Notes
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[1]
Sommaire de la décision, cette Revue, 74, p. 337.
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[2]
V. par exemple : C.C., n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, Couverture maladie universelle, Rec. p. 100; C.C., n° 2002-463 DC du 12 décembre 2002, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, cons. n° 22, Rec. p. 540; C.C., n° 2004-504 DC du 12 août 2004, Loi relative à l’assurance maladie, cons. n° 13,19, Rec. p. 153.
-
[3]
C.C., n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, Libre concurrence, cons. n° 21, Rec. p. 145.
-
[4]
C.C., n° 91-296 DC du 29 juillet 1991, Maîtrise des dépenses de santé, cons. n° 17, Rec. p. 102.
-
[5]
C.C., n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, précitée, cons. n° 6.
-
[6]
S’agissant des deux autres branches de la sécurité sociale, on rappellera que le Conseil constitutionnel a ajouté aux considérants classiques qui viennent d’être rappelés un autre selon lequel, respectivement : « l’exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 implique la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur de la famille » (C.C., n° 97-393 DC du 18 décembre 1997, Allocations familiales, cons. n° 33, Rec. p. 320); et « l’exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées [du onzième alinéa du Préambule de 1946. implique la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités » (C.C., n° 2003-483 DC du 14 août 2003, Loi portant réforme des retraites, cons. n° 7, Rec. p. 430), ce qui n’est guère plus précis.
-
[7]
Saisine du Conseil constitutionnel en date du 27 novembre 2007 par plus de soixante députés et saisine du Conseil constitutionnel en date du 28 novembre 2007 par plus de soixante sénateurs, JO du 21 décembre 2007, p. 20650 et s.
-
[8]
Cons. n° 4 de la décision commentée.
-
[9]
CE, Ass., 28 mars 1997, Société Baxter, Rec. p. 114.
-
[10]
C.C., n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004, cons. n° 37, Rec. p. 487.
-
[11]
C.C., n° 2004-504 DC du 12 août 2004, Loi relative à l’assurance maladie, précitée, cons. n° 18.
-
[12]
C.C., n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007, Loi ratifiant l’ordonnance du 26 août 2005 relative à l’organisation de certaines professions de santé et à la répression de l’usurpation de titres et de l’exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique, cons. n° 14, JO du 1er février 2007, p. 1946.
-
[13]
Cons. n° 7 de la décision commentée.
-
[14]
V. par exemple, C.C., n° 2004-197 L du 10 juin 2004, Nature juridique de dispositions du code rural et de l’ancien code rural en matière de retraite, Rec. p. 99; J.-E. Schoettl, « Caractère réglementaire des “paramètres quantitatifs” du droit de la sécurité sociale », Petites Affiches, n° 128,28 juin 2004, p. 16-17.
-
[15]
Fixés dans un premier temps par décret, les niveaux et plafonds des franchises pourront à terme être déterminés par l’UNCAM (Union nationale des caisses d’assurance maladie). Celle-ci est également compétente pour déterminer le montant du forfait hospitalier, celui du ticket modérateur, ainsi que celui de la participation forfaitaire sur les actes et consultations instituée par la loi de 2004 relative à l’assurance maladie. Saisi de ce dernier texte, le Conseil constitutionnel avait rejeté le moyen tiré de la violation de l’article 21 de la Constitution en jugeant « qu’en vertu de l’article 21 de la Constitution et sous réserve de son article 13, le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire à l’échelon national; que, cependant, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l’État autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en œuvre une loi dès lors que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d’application que par leur contenu ; considérant que les décisions de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie en matière de participation des assurés interviendront dans des limites fixées par décret en Conseil d’État; que les articles 41,53 et 55 de la loi déférée ne confient dès lors aux organismes concernés ou à leurs dirigeants qu’un pouvoir réglementaire de portée limitée tant par son champ d’application que par son contenu; considérant, par suite, que les griefs tirés de la méconnaissance des articles 21 et 34 de la Constitution doivent être rejetés » (C.C., n° 2004-504 DC du 12 août 2004, pré - citée, cons. n° 40-42).
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[16]
Cons. n° 7 de la décision commentée.
-
[17]
C.C., n° 2007-556 DC du 16 août 2007, Loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, cons. n° 40, JO du 22 août 2007, p. 13971.
-
[18]
Sommaire de la décision, cette Revue, 75, p. 608.
-
[19]
Loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, JORF, 13 décembre 2005, p. 19152.
-
[20]
Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, JORF, 11 août 2007, p. 13466.
-
[21]
Loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, JORF, 26 février 2008, p. 3266 et s.
-
[22]
Pour une présentation détaillée de la loi : P. Bonfils, « Commentaire de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental », RSC, avril-juin 2008, p. 392-403; J. Danet, « La rétention de sûreté au prisme de la politique criminelle : une première approche », GP, 2-4 mars 2008, p. 10 et s.; M. Herzog-Evans, « La nouvelle rétention de sûreté : éléments d’analyse. La loi n° 2008-174 du 25 février 2008 ou la mise à mort des principes cardinaux de notre droit », AJ pénal, n° 4, avril 2008, p. 161-171; H. Mastopoulou, « Le développement des mesures de sûreté justifiées par la “dangerosité” et l’inutile dispositif applicable aux malades mentaux. Commentaire de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental », Droit pénal, avril 2008, p. 7-20; P. Mbanzoulou, « La dangerosité des détenus. Un concept flou aux conséquences bien visibles : le PSEM et la rétention de sûreté », AJ pénal, n° 4, avril 2008, p. 171-175; P. Mistretta, « De la répression à la sûreté : les derniers sub-terfuges du droit pénal. À propos de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental », JCP G, n° 9-10,27 février 2008, p. 5-7; J.-L. Senon, C. Manzanera, « Psychiatrie et justice : de nécessaires clarifications à l’occasion de la loi relative à la rétention de sûreté », AJ pénal, n° 4, avril 2008, p. 176-180.
-
[23]
Sur ce courant doctrinal, v. N. Tabert, L’influence du positivisme juridique sur la matière pénale moderne, Crmp F. Boulan, PUAM, Aix-en-Provence, 2007,239 p.
-
[24]
G. Stéfani, G. Levasseur, B. Bouloc, Droit pénal général, Précis, Dalloz, Paris, 2003, 18e éd., n° 479, cité par J.-H. Robert, « Mesure de sûreté », in G. Lopez, S. Tzitzis (dir.), Dictionnaire des sciences criminelles, Dalloz, Paris, 2004, p. 616 et s.
-
[25]
Il s’agit notamment de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Canada.
-
[26]
Nous entendons par là, la tendance « pavlovienne » du législateur à réagir aux affects de l’opinion publique vis-à-vis de l’actualité, pénale notamment.
-
[27]
H. Donnedieu De Vabres, La politique criminelle des États autoritaires, Sirey, Paris, 1938,223 p.
-
[28]
Pour une analyse des mesures les plus récentes, v. J.-H. Robert, « Les murailles du silicium. Commentaire de la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales », Droit pénal, 2006, étude n° 2; « Le plancher et le thérapeute. Commentaire de la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs », Droit pénal, 2007, étude n° 20.
-
[29]
La Cour européenne des droits de l’homme sera appelée très prochainement à préciser sa jurisprudence sur la question de la rétention de sûreté du droit allemand (Mücke c. Allemagne, introduite le 1er juillet 2008).
-
[30]
La dernière réforme date du 13 avril 2007 : la nouvelle législation prévoit que le placement en rétention peut même être ordonné en tenant compte des circonstances caractérisant la grande dangerosité du condamné pourtant déjà perceptible lors du prononcé de la condamnation, si à cette date le prononcé de la rétention n’était pas légalement possible.
-
[31]
BVerfGE, 5 février 2004,2 BvR 2029/01 : la Cour a été saisie sur le fondement de l’article 93, al. 1, n° 4 a de la Loi fondamentale aux termes duquel elle « … statue… sur les recours constitutionnels qui peuvent être formés par quiconque estime avoir été lésé par la puissance publique dans l’un des ses droits fondamentaux… ».
-
[32]
Pour une analyse de la rétention de sûreté : — sous l’angle de sa compatibilité avec la Convention européenne des droits de l’homme (articles 7 § 1,5 et 3) : J.-P. Céré, « La rétention de sûreté à l’épreuve de la Convention européenne des droits de l’homme », AJ pénal, n° 5, mai 2008, p. 220 et s.; D. Roets, « La rétention de sûreté à l’aune du droit européen des droits de l’homme », D, 2008, n° 47, p. 1840-1847; — sous le prisme du droit pénal et de la procédure pénale : Y. Mayaud, « La mesure de sûreté après la décision du Conseil constitutionnel n°2008-562 DC du 21 février 2008 », D, 2008, n° 20, p. 1359-1366; J. Pradel, « Une double révolution en droit pénal français avec la loi du 25 février 2008 sur les criminels dangereux », D, 2008, n° 15, p. 1000-1012; — dans le cadre de la jurisprudence constitutionnelle : « Note sous décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 », CCC, 2008, n° 24, p. 19-24; « Note sous décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 », GP, 27-28 février 2008, p. 13-15; P. Cassia, « La Constitution malmenée », Esprit, 2008, n° 344, p. 188-190; P. Jan, « Le Président, le Conseil et la Cour, une histoire de Palais de mauvais goût », AJDA, 7 avril 2008, p. 714-716; — en droit comparé : C. A. Kupfberberg, « La Sicherungsverwahrung ou la rétention de sûreté allemande », Droit pénal, mai 2008, p. 12-13; T. Weigend, D. Capitant, F. Feisel, « Droit constitutionnel pénal allemand », RSC, juillet/septembre 2004, p. 688-691.
-
[33]
L’article 1-I introduit un chapitre III intitulé De la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté au titre XIX du livre IV (relatif à la Procédure applicable aux infractions de nature sexuelle) du code de procédure pénale (articles 706-53-13 à 706-53-21).
-
[34]
Article 706-53-19 du code de procédure pénale : la commission régionale de la rétention de sûreté peut autoriser une surveillance de sûreté si la rétention de sûreté n’est pas prolongée ou s’il y est mis fin et si la personne présente toujours les risques de commettre les infractions visées à l’article 706-53-13. La surveillance de sûreté comporte des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire de l’article 723-30 du code de procédure pénale, tels que l’injonction de soins et le placement sous surveillance électronique mobile.
-
[35]
Article 706-53-15 du code de procédure pénale : possibilité de recourir à une procédure d’urgence si l’intéressé viole ses obligations légales qu’entraîne la surveillance de sûreté, et lorsque cette violation fait apparaître sa particulière dangerosité caractérisée par la probabilité très élevée de commettre à nouveau les infractions prévues par l’article 706-53-13 du code de procédure pénale.
-
[36]
Article 723-37 du code de procédure pénale : possibilité de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte une personne dans le cadre d’une surveillance judiciaire dès lors qu’elle a commis une infraction entrant dans le champ d’application de la rétention de sûreté. La juridiction régionale (article 706-53-15) peut décider de prolonger les effets de la surveillance judiciaire au-delà de la limite prévue par l’article 723-29 en plaçant la personne sous surveillance de sûreté pour une durée d’un an, avec possibilité de la renouveler sans limite. Article 723-38 du code de procédure pénale : lorsque le placement sous surveillance électronique mobile a été prononcé dans le cadre d’une surveillance judiciaire, à l’encontre d’une personne relevant du champ d’application de la rétention de sûreté, cette mesure pourra être renouvelée aussi longtemps que la personne reste placée sous surveillance judicaire ou sous surveillance de sûreté. Article 763-8 du code de procédure pénale : possibilité de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte une personne dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire, au-delà de la durée prononcée par la juridiction de jugement et des limites prévues par l’article 131-36-1 du code pénal, dès lors que le condamné est susceptible de faire l’objet d’une rétention de sûreté. En particulier, c’est la juridiction régionale de la rétention de sûreté qui décidera de prolonger les effets d’un suivi socio-judiciaire, en plaçant l’intéressé sous une mesure de surveillance de sûreté pour une durée d’un an, avec possibilité de la renouveler. Enfin, le manquement aux obligations imposées peut conduire à un placement en rétention de sûreté.
-
[37]
Sur cette question v. aussi C. Courtin, « La surveillance post-carcérale des personnes dangereuses et l’application de la loi pénale dans le temps », Droit pénal, juillet-août 2008, p. 6-12; B. Mathieu, « La non-rétroactivité en matière de rétention de sûreté : exigence constitutionnelle ou conventionnelle ? À propos de la décision n° 2008-562 DC du Conseil constitutionnel », JCP G, n° 11,12 mars 2008, p. 4-6.
-
[38]
E. Garçon, « Observations sous article 4 », in Code pénal annoté, Sirey, Paris, 1901-1906.
-
[39]
R. Merle, A. Vitu, Traité de droit criminel. Problèmes généraux de la science criminelle. Droit pénal général, Cujas, Paris, 1997,7e éd., n° 250 et s.
-
[40]
Cass. crim., 24 janvier 2006, Bull. crim., n° 25.
-
[41]
Jurisprudence constante depuis : Cass., 11 fructidor an VII, B, 579, S. et P.
-
[42]
Jurisprudence constante depuis : Cass., 25 brumaire an V, B, 367, chron. de D. Lois.
-
[43]
M.L. Rassat, Droit pénal général, coll. Cours magistral, Ellipses, Paris, 2006,2e éd, n° 80.
-
[44]
Décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980, Loi relative à la prévention de l’immigration clandestine et portant modification de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l’office national d’immigration, Rec., p. 29; RJC, p. I-74, JORF, 11 janvier 1980, p. 84; RDP, 1980, p. 1631, comm. de L. Favoreu : le juge constate que les dispositions qui lui sont soumises « ne sont pas relatives à des mesures pénales et ne contreviennent donc pas à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 » (v. plus récemment la décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi relative à l’égalité des chances, JORF, 2 avril 2006, p. 4964, cons. n° 35). Logiquement, le Conseil affirme que les principes constitutionnels issus de l’article 8 de la Déclaration des droits et du citoyen s’appliquent « aux règles concernant la détermination des crimes et délits qu’il (le législateur) crée, ainsi que les peines qui leur sont applicables » (décision n° 98-399 DC du 5 mai 1998, Loi relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile, Rec., p. 245, JORF, 12 mai 1998, p. 7092).
-
[45]
Articles 103 de la Loi fondamentale allemande, 7 de la Constitution grecque du 9 juin 1975,11 de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982,11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948,15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966,7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950…
-
[46]
L. Favoreu, « La constitutionnalisation du droit pénal et de la procédure pénale. Vers un droit constitutionnel pénal », in Droit pénal contemporain. Mélanges en l’honneur d’André Vitu, Éditions Cujas, Paris, 1989, p. 169.
-
[47]
J. Petit, Les conflits de lois dans le temps en droit public interne, Bibliothèque de droit public, tome 195, LGDJ, Paris, 2002, p. 67 : ce phénomène déploie ses effets dans deux directions : d’une part, il renforce les garanties constitutionnelles applicables au droit répressif, et, d’autre part étend ces garanties tantôt à certains types de lois, tantôt aux mesures de sûreté.
-
[48]
Décision n° 80-126 DC du 30 décembre 1980, Loi de finances pour 1981, Rec., p. 53; RJC, p. I-89, JORF, 31 décembre 1980, p. 3242.
-
[49]
Décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982, Loi de finances rectificative pour 1982, Rec., p. 88; RJC, p. I-149, JORF, 31 décembre 1982, p. 4034. En outre, on remarquera que le Conseil semble, par son incise et malgré lui, réserver l’expression « répressives » qu’aux juridictions de l’ordre judiciaire et non aux juridictions administratives statuant en matière répressive. En réalité, nous pensons qu’il s’agit d’une maladresse sémantique. En effet, dans cette décision, le Conseil préfigure l’admission constitutionnelle de « la sanction ayant le caractère d’une punition » prononcée par une autorité de nature non juridictionnelle, posant en cela la question de la nature juridictionnelle ou non des Autorités administratives indépendantes notamment.
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[50]
Par exemple : décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004, Rec., p. 487; JORF, 31 décembre 2003, p. 22636, cons. n° 11; décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004, Loi relative à l’assurance maladie, Rec., p. 153; JORF, 17 août 2004, p. 14657, cons. n° 24. Simplement peut-on observer que, témoignant peut-être d’une moindre hostilité du juge constitutionnel envers la répression administrative, l’expression « a laissé le soin de » a remplacé celle indiquée dans le texte.
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[51]
Par exemple : décision n° 99-425 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances rectificative pour 1999, Rec., p. 168, JORF, 31 décembre 1999, p. 20012. V. aussi B. Mathieu, « Les validations législatives devant le juge de Strasbourg. Une réaction rapide du Conseil constitutionnel mais une décision lourde de menace pour l’avenir de la juridiction constitutionnelle. À propos des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme du 28 octobre 1999 et du Conseil constitutionnel 99-422 DC et 99-425 DC », RFDA, 2000, p. 289 : selon cet auteur, cette expression est incorrecte. Il s’agit de la non-rétroactivité des règles relatives aux peines et aux sanctions.
-
[52]
Dans le même ordre d’idées, le Conseil estime que les principes énoncés par l’article 8 de la DDHC concernent également les incapacités attachées par la loi aux peines prononcées par le juge judiciaire ou à certaines décisions administratives : décision n° 93-321 DC du 20juillet 1993, Loi réformant le code de la nationalité, Rec., p. 196; RJC, p. I-529, JORF, 23 juillet 1993, p. 10391; cette Revue, 1993, p. 823, note de X. Philippe.
-
[53]
M. Degoffe, Droit de la sanction non pénale, Economica, Paris, 2000, p. 12 et s.
-
[54]
Aussi, le Conseil constitutionnel évoque parfois le « principe de non-rétroactivité des textes à caractère répressif ». V., par exemple : décision n° 93-332 DC du 13 janvier 1994, Loi relative à la santé publique et à la protection sociale, Rec., p. 21; RJC, p. I-567, JORF, 18 janvier 1994, p. 925; cette Revue, 1994, p. 545, note de P. Gaïa.
-
[55]
Par exemple : décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, Loi de finances pour 1998, Rec., p. 333; RJC, p. I-732; JORF, 31 décembre 1997, p. 19313.
-
[56]
Dans la décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 (précitée), le Conseil constitutionnel, pour décider que les dispositions dont la rétroactivité est critiquée ne portaient pas sur le domaine de l’article 8 de la DDHC, a principalement relevé qu’elles étaient relatives à une garantie de procédure.
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[57]
G. Cornu - Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, coll. Quadrige, PUF, Paris, 2007,8e éd. : « Incrimination : Mesure… consistant pour l’autorité compétente… à ériger un comportement déterminé en infraction… en déterminant les éléments constitutifs de celle-ci et la peine applicable ».
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[58]
P. Roubier, Les conflits de lois dans le temps. Théorie dite de la non-rétroactivité, Sirey, Paris, 1933, n° 89 : comme l’auteur le note justement, littéralement, le principe de légalité des infractions et des peines n’énonce pas quelle règle doit définir celle-là et celles-ci : celle du jour de l’infraction ou celle du jour du jugement. Aussi, constate-t-il que l’histoire et le but du principe – « empêcher que le délinquant soit victime de l’arbitraire du pouvoir, c’est-à-dire ici d’un changement de législation » – désignent clairement la première.
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[59]
CE, 9 octobre 1996, Sté. Prigest, Dr. Adm., 1997, n° 2, note D. P.
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[60]
A. Guinchard, Les enjeux du pouvoir de répression en matière pénale. Du modèle judiciaire à l’attraction d’un système unitaire, Bibliothèque des sciences criminelles, tome 38, LGDJ, 2003, 663 p.
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[61]
G. Roujou De Boubée, « Panorama. Droit pénal. Notions de loi plus sévère », D, 2007, p. 401 : « En réalité, de plus en plus à l’heure actuelle dans la résolution des conflits de lois dans le temps, la distinction, parfois artificielle, entre loi de fond et loi de procédure est appelée à s’effacer au profit de la distinction entre loi plus sévère et loi plus douce ». L’incertitude gravitant autour de la notion est d’autant plus problématique qu’elle est susceptible de porter atteinte aux principes constitutionnels régissant le prononcé d’une sanction. Pour la première fois, un arrêt du 17 novembre 2006 du Conseil d’État ( CE sect., 17 novembre 2006, Sté CNP assurances, JCP A, 2006, act. 1032, obs. de M.-C. Rouault) reprend mot pour mot les dispositions du code pénal et les applique aux sanctions administratives. Le juge administratif fait sienne l’idée qu’une loi de procédure a pour but une meilleure administration de la justice. Le législateur est libre de déroger à la règle de l’effet immédiat et prévoir une survie de la règle ancienne : seule la non-rétroactivité de la loi pénale de fond est un principe constitutionnel. Le Conseil d’État semble en outre admettre la légalité de dérogations réglementaires lorsqu’il précise que le principe d’application immédiate des règles répressives de forme s’applique « réserve faite du cas où il en serait disposé autrement ».
-
[62]
En ce qui concerne les règles de prescriptions en matière répressive, a priori, cette extension semble ne présenter qu’un faible intérêt au regard du droit public (v. J. Mourgeon, La répression administrative, coll. Bibliothèque de droit public, LGDJ, Paris, 1967, 643 p.). De son côté, l’article 72 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité « modifie enfin » (Dixit la circulaire criminelle 04-16-E8 du 14 mai 2004, in Code Pénal, Dalloz, Paris, Édition 2008,105e éd., sous arti - cle 112-2) le 4° de l’article 112-2 du code pénal relatif à l’application dans le temps des lois de prescription qui prévoyait que la loi nouvelle n’était pas applicable immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur si elle avait pour résultat d’aggraver la situation de l’intéressé. Ce principe de non-application immédiate ne répondait à aucune exigence constitutionnelle. La loi supprime donc la règle interdisant l’application immédiate des lois de prescriptions quand elles auraient pour résultat d’aggraver la situation de l’intéressé. En revanche, une prescription plus longue ne peut bien sûr pas rouvrir une prescription déjà acquise. Dans les deux cas (action publique et peines), la Cour de cassation a toujours établi le principe selon lequel les prescriptions définitivement acquises ne pouvaient revivre (Cass. crim., 3 novembre 1994, Bull. crim., n° 349). Le principe ne peut souffrir qu’une exception, l’existence d’une loi interprétative ou déclarative. Cette solution a été reprise par le Conseil constitutionnel qui, par la décision n° 88-250 DC du 29 décembre 1988 (Loi de finances rectificative pour 1988, Rec., p. 267; RJC, p. I-346, JORF, 30 décembre 1988, p. 16700), a rappelé que le principe de non-rétroactivité prévu à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « interdit de faire renaître… une prescription légalement acquise » (cons. 6). En effet, la renaissance d’une prescription revient, en fait, à créer une nouvelle infraction rétroactive dans son principe même. Si le juge constitutionnel impose qu’une peine ne puisse être infligée qu’à la condition que soient respectés les principes de droit constitutionnel pénal, peut-on considérer que les lois de prescription de l’action publique appartiennent aux conditions d’infliction des peines dans la mesure où, par essence, elles commandent le déclenchement même des poursuites ? Dans l’affirmative, ces lois doivent, ou plutôt, devaient, obéir aux règles constitutionnelles susvisées.
-
[63]
F. Desportes, F. Le Gunehec, Droit pénal général, Corpus Droit privé, Economica, Paris, 15e éd., 2008, Paris, n° 330. Alors que la Cour de cassation semble se sentir liée par le caractère rétroactif que le législateur entend expressément donner à des dispositions interprétatives (Cass. crim., 12 janvier 2000, Bull. crim., n° 20; Dr. pén., 2000, n° 71), il apparaît de plus en plus évident que souvent ce caractère rétroactif ne semble pas aller de soi, si nous le rapportons à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’est dire si le lien unissant le texte interprété et l’interprétation ne peut ipso facto couvrir une éventuelle inconstitutionnalité. Le législateur disposant d’un pouvoir discrétionnaire dans la détermination du caractère interprétatif d’une loi, pourrait « céder à la tentation d’ajouter quelque chose de nouveau à la loi interprétée, et aboutir à une rétroactivité déguisée » (R. Merle, A. Vitu, op. cit., n° 269). Bien que le Conseil constitutionnel, s’il est saisi, soit le seul à même de qualifier une loi d’interprétative ou non et d’en déterminer le régime d’application dans le temps, la Cour de cassation peut refuser d’appliquer un texte « suspect » (Cass. crim., 16 mars 1999, Bull. crim., n° 40; RSC, 1999, p. 810, cité par F. Desportes, F. Le Gunehec, op. cit., n° 329).
-
[64]
R. Schmelck, « La distinction entre la peine et la mesure de sûreté », in La Chambre criminelle et sa jurisprudence. Recueil d’études en hommage à Maurice Patin, Cujas, Paris, 1966, p. 182.
-
[65]
M. Ancel, « La peine dans le droit classique et selon les doctrines de la défense sociale », RSC, 1973, p. 190.
-
[66]
En ce qui concerne ces différents arguments, v. S. Sciortino-Bayart, Recherches sur le droit constitutionnel de la sanction pénale, thèse Droit, Aix-Marseille III, 2000,470 p.
-
[67]
Décision n° 78-98 DC du 22 novembre 1978, Loi modifiant certaines dispositions du code de procédure pénale en matière d’exécution des peines privatives de liberté, Rec., p. 33; RJC, p. I-63, JORF, 23 novembre 1978, p. 4411; RDP, 1979, p. 1686, obs. de L. Favoreu.
-
[68]
Il faut relever que dans cette décision, le Conseil fait une différence entre la « décision » prononçant la peine et la « décision » relative aux modalités d’exécution de la peine. En réalité, le Conseil ne se prononce pas sur la peine et la mesure d’exécution, mais sur les décisions prononçant ces mesures.
-
[69]
Décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986, Loi relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance, Rec., p. 130; RJC, p. I-278, JORF, 5 septembre 1986, p. 10788.
-
[70]
Soient les principes de légalité des délits et des peines, de nécessité et de non-rétro-activité de la loi pénale.
-
[71]
Pour le Conseil, l’article 8 de la Déclaration « ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives, mais s’étend à la période de sûreté qui, bien que relative à l’exécution de la peine, n’en relève pas moins de la décision de la juridiction de jugement qui, dans les conditions déterminées par la loi, peut en faire varier la durée en même temps qu’elle se prononce sur la culpabilité de l’accusé… » (cons. 3 et 23). Ici, le Conseil insiste sur le « moment » de la décision : certes, la période de sûreté concerne les modalités d’exécution de la peine, mais à partir du moment où c’est la juridiction de jugement qui se prononce, en même temps sur les modalités d’exécution de la peine et sur la peine elle-même, ces deux décisions ont un lien ténu avec la culpabilité. Ce qui compte est donc le moment du prononcé des mesures et le lien qu’elles ont avec la culpabilité. À ce stade, la différence entre dangerosité et culpabilité s’estompe : le crime est tellement grave que le délinquant est jugé présentement coupable mais aussi présentement et à l’avenir potentiellement dangereux : il s’agit bien d’un jugement à la fois de constat mais aussi de prospection. Cette exigence de moment du prononcé de la peine sera reprise dans la décision n° 2008-562 DC.
-
[72]
Parmi lesquels N. Molfessis, Le Conseil constitutionnel et le droit privé, Bibliothèque de droit privé, tome 287, LGDJ, 1997, n° 258.
-
[73]
L. Favoreu, article précité, p. 186.
-
[74]
En effet, le Conseil observe que « l’article 12 de la loi a pour effet de subordonner la possibilité pour le juge de l’application des peines de demander à la chambre d’accusation de mettre fin à l’application de toute ou partie du régime de la période de sûreté lorsqu’il s’agit de personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité… et que l’intéressé présente des gages sérieux de réadaptation sociale, à la condition qu’il ait subi une incarcération d’une durée au moins égale aux deux tiers de la période de sûreté… ».
-
[75]
« Inflexion » dans la mesure où il ne s’agit pas d’un « revirement-modification » mais d’une précision de la part du juge constitutionnel.
-
[76]
F. Luchaire, La protection constitutionnelle des droits et libertés, Economica, Paris, 1987, p. 401 : « Lorsque les modalités d’exécution de la peine sont déterminées par la juridiction de jugement, elles doivent être assimilées à la peine elle-même puisqu’elles dépendent du degré de culpabilité retenu par le juge ».
-
[77]
Plus loin, aux considérants 23 et 24, le Conseil a recours à une réserve d’interprétation. Celle-ci neutralise l’application potentiellement rétroactive de la loi. Pour le juge constitutionnel, la loi prévoyant sa mise en application immédiate, doit être entendue, s’agissant du nouveau régime des mesures de sûreté, « conformément au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, … qu’au regard de la législation en vigueur à la date des faits » susceptibles de donner lieu à la répression pénale.
-
[78]
Décision n° 93-334 DC du 20 janvier 1994, Loi instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale, Rec., p. 27; RJC, p. I-573, JORF, 26 janvier 1994, p. 1380.
-
[79]
Alors que le premier pose la circonstance aggravante pour l’assassinat commis sur un mineur de 15 ans, précédé de viol ou d’actes de barbarie, le second est relatif au meurtre, et étend le régime de la période de sûreté incompressible à la circonstance aggravante d’un meurtre de mineur de 15 ans accompagné de viol ou d’actes de barbarie. Il faut bien noter que c’est à la cour d’assises de se prononcer par décision spéciale.
-
[80]
« Considérant que les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s’étendent au régime des mesures de sûreté qui les assortissent… ».
-
[81]
En effet, doit-il s’étendre à l’ensemble des lois nouvelles qui s’appliquent aux mesures d’exécution des peines ? Si la réponse est positive, le régime d’application de certaines lois de procédure pourrait se voir modifier substantiellement.
-
[82]
Cet article prévoit que « sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur : … 3° les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines; toutefois, ces lois, lorsqu’elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur… ».
-
[83]
F. Desportes, F. Le Gunehec, op. cit., n° 361 : « Cette généralisation n’était pourtant pas commandée par la décision du Conseil constitutionnel. Si l’application rétroactive de l’aggravation de la période de sûreté a été prohibée par la Haute juridiction, c’est précisément parce que cette mesure n’est pas une mesure d’exécution de la peine, mais un élément de la peine elle-même, son prononcé supposant une appréciation de la culpabilité du prévenu ». Cette décision signifiait donc, non que toutes les mesures relatives à l’exécution des peines devaient être soumises aux règles applicables aux lois de fond, mais que certaines mesures d’exécution étaient en réalité des lois de fond, devant, comme telles, être soumises au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
-
[84]
Surtout, l’article 112-2 est d’autant plus en osmose avec la jurisprudence constitutionnelle « qu’il va plus loin dans la protection que ce qu’elle avait ou aurait préconisé » (M.-L. Rassat, op. cit., n° 176). Cependant, la difficulté pourrait résider dans l’appréciation du caractère plus doux ou plus sévère des dispositions en cause et dans la qualification idoine d’une mesure comme « mesure d’exécution de la peine » (v. par exemple, Cass. crim., 12 décembre 1995, Bull. crim., n° 376).
-
[85]
Décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005, Loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, Rec., p. 153, JORF, 13 décembre 2005, p. 19162.
-
[86]
Pour un commentaire autorisé de la décision, v. J.-E. Schoettl, « La loi sur le traitement de la récidive des infractions pénales devant le Conseil constitutionnel », GP, 18-20 décembre 2005, p. 13.
-
[87]
L’article 13 de la loi, relève le Conseil, « insère dans le code de procédure pénale des dispositions instituant un régime de surveillance judiciaire qui permet, à leur libération, de soumettre des condamnés présentant un risque élevé de récidive à diverses obligations, notamment le placement sous surveillance électronique mobile ». De son côté, la loi détermine les modalités d’application dans le temps de cet article 13 en distinguant deux cas de figure. D’une part, l’article 42 prévoit « l’application de la surveillance judiciaire aux personnes condamnées à une peine privative de liberté pour des faits commis antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi et dont le risque de récidive est constaté après celle-ci ». D’autre part, l’article 41 alinéa 1 autorise le placement sous surveillance électronique, dans le cadre de la surveillance judiciaire, « de personnes condamnées à une peine privative de liberté, assortie d’un suivi socio-judiciaire, pour des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi ».
-
[88]
N’oublions pas que le ministre de la Justice d’alors (Pascal Clément), admettant publiquement que la rétroactivité du port du bracelet électronique pour les délinquants sexuels comportait « un risque d’inconstitutionnalité », avait invité les parlementaires à courir le risque avec lui : « il leur suffira, dit-il, de ne pas saisir le Conseil constitutionnel et ceux qui le feront prendront sans doute la responsabilité politique et humaine d’empêcher la nouvelle loi de s’appliquer au stock des détenus ». Dans un rappel à l’ordre immédiat, le président du Conseil (Pierre Mazeaud) répliqua que « le respect de la Constitution n’est pas un risque mais un devoir ».
-
[89]
Décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982, précitée; décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987, Loi de finances pour 1988, Rec., p. 63; RJC, p. I-324, JORF, 31 décem - bre 1987, p. 15761.
-
[90]
Décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986, précitée, cons. n° 22-24.
-
[91]
V. les considérants n° 10,11,12 et 15 : le principe de non-rétroactivité de la loi répressive plus sévère ne s’applique qu’aux peines et aux sanctions ayant le caractère d’une punition. Dès lors, le législateur a pu, sans méconnaître ce principe, prévoir l’application du nouveau régime de la « surveillance judiciaire » à des personnes condamnées pour des faits commis antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. D’une part, en effet, la surveillance judiciaire, qui permet de soumettre, à sa libération, un condamné présentant un risque élevé de récidive à diverses obligations, notamment le placement sous surveillance électronique mobile, est limitée à la durée des réductions de peine dont bénéficie ce condamné et constitue une modalité d’exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction de jugement. D’autre part, ordonnée par la juridiction de l’application des peines, y compris lorsqu’elle comprend un placement sous surveillance électronique mobile, la surveillance judiciaire repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité et a pour seul but de prévenir la récidive. Elle ne constitue ainsi ni une peine ni une sanction.
-
[92]
M. Ancel, Les mesures de sûreté en matière criminelle, Rapport présenté au nom de la Commission spéciale d’études de la Commission internationale pénale et pénitentiaire, Melun, 1950, p. 161.
-
[93]
F. Rouvillois, « La notion de dangerosité devant le Conseil constitutionnel », D, 2005, n° 14,2006, p. 969. V. aussi le considérant n° 19.
-
[94]
J.-F. Burgelin, Santé, justice et dangerosités, pour une meilleure prévention de la récidive, Rapport au Premier ministre, Commission Santé-Justice, juillet 2005, p. 71 : « Les mesures de sûreté sont d’une nature différente de la peine. En effet, la peine est une sanction édictée par la loi et prononcée par une juridiction pénale, et dont l’objectif est de réprimer la commission d’une infraction… Imposée dans un but de défense sociale, par les magistrats, la mesure de sûreté est, quant à elle, dépourvue de tout but répressif. Elle est destinée à prévenir le risque de réitération ou de récidive grâce à la resocialisation de la personne, sa soumission à un traitement ».
-
[95]
M. Ancel, « La peine dans le droit classique et selon les doctrines de la défense sociale », RSC, 1973, p. 191.
-
[96]
F. Rouvillois, op. cit., p. 969.
-
[97]
Observons que, dans le cadre du suivi socio-judiciaire de l’article 19 de la loi du 12décembre 2005, le placement sous surveillance électronique peut être ordonné par la juridiction de jugement. Dans ce cas, il s’agira bien d’une peine. La question ne se posait pas au Conseil, lesdites mesures n’étant pas, elles, d’application immédiate. D’ailleurs, la Cour de cassation (Cass. crim., 2 septembre 2004, Bull. crim., n° 197; D, 2004, IR, p. 2623) a considéré que le suivi socio-judiciaire prévu par la loi du 17 juin 1998 avait bien le caractère d’une peine. Le Conseil considère pragmatiquement que ce qui relève de la juridiction de jugement est soumis à l’article 8 à partir du moment où le lien avec la culpabilité est prégnant.
-
[98]
Rétention de sûreté en l’espèce mais la répression et la prévention pourront prendre des visages inédits; raison pour laquelle, en ce domaine, la saisine du Conseil constitutionnel est primordiale.
-
[99]
Dans le même ordre d’idées, dès 1973, il prévient, dirons-nous, par une phrase incidente, qu’il revient au seul législateur, etnon au pouvoir réglementaire, de prévoir des peines privatives de liberté alors que dès 1958, l’article 34 de la Constitution a admis la compétence réglementaire en matière contraventionnelle quand bien même elle instituerait des peines privatives de liberté : décision n° 73-80 L du 28 novembre 1973, Nature juridique de certaines dispositions du code rural, de la loi du 5 août 1960 d’orientation agricole, de la loi du 8août 1962 relative aux groupements agricoles d’exploitation en commun et de la loi du 17décem - bre 1963 relative au bail à ferme dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, Rec., p. 45; RJC, p. II-57, JORF, 6 décembre 1973, p. 12949 : « … considérant qu’il résulte des dispositions combinées du Préambule, des alinéas 3 et 5 de l’article 34 et de l’article 66 de la Constitution, que la détermination des contraventions et des peines qui leur sont applicables est du domaine réglementaire lorsque les dites peines ne comportent pas de mesures privatives de liberté… ».
-
[100]
Pour une analyse pertinente sur ce point, v. R. Bousta, « Une avancée a minima ? (À propos de la décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental »), LPA, n° 121, 17 juin 2008, p. 7-12.
-
[101]
Que si l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes ne suffit pas à prévenir la commission des crimes visés à l’article 706-53-13 du code de procédure pénale et si, d’autre part, elle « constitue l’unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions » (article 706-53-14).
-
[102]
Article 706-53-20, alinéa 1er du code de procédure pénale.
-
[103]
J.-P. Feldman, « Un Minority Report à la française ? La décision du 21 février 2008 et la présomption d’innocence », JCP G, n° 16, avril 2008, II, 10777, p. 40, citant d’ail - leurs le Président de la République.
-
[104]
Pour une approche relativement critique : F. Rome, « Il était une loi… », D, 2008, p. 529; A. Salles, « Le droit pénal français bascule vers la défense sociale », Le Monde, samedi 23 février 2008, p. 10; J.-D. Bredin, F. Sureau, « Rétention de sûreté, de quel droit ? », Le Monde, vendredi 22 février 2008, p. 19; B. Lavielle, « Une peine infinie (libres propos sur la rétention de sûreté) », GP, 2-4 mars 2008, p. 2-9; « La rétention de sûreté : observations du Conseil National des Barreaux, de la Conférence des Bâtonniers, du Barreau de Paris et de l’USM devant le Conseil constitutionnel », Le nouveau pouvoir judiciaire, n° 380, mars 2008, p. 24-33; P. Conte, « Aux fous ? », Droit pénal, avril 2008, p. 1-2.
-
[105]
En outre, les auteurs des saisines critiquaient cette mesure au regard des principes de la présomption d’innocence et de nécessité des peines. Sur ces deux points, v. notamment, F. Chaltiel, « La réforme de la justice devant le Conseil constitutionnel : la loi, encadrée, dans l’ensemble validée, partiellement censurée (À propos de la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2008) », LPA, 20 mars 2008, n° 58, p. 3-9; R. Bousta, op. cit. et J.-P. Feldman, op. cit.
-
[106]
Et a fortiori la surveillance de sûreté.
-
[107]
Cette position, quant à la nature non répressive de la rétention de sûreté, induit le rejet du grief portant sur la présomption d’innocence. En outre, le juge constitutionnel considère qu’eu égard à l’extrême gravité des crimes visés et à l’importance de la peine prononcée par la cour d’assises, le champ d’application de la rétention de sûreté apparaît en adéquation avec sa finalité, et que le réexamen chaque année de la rétention et ses modalités constituent des garanties adaptées pour réserver la rétention de sûreté aux seules personnes particulièrement dangereuses parce qu’elles souffrent d’un trouble grave de la personnalité. Il affirme aussi que le principe de nécessité n’est pas violé car les conditions de cette mesure garantissent que « la rétention de sûreté n’a pu être évitée par des soins et une prise en charge pendant l’exécution de la peine », mais il précise, dans une réserve d’interprétation, « qu’il appartiendra, dès lors, à la juridiction régionale de la rétention de sûreté de vérifier que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, de la prise en charge et des soins adaptés au trouble de la personnalité dont elle souffre ». Le principe de la rétention de sûreté est donc validé, à l’instar des dispositions relatives à l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
-
[108]
Considérant n° 10. En ce sens, v. G. Roujou de Boubée, « Les rétentions de sûreté », D, 2008, n° 7, p. 464 : « En réalité, si la rétention est bien une mesure de sûreté, son particularisme commande, ici encore, de la soumettre au régime des peines. C’est là, on s’en rend compte, restreindre l’efficacité immédiate de la loi, mais le respect de certains principes fondamentaux est à ce prix ».
-
[109]
Si la personne n’exécute pas ses obligations dans le cadre d’une surveillance de sûreté et que cela révèle à nouveau sa « particulière dangerosité » et un risque très probable qu’elle commette à nouveau l’une des infractions de l’article 706-53-13 du code de procédure pénale, alors, jusqu’au 1er septembre 2008, elle pourra être placée dans un établissement visé à l’article L. 6141-15 du code de la santé publique, soit l’une de ces structures qui accueillent déjà des personnes incarcérées.
-
[110]
À ce titre, il est intéressant de connaître (ce qui relève d’un pénaliste, spécialiste des crédits et remises de peines – CRP – et autres réductions supplémentaires de peines – RSP ) les « pronostics » tendant à prévoir les premières applications concrètes de la rétention de sûreté pour les personnes ayant commis une infraction à partir du 29 février 2008 : M. HerzogEvans, op. cit., p. 166 : il s’agirait, à peu de choses près, de 2019.
-
[111]
Article 723-37 du code de procédure pénale (article 1er de la loi).
-
[112]
Article 763-8 du code de procédure pénale (article VII de l’article 1 de la loi).
-
[113]
Article VI de l’article 1 de la loi.
-
[114]
Article 706-53-19 du code de procédure pénale.
-
[115]
Qui prévoit l’application immédiate « à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur… » des « lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines ».
-
[116]
Ayant pour conséquence, pour le délinquant, « l’interdiction de s’absenter de son domicile et de tout autre lieu désigné par le juge en dehors des périodes fixées par celui-ci » (v. plus précisément l’article 723-30-4° du code de procédure pénale). En outre, la loi rattache cette nouvelle contrainte à trois séries de mesures : la SJPD de l’article 723-30 du code de procédure pénale, le SSJ de l’article 13-I de la loi ainsi que la surveillance de sûreté (article 13-I). Aussi, elle sera doublée d’un PSEM.
-
[117]
Il s’agit là d’un manque de lisibilité et de cohérence de la loi dans la mesure où cette disposition n’a pas été insérée au droit commun de l’article 132-45 du code pénal portant sur les obligations spéciales des mesures de sûreté.
-
[118]
Article 13-I de la loi. Il y a bel et bien rétroactivité au regard de la date de condamnation de ces criminels ainsi que de la date des faits qu’ils ont pu commettre.
-
[119]
Article 13-VI.
-
[120]
Ce qui a pour conséquence qu’elles se prononcent, en général, avec cette idée d’adapta tion.
-
[121]
V. Lamanda, Amoindrir les risques de récidive criminelle des condamnées dangereux. Rapport à M. le Président de la République, 30 mai 2008. Plus précisément, le Président de la République est allé jusqu’à demander d’examiner « la situation née de la décision du Conseil constitutionnel et [de faire. toutes propositions utiles d’adaptation de notre droit pour que les condamnés exécutant actuellement leur peine et présentant les risques les plus grands de récidive puissent se voir appliquer un dispositif tendant à l’amoindrissement de ces risques ».
-
[122]
Ce qui lui avait permis de ne pas lui appliquer le principe de non-rétroactivité dans la décision du 9 décembre 2005.
-
[123]
V. « La rétention de sûreté : observations du Conseil national des Barreaux, de la Conférence des bâtonniers, du Barreau de Paris et de l’USM devant le Conseil constitutionnel », Le nouveau pouvoir judiciaire, n° 380, mars 2008, p. 29.
-
[124]
B. Mathieu, op. cit., p. 4.
-
[125]
M. Jéol, « Les techniques de substitution », in La Cour de cassation et la Constitution de la République, PUAM, Aix-en-Provence, 1995, p. 72.
-
[126]
B. Mathieu, op. cit., p. 5. Et l’auteur de poursuivre : « En effet, on comprend mal que les exigences qui résultent de ce principe soient applicables en matière contractuelle ou fiscale, mais ne le soient pas s’agissant d’une disposition qui peut conduire à la rétention à vie d’un individu. Aurait pu également être invoquée la sûreté, implicitement évoquée à l’article 66 C, et expressément visée à l’article 2 DDHC, à la fois en ce qu’elle implique l’intervention de l’autorité judiciaire et en ce qu’elle constitue une application du principe de sécurité juridique en matière de mesures de police, lato sensu ».
-
[127]
Pour l’analyse desdits considérants : F. Chaltiel, article précité; R. Bousta, article précité. En ce qui concerne une étude axée sur le principe de la présomption d’innocence : J.-P. Feldman, article précité.
-
[128]
F. Pollaud-Dulian, « À propos de la sécurité juridique », RTD Civ., 2001, p. 489.
-
[129]
B. Mathieu, op. cit., p. 5.
-
[130]
Qui se traduisent éminemment en l’espèce par l’absence de fondement constitutionnel exprès permettant au Conseil d’appliquer, sans acrobatie juridique, le principe de non-rétroactivité même en l’absence de sanction ayant le caractère d’une punition.
-
[131]
Nous pensons ici particulièrement à la répression administrative exercée par les juridictions administratives ainsi qu’aux pouvoirs de sanctions des autorités administratives indépendantes.
-
[132]
Pour une illustration récente : Cour EDH, 24 mai 2007, Dragotoniu et Militaru Pidhorni c. Roumanie, req. n° 77193/01, § 34.
-
[133]
P. Rolland, « Article 7 », in L.-E. Pettiti, E. Decaux, P.-H. Imbert (dir.), La Convention européenne des droits de l’homme. Commentaire article par article, Economica, Paris, 1999, 2e éd., p. 294.
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[134]
M. Delmas-Marty, « Le paradoxe pénal », in Libertés et droits fondamentaux, coll. Essais, Le Seuil, Paris, 1996, p. 372.
-
[135]
D. Roets, « La rétention de sûreté à l’aune du droit européen des droits de l’homme », D, 2008, n° 47, p. 1840-1847 : l’auteur s’attache à prospecter sur la compatibilité de la rétention de sûreté avec les articles 7,3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme. Seule la question de la rétroactivité retiendra notre attention. Pour l’auteur (op. cit., p. 1842), « si la Cour devait retenir la qualification de peine, elle devrait logiquement considérer que l’application rétroactive de ces dispositions viole l’article 7 § 1… ». Précisons qu’en cela la position générale du Conseil s’inscrit dans cette analyse. Cependant, il faut rappeler que le Conseil n’a pas proscrit l’application rétroactive d’une partie des dispositions (article 13 III de la loi notamment : rétention de sûreté consécutive au non-respect des obligations imposées au titre d’une surveillance de sûreté succédant à une surveillance judiciaire ou à un suivi socio-judiciaire).
-
[136]
La Cour a très rapidement signifié que l’article 7 de la Convention ne valait que pour les infractions pénales et ne visait que la loi pénale. L’applicabilité de l’article 7 est donc écartée dès lors que n’est pas en cause une condamnation pénale. La détermination de ce qui est ou non « pénal » est alors définie par référence à la notion de « peine » de l’article 7 qui revêt, au même titre que la « matière pénale » un sens autonome. Afin de rendre effective la garantie offerte, la Cour prend toute liberté « pour aller au-delà des apparences » et apprécier elle-même si une mesure particulière s’analyse au fond en une « peine au sens de cette clause ». Elle retient comme critères de la « peine » des critères qui, outre le lien avec une condamnation pour « une infraction » sont, pour l’essentiel, transposés de la matière pénale. L’article 7, dans son paragraphe 1er utilise les mots « infraction » et « peine ». Nous ne sommes évidemment pas loin de la « matière pénale » visée par l’article 6. On ne peut donc s’étonner que, pour savoir si l’on est en présence d’une « peine » au sens de l’article 7, les organes de Strasbourg suivent une démarche inspirée de celle qui délimite la « matière pénale » au sens de l’article 6.
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[137]
Sur ce point, v. D. Roets, op. cit., p. 1842-1843 : tout au long d’une concise mais précise et convaincante démonstration, l’auteur s’attache à anticiper par analogie la vision autonome et pragmatique de la Cour quant à la matière pénale. La rétention de sûreté n’en revêtirait pas tous les oripeaux, c’est-à-dire : mesure imposée à la suite d’une condamnation, nature, but, qualification en doit interne, gravité et nature de la procédure suivie. Si la qualification juridique interne (en l’occurrence la qualification retenue par le législateur – par nature partisane –) n’est pas un argument péremptoire, la nature de la procédure suivie (« procédures associée à son adoption et à son exécution »), ainsi que son but (prévenir la récidive d’individus dangereux) ne plaident pas en faveur d’une qualification pénale. En revanche, il ne fait pas de doute que sa possibilité devant être prévue par la cour d’assises, sa nature (peine privative de liberté) et sa gravité (elle peut être renouvelée indéfiniment) vont dans le sens de la solution inverse. Nous n’entreprendrons une analyse similaire, que nous approuvons du reste, mais insisterons davantage sur la prévisibilité ou non de la rétention de sûreté, gage d’une non-violation de l’article 7.
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[138]
Cour EDH, 10 novembre 2004, Achour c. France, req. n° 67335/01, RSC, 2005, p. 630, obs. de F. Massias; D. Roets, « De la résolution des conflits de lois pénales relatives à la récidive : la CEDH piégée par le temps ? », D, 2005, jurisprudence, p. 1203, JCP, 2005, I, 103, obs. de F. Sudre; D. Zerouki-Cottin, « La CEDH et la récidive : prévisibilité n’est pas sécurité », D, 2006, jurisprudence, p. 53.
-
[139]
Y. Mayaud, op. cit., p. 1362.
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[140]
Mettant l’accent sur le premier terme de la récidive, c’est-à-dire l’infraction originelle, il prétend que la « récidive est une manière d’imposer une conduite irréprochable à ceux qui ont commis une infraction d’une certaine gravité, par le biais d’une sorte de mise à l’épreuve que constitue le risque de voir la peine encourue aggravée en cas de réitération » (§ 29). Par ce mécanisme, « le condamné peut revendiquer un droit à l’oubli lorsque le délai prévu… est expiré » (§ 30). Or, en appliquant le nouveau délai de récidive, plus long, lors du jugement de la seconde infraction, les juridictions françaises ont dans le même temps fait revivre un état de récidive légale qui, du point de vue de l’infraction initiale, était en quelque sorte prescrit depuis plusieurs années. Finalement, les juges revenaient sur un droit à l’oubli acquis depuis longtemps. En outre, l’intéressé estime qu’il s’agit « d’une remise en cause de l’extinction pure et simple du premier terme de la récidive par l’application rétroactive du nouveau code pénal » (§ 30). Néanmoins, si l’on se focalise sur son second terme, soit la deuxième infraction commise, la récidive s’analyse plutôt comme une circonstance aggravante de la peine applicable à la seconde infraction. Selon le gouvernement français, le délai légal plus long s’applique donc au second terme et n’est pas rétroactif : le requérant a « agi en pleine connaissance de cause » (§ 22) lorsqu’il a commis cette seconde infraction en 1995 : le nouveau code pénal étant entré en vigueur en 1994, il « savait ce qu’il risquait » (§ 22).
-
[141]
Opinion dissidente du juge Costa, point 14. Bien plus, le juge rappelle que « la Convention n’empêche évidemment pas les États, dans le cadre de leur politique criminelle, de renforcer la répression de certains crimes ou délits, en fonction de la transformation de la criminalité et de la nécessité d’une réaction sociale » (point 15). En outre, à l’instar de F. Sudre (in JCP, 2005, I, chron., 103, n° 6), est soutenable l’idée selon laquelle l’application de la loi pénale dans cette affaire « répondait bien à l’exigence de légalité fixée par la jurisprudence européenne puisqu’elle reposait sur une interprétation raisonnablement prévisible, issue d’une jurisprudence constante de la Chambre criminelle depuis un siècle ». Pour autant, comme le souligne un auteur averti, « si la Cour européenne a jugé que la solution de la Cour de cassation était contraire à la prévisibilité, ce n’est pas parce qu’elle est imprévisible… En effet, pour être prévisible, la solution de la Cour n’en violait pas moins l’exigence de sécurité juridique » en ce qu’elle faisait revivre un état de récidive éteint depuis presque trois ans (D. Zerouki-Cottin, op. cit., p. 56).
-
[142]
Cour EDH, Grande Chambre, 29 mars 2006, Achour c. France, req. n° 67335/01; O.Bachelet, « Face à l’alternative “rétroactivité ou immédiateté”, la Cour européenne ne récidive pas. Note sous l’arrêt de Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme Achour c. France du 29 mars 2006 », RTDH, n° 69,2007, p. 237-245; D.Zerouki-Cottin, « La Cour européenne des droits de l’homme et la récidive : suite et fin », D, n° 36,2006, p. 2513-2516.
-
[143]
Cour EDH, 25 mai 1993, Kokkinakis c. Grèce, req. n° 14307/88, § 52.
-
[144]
Cour EDH, 8 juillet 1999, Baskaya et Okçuoglu c. Turquie, req. n° 23536/94 et 24408/94, § 36.
-
[145]
D. Roets, op. cit., p. 1842.
-
[146]
Y. Mayaud, op. cit., p. 1362 : « Ainsi, la rétroactivité n’est pas appliquée à l’expulsion d’un étranger (Cass. crim., 1er février 1995, D, 1995, IR, 106), ou aux incapacités attachées à certaines condamnations (Cass. crim., 26 novembre 1997, Bull. crim., n° 404) ».
-
[147]
Comm. EDH, 13 octobre 1986, N. c. Royaume-Uni, req. n° 11077/84, DR 49, p. 170.
-
[148]
Cour EDH, 24 juin 1982, Van Droogenbroeck c. Belgique, série A n° 50, § 47.
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[149]
Pour une étude exhaustive, v. J. Murdoch, Le traitement des détenus, Éditions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2007,423 p.
-
[150]
Cour EDH, 28 mai 2002, Stafford c. Royaume-Uni, req. n° 46295/99, Rec., 2002-IV, § 62-83.
-
[151]
Cour EDH, 11 mai 2004, Morsink c. Pays-Bas, req. n° 48865/99.
-
[152]
Rapport n° 174 présenté par J.-R. Lecerf au nom de la Commission des lois du Sénat, 23 janvier 2007, p. 8.
-
[153]
Articles 723-31 et 763-10 du Code de procédure pénal.
-
[154]
C. Debuyst, IIe Cours international de criminologie de Paris, 1953, cité par le Rapport d’information n° 1718 de l’Assemblée nationale sur le traitement de la récidive des infractions pénales, 17 juillet 2004, p. 45. En théorie du moins, la dangerosité est caractérisée par le risque élevée pour le délinquant de récidiver après avoir purgé sa peine. De son côté, la dangerosité psychiatrique est constituée par le risque élevé de commettre une infraction induite par un trouble mental.
-
[155]
V. le site Internet de la Commission.
-
[156]
J. Pradel, op. cit., p. 1012.
-
[157]
Il faut aussi remarquer que le juge constitutionnel substitue au terme de « promulgation » celui plus restrictif de « publication », ce qui repousse d’autant plus l’application de la mesure controversée.
-
[158]
P. Jan, op. cit., p. 715.
-
[159]
Y. Mayaud, op. cit., p. 1364 et 1365 : « Parce que la rétention va au-delà des restrictions, déjà de droit positif, que connaissent les mesures de sûreté existantes, pour s’en prendre à la liberté elle-même, parce que celle-ci s’inscrit dans la durée, et d’une durée renouvelable, sans que la loi n’en fixe la moindre limite, alors qu’elle fait suite à une condamnation par une juridiction, dont l’autorité se trouve remise en cause, le dispositif est privé de sa portée la plus opérationnelle, liée à la rétroactivité qui était manifestement recherchée. Il faut en déduire que le Conseil constitutionnel, tout en ne niant pas l’appartenance aux mesures de sûreté du dispositif qu’il censure, le soumet à un régime spécifique, du moins quant à son application dans le temps. Une différence est faite sur le critère, non pas de prévention dans son principe, mais des modalités qu’elle peut connaître. La loi du 25 février 2008 va jusqu’à admettre que la liberté puisse être totalement entravée après une peine, et ce de manière illimitée, autrement dit sans exclure une perpétuité effective. Le moins qu’on puisse dire est que la mesure procède d’une option radicale, puisque la peine elle-même, en réponse à la culpabilité, et donc à des faits établis pour leur certitude, ne va pas jusqu’à franchir ce seuil limite dans sa phase concrète d’application… Ce que la culpabilité ne consacre pas, la dangerosité l’admet, bien que les réalités qu’elle tente de saisir soient d’une approche autrement plus difficile et incertaine, malgré toutes les précautions de la loi, en expertises multiples ou procédures contradictoires. Des réalités que le Conseil constitutionnel a entendu intégrer en renonçant à la rétroactivité. Il en résulte concrètement que se dessinent deux catégories de mesures de sûreté : celle qui sont restrictives de liberté, avec les contraintes que l’on connaît, associées à une surveillance judiciaire (la surveillance de sûreté en fait partie, et c’est pourquoi la censure du Conseil constitutionnel ne la concerne pas, ce qui en fait une mesure ouverte à la rétroactivité. Mieux encore si l’intéressé méconnaît les obligations qui lui sont imposées dans le cadre de la surveillance de sûreté, il peut éventuellement être placé en rétention de sûreté, dans les conditions de dangerosité prévues par la loi, avec pour conséquence de ne plus être protégé par la non-rétroactivité…), ou encore à l’inscription du nom du condamné dans des fichiers ad hoc, et celles qui vont audelà de ces restrictions, pour s’en prendre à la liberté elle-même, et la soumettre à une privation de principe. Alors que les premières restent apparemment compatibles avec la rétroactivité, du moins à s’en tenir aux décisions en ce sens du Conseil constitutionnel les concernant, les secondes au contraire, représentées aujourd’hui par la rétention de sûreté, ne sauraient s’accommoder d’une telle solution. Plus la mesure progresse vers la privation de liberté, plus elle relève donc d’un régime d’exception, qui revient à ne plus en restituer la… véritable nature… ».
-
[160]
R. Merle, A. Vitu, op. cit., p. 343.
-
[161]
Cour EDH, 9 décembre 1994, Raffineries grecques Stran et Stradis Andreadis c. Grèce, Série A, n° 301-B. Cela révèle une confiance a posteriori dans le juge plutôt qu’une confiance a priori dans le Parlement.
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[162]
A. Godon, Le principe de sécurité juridique en droit pénal, Mémoire Droit, Paris II, 2001, p. 3.
-
[163]
Idem.
-
[164]
P. Gougeon, « Nul n’est censé ignorer la loi. La publication au Journal Officiel : genèse d’un mode d’universalisation de la puissance publique », Politix, 1995, n° 32, p. 66.
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[165]
Et ce, d’autant plus que l’examen « post-peine » porte sur la personnalité actuelle du délinquant et non sur son et ses infractions passées.
-
[166]
H. Donnedieu De Vabres, ouvrage précité.
-
[167]
B. Mathieu, op. cit., p. 6.
-
[168]
P. Conte, op. cit., p. 2. L’auteur ajoute : « … à celui qui n’a commis aucune infraction, comment songer que l’on puisse infliger une punition ?… c’est précisément parce que la rétention de sûreté est détachée de toute faute que la privation de liberté qu’elle suppose présente tous les caractères d’une punition ». La cour d’assises ne prononce pas véritablement cette mesure, mais se borne à la rendre possible, le cas échéant. Il n’empêche que si l’intéressé n’avait pas commis de crime, il n’en ferait pas l’objet.
-
[169]
H. Herzog-Evans, op. cit., p. 164 : « si l’on en arrive à prolonger indéfiniment des peines qui ont été purgées, c’est que l’on pas su, en amont, réfléchir à une meilleur adéquation de la peine et de son exécution ».
-
[170]
J. Pradel, op. cit., p. 1013.
-
[171]
Y. Mayaud, op. cit., p. 1360 : « La mesure de sûreté apparaît de plus en plus comme une mesure post delictum, c’est-à-dire réactive à une infraction, sans être réservée à la seule récidive, le risque de renouvellement du crime ou du délit étant à considérer en soi, indépendamment d’une condamnation pénale préexistante. L’étendue de son domaine dépasse donc le strict champ de la récidive même si celle-ci est la figure la plus évidente permettant d’en restituer les données ».
-
[172]
F. Rome, op. cit.
1— Décision n° 2007-558 DC du 13 décembre 2007, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, JO du 21 décembre 2007, p. 20648 [1].
UNE PEAU DE CHAGRIN : LE DROIT À L’ASSURANCE MALADIE DEVANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
2Comme à l’habitude, le Conseil constitutionnel a été saisi en 2007 de la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année suivante. La décision du 13décembre procède à la censure d’office d’une quinzaine de dispositions comme étant des cavaliers sociaux. La vigilance de la Haute juridiction sur ce sujet se confirme donc, ce qui rejoint la préoccupation plus générale de la jurisprudence de canaliser l’exercice du droit d’amendement.
3Quant au fond, seul l’article 52 de la loi, instituant des franchises médicales, était contesté. Rappelons que l’objectif affiché du dispositif consiste à la fois à lutter contre le déficit chronique de l’assurance maladie et à dégager des ressources pour faire face à de nouvelles dépenses de santé publique, comme celles nécessitées par la maladie d’Alzheimer ou les soins palliatifs. Il est plus précisément prévu de laisser à la charge des assurés sociaux une franchise forfaitaire pour les frais relatifs aux médicaments, aux actes effectués par un auxiliaire médical, à l’exclusion de ceux pratiqués au cours d’une hospitalisation, et aux transports, à l’exception des transports d’urgence. Cette participation est due dans la limite d’un plafond annuel et, pour les actes paramédicaux et les transports, d’un plafond journalier. En sont exonérés les assurés pour leurs ayantsdroit mineurs, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle et les femmes enceintes bénéficiaires de l’assurance maternité. La fixation du montant et des plafonds de la franchise est renvoyée à un décret.
4L’article 52 passe l’épreuve du contrôle de constitutionnalité moyennant une simple réserve d’interprétation. On constate ainsi, alors que le vote annuel de lois de financement de la sécurité sociale représentait un tremplin idéal pour le développement de la jurisprudence relative aux droits sociaux, que ces derniers ne font l’objet de la part du Conseil constitutionnel que d’une attention distraite. La décision du 13 décembre 2007 confirme, s’agissant du droit à l’assurance maladie – mais le constat pourrait être appliqué à l’ensemble des droits à prestations matérielles –, qu’à une reconnaissance en pointillé de ce droit fait écho une protection de bien faible portée.
I – UNE RECONNAISSANCE DU DROIT EN POINTILLÉ
5Selon l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous […] la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». L’objet premier de cette disposition est à l’évidence la reconnaissance d’une protection contre ce qui a été désigné à partir du XXe siècle comme des « risques sociaux » : maladie, chômage, vieillesse… A cet égard, il est remarquable que le Conseil constitutionnel n’ait jamais explicitement consacré sur son fondement un droit à la protection sociale, ni par conséquent ses diverses composantes : droit à l’aide sociale, aux prestations des diverses branches de la sécurité sociale… De droit à l’assurance maladie, lequel s’inscrit à la fois dans le cadre de la « protection de la santé » et de la « sécurité matérielle » selon les termes du Préambule, il n’est donc question dans sa jurisprudence qu’à mots couverts. En présence de saisines alléguant une violation de l’alinéa 11 par des dispositions législatives aménageant les modalités d’accès aux prestations en cause, le Conseil constitutionnel accepte d’exercer son contrôle, admettant de façon incidente le caractère opérant du moyen [2]. Dans une décision de 2001, il reconnaît qu’un texte substituant à un régime d’assurances privées une nouvelle branche de la sécurité sociale et ayant pour objet « d’améliorer la protection sociale des agriculteurs non salariés, notamment par la création d’indemnités journalières et d’une rente décès, ainsi que par une meilleure indemnisation de l’incapacité permanente » entend « satisfaire aux prescriptions » [3] du Préambule de 1946. Il n’est cependant pas affirmé que le Préambule obligeait à une telle création ce qui revenait il est vrai, en l’espèce, à prendre parti sur le point de savoir si la Constitution implique l’existence ou non d’une sécurité sociale publique. Dans cette même affaire, on relève aussi que l’alinéa 11 est cité conjointement avec l’alinéa 10 (« La nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaire à leur développement »), ce qui n’est pas toujours le cas lorsque la Haute juridiction examine des textes relatifs à la sécurité sociale. Cette hésitation quant aux normes de référence applicables n’est pas sans aller de pair avec une réticence à en déduire des implications précises.
6A ce jour, la seule forme de « systématisation » ressortant de la jurisprudence consiste dans la formule suivante : « il incombe au législateur comme à l’autorité réglementaire, selon leurs compétences respectives, de déterminer, dans le respect des principes posés par le onzième alinéa du Préambule de 1946, leurs modalités concrètes d’application » [4]. Il est souvent ajouté – le considérant n’étant pas spécifique à la matière – qu’en particulier « il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article34 de la Constitution, d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité ; que, cependant, l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » [5]. Jusqu’à présent, tous les textes aménageant des modalités nouvelles d’accès aux prestations d’assurance maladie, y compris dans un sens restrictif, ont passé avec succès ce test de constitutionnalité, le Conseil concluant à l’absence d’atteinte à une exigence de valeur constitutionnelle.
7Les enseignements pouvant être tirés de cette jurisprudence sont d’ordre limité. Selon la Haute juridiction, le droit à l’assurance maladie représente, comme l’ensemble des droits à prestations sociales, une modalité possible de concrétisation de l’alinéa 11 du Préambule de 1946. Celui-ci ne fonde alors pas un droit subjectif au sens classique, directement invocable sur le fondement du texte constitutionnel, mais une prérogative individuelle qui doit être mise en œuvre non seulement par le pouvoir législatif, mais aussi par le pouvoir réglementaire qui dispose en matière de protection sociale d’une large compétence. Il n’est donc pas affirmé que le droit à l’assurance maladie possède en lui-même valeur constitutionnelle mais, de façon plus obscure, qu’il répond à une « exigence constitutionnelle » [6]. Le législateur doit à la fois mettre en œuvre cette exigence et, valeur constitutionnelle oblige, la respecter, en ne la privant pas de garanties légales. Autrement dit et pour revenir à l’exemple nous intéressant, sous prétexte d’aménager les modalités d’accès aux prestations d’assurance maladie, le Parlement ne saurait en restreindre l’accès de telle sorte que les exigences constitutionnelles deviennent en réalité ineffectives. Ces principes bien imprécis conduisent sans surprise à un contrôle dont la portée est pour le moins limitée, pour ne pas dire illusoire.
II – UNE PROTECTION DU DROIT DE FAIBLE PORTÉE
8Dans la décision du 13 décembre 2007 comme dans beaucoup d’autres espèces concernant le sujet, la disposition instituant les franchises médicales n’était pas critiquée au regard du seul alinéa 11 du Préambule de 1946, mais aussi du principe d’égalité. Un double contrôle est donc exercé par le Conseil constitutionnel : celui du respect du principe d’égalité d’une part, celui de l’absence de violation directe des « exigences constitutionnelles » résultant du Préambule d’autre part. Ce qui pourrait passer pour un filet de protection particulièrement dense s’avère n’avoir que des mailles bien larges, laissant une nouvelle fois passer sans encombre une restriction des droits des assurés sociaux.
A – Le contrôle du respect du principe d’égalité
9Comme souvent, les griefs d’atteinte à l’alinéa 11 et au principe d’égalité étaient étroitement mêlés dans les saisines. Sous la rubrique « droit à la protection de la santé », il était relevé que « les trois contributions obligatoires concernent les assurés sociaux indépendamment de leur niveau de ressources ». Sous la rubrique « principe d’égalité », l’argumentation consistait surtout à faire valoir que les personnes les plus malades seraient les plus pénalisées, ce qui ne constituerait pas un critère « objectif et rationnel au regard de la nécessité de prendre en charge de nouvelles dépenses de santé publique, ni au regard de la volonté de responsabiliser les assurés sociaux » [7]. Autrement dit, les requérants s’efforçaient de faire valoir le caractère inéquitable du nouveau dispositif, lequel pèserait proportionnellement plus lourd sur les personnes ayant le plus besoin de la solidarité nationale, que ce soit en raison de leur niveau de ressources et/ou en raison de leur état de santé. Le Conseil constitutionnel se cantonne à une interprétation habituelle du principe d’égalité selon laquelle, si ce principe « impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n’en résulte pas pour autant qu’il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes » [8]. On sait que le Conseil d’État avait adopté cette position dès 1997 [9], le juge de la loi lui ayant emboîté le pas dans une décision de 2003 [10]. Il était donc loisible au législateur d’instituer les franchises à la charge de tous les assurés sociaux, indépendamment de leurs revenus ou de leur état de santé. On voit que la Haute juridiction exerce sur ce premier point un contrôle « classique » du respect du principe d’égalité devant la loi, le grief d’atteinte à ce premier principe étant soigneusement distingué de celui d’atteinte au droit à la protection de la santé. Le fait que les principes issus de l’alinéa 11 du Préambule de 1946 soient en cause n’induit donc pas une conception plus restrictive de l’interdiction des discriminations. Il est d’ailleurs ajouté de façon assez elliptique que le législateur a entendu « satisfaire à l’exigence de valeur constitutionnelle qui s’attache à l’équilibre financier de la sécurité sociale », qu’il pouvait à cet égard « laisser à la charge des assurés sociaux une franchise pour certains frais relatifs aux prestations et produits de santé pris en charge par l’assurance maladie »; enfin « qu’en conférant à cette franchise un caractère forfaitaire, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égalité ». La solution ne surprend pas, ayant déjà été admise en 2004 lors de l’institution par la loi relative à l’assurance maladie de diverses participations forfaitaires du même type [11].
10L’apparente technicité du débat ne doit pas cacher que le Conseil constitutionnel prend ainsi parti – ou refuse de prendre parti – sur des questions essentielles à l’avenir du système de protection sociale, comme l’atteste la référence par les saisines et à plusieurs reprises à son « caractère solidaire ». En effet, dès lors que le législateur décide d’agir sur les droits à prestations pour remédier au déficit de l’assurance maladie, deux solutions se présentent à lui. La première consiste à moduler ces droits à prestations en fonction des revenus. Si elle se généralisait, une telle option, pouvant se réclamer de l’équité, ne serait pas sans présenter des risques sérieux. Elle minerait le principe fondateur du système actuel selon lequel la protection contre les risques est assurée de façon identique pour tous, seules les cotisations dépendant des revenus. Elle pourrait en saper la légitimité aux yeux des plus gros contributeurs, qui en retireraient de moins en moins de bénéfices. Sans doute est-ce la raison pour laquelle l’argumentation des saisines n’est pas entièrement axée sur la question de l’accès aux soins des plus démunis. On relève par ailleurs que le Conseil constitutionnel ne mentionne pas dans sa motivation les exonérations des nouvelles franchises établies au profit de certaines personnes (pour les ayants droit mineurs, les bénéficiaires de la CMU et les femmes enceintes bénéficiaires de l’assurance maternité). Ces exonérations sont seulement mentionnées dans le considérant précédent, qui se borne à rappeler le contenu de l’article critiqué. Cela étant, il est difficile d’en déduire une prise de position de la part du juge de la rue Montpensier. Dans une décision du début de l’année, il avait au contraire, pour rejeter le moyen tiré de la violation du onzième alinéa du Préambule de 1946, expressément souligné que la création d’un nouveau secteur tarifaire permettant aux médecins de pratiquer des dépassements d’honoraires ne remettait pas en cause « la prise en charge des dépenses de santé des personnes bénéficiant, en raison de leurs faibles ressources, d’une protection particulière » [12]. Pour remédier au déficit de l’assurance maladie, le législateur peut par ailleurs choisir de restreindre uniformément les droits à prestations, comme en l’espèce avec l’institution de franchises forfaitaires. Le risque est alors de diminuer progressivement la prise en charge des soins par le système de protection sociale, à un point tel que l’accès à ces soins en soit hypothéqué, pour une partie au moins de la population. Tel ne manquait pas d’être le reproche adressé au dispositif par les saisines. Isolément ou, plus manifestement encore en cumulant leurs effets avec certaines restrictions antérieures du droit à remboursement, les nouvelles franchises ne met-taient-elles pas directement en cause le droit à la protection de la santé ? Ce second moyen ne devait pas plus rencontrer de succès devant le Conseil constitutionnel, lequel en profite cependant pour consacrer un véritable droit à réparation des victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.
B – Le contrôle de l’absence d’atteinte directe au principe de protection de la santé et au droit à réparation des personnes victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles
11Les nouvelles franchises s’ajoutent à diverses contributions qui augmentent la part du coût des soins restant à la charge de l’assuré, part ne pouvant pas toujours être prise en charge par les mutuelles et assurances complémentaires : ticket modérateur, et depuis 2004, participation forfaitaire d’un euro sur certains actes, participation due en l’absence de désignation de médecin traitant ou en cas de consultation d’un spécialiste sans prescription du médecin traitant notamment. Les saisines dénonçaient ce cumul de contributions à la charge de l’assuré, pouvant « par additions répétées selon l’état de santé des patients, représenter une somme qui dans certains cas s’avérera financièrement insupportable ». Le risque est donc celui d’une difficulté d’accès aux soins pour certaines personnes, si bien qu’il n’est pas sans artifice de distinguer ce grief de celui d’atteinte au principe d’égalité. Toutefois, après avoir rejeté ce dernier, le Conseil constitutionnel entreprend de répondre au moyen tiré de l’atteinte directe à l’alinéa 11 du Préambule de 1946. La motivation sur ce terrain est encore plus brève que celle développée sur celui de l’égalité, mais n’en conduit pas moins à souligner la situation spécifique des victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.
12Après avoir cité l’alinéa 11, la Haute juridiction précise « que le montant de la franchise et le niveau des plafonds devront être fixés de façon telle que ne soient pas remises en cause les exigences » [13] de ce texte. Elle s’en tient donc à sa ligne de conduite habituelle, qui consiste à admettre dans son principe une limitation des droits à prestations des assurés, tout en émettant une réserve d’interprétation quant à l’ampleur que pourra revêtir en pratique cette limitation. L’émission à peu près systématique de réserves d’interprétation, que soient en cause les prestations d’assurance maladie ou d’autres prestations d’aide ou de sécurité sociale, trouve une explication dans l’importance du pouvoir réglementaire en cette matière. Sans invoquer explicitement l’incompétence négative, les saisines critiquaient d’ailleurs le fait que rien ne s’opposera à l’avenir à une augmentation du montant des franchises « sans intervention ni contrôle du législateur ». Ce point ne retient toutefois pas l’attention du Conseil constitutionnel dont la jurisprudence constante confie au pouvoir réglementaire la détermination des paramètres quantitatifs du droit de la sécurité sociale [14]. Si l’on s’essaie à une synthèse, la réserve d’interprétation montre qu’une restriction trop importante du droit à l’assurance maladie pourrait porter atteinte à l’alinéa 11 du Préambule de 1946. L’on ne s’explique donc pas que le juge de la loi évite les termes de droit à la sécurité sociale ou droit à la protection sociale de valeur constitutionnelle, pour leur préférer ceux, plus vagues, d’exigence constitutionnelle. Cependant, l’espèce montre aussi la protection bien faible dont bénéficie, à l’heure actuelle et en dépit même de son rattachement constitutionnel, ce droit, dont l’ampleur concrète peut dépendre d’une décision réglementaire, qui n’émanera même pas à terme du Gouvernement mais d’une autorité administrative autonome [15].
13En définitive, après avoir émis la réserve d’interprétation précitée, le Conseil constitutionnel ajoute que « dans ces conditions, le législateur n’a pas porté atteinte au droit à réparation des personnes victimes d’accidents du travail ou atteintes de maladies professionnelles » [16]. Il s’agit vraisemblablement de la partie la plus novatrice de la décision. Les saisines avaient en effet critiqué, sous le grief d’atteinte au principe d’égalité, l’assujettissement aux nouvelles franchises des personnes victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, ainsi mises à contribution « pour des soins nécessités par la réalisation de risques professionnels imputable à un tiers ». Bien que ne jugeant pas qu’un traitement spécifique aurait dû en l’occurrence leur être réservé, le Conseil constitutionnel reconnaît incidemment le fondement spécifique de la prise en charge de leurs soins. Il se réfère en effet à un véritable droit à réparation, et non à l’exigence constitutionnelle de protection de la santé. C’est reconnaître que le remboursement de leurs frais médicaux découle, non de l’alinéa 11 du Préambule de 1946, mais du principe de responsabilité que la jurisprudence récente rattache à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 [17]. Sans incidence en l’espèce, cette situation particulière faite aux personnes victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles pourrait être gage à l’avenir d’une bien meilleure protection de leurs droits, tant les garanties offertes en l’état à ceux résultant de l’alinéa 11 du Préambule de 1946 paraissent à l’inverse aléatoires.
14— Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008, Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, JO du 26 février 2008, p. 3272 [18].
MESURES DE SÛRETÉ, CONFLITS DE LOIS DANS LE TEMPS ET DROIT CONSTITUTIONNEL PÉNAL. À PROPOS, NOTAMMENT, DE LA DÉCISION N° 2008-562 DC DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
15La bataille contre la récidive en général, et contre les délinquants les plus dangereux en particulier, devient le tropisme de la politique pénale française. Après la loi du 12 décembre 2005 portant sur le traitement de la récidive des infractions pénales [19] et après celle du 10 août 2007 visant à lutter contre la récidive [20], le Parlement en a voté une nouvelle [21] dont la disposition pivot est l’instauration d’une rétention de sûreté. Incontestablement, la consécration législative [22] de cet avatar du positivisme juridique [23] atteste un renforcement de la réponse pénale à l’égard des récidivistes.
16Concrètement, une mesure de sûreté correspond à une mesure individuelle non rétributive prise par la justice contre des individus jugés dangereux. Nonobstant leurs modalités et leurs régimes, la doctrine a toujours opposé ces mesures aux peines, par nature dotées d’une forte charge afflictive et infamante. Elles sont donc « des mesures individuelles coercitives sans coloration morale, imposées à des individus dangereux pour l’ordre social afin de prévenir les infractions que leur état rend probables » [24].
17La doctrine pénale positiviste a été élaborée en Italie à la fin du XIXe siècle sur le fondement des idées d’Auguste Comte : il s’agissait de se porter en faux par rapport à l’approche pénale classique héritée de Cesare Beccaria. Ces plus fervents thuriféraires étaient le docteur Lombroso, le professeur Ferri et le juge Garofalo. Posant le postulat du déterminisme (ce qui revenait à écarter le librearbitre), cette philosophie préconisait une réponse pénale fondée sur la dangerosité d’un individu et non plus comme la conséquence d’une infraction. La mesure de sûreté se substituait donc à la peine.
18En France, à l’instar de nombreux pays [25], il est apparu nécessaire de mettre en œuvre des mesures dont l’objectif principal est de protéger la société contre tous ceux qui, en raison de leur état psychologique ou pathologique, sont considérés comme dangereux. En présence de faits particulièrement choquants – à la condition cependant de ne pas tomber dans une sorte de « légalitéexorcisme » [26] –, le législateur peut envisager des mesures de sûreté. Néanmoins, l’utilisation, qui en a été faite par certains régimes [27], semble de prime abord incompatible avec le libre-arbitre, pierre angulaire de la dignité humaine dans un État de droit.
19Historiquement, le droit positif français a toujours fait preuve de réticence en matière d’adoption de mesures ante delictum, c’est-à-dire, en l’absence de toute infraction légalement constatée. La récidive, dans le domaine des délits et crimes sexuels, a cependant incité le législateur à mettre en place un arsenal de dispositions, dont les plus connues sont le suivi socio-judiciaire, l’injonction de soins, la surveillance électronique mobile et la surveillance judiciaire des personnes les plus dangereuses [28].
20C’est un tournant décisif qui a été pris avec la loi du 25 février 2008 : principalement, deux mesures sont créées, soit la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté. L’immense polémique suscitée par leur adoption procède de ce qu’elles peuvent aboutir à l’enfermement, potentiellement perpétuel, d’une personne ayant purgé sa peine. Certes, une lecture sommaire des nouveaux dispositifs pourrait faire pâlir les plus fondamentalistes laudateurs des droits fondamentaux. Néanmoins, une lecture rigoureuse de la loi et de ses commentaires, le recours à la ratio legis, l’avis donné par le Conseil d’État sur les garanties à respecter, l’analyse du droit comparé ainsi que la décision du Conseil constitutionnel permettent de relativiser, de rationaliser et de dissiper les nombreuses craintes.
21De nombreuses législations étrangères ont instauré des dispositifs similaires destinés à lutter contre les actes des délinquants les plus dangereux. D’abord, nous retrouvons le système dit de la « peine indéterminée » au Canada et en Angleterre. Plus précisément, au Pays de Galles, il existe des condamnations dites de « protection de la société » concernant les auteurs de délits et crimes sexuels, dès lors que la juridiction estime qu’ils sont susceptibles de récidiver car considérés comme dangereux. Il en va de même au Canada où un délinquant jugé dangereux peut être retenu pour une période indéterminée. C’est en Allemagne qu’a été adopté un système proche du nouveau dispositif français [29]. La détention, à titre de mesure de sûreté, a été généralisée dans le code pénal allemand (§ 66 et suivants du Strafgesetzbuch) par la loi du 26 janvier 1998 [30]. Suite à des modifications législatives, la Cour constitutionnelle fédérale a été amenée à se prononcer non seulement sur la constitutionnalité des mesures de sûreté, potentiellement perpétuelles, mais aussi sur leur application rétroactive. Dans sa décision [31], la Cour décide qu’une détention à titre de mesure de sûreté sans limitation temporelle ne viole pas la dignité humaine (article 1, alinéa 1 de la Loi fondamentale), à la condition d’aménager la possibilité pour le détenu de regagner sa liberté par des mesures de réinsertion. Pour la Cour, la société est fondée à se défendre contre des criminels dangereux en recourant à des mesures de détention à durée indéterminée car les différentes évaluations du condamné ne peuvent reposer que sur des constatations ultérieures; il suffit que la loi prévoit des révisions judiciaires périodiques de la nécessité de la rétention.
22Ensuite, la Cour constate qu’il n’y a pas de violation injustifiée du droit fondamental à la liberté contenu dans l’article 2, alinéa 2,2° de la Loi fondamentale en ce sens que, conformément à sa jurisprudence antérieure, l’emprisonnement à perpétuité ne viole pas la garantie de la substance du droit à la liberté s’il est nécessaire à la protection des intérêts primordiaux des tiers. Il s’agit d’une restriction légitime car la détention de sûreté a pour objectif de protéger la société contre la commission de crimes graves. Après un long examen, elle conclut à la non violation du principe de proportionnalité.
23Enfin, la Cour a jugé que le fait que la durée illimitée de la détention s’applique aussi aux criminels condamnés avant l’entrée en vigueur de la loi ne violait pas le principe de non-rétroactivité des peines prévu par l’article 103, alinéa 2 de la loi fondamentale. En effet, elle décide que l’interdiction absolue de cet article ne s’applique pas aux mesures de sûreté ; elle est limitée aux sanctions punitives infligées afin de sanctionner la culpabilité d’un criminel (Schuldausgleich). Étant donné que les mesures préventives à titre de mesure de sûreté ne visent pas la culpabilité, mais le danger que représente l’interné, elles ne tombent pas sous l’interdiction de la rétroactivité. La Cour justifie ce résultat par les différents objectifs de la peine d’emprisonnement et de détention. Elle constate que le principe de non-rétroactivité est fondé sur le principe nullum crimen sine lege, qui trouve à son tour sa source dans la garantie constitutionnelle de la dignité humaine ainsi que sur le principe selon lequel toute peine présuppose la culpabilité du condamné (Schuldprinzip). La garantie de la dignité humaine exige que nul ne soit pénalement responsable pour ce qu’il a fait avant l’entrée en vigueur de la norme incriminant son comportement, à défaut de quoi l’individu n’agirait pas librement. Or, selon la Cour, les mesures de sûreté ne se fondent pas tant sur la conduite du criminel dans le passé que sur des pronostics; le principe de non-rétroactivité des peines n’est alors pas applicable.
24Enfin, la Cour décide qu’il n’y a pas violation du principe de confiance légitime qui protège la confiance des citoyens dans la stabilité des lois (rechsstaaliches Vertrauensschutzgebot). Selon ce principe, dans un État de droit, le citoyen doit pouvoir prévoir les mesures étatiques qui peuvent être prises à son encontre. Il faut en outre une justification importante pour que le législateur puisse changer les conséquences juridiques découlant d’un comportement passé. En l’espèce, la réforme concernait des faits antérieurs à son entrée en vigueur (le placement en détention par le tribunal de première instance), mais ses conséquences juridiques (la suppression de la durée maximale de dix ans du premier placement) ne s’appliquent qu’après son entrée en vigueur. D’après la jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle, une telle rétroactivité, ne concernant que les faits pris en compte, peut être justifiée par des intérêts généraux primordiaux, en l’espèce la protection de l’intégrité physique et mentale de tiers. De plus, la confiance dans la stabilité des normes concernant les mesures de sûreté est limitée par le paragraphe 2, alinéa 6 du StGB qui prévoit que ces mesures sont régies par les normes en vigueur au moment de la décision judiciaire à prendre.
25De son côté, la loi française du 25 février 2008 instaure, à l’article 706-53-13 du code de procédure pénale, un alinéa 1er qui prévoit qu’« à titre exceptionnel, les personnes dont il est établi, à l’issue d’un réexamen de leur situation intervenant à la fin de l’exécution de leur peine, qu’elles présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’elles souffrent d’un trouble grave de la personnalité, peuvent faire l’objet à l’issue de cette peine d’une rétention de sûreté [32] selon les modalités prévues par le présent chapitre, à la condition qu’elles aient été condamnées à une peine de réclusion criminelle d’une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes, commis sur une victime mineure, d’assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d’enlèvement ou de séquestration… La rétention de sûreté consiste dans le placement de la personne intéressée en centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel il lui est proposé de façon permanente, une prise en charge médicale, sociale et psychologique destinée à permettre la fin de cette mesure » [33].
26Autre point important, la rétention de sûreté ne peut être prononcée que si, et seulement si, la cour d’assises en a initialement ouvert la voie. La décision de condamnation doit prendre acte du degré potentiel de dangerosité dont est pourvu le criminel. En aval, il s’agit de contraindre les autorités pénitentiaires, notamment, de s’efforcer de neutraliser les marques de dangerosité afin qu’elles ne s’expriment pas à l’issue de la peine privative de liberté initiale. Celle-ci est prévue et déterminée dans son quantum par la cour d’assises en amont. Le but ultime de la rétention de sûreté est la réinsertion dans la société par une privation de liberté mais avec davantage de droits pour l’intéressé.
27Pour résumer, le principe de la rétention de sûreté doit être prévu par la décision de la cour d’assises (article 706-53-13, alinéa 3 du code de procédure pénale); la situation des personnes susceptibles d’en faire l’objet doit être examinée un an avant la date prévue pour leur libération (article 706-53-14 du code de procédure pénale); la rétention doit être l’unique moyen de prévenir la commission des infractions en récidive (article 706-53-15 du code de procédure pénale); elle est décidée par la commission régionale de la rétention de sûreté qui doit motiver spécialement sa décision (article 706-53-14 du code de procédure pénale). Un recours est possible devant une commission nationale de la rétention de sûreté. Enfin, est aménagé un recours en cassation.
28La décision de placement n’est valable qu’une année, mais pourra être prolongée pour la même durée si les conditions de fond visées à l’article 706-53-14 du code de procédure pénale sont remplies. La décision sera renouvelée selon la procédure prévue pour la décision initiale et sera également susceptible de faire l’objet d’un appel devant la commission nationale et d’un pourvoi en cassation. La prolongation n’est valable que pour un an. Toutefois, si les conditions fixées par l’article 706-53-15 du code de procédure pénale sont toujours réunies, la rétention de sûreté sera susceptible de faire l’objet d’une reconduction annuelle sans aucune limitation de durée globale de la rétention, l’intéressé ayant la possibilité de solliciter la mainlevée de son placement (article 706-53-17 et suivant).
29La loi prévoit aussi la possibilité de prononcer une surveillance de sûreté après cessation d’une mesure de rétention [34]. En outre, si les obligations imposées dans le cadre d’une surveillance de sûreté sont méconnues, il est possible de recourir à une procédure d’urgence pouvant justifier, de nouveau, le prononcé d’une rétention [35]. Enfin, la surveillance de sûreté peut recevoir application à la suite d’une surveillance judiciaire ou d’un suivi socio-judiciaire [36]. La surveillance de sûreté est une mesure inédite en droit positif français. Il en tentant de supposer que la règle, selon laquelle, en cas de méconnaissance des obligations de la surveillance de sûreté, la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut prononcer une rétention éponyme, a certainement été prévue par le législateur dans l’hypothèse – qui s’est réalisée – où la juridiction constitutionnelle prohiberait l’application immédiate de la rétention de sûreté.
30Par conséquent, la loi du 25 février 2008 instaure trois types de rétention de sûreté : celle prévue par la condamnation et s’exécutant immédiatement après l’exécution de la peine (article 706-53-13); celle prévue par la condamnation s’exécutant immédiatement après exécution de la peine, mais ayant donné lieu à mainlevée et retransformée en rétention pour cause de violation des obligations de la surveillance (article 706-53-19); celle non prévue par la décision de condamnation mais décidée après violation des obligations imposées dans le cadre de la prolongation de la surveillance judiciaire dite surveillance de sûreté (article 723-37).
31Il ne s’agira pas de faire un commentaire exhaustif de la décision du Conseil constitutionnel qui valide pour l’essentiel les nouveaux dispositifs, ni de faire un cours de procédure pénale sur les mesures de sûreté. Laissons aux pénalistes le soin de déterminer la véritable nature de la rétention de sûreté ainsi que les différences entre sanctions punitives et mesures de sûreté. L’intérêt du constitutionnaliste est de se pencher sur les fondements juridiques des sages de la rue Montpensier : or, il semble en manquer un concernant l’interdiction de la rétroactivité de mesures n’ayant pas de caractère punitif [37]. C’est celui qui retiendra notre attention et ce d’autant plus, qu’en parallèle de l’inflation législative de ces dernières années en matière de lutte contre la récidive, le principal point de fixation de toutes les polémiques s’est avéré être l’application rétroactive des nouveaux dispositifs; ce qui, d’un point de vue de la ratio legis, est pragmatiquement justifié.
32Dès lors que les nouvelles mesures sont des règles procédurales, elles sont, en principe, d’application immédiate. C’est ce qu’enseigne l’article 112-2 du code pénal. Les mesures de sûreté, elles, ne sont, a priori, pas non plus soumises au principe de la non-rétroactivité de la loi pénale. Cependant, leur application rétroactive ne va pas de soi, tant du point de vue de l’évolution de la jurisprudence constitutionnelle que de leur régime. Désormais, elles peuvent en effet aboutir à des restrictions et privations de liberté, sans commune mesure avec les dispositions précédemment adoptées.
33Et si le Conseil constitutionnel admet la rétroactivité de la surveillance de sûreté, il censure celle qui devait initialement s’appliquer à la rétention de sûreté. Pourtant, au fil de la maturation de sa jurisprudence, le juge constitutionnel a pu admettre la rétroactivité de périodes et mesures de sûreté. En principe, il ne les qualifie pas de sanctions ayant le caractère d’une punition, les seules devant être soumises à la rigueur constitutionnelle du principe de non-rétroactivité. D’une nature découle un régime nous enseigne-t-on dès le début des études de droit. Pour quelle(s) raison(s) alors, opte-t-il pour une nature – il dénie à la surveillance et à la rétention de sûreté la qualification de sanctions ayant le caractère d’une punition – sans en suivre le régime ? C’est à cette question, qu’il faut maintenant tenter de répondre. Au préalable, il est impératif de proposer une synthèse de la jurisprudence constitutionnelle relative au régime du principe de non-rétroactivité en matière punitive (I), afin de poser les jalons, à la lumière de la décision n° 2008-562 DC, de ce qui pourrait être considéré comme un dialogue de juges dont les principaux bénéficiaires sont les justiciables en matière pénale (II).
I – LE RÉGIME CONSTITUTIONNEL DU PRINCIPE DE NON-RÉTROACTIVITÉ EN MATIÈRE PUNITIVE
34Le Conseil constitutionnel, après avoir consacré le noyau dur du principe, l’a élargi à toute sanction ayant le caractère d’une punition (A). Traduction de la réception constitutionnelle de la diversification de la répression, ce renforcement des garanties constitutionnelles n’est pas allé de soi s’agissant des mesures de sûreté (B).
A – L’extension constitutionnelle de la non-rétroactivité en matière punitive
35Il est un truisme d’énoncer que les lois pénales ne peuvent être rétroactives. Si ce principe est souvent analysé comme une conséquence juridique du principe de la légalité ou comme l’un de ses corollaires, il lui est pourtant antérieur [38]. Inconnu du droit romain, il est apparu au Moyen Âge grâce notamment au droit canon et aux glossateurs italiens commentant les textes romains [39]. Il a été rapidement jugé que « les lois plus rigoureuses ne s’appliquent point aux faits commis antérieurement à leur publication » [40]. La règle s’applique, que la loi nouvelle crée une incrimination nouvelle [41], qu’elle fulmine une peine plus sévère ou qu’elle prévoit de nouvelles circonstances aggravantes [42].
36Le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale dite plus sévère participe à la prévisibilité de la loi pénale et relève aussi de la lutte contre l’arbitraire qui se traduit par le principe nullum crimen, nulla poena sine praevia lege [43]. La première formulation historique du principe, contenu à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, a acquis implicitement valeur constitutionnelle dans la décision du Conseil constitutionnel du 9 janvier 1980 [44]. L’affirmation du principe dans de nombreuses constitutions étrangères, ainsi que sa présence au sein des textes internationaux [45] rappelle son importance particulière dans la protection des justiciables.
37S’il est évident que le Conseil a définitivement sanctuarisé le principe de non-rétroactivité des dispositions législatives pénales plus sévères, il a, d’un autre côté, étendu son champ d’application aux dispositions législatives « répressives » plus sévères. Cet élargissement a pour cause ce que l’on a coutume d’appeler le phénomène de constitutionnalisation de l’ensemble de la matière dite répressive [46] dont l’une des conséquences est « l’extension des principes constitutionnels gouvernant le prononcé d’une peine à toute sanction ayant le caractère d’une punition » [47].
38Originellement, le Conseil, pour rejeter un moyen tiré de la rétroactivité de dispositions dont il était saisi, relevait que celles-ci n’étaient pas relatives au domaine pénal [48]. La loi pouvait comporter des dispositions rétroactives, sauf en matière pénale. Cela laissait penser que le principe posé par l’article 8 de la Déclaration de 1789 ne s’imposait qu’aux dispositions de fond appliquées par les juridictions répressives de l’ordre judiciaire. Cependant, le Conseil constitutionnel a délaissé cette interprétation restrictive en estimant que ce principe « ne concerne pas seulement les peines appliquées par les juridictions répressives mais s’étend nécessairement à toute sanction ayant le caractère d’une punition même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire » [49]. Depuis lors, ce motif est devenu constant dans la jurisprudence du Conseil [50] et, celui-ci, afin de définir généralement le domaine de l’article 8, a remplacé l’adjectif « pénal » par l’adjectif « répressif » et évoque régulièrement « le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions » [51].
39La raison principale de l’extension [52] de l’article 8 vise principalement la répression exercée par les juridictions administratives et, sous leur contrôle, par les autorités administratives, ainsi que par les autorités administratives indépendantes. Ce rapprochement du droit pénal et du droit public répressif, qui participe d’un mouvement général [53], est opportun et logique. La valeur supérieure du principe de non-rétroactivité à l’égard des règles répressives tient, évidemment, à leur objet commun : l’infliction d’une sanction [54]. L’imprévisibilité des effets de droit d’une conduite, source d’insécurité juridique et qui résulte nécessairement de la rétroactivité, a paru particulièrement grave lorsque ces effets consistent dans l’exercice d’une répression. La qualité de l’organe compétent pour prononcer la peine, comme la nature de celle-ci ou celle du comportement incriminé, sont, de ce point de vue, indifférents. Aussi, il serait difficilement acceptable que la répression administrative bénéficie d’un statut constitutionnel moins rigoureux que celui de la répression pénale alors que, de façon générale, son application est entourée de moindres garanties.
40La règle de la non-rétroactivité posée par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est applicable « à la loi d’incrimination plus sévère » [55]. Il n’intéresse donc pas les règles qui fixent la procédure de la répression, mais uniquement les règles de fond [56]. En revanche, il s’impose non seulement aux dispositions qui déterminent la sanction applicable, mais aussi à celles qui définissent les éléments constitutifs de l’infraction : la notion d’incrimination désigne sans conteste cette double opération [57]. Le principe de non-rétroactivité des textes répressifs signifie donc, d’une part, qu’une sanction ne peut être prononcée pour des faits antérieurs à la règle qui l’a instituée ; il est alors un corollaire du principe nulla poena sine lege : postérieure aux faits réprimés, la règle de pénalité, rétroactivement appliquée, n’existait pas au moment où ceux-ci ce sont produits [58]. Si ce principe régit assurément la répression administrative [59], l’incertitude relative de la notion de sanction présente une autre difficulté [60]. Le principe de non-rétroactivité des textes répressifs signifie, d’autre part, qu’un acte ne peut être qualifié d’infraction qu’en application d’une règle incriminante en vigueur au jour où il a été commis; il est, en cela, une conséquence du principe nullum crimen sine lege.
41Le travail de codification ayant donné lieu au nouveau code pénal a notamment abouti à l’insertion de quatre articles relatifs à l’application de la loi pénale dans le temps. Aussi, il se fonde sur la systématisation, pour une large part, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation. Ces quatre articles ont pour principal objet d’étendre le domaine d’application des règles qui régissent l’application de la non-rétroactivité de la loi pénale. Quatre catégories de lois sont principalement visées par le code :
- les lois relatives à la définition des incriminations et à la fixation des peines qui les assortissent (article 112-1);
- les lois relatives à l’exécution et au régime des peines (article 112-2, 3°) : elles ne sont pas applicables aux condamnations prononcées pour des faits commis antérieurement à leur entrée en vigueur si elles ont pour effet de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation. Or, cette prescription n’a qu’une valeur législative. Partant, elle ne s’impose pas au législateur, qui conserve la faculté d’y déroger pour des motifs d’intérêt général. ;
- les lois de procédure (articles 112-2,2° et 112-3) [61];
- ainsi que celles relatives aux régimes de prescription (article 112-2,4°) [62].
42De leur côté, les lois dites déclaratives « ne créent pas du droit. Elles se bornent à constater, sans même l’interpréter, une règle préexistante et valent donc aussi bien pour le passé que pour l’avenir ». Quant aux lois interprétatives, elles ont pour objet de préciser « le sens d’une loi ancienne et font corps avec elle. Par conséquent, elles ont le même domaine d’application dans le temps que la loi interprétée et rétroagissent » [63].
43Dans le silence des textes, le Conseil a dû déterminer sa position concernant ces mesures de sûreté si controversées.
B – Rétroactivité ou non-rétroactivité des mesures et périodes de sûreté ?
44Les membres de la doctrine pénale se sont, à de nombreuses reprises, questionnés sur le lien devant exister entre la peine, au sens classique du terme, et la mesure de sûreté [64]. Les partisans de la thèse unitaire constatent qu’il n’existe pas de différence fondamentale dans le traitement de la peine et celui de la mesure de sûreté, et surtout qu’il est souvent difficile de faire la part entre les qualifications de peines ou de mesures de sûreté. En outre, il serait préférable de maintenir cette unité afin de maximiser les mesures d’adaptation de la « peine » en fonction de la personnalité et de l’état dangereux du délinquant [65]. Les laudateurs du système dualiste arguent de l’existence d’évidentes différences entre les peines et les mesures de sûreté parmi lesquelles les buts antagonistes, de l’une comme de l’autre, qui peuvent être isolés, et autorisant ainsi une qualification distincte [66]. La coloration rétributive, toujours prégnante s’agissant des peines, demeure, à l’instar de la notion de culpabilité, toute relative en ce qui concerne les mesures de sûreté. Le droit positif peut d’ailleurs être analysé comme donnant sa préférence au système dualiste, tout en se laissant parfois entraîner par la doctrine unitaire, notamment au sein du nouveau code pénal.
45C’est en 1978 [67] que le Conseil constitutionnel eut à connaître des mesures de sûreté. Le texte de loi soumis à son examen avait entendu assortir les infractions punies le plus lourdement de « périodes de sûreté », automatiques au cours desquelles le condamné ne pouvait faire l’objet d’aucune mesure d’individualisation et d’aménagement de sa peine. D’abord, le juge constitutionnel observe « qu’en droit pénal, les décisions relatives aux modalités d’exécution des peines sont par nature distinctes de celles par lesquelles celles-ci sont prononcées; que, par suite, l’application de ceux des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République qui régissent les condamnations ne s’impose pas en ce qui concerne les décisions relatives aux modalités d’exécution des peines » (cons. n° 5). Le Conseil venait ainsi d’exclure du champ des principes constitutionnels de droit pénal, toutes les mesures d’exécution de la peine, distinctes de celle-ci. Il revenait alors aux sages de qualifier les périodes de sûreté instaurées par la loi déférée. Selon eux, « d’une part, … si la loi prévoit l’application d’une période de sûreté à certains condamnés frappés d’une peine de longue durée, elle en définit le contenu comme une exclusion pour le condamné de la faculté de bénéficier de modalités particulières d’exécution de la peine privative de liberté qui a été prononcée ; qu’une telle mesure qui ne concerne que l’exécution des peines, ne peut donc être regardée comme constituant elle-même une peine; que dès lors, les décisions relatives à son application ne sont pas soumises aux règles qui régissent le prononcé des peines… » (cons. n° 6). D’aucuns jugèrent cette jurisprudence erronée et inopportune [68]. De fait, elle ne pouvait perdurer éternellement et dès que l’occasion lui fut donnée, le Conseil remédia à la situation.
46C’est à propos de l’examen de la loi relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance que le Conseil révisa sa position [69]. Une des principales innovations du texte tendait à étendre la possibilité pour les juridictions de prononcer une période de sûreté lorsque le crime ou le délit poursuivi était susceptible d’entraîner une privation de liberté d’au moins dix ans. Le Conseil posera en principe que les règles issues de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen [70] doivent s’imposer aux mesures de sûreté [71].
47C’est avec circonspection que les commentateurs ont apprécié ce revirement de jurisprudence. Du reste, pouvait-on véritablement parler d’un revirement ou davantage d’une inflexion de la position constitutionnelle ? Pour certains [72], il s’agissait sans conteste d’un revirement. De façon plus tempérée, d’autres ont présenté cet infléchissement du juge comme « une exception à la distinction du principe établie par le Conseil constitutionnel entre les phases de prononcé de la peine et d’exécution de la peine ; mais une exception qui confirme la règle puisqu’il est souligné que la durée de la période de sûreté dépend, comme le prononcé de la peine, de la juridiction de jugement » [73]. A contrario si la décision sur la période de sûreté ne relevait pas de la juridiction de jugement, l’article 8 de la DDHC ne saurait s’appliquer car la différence de nature entre les deux (peine et mesure) redeviendrait alors prévalente pour le Conseil. De cette différence de nature, il aurait logiquement opté pour une différence de régime : application de l’article 8 pour les unes mais pas pour les autres.
48A fortiori, cela laisserait-il présager l’abandon par le Conseil d’une quelconque distinction entre la peine elle-même et la mesure d’exécution de cette dernière ? Ainsi, après avoir analysé l’ensemble de la décision et notamment son considérant n° 11, il ressort que le contrôle de fond des dispositions de la loi relève, non de la juridiction du jugement, mais du juge de l’application des peines [74]. S’il est admis que nous sommes face à un véritable revirement de jurisprudence, il n’empêche qu’à l’origine la période de sûreté est décidée concomitamment au prononcé de la peine quand bien même le juge de l’application des peines interviendrait après.
49En définitive, le Conseil rappelle (et donc ne modifie en rien sa position sur ce point précis) que la mesure de sûreté est une modalité d’exécution de la peine. La véritable inflexion [75] de la jurisprudence constitutionnelle se situe dans le moment où la mesure de sûreté est prononcée. Dès lors que la mesure est prononcée par la juridiction de jugement, en même temps qu’elle se prononce sur la culpabilité de l’accusé, il est logique de faire application de l’article 8 de la Déclaration de 1789. C’est bel et bien la concomitance du prononcé, et de la peine et de la mesure de sûreté, qui est déterminante et non la nature de la juridiction (de jugement ou d’application des peines) ou de la décision [76]. Par conséquent, l’on peut dire, à la lumière de cette décision, que les modalités d’exécution de la peine ne relèvent pas de l’article 8 de la Déclaration de 1789, sauf si, à l’instar de la mesure de sûreté, elles sont prononcées au même moment que la peine elle-même [77].
50Avec la décision du 20 janvier 1994 [78], le Conseil pose les jalons d’une fusion du régime constitutionnel des peines et des modalités de leur exécution. Devant apprécier la constitutionnalité de l’instauration d’une peine de sûreté de trente années incompressible, pour les crimes prévus aux articles 221-3 et 221-4 du code pénal [79], le juge constitutionnel a veillé au respect du principe de non-rétroactivité de la loi en particulier ainsi que des prescriptions de l’article 8 de la Déclaration du 26 août 1789 en général (cons. n° 10 [80] et 13). Ce respect étant examiné tant dans le principe même de la peine que s’agissant de ses conditions d’exécution.
51À ce stade de notre étude, la jurisprudence constitutionnelle demeure relativement incomplète et encline à soulever des difficultés. Le Conseil ne semble pas avoir dégagé une véritable conception unitaire des peines et des mesures de sûreté, faisant de celles-ci une simple continuation des peines stricto sensu. D’autre part, nous n’appréhendons pas véritablement le champ d’application du principe de non-rétroactivité [81]. Alors que traditionnellement le législateur pénal considérait que les lois nouvelles modifiant le régime d’exécution des peines devaient s’appliquer immédiatement, l’article 112-2 du nouveau code pénal a largement étendu le champ d’application du principe de non-rétroacti-vité de la loi pénale plus sévère aux mesures d’exécution des peines [82]. Même si cette disposition n’était pas rendue nécessaire par la décision n° 86-215 DC [83], elle nous paraît justifiée [84].
52C’est à l’occasion de l’examen [85] de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales que le Conseil constitutionnel [86] est venu clarifier sa position [87]. Les requérants ayant soutenu que le législateur ne pouvait prévoir l’application immédiate du placement sous surveillance électronique sans violer le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère posé par l’article 8 de la Déclaration de 1789 [88], le Conseil rappelle que ledit principe « ne s’applique qu’aux peines et aux sanctions ayant le caractère d’une punition » (cons. n° 12).
53Peut-on considérer que les mesures prévues par l’article 13 constituent des « peines » ou des « punitions » au sens de l’article 8 de la Déclaration de 1789 ? Conformément aux décisions n° 82-155 DC et n° 87-237 DC, le principe de non-rétroactivité concerne non seulement les peines appliquées par les juridictions répressives mais aussi, « s’étend nécessairement à toute sanction ayant le caractère d’une punition… » [89]. Sont concernées, une peine, une punition et même une mesure s’y rattachant de façon nécessaire, comme les mesures de sûreté, dès lors que celles-ci relèvent « de la décision de la juridiction de jugement qui, dans les conditions déterminées par la loi, peut en faire varier la durée en même temps qu’elle se prononce sur la culpabilité de l’accusé » [90].
54Ce qui est notable en l’espèce, c’est que si le juge constitutionnel n’a pas pour dessein de remettre en cause l’interprétation large de l’article 8 de la Déclaration de 1789, il se préoccupe davantage de préciser la notion de « peine » ainsi que le champ d’application de la notion de « mesure d’exécution » [91]. Préalablement, le Conseil vérifie que le suivi judiciaire, y compris lorsqu’il est assorti du placement sous surveillance électronique, repose sur la notion de culpabilité du condamné, à défaut de quoi, il n’est pas possible de parler de peine ou de punition. En d’autres termes, il convient que la mesure en cause prenne en compte un acte commis dans le passé qu’il s’agit de réprimer en infligeant ladite sanction. Dès lors, on peut parler d’un critère finaliste [92]. Or, en l’espèce, le placement sous surveillance électronique n’a pour seul objectif que de savoir où se trouve la personne qui en fait l’objet afin de constater une éventuelle transgression de ses obligations. Par conséquent, « la mesure qui a pour seul but de prévenir la récidive, une récidive dont la probabilité paraît élevée chez les condamnés faisant l’objet d’une libération sèche, repose non sur la culpabilité du condamné mais sur sa dangerosité. Sa finalité unique est donc préventive, la mesure en question ne visant pas à punir un acte passé, mais seulement à faire en sorte qu’il ne se reproduise pas dans l’avenir, comme la dangerosité du condamné, constatée par expertise médicale, peut le laisser craindre » [93]. Il semble que le Conseil s’inspire ici du Rapport Burgelin [94] insistant sur la notion de dangerosité et préconisant une nouvelle approche pénale, quoique reprenant les thèses classiques de l’École de la défense sociale [95].
55Alors que l’on peut qualifier cette notion de dangerosité de floue, il n’en reste pas moins que le Conseil ne s’en contente pas et y ajoute deux autres critères. Ainsi, une mesure ne pourra pas être qualifiée de mesure d’exécution soustraite au principe de non-rétroactivité uniquement si elle est dotée d’un caractère préventif. Le Conseil y ajoute deux exigences cumulatives. D’un côté, le Conseil relève que les mesures prévues par la loi ne constituent pas des contraintes supplémentaires qui s’ajouteraient à celles prononcées par la juridiction de jugement en ce sens qu’elles sont limitées à la durée des réductions de peine dont bénéficie le condamné et qu’elles se « fondent » [96] ainsi, en quelque sorte, dans la peine initialement prononcée. Le juge constitutionnel n’y voit que de simples « modalités d’exécution de la peine… et ne sont pas des peines au sens de la Constitution » (cons. n° 13). Elles ne relèvent pas, en tant que telles, du même régime. D’un autre côté, la juridiction compétente pour l’infliction de telles mesures est celle de l’application des peines. En d’autres termes, il s’agit bien d’un juge, mais un juge distinct de la juridiction de jugement seule susceptible de prononcer des peines; celles des mesures de sûreté qui sont indétachables de la peine, relèvent par conséquent du même régime que celle-ci au regard de l’article 8 [97].
56À la lumière de l’évolution de la jurisprudence constitutionnelle, il y aurait donc deux types de mesures de sûreté :
- celles dont le lien avec la peine est prépondérant. En général il s’agit de périodes de sûreté, mesures d’enfermement réel. Étant donné qu’elles constituent des peines privatives de liberté, il doit y avoir en amont l’intervention du juge judiciaire pour le prononcé initial de la période de sûreté. La dangerosité est partie intégrante de la décision sur la culpabilité. Elle se manifeste par la gravité du crime, et justifie donc l’application d’une période de sûreté. Les garanties de l’article 8 de la DDHC sont applicables;
- et celles fondées presque uniquement sur la dangerosité présente mais aussi future et laissée à l’appréciation de la juridiction de l’application des peines notamment. En général, il s’agit de mesures de sûreté comprenant des obligations moins contraignantes qu’un enfermement carcéral; il ne s’agit pas au sens strict de peines privatives de liberté effectuées au sein de la prison. La dangerosité n’a ici plus de lien aussi solide avec la culpabilité. Les garanties de l’article 8 de la DDHC peuvent, à certaines conditions, ne pas recevoir application.
57Le problème de la rétention de sûreté nouvellement instituée réside dans le fait qu’elle n’entre entièrement ni dans l’une ni dans l’autre de ces catégories. D’où l’originalité de la décision du Conseil constitutionnel. Il convient, en outre, de relever que, contrairement à ce que d’aucuns affirmaient, à l’exception de la décision n° 2005-527 DC, le Conseil constitutionnel, même s’il qualifiait de mesures de sûreté les dispositions déférées, exigeait tout de même l’application de l’article 8 de la DDHC dès lors qu’existait un lien entre dangerosité et culpabilité et que c’était à la juridiction de jugement d’en ouvrir la voie. Ce qui est le cas de la rétention de sûreté. Par conséquent, on peut prédire qu’à l’avenir, confrontée à certains types de mesures [98], la dichotomie sanction punitive/mesure de sûreté est inopérante. C’est là une façon de se départir des qualifications adoptées par le législateur afin de ne pas obérer la garantie des droits fondamentaux. D’ailleurs, cette démarche ne va pas sans se rapprocher de celle adoptée par la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg.
II – UN DIALOGUE DES JUGES ? LA RATIO DECIDENDI
58La caractéristique principale de la rétention de sûreté est qu’elle prend la forme d’une peine privative de liberté. C’est pour cette raison, notamment, que le Conseil vient apporter des limites au législateur pénal en exigeant une protection minimale incarnée par la prévisibilité de mesures si attentatoires aux libertés [99]. Si l’article 8 de la DDHC ne saurait s’appliquer intégralement, il n’en va pas de même de sa composante prohibant la rétroactivité (A). Cette décision, originale semble définitivement consacrer un retour du juge, relais du législateur lorsque celui-ci pourrait faire passer les impératifs de la répression avant ceux de la protection des droits fondamentaux (B).
A – La prévisibilité : une garantie incompressible
59Dans un premier temps, les auteurs de la saisine faisaient valoir que la loi violait l’article 9 de la DDHC et l’article 66 de la Constitution. Après avoir écarté comme inopérante l’application de la présomption d’innocence, le Conseil a cependant retenu que la triple règle de l’adéquation, de la nécessité et de la proportionnalité s’appliquait – alors qu’elles ne constituent pas des peines – et à la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté. Dans un raisonnement qui n’est pas sans rappeler celui de la Cour européenne des droits de l’homme [100], le Conseil conclut par une déclaration de conformité sous réserve. Le Conseil juge que seules les personnes évaluées doublement feront l’objet de la rétention et la surveillance de sûreté : chaque dossier pris individuellement sera analysé à l’aune d’un critère de subsidiarité : la rétention n’est applicable que si d’autres mesures de sûreté n’ont pas été satisfaisantes [101]. Il ajoute que les soins devront avoir été insuffisamment efficaces ou refusés par le détenu. En outre, la rétention ne pourra s’appliquer au condamné en libération conditionnelle, à moins que celle-ci ait été révoquée [102]. Le constat devra cependant être réalisé par une commission spécialisée. Il est incontestable que d’un point de vue téléologique, la mesure principale n’a pas de but punitif mais seulement préventif. Doit-on, à l’instar de certains [103], parler d’une transposition, à la sauce pénale, du « principe de précaution »? En l’espèce, il s’agit bel et bien de fonder législativement, le maintien en enfermement d’un délinquant jugé dangereux à l’issue de sa peine [104].
60Le nouvel arsenal législatif avait donc la prétention de traiter et/ou enfermer les criminels dangereux quelles que soient les dates de la commission de leur infraction ou de leur condamnation. Sous couvert d’application immédiate, aux peines en cours d’exécution, le législateur avait prévu que la plupart des dispositions rétroagiraient au regard des dates de commission des faits ainsi que des condamnations. La rétroactivité était donc au centre des attentions des médias et du Gouvernement. Le ministère de la Justice était même allé jusqu’à publier une liste de trente-deux détenus libérables – présentée peu de temps avant la décision du Conseil – dont il estimait qu’ils étaient susceptibles d’être soumis à la rétention de sûreté.
61Pour ce qui nous concerne, les requérants estimaient que la rétention de sûreté appartenait à la catégorie des sanctions ayant le caractère d’une punition et que partant, elle violait le principe de légalité criminelle dans la mesure, notamment, où non seulement elle ne s’adossait pas à la répression d’une infraction, mais aussi elle s’appliquait rétroactivement [105]. Dans son considérant n° 9, le Conseil valide le principe de la rétention et de la surveillance de sûreté. D’abord, il considère que la rétention de sûreté n’est pas décidée par la cour d’assises au moment même où elle statue sur le quantum de la peine, mais par la juridiction régionale éponyme. Ensuite, il estime « qu’elle ne repose non sur la culpabilité de la personne condamnée par la cour d’assises, mais sur sa particulière dangerosité appréciée par la juridiction régionale à la date de sa décision », et « qu’elle a pour but d’empêcher et de prévenir la récidive par des personnes souffrant d’un trouble grave de la personnalité ». Par conséquent, il décide que « la rétention de sûreté [106] n’est ni une peine, ni une sanction ayant le caractère d’une punition ». Plus prosaïquement, il n’y a pas violation de l’article 8 de la DDHC [107].
62Néanmoins, le Conseil a indiqué que, « eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu’elle est prononcée après une condamnation par une juridiction, [la rétention de sûreté] ne saurait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi ou faisant l’objet d’une condamnation postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement » [108], et que dès lors, « doivent être déclarés contraires à la Constitution les alinéas 2 à 7 du I de l’article 13 de la loi déférée, son II et, par voie de conséquence, son IV ». S’agissant de la rétention de sûreté, la loi nouvelle n’est donc applicable que pour l’avenir, soit aux personnes condamnées après l’entrée en vigueur de la loi, et pour des infractions commises après celle-ci.
63Notons que cette censure ne vaut que pour la rétention de sûreté ordonnée directement au terme de l’exécution d’une peine de réclusion criminelle ou consécutive au non-respect des obligations découlant d’un placement sous surveillance de sûreté après non-renouvellement ou cessation d’une rétention de sûreté préalablement subie. En revanche, ainsi que le prévoit l’article 13-III de la loi du 25 février 2008 non invalidé par le Conseil, les dispositions relatives à la rétention de sûreté consécutive au non-respect des obligations imposées au titre d’une surveillance de sûreté succédant à une surveillance judiciaire ou à un suivi socio-judiciaire peuvent s’appliquer de manière rétroactive [109]. Certes, cette mesure demeure temporaire ; pour autant, elle n’en est pas moins rétroactive dans la mesure où elle porte sur des infractions commises avant l’entrée en vigueur de la loi [110]. De quoi s’agit-il ?
64La surveillance de sûreté est prévue en plusieurs points par la loi, notamment en son article 13-III qui s’applique immédiatement. Néanmoins, cet article ne concerne que la surveillance de sûreté « instaurée par les VI et VII de l’article 1er de la loi ». Plus particulièrement, cela réduit l’application immédiate aux seuls cas où la surveillance de sûreté prend le relais de la SJPD [111] ou du SSJ [112] ou lorsqu’elle double un PSEM [113]. Par conséquent, l’application immédiate ne concerne pas l’hypothèse où elle intervient à la suite ou à la place d’une rétention de sûreté qui est visée par l’article I de l’article 1er [114]. Il faut aussi observer que l’article 13-III ne précise pas quelles situations étaient concernées par l’application immédiate. Il va de soi qu’elle vise a minima des faits commis postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. Cependant peut-elle concerner des faits antérieurs, à partir du moment où, tantôt ils sont réprimés postérieurement, tantôt, de manière plus immédiate encore, les peines prononcées à leur égard sont en cours d’exécution ? Dans ce cas, il y aurait rétroactivité, conformément à l’article 112-2,3° [115].
65Va également dans le sens de la rétroactivité la nouvelle mesure d’assignation à domicile [116]. Si la loi ne détermine pas la nature juridique de celle-ci, on peut tout de même augurer qu’elle constitue une obligation spécifique concernant uniquement les mesures de sûreté, à l’exclusion des aménagements de peine [117]. L’assignation à domicile s’appliquera rétroactivement aux personnes incarcérées au 1er septembre 2008 qui purgent, à cette date, une peine de réclusion criminelle sur le fondement de l’article 706-53-13 du code de procédure pénale [118].
66En poussant l’analyse, on remarque qu’il y a aussi rétroactivité de règles nouvelles plus sévères : c’est le cas de l’article 729 du code de procédure pénale qui dispose que les personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité ne peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle qu’après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. En ce qui les concerne, l’article 13-V pose le principe de l’application immédiate si elles exécutent une telle peine de réclusion criminelle au moment de la publication de la loi. C’est aussi le cas de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives aux CRP et RSP. En ce domaine, la loi prévoit l’application immédiate aux personnes exécutant une peine privative de liberté à la date de sa publication [119].
67Si l’on se fonde sur l’article 112-2,3°, il est utile de s’interroger sur les solutions précitées. En effet, cet article admet la rétroactivité des lois nouvelles que si elles ne contiennent pas de dispositions plus sévères. Partant, est-ce qu’une disposition réduisant le bénéfice des réductions de peine et rendant plus difficile l’obtention de la libération conditionnelle peut être qualifiée de plus sévère ? Il semble que la réponse soit positive. Néanmoins, rend-elle, en sus, la peine plus sévère ? Du point de vue du condamné, pour qui l’exécution de peine est adossée à son prononcé, la réponse est positive d’autant plus que les juridictions pénales partent du principe que les peines prononcées seront forcément aménagées [120].
68Quelques heures après la décision du Conseil, le Président de la République mandatait le premier président de la Cour de cassation afin de lui proposer toute mesure utile à l’application immédiate de la loi. C’est parce que l’arti - cle 62 de la Constitution ne permet pas, bien heureusement, de contredire la décision des juges de la rue Montpensier, que le rapport remis ne revînt pas sur l’application rétroactive des dispositions censurées [121].
69D’emblée, il nous semble que la ratio decidendi est logique et opportune. Quelle que soit la nature de la rétention de sûreté, il n’en reste pas moins que son régime se rapproche davantage d’une peine privative de liberté : elle pourrait être ressentie comme telle par les délinquants qui en feront l’objet. Si inflexion jurisprudentielle il y a, elle concerne la décision du 9 décembre 2005. Certes, le Conseil ne remet pas en cause la solution selon laquelle la rétention de sûreté n’est pas une peine [122]. Néanmoins, la raison d’être de la censure est bel et bien la nature privative de liberté de la rétention de sûreté. Bien plus, si celle-ci suppose une décision de la cour d’assises ayant admis la possibilité de la rétention, il paraît difficile de comprendre que la rétention pouvait être applicable à des condamnés pour lesquels la cour d’assises n’avait pas prévu cette mesure, nouvelle par définition. La censure du Conseil constitutionnel donne partiellement raison à M. Robert Badinter qui expliquait, lors des débats au Sénat, qu’il « est absolument impossible d’annoncer à un individu en cours d’exécution de peine, condamné à une époque où la rétention de sûreté n’existait pas, qu’après avoir purgé sa peine, il sera placé, peut-être à perpétuité, dans un établissement fermé gardé par des personnels pénitentiaires » [123].
70Aussi, parce que le Conseil retient une « définition restrictive de la notion de peine » et une « conception extensive des principes applicables à la protection de la liberté individuelle » il « sanctionne le caractère rétroactif de l’une des dispositions de la loi sans fonder cette déclaration d’inconstitutionnalité sur une norme constitutionnelle » [124]. La rétention n’est pas une peine en ce qu’elle tient compte non seulement de la gravité de l’infraction perpétrée mais aussi et surtout de la dangerosité décelée du délinquant. Cependant, dans la mesure où la rétention est porteuse d’une substantielle atteinte à la liberté individuelle, elle ne saurait être rétroactive.
71Pour autant, peut-on trouver un solide fondement juridique à la prohibition – limitée à certaines dispositions de la loi – de la rétroactivité ? Le Conseil est-il allé chercher à Strasbourg ce dont il ne disposait pas à Paris ? Bien que le contexte et les acteurs soient différents, souvenons-nous des propos de l’ancien avocat général près la Cour de cassation démontrant que sous couvert de contrôle de conventionnalité, la Cour de cassation (incompétente pour contrôler la constitutionnalité des lois) procédait souvent, en réalité, à un contrôle de constitutionnalité [125] ? À ce titre, le professeur Mathieu relève que « le raisonnement suivi relève incontestablement d’une logique de sécurité juridique » [126].
72En d’autres termes, le seul point d’ancrage à l’horizon est la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dont l’influence est patente si l’on se penche sur les considérants 13 à 23 où le Conseil se livre à un véritable test de proportionnalité [127]. Pourquoi, si ce n’est pour cette raison, le dossier documentaire mis en ligne contient de larges extraits de la jurisprudence conventionnelle : à partir du moment où une mesure dépasse un certain degré de gravité, sa prévisibilité est la condition de son acceptation : ce qui compte serait le degré de gravité de la mesure et non sa nature.
73Le droit pénal est parfaitement compatible avec le champ d’application du principe de sécurité juridique, en ce sens, qu’historiquement la sécurité juridique, assimilée à la notion de sûreté, visait essentiellement la matière répressive [128]. Néanmoins, le principe de légalité des délits et des peines constitue le véritable pendant pénal du principe de sécurité juridique. Cette règle impose la préexistence d’une loi pénale ; elle est une garantie contre l’arbitraire des pouvoirs publics. Aussi, la protection que le principe de légalité met en œuvre est apparue, à certains égards, insuffisante. Il est vrai qu’il n’épuise pas le contenu du principe de sécurité juridique, et qu’il est confiné à une exigence essentiellement formaliste : la loi doit prévenir avant de punir. Cependant, une fois exprimée, la règle de droit n’est pas forcément stable, accessible, intelligible, fiable, précise, cohérente, mais aussi et surtout, prévisible. C’est pourquoi, d’autres règles sont venues étoffer et compléter le principe de légalité. Ces règles pourraient également servir d’assise aux exigences du principe de sécurité juridique qui, dans ce domaine, dépassent le principe de légalité. Parmi elles, il est possible de retrouver, l’exigence de non-rétroactivité des normes pénales.
74La gravité, impliquant donc la prévisibilité, de la rétention de sûreté serait-elle le seul critère ayant conduit le juge constitutionnel à écarter la rétroactivité de la rétention de sûreté ? Que le Conseil se soit inspiré du principe de sécurité juridique ou qu’il ait « en fait, implicitement opéré un contrôle de conventionnalité de la disposition contestée » [129], une question mérite d’être posée, à défaut d’y répondre de manière péremptoire : le juge ne vient-il pas désormais parachever le travail du législateur ? La sécurité juridique (incarnée en matière répressive, notamment, par la prévisibilité) ne vient-elle pas dès lors supplanter les impérities [130] de la conception formelle de la légalité criminelle à envisager aussi bien les nouvelles facettes de la répression [131] que l’infléchissement de la politique pénale davantage centrée sur l’endiguement de la dangerosité et la lutte contre la récidive.
B – Le juge, sentinelle de la prévisibilité
75La légalité telle que la conçoit la Cour européenne des droits de l’homme doit s’entendre [132] aussi bien des sources écrites, comme la loi ou le règlement, que des sources non écrites comme la coutume ou les interprétations jurisprudentielles [133]. Il est vrai cependant que, comme l’indique le professeur Delmas-Marty, « cet assouplissement de la légalité quant aux sources (étendues de la légalité formelle à l’ensemble du droit en vigueur, écrit et même non écrit) est compensé par un renforcement de la légalité quant au contenu de la norme » [134]. Cette dernière doit, pour être légitime, aux yeux de la Cour européenne revêtir certaines qualités, c’est-à-dire, répondre aux exigences du principe de sécurité juridique.
76La prescience normative des incriminations et des peines n’a de sens que si elle poursuit à destination des justiciables un objectif de clarté, d’intelligibilité et de prévisibilité. Il faut que le droit, ainsi produit, permette effectivement aux individus de se déterminer librement et, par conséquent, de prévoir les conséquences normatives de leurs actes. Cette idée de prévisibilité de la règle de droit se trouve cristallisée dans le principe de sécurité juridique qui crée une connexion entre les exigences liées au respect de l’autonomie individuelle et celles découlant de l’application du principe de légalité. Le principe européen de la légalité pénale bouleverse les fondements du droit de punir : d’une légitimité démocratique – il ne peut y avoir d’impératif pénal que si celui-ci est l’expression de la volonté générale – on passe à une légitimité d’ordre libéral issue de la rule of law britannique – il ne peut y avoir d’impératif pénal que si celui-ci est accessible et prévisible pour ses destinataires : la normativité pénale est conditionnée par le contenu qualitatif de la règle plutôt que par son origine institutionnelle.
77S’il ne paraît pas réaliste de spéculer sur une substitution effective du principe de légalité par celui, a priori, « évanescent » de sécurité juridique, en matière pénale, la question de la non-rétroactivité est d’autant plus sensible que l’on touche à un domaine ayant des conséquences sur la privation de liberté. La non-rétroactivité participe directement à la sécurité juridique en ce sens que les infractions doivent être clairement prévisibles afin d’éviter ce phénomène engendrant des incertitudes quant au droit applicable. En effet, la non-rétroac-tivité constitue la garantie essentielle de prévisibilité du droit au même titre qu’un principe qui aurait vocation à assurer la sécurité du droit.
78Afin d’appréhender la position conventionnelle sur la question de la compatibilité de la loi nouvelle avec l’article 7 de la CEDH [135] (dont le second volet prohibe la rétroactivité des lois pénales plus sévères), il faut que la rétention de sûreté appartienne à la « matière pénale » [136], condition sine qua non de l’activation des articles 6 et 7 de la CEDH [137]. Le Conseil, en proscrivant la rétroactivité, aurait pragmatiquement anticipé une éventuelle condamnation de Cour européenne des droits de l’homme fondée sur l’imprévisibilité (article 7) d’une disposition constitutive de la matière pénale (article 6).
79Une affaire récente relative à la rétroactivité du régime de la récidive légale [138] peut nous apporter quelques précisions. En effet, le principal objet de la rétention de sûreté n’est pas de condamner rétroactivement : « … la récidive tient ce rôle de légitimation, donnant à la mesure de sûreté le fondement dont elle a besoin » [139].
80Un individu avait été condamné à trois ans de prison pour trafic de stupéfiants en 1984. La loi prévoyant une période de récidive de cinq ans, celle-ci devait prendre légalement fin le 12 juillet 1991, soit cinq ans après que le requérant ait purgé sa peine. Or, après avoir commis des faits similaires en 1995, le justiciable est condamné à nouveau en 1997 à 12 ans de prison pour avoir agi en état de récidive légale. De fait, la juridiction de jugement a appliqué l’article 132-9 du code pénal nouveau, entré en vigueur le 1er mars, allongeant la période de récidive à dix années. Sur ce nouveau fondement, les faits commis par le requérant en 1995 entraient dans la nouvelle période de récidive légale (soit 10 ans) qui commençait le 12 juillet 1986, date à laquelle il avait achevé d’exécuter sa peine. C’est la raison pour laquelle M. Achour saisit la juridiction strasbourgeoise excipant de la violation de l’article 7 [140].
81La Cour va décider de l’applicabilité de l’article 7 en l’espèce dans la mesure où « la récidive s’inscrit dans le cadre de la question plus générale de la détermination de la peine » en ce sens « qu’elle constitue une cause d’aggravation de la sanction » (§ 34). L’application de la loi nouvelle a nécessairement fait revivre « un état de récidive qui avait pourtant, aux termes de la loi française elle-même, officiellement pris fin le 12 juillet 1991 » (§ 41). Elle qualifie la loi nouvelle de plus sévère et en déduit que « lorsqu’une personne est, comme en l’espèce, condamnée en état de récidive par application d’une loi nouvelle, le principe de sécurité juridique commande que le délai de récidive légale, apprécié conformément aux principes du droit, notamment d’interprétation stricte du droit pénal, ne soit pas déchu en vertu de la précédente loi » (§ 50).
82La mise en œuvre stricte de l’exigence de prévisibilité appliquée « au droit à l’oubli » contenue dans le premier terme de la récidive a été vivement critiquée. En effet, dans son opinion dissidente, le juge Costa estime qu’une nouvelle loi, allongeant le délai entre les deux termes de la récidive, peut s’appliquer à une seconde infraction commise postérieurement à son entrée en vigueur, car « le délinquant, qui connaît ou doit connaître la loi nouvelle, sait à quelles peines il s’expose si, après son entrée en vigueur, il commet une seconde infraction qui le met en état de récidive, donc de circonstances aggravantes in personam » [141]. Cette divergence d’analyse, entre les membres même de la Cour ainsi qu’entre la Cour et la doctrine, s’explique par une différence d’angle de vue : lors de la seconde infraction, la circonstance aggravante de récidive était bien prévisible pour le justiciable ; du point de vue du droit à l’oubli de l’infraction initiale, la loi nouvelle le fait « revivre » et a donc des effets imprévisibles pour le justiciable.
83Le Gouvernement français ayant demandé le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre [142], celle-ci a rendu un arrêt très différent de celui de la première section. La Cour analyse la récidive, comme une circonstance aggravante, in personam de la seconde infraction (§ 46). Elle examine donc l’accessibilité et la prévisibilité du droit au moment de la commission de cette seconde infraction. D’une part, à cette date, l’article 132-9 du code pénal, prévoyant que le maximum des peines est doublé en cas de récidive dans les dix ans à compter de l’expiration de la peine antérieure, était applicable (§ 49). D’autre part, elle observe que la jurisprudence règle depuis longtemps la question de l’appli - cation dans le temps d’une nouvelle loi allongeant le délai entre les deux termes de la récidive : « par une jurisprudence claire et constante depuis la fin du XIXe siècle… la Chambre criminelle de la Cour de cassation décide que lorsqu’une loi institue un nouveau régime de la récidive, il suffit, pour entraîner son application immédiate, que l’infraction constitutive du second terme soit postérieure à son entrée en vigueur » (§ 52). C’est dire si tant le droit d’origine jurisprudentielle que le droit d’origine législative étaient prévisibles au moment des faits considérés et permettaient à M. Achour de régler sa conduite.
84À la lumière de ces données, peut-on considérer que la rétention de sûreté est conforme au principe de légalité criminelle ? De manière traditionnelle, la jurisprudence strasbourgeoise estime que le législateur interne doit « définir clairement les infractions et les sanctions qui les répriment » [143]. En particulier, il est prescrit « qu’appliquée à la sanction, la légalité criminelle signifie qu’il ne saurait exister en guise de sanctions pénales que celles qui ont été prévues et déterminées par la loi, dans leur nature… et dans leur durée » [144]. Alors que la rétention de sûreté répond parfaitement au premier terme de cette exigence (la loi prévoit expressément une privation de liberté), sa limite temporelle ne l’est pas. C’est ce que dispose le nouvel article 706-53-16 du code de procédure pénale en posant le principe d’un éventuel renouvellement illimité. Cela est d’autant plus problématique que comme le rappellent « les juges Zagrebelsky et Tulkens dans une opinion concordante jointe à l’arrêt Stafford c. Royaume-Uni du 28 mai 2002 : “une peine sans limitation de durée, qui est déterminée seulement au cours de son exécution sur la base de critères discrétionnaires…, en référence notamment à des éléments d’évaluations qui ne se rapportent pas au moment de la commission de l’infraction mais qui sont postérieurs à celle-ci, pourrait difficilement être considérée comme prévue par la loi au sens de l’article 7 § 1 de la Convention” » [145]. Néanmoins, d’un point de vue juridique, la rétention de sûreté s’adosse à la commission d’une infraction, ce qui lui permet de répondre à l’exigence conventionnelle d’être rattachée à une « infraction préalablement commise ». En effet, le lien de la rétention de sûreté avec le droit pénal est primordial, « sauf à verser dans une confusion des genres qui reviendrait à assimiler mesures de police administrative et mesures de sûreté au sens strict du terme… La mesure de sûreté est une technique d’adossement à l’infraction, afin d’en prévenir le renouvellement. Par le dispositif qui en fait l’originalité, elle se veut une réponse au crime ou au délit au même titre que la peine. C’est dire que l’infraction tient lieu de référence première, tant pour justifier le prononcé d’une peine au sens classique du terme que pour légitimer une réaction plus préventive, sous forme de précautions de sécurité, de mesures de sûreté. Telle est la caractéristique essentielle de ces mesures, qui sont aujourd’hui une réponse explicite à l’infraction, tout comme les peines l’ont toujours été et le seront toujours. La mesure de sûreté est de ce fait intégrée dans la peine et non pas dissociée de celle-ci, comme elle tend à le devenir aujourd’hui. D’ailleurs, la jurisprudence veille à se séparer du régime des peines toutes les fois qu’elle considère la sanction comme participant de la nature d’une mesure de sûreté » [146].
85Il faut donc s’interroger sur la compatibilité du caractère indéfiniment renouvelable de la rétention de sûreté. Il est établi que la Convention européenne des droits de l’homme ne confère le moindre droit à une libération anticipée, sauf grave détérioration de la santé du détenu [147]. Pourtant, lorsqu’un individu est condamné à une peine d’emprisonnement après avoir été reconnu coupable d’une infraction pénale et que la peine contient un élément indéterminé ou ne fixe pas la durée de la privation de liberté, l’intéressé peut invoquer l’article 5 § 4 afin d’exiger le contrôle de la légalité de son maintien en détention au motif que la justification originelle de l’élément indéterminé de sa peine a éventuellement disparu. Dans l’affaire Van Droogenbroeck, par exemple, le requérant s’était vu infliger deux ans de prison pour vol et avait été mis « à la disposition du gouvernement » pendant dix ans car il était considéré comme présentant « une tendance persistante à la délinquance » et comme représentant donc un danger pour la société. La « tendance persistante » et la « dangerosité sociale » étant « des notions contingentes par essence, qui conduisent à suivre le condamné dans l’évolution de sa personnalité comme de son comportement, afin d’adapter son statut à un changement, favorable ou défavorable des circonstances, le droit du requérant à un contrôle périodique du caractère justifié de sa détention était donc nécessaire » [148]. Après quelques inflexions jurisprudentielles concernant tantôt les mineurs tantôt les majeurs [149], la Cour a désormais une position claire : dans la mesure où le maintien en détention d’une personne, condamnée à une peine potentiellement perpétuelle à l’issue de l’expiration de la période punitive, dépendait d’éléments de dangerosité et de risque associés aux objectifs de la peine initiale – des facteurs eux aussi susceptibles de changer avec le temps – ledit détenu a le droit de faire contrôler l’existence de ces facteurs par un organe judiciaire répondant aux exigences de l’article 5 § 4 [150]. Aussi, une personne condamnée ne saurait voir sa privation de liberté prolongée pour des raisons de dangerosité au motif de l’incapacité des autorités compétentes d’assister médicalement et par des traitements appropriées la personne condamnée [151].
86Peut-on alors invoquer le caractère flou de la notion de dangerosité ? La personne pouvant faire l’objet d’une rétention de sûreté doit présenter « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’elle souffre d’un trouble grave de la personnalité ». Cette notion de dangerosité peut paraître floue car « les approches de cette question sont multiples et parfois contradictoires » [152]. Certes, la loi du 12 décembre 2005 s’y est déjà référée expressément dans la mesure où la dangerosité constitue l’une des conditions du placement sous surveillance judiciaire et sous surveillance électronique mobile des individus libérés à l’issue d’une peine privative de liberté. Néanmoins, ces dispositions [153] n’ont pas pris la peine de définir précisément cette notion.
87Selon la ratio legis, il semble que la dangerosité doit s’entendre dans son acception criminologique et non psychiatrique. Cela implique qu’elle « constitue un phénomène psychosocial caractérisé par les indices révélateurs de la grande probabilité de commettre une infraction contre les personnes ou les biens » [154]. En l’espèce, il s’agit davantage du risque de récidive pour des infractions de même nature et donc de même gravité. Il n’empêche que la CNCDH, dans son avis du 7 février 2008, a précisé que « la prédiction du comportement futur » a un « caractère extrêmement aléatoire » et que « l’évaluation de la dangerosité… » faite par un ou deux experts n’apporte pas davantage que l’état de dangerosité n’est pas définitif, « beaucoup d’études démontrent que la dangerosité n’existe pas isolément d’un contexte ou d’une situation » [155]. Face à cette argumentation, on pourrait répondre que les nombreuses études menées sur les criminels afin de détecter leur dangerosité sont considérées comme très sérieuses : « elles sont même à des années lumières des balbutiements lombrosiens sur les arcades sourcilières ou la pilosité des criminels. Les techniques modernes conduisent désormais à un haut degré de probabilité » [156].
88Reste donc à s’interroger sur l’écueil de la rétroactivité de certaines dispositions. N’oublions pas que si le Conseil constitutionnel a bel et bien prohibé la rétroactivité de la rétention de sûreté, cette censure ne vaut que pour la rétention de sûreté ordonnée directement au terme de l’exécution d’une peine de réclusion criminelle ou consécutive au non-respect des obligations découlant d’un placement sous surveillance de sûreté après non-renouvellement ou cessation d’une rétention de sûreté préalablement subie [157]. En revanche, ainsi que le prévoit l’article 13 III de la loi du 25 février 2008 non invalidé par le Conseil, les dispositions relatives à la rétention de sûreté consécutive au non-respect des obligations imposées au titre d’une surveillance de sûreté succédant à une surveillance judiciaire ou à un suivi socio-judiciaire peuvent s’appliquer de manière rétroactive. C’est sur ce point que devra porter notre attention lorsque la Cour sera saisie. Dans la lignée de la jurisprudence Achour, ces manquements graves permettent d’augurer de la volonté délibérée du délinquant de nuire, ce qui induit le fait générateur de la rétention : dans ce cas bien précis, la position du Conseil nous paraît justifiée dans la mesure où la justice se retrouve face à une personne qui se soustrait à ses obligations légales dont la violation entraîne des conséquences prévisibles : une rétention de sûreté : « fautif et responsable, il en assume les conséquences » [158]. Aussi, c’est bien la privation de liberté propre à la rétention de sûreté qui réduit celle-ci à une application à des faits seulement postérieurs à la loi [159].
89La Cour a souvent l’occasion de rappeler que le principe de non-rétroactivité permet d’assurer « la sécurité et la liberté des citoyens contre les surprises d’une législation qu’ils n’ont pas pu prévoir » [160]. Contrairement à la tradition juridique française, longtemps méfiante à l’égard du juge, la rule of law britannique assigne au juge un rôle éminent. Dans sa conception de la légalité criminelle, la Cour européenne des droits de l’homme admet non seulement que le juge puisse être source de droit pénal, mais également qu’il contribue largement à la précision, la clarté et la prévisibilité du droit. Si la prééminence du droit, dans la jurisprudence conventionnelle, ne reconnaît pas le primat du législateur sur les autres sources du droit, elle insiste en revanche sur le rôle du juge comme garant des droits fondamentaux. La notion de prééminence du droit révèle donc une confiance dans l’institution juridictionnelle que l’on ne retrouve pas, avec autant de force, pour le législateur. La garantie des droits fondamentaux passe davantage par une protection juridictionnelle que par l’attribution d’une compétence normative à une institution « de confiance » [161]. Les fonctions de ces deux pouvoirs ne sont certes pas comparables, et leur différence de traitement tient, pour partie, à l’objet de la Convention qui protège des droits fondamentaux pour lesquels le juge est l’interlocuteur naturel, le plus à même d’en garantir l’exercice individuel.
90Le principe de sécurité juridique devrait-il s’imposer en droit pénal pour permettre aux individus d’agir et de connaître ce qui est prohibé effectivement à un instant précis ? Cette interrogation paraît déconcertante dès lors qu’il existe un principe de même contenu qui rend inutile le principe de sécurité juridique en matière pénale. Le principe de légalité criminelle et le principe de sécurité juridique, envisagés en matière pénale, présentent à l’évidence une identité de contenu. Tous deux peuvent s’analyser comme une des expressions du concept d’État de droit impliquant que les organes de l’État doivent se soumettre aux règles qu’ils fixent. De même, « tous deux tendent effectivement, à promouvoir et à protéger la même notion clef, celle de la prévisibilité du droit par le citoyen, condition pour que celui-ci puisse régler sa conduite en référence au droit, affranchie de toute entrave à sa liberté, libéré de l’incertitude » [162].
91Peut-on donc aller jusqu’à soutenir que le principe de légalité criminelle aurait, en réalité, été supplanté par « un nouveau principe même de notre droit pénal moderne : le principe de sécurité juridique » ? Celui-ci présenterait une plus grande utilité que son homologue : il serait même « plus contraignant pour l’État, plus exigeant et se substitue à celui, vieilli et insuffisant, de légalité criminelle » [163]. Il serait un instrument de « défictivisation » [164] de l’adage « Nul n’est censé ignorer la loi ». Il ferait encore obligation au législateur de rendre le droit accessible et prévisible et celui-ci, ce faisant, s’efforcerait d’édicter un droit pénal correspondant à ce que le citoyen peut légitimement prévoir.
92Au terme de cette analyse et eu égard au régime de la rétention de sûreté, nous pensons que faire la différence entre peine et mesure de sûreté est vain. Certes, la rétention de sûreté concerne davantage la personne et son état (alors que la condamnation dont il a été l’objet vise à réprimer une infraction) ; certes, la rétention apparaît bel et bien comme une mesure postérieure à la durée légale de la peine et non pas liée directement à celle-ci [165]. Néanmoins, il est patent que l’origine même de la rétention porte sur des actes d’une particulière gravité, légalement constatés et jugés, à défaut desquels une rétention de sûreté est impossible, sous peine de revenir à un ersatz de justice totalitaire si bien décrite par H. Donnedieu de Vabres [166].
93En outre, nous ne pouvons qu’approuver les prémices d’une jurisprudence constitutionnelle semblant faire du juge éponyme « le juge de plein exercice de la loi » [167]. S’il nous semble prématuré de spéculer sur une éventuelle condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la rétention de sûreté, tel n’est pas le cas de l’opportunité d’une rationalisation de l’articulation des contrôles de conventionnalité et de constitutionnalité.
94La rétention de sûreté n’est ni totalement une peine (elle repose sur la dangerosité) ni totalement une mesure de sûreté (elle procède d’une infraction : « Elle n’est concevable qu’à raison du crime qui a été précédemment commis et à la condition que la cour d’assises, ayant prononcé la condamnation pour ce crime, en ait affirmé la possibilité future » [168] ). Le Conseil constitutionnel n’est pas un organe politique mais une juridiction qui, malgré le pléonasme, dit le droit. En l’espèce, il l’a bien dit. Son rôle n’est pas de se prononcer sur « la dangerosité » du nouveau dispositif pénal mais de l’encadrer de nos principes constitutionnels fondamentaux. Simplement, si la rétention de sûreté n’est pas la panacée [169], elle n’avait pas à être rétroactive. Il en va du respect desdits principes.
95C’est logiquement que le Conseil a privilégié, en affirmant le contraire, la nature pénale afin de garantir un standard minimum. C’est ce qui fait pencher la balance. Le Conseil a privilégié, sans le dire, le critère de la prévisibilité : pour preuve, il ne sanctionne pas la rétroactivité lorsque, par exemple, la surveillance de sûreté n’est pas respectée. Si la rétention de sûreté n’est pas une peine, elle va au-delà de ce que prévoit une peine. Comment justifier que l’on applique les principes de droit constitutionnel pénal à certaines sanctions pécuniaires prononcées par des autorités administratives indépendantes et pas à une mesure aussi attentatoire aux libertés que la rétention de sûreté ?
96Il ne faut pas oublier pas les enseignements du professeur Pradel pour qui la rétention de sûreté porte sur « la dangerosité ou le risque d’une nouvelle infraction » [170] : là est l’essentiel : une infraction a préalablement été commise. Le jour où le législateur prévoira une mesure de sûreté – peine privative de liberté en l’absence de toute infraction (absolument ante delictum [171] ) – ce qui nous paraît très peu probable, la position du Conseil sera certainement bien diffé rente.
97La logique entre peine (culpabilité) et mesure de sûreté (dangerosité) est certes différente, mais les moyens sont les mêmes : la privation de liberté. Les autres mesures de sûreté plus anciennes ne prévoient que des restrictions de droits, tandis que les premières mesures historiquement prévoyaient des mesures ante delictum. Confronté à une mesure de sûreté aussi assimilable à une peine, le Conseil va appliquer une sorte de « théorie des apparences » : pour le délinquant, la rétention de sûreté serait vécue comme une punition ; pour le justiciable, le syllogisme consistant à lier une mesure (la rétention de sûreté) à sa cause (dangerosité) pour en faire découler un régime (rétroactivité possible), n’est pas opérant. La Cour européenne des droits de l’homme, dans d’autres circonstances, l’a déjà compris.
98C’est dire s’il est possible d’affirmer qu’une mesure n’est pas une punition car elle ne découle pas directement d’une faute et d’en prohiber la rétroactivité dans la mesure où elle en procède en quelque sorte. Qu’on ne s’y méprenne pas, il ne s’agit pas, comme l’affirment certains, « d’une loi venimeuse qui fulmine une sanction privative de liberté indépendamment de tout crime commis… » [172].
99En ce sens le pragmatisme affiché par la Cour européenne des droits de l’homme, dont la manifestation essentielle est de se départir des qualifications juridiques nationales, mérite qu’on se pose une question : dès lors qu’une mesure de sûreté paraît trop contraignante, ne faudrait-il pas inciter le législateur à adopter une qualification idoine ? En effet, il est évident qu’à partir d’un certain seuil de gravité, le Conseil constitutionnel en prohibe la rétroactivité alors qu’elle constitue le principal avantage politique et juridique d’une disposition présentée comme préventive. En d’autres termes, l’interdiction de la rétroactivité semble augurer de l’antinomie – consubstantielle ? – des mesures de sûreté avec la privation de liberté.
100Enfin, la dialectique dangerosité/culpabilité semble nous renvoyer à celle plus ancienne encore, en matière de droits fondamentaux, de régime préventif/régime répressif. Et la « répression de la dangerosité » semble bien s’inscrire dans une sorte de mouvement « préventif » que le Conseil tente de réduire à sa plus simple expression, malgré l’absence de fondement constitutionnel : la prohibition de la rétroactivité d’une mesure n’étant pas une peine. Le seul vrai reproche, alors qu’on pourrait lui adresser, à l’instar du professeur Mathieu, c’est de n’avoir pas fondé sa décision sur une disposition interne pertinente – mais existe-t-elle vraiment ? – ou conventionnelle. Mais, cela est une autre question qui dépasse notre analyse : celle de la remise en cause de la jurisprudence IVG. Et cela est une autre histoire…
Notes
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[1]
Sommaire de la décision, cette Revue, 74, p. 337.
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[2]
V. par exemple : C.C., n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, Couverture maladie universelle, Rec. p. 100; C.C., n° 2002-463 DC du 12 décembre 2002, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, cons. n° 22, Rec. p. 540; C.C., n° 2004-504 DC du 12 août 2004, Loi relative à l’assurance maladie, cons. n° 13,19, Rec. p. 153.
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[3]
C.C., n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, Libre concurrence, cons. n° 21, Rec. p. 145.
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[4]
C.C., n° 91-296 DC du 29 juillet 1991, Maîtrise des dépenses de santé, cons. n° 17, Rec. p. 102.
-
[5]
C.C., n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, précitée, cons. n° 6.
-
[6]
S’agissant des deux autres branches de la sécurité sociale, on rappellera que le Conseil constitutionnel a ajouté aux considérants classiques qui viennent d’être rappelés un autre selon lequel, respectivement : « l’exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 implique la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur de la famille » (C.C., n° 97-393 DC du 18 décembre 1997, Allocations familiales, cons. n° 33, Rec. p. 320); et « l’exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées [du onzième alinéa du Préambule de 1946. implique la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités » (C.C., n° 2003-483 DC du 14 août 2003, Loi portant réforme des retraites, cons. n° 7, Rec. p. 430), ce qui n’est guère plus précis.
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[7]
Saisine du Conseil constitutionnel en date du 27 novembre 2007 par plus de soixante députés et saisine du Conseil constitutionnel en date du 28 novembre 2007 par plus de soixante sénateurs, JO du 21 décembre 2007, p. 20650 et s.
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[8]
Cons. n° 4 de la décision commentée.
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[9]
CE, Ass., 28 mars 1997, Société Baxter, Rec. p. 114.
-
[10]
C.C., n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004, cons. n° 37, Rec. p. 487.
-
[11]
C.C., n° 2004-504 DC du 12 août 2004, Loi relative à l’assurance maladie, précitée, cons. n° 18.
-
[12]
C.C., n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007, Loi ratifiant l’ordonnance du 26 août 2005 relative à l’organisation de certaines professions de santé et à la répression de l’usurpation de titres et de l’exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique, cons. n° 14, JO du 1er février 2007, p. 1946.
-
[13]
Cons. n° 7 de la décision commentée.
-
[14]
V. par exemple, C.C., n° 2004-197 L du 10 juin 2004, Nature juridique de dispositions du code rural et de l’ancien code rural en matière de retraite, Rec. p. 99; J.-E. Schoettl, « Caractère réglementaire des “paramètres quantitatifs” du droit de la sécurité sociale », Petites Affiches, n° 128,28 juin 2004, p. 16-17.
-
[15]
Fixés dans un premier temps par décret, les niveaux et plafonds des franchises pourront à terme être déterminés par l’UNCAM (Union nationale des caisses d’assurance maladie). Celle-ci est également compétente pour déterminer le montant du forfait hospitalier, celui du ticket modérateur, ainsi que celui de la participation forfaitaire sur les actes et consultations instituée par la loi de 2004 relative à l’assurance maladie. Saisi de ce dernier texte, le Conseil constitutionnel avait rejeté le moyen tiré de la violation de l’article 21 de la Constitution en jugeant « qu’en vertu de l’article 21 de la Constitution et sous réserve de son article 13, le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire à l’échelon national; que, cependant, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l’État autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en œuvre une loi dès lors que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d’application que par leur contenu ; considérant que les décisions de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie en matière de participation des assurés interviendront dans des limites fixées par décret en Conseil d’État; que les articles 41,53 et 55 de la loi déférée ne confient dès lors aux organismes concernés ou à leurs dirigeants qu’un pouvoir réglementaire de portée limitée tant par son champ d’application que par son contenu; considérant, par suite, que les griefs tirés de la méconnaissance des articles 21 et 34 de la Constitution doivent être rejetés » (C.C., n° 2004-504 DC du 12 août 2004, pré - citée, cons. n° 40-42).
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[16]
Cons. n° 7 de la décision commentée.
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[17]
C.C., n° 2007-556 DC du 16 août 2007, Loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, cons. n° 40, JO du 22 août 2007, p. 13971.
-
[18]
Sommaire de la décision, cette Revue, 75, p. 608.
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[19]
Loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, JORF, 13 décembre 2005, p. 19152.
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[20]
Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, JORF, 11 août 2007, p. 13466.
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[21]
Loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, JORF, 26 février 2008, p. 3266 et s.
-
[22]
Pour une présentation détaillée de la loi : P. Bonfils, « Commentaire de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental », RSC, avril-juin 2008, p. 392-403; J. Danet, « La rétention de sûreté au prisme de la politique criminelle : une première approche », GP, 2-4 mars 2008, p. 10 et s.; M. Herzog-Evans, « La nouvelle rétention de sûreté : éléments d’analyse. La loi n° 2008-174 du 25 février 2008 ou la mise à mort des principes cardinaux de notre droit », AJ pénal, n° 4, avril 2008, p. 161-171; H. Mastopoulou, « Le développement des mesures de sûreté justifiées par la “dangerosité” et l’inutile dispositif applicable aux malades mentaux. Commentaire de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental », Droit pénal, avril 2008, p. 7-20; P. Mbanzoulou, « La dangerosité des détenus. Un concept flou aux conséquences bien visibles : le PSEM et la rétention de sûreté », AJ pénal, n° 4, avril 2008, p. 171-175; P. Mistretta, « De la répression à la sûreté : les derniers sub-terfuges du droit pénal. À propos de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental », JCP G, n° 9-10,27 février 2008, p. 5-7; J.-L. Senon, C. Manzanera, « Psychiatrie et justice : de nécessaires clarifications à l’occasion de la loi relative à la rétention de sûreté », AJ pénal, n° 4, avril 2008, p. 176-180.
-
[23]
Sur ce courant doctrinal, v. N. Tabert, L’influence du positivisme juridique sur la matière pénale moderne, Crmp F. Boulan, PUAM, Aix-en-Provence, 2007,239 p.
-
[24]
G. Stéfani, G. Levasseur, B. Bouloc, Droit pénal général, Précis, Dalloz, Paris, 2003, 18e éd., n° 479, cité par J.-H. Robert, « Mesure de sûreté », in G. Lopez, S. Tzitzis (dir.), Dictionnaire des sciences criminelles, Dalloz, Paris, 2004, p. 616 et s.
-
[25]
Il s’agit notamment de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Canada.
-
[26]
Nous entendons par là, la tendance « pavlovienne » du législateur à réagir aux affects de l’opinion publique vis-à-vis de l’actualité, pénale notamment.
-
[27]
H. Donnedieu De Vabres, La politique criminelle des États autoritaires, Sirey, Paris, 1938,223 p.
-
[28]
Pour une analyse des mesures les plus récentes, v. J.-H. Robert, « Les murailles du silicium. Commentaire de la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales », Droit pénal, 2006, étude n° 2; « Le plancher et le thérapeute. Commentaire de la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs », Droit pénal, 2007, étude n° 20.
-
[29]
La Cour européenne des droits de l’homme sera appelée très prochainement à préciser sa jurisprudence sur la question de la rétention de sûreté du droit allemand (Mücke c. Allemagne, introduite le 1er juillet 2008).
-
[30]
La dernière réforme date du 13 avril 2007 : la nouvelle législation prévoit que le placement en rétention peut même être ordonné en tenant compte des circonstances caractérisant la grande dangerosité du condamné pourtant déjà perceptible lors du prononcé de la condamnation, si à cette date le prononcé de la rétention n’était pas légalement possible.
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[31]
BVerfGE, 5 février 2004,2 BvR 2029/01 : la Cour a été saisie sur le fondement de l’article 93, al. 1, n° 4 a de la Loi fondamentale aux termes duquel elle « … statue… sur les recours constitutionnels qui peuvent être formés par quiconque estime avoir été lésé par la puissance publique dans l’un des ses droits fondamentaux… ».
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[32]
Pour une analyse de la rétention de sûreté : — sous l’angle de sa compatibilité avec la Convention européenne des droits de l’homme (articles 7 § 1,5 et 3) : J.-P. Céré, « La rétention de sûreté à l’épreuve de la Convention européenne des droits de l’homme », AJ pénal, n° 5, mai 2008, p. 220 et s.; D. Roets, « La rétention de sûreté à l’aune du droit européen des droits de l’homme », D, 2008, n° 47, p. 1840-1847; — sous le prisme du droit pénal et de la procédure pénale : Y. Mayaud, « La mesure de sûreté après la décision du Conseil constitutionnel n°2008-562 DC du 21 février 2008 », D, 2008, n° 20, p. 1359-1366; J. Pradel, « Une double révolution en droit pénal français avec la loi du 25 février 2008 sur les criminels dangereux », D, 2008, n° 15, p. 1000-1012; — dans le cadre de la jurisprudence constitutionnelle : « Note sous décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 », CCC, 2008, n° 24, p. 19-24; « Note sous décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 », GP, 27-28 février 2008, p. 13-15; P. Cassia, « La Constitution malmenée », Esprit, 2008, n° 344, p. 188-190; P. Jan, « Le Président, le Conseil et la Cour, une histoire de Palais de mauvais goût », AJDA, 7 avril 2008, p. 714-716; — en droit comparé : C. A. Kupfberberg, « La Sicherungsverwahrung ou la rétention de sûreté allemande », Droit pénal, mai 2008, p. 12-13; T. Weigend, D. Capitant, F. Feisel, « Droit constitutionnel pénal allemand », RSC, juillet/septembre 2004, p. 688-691.
-
[33]
L’article 1-I introduit un chapitre III intitulé De la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté au titre XIX du livre IV (relatif à la Procédure applicable aux infractions de nature sexuelle) du code de procédure pénale (articles 706-53-13 à 706-53-21).
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[34]
Article 706-53-19 du code de procédure pénale : la commission régionale de la rétention de sûreté peut autoriser une surveillance de sûreté si la rétention de sûreté n’est pas prolongée ou s’il y est mis fin et si la personne présente toujours les risques de commettre les infractions visées à l’article 706-53-13. La surveillance de sûreté comporte des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire de l’article 723-30 du code de procédure pénale, tels que l’injonction de soins et le placement sous surveillance électronique mobile.
-
[35]
Article 706-53-15 du code de procédure pénale : possibilité de recourir à une procédure d’urgence si l’intéressé viole ses obligations légales qu’entraîne la surveillance de sûreté, et lorsque cette violation fait apparaître sa particulière dangerosité caractérisée par la probabilité très élevée de commettre à nouveau les infractions prévues par l’article 706-53-13 du code de procédure pénale.
-
[36]
Article 723-37 du code de procédure pénale : possibilité de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte une personne dans le cadre d’une surveillance judiciaire dès lors qu’elle a commis une infraction entrant dans le champ d’application de la rétention de sûreté. La juridiction régionale (article 706-53-15) peut décider de prolonger les effets de la surveillance judiciaire au-delà de la limite prévue par l’article 723-29 en plaçant la personne sous surveillance de sûreté pour une durée d’un an, avec possibilité de la renouveler sans limite. Article 723-38 du code de procédure pénale : lorsque le placement sous surveillance électronique mobile a été prononcé dans le cadre d’une surveillance judiciaire, à l’encontre d’une personne relevant du champ d’application de la rétention de sûreté, cette mesure pourra être renouvelée aussi longtemps que la personne reste placée sous surveillance judicaire ou sous surveillance de sûreté. Article 763-8 du code de procédure pénale : possibilité de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte une personne dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire, au-delà de la durée prononcée par la juridiction de jugement et des limites prévues par l’article 131-36-1 du code pénal, dès lors que le condamné est susceptible de faire l’objet d’une rétention de sûreté. En particulier, c’est la juridiction régionale de la rétention de sûreté qui décidera de prolonger les effets d’un suivi socio-judiciaire, en plaçant l’intéressé sous une mesure de surveillance de sûreté pour une durée d’un an, avec possibilité de la renouveler. Enfin, le manquement aux obligations imposées peut conduire à un placement en rétention de sûreté.
-
[37]
Sur cette question v. aussi C. Courtin, « La surveillance post-carcérale des personnes dangereuses et l’application de la loi pénale dans le temps », Droit pénal, juillet-août 2008, p. 6-12; B. Mathieu, « La non-rétroactivité en matière de rétention de sûreté : exigence constitutionnelle ou conventionnelle ? À propos de la décision n° 2008-562 DC du Conseil constitutionnel », JCP G, n° 11,12 mars 2008, p. 4-6.
-
[38]
E. Garçon, « Observations sous article 4 », in Code pénal annoté, Sirey, Paris, 1901-1906.
-
[39]
R. Merle, A. Vitu, Traité de droit criminel. Problèmes généraux de la science criminelle. Droit pénal général, Cujas, Paris, 1997,7e éd., n° 250 et s.
-
[40]
Cass. crim., 24 janvier 2006, Bull. crim., n° 25.
-
[41]
Jurisprudence constante depuis : Cass., 11 fructidor an VII, B, 579, S. et P.
-
[42]
Jurisprudence constante depuis : Cass., 25 brumaire an V, B, 367, chron. de D. Lois.
-
[43]
M.L. Rassat, Droit pénal général, coll. Cours magistral, Ellipses, Paris, 2006,2e éd, n° 80.
-
[44]
Décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980, Loi relative à la prévention de l’immigration clandestine et portant modification de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l’office national d’immigration, Rec., p. 29; RJC, p. I-74, JORF, 11 janvier 1980, p. 84; RDP, 1980, p. 1631, comm. de L. Favoreu : le juge constate que les dispositions qui lui sont soumises « ne sont pas relatives à des mesures pénales et ne contreviennent donc pas à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 » (v. plus récemment la décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi relative à l’égalité des chances, JORF, 2 avril 2006, p. 4964, cons. n° 35). Logiquement, le Conseil affirme que les principes constitutionnels issus de l’article 8 de la Déclaration des droits et du citoyen s’appliquent « aux règles concernant la détermination des crimes et délits qu’il (le législateur) crée, ainsi que les peines qui leur sont applicables » (décision n° 98-399 DC du 5 mai 1998, Loi relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile, Rec., p. 245, JORF, 12 mai 1998, p. 7092).
-
[45]
Articles 103 de la Loi fondamentale allemande, 7 de la Constitution grecque du 9 juin 1975,11 de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982,11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948,15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966,7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950…
-
[46]
L. Favoreu, « La constitutionnalisation du droit pénal et de la procédure pénale. Vers un droit constitutionnel pénal », in Droit pénal contemporain. Mélanges en l’honneur d’André Vitu, Éditions Cujas, Paris, 1989, p. 169.
-
[47]
J. Petit, Les conflits de lois dans le temps en droit public interne, Bibliothèque de droit public, tome 195, LGDJ, Paris, 2002, p. 67 : ce phénomène déploie ses effets dans deux directions : d’une part, il renforce les garanties constitutionnelles applicables au droit répressif, et, d’autre part étend ces garanties tantôt à certains types de lois, tantôt aux mesures de sûreté.
-
[48]
Décision n° 80-126 DC du 30 décembre 1980, Loi de finances pour 1981, Rec., p. 53; RJC, p. I-89, JORF, 31 décembre 1980, p. 3242.
-
[49]
Décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982, Loi de finances rectificative pour 1982, Rec., p. 88; RJC, p. I-149, JORF, 31 décembre 1982, p. 4034. En outre, on remarquera que le Conseil semble, par son incise et malgré lui, réserver l’expression « répressives » qu’aux juridictions de l’ordre judiciaire et non aux juridictions administratives statuant en matière répressive. En réalité, nous pensons qu’il s’agit d’une maladresse sémantique. En effet, dans cette décision, le Conseil préfigure l’admission constitutionnelle de « la sanction ayant le caractère d’une punition » prononcée par une autorité de nature non juridictionnelle, posant en cela la question de la nature juridictionnelle ou non des Autorités administratives indépendantes notamment.
-
[50]
Par exemple : décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004, Rec., p. 487; JORF, 31 décembre 2003, p. 22636, cons. n° 11; décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004, Loi relative à l’assurance maladie, Rec., p. 153; JORF, 17 août 2004, p. 14657, cons. n° 24. Simplement peut-on observer que, témoignant peut-être d’une moindre hostilité du juge constitutionnel envers la répression administrative, l’expression « a laissé le soin de » a remplacé celle indiquée dans le texte.
-
[51]
Par exemple : décision n° 99-425 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances rectificative pour 1999, Rec., p. 168, JORF, 31 décembre 1999, p. 20012. V. aussi B. Mathieu, « Les validations législatives devant le juge de Strasbourg. Une réaction rapide du Conseil constitutionnel mais une décision lourde de menace pour l’avenir de la juridiction constitutionnelle. À propos des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme du 28 octobre 1999 et du Conseil constitutionnel 99-422 DC et 99-425 DC », RFDA, 2000, p. 289 : selon cet auteur, cette expression est incorrecte. Il s’agit de la non-rétroactivité des règles relatives aux peines et aux sanctions.
-
[52]
Dans le même ordre d’idées, le Conseil estime que les principes énoncés par l’article 8 de la DDHC concernent également les incapacités attachées par la loi aux peines prononcées par le juge judiciaire ou à certaines décisions administratives : décision n° 93-321 DC du 20juillet 1993, Loi réformant le code de la nationalité, Rec., p. 196; RJC, p. I-529, JORF, 23 juillet 1993, p. 10391; cette Revue, 1993, p. 823, note de X. Philippe.
-
[53]
M. Degoffe, Droit de la sanction non pénale, Economica, Paris, 2000, p. 12 et s.
-
[54]
Aussi, le Conseil constitutionnel évoque parfois le « principe de non-rétroactivité des textes à caractère répressif ». V., par exemple : décision n° 93-332 DC du 13 janvier 1994, Loi relative à la santé publique et à la protection sociale, Rec., p. 21; RJC, p. I-567, JORF, 18 janvier 1994, p. 925; cette Revue, 1994, p. 545, note de P. Gaïa.
-
[55]
Par exemple : décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, Loi de finances pour 1998, Rec., p. 333; RJC, p. I-732; JORF, 31 décembre 1997, p. 19313.
-
[56]
Dans la décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 (précitée), le Conseil constitutionnel, pour décider que les dispositions dont la rétroactivité est critiquée ne portaient pas sur le domaine de l’article 8 de la DDHC, a principalement relevé qu’elles étaient relatives à une garantie de procédure.
-
[57]
G. Cornu - Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, coll. Quadrige, PUF, Paris, 2007,8e éd. : « Incrimination : Mesure… consistant pour l’autorité compétente… à ériger un comportement déterminé en infraction… en déterminant les éléments constitutifs de celle-ci et la peine applicable ».
-
[58]
P. Roubier, Les conflits de lois dans le temps. Théorie dite de la non-rétroactivité, Sirey, Paris, 1933, n° 89 : comme l’auteur le note justement, littéralement, le principe de légalité des infractions et des peines n’énonce pas quelle règle doit définir celle-là et celles-ci : celle du jour de l’infraction ou celle du jour du jugement. Aussi, constate-t-il que l’histoire et le but du principe – « empêcher que le délinquant soit victime de l’arbitraire du pouvoir, c’est-à-dire ici d’un changement de législation » – désignent clairement la première.
-
[59]
CE, 9 octobre 1996, Sté. Prigest, Dr. Adm., 1997, n° 2, note D. P.
-
[60]
A. Guinchard, Les enjeux du pouvoir de répression en matière pénale. Du modèle judiciaire à l’attraction d’un système unitaire, Bibliothèque des sciences criminelles, tome 38, LGDJ, 2003, 663 p.
-
[61]
G. Roujou De Boubée, « Panorama. Droit pénal. Notions de loi plus sévère », D, 2007, p. 401 : « En réalité, de plus en plus à l’heure actuelle dans la résolution des conflits de lois dans le temps, la distinction, parfois artificielle, entre loi de fond et loi de procédure est appelée à s’effacer au profit de la distinction entre loi plus sévère et loi plus douce ». L’incertitude gravitant autour de la notion est d’autant plus problématique qu’elle est susceptible de porter atteinte aux principes constitutionnels régissant le prononcé d’une sanction. Pour la première fois, un arrêt du 17 novembre 2006 du Conseil d’État ( CE sect., 17 novembre 2006, Sté CNP assurances, JCP A, 2006, act. 1032, obs. de M.-C. Rouault) reprend mot pour mot les dispositions du code pénal et les applique aux sanctions administratives. Le juge administratif fait sienne l’idée qu’une loi de procédure a pour but une meilleure administration de la justice. Le législateur est libre de déroger à la règle de l’effet immédiat et prévoir une survie de la règle ancienne : seule la non-rétroactivité de la loi pénale de fond est un principe constitutionnel. Le Conseil d’État semble en outre admettre la légalité de dérogations réglementaires lorsqu’il précise que le principe d’application immédiate des règles répressives de forme s’applique « réserve faite du cas où il en serait disposé autrement ».
-
[62]
En ce qui concerne les règles de prescriptions en matière répressive, a priori, cette extension semble ne présenter qu’un faible intérêt au regard du droit public (v. J. Mourgeon, La répression administrative, coll. Bibliothèque de droit public, LGDJ, Paris, 1967, 643 p.). De son côté, l’article 72 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité « modifie enfin » (Dixit la circulaire criminelle 04-16-E8 du 14 mai 2004, in Code Pénal, Dalloz, Paris, Édition 2008,105e éd., sous arti - cle 112-2) le 4° de l’article 112-2 du code pénal relatif à l’application dans le temps des lois de prescription qui prévoyait que la loi nouvelle n’était pas applicable immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur si elle avait pour résultat d’aggraver la situation de l’intéressé. Ce principe de non-application immédiate ne répondait à aucune exigence constitutionnelle. La loi supprime donc la règle interdisant l’application immédiate des lois de prescriptions quand elles auraient pour résultat d’aggraver la situation de l’intéressé. En revanche, une prescription plus longue ne peut bien sûr pas rouvrir une prescription déjà acquise. Dans les deux cas (action publique et peines), la Cour de cassation a toujours établi le principe selon lequel les prescriptions définitivement acquises ne pouvaient revivre (Cass. crim., 3 novembre 1994, Bull. crim., n° 349). Le principe ne peut souffrir qu’une exception, l’existence d’une loi interprétative ou déclarative. Cette solution a été reprise par le Conseil constitutionnel qui, par la décision n° 88-250 DC du 29 décembre 1988 (Loi de finances rectificative pour 1988, Rec., p. 267; RJC, p. I-346, JORF, 30 décembre 1988, p. 16700), a rappelé que le principe de non-rétroactivité prévu à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « interdit de faire renaître… une prescription légalement acquise » (cons. 6). En effet, la renaissance d’une prescription revient, en fait, à créer une nouvelle infraction rétroactive dans son principe même. Si le juge constitutionnel impose qu’une peine ne puisse être infligée qu’à la condition que soient respectés les principes de droit constitutionnel pénal, peut-on considérer que les lois de prescription de l’action publique appartiennent aux conditions d’infliction des peines dans la mesure où, par essence, elles commandent le déclenchement même des poursuites ? Dans l’affirmative, ces lois doivent, ou plutôt, devaient, obéir aux règles constitutionnelles susvisées.
-
[63]
F. Desportes, F. Le Gunehec, Droit pénal général, Corpus Droit privé, Economica, Paris, 15e éd., 2008, Paris, n° 330. Alors que la Cour de cassation semble se sentir liée par le caractère rétroactif que le législateur entend expressément donner à des dispositions interprétatives (Cass. crim., 12 janvier 2000, Bull. crim., n° 20; Dr. pén., 2000, n° 71), il apparaît de plus en plus évident que souvent ce caractère rétroactif ne semble pas aller de soi, si nous le rapportons à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’est dire si le lien unissant le texte interprété et l’interprétation ne peut ipso facto couvrir une éventuelle inconstitutionnalité. Le législateur disposant d’un pouvoir discrétionnaire dans la détermination du caractère interprétatif d’une loi, pourrait « céder à la tentation d’ajouter quelque chose de nouveau à la loi interprétée, et aboutir à une rétroactivité déguisée » (R. Merle, A. Vitu, op. cit., n° 269). Bien que le Conseil constitutionnel, s’il est saisi, soit le seul à même de qualifier une loi d’interprétative ou non et d’en déterminer le régime d’application dans le temps, la Cour de cassation peut refuser d’appliquer un texte « suspect » (Cass. crim., 16 mars 1999, Bull. crim., n° 40; RSC, 1999, p. 810, cité par F. Desportes, F. Le Gunehec, op. cit., n° 329).
-
[64]
R. Schmelck, « La distinction entre la peine et la mesure de sûreté », in La Chambre criminelle et sa jurisprudence. Recueil d’études en hommage à Maurice Patin, Cujas, Paris, 1966, p. 182.
-
[65]
M. Ancel, « La peine dans le droit classique et selon les doctrines de la défense sociale », RSC, 1973, p. 190.
-
[66]
En ce qui concerne ces différents arguments, v. S. Sciortino-Bayart, Recherches sur le droit constitutionnel de la sanction pénale, thèse Droit, Aix-Marseille III, 2000,470 p.
-
[67]
Décision n° 78-98 DC du 22 novembre 1978, Loi modifiant certaines dispositions du code de procédure pénale en matière d’exécution des peines privatives de liberté, Rec., p. 33; RJC, p. I-63, JORF, 23 novembre 1978, p. 4411; RDP, 1979, p. 1686, obs. de L. Favoreu.
-
[68]
Il faut relever que dans cette décision, le Conseil fait une différence entre la « décision » prononçant la peine et la « décision » relative aux modalités d’exécution de la peine. En réalité, le Conseil ne se prononce pas sur la peine et la mesure d’exécution, mais sur les décisions prononçant ces mesures.
-
[69]
Décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986, Loi relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance, Rec., p. 130; RJC, p. I-278, JORF, 5 septembre 1986, p. 10788.
-
[70]
Soient les principes de légalité des délits et des peines, de nécessité et de non-rétro-activité de la loi pénale.
-
[71]
Pour le Conseil, l’article 8 de la Déclaration « ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives, mais s’étend à la période de sûreté qui, bien que relative à l’exécution de la peine, n’en relève pas moins de la décision de la juridiction de jugement qui, dans les conditions déterminées par la loi, peut en faire varier la durée en même temps qu’elle se prononce sur la culpabilité de l’accusé… » (cons. 3 et 23). Ici, le Conseil insiste sur le « moment » de la décision : certes, la période de sûreté concerne les modalités d’exécution de la peine, mais à partir du moment où c’est la juridiction de jugement qui se prononce, en même temps sur les modalités d’exécution de la peine et sur la peine elle-même, ces deux décisions ont un lien ténu avec la culpabilité. Ce qui compte est donc le moment du prononcé des mesures et le lien qu’elles ont avec la culpabilité. À ce stade, la différence entre dangerosité et culpabilité s’estompe : le crime est tellement grave que le délinquant est jugé présentement coupable mais aussi présentement et à l’avenir potentiellement dangereux : il s’agit bien d’un jugement à la fois de constat mais aussi de prospection. Cette exigence de moment du prononcé de la peine sera reprise dans la décision n° 2008-562 DC.
-
[72]
Parmi lesquels N. Molfessis, Le Conseil constitutionnel et le droit privé, Bibliothèque de droit privé, tome 287, LGDJ, 1997, n° 258.
-
[73]
L. Favoreu, article précité, p. 186.
-
[74]
En effet, le Conseil observe que « l’article 12 de la loi a pour effet de subordonner la possibilité pour le juge de l’application des peines de demander à la chambre d’accusation de mettre fin à l’application de toute ou partie du régime de la période de sûreté lorsqu’il s’agit de personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité… et que l’intéressé présente des gages sérieux de réadaptation sociale, à la condition qu’il ait subi une incarcération d’une durée au moins égale aux deux tiers de la période de sûreté… ».
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[75]
« Inflexion » dans la mesure où il ne s’agit pas d’un « revirement-modification » mais d’une précision de la part du juge constitutionnel.
-
[76]
F. Luchaire, La protection constitutionnelle des droits et libertés, Economica, Paris, 1987, p. 401 : « Lorsque les modalités d’exécution de la peine sont déterminées par la juridiction de jugement, elles doivent être assimilées à la peine elle-même puisqu’elles dépendent du degré de culpabilité retenu par le juge ».
-
[77]
Plus loin, aux considérants 23 et 24, le Conseil a recours à une réserve d’interprétation. Celle-ci neutralise l’application potentiellement rétroactive de la loi. Pour le juge constitutionnel, la loi prévoyant sa mise en application immédiate, doit être entendue, s’agissant du nouveau régime des mesures de sûreté, « conformément au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, … qu’au regard de la législation en vigueur à la date des faits » susceptibles de donner lieu à la répression pénale.
-
[78]
Décision n° 93-334 DC du 20 janvier 1994, Loi instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale, Rec., p. 27; RJC, p. I-573, JORF, 26 janvier 1994, p. 1380.
-
[79]
Alors que le premier pose la circonstance aggravante pour l’assassinat commis sur un mineur de 15 ans, précédé de viol ou d’actes de barbarie, le second est relatif au meurtre, et étend le régime de la période de sûreté incompressible à la circonstance aggravante d’un meurtre de mineur de 15 ans accompagné de viol ou d’actes de barbarie. Il faut bien noter que c’est à la cour d’assises de se prononcer par décision spéciale.
-
[80]
« Considérant que les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s’étendent au régime des mesures de sûreté qui les assortissent… ».
-
[81]
En effet, doit-il s’étendre à l’ensemble des lois nouvelles qui s’appliquent aux mesures d’exécution des peines ? Si la réponse est positive, le régime d’application de certaines lois de procédure pourrait se voir modifier substantiellement.
-
[82]
Cet article prévoit que « sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur : … 3° les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines; toutefois, ces lois, lorsqu’elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur… ».
-
[83]
F. Desportes, F. Le Gunehec, op. cit., n° 361 : « Cette généralisation n’était pourtant pas commandée par la décision du Conseil constitutionnel. Si l’application rétroactive de l’aggravation de la période de sûreté a été prohibée par la Haute juridiction, c’est précisément parce que cette mesure n’est pas une mesure d’exécution de la peine, mais un élément de la peine elle-même, son prononcé supposant une appréciation de la culpabilité du prévenu ». Cette décision signifiait donc, non que toutes les mesures relatives à l’exécution des peines devaient être soumises aux règles applicables aux lois de fond, mais que certaines mesures d’exécution étaient en réalité des lois de fond, devant, comme telles, être soumises au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
-
[84]
Surtout, l’article 112-2 est d’autant plus en osmose avec la jurisprudence constitutionnelle « qu’il va plus loin dans la protection que ce qu’elle avait ou aurait préconisé » (M.-L. Rassat, op. cit., n° 176). Cependant, la difficulté pourrait résider dans l’appréciation du caractère plus doux ou plus sévère des dispositions en cause et dans la qualification idoine d’une mesure comme « mesure d’exécution de la peine » (v. par exemple, Cass. crim., 12 décembre 1995, Bull. crim., n° 376).
-
[85]
Décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005, Loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, Rec., p. 153, JORF, 13 décembre 2005, p. 19162.
-
[86]
Pour un commentaire autorisé de la décision, v. J.-E. Schoettl, « La loi sur le traitement de la récidive des infractions pénales devant le Conseil constitutionnel », GP, 18-20 décembre 2005, p. 13.
-
[87]
L’article 13 de la loi, relève le Conseil, « insère dans le code de procédure pénale des dispositions instituant un régime de surveillance judiciaire qui permet, à leur libération, de soumettre des condamnés présentant un risque élevé de récidive à diverses obligations, notamment le placement sous surveillance électronique mobile ». De son côté, la loi détermine les modalités d’application dans le temps de cet article 13 en distinguant deux cas de figure. D’une part, l’article 42 prévoit « l’application de la surveillance judiciaire aux personnes condamnées à une peine privative de liberté pour des faits commis antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi et dont le risque de récidive est constaté après celle-ci ». D’autre part, l’article 41 alinéa 1 autorise le placement sous surveillance électronique, dans le cadre de la surveillance judiciaire, « de personnes condamnées à une peine privative de liberté, assortie d’un suivi socio-judiciaire, pour des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi ».
-
[88]
N’oublions pas que le ministre de la Justice d’alors (Pascal Clément), admettant publiquement que la rétroactivité du port du bracelet électronique pour les délinquants sexuels comportait « un risque d’inconstitutionnalité », avait invité les parlementaires à courir le risque avec lui : « il leur suffira, dit-il, de ne pas saisir le Conseil constitutionnel et ceux qui le feront prendront sans doute la responsabilité politique et humaine d’empêcher la nouvelle loi de s’appliquer au stock des détenus ». Dans un rappel à l’ordre immédiat, le président du Conseil (Pierre Mazeaud) répliqua que « le respect de la Constitution n’est pas un risque mais un devoir ».
-
[89]
Décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982, précitée; décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987, Loi de finances pour 1988, Rec., p. 63; RJC, p. I-324, JORF, 31 décem - bre 1987, p. 15761.
-
[90]
Décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986, précitée, cons. n° 22-24.
-
[91]
V. les considérants n° 10,11,12 et 15 : le principe de non-rétroactivité de la loi répressive plus sévère ne s’applique qu’aux peines et aux sanctions ayant le caractère d’une punition. Dès lors, le législateur a pu, sans méconnaître ce principe, prévoir l’application du nouveau régime de la « surveillance judiciaire » à des personnes condamnées pour des faits commis antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. D’une part, en effet, la surveillance judiciaire, qui permet de soumettre, à sa libération, un condamné présentant un risque élevé de récidive à diverses obligations, notamment le placement sous surveillance électronique mobile, est limitée à la durée des réductions de peine dont bénéficie ce condamné et constitue une modalité d’exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction de jugement. D’autre part, ordonnée par la juridiction de l’application des peines, y compris lorsqu’elle comprend un placement sous surveillance électronique mobile, la surveillance judiciaire repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité et a pour seul but de prévenir la récidive. Elle ne constitue ainsi ni une peine ni une sanction.
-
[92]
M. Ancel, Les mesures de sûreté en matière criminelle, Rapport présenté au nom de la Commission spéciale d’études de la Commission internationale pénale et pénitentiaire, Melun, 1950, p. 161.
-
[93]
F. Rouvillois, « La notion de dangerosité devant le Conseil constitutionnel », D, 2005, n° 14,2006, p. 969. V. aussi le considérant n° 19.
-
[94]
J.-F. Burgelin, Santé, justice et dangerosités, pour une meilleure prévention de la récidive, Rapport au Premier ministre, Commission Santé-Justice, juillet 2005, p. 71 : « Les mesures de sûreté sont d’une nature différente de la peine. En effet, la peine est une sanction édictée par la loi et prononcée par une juridiction pénale, et dont l’objectif est de réprimer la commission d’une infraction… Imposée dans un but de défense sociale, par les magistrats, la mesure de sûreté est, quant à elle, dépourvue de tout but répressif. Elle est destinée à prévenir le risque de réitération ou de récidive grâce à la resocialisation de la personne, sa soumission à un traitement ».
-
[95]
M. Ancel, « La peine dans le droit classique et selon les doctrines de la défense sociale », RSC, 1973, p. 191.
-
[96]
F. Rouvillois, op. cit., p. 969.
-
[97]
Observons que, dans le cadre du suivi socio-judiciaire de l’article 19 de la loi du 12décembre 2005, le placement sous surveillance électronique peut être ordonné par la juridiction de jugement. Dans ce cas, il s’agira bien d’une peine. La question ne se posait pas au Conseil, lesdites mesures n’étant pas, elles, d’application immédiate. D’ailleurs, la Cour de cassation (Cass. crim., 2 septembre 2004, Bull. crim., n° 197; D, 2004, IR, p. 2623) a considéré que le suivi socio-judiciaire prévu par la loi du 17 juin 1998 avait bien le caractère d’une peine. Le Conseil considère pragmatiquement que ce qui relève de la juridiction de jugement est soumis à l’article 8 à partir du moment où le lien avec la culpabilité est prégnant.
-
[98]
Rétention de sûreté en l’espèce mais la répression et la prévention pourront prendre des visages inédits; raison pour laquelle, en ce domaine, la saisine du Conseil constitutionnel est primordiale.
-
[99]
Dans le même ordre d’idées, dès 1973, il prévient, dirons-nous, par une phrase incidente, qu’il revient au seul législateur, etnon au pouvoir réglementaire, de prévoir des peines privatives de liberté alors que dès 1958, l’article 34 de la Constitution a admis la compétence réglementaire en matière contraventionnelle quand bien même elle instituerait des peines privatives de liberté : décision n° 73-80 L du 28 novembre 1973, Nature juridique de certaines dispositions du code rural, de la loi du 5 août 1960 d’orientation agricole, de la loi du 8août 1962 relative aux groupements agricoles d’exploitation en commun et de la loi du 17décem - bre 1963 relative au bail à ferme dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, Rec., p. 45; RJC, p. II-57, JORF, 6 décembre 1973, p. 12949 : « … considérant qu’il résulte des dispositions combinées du Préambule, des alinéas 3 et 5 de l’article 34 et de l’article 66 de la Constitution, que la détermination des contraventions et des peines qui leur sont applicables est du domaine réglementaire lorsque les dites peines ne comportent pas de mesures privatives de liberté… ».
-
[100]
Pour une analyse pertinente sur ce point, v. R. Bousta, « Une avancée a minima ? (À propos de la décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental »), LPA, n° 121, 17 juin 2008, p. 7-12.
-
[101]
Que si l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes ne suffit pas à prévenir la commission des crimes visés à l’article 706-53-13 du code de procédure pénale et si, d’autre part, elle « constitue l’unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions » (article 706-53-14).
-
[102]
Article 706-53-20, alinéa 1er du code de procédure pénale.
-
[103]
J.-P. Feldman, « Un Minority Report à la française ? La décision du 21 février 2008 et la présomption d’innocence », JCP G, n° 16, avril 2008, II, 10777, p. 40, citant d’ail - leurs le Président de la République.
-
[104]
Pour une approche relativement critique : F. Rome, « Il était une loi… », D, 2008, p. 529; A. Salles, « Le droit pénal français bascule vers la défense sociale », Le Monde, samedi 23 février 2008, p. 10; J.-D. Bredin, F. Sureau, « Rétention de sûreté, de quel droit ? », Le Monde, vendredi 22 février 2008, p. 19; B. Lavielle, « Une peine infinie (libres propos sur la rétention de sûreté) », GP, 2-4 mars 2008, p. 2-9; « La rétention de sûreté : observations du Conseil National des Barreaux, de la Conférence des Bâtonniers, du Barreau de Paris et de l’USM devant le Conseil constitutionnel », Le nouveau pouvoir judiciaire, n° 380, mars 2008, p. 24-33; P. Conte, « Aux fous ? », Droit pénal, avril 2008, p. 1-2.
-
[105]
En outre, les auteurs des saisines critiquaient cette mesure au regard des principes de la présomption d’innocence et de nécessité des peines. Sur ces deux points, v. notamment, F. Chaltiel, « La réforme de la justice devant le Conseil constitutionnel : la loi, encadrée, dans l’ensemble validée, partiellement censurée (À propos de la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2008) », LPA, 20 mars 2008, n° 58, p. 3-9; R. Bousta, op. cit. et J.-P. Feldman, op. cit.
-
[106]
Et a fortiori la surveillance de sûreté.
-
[107]
Cette position, quant à la nature non répressive de la rétention de sûreté, induit le rejet du grief portant sur la présomption d’innocence. En outre, le juge constitutionnel considère qu’eu égard à l’extrême gravité des crimes visés et à l’importance de la peine prononcée par la cour d’assises, le champ d’application de la rétention de sûreté apparaît en adéquation avec sa finalité, et que le réexamen chaque année de la rétention et ses modalités constituent des garanties adaptées pour réserver la rétention de sûreté aux seules personnes particulièrement dangereuses parce qu’elles souffrent d’un trouble grave de la personnalité. Il affirme aussi que le principe de nécessité n’est pas violé car les conditions de cette mesure garantissent que « la rétention de sûreté n’a pu être évitée par des soins et une prise en charge pendant l’exécution de la peine », mais il précise, dans une réserve d’interprétation, « qu’il appartiendra, dès lors, à la juridiction régionale de la rétention de sûreté de vérifier que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, de la prise en charge et des soins adaptés au trouble de la personnalité dont elle souffre ». Le principe de la rétention de sûreté est donc validé, à l’instar des dispositions relatives à l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
-
[108]
Considérant n° 10. En ce sens, v. G. Roujou de Boubée, « Les rétentions de sûreté », D, 2008, n° 7, p. 464 : « En réalité, si la rétention est bien une mesure de sûreté, son particularisme commande, ici encore, de la soumettre au régime des peines. C’est là, on s’en rend compte, restreindre l’efficacité immédiate de la loi, mais le respect de certains principes fondamentaux est à ce prix ».
-
[109]
Si la personne n’exécute pas ses obligations dans le cadre d’une surveillance de sûreté et que cela révèle à nouveau sa « particulière dangerosité » et un risque très probable qu’elle commette à nouveau l’une des infractions de l’article 706-53-13 du code de procédure pénale, alors, jusqu’au 1er septembre 2008, elle pourra être placée dans un établissement visé à l’article L. 6141-15 du code de la santé publique, soit l’une de ces structures qui accueillent déjà des personnes incarcérées.
-
[110]
À ce titre, il est intéressant de connaître (ce qui relève d’un pénaliste, spécialiste des crédits et remises de peines – CRP – et autres réductions supplémentaires de peines – RSP ) les « pronostics » tendant à prévoir les premières applications concrètes de la rétention de sûreté pour les personnes ayant commis une infraction à partir du 29 février 2008 : M. HerzogEvans, op. cit., p. 166 : il s’agirait, à peu de choses près, de 2019.
-
[111]
Article 723-37 du code de procédure pénale (article 1er de la loi).
-
[112]
Article 763-8 du code de procédure pénale (article VII de l’article 1 de la loi).
-
[113]
Article VI de l’article 1 de la loi.
-
[114]
Article 706-53-19 du code de procédure pénale.
-
[115]
Qui prévoit l’application immédiate « à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur… » des « lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines ».
-
[116]
Ayant pour conséquence, pour le délinquant, « l’interdiction de s’absenter de son domicile et de tout autre lieu désigné par le juge en dehors des périodes fixées par celui-ci » (v. plus précisément l’article 723-30-4° du code de procédure pénale). En outre, la loi rattache cette nouvelle contrainte à trois séries de mesures : la SJPD de l’article 723-30 du code de procédure pénale, le SSJ de l’article 13-I de la loi ainsi que la surveillance de sûreté (article 13-I). Aussi, elle sera doublée d’un PSEM.
-
[117]
Il s’agit là d’un manque de lisibilité et de cohérence de la loi dans la mesure où cette disposition n’a pas été insérée au droit commun de l’article 132-45 du code pénal portant sur les obligations spéciales des mesures de sûreté.
-
[118]
Article 13-I de la loi. Il y a bel et bien rétroactivité au regard de la date de condamnation de ces criminels ainsi que de la date des faits qu’ils ont pu commettre.
-
[119]
Article 13-VI.
-
[120]
Ce qui a pour conséquence qu’elles se prononcent, en général, avec cette idée d’adapta tion.
-
[121]
V. Lamanda, Amoindrir les risques de récidive criminelle des condamnées dangereux. Rapport à M. le Président de la République, 30 mai 2008. Plus précisément, le Président de la République est allé jusqu’à demander d’examiner « la situation née de la décision du Conseil constitutionnel et [de faire. toutes propositions utiles d’adaptation de notre droit pour que les condamnés exécutant actuellement leur peine et présentant les risques les plus grands de récidive puissent se voir appliquer un dispositif tendant à l’amoindrissement de ces risques ».
-
[122]
Ce qui lui avait permis de ne pas lui appliquer le principe de non-rétroactivité dans la décision du 9 décembre 2005.
-
[123]
V. « La rétention de sûreté : observations du Conseil national des Barreaux, de la Conférence des bâtonniers, du Barreau de Paris et de l’USM devant le Conseil constitutionnel », Le nouveau pouvoir judiciaire, n° 380, mars 2008, p. 29.
-
[124]
B. Mathieu, op. cit., p. 4.
-
[125]
M. Jéol, « Les techniques de substitution », in La Cour de cassation et la Constitution de la République, PUAM, Aix-en-Provence, 1995, p. 72.
-
[126]
B. Mathieu, op. cit., p. 5. Et l’auteur de poursuivre : « En effet, on comprend mal que les exigences qui résultent de ce principe soient applicables en matière contractuelle ou fiscale, mais ne le soient pas s’agissant d’une disposition qui peut conduire à la rétention à vie d’un individu. Aurait pu également être invoquée la sûreté, implicitement évoquée à l’article 66 C, et expressément visée à l’article 2 DDHC, à la fois en ce qu’elle implique l’intervention de l’autorité judiciaire et en ce qu’elle constitue une application du principe de sécurité juridique en matière de mesures de police, lato sensu ».
-
[127]
Pour l’analyse desdits considérants : F. Chaltiel, article précité; R. Bousta, article précité. En ce qui concerne une étude axée sur le principe de la présomption d’innocence : J.-P. Feldman, article précité.
-
[128]
F. Pollaud-Dulian, « À propos de la sécurité juridique », RTD Civ., 2001, p. 489.
-
[129]
B. Mathieu, op. cit., p. 5.
-
[130]
Qui se traduisent éminemment en l’espèce par l’absence de fondement constitutionnel exprès permettant au Conseil d’appliquer, sans acrobatie juridique, le principe de non-rétroactivité même en l’absence de sanction ayant le caractère d’une punition.
-
[131]
Nous pensons ici particulièrement à la répression administrative exercée par les juridictions administratives ainsi qu’aux pouvoirs de sanctions des autorités administratives indépendantes.
-
[132]
Pour une illustration récente : Cour EDH, 24 mai 2007, Dragotoniu et Militaru Pidhorni c. Roumanie, req. n° 77193/01, § 34.
-
[133]
P. Rolland, « Article 7 », in L.-E. Pettiti, E. Decaux, P.-H. Imbert (dir.), La Convention européenne des droits de l’homme. Commentaire article par article, Economica, Paris, 1999, 2e éd., p. 294.
-
[134]
M. Delmas-Marty, « Le paradoxe pénal », in Libertés et droits fondamentaux, coll. Essais, Le Seuil, Paris, 1996, p. 372.
-
[135]
D. Roets, « La rétention de sûreté à l’aune du droit européen des droits de l’homme », D, 2008, n° 47, p. 1840-1847 : l’auteur s’attache à prospecter sur la compatibilité de la rétention de sûreté avec les articles 7,3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme. Seule la question de la rétroactivité retiendra notre attention. Pour l’auteur (op. cit., p. 1842), « si la Cour devait retenir la qualification de peine, elle devrait logiquement considérer que l’application rétroactive de ces dispositions viole l’article 7 § 1… ». Précisons qu’en cela la position générale du Conseil s’inscrit dans cette analyse. Cependant, il faut rappeler que le Conseil n’a pas proscrit l’application rétroactive d’une partie des dispositions (article 13 III de la loi notamment : rétention de sûreté consécutive au non-respect des obligations imposées au titre d’une surveillance de sûreté succédant à une surveillance judiciaire ou à un suivi socio-judiciaire).
-
[136]
La Cour a très rapidement signifié que l’article 7 de la Convention ne valait que pour les infractions pénales et ne visait que la loi pénale. L’applicabilité de l’article 7 est donc écartée dès lors que n’est pas en cause une condamnation pénale. La détermination de ce qui est ou non « pénal » est alors définie par référence à la notion de « peine » de l’article 7 qui revêt, au même titre que la « matière pénale » un sens autonome. Afin de rendre effective la garantie offerte, la Cour prend toute liberté « pour aller au-delà des apparences » et apprécier elle-même si une mesure particulière s’analyse au fond en une « peine au sens de cette clause ». Elle retient comme critères de la « peine » des critères qui, outre le lien avec une condamnation pour « une infraction » sont, pour l’essentiel, transposés de la matière pénale. L’article 7, dans son paragraphe 1er utilise les mots « infraction » et « peine ». Nous ne sommes évidemment pas loin de la « matière pénale » visée par l’article 6. On ne peut donc s’étonner que, pour savoir si l’on est en présence d’une « peine » au sens de l’article 7, les organes de Strasbourg suivent une démarche inspirée de celle qui délimite la « matière pénale » au sens de l’article 6.
-
[137]
Sur ce point, v. D. Roets, op. cit., p. 1842-1843 : tout au long d’une concise mais précise et convaincante démonstration, l’auteur s’attache à anticiper par analogie la vision autonome et pragmatique de la Cour quant à la matière pénale. La rétention de sûreté n’en revêtirait pas tous les oripeaux, c’est-à-dire : mesure imposée à la suite d’une condamnation, nature, but, qualification en doit interne, gravité et nature de la procédure suivie. Si la qualification juridique interne (en l’occurrence la qualification retenue par le législateur – par nature partisane –) n’est pas un argument péremptoire, la nature de la procédure suivie (« procédures associée à son adoption et à son exécution »), ainsi que son but (prévenir la récidive d’individus dangereux) ne plaident pas en faveur d’une qualification pénale. En revanche, il ne fait pas de doute que sa possibilité devant être prévue par la cour d’assises, sa nature (peine privative de liberté) et sa gravité (elle peut être renouvelée indéfiniment) vont dans le sens de la solution inverse. Nous n’entreprendrons une analyse similaire, que nous approuvons du reste, mais insisterons davantage sur la prévisibilité ou non de la rétention de sûreté, gage d’une non-violation de l’article 7.
-
[138]
Cour EDH, 10 novembre 2004, Achour c. France, req. n° 67335/01, RSC, 2005, p. 630, obs. de F. Massias; D. Roets, « De la résolution des conflits de lois pénales relatives à la récidive : la CEDH piégée par le temps ? », D, 2005, jurisprudence, p. 1203, JCP, 2005, I, 103, obs. de F. Sudre; D. Zerouki-Cottin, « La CEDH et la récidive : prévisibilité n’est pas sécurité », D, 2006, jurisprudence, p. 53.
-
[139]
Y. Mayaud, op. cit., p. 1362.
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[140]
Mettant l’accent sur le premier terme de la récidive, c’est-à-dire l’infraction originelle, il prétend que la « récidive est une manière d’imposer une conduite irréprochable à ceux qui ont commis une infraction d’une certaine gravité, par le biais d’une sorte de mise à l’épreuve que constitue le risque de voir la peine encourue aggravée en cas de réitération » (§ 29). Par ce mécanisme, « le condamné peut revendiquer un droit à l’oubli lorsque le délai prévu… est expiré » (§ 30). Or, en appliquant le nouveau délai de récidive, plus long, lors du jugement de la seconde infraction, les juridictions françaises ont dans le même temps fait revivre un état de récidive légale qui, du point de vue de l’infraction initiale, était en quelque sorte prescrit depuis plusieurs années. Finalement, les juges revenaient sur un droit à l’oubli acquis depuis longtemps. En outre, l’intéressé estime qu’il s’agit « d’une remise en cause de l’extinction pure et simple du premier terme de la récidive par l’application rétroactive du nouveau code pénal » (§ 30). Néanmoins, si l’on se focalise sur son second terme, soit la deuxième infraction commise, la récidive s’analyse plutôt comme une circonstance aggravante de la peine applicable à la seconde infraction. Selon le gouvernement français, le délai légal plus long s’applique donc au second terme et n’est pas rétroactif : le requérant a « agi en pleine connaissance de cause » (§ 22) lorsqu’il a commis cette seconde infraction en 1995 : le nouveau code pénal étant entré en vigueur en 1994, il « savait ce qu’il risquait » (§ 22).
-
[141]
Opinion dissidente du juge Costa, point 14. Bien plus, le juge rappelle que « la Convention n’empêche évidemment pas les États, dans le cadre de leur politique criminelle, de renforcer la répression de certains crimes ou délits, en fonction de la transformation de la criminalité et de la nécessité d’une réaction sociale » (point 15). En outre, à l’instar de F. Sudre (in JCP, 2005, I, chron., 103, n° 6), est soutenable l’idée selon laquelle l’application de la loi pénale dans cette affaire « répondait bien à l’exigence de légalité fixée par la jurisprudence européenne puisqu’elle reposait sur une interprétation raisonnablement prévisible, issue d’une jurisprudence constante de la Chambre criminelle depuis un siècle ». Pour autant, comme le souligne un auteur averti, « si la Cour européenne a jugé que la solution de la Cour de cassation était contraire à la prévisibilité, ce n’est pas parce qu’elle est imprévisible… En effet, pour être prévisible, la solution de la Cour n’en violait pas moins l’exigence de sécurité juridique » en ce qu’elle faisait revivre un état de récidive éteint depuis presque trois ans (D. Zerouki-Cottin, op. cit., p. 56).
-
[142]
Cour EDH, Grande Chambre, 29 mars 2006, Achour c. France, req. n° 67335/01; O.Bachelet, « Face à l’alternative “rétroactivité ou immédiateté”, la Cour européenne ne récidive pas. Note sous l’arrêt de Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme Achour c. France du 29 mars 2006 », RTDH, n° 69,2007, p. 237-245; D.Zerouki-Cottin, « La Cour européenne des droits de l’homme et la récidive : suite et fin », D, n° 36,2006, p. 2513-2516.
-
[143]
Cour EDH, 25 mai 1993, Kokkinakis c. Grèce, req. n° 14307/88, § 52.
-
[144]
Cour EDH, 8 juillet 1999, Baskaya et Okçuoglu c. Turquie, req. n° 23536/94 et 24408/94, § 36.
-
[145]
D. Roets, op. cit., p. 1842.
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[146]
Y. Mayaud, op. cit., p. 1362 : « Ainsi, la rétroactivité n’est pas appliquée à l’expulsion d’un étranger (Cass. crim., 1er février 1995, D, 1995, IR, 106), ou aux incapacités attachées à certaines condamnations (Cass. crim., 26 novembre 1997, Bull. crim., n° 404) ».
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[147]
Comm. EDH, 13 octobre 1986, N. c. Royaume-Uni, req. n° 11077/84, DR 49, p. 170.
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[148]
Cour EDH, 24 juin 1982, Van Droogenbroeck c. Belgique, série A n° 50, § 47.
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[149]
Pour une étude exhaustive, v. J. Murdoch, Le traitement des détenus, Éditions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2007,423 p.
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[150]
Cour EDH, 28 mai 2002, Stafford c. Royaume-Uni, req. n° 46295/99, Rec., 2002-IV, § 62-83.
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[151]
Cour EDH, 11 mai 2004, Morsink c. Pays-Bas, req. n° 48865/99.
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[152]
Rapport n° 174 présenté par J.-R. Lecerf au nom de la Commission des lois du Sénat, 23 janvier 2007, p. 8.
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[153]
Articles 723-31 et 763-10 du Code de procédure pénal.
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[154]
C. Debuyst, IIe Cours international de criminologie de Paris, 1953, cité par le Rapport d’information n° 1718 de l’Assemblée nationale sur le traitement de la récidive des infractions pénales, 17 juillet 2004, p. 45. En théorie du moins, la dangerosité est caractérisée par le risque élevée pour le délinquant de récidiver après avoir purgé sa peine. De son côté, la dangerosité psychiatrique est constituée par le risque élevé de commettre une infraction induite par un trouble mental.
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[155]
V. le site Internet de la Commission.
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[156]
J. Pradel, op. cit., p. 1012.
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[157]
Il faut aussi remarquer que le juge constitutionnel substitue au terme de « promulgation » celui plus restrictif de « publication », ce qui repousse d’autant plus l’application de la mesure controversée.
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[158]
P. Jan, op. cit., p. 715.
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[159]
Y. Mayaud, op. cit., p. 1364 et 1365 : « Parce que la rétention va au-delà des restrictions, déjà de droit positif, que connaissent les mesures de sûreté existantes, pour s’en prendre à la liberté elle-même, parce que celle-ci s’inscrit dans la durée, et d’une durée renouvelable, sans que la loi n’en fixe la moindre limite, alors qu’elle fait suite à une condamnation par une juridiction, dont l’autorité se trouve remise en cause, le dispositif est privé de sa portée la plus opérationnelle, liée à la rétroactivité qui était manifestement recherchée. Il faut en déduire que le Conseil constitutionnel, tout en ne niant pas l’appartenance aux mesures de sûreté du dispositif qu’il censure, le soumet à un régime spécifique, du moins quant à son application dans le temps. Une différence est faite sur le critère, non pas de prévention dans son principe, mais des modalités qu’elle peut connaître. La loi du 25 février 2008 va jusqu’à admettre que la liberté puisse être totalement entravée après une peine, et ce de manière illimitée, autrement dit sans exclure une perpétuité effective. Le moins qu’on puisse dire est que la mesure procède d’une option radicale, puisque la peine elle-même, en réponse à la culpabilité, et donc à des faits établis pour leur certitude, ne va pas jusqu’à franchir ce seuil limite dans sa phase concrète d’application… Ce que la culpabilité ne consacre pas, la dangerosité l’admet, bien que les réalités qu’elle tente de saisir soient d’une approche autrement plus difficile et incertaine, malgré toutes les précautions de la loi, en expertises multiples ou procédures contradictoires. Des réalités que le Conseil constitutionnel a entendu intégrer en renonçant à la rétroactivité. Il en résulte concrètement que se dessinent deux catégories de mesures de sûreté : celle qui sont restrictives de liberté, avec les contraintes que l’on connaît, associées à une surveillance judiciaire (la surveillance de sûreté en fait partie, et c’est pourquoi la censure du Conseil constitutionnel ne la concerne pas, ce qui en fait une mesure ouverte à la rétroactivité. Mieux encore si l’intéressé méconnaît les obligations qui lui sont imposées dans le cadre de la surveillance de sûreté, il peut éventuellement être placé en rétention de sûreté, dans les conditions de dangerosité prévues par la loi, avec pour conséquence de ne plus être protégé par la non-rétroactivité…), ou encore à l’inscription du nom du condamné dans des fichiers ad hoc, et celles qui vont audelà de ces restrictions, pour s’en prendre à la liberté elle-même, et la soumettre à une privation de principe. Alors que les premières restent apparemment compatibles avec la rétroactivité, du moins à s’en tenir aux décisions en ce sens du Conseil constitutionnel les concernant, les secondes au contraire, représentées aujourd’hui par la rétention de sûreté, ne sauraient s’accommoder d’une telle solution. Plus la mesure progresse vers la privation de liberté, plus elle relève donc d’un régime d’exception, qui revient à ne plus en restituer la… véritable nature… ».
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[160]
R. Merle, A. Vitu, op. cit., p. 343.
-
[161]
Cour EDH, 9 décembre 1994, Raffineries grecques Stran et Stradis Andreadis c. Grèce, Série A, n° 301-B. Cela révèle une confiance a posteriori dans le juge plutôt qu’une confiance a priori dans le Parlement.
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[162]
A. Godon, Le principe de sécurité juridique en droit pénal, Mémoire Droit, Paris II, 2001, p. 3.
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[163]
Idem.
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[164]
P. Gougeon, « Nul n’est censé ignorer la loi. La publication au Journal Officiel : genèse d’un mode d’universalisation de la puissance publique », Politix, 1995, n° 32, p. 66.
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[165]
Et ce, d’autant plus que l’examen « post-peine » porte sur la personnalité actuelle du délinquant et non sur son et ses infractions passées.
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[166]
H. Donnedieu De Vabres, ouvrage précité.
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[167]
B. Mathieu, op. cit., p. 6.
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[168]
P. Conte, op. cit., p. 2. L’auteur ajoute : « … à celui qui n’a commis aucune infraction, comment songer que l’on puisse infliger une punition ?… c’est précisément parce que la rétention de sûreté est détachée de toute faute que la privation de liberté qu’elle suppose présente tous les caractères d’une punition ». La cour d’assises ne prononce pas véritablement cette mesure, mais se borne à la rendre possible, le cas échéant. Il n’empêche que si l’intéressé n’avait pas commis de crime, il n’en ferait pas l’objet.
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[169]
H. Herzog-Evans, op. cit., p. 164 : « si l’on en arrive à prolonger indéfiniment des peines qui ont été purgées, c’est que l’on pas su, en amont, réfléchir à une meilleur adéquation de la peine et de son exécution ».
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[170]
J. Pradel, op. cit., p. 1013.
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[171]
Y. Mayaud, op. cit., p. 1360 : « La mesure de sûreté apparaît de plus en plus comme une mesure post delictum, c’est-à-dire réactive à une infraction, sans être réservée à la seule récidive, le risque de renouvellement du crime ou du délit étant à considérer en soi, indépendamment d’une condamnation pénale préexistante. L’étendue de son domaine dépasse donc le strict champ de la récidive même si celle-ci est la figure la plus évidente permettant d’en restituer les données ».
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[172]
F. Rome, op. cit.