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Article de revue

Le « cochon à l'engrais ».

A propos du Grand-électeur dans le projet de Constitution présenté par Sieyès en 1799 (an VIII)

Pages 227 à 256

Notes

  • [1]
    Rapporté par G. Lescuyer (Histoire des idées politiques, Dalloz, coll. Précis, 14e éd., 2001, n° 272).
  • [2]
    En outre, cette institution répond à une préoccupation constante de pensée politique depuis 1795. On en veut pour preuve les développement, proches de la pensée de Sieyès, que contiennent des ouvrages tels que L’équipondérateur de Lamare (1795. voir la présentation que Marcel Gauchet fait de l’ouvrage de Lamare, in La révolution des pouvoirs, Gallimard, NRF, 1995, p. 137-145) ou bien Du gouvernement, écrit par Roederer la même année. Celui-ci préconisait déjà la création d’un « grand électeur » afin d’assurer la censure du gouvernement (p. 48).
  • [3]
    Théorie constitutionnelle de Sieyès, Constitution de l’an VIII, extraits des mémoires inédits de M. Boulay de la Meurthe, Renouard, Paris, 1836 (cité Théorie constitutionnelle… ).
  • [4]
    Ce désintérêt pour l’écriture rapproche Sieyès de Bonaparte (cf. la correspondance générale de ce dernier, dont la publication vient de débuter, à l’initiative de la Fondation Napoléon).
  • [5]
    P. Bastid, Sieyès et sa pensée, Hachette, 1939, p. 251.
  • [6]
    Voir J. Bourdon, La Constitution de l’an VIII, Carrère, Rodez, 1942, p. 20 et s.; P. Bastid, op. cit., loc. cit.
  • [7]
    Voir Œuvres du Comte Roederer, par le Baron Roederer, Paris, Firmin-Didot, 1854. Il ne fait aujourd’hui plus de doute que le tableau figuratif du projet de Sieyès, publié par Mignet (Histoire de la révolution française, Firmin-Didot, 1re éd., 1824, t. 2) est l’œuvre de Daunou (voir J. Bourdon, préc., p. 8 et 22). En revanche, rien n’indique qu’il soit l’auteur de l’article publié peu de temps avant le coup d’État dans la Décade philosophique (J. Bourdon, op. cit., p. 19. Voir cepend. L. Jaume, L’individu effacé ou le paradoxe du libéralisme français, Fayard, 1997, p. 32, note). Les écrits de Boulay de la Meurthe ont déjà été cités. Chénier, quant à lui, se verra extorquer des informations par un informateur de Fouché (voir plus loin).
  • [8]
    Il convient d’emblée d’écarter des sources utiles le Mémorial de Sainte-Hélène dont l’objectivité n’est pas la qualité première. On s’y reportera cependant pour y puiser quelques anecdotes ou citations de Napoléon Bonaparte.
  • [9]
    Roederer et Daunou présentent cet organe comme occupant le sommet de l’édifice constitutionnel. De même, ils lui confèrent un pouvoir de nomination qui déborde celui que Boulay de la Meurthe lui attribue.
  • [10]
    J. Bourdon, thèse, préc., p. 23, note. Sur le propre projet de Daunou, voir J.-P. Clément, Aux sources du libéralisme français : Boissy d’Anglas, Daunou, Lanjuinais, LGDJ, 2000, p. 113-114.
  • [11]
    Daunou est, depuis l’an III, un concurrent de Sieyès en matière d’expertise constitutionnelle ; il tiendra la plume pour rédiger le projet définitif de Constitution consulaire. Roederer proposera un projet alternatif à celui de Sieyès (Arch. Nat., ABXIX 1919).
  • [12]
    Ce dernier estime même être le principal, sinon l’unique dépositaire des idées de Sieyès (Théorie constitutionnelle…, préc., p. 45). Quant à la datation du tableau de Daunou, elle est tout sauf certaine (J.-D. Bredin, Sieyès. La clé de la Révolution française, de Fallois, 1988, p. 467).
  • [13]
    M. Prélot, Précis de droit constitutionnel, Dalloz, 1950, p. 118. Voir également M. Poniatowski, Talleyrand et le Consulat, Perrin, 1986, p. 49 : « le système conçu par Sieyès était suprêmement intellectuel, abstrait, inefficace et dangereux ».
  • [14]
    Voir P.-F. Tissot, Histoire complète de la Révolution française, Paris, Baudouin, 1834-1835, t. 5, p. 448 : « l’institution du Grand-électeur cachait évidemment le dessein de destituer Bonaparte pour mettre à sa place un consul à la dévotion de Sieyès. Le piège était trop grossier ».
  • [15]
    Voir L. Jaume, L’individu effacé ou le paradoxe du libéralisme français, préc., p. 35.
  • [16]
    E. de Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène, 1823, Seuil, 1968, p. 358. Voir F.-A. Mignet, op. cit., p. 280. L’appellation du Grand-électeur réapparaîtra cependant sous l’Empire, parmi les hauts dignitaires du régime.
  • [17]
    A. Vandal le pense (L’avènement de Bonaparte, Nelson, sd, t. 2, p. 13).
  • [18]
    P.-L. Roederer fait remonter les critiques visant le Grand-électeur au retour d’Égypte (cf. Œuvres du Comte Roederer, préc., t. 3, p. 303). Selon la Théorie constitutionnelle de Boulay (préc., p. 47-48), le débat est né dans les jours qui ont suivi le 18 brumaire, ce qui est plus vraisemblable.
  • [19]
    Histoire des institutions publiques et des régimes politiques de la France, préface J.-M. Mayeur, A. Colin, coll. Classic, 9e éd., 2001, t. 1, p. 116. Voir également J. Godechot, Les institutions du Consulat et de l’Empire, PUF, 1989, p. 555 et s.
  • [20]
    Voir C. Eisenmann, Napoléon, précurseur de la dictature idéologique, in Écrits de théorie du droit, de droit constitutionnel et d’idées politiques, réunis par C. Leben, Ed. Panthéon-Assas, coll. Les introuvables, 2002, p. 639 et s.
  • [21]
    T. Lentz, Le grand Consulat, 1999, Fayard, p. 105.
  • [22]
    A. Thiers est de ceux-là. Etudiant, dans sa vaste Histoire du Consulat et de l’Empire, le projet de Sieyès, il en relève le caractère artificiel (Paris, Paulin, 1845, t. 1, p. 86), mais renvoie à leur ignorance de la Constitution anglaise ceux qui ne « comprenaient pas une magistrature réduite au rôle unique de choisir les agents supérieurs du gouvernement » (p. 89). Bien que Sieyès lui-même eût sans doute rejeté le parallèle avec le régime britannique, le soutien de Thiers est suffisamment clair pour être noté. De son côté, A. Netton, auteur d’une biographie de Sieyès (Vie de Sieyès, Perrin, 1901.), éprouve quelque peine à voiler les doutes que le Grand-électeur suscite chez lui. Alors qu’il qualifie Sieyès de « Lycurgue de ce nouveau monde qui naissait au soleil éblouissant de 89 », il ne voit dans le Grandélecteur qu’une ombre inutile dont les défauts et les faiblesses ternissent l’éclat du projet préconsulaire. Sans aller plus loin, ce chef de l’État est « le point le plus vulnérable de la Constitution » (p. 406) !
  • [23]
    Voir P.-F. Tissot, op. cit., p. 448.
  • [24]
    L. Madelin, Histoire du consulat et de l’Empire, Hachette, 1933, t. 3, p. 27 et J. Godechot, op. cit., p. 555.
  • [25]
    Cf. G. du Fresne de Beaucourt, Bonaparte et Sieyès. Épisode inédit de la révolution française, 1862, p. 3. Voir également J.-D. Bredin, op. cit., p. 445 et P. Bastid, op. cit., p. 228.
  • [26]
    A. Vandal, op. cit., t. 2, p. 8.
  • [27]
    L. Madelin, Histoire du consulat et de l’Empire, Hachette, 1933, t. 3, p. 28 et A. Thiers, Histoire du Consulat et de l’Empire, préc., t. 1, p. 90.
  • [28]
    A. Boulay de la Meurthe, op. cit., p. 47.
  • [29]
    Voir P.-L. Roederer, op. cit., t. 3, p. 303.
  • [30]
    J. Fouché, Mémoires, 1824, rééd. De Bonnot, 1967, p. 90.
  • [31]
    Op. cit., p. 252.
  • [32]
    Lettre du 8 janvier 1800 citée par M. Poniatowski, op. cit., p. 50 n.
  • [33]
    Voir infra. A. Thiers et A. Vandal parlent de « Sénat conservateur », confondant le projet de Sieyès avec la future Constitution du 22 frimaire an VIII.
  • [34]
    Op. cit., p. 474.
  • [35]
    Op. cit., p. 45.
  • [36]
    Sandoz-Rollin rapporte que Sieyès voyait dans ce projet l’aboutissement d’une œuvre de trente ans (cité par M. Poniatowski, op. cit., p. 53, note).
  • [37]
    Voir A. Netton, op. cit., p. 393 et T. Lentz, op. cit., p. 103.
  • [38]
    Voir introduction.
  • [39]
    Mémoires de L. Bonaparte, prince de Canino, Gosselin, 1836, p. 391.
  • [40]
    Op. cit., loc. cit.
  • [41]
    Cf. Des manuscrits de Sieyès (1773-1799), C. Fauré (dir.), H. Champion, 1999, p. 508 et s. et P. Pasquino, Sieyès et l’invention de la Constitution en France, O. Jacob, 1998, p. 181 et s.
  • [42]
    Publié par S. Mannoni, Une et indivisible. Storia dell’accentramenta administrativo in Francia, Milan, Giuffré, 1994, t. II, p. 396.
  • [43]
    P. Bastid, Les discours de Sieyès dans les débats constitutionnels de l’an III, édition critique, Hachette, 1939, p. 75.
  • [44]
    Théorie constitutionnelle, préc., p. 5.
  • [45]
    Art. 2 : La Constitution française est représentative : les représentants sont le corps législatif et le roi.
  • [46]
    Texte écrit en réponse au discours prononcé par Barnave le 10 août 1791, reproduit in P. Pasquino, Sieyès et l’invention de la Constitution en France, p. 171 et s. (spéc., p. 172).
  • [47]
    Théorie constitutionnelle, préc., p. 20.
  • [48]
    M. Prélot, Précis de droit constitutionnel, Dalloz, 1950, p. 69.
  • [49]
    Réponse au discours de Barnave, préc., p. 173.
  • [50]
    Sur l’organisation du pouvoir législatif et la sanction royale, discours du 7 septembre 1789, reproduit in Orateurs de la Révolution, R. Halévi et F. Furet, Pléiade, 1989, p. 1019.
  • [51]
    Fidèle à sa théorie mécaniste, Sieyès estime que « le premier qui en mécanique fit usage du régulateur se garda bien de le placer hors de la machine dont il voulait modérer le mouvement trop précipité » (Sur l’organisation du pouvoir législatif et la sanction royale, préc., p. 1033).
  • [52]
    Les discours de Sieyès dans les débats constitutionnels de l’an III, préc., p. 25.
  • [53]
    Voir C. Le Bozec, An III : créer, inventer, réinventer le pouvoir exécutif, Annales historiques de la révolution française, 2003, n° 2, p. 71 et s.
  • [54]
    N° 197 bis, p. 137.
  • [55]
    C’est nous qui soulignons.
  • [56]
    A. Vandal s’y réfère sans le citer (op. cit., p. 8).
  • [57]
    Op. cit., p. 89.
  • [58]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle, préc., p. 48.
  • [59]
    Op. cit., t. 2, p. 13.
  • [60]
    Celui-ci ayant été mandaté par Fouché (Mémoires, préc., p. 88).
  • [61]
    Voir M. Poniatowski, Talleyrand et le consulat, préc., p. 51. Contrairement à ce que rapporte cette source, ni Roederer ni Boulay de la Meurthe ne participèrent à cette rencontre (cf. Boulay de la Meurthe, op. cit., p. 47). Thiers (Histoire du Consulat et de l’Empire, préc., t. 1, p. 93) estime que Roederer accompagnait Talleyrand.
  • [62]
    Voir A. Boulay de la Meurthe, op. cit., p. 49; E. de Las Cases, Mémorial de Ste-Hélène, préc., p. 358. Roederer ne mentionne même pas l’incident (op. cit., loc. cit.).
  • [63]
    Théorie constitutionnelle…, préc., p. 49. L’auteur rapporte que Sieyès vit la royauté dans un tel projet (idem).
  • [64]
    P. Pasquino, Le républicanisme de Sieyès, Droits, 1993, n° 17, p. 67 et s. L’auteur (p. 76) y cite Michelet pour qui la dépendance de Sieyès vis-à-vis de sa robe et son amour de la quiétude en font un monarchiste.
  • [65]
    Note explicative, en réponse à la lettre [de T. Paine] et à quelques autres provocations du même genre, Moniteur, n° 197 bis, 16 juillet 1791, p. 138.
  • [66]
    Théorie constitutionnelle…, préc., p. 29-30.
  • [67]
    Cf. notamment M. Forsyth, Reason and revolution. The political thought of the Abbé Sieyès, New York, Leicester Univ. Press, 1987, cité par Pasquino, art. préc., p. 70.
  • [68]
    Sieyès. La clé de la Révolution française, préc., p. 476.
  • [69]
    Préc., p. 421 et 427.
  • [70]
    P. Pasquino, Le républicanisme de Sieyès, préc. et G. Lobrano, Démocratie et républiques anciennes avant et pendant la Révolution, in Révolution et république, l’exception française, M.Vovelle (dir.), éd. Kimé, 1989, p. 37 et s.
  • [71]
    Sieyès et sa pensée, préc., p. 120 et s.
  • [72]
    Op. cit., p. 251.
  • [73]
    Op. cit., p. 437.
  • [74]
    Op. cit., p. 440.
  • [75]
    Op. cit., loc. cit.
  • [76]
    Op. cit., loc. cit. Sur cette définition non dynastique de la monarchie, voir F. Saint-Bonnet, Aux origines de l’irresponsabilité du chef de l’État en France, in La responsabilité pénale du Président de la République, C. Guettier et A. Le Divellec (dir.), L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2003, p. 68.
  • [77]
    Théorie constitutionnelle…, préc., p. 25.
  • [78]
    Op. cit., p. 30.
  • [79]
    E. Gojosso, Le concept de république en France (XVIe -XVIIIe siècle), PUAM, 1998, p. 429. Les idées de l’abbé n’en sont pas pour autant totalement originales. On les trouve également sous la plume de La Revellière-Lépeaux dès 1789 (AP, t. 9, p. 65. voir E. Gojosso, op. cit., p. 428).
  • [80]
    Pour une analyse détaillée de ce texte, voir P. Bastid, op. cit., p. 437-449.
  • [81]
    Moniteur, 16 juillet 1791, p. 138.
  • [82]
    Sur la distinction entre pouvoir exécutif et fonction gouvernementale, voir plus loin.
  • [83]
    Op. cit., p. 437.
  • [84]
    Mirabeau, 3 mai 1790, cité par E. Gojosso, op. cit., p. 428.
  • [85]
    Sur la conception particulière de Rousseau, voir A. Esmein, Éléments de droit constitutionnel français et comparé, Larose, 2e éd., 1899, p. 17 et J.-J. Chevallier, Les grandes œuvres politiques, A. Colin, 7e éd., 1962, p. 159-160.
  • [86]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 24.
  • [87]
    Préc., p. 22.
  • [88]
    E. Gojosso, op. cit., p. 428. Cet auteur relève cependant que Sieyès ne fut sans doute pas de ceux qui souhaitèrent instaurer une république de fait après Varennes (p. 427).
  • [89]
    Compar., sur cette période, P. Bastid, op. cit., p. 119-120.
  • [90]
    Moniteur, 16 juillet 1791, préc., p. 138.
  • [91]
    Manuscrits de Sieyès, préc., p. 445.
  • [92]
    E. Gojosso, op. cit., p. 410.
  • [93]
    Cf. F. Saint-Bonnet, art. préc., p. 55-57.
  • [94]
    A. Thiers, Histoire de la Révolution française, t. 3, préc., p. 305. Voir également, M.Morabito, Necker et la question du chef de l’État, in Coppet, creuset de l’esprit libéral, L. Jaume (dir.), PUAM-Economica, 2000, p. 43.
  • [95]
    Voir E. Gojosso, op. cit., p. 425, n. 126.
  • [96]
    Idem, p. 462 et 477 ainsi que M. Morabito, Le chef de l’État en France, Montchrestien, 2e éd., 1996, p. 42.
  • [97]
    C. Eisenmann, Essai d’une classification théorique des formes politiques, Politique, n° 41-44,1968, rééd. in Écrits de théorie du droit, de droit constitutionnel et d’idées politiques, éd. Panthéon-Assas, coll. Les introuvables, 2002, p. 373.
  • [98]
    Manuscrits de Sieyès, préc., p. 429.
  • [99]
    Idem, p. 418 et s. : « le roi n’est pas véritablement ministre du pouvoir exécutif. Il ne peut pas exercer lui-même dans l’ordre de l’exécution, et il faut qu’on ait senti cette vérité comme par instinct puisqu’on l’a déclaré non responsable (souligné par Sieyès) (…) voilà sa vraie dénomination, électeur arbitraire des ministres d’exécution » (souligné par Sieyès).
  • [100]
    Bases de l’ordre social ou série raisonnée de quelques idées fondamentales de l’état social et politique, in Manuscrits de Sieyès, préc., p. 514.
  • [101]
    M. Morabito, art. préc., p. 51. Necker estime en effet que l’élection du chef du pouvoir exécutif rend naturelle sa responsabilité politique car « c’est à dater de lui que son utilité commence ».
  • [102]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 25.
  • [103]
    Cette caractéristique conduit, selon Jellinek, à refuser la qualification monarchique (voir C. Eisenmann, Essai d’une classification théorique des formes politiques, préc., p. 344).
  • [104]
    Idem.
  • [105]
    P. Bastid, op. cit., p. 439.
  • [106]
    Cette idée était déjà avancée par Mably (M. Morabito, Le chef de l’État en France, préc., p. 25).
  • [107]
    Voir Réponse à Paine, préc., p. 138 et Bases de l’ordre social, préc., p. 515.
  • [108]
    Voir Réponse à Paine, préc., p. 138. On relèvera cependant que la présentation du projet contenue dans le Moniteur du 10 frimaire an VIII hésite à affirmer que le mandat du Grand-électeur est viager.
  • [109]
    Voir F. Mignet, op. cit., p. 279.
  • [110]
    Théorie constitutionnelle…, préc., p. 30.
  • [111]
    Voir A. Thiers, op. cit., t. 1, p. 82.
  • [112]
    Sur cette logique du passage du consulat à temps au consulat à vie et à l’empire, voir A. Thiers, Histoire du consulat et de l’empire, préc., t. 5, p. 51.
  • [113]
    Voir également P. Bastid, p. 445.
  • [114]
    Théorie constitutionnelle…, préc., p. 31. Il estime que l’absence de restriction, notamment liée à la fortune, donne au système un caractère vraiment républicain (p. 15).
  • [115]
    Voir M. Morabito, op. cit., p. 24.
  • [116]
    G. Vedel, Manuel de droit constitutionnel, 1949, rééd., Dalloz, 2002, p. 94.
  • [117]
    Voir J.-J. Chevallier, Histoire des institutions et des régimes politiques de la France de 1789 à 1958, préc., p. 193 et s. ou encore D. Turpin, Le régime parlementaire, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 1997, p. 6.
  • [118]
    Voir M. Troper, L’histoire constitutionnelle française et la séparation des pouvoirs, LGDJ, 1974, p. 168.
  • [119]
    The british Constitution, London, 4e éd., 1885, p. 44.
  • [120]
    P. Bastid, Sieyès et sa pensée, préc., p. 531.
  • [121]
    Op. cit., p. 447.
  • [122]
    P. Bastid, Les discours de Sieyès dans les débats constitutionnels de l’an III, édition critique, Hachette, 1939, p. 83.
  • [123]
    Ibid.
  • [124]
    Voir J. Barthélemy, L’introduction du régime parlementaire en France sous Louis XVIII et Charles X, Giard et Brière, 1904, p. 1.
  • [125]
    P. Bastid, Les institutions politiques de la monarchie parlementaire française, Sirey, 1954, p. 32; J. Barthélemy, op. cit., p. 80. Dans son étude du « pouvoir neutre » invoqué par B. Constant, L. Jaume laisse de côté l’influence des idées de Sieyès sur cet aspect de la pensée libérale (L. Jaume, L’individu effacé, Fayard, 1997, p. 188 et s.). Dans un article plus récent, cet auteur esquisse les liens qui unissent le jury constitutionnaire de Sieyès et le « pouvoir neutre » chez Constant (Sieyès et le sens du jury constitutionnaire : une réinterprétation, Droits, n° 36,2002, p. 131).
  • [126]
    D. Turpin, Le régime parlementaire, op. cit., p. 17.
  • [127]
    A. Laquièze, Les origines du régime parlementaire en France (1814-1848), PUF, coll. Léviathan, 2002, p. 24-25. Cet auteur cite, au titre des révolutionnaires ayant eu une « perception approfondie du régime parlementaire », Mirabeau, Barnave, les monarchiens, Necker et sa fille, Germaine de Staël.
  • [128]
    Traité de droit constitutionnel, Fontemoing, 1921, t. IV, p. 805.
  • [129]
    Sieyès. La clé de la Révolution française, préc., p. 527.
  • [130]
    Histoire du Consulat et de l’Empire, préc., t. 1, p. 84.
  • [131]
    Ibid., p. 89.
  • [132]
    Ibid., p. 85.
  • [133]
    Ibid., p. 94.
  • [134]
    Revue de Paris, 1re série, 1830, vol. XI, p. 115 et s., XVI, p. 221 et s. (cité par P. Bastid, Sieyès et sa pensée, préc., p. 553-554.).
  • [135]
    Voir la conclusion de l’ouvrage d’A. Laquièze, préc.
  • [136]
    M. Morabito ne le mentionne pourtant pas dans son ouvrage de synthèse (Le chef de l’État en France, préc.).
  • [137]
    J. Barthélemy, op. cit., p. 14 et s.
  • [138]
    Boulay de la Meurthe, op. cit., p. 26.
  • [139]
    Éléments de droit constitutionnel français et étranger, préc., p. 436.
  • [140]
    Ibid., p. 484.
  • [141]
    « Choisir est sa fonction, renvoyer est son droit », c’est ainsi que Constant définira le Grand-électeur en 1830 (cité par Bastid, op. cit., p. 554).
  • [142]
    A. Laquièze, op. cit., p. 157.
  • [143]
    A. Brimo, A propos de la typologie des régimes constitutionnels des démocraties occidentales contemporaines, Mélanges P. Couzinet, Univoir sc. soc. Toulouse, 1974, p. 37.
  • [144]
    Ibid., p. 48 et A. Esmein, Deux formes de gouvernement, RDP, 1894, p. 34.
  • [145]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 26.
  • [146]
    Voir D. Baranger, Parlementarisme des origines, PUF, coll. Léviathan, 1999, p. 171 et s.
  • [147]
    Voir S. Holmes, Benjamin Constant et la genèse du libéralisme moderne, PUF, coll. Léviathan, 1994, p. 202 et s. Voir également D. Turpin, Le régime parlementaire, préc., p. 32.
  • [148]
    Cf. M. Gauchet, Introduction à B. Constant, écrits politiques, Folio, coll. Essais, 1997, p. 100-101.
  • [149]
    Cité par L. Jaume, Le concept de « responsabilité des ministres » chez Benjamin Constant, cette Revue, 2000, n° 42, p. 230.
  • [150]
    Bases de l’ordre social, préc., p. 515.
  • [151]
    Opinion du 2 thermidor an III, éd. Bastid, préc., p. 14.
  • [152]
    Op. cit., p. 20. Cette terminologie est reprise par G. Sautel et J.-L. Harouel (Histoire des institutions françaises depuis la révolution, Dalloz, 8e éd., 1997, p. 212).
  • [153]
    Ibid., p. 10 et 16.
  • [154]
    Opinion préc., p. 14.
  • [155]
    Voir M. Gauchet, in La révolution des pouvoirs, préc., p. 247-248.
  • [156]
    L. Jaume, Sieyès et le jury constitutionnaire, art. préc., p. 132. L’influence de Sieyès sur ce point est relevée par l’auteur dans un autre article (Le concept de « responsabilité des ministres » chez Benjamin Constant, préc., p. 237). Cette conception a été développée au sein de la monarchie anglaise du XVIIe siècle (voir D. Baranger, op. cit., p. 55).
  • [157]
    L. Jaume, Le concept de « responsabilité des ministres » chez Benjamin Constant, préc., p. 231.
  • [158]
    Les motifs de révocation admis par Sieyès trouve un écho dans la conception que Constant donne de l’intérêt général (voir L. Jaume, L’individu effacé, préc., p. 78).
  • [159]
    Sur cet aspect de la pensée de Constant, voir De la nature du pouvoir royal dans une monarchie constitutionnelle, in Principes de politique, Folio, éd. Gauchet, préc., p. 323 et L. Jaume, Le concept de « responsabilité des ministres » chez Benjamin Constant, préc.
  • [160]
    J. Barthélemy, op. cit., p. 73.
  • [161]
    Voir p. ex. R. Capitant, Régimes parlementaires, Mélanges R. Carré de Malberg, Sirey, 1933, p. 36-37.
  • [162]
    Manuscrits de Sieyès, délinéaments politiques, 4e cahier, p. 380.
  • [163]
    Ibid., fragments politiques, p. 418. Voir égal. p. 429.
  • [164]
    « Je ne confonds pas le pouvoir exécutif avec le gouvernement ; je regarde au contraire, la distinction de ces deux pouvoirs, dans une république, comme une de ces vues qui appartient encore au progrès de la science ; c’est au temps d’en dévoiler l’importance, et à rendre justice » (op. cit., p. 22).
  • [165]
    Op. cit., p. 24.
  • [166]
    J. Barthélemy, op. cit., p. 76 et s.
  • [167]
    Cf. S. Holmes, op. cit., loc. cit. et Écrits politiques, Folio, préc., p. 527 (note G à la réédition des Réflexions sur les Constitutions).
  • [168]
    A. Esmein, Éléments de droit constitutionnel…, préc., p. 436.
  • [169]
    Il y a là une divergence importante entre la version de Boulay et celles de Roederer et Daunou, pour qui le pouvoir de nomination est beaucoup plus étendu (cette vision se retrouve encore de nos jours. Voir G. Sautel et J.-L. Harouel, op. cit., p. 212).
  • [170]
    On pourrait également invoquer l’inexistence d’un droit de dissolution du corps législatif, en cas de désaccord entre lui et les consuls, mais pour des motifs contextuels évidents, il n’était pas question en l’an VIII de confier une telle prérogative à une chef de l’État républicain. En outre, ce droit ne constitue pas le « critère absolu du parlementarisme » (D. Turpin, op. cit., p. 33).
  • [171]
    Cf. M. Morabito, art. préc.
  • [172]
    Voir L. Jaume, L’individu effacé, préc., p. 186.
  • [173]
    Principes de politique, chapitre II, éd. citée, p. 331.
  • [174]
    Voir l’édition présentée et annotée par H. Grange, Aubier, 1991.
  • [175]
    Voir A. Slimani, Le républicanisme de Benjamin Constant (1792-1799), PUAM, 1999, p. 138 et s. et L. Jaume, Le contrôle de constitutionnalité de la loi a-t-il un sens pour la doctrine française de la révolution et des premières années du XIXe siècle, in Aux origines du contrôle de constitutionnalité (XVIIIe -XXe siècle), D. Chagnollaud (dir.), Ed. Panthéon-Assas, 2003, n° 20.
  • [176]
    P. Serna, Barère, penseur et acteur d’un premier opportunisme républicain face au directoire exécutif, AHRF, 2003, n° 2, p. 101 (spéc. p. 126).
  • [177]
    A. Boulay de la Meurthe, op. cit., p. 20.
  • [178]
    Préc., p. 37.
  • [179]
    Voir L. Jaume, L’individu effacé, préc., p. 189.
  • [180]
    Sur l’organisation du pouvoir législatif et la sanction royale, discours du 7 septembre 1789, préc., p. 1033.
  • [181]
    Il semble cependant que Sieyès ait, dans un premier temps, envisagé de confier au Grand-électeur la présidence du collège des Conservateurs (voir P. Bastid, op. cit., p. 433).
  • [182]
    Voir notamment R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, 1922, rééd., CNRS, 1962, t. 2, p. 401-402.
  • [183]
    A. Boulay de la Meurthe, op. cit., p. 26.
  • [184]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 40.
  • [185]
    P. Ségur, Qu’est-ce que la responsabilité politique ? RDP, 1999, p. 1607.
  • [186]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 26.
  • [187]
    Idem, p. 20.
  • [188]
    Idem, p. 38.
  • [189]
    Idem, loc. cit.
  • [190]
    Idem, p. 39.
  • [191]
    Idem, loc. cit.
  • [192]
    Par la suite, les régimes républicains français conserveront cette conception aporétique de la responsabilité pénale du chef de l’État (cf. F. Saint-Bonnet, art. préc., p. 67).
  • [193]
    Idem, p. 40.
  • [194]
    F. Saint-Bonnet, art. préc., p. 72.
  • [195]
    Lucien Bonaparte est favorable à une telle procédure qui pourra sauver l’État du crime et le délivrer de celui qui va s’y livrer (Mémoires, préc., p. 409).
  • [196]
    Idem, p. 68. Voir également A. Esmein, Éléments de droit constitutionnel, préc., p. 80.
  • [197]
    Sur cette notion, voir P. Ségur, Qu’est-ce que la responsabilité politique ? préc., p. 1599 et s.
  • [198]
    P. Bastid, op. cit., p. 440.
  • [199]
    Mémoires de L. Bonaparte, préc., p. 407-408.
  • [200]
    Sur un tel développement du pouvoir par la responsabilité, voir D. Baranger, Le parlementarisme des origines, PUF, coll. Léviathan, 1999.
  • [201]
    M. Humbert, Institutions politiques et sociales de l’Antiquité, Dalloz, précis, 8e éd., 2003, n° 117-119. L’ostracisme athénien répond au double objectif de soumettre les dirigeants à un vote de confiance et d’écarter du pouvoir les démagogues trop ambitieux.
  • [202]
    F. Saint-Bonnet, art. préc., p. 71. Voir également O. Beaud, Pour une autre interprétation de l’article 68 de la Constitution, RFD adm., 2001, p. 1197.
  • [203]
    Voir M. Troper, L’histoire constitutionnelle française et la séparation des pouvoirs, LGDJ, 1974, p. 83 et du même, La Constitution de l’an III et la séparation des pouvoirs, in La Constitution de l’an III, G. Conac et J.-P. Machelon (dir.), PUF, coll. Politique d’aujourd’hui, 1999, p. 51 et s.
  • [204]
    Dans la Constitution de 1791, la situation du roi des Français est particulière (cf. titre III, chap. II, sect. I). Voir F. Saint-Bonnet, op. cit., p. 63 et s.
  • [205]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 32.
  • [206]
    Voir M. Troper, op. cit., p. 88.
  • [207]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 40.
  • [208]
    M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel, 2e éd., 1929, rééd. CNRS, 1965, p. 415.
  • [209]
    Op. cit., p. 91.
  • [210]
    M. Troper, Responsabilité politique et fonction gouvernementale, in La responsabilité des gouvernants, O. Beaud et J.-M. Blanquer (dir.), Descartes et Cie, coll. Droit, 1999, p. 51.
  • [211]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 40.
  • [212]
    A. Esmein, op. cit., p. 80 et Deux formes de gouvernement, préc., p. 16 et 31.
  • [213]
    M. Prélot, Précis de droit constitutionnel, préc., p. 178.
  • [214]
    Voir O. Beaud, art. préc., p. 1197.
  • [215]
    Cf. infra.
« Je reconnais aussi que si une constitution convenait à une époque, c’était celle de Sieyès à la France de l’an VIII ».
F.-A. Mignet, Histoire de la Révolution française, t. 2,6e éd., Firmin-Didot, 1836, p. 279.

1Qui se souvient, en dehors du cercle des juristes que captivent l’histoire constitutionnelle et celle des idées politiques, du Grand-électeur que Sieyès proposa d’instituer, à la tête du pouvoir gouvernemental, dans les semaines qui suivirent le coup d’État du 18 brumaire ? De la foisonnante pensée du « portier de la Révolution française » (selon le mot de Camille Desmoulins [1] ), cet aspect demeure peut-être celui sur lequel une ombre plane encore. Certes, les circonstances dans lesquelles le projet de sur constitution pré-consulaire a été établi, présenté à Bonaparte et amputé par ses soins, sont bien connues. Cependant, le Grand-électeur, qui constituait l’une des innovations institutionnelles de ce projet [2], semble se dérober à l’analyse et n’a guère retenu l’attention de quantité de juristes. La raison principale de cette méconnaissance tient sans doute à la diversité des sources utilisables pour cette période, ainsi qu’à leur qualité respective.

2Le chercheur est ici enclin à faire sienne la phrase de Mirabeau : le silence de l’abbé Sieyès est une calamité publique ! En effet, hormis les premières lignes qui tracent l’orientation générale du projet de constitution, Sieyès n’a pas écrit ce projet. La version « officielle » des observations constitutionnelles qu’il formule, après avoir mis fin au Directoire, est de la plume d’Antoine Boulay de la Meurthe. Ce dernier n’a d’ailleurs publié qu’en 1836 la Théorie constitutionnelle de Sieyès dont il était dépositaire, afin d’honorer la mémoire du Maître qui venait de décéder [3]. En un peu moins de 80 pages, Boulay de la Meurthe relate les conversations que Sieyès et lui eurent à la fin de brumaire an VIII, sur la question des institutions à mettre en place. L’abbé n’ayant ni le temps ni l’envie de prendre la plume [4], Boulay, qui était membre de la section chargée de délibérer sur un projet de constitution, issue de la commission législative du Conseil des cinq-cents, lui servirait de secrétaire. Ainsi, l’ultime maillon de la pensée politique de Sieyès (qui se retirera de la vie politique dans les premières années du Consulat et connaîtra l’exil de 1816 à 1830) est tributaire de la fidélité dont son transcripteur a fait preuve. Le risque de déboucher sur une impasse et commettre les plus graves contresens est donc grand. Ce risque est accru par la multiplication des textes ou documents exprimant les idées de Sieyès durant cette période charnière.

3Après la réussite du coup d’État de brumaire, l’abbé Sieyès est, au sens politique, l’un des hommes les plus puissants de France. Il ne fut donc pas avare de confidences et, dérogeant à son habitude, n’hésita pas à confier ses conceptions à plusieurs de ses proches, qui deviendraient ces « accoucheurs bénévoles » [5], parmi lesquels Chénier, Daunou, Roederer et, naturellement, Boulay de la Meurthe [6]. Les trois derniers vont chacun publier leur version du projet de constitution conçu par Sieyès [7].

4Comment dès lors séparer le bon grain de l’ivraie et opérer une sélection parmi ces diverses sources, dont on remarque qu’elles ont toutes été publiées longtemps après les faits qu’elles relatent ? De manière générale, les textes de ces témoins directs [8] (ou le tableau figuratif) sont, en ce qui concerne l’organisation du pouvoir exécutif et la place du Grandélecteur relativement proches les uns des autres. D’importantes divergences demeurent cependant [9]. Comment expliquer ces dissonances, entre les auditeurs d’un même discours ? On peut d’abord y voir la résurgence des conceptions ou des a priori personnels de leurs auteurs à l’égard des idées de Sieyès [10]. La distance que Roederer et Daunou prendront par la suite vis-à-vis de ces idées [11] peut valider la thèse de « l’écoute subjective » et déformante. Mais, cela ne justifie pas que les deux auteurs aient commis les mêmes « erreurs ». Il semble plutôt que la raison de ces variations puisse être trouvée dans leur connaissance incomplète du projet formulé par Sieyès. La pensée, souvent absconse, de Sieyès ne s’est sans doute pas développée dans toute son étendue lors de simples conversations qu’il a pu avoir en dehors des conférences avec Boulay de la Meurthe [12]. En tout état de cause, on doit admettre qu’il fut celui à qui l’abbé a souhaité transmettre sa pensée avec le plus de détails possibles. L’attachement qu’il portait à cette (ultime) tentative de faire triompher ses conceptions rend plus crédible cette hypothèse.

5Mais, la question des sources pertinentes ne règle nullement la question de l’étude du Grand-électeur. En dépit de la fidélité de Boulay de la Meurthe à Sieyès (qui ira jusqu’à refuser de publier une présentation de la Constitution de l’an VIII, tant celle-ci avait amputé les idées de l’abbé), l’image laissée par le projet pré-consulaire n’est guère positive. Souvent mal compris, ce projet fascine autant qu’il répugne. Ainsi, le recteur Marcel Prélot qualifie le système de « vaste et ingénieux » tout en relevant son caractère hautement anti-démocratique [13]. Mais, à l’intérieur même de ce projet, nulle institution imaginée par Sieyès n’a été aussi méconnue, voire galvaudée, que le Grand-électeur, parfois dénommé Proclamateur-électeur, comme chez Mignet.

6La perception que les contemporains ont eue de ce chef d’État d’un genre nouveau ne fait guère de doute. Tout à la dévotion du Bonapartisme naissant, la classe politique de l’époque ne pouvait se satisfaire d’une autorité dont la Constitution ne favorise pas les appétits de « l’homme providentiel » du moment [14]. Pour des raisons différentes, les Idéologues, auxquels Sieyès est lié de longue date, voient dans la force du pouvoir exécutif le gage de la liberté politique [15]; les principaux traits du projet de Sieyès apparaissent sans doute trop peu marqués à leur goût. De toutes les façons, la destruction du personnage, et de l’institution, du Grand-électeur par Napoléon Bonaparte donne un coup d’arrêt à l’une des plus fortes innovations politiques de Sieyès.

7Cette fin de non-recevoir que Bonaparte oppose à Sieyès est connue par la lecture du Mémorial : « Et comment avez-vous pu imaginer, M. Sieyès, qu’un homme de quelque talent et d’un peu d’honneur voulût se résigner au rôle d’un cochon à l’engrais de quelques millions ? » [16]. Une telle expression a-t-elle vraiment été prononcée par le futur Premier Consul [17] et à quel moment [18] ? Toujours est-il qu’elle a posé son empreinte de manière quasi indélébile. Car, en effet, on ne peut qu’être frappé par la permanence et la régularité avec lesquelles historiens et juristes se heurtent au Grand-électeur. Ainsi, pour J.-J. Chevallier, Bonaparte ne pouvait que rejeter « sans aménité [des] dispositions bizarres auxquelles tenait Sieyès, notamment la conception du Grandélecteur » [19].

8Comment ne pas être étonné de constater que le temps n’a pas permis de rendre justice au Grand-électeur, ou tout au moins de rétablir le déséquilibre que les appétits de Bonaparte lui valurent en l’an VIII ? Est-ce sous l’influence de la dictature idéologique exercée par Napoléon [20], dont la vivacité ne se démentirait pas, que l’on a pu récemment se demander « comment les contemporains et quelques historiens ont pu se pâmer devant un projet aussi fumeux » [21] ? La critique est trop abrupte pour être accueillie. Mais, sans pousser les choses aussi loin, on constate que le Grand-électeur, et plus largement le projet de constitution préconsulaire, ne trouvent que peu d’appuis [22]. Dans l’ensemble, la place tenue par le Grand-électeur dans l’imaginaire historico-politique peut sembler relativement marginale. Cette première impression est trompeuse. L’ampleur des idées de Sieyès n’a échappé, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, ni à Paul Bastid, ni à Jean-Denis Bredin. Dans les biographies qu’ils consacrent à l’abbé, le projet de constitution préconsulaire tient une place importante, tant il apparaît comme une sorte de testament politique.

9Quelle fut donc la véritable signification du Grand-électeur ? Rares sont les auteurs contemporains, juristes ou historiens des idées, qui permettent de le dire. Il faut, pour le savoir, tenter de s’immerger au plus profond de la pensée de l’abbé Sieyès, afin d’y chercher les linéaments dont le Grand-électeur est constitué (I). Une fois dégagé le sens de l’institution, on cherchera à évaluer sa portée véritable, au-delà des contingences politiques et des luttes de pouvoir que la France a connues (II).

I – LE GRAND-ÉLECTEUR OU SIEYÈS L’INCOMPRIS

10On ne peut séparer le Grand-électeur du reste des idées de Sieyès. Sa présentation en l’an VIII n’est en réalité qu’une mise en lumière (A). Pourtant, elle fut sur le moment mal comprise et tournée en ridicule, au motif que le système cacherait mal la volonté de restaurer la royauté (B).

A – LA PERMANENCE DE L’IDÉE

11Le Grand-électeur est-il la conséquence institutionnelle du coup d’État de brumaire, destiné qu’il serait à satisfaire l’appétit de pouvoir de la classe montante [23] ? Les détracteurs de Sieyès lui ont toujours fait le reproche de chercher à pérenniser une certaine oligarchie révolutionnaire [24] ou, pire, à permettre, le moment venu, l’installation d’une famille royale étrangère sur le trône de France (une « sorte de maréchal de Mac-Mahon attendant l’arrivée des princes », selon l’expression de P. Bastid) [25] : « ne l’eut-on pas vu disparaître brusquement, englouti par le Sénat, pour laisser s’élever un roi que Sieyès eut introduit au moyen de sa Constitution à soupape ? » [26]

12Il semble cependant excessif de réduire la proposition du Grandélecteur à un simple calcul politique à court ou moyen terme. Plusieurs raisons s’y opposent. Tout d’abord, bien que le Moniteur du 10 frimaire ait indiqué que la future Constitution établie par Sieyès paraîtrait tout organisée et contiendrait les noms de tous les fonctionnaires publics qu’elle mettra en activité, le titulaire de la fonction de Grand-électeur n’apparaît pas avec évidence. Certes, sans doute poussé par les circonstances [27], Sieyès ne manquera de proposer, en vain, à Bonaparte (qui d’ailleurs n’aurait pas admis qu’on ne lui fasse pas une telle proposition [28] ) d’exercer une telle dignité [29], mais il n’est pas certain que celle-ci lui fût toujours destinée. Fouché estime que c’est vraisemblablement Sieyès que le Sénat eut nommé Grand-électeur ; et que c’est lui qui aurait nommé Bonaparte consul de guerre, sauf à l’absorber au moment opportun. Tout cela, bien entendu, dans le but à peine voilé de transformer « un pouvoir exécutif en royauté héréditaire, pour telle dynastie qu’il lui eut convenu d’établir, dans l’intérêt d’une révolution dont il était le hiérophante » [30]. Cette thèse est reprise par P. Bastid [31]. Selon lui, Sieyès, l’âge venant, aurait aspiré à une « sorte d’Olympe philosophique » tout de solennité et de faste. Quant à Mme Reinhard, elle croit savoir que Sieyès avait en vue, pour les fonctions de Grand-électeur, Roederer ou Boulay de la Meurthe [32]. Cela n’est pas impossible car, dans l’esprit de Sieyès, le cœur des institutions se situe non dans le fauteuil du Grand-électeur, mais au sein du collège des Conservateurs [33]. C’est sans doute, comme le soutient Jean-Denis Bredin [34], vers lui que son intérêt était tout naturellement attiré.

13Dans ces conditions, si le Grand-électeur n’est pas une institution de circonstance, quelles en sont les origines profondes ? Quelle place tient-elle dans la pensée de l’abbé Sieyès, telle qu’elle s’est exprimée depuis 1788-1789 ? Cette pensée si féconde et si dense, n’a pas pu engendrer une construction telle que le Grand-électeur sans en avoir posé les prémisses. D’ailleurs, Boulay de la Meurthe précise très clairement que le projet de constitution pré-consulaire « était le fruit des méditations politiques de toute [la vie de Sieyès] : c’était une machine qu’il avait construite avec un soin extrême » [35].

14Le projet de l’an VIII passe pour être la consécration de Sieyès, ce Solon français [36]. Chacun attend de lui qu’il donne enfin à la Nation cette Constitution dont l’opinion publique ne doute pas qu’elle est toute prête dans son esprit et qu’il rêve de mettre en pratique depuis le début de la Révolution [37]. L’unité de la pensée de Sieyès apparaît dès le début des notes prises par Boulay de la Meurthe : « il faut revenir aux idées de 1789 »! Par conséquent, il est loisible de penser que le coup d’État du 18 brumaire sera l’occasion de mettre à jour des conceptions plus anciennes : le projet de Sieyès ne doit rien à l’improvisation et ne cède en rien aux effets de mode. A l’appui de cette thèse, on peut évoquer le tableau synoptique, œuvre de Daunou, que Mignet joint à la présentation du projet de Sieyès, dans son Histoire de la Révolution française. Mais, compte tenu des différences qu’elle présente avec les notes de Boulay de la Meurthe (le Grand-électeur prend le titre de Proclamateur-électeur, y dispose de pouvoirs de nomination plus étendus) cette exposition lui est peut-être antérieure [38].

15En ce qui concerne la forme précise du pouvoir exécutif, le témoignage de Lucien Bonaparte est plus nuancé. Pour lui, non seulement, à l’époque du Directoire « il n’était pas question de Grand-électeur » [39], mais encore, « ce fut après le retour d’Égypte, pour Napoléon, que fut proposée cette suprême magistrature si mal accueillie : je ne trouve rien qui s’y rapporte avant l’an VIII » [40]. On retrouve la thèse du calcul politique, bien peu crédible.

16Quelle que soit la date des documents qui font mention du Grandélecteur, en tant que conception élaborée ou en voie d’achèvement, il n’en demeure pas moins que, dans la pensée de Sieyès, le rôle tenu par le chef de l’État est une question ancienne et fondatrice. Ainsi, il est possible d’avancer que le Grand-électeur constitue l’une des constantes de la pensée politique de l’abbé, dont on trouve trace dès 1789. Certes, il faut attendre l’agonie du directoire pour que le terme même de Grand-électeur prenne officiellement place au sein de l’édifice constitutionnel construit par Sieyès. Cette consécration n’est pas autre chose qu’un aboutissement.

17Dès l’an III, deux textes mentionnent le Grand-électeur : un manuscrit personnel de Sieyès, les Bases de l’ordre social[41] et le brouillon de l’opinion du 2 thermidor [42]. Ainsi, Paul Bastid a pu constater qu’au moment où s’ouvrait le Directoire, Sieyès tenait en quelque sorte « en réserve » un chef d’État du type du Grand-électeur, dont il ne ferait part qu’en l’an VIII [43].

18Tout en avançant masqué, Sieyès poursuit un cheminement relativement limpide. La proposition qu’il formule après le coup d’État de brumaire se situe dans le continuum de deux des théories politiques qu’il défend depuis 1789 : la représentation et la division des pouvoirs. Le projet de l’an VIII, dont le Grand-électeur constitue l’un des points d’ancrage, vise à assurer une répartition harmonieuse du pouvoir politique entre les mains de plusieurs types de représentants. La représentation, voilà bien ce qui préoccupe Sieyès au plus haut point. D’emblée, il indique à Boulay de la Meurthe sa préférence pour le système représentatif [44]. L’instauration d’un Grand-électeur, véritable chef d’État, est la reprise d’un débat déjà ancien sur la qualité de représentant du titulaire du pouvoir exécutif.

19Sous la constituante, Sieyès s’est montré favorable à ce que le roi soit qualifié de représentant de la Nation. Il adopte cette position à la fin de l’été 1789, dans son fameux discours du 7 septembre. Sur ce point, l’abbé précède la conception finalement retenue par le texte de la Constitution du 3 septembre 1791 [45]. Dans son esprit, « tout homme qui exerce un pouvoir public même dans l’ordre exécutif est inévitablement un représentant du peuple » [46]. Dès lors, le projet de l’an VIII présente simultanément deux classes de fonctionnaires, « l’une appartenant à l’ordre législatif et l’autre à l’ordre exécutif » [47], sur lesquelles doivent régner deux « puissances électorales » distinctes, dont le Grand-électeur.

20La division du travail politique que prône Sieyès, dans le sillage de Mably, permet de distinguer le vouloir du pouvoir, la tête des membres, mais n’interdit pas que l’organe chargé de l’exécution (« le bras ») ne soit pas apte à représenter le corps social lui-même. La représentation n’est que la compétence juridique habilitant à prendre des décisions étatiques [48]. Néanmoins, le pouvoir exécutif, bien que représentant, ne saurait empiéter sur la fonction d’expression de la volonté générale qui, elle, n’incombe qu’à l’assemblée élue : « dans ce sens précis, le roi ne peut être représentant. Dans un tout autre sens (…) le roi peut être représentant comme fonctionnaire, comme correspondant immédiat des puissances étrangères, comme chef de l’exécutif » [49]. C’est la raison pour laquelle, devant la Constituante, Sieyès s’est opposé à toute forme de veto royal. Admis à la fonction de « premier citoyen » [50], le chef de l’exécutif gagne en considération dans la mesure où il peut jouer un rôle de stabilisateur de l’édifice constitutionnel [51]. Le discours du 2 thermidor an III ne s’éloigne pas de cette ligne. Sieyès y rappelle qu’il regarde le pouvoir exécutif « non comme un contrepoids mais comme la continuation et le complément de la volonté nationale, puisqu’il est chargé d’achever son acte en le réalisant » [52]. Fort de ces prémisses, le projet de l’an VIII ne pouvait que dévoiler au grand jour le désir de Sieyès de réhabiliter, voire restaurer, la stature des organes gouvernementaux.

21Trop hasardeuse en l’an III [53], l’entreprise avait été mise sous le boisseau. Son expression la plus nette, avant brumaire, se trouve dans le débat doctrinal que Sieyès aura avec Thomas Paine, en juillet 1791. Après la fuite de Louis XVI, le 21 juin, Paine se situe en pointe du frémissement républicain. Dans une lettre adressée à Sieyès, et publiée dans le Moniteur du 16 juillet 1791 [54], il déclare la guerre à « tout l’enfer de la monarchie ». La réponse de Sieyès, publiée à la suite de la diatribe de Paine, est, nous y reviendrons, tout en nuances. Mais, parmi les circonvolutions intellectuelles du texte, Sieyès donne pour la première fois une vision claire et précise de ce qui sera le Grand-électeur. En effet, défendant une certaine conception de la monarchie, l’auteur de Qu’est-ce que le Tiers-état indique que « dans [son] système, le gouvernement est composé d’un premier monarque, électeur[55] et irresponsable, au nom duquel agissent six monarques nommés par lui et responsables ». En l’anVIII, au moment d’interpréter la pensée de Sieyès, ce petit texte va servir à certains pour discréditer la fonction de Grand-électeur [56]. Dans ses Mémoires, Joseph Fouché rappelle que Sieyès « était entiché depuis longtemps [d’]une espèce de sommité monarchique plantée sur des bases républicaines » [57].

B – « VOUS VOULEZ DONC ÊTRE ROI ? »

22Tout a été dit sur le Grand-électeur, dans le sens de la critique plutôt que dans celui de l’éloge. Mais cette critique quasi unanime tend à démontrer que ses auteurs n’ont pas clairement appréhendé la signification du projet de Sieyès. Principal détracteur, Napoléon Bonaparte, dont les reproches feront école, voue le Grand-électeur aux gémonies, tant pour ce qu’il semble représenter que pour ce qu’il pourrait devenir. D’un côté, il refuse d’être un « roi fainéant » (selon le mot rapporté par A.Thiers) ou un « cochon à l’engrais de millions », quand les autres peuvent agir, notamment en matière militaire. De l’autre, il craint, s’il devait accepter d’être le consul chargé des questions extérieures, d’être placé sous la férule du Grand-électeur (Sieyès ou un autre) qui pourrait ainsi l’évincer du pouvoir à sa guise [58]. D’une façon générale, Bonaparte s’oppose à toute concurrence dans l’exercice de l’autorité. Comme l’écrit Vandal, « au fond, il voulait être tout, d’abord dans l’ordre exécutif » [59]. Sur ce point, le reproche que lui adresse Sieyès est lourd de signification.

23Dans les premiers jours de frimaire, Bonaparte, informé notamment par Roederer et Réal [60] des contours du projet de Sieyès, ne cacha pas ses réserves. Lors d’une entrevue que Talleyrand avait ménagée entre les deux consuls provisoires [61], Sieyès, agacé des attaques contre sa construction, lança à Bonaparte : « vous voulez donc être roi » ? La pique a sans nul doute touché son but, tant les témoignages des contemporains ont recours à la périphrase pour en diminuer la portée [62]. En outre, cette interrogation plaide en faveur de l’abbé Sieyès, à qui l’on a tant reproché de chercher à restaurer la monarchie. A cet égard, il faut rapprocher cette remontrance de celle du même type faite à Boulay de la Meurthe qui, afin de rapprocher les points de vue, proposa de remplacer le Grandélecteur par un président « assistant aux délibérations des consuls gouvernants, et statuant sur les conflits qui pourraient s’élever entre eux » [63].

1 – Le procès en monarchisme

24Un procès en monarchisme a souvent été intenté à Sieyès [64], y compris en brumaire. L’institution d’un Grand-électeur n’est, de ce point de vue, qu’un avatar supplémentaire. La confusion entre ce projet et le spectre du retour à la monarchie a d’ailleurs été sciemment entretenue. Bonaparte et son entourage ont un intérêt évident à ce que le Grand-électeur ne soit pas perçu pour ce qu’il est : une instance de régulation. Parallèlement, la polysémie des termes employés par Sieyès n’a pas manqué de le desservir.

25Ainsi, est-ce à dessein que le tableau établi par Daunou, et reproduit par Mignet, fait référence à un système se terminant en pointe, à l’instar de la monarchie, d’après la définition qu’en donne Sieyès en 1791 [65] ? Rien n’est moins sûr car Sieyès a lui-même repris cette image de la pyramide lors des conférences avec Boulay de la Meurthe [66]. Des études modernes [67] développent la thèse de la volonté restauratrice de Sieyès, qu’elle soit sincère ou purement tactique (« monarchisme de raison » selon Pasquale Pasquino). Pour Jean-Denis Bredin, le Grand-électeur est le moyen « de réaliser cette monarchie élective pour laquelle [Sieyès] semble toujours avoir eu une préférence, même s’il ne l’a que rarement exprimée » [68]. A l’appui de cette analyse, on peut renvoyer à la référence récurrente, dans les manuscrits de Sieyès [69], à une phrase de Rousseau (empruntée à Pline) : nous voulons un prince afin qu’il nous préserve d’avoir un maître.

26Pourtant, en définitive, loin d’être monarchiste, Sieyès renoue avec la vision classique de la monarchie républicaine [70]. Cette conclusion ressort d’une lecture parallèle du projet de l’an VIII et de la dispute avec Paine, en 1791. Si Paul Bastid a montré que le républicanisme de Sieyès ne fut pas des plus précoces, notamment après Varennes [71], il combat néanmoins, et avec force, la lecture monarchiste du projet de constitution de l’an VIII, qu’il qualifie de purement gratuite [72]. Les arguments avancés par Bastid n’emportent cependant pas une totale conviction. Pour lui, Sieyès ne porte que peu d’intérêt à la nature monarchique ou républicaine du régime [73]. Ce faisant l’éminent auteur préfère déplacer le débat sur la qualification du Grand-électeur en estimant que « le système complet que construira Sieyès en l’an VIII sera orienté vers la monarchie, dans le sens propre du mot » [74] et que « du point de vue scientifique et logique c’est une monarchie » [75]. Ce constat n’empêche pas Bastid de conclure que « le système de l’an VIII est républicain, en ce sens qu’il exclut l’hérédité » et un pouvoir personnel opposable à celui de la nation [76]. Une telle conclusion fait écho aux précautions que Sieyès lui-même a cru bon de prendre. En effet, Boulay de la Meurthe rapporte [77] qu’ayant à cœur « de dissiper les préventions, les craintes et les fausses espérances », Sieyès pris soin de préciser que le Grand-électeur n’était ni un despote ni un roi. Mais Boulay de la Meurthe reconnaît lui-même que « sans être roi, ce magistrat (…) avait dans sa prérogative de quoi produire tout le bien qu’on attend de la royauté » [78].

27Ardent défenseur du républicanisme de Sieyès en l’an VIII, Paul Bastid renvoie à la conception que l’abbé donne de la monarchie. Le procès en royauté n’a plus lieu d’être si la monarchie dont parle Sieyès correspond, en définitive, à la république. La question du vocabulaire est donc bien présente, elle ne constitue cependant pas l’unique élément de réponse.

2 – La monarchie selon Sieyès

28Sieyès tient une place à part dans le débat République-Monarchie, qui anime la France à partir de 1791-1792 [79]. Pour Sieyès, la monarchie n’est pas, à proprement parler, le règne d’un seul. La définition qu’il en donne, lors de sa dispute avec Thomas Paine [80], tient uniquement compte de la manière de « couronner le gouvernement » [81]. En ce sens, le gouvernement monarchique correspond à celui dans lequel le pouvoir exécutif est attribué à un seul. Ce modèle se termine « en pointe »; à charge pour le « premier monarque irresponsable », titulaire de la magistrature suprême, de superviser l’exercice de la fonction gouvernementale qui, elle, sera exercée par plusieurs « monarques responsables » [82].

29Ainsi, Sieyès propose un schéma différent de ceux communément admis. Comme le rappelle Paul Bastid, à l’époque, « pour le commun des mortels, c’est l’hérédité autant que l’unité qui fait la monarchie » [83]. Il en ressort que, au-delà de l’opposition républicains-monarchistes, Sieyès se donne pour adversaires les « polyarchistes » ou « polycrates », dont le système aboutit à un conseil d’exécution, nommé par le peuple ou l’assemblée nationale, et délibérant à la majorité. Dès lors, à l’instar de Mirabeau, Sieyès peut défendre l’idée selon laquelle « les républiques, en un certain sens, sont monarchiques ; les monarchies, en un certain sens, sont républiques » [84].

30La justification de cette conception du monarchisme est indissociable de la notion de gouvernement, dont Sieyès affine la définition. Dans le sillage de Rousseau [85], l’abbé Sieyès retient une acception stricte de la notion de gouvernement, centrée autour de l’application des lois [86]. Partant, Sieyès va séparer, dans le discours du 2 thermidor an III [87], le gouvernement du pouvoir exécutif. Le gouvernement n’est point le pouvoir exécutif : le premier exclut toute forme de délibération collégiale. Dès lors, il doit être exercé par « un monarque supérieur » emplit de toute la « majesté nationale ».

31Une telle summa divisio est-elle totalement incompatible avec le régime républicain (au sens courant du terme) ? Pas nécessairement. Le schéma théorique proposé peut tout autant être favorable à la monarchie qu’à la république. D’ailleurs, la réponse à Paine a pu être présentée comme « une mystification destinée à préparer l’opinion » [88] à la transition républicaine. Cela semble quelque peu exagéré [89]. Néanmoins, le monarchisme de Sieyès se rapproche du régime républicain. En effet, la monarchie telle qu’il l’imagine se situe au-delà, et non en deçà, de la république. Elle constitue la « véritable monarchie » [90] : la monarchie républicaine ou « république monarchique » [91]. Le débat essentiel porte sur la configuration du sommet de « l’établissement public ». Conformément à son action depuis l’ouverture des états généraux, Sieyès participe de ce grand mouvement de « dénaturation » [92] de la royauté, qui aboutira à son abolition.

32A l’appui de cette thèse, la question de l’irresponsabilité du monarque supérieur (futur Grand-électeur) permet, de manière claire, de rattacher la pensée de Sieyès aux tenants de la république en France et de rejeter l’accusation de monarchisme. En 1791, puis en l’an III, Sieyès revendique l’irresponsabilité du monarque supérieur chargé de désigner les titulaires du pouvoir exécutif. Or, l’inviolabilité constitue la pierre d’angle du gouvernement monarchique, au sens classique du terme [93]. Prérogative essentielle des monarchies modernes, l’inviolabilité du roi fait de lui, avec le principe d’hérédité, « quelque chose d’inaccessible » [94] qui, ainsi que l’écrira Chateaubriand, « s’élève au-dessus de toute responsabilité ». Essentiel, cet attribut l’est indubitablement car, aux yeux de certains, il a une importance plus grande encore que la participation du roi à la fonction législative [95].

33Le Grand-électeur doit-il être politiquement responsable pour n’être pas qualifié de roi ? C’est semble-t-il l’opinion communément partagée après Varennes et jusqu’à l’abolition de la royauté. Durant cette période, divers projets ont eu pour objet de substituer un président républicain à la personne du roi [96]. Leur point commun est de faire élire ce chef de l’État par une assemblée et de le rendre responsable devant celle-ci.

34D’un point de vue théorique, il est évident que l’irrévocabilité est de l’essence même des régimes monarchiques ou monocratiques. A l’inverse, un pouvoir juridiquement menacé de désinvestiture ne peut être considéré comme suprême [97]. Dans le projet de constitution de l’an VIII, à la différence de 1791 et de l’an III, Sieyès est favorable à un système, clairement républicain, de révocabilité du chef de l’État (voir plus loin 2e partie). Pourtant, dans les premières années de la Révolution, Sieyès va défendre un système, d’inspiration britannique, fondé sur l’irresponsabilité du roi et la responsabilité du ministre : « si l’on trouvait qu’il choisit mal, qu’il embarrasse la machine publique, on attrape et on punit le ministre » [98]. Plus précisément, des manuscrits de la fin de l’année 1789 font apparaître le lien étroit que Sieyès établit entre la limitation du pouvoir monarchique, réduit à la nomination des ministres ou « monarques responsables » et « l’arbitraire » du roi, c’est-à-dire l’absence totale de responsabilité [99]. Pourtant, en l’an III, la pensée de l’abbé Sieyès a déjà évolué, en raison sans doute des vicissitudes rencontrées par la fonction du chef de l’État depuis le 10 août 1792 et l’abolition de la monarchie. Sieyès sent toute la difficulté qu’il y a à concilier la majesté et l’élection. Éviter les écueils de l’hérédité (à laquelle Sieyès n’est guère attaché) et les dangers du charisme dictatorial permet à une Constitution de porter en elle-même « le principe de sa propre conservation » [100]. De même, Sieyès admet que, sous la république, l’étendue des prérogatives du chef de l’État conduit nécessairement à une réflexion sur sa responsabilité personnelle. A cet égard, l’abbé préfigure l’opinion que Necker formulera sur ce thème à la lumière de la pratique consulaire [101]. L’aboutissement de cette évolution est le possible engagement de la responsabilité politique du Grand-électeur, par le biais de l’absorption exercée par le collège des Conservateurs (voir plus loin, 2e partie).

3 – Un mode de désignation ambigu

35Un pouvoir, voilà la caractéristique essentielle du Grand-électeur. Il n’est qu’un pouvoir constitué créé pour satisfaire un besoin national. Bien que situé « au-dessus » [102] de l’échelle gouvernementale, il ne détient aucune parcelle du pouvoir constituant ou de la souveraineté [103]. C’est ainsi qu’il faut entendre les propos de Sieyès, pour qui le Grandélecteur n’est pas un despote, car celui-ci réunit dans ses mains tous les pouvoirs publics. Dans le système de Sieyès, le Grand-électeur n’a que des « attributions spéciales et limitées » [104]. Pourquoi alors lui confier un mandat viager, si propice aux confusions et ambiguïtés ? Entre l’hérédité ou l’élection, Sieyès semble ne pas vouloir choisir, tant cette question lui paraît accessoire [105].

36Mais, la question de la stabilité de la première fonction publique le préoccupe incessamment, ainsi que la recherche du moyen qui permettra d’associer les avantages de l’hérédité (qualifiée de « paisible » en 1791 [106] ) et les bienfaits de l’élection, tout en rejetant les inconvénients de l’une et l’autre [107]. En l’an VIII, l’opinion publique est, semble-t-il, mûre pour recevoir une telle combinaison, à laquelle Sieyès a sans doute déjà réfléchi de longue date [108]. Le but ultime de conservation de la Constitution apparaît atteint [109]. Ce qui fait dire à Sieyès, s’exprimant par la plume de Boulay de la Meurthe, que « sans être roi, ce magistrat (…) avait dans sa prérogative de quoi produire tout le bien qu’on attend de la royauté » [110]. Le caractère viager de son mandat devait lui ôter toute volonté de péren-niser sa situation. Contrairement à l’opinion commune [111], la durée des fonctions du Grand-électeur est un gage de modération du régime et non un facteur d’autoritarisme gouvernemental. Sieyès a compris que c’est la détention limitée dans le temps du pouvoir qui conduit à des abus. Dans le cadre de la Constitution de l’an VIII, il constatera avec impuissance la course inéluctable vers le pouvoir héréditaire, dont nul ne pourra arrêter le mouvement [112]. Certes, le risque d’un coup d’État visant à instaurer l’hérédité dans la dévolution des fonctions de Grand-électeur n’est pas inexistant. Mais, la procédure d’absorption permet d’y remédier.

37Décidé à adopter le mode électif, Sieyès va construire un système syncrétique où se mêlent aristocratie et démocratie. Ce système n’est pas détaillé dans les notes que Boulay de la Meurthe a établies à partir de ses conversations avec Sieyès. Tout au plus, mentionnent-elles qu’il appartient au collège des Conservateurs de procéder à cette désignation parmi les membres de la liste nationale. Pour le reste, il convient de se reporter à la présentation du projet de constitution publiée dans le Moniteur du 10 frimaire an VIII [113].

38Le caractère oligarchique d’un tel mode d’élection ne fait aucun doute. Conformément à l’un des principes fondateurs du projet, les citoyens n’ont d’autre fonction que de participer à la constitution de listes d’éligibles, les fameuses listes de notabilité que Bonaparte reprendra à son compte dans la constitution du 22 frimaire an VIII (art. 6 et s.). En dépit, des justifications de Sieyès [114], il est difficile de soutenir que la désignation par le collège des Conservateurs permette l’expression du vœu de toute la nation. L’origine aristocratique, mais également la possibilité pour le collège d’épurer la liste nationale (d’un dixième des noms) s’y opposent.

39Effectuée par un organe aristocratique, l’élection du Grand-électeur fait néanmoins en partie appel au tirage au sort, institution éminemment démocratique. Prenant exemple sur les idées de Rousseau [115], Sieyès préconise, selon le Moniteur du 10 frimaire an VIII, de tirer au sort une urne (parmi six) qui contient le résultat d’une élection « préventive », dans l’hypothèse où le Grand-électeur viendrait à décéder ou à être absorbé.

40Si le Grand-électeur n’est pas ce « roi sauf l’hérédité » que décrivait Louis Blanc en 1875 (à propos du président de la IIIe République), il diffère largement du « fantôme » ou du « cochon à l’engrais » chers à Napoléon Bonaparte. La volonté de Sieyès ne fut pas simplement de redorer le blason d’un pouvoir exécutif que, depuis 1793, toutes les constitutions avaient cherché à minimiser. Si ce but n’est pas absent du projet de l’an VIII, compte tenu notamment des liens de pensée qui unissent l’abbé Sieyès au groupe des Idéologues, celui-ci cherche cependant à aller plus loin dans la recherche d’un système constitutionnel harmonieux. En ce sens, le Grand-électeur tient une place originale dans la constitution du modèle français de chef de l’État, qui se développe de la monarchie parlementaire à l’écriture des lois constitutionnelles de 1875.

II – LE GRAND-ÉLECTEUR, PROTOTYPE DU CHEF D’ÉTAT RÉPUBLICAIN MODERNE

41En l’an VIII, Sieyès confère au Grand-électeur une position à nulle autre pareille. Celle-ci va influencer la façon dont le pouvoir exécutif sera envisagé par la suite. Au cœur du moment révolutionnaire, le Grandélecteur émerge alors que le pouvoir exécutif connaît une montée en puissance régulière : d’embryonnaire en l’an I, il s’apprête, dans la Constitution de l’an VIII, à surpasser tous les autres. Le statut tout autant que les fonctions du Grand-électeur illustrent la transition (dont Sieyès aurait souhaité qu’elle fut définitive) qu’il représente. En effet, le projet de l’an VIII contient les ferments d’un chef de l’État de type parlementaire, qui « retiré de la vie politique quotidienne, placé au-dessus des partis, détaché de la fonction gouvernementale (…) rejoignant d’ailleurs par un détour piquant le statut des monarques constitutionnels, [assume] un rôle difficile à retenir, tout de nuances » [116].

A – UNE PATERNITÉ INCERTAINE

42La majorité de la doctrine ne voit pas dans Sieyès l’un des pères du régime parlementaire. Les études portant sur l’introduction du parlementarisme en France fixent son point de départ en 1814, avec l’adoption de la Charte constitutionnelle [117]. Pourtant, le projet de Sieyès s’inscrit dans une sorte de « préhistoire » de ce mode de gouvernement, à l’instar de la pratique ministérielle du printemps 1791 [118]. Si la place, centrale, qu’occupe le Grand-électeur dans la théorisation de la fonction du chef de l’État moderne a été perçue par Bagehot [119], les auteurs français admettent, quant à eux, avec plus de peine une telle paternité.

43Bastid lui-même évite de tisser un tel lien. Pour lui, « ni le gouvernement parlementaire à l’anglaise, qui dure jusqu’en 1848, ni la tradition du gouvernement d’assemblée, qui reparaît avec la révolution de février, ne cadrent évidemment avec le plan de l’an VIII » [120]. Tout au plus, la situation du Grand-électeur peut-elle être comparée à celle des assemblées législatives dans un contexte parlementaire, par l’exercice de son droit de destitution des consuls [121]. Les conceptions de cet auteur ont cependant évolué. Dans l’édition critique des deux discours prononcés par Sieyès en thermidor an III, il constate que les mécanismes proposés par l’abbé, qui ne sont que la préfiguration du projet de l’an VIII, réalisent un système très différent, dans l’ensemble, du régime parlementaire classique, « mais qui n’est pas pourtant sans offrir avec lui des analogies de détail » [122], parmi lesquelles la responsabilité statutaire du gouvernement, non devant l’assemblée, mais devant le Grand-électeur lui-même. Comme le régime parlementaire, le plan de l’an VIII a pour objet de réaliser l’harmonie entre les pouvoirs publics, simplement « cette harmonie n’est pas obtenue par les mêmes moyens » [123].

44En dépit de ces liens, l’ensemble des études classiques consacrées à la naissance du parlementarisme en France, entre 1814 et 1848, nie l’influence de l’abbé Sieyès dans cette lente gestation. L’effervescence des idées qui suivit la chute du premier Empire constitue, en doctrine, le point d’ancrage de la construction progressive du parlementarisme français [124]; le penseur de cette évolution étant Benjamin Constant [125]. La perception d’éléments fondateurs antérieurs à la période de la Restauration est chose acquise de longue date [126]. Cependant, cet effort de datation fait l’impasse sur les thèses de l’abbé Sieyès, notamment en l’an VIII [127]. La raison de cette absence tient, pour Duguit, à l’essence même du régime parlementaire : il ne s’agit pas d’un « mécanisme politique créé de toutes pièces par les théoriciens » [128], dont Sieyès est l’un des représentants les plus illustres.

45Ce jugement, apparemment sans appel, n’est pas partagé par tous. L’appropriation par la monarchie constitutionnelle des idées de Sieyès ne fait aucun doute pour Jean-Denis Bredin [129]. Mais, il convient aussi de prêter attention à l’opinion de Thiers. Dans son Histoire du Consulat et de l’Empire, commencée sous la Monarchie de juillet, l’un des inspirateurs du tournant parlementaire en France et de l’effacement de la fonction du chef de l’État, met en lumière les liens étroits qui unissent le monarque parlementaire et le Grand-électeur envisagé par Sieyès. Écoutons-le : « ce Grand-électeur, écrit-il, c’est bien la royauté, réduite au rôle peu actif, mais considérable, de choisir les chefs agissants du gouvernement » [130]. Le rejet d’une telle institution ne peut être que le fait d’hommes « n’ayant pas encore réfléchi beaucoup à la Constitution anglaise, ne comprenant pas une magistrature réduite au rôle unique de choisir les agents supérieurs du gouvernement » [131]. Puis, comparant le projet de l’an VIII à la Constitution anglaise, il constate que, dans cette dernière, « tout ce que recherchait le législateur, Sieyès l’y accomplit infailliblement » [132].

46Néanmoins, Thiers va sans doute trop loin lorsqu’il affirme que Sieyès n’admettait que la royauté d’Angleterre en lui retranchant le titre de roi, l’inamovibilité et l’hérédité [133]. C’est peut-être son passé régicide, rendant impossible un éventuel ralliement à la monarchie post-impériale, contrairement à certains idéologues, qui a interdit à Sieyès de siéger parmi les pères du régime parlementaire français. En 1830, Benjamin Constant lui-même reconnaîtra, dans un abandon tardif (selon le mot de P. Bastid) sa dette vis-à-vis du père du mouvement constitutionnel de 1789 (peu de temps avant le retour d’exil de ce dernier). Évoquant ces souvenirs [134], il rendra, avec Thiers, le plus bel hommage qui soit au Grand-électeur. Cet organe, écrit Constant, « à quelques subtilités près, dont on s’est emparé pour rendre [la théorie de Sieyès] ridicule, est le type exact et utile d’un roi tel qu’on doit le désirer ». On peut cependant regretter que Constant n’ait pas plutôt, dans ses ouvrages majeurs, rendu publique la communauté d’idées qui, sur ce point, le lie à l’abbé Sieyès.

47Mais, l’aveu du grand penseur libéral n’est-il pas dû aux circonstances, afin de replacer ses propres idées dans les traces des pionniers de 89, au moment où la Charte de 1814 vacille pour laisser la place à la monarchie parlementaire ? Au-delà des mots, les deux doctrines entre-tiennent-elles des relations étroites ; le Grand-électeur de Sieyès est-il une simple bizarrerie (selon le mot de J.-J. Chevallier) ou un archétype ? La recherche de la qualification du Grand-électeur s’impose. A défaut de créer un modèle, l’abbé Sieyès n’a-t-il pas mis au jour (ou inscrit dans sa propre théorie) un certain nombre d’éléments autour desquels la monarchie puis la république parlementaire vont se structurer ?

B – UNE INFLUENCE BIEN RÉELLE

48L’apport de Sieyès serait théorique alors que la naissance, mais aussi l’enracinement, du parlementarisme français sont le produit des circonstances et des équilibres politiques successifs [135]. La nature de ces deux phénomènes est donc différente et il n’est pas possible de les unir dans une même pensée. Pourtant, le Grand-électeur ne mérite pas d’être exclu de l’étude de la fonction du chef de l’État en France [136].

49Quand bien même on ne donnerait foi qu’à la seule thèse de l’influence britannique du parlementarisme français [137], la pensée de Sieyès ne saurait être écartée, dans la mesure où elle peut apparaître comme une réappropriation, par un théoricien de la souveraineté nationale, de la pratique anglaise. Dans ces conditions, la relation Grand-électeur/chef d’État parlementaire peut être abordée sous deux angles : la consistance des pouvoirs et la question de l’irresponsabilité.

1 – Un pouvoir distributeur à l’origine du « pouvoir neutre »

50Par les pouvoirs que Sieyès souhaite lui confier le Grand-électeur correspond à l’image du chef d’État parlementaire. Les notes de Boulay de la Meurthe sont claires : le Grand-électeur ne gouverne pas ; il n’a même pas la signature des actes de gouvernement. « Que fait-il donc ? il nomme simplement les chefs du gouvernement ; il observe leur conduite, se fait rendre compte de l’état des choses, et quand il trouve qu’il est de l’intérêt public de le révoquer, il les révoque et les remplace » [138]. En outre, il lui incombe de représenter la France auprès des puissances extérieures, sans pour autant conduire les armées ni négocier ou signer les traités ; c’est notamment à cette fin que Sieyès attribue au Grand-électeur un revenu de cinq millions. Dans le sillage de Napoléon Bonaparte, la vindicte n’a retenu que la première partie de la proposition et le Grand-électeur s’est vu affubler des traits d’un cochon à l’engrais, d’un roi fainéant ou du Doge de Venise (selon la comparaison développée par Thiers). Il est vrai qu’après le coup d’État de brumaire, limiter l’action du chef de l’État aux seuls pouvoirs de nommer et de destituer pouvait être jugé comme une provocation, un véritable outrage, à l’encontre de Bonaparte.

51Elire, c’est-à-dire choisir, les deux consuls à qui revient la fonction gouvernementale, est-ce là la mission d’un chef d’État parlementaire ? C’est l’opinion défendue par Adhémar Esmein pour qui « le rôle principal du président de la [IIIe ] république consiste à choisir et à conseiller les ministres » [139]; il fait clairement office « d’électeur » [140]. Dans les premiers temps de la Restauration, Constant avait insisté, dans les Principes de politique, sur la nécessité de conserver intact la liberté du monarque de choisir ses ministres [141]. Cette prérogative de type royal [142] se justifie-t-elle dans un cadre républicain ? Sans doute si l’on admet que l’absence d’autorité morale du chef d’État républicain (ainsi que le refus de l’hérédité) peut être contrebalancée par la possession de pouvoirs équivalents à ceux d’un monarque constitutionnel [143].

52Il convient toutefois de relever que le système des partis et l’émergence de majorités politiques nettes à la chambre peuvent modifier la portée de ce pouvoir essentiel [144]. Dans l’esprit de Sieyès, le pouvoir de nomination et de destitution des consuls est très grand. Il s’exerce « sous la seule influence de sa raison, de son patriotisme et l’opinion publique bien constatée » [145]. Cela n’est pas sans rappeler la conception extensive et personnaliste développée en Angleterre jusqu’à la fin du XVIIIe siècle [146].

53Importante, la prérogative de nomination l’est assurément. Toutefois, après Constant, l’on s’accorde à penser que, dans le régime parlementaire, le chef de l’État n’est pas qu’une « vaine idole » ou un « roi fainéant »; il « plane au-dessus des agitations humaines » en tant que détenteur d’un pouvoir neutre ou d’équilibre [147]. Cette conception n’est pas absente chez Sieyès, bien au contraire. Boulay de la Meurthe indique dans ses notes que le Grand-électeur a pour mission de dissiper les nuages et de rétablir la sérénité au sein du gouvernement. Bien plus, la préoccupation initiale des deux doctrines est identique [148]. A l’affirmation de Necker, selon laquelle la plus grande difficulté politique consiste à « assurer la responsabilité du pouvoir exécutif sans altérer la dignité du gouvernement » [149], Sieyès répond par la question suivante : « comment le chef de l’État, armé de grandes prérogatives, peut-il exercer lui-même une partie de ses pouvoirs sans en exercer jamais l’action responsable » [150] ?

54Pour ce qui touche aux solutions proposées, la lecture de l’opinion du 2 thermidor an III montre combien Sieyès est attaché à un morcellement des institutions et des pouvoirs, favorable à la protection des libertés. Il faut séparer tout ce qui est séparable, tout en assurant l’unité de l’ensemble du système : la fameuse « division avec unité » [151]. Cette unité se réalise sur plusieurs plans. Elle s’exprime, dans l’ordre exécutif, par l’institution du Grand-électeur et, dans l’ordre législatif, par celle du collège des Conservateurs ; chacun étant placé au sommet de la hiérarchie politique. Les deux organes sont qualifiés par Boulay de la Meurthe de « puissance électorale » [152] car leur fonction principale est de procéder à la désignation d’autres organes. Elle est la conséquence de l’un des deux principes cardinaux du projet de l’an VIII : nul ne doit être nommé fonctionnaire (au sens large de représentant) par ceux sur qui doit peser son autorité [153]. Sieyès en déduit que la responsabilité, comme l’autorité, des divers pouvoirs publics, et notamment du pouvoir exécutif, doit venir « d’en haut ».

55Ainsi, le Grand-électeur, comme le collège des Conservateurs d’ailleurs, n’auront aucune action ou influence sur les citoyens. Ils ne font que jouer un rôle stabilisateur de l’équilibre global du régime. Ils assument la fonction descendante de l’action politique, que Sieyès met en exergue en l’an III [154] et qui consiste à désigner les différentes représentations. Il y a là de nombreux traits communs avec le pouvoir préservateur ou neutre, prônée par Constant [155]. Au premier rang, on retrouve cette distance que prend le chef de l’État vis-à-vis des individus [156], mais aussi cette « responsabilité par le haut » [157] qu’il lui revient de mettre en œuvre à l’égard des ministres [158].

56Cette proximité de vues n’a été rendue possible que grâce à une conception commune de la séparation du pouvoir royal (ou du chef de l’État) et du pouvoir ministériel [159]. Cette scission au sein de l’exécutif va jouer un rôle décisif dans l’avènement du parlementarisme [160]. Si Constant l’a popularisée, au point que sa paternité ne soit guère mise en doute [161], l’influence de Sieyès est cependant loin d’avoir été négligeable. Durant la période 1789-1791, l’abbé perçoit la nécessité, dans les grands Etats, de distinguer « l’âme voulant » de « l’âme ordonnant ». Cette dernière peut être créée, et surveillée, par la volonté elle-même ou « il faut que le prince soit chargé de nommer ce conseil et de le surveiller. C’est vraisemblablement à cette nuance qu’on attachera à l’avenir l’idée d’une monarchie » [162]. La controverse qui l’oppose à Paine lui permettra de rendre publiques ses idées, en superposant un monarque électeur irresponsable et plusieurs monarques responsables, chefs d’exécution. Dans ces conditions, « le roi n’est pas véritablement ministre. Il ne peut pas exercer lui-même dans l’ordre de l’exécution » [163].

57Ce principe, Sieyès va le défendre pendant toute la Révolution. Il l’exprimera avec précision dans son opinion du 2 thermidor an III [164]. Boulay de la Meurthe insistera à nouveau sur la distinction en l’an VIII [165] et sur l’utilité de placer « en haut de l’échelle gouvernementale » le Grand-électeur, « procurateur d’exécution » (opinion du 2 thermidor an III). Préfigurant un débat qui se développera sous la Restauration [166], Sieyès tire deux conséquences de la séparation du chef de l’État et du pouvoir ministériel : le Grand-électeur ne gouverne pas et il n’a pas la signature des actes du gouvernement, n’étant pas responsable. On retrouve là une expression de la neutralité voulue par Constant [167]. De même Sieyès et Constant limitent le pouvoir de désignation (et de révocation) à la seule fonction ministérielle. Cette volonté de concentrer, sur les membres responsables du pouvoir exécutif (consuls ou ministres selon le système étudié), la capacité d’action du chef de l’État répond bien à la finalité préservatrice et équilibrante que la Constitution lui attribue [168]. A cet égard, les notes de Boulay de la Meurthe contredisent l’idée selon laquelle le Grand-électeur disposerait d’une compétence générale en matière de nomination aux emplois publics relevant du pouvoir exécutif [169]. Dans le projet de l’an VIII, le Grand-électeur n’exerce sa fonction qu’à l’égard des deux consuls qui, à leur tour, désigneront un conseil d’État, une chambre de justice politique et des ministres (au nombre de quatorze).

58Le rapprochement achoppe cependant sur un point crucial [170]. Dans le droit-fil de la pensée de Necker [171], Constant exclut que le pouvoir neutre puisse être dévolu à un chef d’État républicain [172], compte tenu du peu de sacralité dont celui-ci dispose. Dans les Principes de politique, il rattache le pouvoir neutre à la monarchie constitutionnelle. En république, il ne servirait à rien de placer au-dessus des ministres un chef inviolable dont l’utilité ne pourrait être réduite, faute de permanence et de dignité suffisante [173].

59Cette préoccupation n’est pas totalement éloignée de la pensée de Sieyès. Bien plus, elle permet d’expliquer l’ambiguïté dont le Grandélecteur est frappé. Mi-roi mi-président, ce dernier doit être entouré d’une magnificence toute royale afin d’apparaître comme réellement différent des ministres. En ce sens, il est bien un monarque républicain. Mais, Constant n’a pas totalement réfuté l’hypothèse d’un pouvoir préservateur républicain, avant de se rallier à une conception monarchique. Dans les Fragments d’un ouvrage abandonné sur une Constitution républicaine (1802) [174], Constant envisage la mise en place d’un pouvoir neutre républicain, de nature collégiale et dont les membres seraient nommés à vie. Cette instance est le plus souvent présentée comme s’inspirant du jury constitutionnaire proposé par Sieyès en l’an III [175]. Elle en assume d’ailleurs la fonction de garantie du pacte constitutionnel.

60Mais, dans sa volonté de diviser, de morceler, le pouvoir, Sieyès peut avoir eu à l’esprit un système complexe dont Grand-électeur et collège des Conservateurs, nommés à vie, constituent les deux balanciers, d’inégale longueur. Rejetant toute espèce de confusion des pouvoirs au profit d’une assemblée, même la plus légitime, Sieyès apparaît comme l’un des « opportunistes de l’exécutif » qui, comme Barère [176], ont conscience du fait que la force du gouvernement est l’un de ses atouts. Dès lors, on comprend mieux pourquoi, il divise les pouvoirs (législatif et exécutif), les classes de fonctionnaires (qui les composent) et les organes chargés de la désignation de ceux-ci [177].

61Dans ces conditions, le Grand-électeur doit disposer d’une « puissance électorale » équivalente à celle des Conservateurs. Simplement ces deux forces ne s’exerceront pas dans le même cadre. En d’autres termes, le Grand-électeur ne constitue qu’une partie, dans l’ordre exécutif, d’un mécanisme plus complexe d’attribution des places et de garantie de la Constitution. Les notes établies par Boulay de la Meurthe [178] font apparaître une certaine isomorphie des deux pans de l’édifice. Au-delà de la puissance électorale qu’il leur conférait, Sieyès, « dans le même but qu’il dotait magnifiquement le grand-électeur (…) voulait de même que le collège des Conservateurs, placé au sommet de la hiérarchie politique, eût un revenu assez considérable (…) ». Mais, compte tenu du risque que représente, à l’époque, le gouvernement d’un seul, l’abbé Sieyès ne manque pas de donner au collège des Conservateurs une position supérieure à celle du Grand-électeur. Le collège est également le gardien de la république et de la Constitution. En ce sens, il est bien le continuateur du jury constitutionnaire de l’an III et le précurseur du Sénat conservateur de la Constitution consulaire.

62Il n’est donc pas impossible d’envisager un « pouvoir neutre » individuel de type républicain. Toutefois, sa place s’en trouve changée. Alors que Constant fait du monarque un élément extérieur au système qu’il est censé maintenir à l’équilibre [179], l’abbé Sieyès, de son côté, préfère voir dans le chef de l’État un représentant de la Nation car « le premier qui, en mécanique, fit usage du régulateur se garda bien de le placer hors de la machine dont il voulait modérer le mouvement trop précipité » [180].

63Au-dessus de l’échelle du pouvoir exécutif, mais en dessous du pouvoir souverain (l’image, employée par Mignet, de la pyramide dont le sommet représente le Grand-électeur n’est donc pas juste), voilà la véritable place du Grand-électeur [181]. Bien que nommé à vie, son mandat peut toujours être remis en cause par le collège des Conservateurs. Peut-on, dans ces conditions, le qualifier d’inviolable ?

2 – La nature de l’absorption

64A partir de la Restauration, le syllogisme constitutionnel ne variera pas : seuls les ministres agissent et sont responsables. Le chef de l’État n’agit pas, il est donc inviolable [182]. Inspirée du modèle anglais, cette conception n’est pas absente chez Sieyès. Après avoir clairement distingué le gouvernement du pouvoir exécutif, il précise que le Grandélecteur se tient à l’écart de la gestion quotidienne des affaires de l’État : « il n’a même pas la signature des actes de gouvernement car il en serait responsable, et il ne doit pas l’être » [183]. Pourtant, de manière fort originale, le projet de Constitution de l’an VIII contient un mécanisme « d’absorption ». Celle-ci autorise le collège des Conservateurs à « appeler à lui » (et donc à entourer du faste inhérent à la qualité de membre du collège) toute personne (Boulay de la Meurthe écrit « tout homme ») qui « par ses talens, ses services, sa popularité et son ambition, serait inquiétant pour la tranquillité publique et le maintien de l’ordre public » [184].

65Derrière cette généralité, Sieyès envisage de rendre le Grand-électeur justiciable de cette procédure. Mais, dans son esprit, l’absorption ne constitue pas, en elle-même, un mécanisme de responsabilité politique : le Grand-électeur n’a pas besoin de la confiance du corps législatif pour exercer ses fonctions. Or, dans un régime représentatif, la destitution éventuelle des gouvernants « découle de la mission générale de contrôle dévolue aux assemblées » [185].

66Le projet de constitution rend possible la révocation des consuls par le Grand-électeur, sous la seule influence de sa raison, de son patriotisme et l’opinion publique bien constatée [186]. En tant que représentant de la Nation, le Grand-électeur n’est pas le commis du pouvoir législatif, mais son équivalent dans l’ordre de l’exécution [187]. De plus, les notes de Boulay de la Meurthe sont sur ce point très claires, la nomination du Grandélecteur borne le pouvoir du collège des Conservateurs sur la fonction du chef de l’État. Une fois désigné, il exerce à vie les missions qui sont les siennes de manière totalement libre [188].

67Sieyès excelle dans son souci de diviser à l’extrême les pouvoirs : placée au centre du dispositif constitutionnel, l’autorité du collège des Conservateurs devait rencontrer dans toutes ses actions « une barrière qu’elle ne pouvait franchir » [189], pour empêcher tout despotisme. Dans l’esprit de Sieyès, l’absorption est donc un « remède extraordinaire » [190] pour guérir la Constitution des « maladies qui l’exposent à périr » [191], dont les velléités dictatoriales du Grand-électeur [192]. Cette « espèce d’ostracisme » [193] aurait dû, selon l’abbé, n’avoir que des vertus, au moins préventives. Mais une telle prérogative ne pouvait qu’inciter à la méfiance car elle portait en elle le risque d’une dictature exercée par le collège des Conservateurs.

68D’ailleurs, autant que l’absence de pouvoir, c’est le danger de l’absorption qu’a honni Napoléon Bonaparte dans le projet de Sieyès. En effet, l’instauration d’une hypothèse de responsabilité du Grand-électeur ne peut qu’être un obstacle à sa suprématie car, dans ces conditions, « si le premier des pouvoirs constitués n’est pas le chef de l’exécutif (…) ce chef de l’exécutif n’est pas le chef de l’État » [194].

69Qu’elle soit délibérée ou feinte, la vision que Sieyès donne de la procédure d’absorption est pétrie d’angélisme. Rares seront ceux qui prendront sa défense [195]. Devant les sections ad hoc chargées de rédiger le projet de constitution, Boulay de la Meurthe lui-même aura à cœur de faire apparaître les vices d’une telle institution. Sa démonstration le conduit à dénoncer la « contradiction choquante » [196] qui consiste à soumettre le Grand-électeur à une responsabilité politique [197] qui n’ose dire son nom, tout en le drapant d’une prétendue irresponsabilité [198]. En outre, le mécanisme pourrait se révéler extrêmement dangereux et pervers en période de crise : le risque d’absorption incitera le titulaire du pouvoir exécutif à s’imposer par la force plutôt que par le respect des formes constitutionnelles [199].

70Ainsi, la procédure d’absorption aurait-elle été contre-productive en favorisant un développement du pouvoir de ce dernier, une fois rendu politiquement responsable [200]. Au surplus, on peut douter de la filiation entre l’absorption créée par Sieyès et l’ostracisme de la Grèce antique. Alors que ce dernier reconnaissait, dans des conditions très strictes, au peuple le droit d’ordonner l’exil d’un citoyen [201], la procédure du projet de l’an VIII se résume à un droit purement discrétionnaire donné à une institution de désorganiser toutes les autres. Ce droit étant confié à une autorité d’essence aristocratique et à la légitimité douteuse (les Conservateurs étant cooptés et nommés à vie). Il y a bien là le risque d’une dictature perpétuelle du collège des Conservateurs.

71L’attaque sévère (l’absorption est contraire tant à la souveraineté nationale qu’au gouvernement représentatif) portée par Boulay de la Meurthe n’étonne guère tant la vision de Sieyès se conforme à certains rouages critiqués des Constitutions antérieures. Partisan de l’ordre, Sieyès accepte avec difficulté que la Constitution puisse mettre sur un piédestal un individu, un chef. Pour lui, seule la construction théorique compte. La Constitution se suffit à elle-même; elle doit avoir les moyens de sa conservation, de son maintien. L’absorption constitue le moyen le plus radical de lutter contre les complots (n’oublions pas que Sieyès est à l’origine du coup d’État de brumaire). Comme l’accusation de haute trahison sous la IIIe République, cette procédure est un « garde-fou pour le régime » [202].

72Ce faisant, Sieyès renoue avec le système de responsabilité politicopénale mis en place dès 1791 et repris par la Constitution de l’an III [203]. Cependant, alors que, sous ces régimes, le pouvoir exécutif [204] était dépendant de l’assemblée parlementaire, dans le projet de Sieyès, le gouvernement (au sens où l’abbé entend ce terme) est soumis à une institution qui « n’est rien dans l’ordre exécutif, rien dans le gouvernement, rien dans l’ordre législatif » [205]; la fonction législative étant partagée entre le corps législatif et le tribunat. Ainsi, le collège des Conservateurs est la seule institution totalement inviolable dans le système proposé. Pourtant, dans les débats précédant l’adoption de la Constitution de l’anIII, Sieyès avait lui-même concédé qu’il serait dangereux de confier au jury constitutionnaire le soin de mettre en accusation les membres du pouvoir exécutif. A cette époque, il estimait que le jury (qui préfigure le collège des conservateurs) en aurait perdu son impassibilité [206].

73Pour le reste, les principes sont semblables dans les trois systèmes (à l’exception de la peine, plus douce mais perpétuelle en l’an VIII), notamment en ce qui touche à la « souplesse » des qualifications infractionnelles. En effet, le collège des Conservateurs est compétent pour anéantir toute tentative d’atteinte à la Constitution. Cela renvoie directement aux notions de « délits commis contre la sûreté nationale et la Constitution » (const. 3 septembre 1791, titre III, chap. II, sect. IV, art. 4) et de « manœuvres pour renverser la Constitution » (const. 5 fructidor an III, art. 115 rendu applicable aux directeurs par l’art. 158). La nature politique de la responsabilité que traduit l’absorption apparaît lumineusement dans le fait que le refus de se laisser absorber rendrait le Grandélecteur « criminel de haute trahison » [207]. Or, cette expression, qui a fait florès, est connue pour faire référence à un crime essentiellement politique : « la tentative de coup d’État, c’est-à-dire la haute trahison vis-à-vis des institutions constitutionnelles » [208]. En outre, Michel Troper [209] a démontré que, dans le cadre des Constitutions de 1791 et de l’an III, derrière une responsabilité de type pénal, les assemblées compétentes se reconnaissaient le droit de poursuivre tout refus, délibéré ou non, d’exécuter une loi. Dans ces conditions, comment imaginer que le Grandélecteur eut pu disposer d’une quelconque liberté d’action vis-à-vis du collège des Conservateurs ?

74Alors que sous les régimes précédents la transmutation des mécanismes de responsabilité était liée à l’émergence de politiques divergentes de la part des membres du pouvoir exécutif [210], dans le projet de l’an VIII, l’absorption concerne essentiellement ceux qui ne sont pas partie prenante à l’exercice du pouvoir exécutif. En effet, s’ils se montrent dangereux, les consuls titulaires de ce pouvoir sont normalement révoqués par le Grand-électeur [211]. La responsabilité préconisée par Sieyès est d’autant plus éclatante qu’elle va s’exercer à l’encontre d’un chef de l’État nommé à vie : la perte de l’inviolabilité d’un tel personnage s’ap-parente « à une crise violente presqu’aussi grave qu’une révolution » [212].

75On retrouvera, toutes choses égales par ailleurs, un système similaire de responsabilité présidentielle en 1848. Mais, à cette époque, le chef de l’État n’est pas un « cochon à l’engrais », mais bien « Gulliver maintenu au sol par 750 lilliputiens » [213]. Cependant, dans un contexte de type parlementaire, la responsabilité pour haute trahison d’un Président de la République aux pouvoirs peu étendus, joue un rôle identique à l’absorption de l’an VIII. Elle permet aux assemblées de destituer un chef d’État qui tenterait de prendre le pouvoir par la force [214].

76La volonté de Sieyès de conserver intacte « sa » Constitution était la plus forte ; l’absorption le démontre. Cette procédure donne aux Conservateurs suffisamment de puissance pour s’élever contre toute tentative de destruction de l’édifice constitutionnel. Mais, parallèlement, le carcan dans lequel le Grand-électeur est confortablement confiné ne lui donne guère les moyens de constituer un danger pour les gardiens de la Constitution. Le Grand-électeur ne saurait donc être comparé à la pointe d’une pyramide [215]. Sa position est, en dépit des apparences, relative et fragile.

Notes

  • [1]
    Rapporté par G. Lescuyer (Histoire des idées politiques, Dalloz, coll. Précis, 14e éd., 2001, n° 272).
  • [2]
    En outre, cette institution répond à une préoccupation constante de pensée politique depuis 1795. On en veut pour preuve les développement, proches de la pensée de Sieyès, que contiennent des ouvrages tels que L’équipondérateur de Lamare (1795. voir la présentation que Marcel Gauchet fait de l’ouvrage de Lamare, in La révolution des pouvoirs, Gallimard, NRF, 1995, p. 137-145) ou bien Du gouvernement, écrit par Roederer la même année. Celui-ci préconisait déjà la création d’un « grand électeur » afin d’assurer la censure du gouvernement (p. 48).
  • [3]
    Théorie constitutionnelle de Sieyès, Constitution de l’an VIII, extraits des mémoires inédits de M. Boulay de la Meurthe, Renouard, Paris, 1836 (cité Théorie constitutionnelle… ).
  • [4]
    Ce désintérêt pour l’écriture rapproche Sieyès de Bonaparte (cf. la correspondance générale de ce dernier, dont la publication vient de débuter, à l’initiative de la Fondation Napoléon).
  • [5]
    P. Bastid, Sieyès et sa pensée, Hachette, 1939, p. 251.
  • [6]
    Voir J. Bourdon, La Constitution de l’an VIII, Carrère, Rodez, 1942, p. 20 et s.; P. Bastid, op. cit., loc. cit.
  • [7]
    Voir Œuvres du Comte Roederer, par le Baron Roederer, Paris, Firmin-Didot, 1854. Il ne fait aujourd’hui plus de doute que le tableau figuratif du projet de Sieyès, publié par Mignet (Histoire de la révolution française, Firmin-Didot, 1re éd., 1824, t. 2) est l’œuvre de Daunou (voir J. Bourdon, préc., p. 8 et 22). En revanche, rien n’indique qu’il soit l’auteur de l’article publié peu de temps avant le coup d’État dans la Décade philosophique (J. Bourdon, op. cit., p. 19. Voir cepend. L. Jaume, L’individu effacé ou le paradoxe du libéralisme français, Fayard, 1997, p. 32, note). Les écrits de Boulay de la Meurthe ont déjà été cités. Chénier, quant à lui, se verra extorquer des informations par un informateur de Fouché (voir plus loin).
  • [8]
    Il convient d’emblée d’écarter des sources utiles le Mémorial de Sainte-Hélène dont l’objectivité n’est pas la qualité première. On s’y reportera cependant pour y puiser quelques anecdotes ou citations de Napoléon Bonaparte.
  • [9]
    Roederer et Daunou présentent cet organe comme occupant le sommet de l’édifice constitutionnel. De même, ils lui confèrent un pouvoir de nomination qui déborde celui que Boulay de la Meurthe lui attribue.
  • [10]
    J. Bourdon, thèse, préc., p. 23, note. Sur le propre projet de Daunou, voir J.-P. Clément, Aux sources du libéralisme français : Boissy d’Anglas, Daunou, Lanjuinais, LGDJ, 2000, p. 113-114.
  • [11]
    Daunou est, depuis l’an III, un concurrent de Sieyès en matière d’expertise constitutionnelle ; il tiendra la plume pour rédiger le projet définitif de Constitution consulaire. Roederer proposera un projet alternatif à celui de Sieyès (Arch. Nat., ABXIX 1919).
  • [12]
    Ce dernier estime même être le principal, sinon l’unique dépositaire des idées de Sieyès (Théorie constitutionnelle…, préc., p. 45). Quant à la datation du tableau de Daunou, elle est tout sauf certaine (J.-D. Bredin, Sieyès. La clé de la Révolution française, de Fallois, 1988, p. 467).
  • [13]
    M. Prélot, Précis de droit constitutionnel, Dalloz, 1950, p. 118. Voir également M. Poniatowski, Talleyrand et le Consulat, Perrin, 1986, p. 49 : « le système conçu par Sieyès était suprêmement intellectuel, abstrait, inefficace et dangereux ».
  • [14]
    Voir P.-F. Tissot, Histoire complète de la Révolution française, Paris, Baudouin, 1834-1835, t. 5, p. 448 : « l’institution du Grand-électeur cachait évidemment le dessein de destituer Bonaparte pour mettre à sa place un consul à la dévotion de Sieyès. Le piège était trop grossier ».
  • [15]
    Voir L. Jaume, L’individu effacé ou le paradoxe du libéralisme français, préc., p. 35.
  • [16]
    E. de Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène, 1823, Seuil, 1968, p. 358. Voir F.-A. Mignet, op. cit., p. 280. L’appellation du Grand-électeur réapparaîtra cependant sous l’Empire, parmi les hauts dignitaires du régime.
  • [17]
    A. Vandal le pense (L’avènement de Bonaparte, Nelson, sd, t. 2, p. 13).
  • [18]
    P.-L. Roederer fait remonter les critiques visant le Grand-électeur au retour d’Égypte (cf. Œuvres du Comte Roederer, préc., t. 3, p. 303). Selon la Théorie constitutionnelle de Boulay (préc., p. 47-48), le débat est né dans les jours qui ont suivi le 18 brumaire, ce qui est plus vraisemblable.
  • [19]
    Histoire des institutions publiques et des régimes politiques de la France, préface J.-M. Mayeur, A. Colin, coll. Classic, 9e éd., 2001, t. 1, p. 116. Voir également J. Godechot, Les institutions du Consulat et de l’Empire, PUF, 1989, p. 555 et s.
  • [20]
    Voir C. Eisenmann, Napoléon, précurseur de la dictature idéologique, in Écrits de théorie du droit, de droit constitutionnel et d’idées politiques, réunis par C. Leben, Ed. Panthéon-Assas, coll. Les introuvables, 2002, p. 639 et s.
  • [21]
    T. Lentz, Le grand Consulat, 1999, Fayard, p. 105.
  • [22]
    A. Thiers est de ceux-là. Etudiant, dans sa vaste Histoire du Consulat et de l’Empire, le projet de Sieyès, il en relève le caractère artificiel (Paris, Paulin, 1845, t. 1, p. 86), mais renvoie à leur ignorance de la Constitution anglaise ceux qui ne « comprenaient pas une magistrature réduite au rôle unique de choisir les agents supérieurs du gouvernement » (p. 89). Bien que Sieyès lui-même eût sans doute rejeté le parallèle avec le régime britannique, le soutien de Thiers est suffisamment clair pour être noté. De son côté, A. Netton, auteur d’une biographie de Sieyès (Vie de Sieyès, Perrin, 1901.), éprouve quelque peine à voiler les doutes que le Grand-électeur suscite chez lui. Alors qu’il qualifie Sieyès de « Lycurgue de ce nouveau monde qui naissait au soleil éblouissant de 89 », il ne voit dans le Grandélecteur qu’une ombre inutile dont les défauts et les faiblesses ternissent l’éclat du projet préconsulaire. Sans aller plus loin, ce chef de l’État est « le point le plus vulnérable de la Constitution » (p. 406) !
  • [23]
    Voir P.-F. Tissot, op. cit., p. 448.
  • [24]
    L. Madelin, Histoire du consulat et de l’Empire, Hachette, 1933, t. 3, p. 27 et J. Godechot, op. cit., p. 555.
  • [25]
    Cf. G. du Fresne de Beaucourt, Bonaparte et Sieyès. Épisode inédit de la révolution française, 1862, p. 3. Voir également J.-D. Bredin, op. cit., p. 445 et P. Bastid, op. cit., p. 228.
  • [26]
    A. Vandal, op. cit., t. 2, p. 8.
  • [27]
    L. Madelin, Histoire du consulat et de l’Empire, Hachette, 1933, t. 3, p. 28 et A. Thiers, Histoire du Consulat et de l’Empire, préc., t. 1, p. 90.
  • [28]
    A. Boulay de la Meurthe, op. cit., p. 47.
  • [29]
    Voir P.-L. Roederer, op. cit., t. 3, p. 303.
  • [30]
    J. Fouché, Mémoires, 1824, rééd. De Bonnot, 1967, p. 90.
  • [31]
    Op. cit., p. 252.
  • [32]
    Lettre du 8 janvier 1800 citée par M. Poniatowski, op. cit., p. 50 n.
  • [33]
    Voir infra. A. Thiers et A. Vandal parlent de « Sénat conservateur », confondant le projet de Sieyès avec la future Constitution du 22 frimaire an VIII.
  • [34]
    Op. cit., p. 474.
  • [35]
    Op. cit., p. 45.
  • [36]
    Sandoz-Rollin rapporte que Sieyès voyait dans ce projet l’aboutissement d’une œuvre de trente ans (cité par M. Poniatowski, op. cit., p. 53, note).
  • [37]
    Voir A. Netton, op. cit., p. 393 et T. Lentz, op. cit., p. 103.
  • [38]
    Voir introduction.
  • [39]
    Mémoires de L. Bonaparte, prince de Canino, Gosselin, 1836, p. 391.
  • [40]
    Op. cit., loc. cit.
  • [41]
    Cf. Des manuscrits de Sieyès (1773-1799), C. Fauré (dir.), H. Champion, 1999, p. 508 et s. et P. Pasquino, Sieyès et l’invention de la Constitution en France, O. Jacob, 1998, p. 181 et s.
  • [42]
    Publié par S. Mannoni, Une et indivisible. Storia dell’accentramenta administrativo in Francia, Milan, Giuffré, 1994, t. II, p. 396.
  • [43]
    P. Bastid, Les discours de Sieyès dans les débats constitutionnels de l’an III, édition critique, Hachette, 1939, p. 75.
  • [44]
    Théorie constitutionnelle, préc., p. 5.
  • [45]
    Art. 2 : La Constitution française est représentative : les représentants sont le corps législatif et le roi.
  • [46]
    Texte écrit en réponse au discours prononcé par Barnave le 10 août 1791, reproduit in P. Pasquino, Sieyès et l’invention de la Constitution en France, p. 171 et s. (spéc., p. 172).
  • [47]
    Théorie constitutionnelle, préc., p. 20.
  • [48]
    M. Prélot, Précis de droit constitutionnel, Dalloz, 1950, p. 69.
  • [49]
    Réponse au discours de Barnave, préc., p. 173.
  • [50]
    Sur l’organisation du pouvoir législatif et la sanction royale, discours du 7 septembre 1789, reproduit in Orateurs de la Révolution, R. Halévi et F. Furet, Pléiade, 1989, p. 1019.
  • [51]
    Fidèle à sa théorie mécaniste, Sieyès estime que « le premier qui en mécanique fit usage du régulateur se garda bien de le placer hors de la machine dont il voulait modérer le mouvement trop précipité » (Sur l’organisation du pouvoir législatif et la sanction royale, préc., p. 1033).
  • [52]
    Les discours de Sieyès dans les débats constitutionnels de l’an III, préc., p. 25.
  • [53]
    Voir C. Le Bozec, An III : créer, inventer, réinventer le pouvoir exécutif, Annales historiques de la révolution française, 2003, n° 2, p. 71 et s.
  • [54]
    N° 197 bis, p. 137.
  • [55]
    C’est nous qui soulignons.
  • [56]
    A. Vandal s’y réfère sans le citer (op. cit., p. 8).
  • [57]
    Op. cit., p. 89.
  • [58]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle, préc., p. 48.
  • [59]
    Op. cit., t. 2, p. 13.
  • [60]
    Celui-ci ayant été mandaté par Fouché (Mémoires, préc., p. 88).
  • [61]
    Voir M. Poniatowski, Talleyrand et le consulat, préc., p. 51. Contrairement à ce que rapporte cette source, ni Roederer ni Boulay de la Meurthe ne participèrent à cette rencontre (cf. Boulay de la Meurthe, op. cit., p. 47). Thiers (Histoire du Consulat et de l’Empire, préc., t. 1, p. 93) estime que Roederer accompagnait Talleyrand.
  • [62]
    Voir A. Boulay de la Meurthe, op. cit., p. 49; E. de Las Cases, Mémorial de Ste-Hélène, préc., p. 358. Roederer ne mentionne même pas l’incident (op. cit., loc. cit.).
  • [63]
    Théorie constitutionnelle…, préc., p. 49. L’auteur rapporte que Sieyès vit la royauté dans un tel projet (idem).
  • [64]
    P. Pasquino, Le républicanisme de Sieyès, Droits, 1993, n° 17, p. 67 et s. L’auteur (p. 76) y cite Michelet pour qui la dépendance de Sieyès vis-à-vis de sa robe et son amour de la quiétude en font un monarchiste.
  • [65]
    Note explicative, en réponse à la lettre [de T. Paine] et à quelques autres provocations du même genre, Moniteur, n° 197 bis, 16 juillet 1791, p. 138.
  • [66]
    Théorie constitutionnelle…, préc., p. 29-30.
  • [67]
    Cf. notamment M. Forsyth, Reason and revolution. The political thought of the Abbé Sieyès, New York, Leicester Univ. Press, 1987, cité par Pasquino, art. préc., p. 70.
  • [68]
    Sieyès. La clé de la Révolution française, préc., p. 476.
  • [69]
    Préc., p. 421 et 427.
  • [70]
    P. Pasquino, Le républicanisme de Sieyès, préc. et G. Lobrano, Démocratie et républiques anciennes avant et pendant la Révolution, in Révolution et république, l’exception française, M.Vovelle (dir.), éd. Kimé, 1989, p. 37 et s.
  • [71]
    Sieyès et sa pensée, préc., p. 120 et s.
  • [72]
    Op. cit., p. 251.
  • [73]
    Op. cit., p. 437.
  • [74]
    Op. cit., p. 440.
  • [75]
    Op. cit., loc. cit.
  • [76]
    Op. cit., loc. cit. Sur cette définition non dynastique de la monarchie, voir F. Saint-Bonnet, Aux origines de l’irresponsabilité du chef de l’État en France, in La responsabilité pénale du Président de la République, C. Guettier et A. Le Divellec (dir.), L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2003, p. 68.
  • [77]
    Théorie constitutionnelle…, préc., p. 25.
  • [78]
    Op. cit., p. 30.
  • [79]
    E. Gojosso, Le concept de république en France (XVIe -XVIIIe siècle), PUAM, 1998, p. 429. Les idées de l’abbé n’en sont pas pour autant totalement originales. On les trouve également sous la plume de La Revellière-Lépeaux dès 1789 (AP, t. 9, p. 65. voir E. Gojosso, op. cit., p. 428).
  • [80]
    Pour une analyse détaillée de ce texte, voir P. Bastid, op. cit., p. 437-449.
  • [81]
    Moniteur, 16 juillet 1791, p. 138.
  • [82]
    Sur la distinction entre pouvoir exécutif et fonction gouvernementale, voir plus loin.
  • [83]
    Op. cit., p. 437.
  • [84]
    Mirabeau, 3 mai 1790, cité par E. Gojosso, op. cit., p. 428.
  • [85]
    Sur la conception particulière de Rousseau, voir A. Esmein, Éléments de droit constitutionnel français et comparé, Larose, 2e éd., 1899, p. 17 et J.-J. Chevallier, Les grandes œuvres politiques, A. Colin, 7e éd., 1962, p. 159-160.
  • [86]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 24.
  • [87]
    Préc., p. 22.
  • [88]
    E. Gojosso, op. cit., p. 428. Cet auteur relève cependant que Sieyès ne fut sans doute pas de ceux qui souhaitèrent instaurer une république de fait après Varennes (p. 427).
  • [89]
    Compar., sur cette période, P. Bastid, op. cit., p. 119-120.
  • [90]
    Moniteur, 16 juillet 1791, préc., p. 138.
  • [91]
    Manuscrits de Sieyès, préc., p. 445.
  • [92]
    E. Gojosso, op. cit., p. 410.
  • [93]
    Cf. F. Saint-Bonnet, art. préc., p. 55-57.
  • [94]
    A. Thiers, Histoire de la Révolution française, t. 3, préc., p. 305. Voir également, M.Morabito, Necker et la question du chef de l’État, in Coppet, creuset de l’esprit libéral, L. Jaume (dir.), PUAM-Economica, 2000, p. 43.
  • [95]
    Voir E. Gojosso, op. cit., p. 425, n. 126.
  • [96]
    Idem, p. 462 et 477 ainsi que M. Morabito, Le chef de l’État en France, Montchrestien, 2e éd., 1996, p. 42.
  • [97]
    C. Eisenmann, Essai d’une classification théorique des formes politiques, Politique, n° 41-44,1968, rééd. in Écrits de théorie du droit, de droit constitutionnel et d’idées politiques, éd. Panthéon-Assas, coll. Les introuvables, 2002, p. 373.
  • [98]
    Manuscrits de Sieyès, préc., p. 429.
  • [99]
    Idem, p. 418 et s. : « le roi n’est pas véritablement ministre du pouvoir exécutif. Il ne peut pas exercer lui-même dans l’ordre de l’exécution, et il faut qu’on ait senti cette vérité comme par instinct puisqu’on l’a déclaré non responsable (souligné par Sieyès) (…) voilà sa vraie dénomination, électeur arbitraire des ministres d’exécution » (souligné par Sieyès).
  • [100]
    Bases de l’ordre social ou série raisonnée de quelques idées fondamentales de l’état social et politique, in Manuscrits de Sieyès, préc., p. 514.
  • [101]
    M. Morabito, art. préc., p. 51. Necker estime en effet que l’élection du chef du pouvoir exécutif rend naturelle sa responsabilité politique car « c’est à dater de lui que son utilité commence ».
  • [102]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 25.
  • [103]
    Cette caractéristique conduit, selon Jellinek, à refuser la qualification monarchique (voir C. Eisenmann, Essai d’une classification théorique des formes politiques, préc., p. 344).
  • [104]
    Idem.
  • [105]
    P. Bastid, op. cit., p. 439.
  • [106]
    Cette idée était déjà avancée par Mably (M. Morabito, Le chef de l’État en France, préc., p. 25).
  • [107]
    Voir Réponse à Paine, préc., p. 138 et Bases de l’ordre social, préc., p. 515.
  • [108]
    Voir Réponse à Paine, préc., p. 138. On relèvera cependant que la présentation du projet contenue dans le Moniteur du 10 frimaire an VIII hésite à affirmer que le mandat du Grand-électeur est viager.
  • [109]
    Voir F. Mignet, op. cit., p. 279.
  • [110]
    Théorie constitutionnelle…, préc., p. 30.
  • [111]
    Voir A. Thiers, op. cit., t. 1, p. 82.
  • [112]
    Sur cette logique du passage du consulat à temps au consulat à vie et à l’empire, voir A. Thiers, Histoire du consulat et de l’empire, préc., t. 5, p. 51.
  • [113]
    Voir également P. Bastid, p. 445.
  • [114]
    Théorie constitutionnelle…, préc., p. 31. Il estime que l’absence de restriction, notamment liée à la fortune, donne au système un caractère vraiment républicain (p. 15).
  • [115]
    Voir M. Morabito, op. cit., p. 24.
  • [116]
    G. Vedel, Manuel de droit constitutionnel, 1949, rééd., Dalloz, 2002, p. 94.
  • [117]
    Voir J.-J. Chevallier, Histoire des institutions et des régimes politiques de la France de 1789 à 1958, préc., p. 193 et s. ou encore D. Turpin, Le régime parlementaire, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 1997, p. 6.
  • [118]
    Voir M. Troper, L’histoire constitutionnelle française et la séparation des pouvoirs, LGDJ, 1974, p. 168.
  • [119]
    The british Constitution, London, 4e éd., 1885, p. 44.
  • [120]
    P. Bastid, Sieyès et sa pensée, préc., p. 531.
  • [121]
    Op. cit., p. 447.
  • [122]
    P. Bastid, Les discours de Sieyès dans les débats constitutionnels de l’an III, édition critique, Hachette, 1939, p. 83.
  • [123]
    Ibid.
  • [124]
    Voir J. Barthélemy, L’introduction du régime parlementaire en France sous Louis XVIII et Charles X, Giard et Brière, 1904, p. 1.
  • [125]
    P. Bastid, Les institutions politiques de la monarchie parlementaire française, Sirey, 1954, p. 32; J. Barthélemy, op. cit., p. 80. Dans son étude du « pouvoir neutre » invoqué par B. Constant, L. Jaume laisse de côté l’influence des idées de Sieyès sur cet aspect de la pensée libérale (L. Jaume, L’individu effacé, Fayard, 1997, p. 188 et s.). Dans un article plus récent, cet auteur esquisse les liens qui unissent le jury constitutionnaire de Sieyès et le « pouvoir neutre » chez Constant (Sieyès et le sens du jury constitutionnaire : une réinterprétation, Droits, n° 36,2002, p. 131).
  • [126]
    D. Turpin, Le régime parlementaire, op. cit., p. 17.
  • [127]
    A. Laquièze, Les origines du régime parlementaire en France (1814-1848), PUF, coll. Léviathan, 2002, p. 24-25. Cet auteur cite, au titre des révolutionnaires ayant eu une « perception approfondie du régime parlementaire », Mirabeau, Barnave, les monarchiens, Necker et sa fille, Germaine de Staël.
  • [128]
    Traité de droit constitutionnel, Fontemoing, 1921, t. IV, p. 805.
  • [129]
    Sieyès. La clé de la Révolution française, préc., p. 527.
  • [130]
    Histoire du Consulat et de l’Empire, préc., t. 1, p. 84.
  • [131]
    Ibid., p. 89.
  • [132]
    Ibid., p. 85.
  • [133]
    Ibid., p. 94.
  • [134]
    Revue de Paris, 1re série, 1830, vol. XI, p. 115 et s., XVI, p. 221 et s. (cité par P. Bastid, Sieyès et sa pensée, préc., p. 553-554.).
  • [135]
    Voir la conclusion de l’ouvrage d’A. Laquièze, préc.
  • [136]
    M. Morabito ne le mentionne pourtant pas dans son ouvrage de synthèse (Le chef de l’État en France, préc.).
  • [137]
    J. Barthélemy, op. cit., p. 14 et s.
  • [138]
    Boulay de la Meurthe, op. cit., p. 26.
  • [139]
    Éléments de droit constitutionnel français et étranger, préc., p. 436.
  • [140]
    Ibid., p. 484.
  • [141]
    « Choisir est sa fonction, renvoyer est son droit », c’est ainsi que Constant définira le Grand-électeur en 1830 (cité par Bastid, op. cit., p. 554).
  • [142]
    A. Laquièze, op. cit., p. 157.
  • [143]
    A. Brimo, A propos de la typologie des régimes constitutionnels des démocraties occidentales contemporaines, Mélanges P. Couzinet, Univoir sc. soc. Toulouse, 1974, p. 37.
  • [144]
    Ibid., p. 48 et A. Esmein, Deux formes de gouvernement, RDP, 1894, p. 34.
  • [145]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 26.
  • [146]
    Voir D. Baranger, Parlementarisme des origines, PUF, coll. Léviathan, 1999, p. 171 et s.
  • [147]
    Voir S. Holmes, Benjamin Constant et la genèse du libéralisme moderne, PUF, coll. Léviathan, 1994, p. 202 et s. Voir également D. Turpin, Le régime parlementaire, préc., p. 32.
  • [148]
    Cf. M. Gauchet, Introduction à B. Constant, écrits politiques, Folio, coll. Essais, 1997, p. 100-101.
  • [149]
    Cité par L. Jaume, Le concept de « responsabilité des ministres » chez Benjamin Constant, cette Revue, 2000, n° 42, p. 230.
  • [150]
    Bases de l’ordre social, préc., p. 515.
  • [151]
    Opinion du 2 thermidor an III, éd. Bastid, préc., p. 14.
  • [152]
    Op. cit., p. 20. Cette terminologie est reprise par G. Sautel et J.-L. Harouel (Histoire des institutions françaises depuis la révolution, Dalloz, 8e éd., 1997, p. 212).
  • [153]
    Ibid., p. 10 et 16.
  • [154]
    Opinion préc., p. 14.
  • [155]
    Voir M. Gauchet, in La révolution des pouvoirs, préc., p. 247-248.
  • [156]
    L. Jaume, Sieyès et le jury constitutionnaire, art. préc., p. 132. L’influence de Sieyès sur ce point est relevée par l’auteur dans un autre article (Le concept de « responsabilité des ministres » chez Benjamin Constant, préc., p. 237). Cette conception a été développée au sein de la monarchie anglaise du XVIIe siècle (voir D. Baranger, op. cit., p. 55).
  • [157]
    L. Jaume, Le concept de « responsabilité des ministres » chez Benjamin Constant, préc., p. 231.
  • [158]
    Les motifs de révocation admis par Sieyès trouve un écho dans la conception que Constant donne de l’intérêt général (voir L. Jaume, L’individu effacé, préc., p. 78).
  • [159]
    Sur cet aspect de la pensée de Constant, voir De la nature du pouvoir royal dans une monarchie constitutionnelle, in Principes de politique, Folio, éd. Gauchet, préc., p. 323 et L. Jaume, Le concept de « responsabilité des ministres » chez Benjamin Constant, préc.
  • [160]
    J. Barthélemy, op. cit., p. 73.
  • [161]
    Voir p. ex. R. Capitant, Régimes parlementaires, Mélanges R. Carré de Malberg, Sirey, 1933, p. 36-37.
  • [162]
    Manuscrits de Sieyès, délinéaments politiques, 4e cahier, p. 380.
  • [163]
    Ibid., fragments politiques, p. 418. Voir égal. p. 429.
  • [164]
    « Je ne confonds pas le pouvoir exécutif avec le gouvernement ; je regarde au contraire, la distinction de ces deux pouvoirs, dans une république, comme une de ces vues qui appartient encore au progrès de la science ; c’est au temps d’en dévoiler l’importance, et à rendre justice » (op. cit., p. 22).
  • [165]
    Op. cit., p. 24.
  • [166]
    J. Barthélemy, op. cit., p. 76 et s.
  • [167]
    Cf. S. Holmes, op. cit., loc. cit. et Écrits politiques, Folio, préc., p. 527 (note G à la réédition des Réflexions sur les Constitutions).
  • [168]
    A. Esmein, Éléments de droit constitutionnel…, préc., p. 436.
  • [169]
    Il y a là une divergence importante entre la version de Boulay et celles de Roederer et Daunou, pour qui le pouvoir de nomination est beaucoup plus étendu (cette vision se retrouve encore de nos jours. Voir G. Sautel et J.-L. Harouel, op. cit., p. 212).
  • [170]
    On pourrait également invoquer l’inexistence d’un droit de dissolution du corps législatif, en cas de désaccord entre lui et les consuls, mais pour des motifs contextuels évidents, il n’était pas question en l’an VIII de confier une telle prérogative à une chef de l’État républicain. En outre, ce droit ne constitue pas le « critère absolu du parlementarisme » (D. Turpin, op. cit., p. 33).
  • [171]
    Cf. M. Morabito, art. préc.
  • [172]
    Voir L. Jaume, L’individu effacé, préc., p. 186.
  • [173]
    Principes de politique, chapitre II, éd. citée, p. 331.
  • [174]
    Voir l’édition présentée et annotée par H. Grange, Aubier, 1991.
  • [175]
    Voir A. Slimani, Le républicanisme de Benjamin Constant (1792-1799), PUAM, 1999, p. 138 et s. et L. Jaume, Le contrôle de constitutionnalité de la loi a-t-il un sens pour la doctrine française de la révolution et des premières années du XIXe siècle, in Aux origines du contrôle de constitutionnalité (XVIIIe -XXe siècle), D. Chagnollaud (dir.), Ed. Panthéon-Assas, 2003, n° 20.
  • [176]
    P. Serna, Barère, penseur et acteur d’un premier opportunisme républicain face au directoire exécutif, AHRF, 2003, n° 2, p. 101 (spéc. p. 126).
  • [177]
    A. Boulay de la Meurthe, op. cit., p. 20.
  • [178]
    Préc., p. 37.
  • [179]
    Voir L. Jaume, L’individu effacé, préc., p. 189.
  • [180]
    Sur l’organisation du pouvoir législatif et la sanction royale, discours du 7 septembre 1789, préc., p. 1033.
  • [181]
    Il semble cependant que Sieyès ait, dans un premier temps, envisagé de confier au Grand-électeur la présidence du collège des Conservateurs (voir P. Bastid, op. cit., p. 433).
  • [182]
    Voir notamment R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, 1922, rééd., CNRS, 1962, t. 2, p. 401-402.
  • [183]
    A. Boulay de la Meurthe, op. cit., p. 26.
  • [184]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 40.
  • [185]
    P. Ségur, Qu’est-ce que la responsabilité politique ? RDP, 1999, p. 1607.
  • [186]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 26.
  • [187]
    Idem, p. 20.
  • [188]
    Idem, p. 38.
  • [189]
    Idem, loc. cit.
  • [190]
    Idem, p. 39.
  • [191]
    Idem, loc. cit.
  • [192]
    Par la suite, les régimes républicains français conserveront cette conception aporétique de la responsabilité pénale du chef de l’État (cf. F. Saint-Bonnet, art. préc., p. 67).
  • [193]
    Idem, p. 40.
  • [194]
    F. Saint-Bonnet, art. préc., p. 72.
  • [195]
    Lucien Bonaparte est favorable à une telle procédure qui pourra sauver l’État du crime et le délivrer de celui qui va s’y livrer (Mémoires, préc., p. 409).
  • [196]
    Idem, p. 68. Voir également A. Esmein, Éléments de droit constitutionnel, préc., p. 80.
  • [197]
    Sur cette notion, voir P. Ségur, Qu’est-ce que la responsabilité politique ? préc., p. 1599 et s.
  • [198]
    P. Bastid, op. cit., p. 440.
  • [199]
    Mémoires de L. Bonaparte, préc., p. 407-408.
  • [200]
    Sur un tel développement du pouvoir par la responsabilité, voir D. Baranger, Le parlementarisme des origines, PUF, coll. Léviathan, 1999.
  • [201]
    M. Humbert, Institutions politiques et sociales de l’Antiquité, Dalloz, précis, 8e éd., 2003, n° 117-119. L’ostracisme athénien répond au double objectif de soumettre les dirigeants à un vote de confiance et d’écarter du pouvoir les démagogues trop ambitieux.
  • [202]
    F. Saint-Bonnet, art. préc., p. 71. Voir également O. Beaud, Pour une autre interprétation de l’article 68 de la Constitution, RFD adm., 2001, p. 1197.
  • [203]
    Voir M. Troper, L’histoire constitutionnelle française et la séparation des pouvoirs, LGDJ, 1974, p. 83 et du même, La Constitution de l’an III et la séparation des pouvoirs, in La Constitution de l’an III, G. Conac et J.-P. Machelon (dir.), PUF, coll. Politique d’aujourd’hui, 1999, p. 51 et s.
  • [204]
    Dans la Constitution de 1791, la situation du roi des Français est particulière (cf. titre III, chap. II, sect. I). Voir F. Saint-Bonnet, op. cit., p. 63 et s.
  • [205]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 32.
  • [206]
    Voir M. Troper, op. cit., p. 88.
  • [207]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 40.
  • [208]
    M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel, 2e éd., 1929, rééd. CNRS, 1965, p. 415.
  • [209]
    Op. cit., p. 91.
  • [210]
    M. Troper, Responsabilité politique et fonction gouvernementale, in La responsabilité des gouvernants, O. Beaud et J.-M. Blanquer (dir.), Descartes et Cie, coll. Droit, 1999, p. 51.
  • [211]
    A. Boulay de la Meurthe, Théorie constitutionnelle…, préc., p. 40.
  • [212]
    A. Esmein, op. cit., p. 80 et Deux formes de gouvernement, préc., p. 16 et 31.
  • [213]
    M. Prélot, Précis de droit constitutionnel, préc., p. 178.
  • [214]
    Voir O. Beaud, art. préc., p. 1197.
  • [215]
    Cf. infra.
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