2 dénote la présence de 17 propositions de loi, il ne s’agit la plupart du temps que de procéder au vote formel du texte, l’examen ayant eu lieu en semaine parlementaire (ce qui explique que ces 17 propositions n’aient mobilisé que 35h55 d’examen en temps gouvernemental) [64]. Leur présence est plus le fait d’un élément de procédure (l’utilisation de l’article 95-6 RAN) que de la volonté des ministres d’ouvrir leur ordre du jour aux textes parlementaires. Que dire, enfin, de l’ordre du jour gouvernemental au Sénat qui ne recèle que quatre propositions, situation d’autant plus invraisemblable, que, comme nous le verrons, l’ordre du jour parlementaire au Sénat est envahi par les textes de Matignon ?

32 Les ministres ont su optimiser l’espace dont ils disposent en adoptant une politique de sélection des sujets à inscrire. Ils ont également rationalisé l’ordre du jour en tant que contenant, en agissant sur les frontières de l’alinéa 2.

2 – L’optimisation de l’ordre du jour en tant que contenant

33 Les ministres ont tenté d’utiliser au mieux l’alinéa 2 en agissant sur ses frontières matérielles. Averti, le Gouvernement s’est employé à modifier le périmètre de l’ordre du jour gouvernemental afin de bénéficier d’un espace plus conséquent. Pour ce faire, il a opté pour deux techniques.

34 Tout d’abord, la création d’un ordre du jour « bis », juxtaposé à celui de l’alinéa 2, via une utilisation active des « super-priorités », le but étant de déborder sur l’ordre du jour parlementaire. Le stratagème apparaît lorsque l’on examine les activations de l’alinéa 3 en matière budgétaire. Fin 2009, le Gouvernement n’a pas hésité à préempter quatre semaines afin de se livrer à l’examen des lois de finances. Supprimant deux semaines de contrôle et deux semaines d’initiative, il a dépossédé les parlementaires d’un volume de 132 heures d’examen [65]. D’autant qu’il n’a à aucun moment inscrit l’examen de ces projets de loi au sein de l’ordre du jour gouvernemental [66], signe qu’il n’éprouve aucun scrupule à enclencher cette « super-priorité », dès que les conditions sont réunies. Pourtant il n’existe pas d’obligation de l’activer, de sorte que les ministres auraient pu examiner une partie de ces textes sur leur ordre du jour. De cette première année on retiendra l’égoïsme de Matignon qui n’hésite pas à utiliser la « super-priorité » même pour les projets de loi de finances rectificatives, qui ne sont pourtant pas visés explicitement par l’article 48. En effet, l’alinéa 3 fut mis en œuvre au Palais Bourbon dès le 18 mars 2009 afin de procéder à l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2009, monopolisant la majeure partie de la toute première semaine d’initiative parlementaire. D’autant qu’il ne s’agit pas d’un empiétement mineur, l’examen nécessitant 17h35 de travail. La deuxième loi de la sorte, examinée les 9 et 10 décembre 2009, en semaine de contrôle, a privé les parlementaires de 14 heures d’ordre du jour. La pérennisation de cette pratique n’est pas sans risque car, voyant cette priorité se métamorphoser en une véritable exception, les parlementaires pourraient se rebeller. On ne saurait que recommander au Gouvernement de prendre un peu sur son ordre du jour pour évoquer les textes budgétaires (ne serait-ce que les projets de lois rectificatives), comme il l’a d’ailleurs fait au Sénat pour le projet de loi de finances rectificatives pour 2010 [67]. Notons, d’ailleurs, que ce n’est pas le seul item de l’alinéa 3 que le Gouvernement a mobilisé. Il l’a en effet activé pour obtenir l’inscription de textes ayant été transmis depuis plus de six semaines. Du 1er mars 2009 jusqu’au 31 octobre 2009, ce ne sont pas moins de neuf textes qui ont bénéficié de ce droit d’évocation spécial [68]. Du reste, il est des cas où l’on peut pressentir l’utilisation de l’alinéa 3, sans pour autant pouvoir l’affirmer, dans la mesure où il n’est nullement fait état de son activation lorsque tel est le cas (ni les conclusions de la Conférence des présidents, ni les comptes rendus des débats ne le mentionnent) [69].

35 La seconde technique utilisée par Matignon opère un drainage de l’ordre du jour gouvernemental, l’idée étant d’employer au mieux l’espace disponible sans pour autant toucher aux frontières physiques de l’alinéa 2. Il s’agit de rationaliser l’ordre du jour gouvernemental en augmentant la semaine ministérielle, la faisant passer de trois à quatre jours, exceptionnellement à cinq. Rappelons qu’en théorie une semaine de séance s’étale sur trois jours (du mardi au jeudi), dans la limite de 120 jours par an. Les ministres ont choisi d’allonger les semaines gouvernementales afin d’opérer une extension de l’ordre du jour. C’est ainsi qu’à l’Assemblée nationale pas moins de 23 jours supplémentaires ont été ajoutés, contre 7 jours pour l’ordre du jour parlementaire. Une autre méthode se révèle tout aussi efficace : en utilisant la procédure accélérée, les ministres peuvent réunir une commission mixte paritaire au bout d’une lecture seulement dans chaque assemblée, et évitent ainsi l’écueil de la deuxième voire troisième inscription à l’ordre du jour [70]. C’est sans doute pour cette raison qu’elle a été mise en œuvre pas moins de 23 fois entre juillet 2009 et mai 2010. Ce sont près de 62 % des projets de loi inscrits à l’ordre du jour qui en ont fait l’objet, contre 41 % lors de la session 2008-2009, et 25,8 % sous la session 2007-2008. Il semble que d’exceptionnelle [71], la procédure accélérée soit devenue habituelle. Matignon n’a pas tardé à dénicher l’instrument à même d’assurer un réel « turnover » de l’ordre du jour sans pour autant toucher à ses frontières. Si son utilisation sert le Gouvernement, la prudence reste de rigueur : une adoption trop rapide entraîne des difficultés de mises en œuvre, tant juridiques (lorsque le pouvoir réglementaire doit mettre en œuvre la mesure), que pratiques (dans ses modalités de fonctionnement). Pour l’heure, le jour où « un radar flashera le ministre trop rapide en procédure législative » [72] n’est pas arrivé.

36 Si le Gouvernement a su apprivoiser toutes les subtilités de la réforme, ce n’est pas le cas des parlementaires qui, en dépit d’efforts considérables, semblent en proie aux atermoiements légitimes que suscite cette première année d’application.

B – LES TÂTONNEMENTS DE LA MAJORITÉ

37 À l’heure de mettre en œuvre les nouvelles prérogatives qu’elle détient, la majorité hésite. Peu habituée à déterminer sa propre liste de sujets à évoquer, elle tâtonne, testant la potentialité de son influence nouvelle, essayant de faire naître à la fois un ordre du jour normatif et un ordre du jour de contrôle. Ses efforts ne se révèlent que partiellement efficaces. Si la majorité enregistre quelques succès (1), elle semble incapable de faire émerger l’ordre du jour parlementaire dans sa globalité (2).

1 – Les succès de la majorité

38 La majorité de l’Assemblée nationale a fait émerger un véritable ordre du jour législatif. Ce n’est pourtant pas l’impression qui ressort d’un examen cursif de l’ordre du jour parlementaire. On y dénombre presque autant de projets de loi que de propositions : 16 textes parlementaires contre 12 textes gouvernementaux, représentant 24 % des inscriptions totales [73] et près de la moitié des textes. Une telle composition n’est pas pour autant inconstitutionnelle car, comme le note le conseiller G. Bergougnous « la Constitution impose que le contenant soit parlementaire, mais pas que le contenu ne le soit » [74]. A priori l’ordre du jour reste inchangé et l’on pourrait hâtivement conclure à l’inutilité de la réforme. Il n’en est rien. Lorsque l’on examine le temps réel qu’ont occupé les différentes inscriptions, on se rassure. Les députés n’ont consacré que 26h35 à l’examen des projets de loi, contre 69h20 pour les propositions. Cette différence s’explique par la pratique, extrêmement répandue à l’Assemblée, de la réserve des votes. La plupart des projets recensés ne sont que des « inscriptions éclairs », n’excédant pas trente minutes de débats, et dont l’unique but est de sceller le sort de la loi [75]. La majorité a donc fourni un réel effort d’appropriation, et ce en dépit de toutes les « super-priorités » au sens large qui grèvent l’ordre du jour parlementaire (car c’est bien sûr leur espace qu’empiètent les ordres du jour spéciaux des alinéas 3 et 5).

39 Parallèlement, a émergé au Sénat un véritable ordre du jour de contrôle. Fonction non inconnue mais méconnue par les parlementaires, rénovée sans pour autant être réhabilitée par le constituant, on pouvait douter de son efficacité, et craindre qu’elle ne soit remplacée par un ordre du jour législatif « bis ». Ici encore, une lecture rapide du contenu de l’alinéa 4 peut nous faire douter de son efficacité car même si bien des sujets inscrits concernent la mission de contrôle [76], pas moins de 13 propositions de loi y figurent, soit plus de 23 % des sujets recensés. Aussi le spectre du Parlement-législateur rejaillit-il, un Parlement obsédé par la fonction qu’il estime le plus, un demi Parlement qui néglige une part pourtant déterminante de ses attributions. Que l’on se rassure, la présence des propositions de loi n’est due qu’à la tenue des journées minoritaires, fréquentes en semaine de contrôle au Sénat. En effet les sept premières ont été inscrites à l’ordre du jour des séances des 17 et 18 novembre, ainsi que les six autres, relayées à l’ordre du jour des journées tenues en janvier et en février, conformément au 5e alinéa de l’article 48. Loin d’être critiquable, la composition de l’ordre du jour dédié au contrôle au Palais du Luxembourg traduit absolument ce à quoi un tel rôle devrait ressembler : un ordre du jour dénué de textes où seuls les débats, les rapports d’information et les questions au Gouvernement sont admis. En définitive, l’ordre du jour sénatorial de l’alinéa 4 est un parfait exemple de mise en application réussie de la réforme, preuve en est du nombre de débats, tant de politique générale que spéciaux (portant sur les effets de l’application d’une loi), que l’on a pu recenser. D’autant qu’il apparaît que les commissions, qui sont les premiers organes du contrôle gouvernemental à la chambre haute, alimentent activement cet espace (en sollicitant la tenue de nombreux débats) [77].

40 Ce qui interpelle l’observateur de l’ordre du jour parlementaire, c’est que députés et sénateurs se sont appropriés la réforme dans un sens diamétralement opposé. À bien y regarder, là où l’un réussit, l’autre échoue, et vice versa. Comme si leur était impossible de coordonner leurs actions respectives afin que les deux pans de l’ordre du jour parlementaire puissent fonctionner simultanément.

2 – Les errances de la majorité

41 La majorité est-elle atteinte d’une forme de dyspraxie motrice, l’empêchant de réussir sur les deux tableaux ? Il semble que dès qu’elle parvient à réaliser l’un de ses deux domaines, elle se heurte irrémédiablement à un échec pour la mise en œuvre de l’autre.

42 On peine à trouver l’ordre du jour législatif au Sénat. Son examen est plus que décevant : surreprésentation des projets de loi (cinq textes ayant mobilisé 47h20 d’examen), raréfaction des propositions de loi (trois seulement n’ayant nécessité que 13h05 de discussions), présence de débats, de questions orales avec débats. La (trop) grande hétérogénéité de cet ordre du jour en fait une sorte de métissage entre toutes les catégories existantes. Mais ce qui interpelle le plus c’est la lourde présence de projets de loi. Comment expliquer cette inversion des genres ? Sans doute l’emplacement des journées des groupes n’y est-elle pas étrangère. Le Sénat a fait le choix d’une mise en application singulière de l’alinéa 5 de l’article 48, en décidant qu’en sus des groupes minoritaires et d’opposition, le groupe majoritaire disposerait également d’une portion d’ordre du jour. Ce n’est donc pas une journée de séance mais une journée et demie de séance par mois qui sont régies par l’alinéa 5, ce qui, parallèlement, vient empiéter assez largement sur l’ordre du jour d’initiative sénatorial. La semaine parlementaire étant une semaine de trois jours, la combinaison des exigences des alinéas 1er et 5 de l’article 48 conduit à faire de la semaine d’initiative une demi-semaine, éclatée entre deux régimes différents. L’ordre du jour normatif se voit réduit de moitié, laissant peu de marge de manœuvre aux sénateurs pour y inscrire l’examen de textes ambitieux. Cette banalisation de la journée minoritaire a précipité la perte de l’ordre du jour législatif : bénéficiant de l’espace réservé par l’alinéa 5, la majorité s’empresse d’y évoquer tous les textes d’envergure, quitte à laisser inutilisée la plage offerte par l’alinéa 2. Et le Gouvernement d’y trouver là un formidable ordre du jour « bis ». En définitive, l’accumulation de ces facteurs influe sur les frontières de l’ordre du jour sénatorial, comme si l’ordre du jour normatif était en réalité régi par l’alinéa 5, et que l’ordre du jour gouvernemental comprenait non seulement l’alinéa 2 mais aussi l’alinéa 1er de l’article 48.

43 Le problème est inverse à l’Assemblée nationale : si les députés ont indubitablement donné un sens à l’ordre du jour normatif, ils n’ont pas mis autant d’ardeur à mettre en œuvre l’ordre du jour réservé au contrôle. Certes, l’espace régi par l’alinéa 4 recèle quelques débats (13 au total), quelques questions orales sans débat (15) quelques épisodiques questions à un ministre (trois), un certain nombre de questions au Gouvernement (16), mais on ne saurait crier victoire. D’abord parce que les questions au Gouvernement ne sont que la traduction de l’exigence constitutionnelle comprise au 6e alinéa de l’article 48. Ensuite, parce qu’un seul examen de rapport d’information a été étudié durant cette période, que seuls quatre débats relatifs à l’application d’une loi ont été menés, et surtout parce que cet ordre du jour est principalement normatif. Avec pas moins de 32 textes à son actif [78] (ce qui représente plus de 37 % des inscriptions), l’espace réservé au contrôle fait office de véritable ordre du jour législatif « bis ». Phénomène inquiétant d’autant que la durée moyenne des débats d’actualité qui, eux, en revanche, répondent de l’objet de cet ordre du jour spécial, tend à se réduire [79]. Plusieurs facteurs permettent de comprendre cet état de fait. Peut-être n’était-il pas judicieux d’atomiser l’ordre du jour réservé au contrôle entre deux régimes : celui de l’alinéa 4 et celui de l’alinéa 6. Si les séances de questions hebdomadaires ont longtemps été justifiées, elles ne l’ont été que parce que, justement, à l’époque, l’ordre du jour méconnaissait la séparation fonctionnelle de l’activité parlementaire. En pareilles circonstances on comprenait tout à fait le besoin éprouvé par le constituant de s’assurer que la fonction de contrôle ne soit pas noyée sous la pression législative. Mais son maintien se justifie moins dès lors que la distinction fonctionnelle de l’ordre du jour est consacrée, et peut même constituer un frein à l’émergence de l’ordre du jour spécial prévu à l’alinéa 4. N’aurait-il pas été plus judicieux de supprimer cette obligation de tenue hebdomadaire des séances de questions ? L’intérêt eut été double : l’assurance d’une cohésion au sein de l’ordre du jour dédié au contrôle (les séances de question venant alimenter l’ordre du jour spécial de l’alinéa 4), et, d’autre part, une moindre tentation des députés de détourner cet espace pour en faire un ordre du jour législatif « bis ». Par ailleurs, la réserve des votes explique en grande partie la présence de textes au sein de cet ordre du jour spécial. La dislocation des phases d’examen et de vote a exigé que de nombreuses inscriptions soient portées en semaine de contrôle, pour procéder aux opérations de votation. Tel est le cas de 15 des 20 propositions et de la moitié des projets de loi recensés. On perçoit, une fois de plus, toute l’incohérence que génère cet élément procédural à l’Assemblée nationale, principale cause de la méconnaissance du principe de séparation fonctionnelle. Enfin, la politique de centralisation de la fonction de contrôle et d’évaluation au Palais Bourbon permet certainement de comprendre les lacunes observées : dans la mesure où les députés ont choisi de se doter d’un organe ad hoc, le CEC, nombre des travaux en la matière lui reviennent, et s’il a déjà amorcé quelques recherches, il est normal qu’aux termes d’une seule année d’application aucun rapport n’ait été finalisé. Nul doute que lorsque tel sera le cas, les rapports produits par cet organisme seront inscrits au sein de cet ordre du jour spécial. Le choix d’une institutionnalisation du contrôle commandait nécessairement une période de rodage, au cours de laquelle les travaux seraient menés avant de pouvoir prétendre à être examinés en séance. Il faudra s’armer de patience pour voir éclore un véritable ordre du jour réservé au contrôle à l’Assemblée nationale [80].

44 Aux termes de ce premier bilan, l’errance de la majorité est plus que palpable. Hésitant entre la volonté de mettre en œuvre l’ordre du jour spécial de l’alinéa 4 ou faire honneur à la fonction législative, elle peine à concrétiser les deux aspects de la réforme, situation d’autant plus inexplicable que là où l’une des chambres échoue, l’autre réussit. Tout vient à point à qui sait attendre et l’on ne pouvait peut-être espérer mieux de cette première année de gestion de l’article 48. Aussi ne faut-il pas se montrer abusivement défaitiste. Tel n’est pas le cas, en revanche, de la minorité parlementaire qui semble en proie à des lourdes difficultés dans la mise en œuvre de son ordre du jour.

C – L’INALTÉRABLE CONDITION DE LA MINORITÉ ?

45 La réforme de l’ordre du jour a permis de faire éclore un espace réservé à ceux qui ne soutiennent pas le Gouvernement. L’intention est louable, mais les lourdes failles qui affectent le dispositif de l’alinéa 5 et le comportement de la majorité empêchent la réserve minoritaire de devenir un ordre du jour digne de ce nom. Néanmoins, il serait malvenu de se montrer trop catégorique : si la situation à l’Assemblée n’est pas celle que l’on pouvait espérer (1), le climat sénatorial semble propice à l’émergence d’un ordre du jour minoritaire plus satisfaisant (2).

1 – Une réforme sans effet à l’Assemblée nationale

46 La réserve mensuelle de l’alinéa 5 se révèle purement et simplement inefficace. Mais contrairement à ce que l’on a pu observer jusqu’alors, ce n’est pas le contenu de l’ordre du jour qui pose problème, celui-ci se révélant, au contraire, satisfaisant : majoritairement grevé de propositions de loi (30 propositions, dont une proposition de loi constitutionnelle, représentant 75 % de cette catégorie d’ordre du jour [81]), sa composition ne surprend guère. Traditionnellement privés du droit d’accès au rôle de l’Assemblée, les députés de l’opposition se sont naturellement tournés vers les textes pour combler cet espace. La difficulté ne provient pas non plus de la capacité de ces députés à porter un sujet à l’ordre du jour, la Conférence des présidents s’étant engagée, un « gentleman agreement » à ne pas s’opposer à une demande d’inscription. Les problèmes sont nés de la pratique. Boycottées par une majorité qui active systématiquement l’article 96-5 du RAN afin de se dédouaner de son « obligation de présence » lors du débat pour n’avoir qu’à rejeter le texte en bloc le mardi suivant, ces séances houleuses sont mal vécues par leurs bénéficiaires. Réservées par la majorité dès la toute première tenue en application de l’alinéa 5 (celle du 30 avril 2009), ces séances se résument bien souvent à un débat « entre soi » et donnent lieu à des séries de rappels au règlement sur la question de la présence du bloc majoritaire [82]. Entre la séance du 30 avril 2009 et celle du 8 avril 2010, on recense pas moins de 18 rappels au règlement sur cette question. Ceci sans compter la menace permanente qui plane au-dessus des députés de l’opposition : l’utilisation par la majorité des mécanismes du parlementarisme rationalisé pour faire échec à l’évocation d’un sujet en séance publique. Le constituant n’ayant pas sanctuarisé la réserve minoritaire (en prévoyant un régime dérogatoire qui la mettrait à l’abri de toutes ces tentatives d’immixtion) l’hypothèse n’est pas un cas d’école. La situation serait alors ubuesque : conçus pour contraindre une majorité disloquée, ils seraient utilisés pour asservir la minorité. Toujours est-il qu’à ce jour, la situation est devenue à ce point détestable que les principaux intéressés par la mesure en sont arrivés à déserter leurs propres séances [83].

47 Les résultats de ces pseudo-séances minoritaires ne se sont pas fait attendre : tensions permanentes, discussions houleuses ponctuées par d’incessantes dénonciations des agissements du bloc majoritaire, sans que puisse être organisé un débat de fond, taux d’adoption très faible (six textes seulement ont été adoptés, soit 20,6 % de l’ensemble des propositions inscrites). Ce chiffre devient dérisoire lorsque l’on s’intéresse à la parenté des textes : cinq des six propositions adoptées sont des textes du groupe Nouveau Centre qui soutient la majorité parlementaire [84]. Dans de telles circonstances, on peine à prendre en considération le succès de leurs initiatives tant on a le sentiment qu’elles viennent tronquer les résultats. Si on excepte les textes de ce groupe, le constat est alarmant : une seule proposition a été adoptée [85]. Quelles peuvent être les causes d’un tel échec ? L’argument politique ne peut être évité. La majorité étant, par définition, hostile à l’opposition, elle est peu portée à adopter les textes qu’elle lui propose, et qui, bien souvent n’ont que deux objets : défaire ce que la majorité a fait, ce que l’on peut appeler les propositions négatives (tel est le cas, par exemple des propositions de loi tendant à abroger le bouclier fiscal [86]), ou bien mettre en œuvre le programme politique du groupe (c’est le cas, par exemple, de la proposition de loi socialiste inscrite à l’ordre du jour du jeudi 20 mai 2010 visant à instituer la parité dans les élections législatives). Dans les deux cas le texte n’a que peu de chance de finir en page du Journal officiel. Ce phénomène d’abandon des propositions de loi évoquées par les députés minoritaires est amplifié par la concurrence née du principe de spécialité organique. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme, chaque acteur du Parlement dispose d’un espace privilégié pour évoquer les thèmes de son choix en séance. Aussi, lorsqu’un sujet politique brûlant monopolise les médias, il se crée une frénésie de dépôt de textes autour de la question, chacun des trois acteurs y allant de son initiative. Dans un tel schéma, il y a peu de chances que le texte de la minorité soit préféré. Sans compter qu’un autre phénomène de concurrence, inédit mais tout aussi destructeur, est né de l’entrée en application de l’alinéa 5. Il s’agit d’une concurrence interne aux groupes minoritaires et d’opposition. Il n’est pas rare que plusieurs groupes déposent un texte sur un même sujet et tentent de le faire adopter [87]. Cette situation ne profite à personne, ni aux parlementaires de l’opposition qui perdent une chance de rallier un maximum de députés à leur cause et dont la solidarité s’effrite ; ni à la majorité qui, lassée de ressasser les mêmes sujets, persiste dans sa politique de boycott. Ce qui nous amène à penser qu’une institutionnalisation de l’opposition ne serait peut-être pas une mauvaise chose et permettrait, au contraire, de rallier plus de voix autour d’un même texte [88].

2 – Une mise en œuvre de la réserve satisfaisante au Sénat

48 Sorti de l’examen de l’ordre du jour minoritaire à l’Assemblée nationale, c’est avec peu d’optimisme que l’on entame l’étude de la mise en œuvre de l’alinéa 5 de l’article 48 au Palais du Luxembourg. Et pourtant, la situation est différente à plusieurs égards. Reste, cependant, un dénominateur commun aux deux chambres : la composition de cet espace réservé. On ne trouve que trois catégories de sujets inscrits au sein de la réserve minoritaire : des propositions de loi, très majoritairement (25, soit plus de 83 %), une proposition de résolution européenne, et, enfin, quatre questions orales avec débats. Tout comme au Palais Bourbon, les sénateurs de l’opposition attachent à cet ordre du jour un aspect utilitaire, et sont, naturellement si l’on peut dire, portées à y inscrire des textes.

49 Les résultats sont meilleurs qu’à l’Assemblée. Ils le sont d’abord qualitativement, les débats étant apaisés par l’absence de boycott de la majorité. C’est sans doute le grand intérêt du système adopté par le Sénat : bénéficiant au même titre que les autres groupes d’un ordre du jour spécial, le groupe majoritaire respecte plus volontiers celui des autres, et ne pratique ni le boycott, ni la réserve des votes. Ils sont ensuite meilleurs quantitativement : hormis les propositions inscrites par le groupe majoritaire [89], huit propositions ont trouvé une issue favorable [90]. Que ceux qui, à la lecture de ces résultats, trouveraient que la victoire est bien modeste, se rappellent que cela signifie qu’un texte émanant de l’opposition est en moyenne adopté à chaque fois que l’alinéa 5 est activé (dans la mesure où neuf réserves minoritaires ont lieu lors d’une session ordinaire).

50 Comment expliquer une telle différence entre les deux assemblées ? Il est certain que l’ordre du jour « majoritaire » y est pour beaucoup. En donnant au groupe le plus nombreux le bénéfice de la journée réservée, il crée un climat apaisé, force au respect des jours de séances des uns et des autres. Si l’alinéa 5 perd de sa spécificité au Sénat, en ce que de droit spécial il devient général, il gagne en efficacité. Comme si la solution finalement n’était pas d’octroyer un bénéfice à l’opposition, mais de l’étendre à tous. De même, sans doute que le système de déconcentration adopté pour la tenue des journées des groupes favorise l’adoption des textes portés par la minorité. Les sénateurs ont préféré organiser la tenue de la journée des groupes non pas sur une, mais bien sur une journée et demie de séance par mois, le mercredi et le jeudi matin. Ce système permet donc à chaque groupe d’être assuré que ses initiatives seront, au moins une fois par session, débattues le mercredi, et non point le jeudi, journée réputée pour sa désertion. Aussi cette organisation instaure-telle un climat favorable à l’étude des propositions de loi portées par les groupes, et donc, à leur adoption. D’autant que cette clef de répartition des jours de séances permet au groupe d’opposition le plus représenté de bénéficier, tous les mois, d’une parcelle d’ordre du jour. Le groupe socialiste a ainsi pu inscrire quelques textes, tous les mois.

51 Aux termes de cet examen, la première année de mise en œuvre de l’article 48 suscite un certain malaise, parce qu’elle apparaît tout à la fois décevante et prometteuse. On ne saurait que recommander aux observateurs de l’ordre du jour de faire preuve de prudence : il s’agit de la première session régie par le nouvel article 48. Le caractère juvénile de la réforme est un paramètre à prendre en compte pour ne pas tirer de conclusions hâtives. Cette session est assimilable à une période de rodage qui impose que les rouages se mettent en place, que le mécanisme se régule, que les éléments nécessaires à son fonctionnement patinent et s’usent pour atténuer les défauts d’usinage, afin que le tout ainsi formé trouve un rythme d’équilibre.

52 Néanmoins, cette période, déterminante pour la réussite de la réforme, laisse entrevoir les lignes de force du nouvel édifice de l’ordre du jour. Si l’on voulait se représenter schématiquement sa structure, on pourrait envisager une forme pyramidale, où chaque strate contiendrait une disposition de l’article 48, fonction de sa force obligatoire. Plus on descendrait vers la base de cette pyramide, moins la disposition serait contraignante. Au sommet, se situeraient les « super-priorités », elles-mêmes subdivisées en trois catégories à raison de leur caractère impératif. L’alinéa 5 étant le seul à ne pas mentionner la notion de « priorité », doit être organisé obligatoirement chaque mois, indépendamment des aléas des travaux parlementaires. Il est, sans nul doute, le plus contraignant. Viennent ensuite les séances de questions prévues par l’alinéa 6. Si cette disposition énonce qu’il s’agit d’une « priorité », il indique également le caractère impératif de cette dernière. Enfin, viennent les « super-priorités » gouvernementales de l’alinéa 3. Dotées d’une capacité d’empiétement sur l’ordre du jour parlementaire redoutable, elles demeurent tout de même plus aléatoires, c’est pourquoi il convient de les classer en troisième position des dispositions composant le sommet de la pyramide. Dans la strate inférieure se trouve l’ordre du jour réservé au Gouvernement. Il peut sembler paradoxal de le classer avant l’ordre du jour parlementaire quand on sait que les députés et les sénateurs constituent la première autorité de fixation du rôle des assemblées. C’est oublier que l’espace dont bénéficieront réellement les parlementaires sera fonction de la place occupée par toutes les autres priorités. C’est pourquoi il convient de placer la strate correspondant à l’alinéa 1er après celle correspondant à l’alinéa second. Enfin, à la base de la pyramide, figure l’ordre du jour dédié à la fonction de contrôle, qui, plus encore que toutes les autres catégories, est menacé. Par les autres « super-priorités » tout d’abord, mais également par ceux là même à qui elle profite. Dans la mesure où la priorité qui l’anime n’en est pas vraiment une, et où son sort dépend de la volonté de la majorité, il convient de la classer au rang de norme la moins contraignante de l’édifice de l’article 48. Voilà à quoi ressemble, aujourd’hui, l’ordre du jour des assemblées. N’oublions pas, cependant, qu’il s’agit d’une représentation de l’architecture actuelle, valable à l’instant où nous écrivons ces lignes. Comme la quasi-totalité des catégories d’ordre du jour sont régies par un régime de priorité, que ces dernières ont toutes valeur constitutionnelle, et que l’action des acteurs eux-mêmes est déterminante, nul doute que ce schéma évoluera. Aussi, cette situation n’est pas nécessairement immuable, et il ne faut pas préjuger de ce qu’elle pourra produire dans quelque temps. Une réforme a rarement l’effet exact escompté par ses promoteurs. Dans le cas présent on pourrait, après une vue globale, se montrer pessimiste. Mais ce serait oublier que la lettre de la réforme recèle une véritable intention de changement, et que la pratique de l’ordre du jour dénote quelques belles victoires. L’observateur averti qui voudrait résumer, de façon quelque peu triviale mais succincte, le bilan de cette période d’observation, écrirait sans doute les mots suivants : « Des efforts, mais peut mieux faire ».

Notes

  • [1]
    A. Peyrefitte, C’était de Gaulle, Éditions de Fallois, Fayard, 1995, p. 217.
  • [2]
    Définition de l’ordre du jour extraite du lexique disponible sur le site officiel de l’Assemblée nationale.
  • [3]
    Extraits du rapport fait au nom de la commission des lois par le député J.-L. Warsmann, relatif au projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, p. 43.
  • [4]
    J. Gicquel, Dictionnaire Constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 695.
  • [5]
    Triple priorité, car aux termes de l’article 48 d’alors, Matignon pouvait non seulement inscrire les sujets de son choix, mais encore sélectionner les textes d’initiative parlementaire qu’il souhaitait voir évoquer, le tout dans l’ordre de passage par lui choisi.
  • [6]
    Données extraites de l’ouvrage de H. Cavaillet et D. Pouillard, « L’article 48 », in F. Luchaire, G. Conac et X. Prétot La Constitution de la République Française – Analyses et commentaires, Economica, 1987, p. 937.
  • [7]
    Diverses propositions de réforme de l’ordre du jour avaient été proposées, notamment par L. Fabius, qui, dans son allocution du 28 septembre 1989 proposa d’instituer une séance par quinzaine ou par mois à l’examen des propositions de lois ; ou encore par G. Colombier qui prônait un système de parrainage pour déterminer les propositions à examiner.
  • [8]
    Proposition extraite du rapport établi par le Comité consultatif pour une révision de la Constitution, chapitre 2, § 19.
  • [9]
    P. Fraisseix, « La fenêtre ‘‘parlementaire’’ de l’article 48 alinéa 3 de la Constitution : une nouvelle illustration de la revalorisation parlementaire », cette Revue, 1998, n° 33, p. 3- 33, p. 9.
  • [10]
    Pourcentage établi à partir des données extraites de l’article de P. Fraisseix préc. p. 15.
  • [11]
    J.-E. Gicquel, « L’ordre du jour réservé aux assemblées parlementaires », LPA, 7 juillet 1997, n° 81, p. 4.
  • [12]
    P. Baschschmidt, « Le succès méconnu des lois d’initiative parlementaire », cette Revue, 2009-78, p. 343-365, p. 349.
  • [13]
    P. Fraisseix, article préc. p. 13.
  • [14]
    D’autant que le Conseil constitutionnel a toujours fait fi du contenu de cet ordre du jour spécial (projets ou propositions) du moment que l’organe responsable des inscriptions était bien un parlementaire. Voir notamment la décision CC n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001.
  • [15]
    C’est le cas du Sénat italien où l’opposition bénéficie de deux séances par mois pour inscrire les sujets de son choix.
  • [16]
    Notons que la période d’observation envisagée varie quelque peu en fonction de l’assemblée considérée. Pour le Sénat, nous nous en tenons à la stricte étude de la session ordinaire 2009-2010, tandis que les données relatives à l’Assemblée nationale englobent également la seconde moitié de la session 2008-2009 (et débute, par conséquent, au 1er mars 2009, date d’entrée en vigueur du nouvel article 48).
  • [17]
    Aux termes de l’article 48 alinéa 1er : « […] l’ordre du jour est fixé par chaque assemblée ».
  • [18]
    L’Espagne organise un système mixte qui reconnaît une compétence parlementaire de principe, tout en permettant au Gouvernement d’obtenir l’inscription de « toute affaire à caractère prioritaire ».
  • [19]
    Rapport préc., p. 50.
  • [20]
    Nous renvoyons, à cet égard, à la classification ternaire dressée par J.-L. Pezant « L’article 48 », in F. Luchaire, G. Conac, X. Prétot, préc., 3e édition, 2009, p. 1205-1223, p. 1219. Il y distingue trois catégories. La première à vocation à « assurer une priorité aux textes qui sont au cœur de l’action gouvernementale et dont l’examen annuel est imposé par d’autres dispositions constitutionnelles ou organiques ». Elle regroupe les textes budgétaires. La seconde vise à « garantir le fonctionnement régulier de la navette parlementaire ». La dernière doit « permettre deuxième Parlement de se prononcer sur des situations d’urgence ».
  • [21]
    Notons l’ambiguïté de sa nature : mesure spéciale à l’Assemblée ; mesure de droit commun au Sénat. Au Palais du Luxembourg, il a été décidé que l’alinéa 5 ne serait pas l’apanage exclusif des groupes minoritaires, mais que la majorité en bénéficierait au même titre, le transformant en journée « des » groupes, indépendamment de leur appartenance politique. En contrepartie, les membres de l’opposition ont obtenu que cette réserve déborde sur une journée et demie par mois ainsi qu’un roulement des jours de séances (afin que les groupes minoritaires ne voient pas systématiquement leur séance se dérouler un jeudi, où les bancs des assemblées sont plus que clairsemés). Cette décision fait perdre à l’alinéa 5 son caractère spécial pour en faire une mesure de droit commun.
  • [22]
    Articles 47 alinéa 3 RAN et 29 alinéa 4 RS.
  • [23]
    Par exemple, les articles 9 alinéa 2 et 10 alinéa 2 du RAN retracent les modalités d’élection du président de l’Assemblée ainsi que des présidents de commission, conditions très favorables à la représentation de la majorité.
  • [24]
    A. Vidal-Naquet, « L’institutionnalisation de l’opposition », cette Revue, 2009-77, p. 153-173, p. 154.
  • [25]
    L. Favoreu, Droit constitutionnel, Dalloz, 2004, 7e édition, p. 338. Selon L. Favoreu, la théorie originelle de la séparation des pouvoirs est vouée à disparaître à cause du fait majoritaire : « la confrontation traditionnelle entre pouvoir exécutif et législatif s’estompe de plus en plus, désormais, devant celle de majorité et opposition ».
  • [26]
    Les résultats ne sont guère meilleurs au Sénat où le professeur P. Fraisseix ne recense que quatre questions orales avec débat, contre 35 textes. Article préc., p. 15.
  • [27]
    J.-L. Herin, « L’ordre du jour réservé : sept années de gestion sénatoriale de l’article 48 alinéa 3 de la Constitution », Pouvoirs, 2003, n° 105, p. 159-175, 168.
  • [28]
    Données recueillies sur le site du Sénat.
  • [29]
    J.-L. Pezant, « Parlementarisme rationalisé et système majoritaire », in La République : mélanges en l’honneur de Pierre Avril, Montchrestien, 2001, p. 465-479, p. 476 et suivantes.
  • [30]
    P. Avril, « Le Parlement législateur », RFSP, 1981, n° 1, p. 15-31. Il y écrit que « la législation est un des moyens par lesquels s’exerce le contrôle ».
  • [31]
    Sens des propos tenus par le professeur G. Carcassonne, lors de la Conférence organisée par l’AFDC, à l’Assemblée nationale, le 1er avril 2010, sur le sujet suivant : « Le nouveau règlement de l’Assemblée nationale ».
  • [32]
    Extraits du discours de l’ancien président du Sénat, C. Poncelet, lors de la séance du 7 octobre 1998.
  • [33]
    Selon le recueil statistique de l’activité de l’Assemblée nationale pour la session 2007- 2008, pas moins de 89 lois ont été adoptées au cours de cette session (p. 69). Par ailleurs, l’intégralité de l’ordre du jour de la session extraordinaire 2006-2007 a été consacrée à l’examen de textes, selon le rapport concernant la session de l’Assemblée nationale 2006-2007.
  • [34]
    Données extraites de notre recensement effectué à partir des ordres du jour disponibles sur le site de l’Assemblée nationale, chaque texte n’ayant été recensé qu’une fois, indépendamment du nombre d’inscription. Ont été exclues du décompte les 56 séances de questions au Gouvernement, puisqu’elles résultent d’une obligation constitutionnelle.
  • [35]
    Donnée issue de l’ouvrage de P. Avril et J. Gicquel, Droit parlementaire, Montchrestien, 4e édition, 2010, p. 165.
  • [36]
    Selon le nouvel article 24, « le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement ».
  • [37]
    G. Carcassonne, La Constitution, Seuil, 9e édition, 2009, p. 241.
  • [38]
    Le terme de « priorité » a toujours été présent au sein des différentes versions de l’article 48. En 1958, « l’ordre du jour [comportait], par priorité, la liste des textes […] » (alinéa 1er), les séances de questions avaient également cours « par priorité » (alinéa 2). Depuis 1995, c’est « par priorité » que les ministres fixent l’ordre du jour, que les parlementaires disposent d’une séance par mois pour déterminer le leur, et qu’une séance de questions se tient chaque semaine.
  • [39]
    M. Lascombe, « Les nouvelles règles relatives à la fixation de l’ordre du jour sous la Ve République », LPA, 19 décembre 2008, n° 254, p. 87.
  • [40]
    F. Colly, « L’article 24 », in F. Luchaire, G. Conac, X. Pretot, préc., p. 677-721, 678.
  • [41]
    F. Colly, article préc., p. 683.
  • [42]
    Pour le professeur D. Ribes, leur adoption « pourrait constituer un canal d’expression publique de cette fonction de contrôle » (D. Ribes, « Le comité Balladur, technicien expert du parlementarisme », cette Revue, 2008, hors série : Après le comité Balladur, réviser la Constitution en 2008 ? p. 11-132, p. 128). En revanche, selon le professeur H. Jozefowicz il ne fait pas de doute qu’elles ne font pas partie de la fonction de contrôle (H. Jozefowicz « La réforme des institutions : de la suggestion à l’adoption », Politeïa, 2009, n° 15, p. 233-289, 258).
  • [43]
    Extraits du rapport fait par la commission des lois constitutionnelles et de la législation au Sénat par le sénateur J.-J. Hyest, p. 154.
  • [44]
    Rappelons que chacun des acteurs dispose de deux semaines d’ordre du jour.
  • [45]
    Voir l’amendement déposé par le député P. Ollier (amendement n° 16), ou encore la rédaction originelle de l’article 22 du projet de loi constitutionnelle qui soumettait la « super-priorité » permettant d’inscrire d’office un texte transmis par l’autre assemblée depuis un certain temps au délai d’un mois. De la même façon, nous renvoyons au sous-amendement n° 507 déposé au Sénat, sollicitant l’extension de cette « super-priorité » aux parlementaires, l’idée étant que si l’objet de cette disposition est bien de ne pas laisser la navette en sommeil, il serait bienvenu d’en faire bénéficier également les membres des assemblées.
  • [46]
    Songeons à la « super-priorité » relative à l’état de crise, susceptible de recouvrir des sens divers, voir, en ce sens, les débats constituants, et notamment les propos du sénateur M. Charasse lors de la séance du 24 juin 2008, remarquant qu’une crise peut être « immédiate ou à venir », et qu’étant « brutale et imprévisible, [elle] est toujours indéfinissable par avance ».
  • [47]
    Rapport préc. p. 379 ainsi que les règlements des assemblées, articles 48 alinéa 11 du RAN, et 29 bis alinéa 7 du RS.
  • [48]
    M. Lascombe « Le Gouvernement et la révision constitutionnelle : un oublié très présent », JCP Édition générale, 30 juillet 2008, n° 31-35, p. 35-39.
  • [49]
    À l’époque, le système de répartition des journées parlementaires reposait sur le principe de la proportionnalité ce qui, bien évidemment, désavantageait les groupes minoritaires, qui ne disposaient que de peu de jours. En outre, la fréquence des séances ne permettait pas d’assurer un suivi des textes, peu d’entre eux ayant pu embarquer pour la navette. C’est ainsi que le professeur P. Fraisseix relève, dans son étude, qu’au cours des 14 premières séances, seules quatre propositions minoritaires ont pu accéder à l’ordre du jour.
  • [50]
    Ces propositions proviennent respectivement de l’amendement n° 74 déposé par la sénatrice N. Borvo Cohen-Seat et de l’amendement n° 497 proposé par le député A. Montebourg.
  • [51]
    Il n’est pas exclu que le Gouvernement détourne les mécanismes du parlementarisme rationalisé de leur objet. On peut imaginer qu’il puisse opposer l’irrecevabilité financière et imposer le vote bloqué.
  • [52]
    Pour reprendre la formule autrefois utilisée par J.-L. Herin, article préc.
  • [53]
    Songeons, par exemple, à la précision dont fait preuve le constituant lorsqu’il décrit la procédure accélérée (article 45), ou les règles présidant à la mise en cause de la responsabilité gouvernementale (article 49).
  • [54]
    Sans compter l’œuvre de déblaiement produite par le Conseil constitutionnel, voir la décision CC n° 2009-579 DC du 9 avril 2009 où le juge affiche son intention d’effectuer un contrôle restreint du caractère suffisant ou non des études d’impact.
  • [55]
    Comité d’évaluation et de contrôle.
  • [56]
    Il s’agit du droit de tirage, c’est-à-dire du droit de créer une commission d’enquête. Non seulement sa constitutionnalisation a été refusée (cf. l’amendement n° 281 déposé par le député A. Montebourg), mais en plus il ne s’agit pas d’un droit de création d’une telle commission, simplement d’un droit de solliciter leur création. C’est là que le bât blesse : la demande sera examinée en commission, collège qui, naturellement, assure une forte représentation de la majorité, et qui, au moyen de conditions de fond substantielles, pourra aisément rejeter la proposition (on note, par exemple, que l’article 140 du RAN permet à la commission saisie de la demande de se prononcer sur son « opportunité »).
  • [57]
    Cf. l’amendement n° 498 : « une semaine sur quatre est réservée exclusivement aux fonctions de contrôle du Parlement ».
  • [58]
    Ex. : texte sur la réforme de l’hôpital public (figurant à l’ordre du jour des séances des 2, 3, 4, 5, 9 et 10 mars 2009), sur la protection de la création sur internet (enrôlé à l’ordre du jour des 11, 12, 30, 31 mars 2009, ainsi que les 1er, 2, 9 avril et le 12 mai), le projet relatif à l’ouverture à la concurrence du secteur des jeux en ligne (les 7, 8, 9, 13 octobre 2009, ainsi que le 31 mars 2010), le texte sur le Grand Paris (les 24, 25, 26 et 27 novembre 2009), celui relatif à l’évolution du statut de l’entreprise publique La Poste (15, 16, 17 décembre 2009, ainsi qu’à celui du 12 janvier 2010)…
  • [59]
    12 projets sur les 29 recensés (excepté les projets de loi habilitant le Gouvernement à approuver des accords internationaux).
  • [60]
    Ajoutons aux éléments d’explication le fait que la réserve des votes, autorisée par l’article 95-6 du RAN, et qui permet de procéder à l’examen du texte puis de l’inscrire une nouvelle fois à l’ordre du jour pour ne se livrer qu’aux opérations de votation, est très largement pratiquée au Palais Bourbon, justifiant, pour partie, ce phénomène de dispersion des projets de loi entre les différentes catégories d’ordre du jour.
  • [61]
    Au Sénat, l’ordre du jour gouvernemental pour la session ordinaire 2009-2010 comprend 49 projets, contre quarte propositions.
  • [62]
    En effet la première proposition que l’on décompte a été inscrite à l’ordre du jour du 25 février 2010.
  • [63]
    19 des 24 projets de loi recensés au Sénat (hormis ceux portant habilitation à approuver un accord international) se retrouvent inscrits dans la même catégorie d’ordre du jour à l’Assemblée nationale.
  • [64]
    Sur les 17 propositions recensées, deux seulement étaient de véritables inscriptions, destinées à faire l’objet d’un examen et non pas d’un simple vote (il s’agit de la proposition tendant à modifier le RAN, inscrite à l’ordre du jour du 12 au 14 mai, ainsi que du texte relatif au service civique, étudié le 4 février 2010).
  • [65]
    Partant du postulat qu’une journée de séances contient en moyenne 11 heures de débats et que dans une semaine les parlementaires siègent trois jours (du mardi au jeudi), les quatre semaines préemptées ont représenté, pour les députés et les sénateurs, un manque à gagner de 132 heures de débats.
  • [66]
    À l’exception de quelques séances mais il ne s’agissait que d’approuver les conclusions adoptées par la CMP, mobilisant peu de temps (5 heures au Sénat, 7 heures à l’Assemblée).
  • [67]
    Ordre du jour des séances des 15, 16 et 25 février 2010, ainsi qu’à celle du 6 mai dernier.
  • [68]
    Selon le recueil statistique de l’activité de l’Assemblée nationale 2008-2009, p. 59, annexe IX.
  • [69]
    Selon notre recensement, trois sont susceptibles d’en avoir bénéficié.
  • [70]
    On pourrait objecter que l’opération est nulle pour le Gouvernement car il se trouvera nécessairement contraint d’inscrire les conclusions adoptées par la CMP à l’ordre du jour de chaque assemblée. C’est oublier la différence de taille qui existe entre l’examen d’un texte et la seule adoption des conclusions d’une telle commission, le premier pouvant aller jusqu’à monopoliser plusieurs jours de séances, la seconde ne nécessitant que quelques minutes d’examen (1h40 en moyenne, selon nos calculs).
  • [71]
    Sous la session 2006-2007, seuls six projets ont été soumis à la procédure d’urgence.
  • [72]
    Propos tenus par le professeur G. Carcassonne, conférence préc.
  • [73]
    Ont également été recensés au sein de cet ordre du jour deux propositions de résolutions, 16 questions au Gouvernement (qui constituent la mise en œuvre du 6e alinéa de l’article 48), une question orale sans débat, une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat, une déclaration du Gouvernement relative à la politique étrangère, et un projet de loi de finances.
  • [74]
    Conférence préc.
  • [75]
    Une exception notable doit cependant être relevée : un projet a tout de même monopolisé 18h30 d’examen (projet de loi organisant la concomitance des élections des conseils régionaux et généraux, inscrit à l’ordre du jour des 19 et 22 janvier 2010).
  • [76]
    On recense au sein de cet ordre du jour spécial, 16 débats, six débats relatifs à l’application d’une loi, quatre questions cribles thématiques, 10 questions orales avec débat, une question orale sans débat, deux questions d’actualité au Gouvernement, deux résolutions tendant à obtenir la création d’une commission d’information, et, enfin, une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat. Notons, à cet égard, que la présence des questions cribles thématiques et des questions d’actualité au Gouvernement s’explique par l’exigence de l’alinéa 6.
  • [77]
    L’étude de l’ordre du jour montre qu’elles sont à l’origine de pas moins de sept débats.
  • [78]
    12 projets et 20 propositions de loi.
  • [79]
    Une discussion de la sorte nécessitait, en moyenne, 3 heures de temps en début de session, pour ne mobiliser, en fin de session, plus qu’une à deux heures.
  • [80]
    Notons, tout de même, l’effort fourni par les députés en la matière. Il réside dans la présence des questions orales sans débat : d’une durée moyenne de 3h10, elles incarnent l’espoir de l’uniformisation d’un ordre du jour aujourd’hui atomisé.
  • [81]
    Ont également été recensés cinq propositions de résolution, un projet de loi dont la présence a été consentie par le groupe disposant de la séance d’alors, le groupe Nouveau Centre, et quatre débats.
  • [82]
    Voir par exemple la séance du 30 avril 2009, rythmée par de multiples échanges de rappels au règlement entre le député J.-M. Ayrault, président du groupe socialiste, et J.-F. Coppé, alors qu’il n’est pas certain que cette question puisse relever du rappel au règlement. Depuis cette date, les députés de l’opposition déplorent quasi systématiquement le boycott de la majorité, dénonçant « un simulacre de démocratie », une « dégradation des conditions de travail ».
  • [83]
    Voir le compte rendu de la séance du 19 novembre 2009 à l’Assemblée nationale.
  • [84]
    En témoigne leur déclaration d’appartenance politique : « Partenaires loyaux de la majorité présidentielle née le 6 mai 2007 […] ».
  • [85]
    Il s’agit d’une proposition de loi socialiste relative à la rémunération des dirigeants d’entreprise.
  • [86]
    En effet deux propositions de loi ont été déposées en ce sens, inscrites respectivement à l’ordre du jour des séances des 28 mai 2009 et 20 mai 2010.
  • [87]
    Le meilleur exemple reste encore la question de l’abrogation du bouclier fiscal qui a suscité le dépôt de trois textes, conduisant à ce que les propositions des groupes socialistes, des sénateurs du parti de gauche et du groupe communiste républicain et citoyen soient examinées le même jour, lors de la séance du 20 mai 2010. C’est également le cas du thème du logement qui a fait l’objet une inscription à l’ordre du jour à l’Assemblée nationale à l’initiative du groupe GDR, le 3 décembre, et le 17 novembre au Sénat, par le groupe socialiste.
  • [88]
    La création d’une Conférence des présidents des groupes minoritaires et d’opposition présenterait l’intérêt d’offrir aux sujets choisis par cet organe un large soutien puisqu’ils seraient supportés par l’ensemble des membres de ces groupes, et, ainsi de susciter une cohésion et une concentration des voix autour d’une même initiative.
  • [89]
    Si le groupe UMP bénéficie de l’ordre du jour de l’alinéa 5, nous excluons leurs textes de l’étude tant les résultats s’en trouveraient tronqués.
  • [90]
    Il s’agit de quatre propositions du groupe centriste, de deux propositions du groupe RDSE, et de deux propositions du groupe socialiste.
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