Notes
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[1]
La loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française est complétée par une loi simple n° 2004-193 adoptée le même jour après avoir été, comme elle, contrôlée par le Conseil constitutionnel le 12 février 2004. Les deux textes ont été promulgués en Polynésie française par un même arrêté n° 119 DRCL du 3 mars 2004.
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[2]
Corrélativement, il a réformé le régime de l’entrée en vigueur des normes étatiques. Alors que sous l’empire de l’article 1er de la loi n° 96-313 du 12 avril 1996 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française, l’entrée en vigueur des normes étatiques était tributaire de leur promulgation par le haut commissaire et de leur publication au Journal officiel de la Polynésie française, tel n’est plus le cas : en effet, l’article 8 de la loi organique dispose désormais d’une part, qu’elles entrent en vigueur à la date qu’elles fixent ou, à défaut, le dixième jour suivant celui de leur publication au Journal officiel de la République française et, d’autre part, qu’elles sont publiées pour information au Journal officiel de la Polynésie française.
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[3]
On notera que certaines rubriques de l’article 140 ne figurent pas dans la liste des matières législatives de l’article 34 de la Constitution. Par exemple, le droit de la santé, le droit de l’aménagement, le droit de l’environnement, le droit minier, etc. On sait néanmoins que le Conseil constitutionnel fait sienne une conception extensive de la matière législative qui déborde largement le champ de l’article 34 et dont relève peu ou prou tout ce qui a trait à la détermination des principes fondamentaux des matières concernées.
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[4]
Cette matière qui relève maintenant du domaine de la loi du pays, ressortissait déjà à la compétence de la Polynésie française, comme l’avait rappelé un avis du Conseil d’État en date du 2 octobre 2002 rendu sur une question relative à l’immersion des déchets dans les eaux territoriales.
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[5]
L. Favoreu, « Les normes de référence applicables au contrôle des délibérations des assemblées territoriales des territoires d’outre-mer : principes généraux du droit ou normes constitutionnelles ? », RFDA, 11 (6), nov.-déc. 1995, p. 1242.
-
[6]
La loi organique prévoyait la caducité dudit décret au bout de 18 mois, mais cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel (consid. 48). Le juge constitutionnel a par ailleurs assorti d’une réserve d’interprétation ce qu’il reste du dernier alinéa de l’article 32 I précisant que la caducité du décret d’approbation liée à l’absence de ratification législative doit s’entendre comme interdisant l’entrée en vigueur de la loi du pays (consid. 49).
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[7]
Il s’agit des rubriques suivantes : 1° État et capacité des personnes, autorité parentale, régime matrimoniaux, successions et libéralités ; 2° Recherche et constatation des infractions ; dispositions de droit pénal en matière de jeux de hasard; 3° Entrée et séjour des étrangers, à l’exception de l’exercice du droit d’asile, de l’éloignement des étrangers et de la circulation des citoyens de l’Union européenne ; 4° Communication audiovisuelle ; 5° Services financiers des établissements postaux.
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[8]
Selon un avis du Conseil d’État du 8 décembre 1998, seul l’État est compétent pour réglementer les services financiers assurés par l’OPT que constituent les chèques postaux, les cartes de paiement, les mandats et les envois contre remboursement.
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[9]
Le maintien de cet organisme eut assurément été souhaitable jusqu’à la mise en place de la législation de pays permettant la mise en œuvre de la compétence mentionnée à l’article 33.
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[10]
On peut dès lors penser que, ne pouvant être directement associée à la politique étrangère de l’État, la participation de la Polynésie française en matière « d’entrée des étrangers » pourrait bien se limiter à des aspects secondaires. Par exemple, la Polynésie paraît susceptible de mener une action d’information sur la politique française en matière de visa par l’intermédiaire de ses représentations à l’étranger et même conclure des arrangements administratifs à cette fin. De même, la délivrance des visas se faisant après consultation du haut commissaire, la législation de pays pourrait fort bien instaurer une procédure de consultation des autorités polynésiennes, ce qui leur permettrait de participer à l’octroi des visas.
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[11]
On peut se demander si, outre les incompatibilités énoncées par la loi organique, il y a lieu d’exclure l’éventuelle nomination des fonctionnaires visés à l’article 6 du projet de loi complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française. Leur nomination au Haut Conseil susceptible de s’analyser, comme « un emploi au service de la Polynésie française » dans la mesure où la prohibition dont il est question s’analyse comme une disposition « anti-pantouflage » en ce qu’elle cible une liste de fonctionnaires dont la fonction est liée à l’activité de contrôle exercée par l’État en Polynésie française.
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[12]
A ce titre, par exemple, la Polynésie pourra instaurer une obligation d’assurance destinée à couvrir la responsabilité décennale des constructeurs. En effet si ce principe issu de la loi 78-12 du 4 janvier 1978 a bien été transposé par une loi n° 96-609 du 5 juillet 1996, tel n’est en revanche de son corollaire, c’est-à-dire l’obligation de souscrire une assurance couvrant cette responsabilité. Quant à la possibilité pour la Polynésie française d’instaurer une telle obligation elle était jusqu’alors compromise, un avis du Conseil d’État en date du 24 septembre 2002 indiquant que l’obligation d’assurance destinée à couvrir la responsabilité décennale de constructeurs étant régie par le droit civil, elle relevait donc de la compétence de l’État.
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[13]
Dans une réserve d’interprétation, le juge constitutionnel précise que les conditions matérielles d’exploitation et de mise à disposition à la population des registres d’état civil relève de l’état et de la capacité des personnes qui figurent parmi les compétences que l’État ne peut transférer aux collectivités d’outre-mer en vertu des dispositions combinées des quatrièmes alinéa des articles 73 et 74 de la Constitution (consid. 78).
-
[14]
Sur les spécificités de l’adoption en Polynésie française, cf. not. M.-N. Charles, « Réflexions sur l’adoption en Polynésie française », RRJ, 1997, n° 1.
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[15]
C’est notamment le cas du régime juridique du fonds de commerce fixé par les lois du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce et du 29 juin 1935 relative au règlement du prix de vente des fonds de commerce. C’est aussi le cas du décret du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, ou de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.
-
[16]
C’est ce qui ressort clairement d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 26 juin 2001 : « considérant, surtout, que l’article 5 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française a conféré une compétence de droit commun aux autorités de ce territoire ; qu’au terme de l’article 6, l’État ne dispose plus désormais que des compétences d’attribution dans des matières limitativement énumérées, au rang desquelles figure simplement la “communication audiovisuelle” mais non la concurrence ».
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[17]
Dans un avis rendu le l4 mars 2000, le Conseil d’État considère que la Polynésie française qui est compétente pour intervenir dans le domaine réglementaire en ce qui concerne le droit commercial, l’est par voie de conséquence, pour édicter, dans le respect des principes fondamentaux des obligations commerciales, la réglementation nécessaire à l’application en Polynésie française de la législation relative aux entreprises en difficultés.
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[18]
Dans un avis rendu le 28 septembre 1999 qui répondait à la question suivante : « Les autorités de la Polynésie française sont-elles compétentes pour définir un régime visant à limiter ou interdire les concentrations d’entreprises ? », le Conseil d’État a estimé que « l’édiction d’une réglementation ayant objet de permettre le contrôle des concentrations d’entreprises dans des secteurs déterminés, par la limitation qu’elle est susceptible d’apporter à la liberté contractuelle, touche à la fois à la définition des règles de droit civil et des principes fondamentaux des obligations commerciales et relève ainsi de la seule compétence de l’État ».
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[19]
S’agissant du droit de grève dans la fonction publique on peut se demander si la détermination de sa mise en œuvre n’était pas d’ores et déjà acquise au titre de l’extension de la jurisprudence Jamart relative au pouvoir réglementaire des chefs de services. Néanmoins, un avis très contestable du Tribunal administratif de Papeete en date du 24 novembre 1993 indiquait que le droit de grève étant mis en œuvre par la loi, que la loi statutaire ne le prévoyant pas, excluait par conséquent l’instauration d’un service minimum dans les services publics du territoire de la Polynésie française.
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[20]
Pour un état des lieux sur la répartition des compétences sous l’empire du statut de 1996, on se reportera principalement à l’ouvrage d’Alain Moyrand, Les institutions de la Polynésie française, ministère de l’Education- CTRDP, 2003. Et pour un compte rendu minutieux des retouches effectuées dans la répartition des compétences par le nouveau statut, on se reportera à la conférence donnée le 25 mars 2004 par M. Jean Peres à l’Université de la Polynésie française sur le thème « La nouvelle répartition des compétences entre l’État et la Polynésie française » (disponible sur le site de la présidence de la Polynésie française). On peut en citer pêle-mêle quelque unes : extension de la compétence de la Polynésie française en matière de desserte aérienne (art. 14 8°), de réglementation portant sur les jeux de hasard (art. 24), en matière de sécurité maritime (art. 14 9°), retrait des hydrocarbures liquides et gazeux de la liste des matières premières stratégiques (art. 14 4°) à l’exception des produits nécessaires aux missions de défense et de sécurité (art. 27 3°), etc.
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[21]
L’extraterritorialité de la délégation bruxelloise de la Polynésie française constituait jusqu’alors un accommodement admis par l’État, les apparences étant ménagées par le fait qu’elle était présentée comme un simple démembrement de la délégation parisienne.
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[22]
La jurisprudence administrative interprète restrictivement le principe. Elle a ainsi récemment considéré qu’un Conseil général peut moduler le taux des aides financières qu’il accorde à des communes afin de les inciter à privilégier un mode de gestion déterminé de leurs services publics sans méconnaître pour autant le principe codifié à l’article L. 111-4 du Code général des collectivités locales selon lequel les décisions des collectivités locales « d’accorder ou de refuser une aide financière ne peuvent avoir pour effet l’établissement ou l’exercice d’une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur celle-ci » ( CE 12 décembre 2003, Département des Landes, req. n° 236442, RFDA, 2004, p. 189).
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[23]
A n’en pas douter, on peut prévoir le développement d’un contentieux d’un type nouveau fondé sur la rupture d’égalité entre les communes. Un tel contentieux étant notamment appelé à préciser si les délégations de compétence auxquelles procède la Polynésie française peuvent avoir lieu de manière distincte entre les communes ou au contraire si elles doivent s’effectuer de manière indistincte.
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[24]
On relèvera à cet égard l’absence de mise en place de mécanisme de péréquation des recettes fiscales alors même qu’en son dernier alinéa l’article 72-2 de la Constitution dispose « La Loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». Le Conseil constitutionnel a en effet considéré que cette exigence constitutionnelle est satisfaite en raison de l’existence d’un fonds intercommunal de péré-quation prévu par l’article 52 et redistribuant au moins 15 % des impôts, droits et taxes perçus au profit du budget général de la Polynésie française. Toutefois, le juge constitutionnel balance son interprétation peu exigeante de l’article 72-2 par la réserve suivante « (…) tant le décret en Conseil d’État qui doit fixer les modalités d’application de l’article 52, que la péréquation qui sera faite (…) ne devront pas méconnaître l’objectif d’égalité mentionné au dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution » (consid. 65).
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[25]
L’État reste quant à lui compétent en matière de restrictions non quantitatives (art. 14 4° et 6°), ce qui n’est pas sans poser de difficulté lorsque, par exemple, il a omis d’étendre à la Polynésie française l’interdiction d’importation de produits présentant des risques sanitaires. Il en résulte la situation ubuesque pour l’importateur que les autorités polynésiennes ne pouvant s’opposer à l’importation du produit sont amenées à en interdire la commercialisation. Tel est le cas par exemple de la « taurine » utilisée dans la composition des boissons énergisantes et interdite en métropole sur recommandation de l’Agence française de sécurité alimentaire, actuellement au centre d’un contentieux.
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[26]
Notamment l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1983 relative à la liberté des prix et de la concurrence désormais codifiée dans le Code de commerce.
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[27]
En ce sens, le Conseil d’État a indiqué que « dans l’exercice des attributions qu’elle tient de la loi, l’autorité compétente du territoire (de la Polynésie française) doit se conforter aux principes généraux du droit et en particulier du principe de liberté du commerce et de l’industrie ainsi qu’aux dispositions législatives conférant aux organes des collectivités créés sur le territoire des compétences propres à titre exclusif » ( CE, 13 mai 1994, Président de l’Assemblée territoriale de la Polynésie française, n° 112-409).
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[28]
Disposition qui contrecarre la solution issue d’un arrêt rendu sous le n° 02 PA 01472 le 7 octobre 2003 par la Cour administrative d’appel de Paris dans une affaire Gouvernement de la Polynésie française c/Haut-commissaire de la Polynésie française.
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[29]
Reconduites par la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outremer. Ce texte, également appelé « loi Girardin », proroge jusqu’en 2017 le dispositif de défiscalisation existant applicable aux ménages et aux entreprises et élargit le champ des secteurs éligibles à la défiscalisation. Il restaure en outre en son article 26 le principe de la « double défiscalisation », c’est-à-dire la déductibilité de l’assiette de la défiscalisation des avantages résultant de la mise en œuvre des dispositifs de défiscalisation propres à la Polynésie française.
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[30]
G. Flosse, « La citoyenneté de pays : l’exemple de la Polynésie française », Identité, nationalité, citoyenneté outre-mer, Actes du colloque des 9-10 novembre 1998, CHEAAM, 1999, J.-Y. Faberon et Y. Gauthier (dir.), p. 171 s.
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[31]
Comme le rappelle l’article mentionné à la note précédente, de nombreux textes ont, par le passé, consacré une telle « préférence territoriale », notamment l’ordonnance du 2 novembre 1945 qui avait prévu que dans certaines colonies, l’établissement des non originaires en vue de l’exercice de certaines professions pourrait être subordonné à des conditions « d’utilité économique et sociale » : celles-ci ayant pour objet « d’interdire l’établissement (…) des personnes non originaires, françaises ou étrangères qui (…) seraient susceptibles d’exercer des professions pouvant être assurées par les originaires ou pouvant entraver l’évolution sociale du pays ». Par la suite l’État insérera pour certains concours de fonctionnaires destinés à exercer en Polynésie française, la condition de résidence de 5 ans (ainsi fut-il fait par le décret du 19 juillet 1982 pour les instituteurs).
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[32]
Au regard du droit communautaire, la Polynésie française relève du statut des pays et territoires d’outre-mer ( PTOM ) régis par les articles 3,299 et 182 à 188 du traité instituant la communauté européenne (cf. not. J. Blot, « L’application du traité CE aux relations des territoires d’outre-mer », AJDA, 25 août 2003, p. 1426 s.). En conséquence, le droit communautaire qui y est applicable est celui qui résulte de la décision d’association et des actes de droit dérivé pris pour son application. Il en résulte une emprise limitée des quatre grandes libertés fondamentales régissant le droit communautaire. Ce qui explique, par exemple, que saisie par voie de question préjudicielle par le Tribunal administratif de Papeete, la Cour de justice des Communautés européennes ait pu considérer que les actes de droit dérivé organisant le droit d’entrée et de séjour sur le territoire des Etats membres, lequel est conçu comme un élément indispensable de la liberté d’établissement, ne sont pas applicables en tant que tels (aff. Kaeffer et Procacci du 12 décembre 1990, Rec. CJCE, p. I-4647).
1Après ceux de 1984 et de 1996, la loi n° 2004-192 du 27 février 2004 consacre le troisième statut d’autonomie de la Polynésie française [1]. Au fil des statuts, le régime d’autonomie de cette collectivité d’outre-mer s’est enrichi, se démarquant de plus en plus nettement du régime de droit commun des collectivités territoriales, c’est-à-dire de la « libre administration ». Deux traits principaux distinguaient classiquement l’autonomie de la libre administration : d’une part, l’exercice de compétences beaucoup plus vastes au travers d’un pouvoir réglementaire empiétant de manière significative sur le domaine législatif. D’autre part, le fait qu’en matière de répartition des compétences, l’État détienne une compétence d’attribution alors que la Polynésie détient pour sa part la compétence de droit commun.
2En dépit de l’importante liberté que ces dernières prérogatives devaient théoriquement conférer aux autorités de la Polynésie française, la mise en œuvre de l’autonomie n’a pas été sans soulever quelques difficultés. Au premier chef d’entre elles, la question récurrente de l’étendue des compétences « réellement » transférées et le recours subséquent à l’arbitrage de la juridiction administrative. Le libellé parfois évasif de la loi organique, la transversalité de certaines compétences et parfois un manque de dialogue regrettable de part et d’autre ont alimentés de fréquentes tensions entre la Polynésie française et l’État. Ces désaccords et l’exemple de la Nouvelle-Calédonie bénéficiant depuis 1998 d’une autonomie renforcée au sein d’un titre spécifique de la Constitution éclairent la revendication d’une autonomie comparable par les autorités de la Polynésie française.
3A la suite d’une tentative infructueuse en 1999, la révision constitutionnelle intervenue le 28 mars 2003 a modifié l’ensemble du cadre institutionnel applicable à l’outre-mer. Après avoir clairement réaffirmé l’appartenance des collectivités d’outre-mer à la République en les mentionnant nominativement dans la Constitution, rendant ainsi théoriquement impossible toute indépendance sans sa révision préalable, elle opère une refonte considérable de l’article 74. Dans le cadre du régime de spécialité législative, cet article distingue désormais les dispositions générales applicables à l’ensemble des collectivités d’outre-mer et les dispositions particulières dont peuvent bénéficier les collectivités dotées d’un statut d’autonomie. L’accession de l’autonomie à la dignité constitutionnelle correspond à un enrichissement de son contenu ouvrant la possibilité :
- de mettre en place un contrôle juridictionnel spécifique exercé par le Conseil d’État et portant sur les actes matériellement législatifs de l’assemblée délibérante ;
- de saisir le juge constitutionnel en vue de lui permettre de procéder à la modification d’une loi intervenue dans son domaine de compétence ;
- d’édicter des mesures justifiées par les nécessités locales en faveur de sa population, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ;
- de participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice de certaines compétences qu’il conserve dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques.
4Le nouveau statut d’autonomie de la Polynésie française constitue la première application de l’article 74 dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. En ce qu’elle décline ces nouvelles possibilités constitutionnelles et procède à de nouveaux transferts de compétence, la nouvelle loi statutaire réalise un extraordinaire « saut qualitatif ». La terminologie employée traduit l’incontestable montée en puissance de l’autonomie : « loi du pays », « libre gouvernement », « président de la Polynésie française » et non plus du gouvernement, « représentants à l’assemblée » et non plus simples conseillers territoriaux, etc.
5Au plan des relations entre l’État et la Polynésie française, vraisemblablement inspirés par la maxime fameuse selon lequel le « diable est dans le détail » et plus certainement instruits par l’abondant contentieux portant sur les compétences, les rédacteurs du nouveau statut ont été enclins à une extrême prolixité. Si bien qu’on est en droit d’espérer que le champ des compétences respectives de l’État et de la Polynésie française est dorénavant soigneusement délimité, le Conseil constitutionnel rappelant qu’aux termes de la Constitution son « noyau dur » est désormais constitué par la liste des matières énoncées – certes de manière non exhaustive – de l’article 73 al. 4 de la Constitution à laquelle renvoie l’article 74, à savoir : « la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit, et les changes, ainsi que le droit électoral » (consid. 23).
6Toujours au plan des relations avec l’État, conformément aux nouvelles dispositions d’application générale issues de la révision de l’article 74, le législateur organique a été conduit à préciser les règles, jusqu’alors jurisprudentielles, gouvernant le principe de spécialité législative [2]. Ainsi l’article 7 précise dans son premier alinéa que, dans les matières relevant de la compétence de l’État, les dispositions législatives et réglementaires comportant une mention expresse à cette fin sont applicables de plein droit en Polynésie française. Le reste de l’article 7 est consacré aux lois dites « de souveraineté », lesquelles sont applicables de plein droit sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière et sont l’objet d’une énumération qui s’avère sans intérêt puisque le juge constitutionnel précise qu’elle ne présente pas de caractère exhaustif (consid. 18).
7En ce qui concerne la distribution interne du pouvoir, si l’assemblée est apparemment la première des institutions bénéficiant de l’élargissement des compétences puisqu’elle adopte les lois de pays, le nouveau statut abouti indiscutablement au renforcement de l’exécutif. Par analogie avec les institutions de la Ve République, le président de la Polynésie française apparaît désormais comme la « clef de voûte » des institutions ce que traduit du reste la loi organique en le citant comme la première des institutions. Si ses pouvoirs propres sont accrus, son renforcement procède surtout du fait qu’il peut désormais être élu hors du sein de l’assemblée, sur présentation d’au moins un quart de ses membres (art. 64). La prépondérance de l’exécutif est également censée être confortée par la réforme du mode de scrutin instaurant une prime majoritaire à la liste arrivée en tête (art. 105).
8Pour ce qui est de l’organisation normative, on note une rupture avec la répartition très claire qui existait antérieurement. Dans le statut de 1996, les choses étaient fort simples : le pouvoir réglementaire général était exercé par l’assemblée de la Polynésie française tandis que le Conseil des ministres exerçait pour sa part un pouvoir réglementaire dérivé voué à la mise en œuvre des délibérations ainsi qu’un pouvoir réglementaire autonome relativement circonscrit. Or l’introduction de la loi du pays bouleverse cet ordonnancement puisque cette nouvelle source du pouvoir réglementaire s’approprie une part significative du domaine qu’occupait la délibération. Quoiqu’elle demeure la seule source du pourvoir réglementaire général, puisque son domaine n’est pas délimité, cette dernière est supplantée par la loi du pays dont relèvent désormais les compétences les plus importantes.
9Par comparaison à ses devanciers le nouveau statut d’autonomie de la Polynésie française frappe par la complexité de certaines dispositions. Cette complexité inédite, dont on peut redouter les effets sur un plan opérationnel, tient à divers facteurs : souci de préciser dans le détail le partage des compétences, originalité du mode de dévolution des compétences aux communes, recomposition du champ du pouvoir réglementaire résultant de l’introduction de la loi du pays, définition alambiquée de la participation aux compétences de l’État, etc. Cette sophistication apparaît dès lors comme la contrepartie du renforcement indéniable de l’autonomie de la Polynésie française tant sur le plan institutionnel (I) que dans l’exercice de ses compétences (II).
I – LE RENFORCEMENT DE L’AUTONOMIE AU PLAN INSTITUTIONNEL
10Dès son article 1er le nouveau statut d’autonomie de la Polynésie française atteste par la terminologie employée du « saut qualitatif » accompli en matière d’autonomie puisqu’il est solennellement proclamé que la Polynésie française est un « Pays d’outre-mer » qui se « gouverne librement ». Le dépassement de l’autonomie administrative qu’exprime la reconnaissance du libre gouvernement de la Polynésie française se traduit concrètement par le fait qu’elle dispose d’un pouvoir proto-législatif (A), qu’elle peut participer à certaines compétences régaliennes de l’État (B) et s’opposer à la pénétration des lois ne respectant pas son statut grâce à un dispositif garantissant l’intégrité de ses compétences (C).
A – LA LOI DU PAYS
1 – Domaine de la loi du pays
11Prévue par les articles 139 et suivants, la loi du pays est assurément l’expression emblématique de l’accession de la Polynésie à l’autonomie constitutionnelle. A l’évidence, cette norme d’un type inédit concrétise l’exercice d’un pouvoir de libre-gouvernement. Par différence à la libre administration, un tel pouvoir implique en effet que la collectivité autonome puisse, contrairement à une collectivité territoriale ordinaire, faire valoir ses propres intérêts à côté de l’intérêt général décliné par l’État au travers de la loi, des traités internationaux et de la Constitution. Tel était, d’ores et déjà le cas avant le statut d’autonomie du 27 février 2004 dans la mesure où, dans bien des domaines, l’assemblée de la Polynésie française délibérait dans des matières relevant du domaine de la loi. C’est en effet l’essence même de l’autonomie que de permettre, à la différence de la libre administration, une expression au plan législatif des intérêts locaux.
12Cette expression des intérêts du pays au niveau matériellement législatif est désormais conçue de manière extrêmement vaste puisque l’article 140 comporte 17 rubriques dont certaines sont clairement issues de l’article 34 de la Constitution et sont aussi essentielles que le droit civil, les principes fondamentaux des obligations commerciales, le droit du travail ou la fiscalité [3]. On notera toutefois que la loi organique n’indique pas si les lois du pays doivent intégralement couvrir ces matières ou bien se limiter à en fixer les grands principes par analogie avec la loi nationale. Or cette question est à la fois importante et délicate. Importante, car la première hypothèse, celle de la loi du pays régissant les matières de l’article 140 dans leur détail est peu praticable en raison de la lourdeur de la procédure d’adoption de la loi du pays. Délicate, parce que la loi organique n’indique pas clairement le type de norme permettant la mise en œuvre de la loi du pays.
13Deux solutions sont en effet envisageables. L’une fait intervenir trois niveaux de normes alors que l’autre n’en fait intervenir que deux : au terme de la première hypothèse, la loi du pays fixe, les règles de principe que la délibération de l’assemblée complète et enfin, le Conseil des ministres fixe les règles de détail nécessaires à l’application de la réglementation. Au terme de la seconde hypothèse, la loi du pays fixe, dans la matière considérée, toutes les règles importantes puis le Conseil des ministres fixe celles nécessaires à leur application. Quoique plus conforme à la lettre de la loi organique laquelle n’indique guère que les délibérations puissent intervenir dans les rubriques de l’article 140, cette seconde solution qui évite la médiation de l’assemblée intervenant par voie de délibération est aussi plus lourde dans la mesure où elle implique des lois du pays relativement étoffées.
14Le fait que la délibération soit apparemment exclue du champ de l’article 140 ne signifie pas qu’elle ne puisse pas y pénétrer matériellement. On peut en effet imaginer qu’une délibération peut régir de manière connexe des matières relevant de la loi du pays. Compte tenu des délais importants qu’exige l’adoption d’une loi de pays, il est hautement probable que les autorités polynésiennes auront la tentation de « contourner » la loi du pays. Par exemple, si elles souhaitent adopter une réglementation en vue d’assurer la protection des requins qui sont actuellement l’objet d’une pêche intensive pour leurs ailerons, le « droit de l’environnement » figurant à l’article 140, elles doivent logiquement en passer par une loi du pays [4]. Or, pour parvenir plus rapidement au même résultat, on peut parfaitement concevoir que soient adoptés par voie de délibérations ou d’arrêtés des dispositions interdisant l’importation, l’exportation, la commercialisation et la détention des espèces concernées au titre de la réglementation douanière ou leur pêche dans le cadre de celle relative aux ressources marines. Rien n’indique toutefois qu’une telle stratégie de « contournement » de la loi du pays n’est pas susceptible d’être sanctionnée sur le fondement de l’incompétence par le Tribunal administratif de Papeete.
2 – Positionnement dans la hiérarchie des normes
15Poussée à son terme, l’autonomie implique que dans l’exercice de leurs compétences respectives dans le domaine législatif, les rapports de l’État et de la collectivité autonome soient envisagés non plus selon un principe hiérarchique mais selon un principe de compétence. C’est vraisemblablement une telle configuration qu’ont à l’esprit certains auteurs en préconisant de ne pas continuer à assimiler purement et simplement le régime des actes locaux matériellement législatifs à celui de « simples actes administratifs » en les soumettant au respect des principes généraux du droit [5]. La reconnaissance constitutionnelle d’un « contrôle spécifique » exercé par le Conseil d’État marque un progrès décisif à cet égard, et de la considération portée à ces normes dont le traitement contentieux échoit désormais à la plus haute juridiction administrative. A un niveau d’analyse plus modeste, la mise en place de la loi du pays concours à la constitution de ce qui peut être perçu comme un « ordre juridique polynésien ». En effet, à côté de la problématique de la répartition des compétences entre l’État et la Polynésie française qui focalisait jusqu’alors l’attention, l’introduction de la loi du pays implique une complexification considérable de la distribution interne des compétences. La situation qui en découle est d’un maniement d’autant plus délicat que, toutes les sources polynésiennes du droit ayant un caractère réglementaire, elles ne peuvent être hiérarchisées qu’en fonction de leur champ d’application et de leur régime juridique.
3 – Processus d’élaboration (annexes I et II)
16Il diffère sensiblement selon que la loi du pays est prise dans le cadre des compétences de la Polynésie française ou au titre de sa participation aux compétences de l’État. Dans cette seconde hypothèse, la procédure s’alourdit sensiblement. La saisine obligatoire du Haut Conseil de la Polynésie française (voir infra) constitue indéniablement la caractéristique la plus marquante de la procédure d’élaboration de la loi du pays. L’adoption de la loi du pays présente également d’autres caractéristiques remarquables lorsqu’elle est adoptée dans le cadre de la compétence de l’État. Dans cette hypothèse, il est en effet nécessaire que le projet de loi du pays fasse l’objet d’une approbation par un décret à l’issue de laquelle elle ne pourra plus être adoptée que dans les même termes (art. 32 al. 4). En outre, ce décret d’approbation droit faire l’objet d’une ratification, faute de quoi la loi du pays ne pourra entrer en vigueur (art. 32 al. 5) [6]. Enfin, il y a lieu de mentionner que l’État peut aisément modifier les lois du pays prises dans le champ de ses compétences puisqu’il lui suffit pour cela d’édicter une loi ou une ordonnance comportant une mention expresse d’applicabilité en Polynésie française (art. 32 III).
4 – Normes de référence
17Symboliquement, la mise à l’écart des principes généraux du droit des normes de référence utilisées à l’occasion du contrôle de la loi du pays, eut constitué une indéniable avancée de l’autonomie en permettant de distinguer de manière plus franche le régime contentieux de la loi du pays de celui des actes administratifs. Or, l’article 179 indique en effet que les normes de référence de ce contrôle sont « la Constitution, les lois organiques, les engagements internationaux, ou les principes généraux du droit ». Pratiquement, il y a lieu de nuancer « l’obstacle » que constitue la subsistance des principes généraux du droit. En effet, dans leur quasi intégralité ces principes ont également valeur constitutionnelle et sont, comme tels, incontournables. Une autre singularité mérite d’être relevée : l’exclusion des lois ordinaires des normes de références, confortant l’idée selon laquelle l’autonomie implique bien une partition de principe du domaine législatif entre l’État et la collectivité autonome.
5 – Limitation des voies de recours
18Le souci de garantir la sécurité juridique de la loi du pays tient au fait qu’elle est davantage exposée sur le plan contentieux qu’un banal acte administratif, et ce, notamment en raison de la complexité de son processus d’élaboration. D’où une série de dispositions visant à restreindre les voies de recours. Ainsi, si à l’instar de la loi nationale, la loi organique prévoit la possibilité pour les principales autorités politiques de mettre en cause la loi du pays, en revanche, elle enserre dans des conditions de recevabilité strictes les recours initiaux des particuliers. Ces derniers disposent, à compter de sa publication, d’un délai d’un mois pour saisir le Conseil d’État. Le même souci de sécurité juridique a conduit à assortir d’un mécanisme de question préjudicielle la possibilité de soulever l’exception d’illégalité de la loi du pays. L’article 179 dispose en effet qu’ « à l’occasion d’un litige devant une juridiction », cette dernière pourra saisir le Conseil d’État d’une question préjudicielle « si une partie invoque un moyen sérieux (…) et que cette question commande l’issue du litige, la validité de la procédure, le fondement des poursuites ».
6 – Contrôle juridictionnel (annexe III)
19Ce contrôle spécifique exercé par le Conseil d’État est à la mesure de son objet : à la fois trop important pour relever de la justice administrative et trop modeste pour être confié au juge constitutionnel. Cela dit, l’article 176 indique que la procédure contentieuse applicable au contrôle spécifique de loi du pays est celle applicable en matière d’excès de pouvoir. Et ce, afin de préciser le caractère objectif du contentieux dont il s’agit et, par là même l’exclusion du pouvoir de réformation du juge. Ce contrôle n’en présente pas moins certaines caractéristiques, déjà entrevues, lui conférant une physionomie relativement atypique. Comme on va le voir, ces dernière confortent la vocation primordiale du contrôle spécifique qui est moins de sanctionner la hiérarchie des normes que d’assurer la répartition des compétences.
20Il serait hasardeux de se prononcer sur l’intensité du contrôle qui s’exercera sur la loi du pays. S’agissant néanmoins d’un contrôle exercé par le Conseil d’État sur des actes de nature réglementaire édictés dans le domaine matériellement législatif, on est tenté de faire le rapprochement avec le contrôle des ordonnances de l’article 38. On sait que l’élément primordial de ce contrôle consiste dans le respect des termes de l’habilitation législative. Par analogie on peut penser que le respect du champ de l’article 140 sera un élément essentiel du contrôle spécifique de la loi du pays. Toutefois, à la différence des ordonnances, les risques d’empiétement par la loi du pays ne portent pas que sur la matière législative. En effet, la loi du pays peut en effet déborder sur le domaine du pouvoir réglementaire dérivé, de la délibération ou du pouvoir réglementaire du Conseil des ministres. La loi du pays se trouve dès lors plus exposée au risque d’incompétence que l’ordonnance.
21En raison de la pluralité des sources du pouvoir réglementaire en Polynésie française, l’incompétence constituera donc vraisemblablement l’élément central du contrôle spécifique. Le Conseil d’État pourra par son intermédiaire préciser la distribution des compétences entre les institutions de la Polynésie française. Au titre de son contrôle « ordinaire » le Conseil d’État pourra en dernier ressort sanctionner la méconnaissance de cette distribution par les juridictions administratives lors du contrôle effectué sur les délibérations et les arrêtés en Conseil des ministres. En d’autres termes, ce « contrôle spécifique » permet aux juges du Palais Royal de veiller au respect de la distribution interne de compétences de la Polynésie française, de manière bien plus importante que le Conseil constitutionnel ne le fait au plan national. C’est en effet la même juridiction qui en dernier ressort sanctionne au titre de son contrôle ordinaire ou spécifique, l’ensemble des normes édictées par les autorités de la Polynésie française.
22Enfin, il y a lieu d’attirer l’attention sur le fait qu’outre le fameux contrôle spécifique dont elle peut faire l’objet par voie d’action (art. 176) ou d’exception (art. 179) la loi du pays est susceptible de subir de multiples contrôles. Tel est le cas en particulier lorsqu’elle est adoptée dans le cadre de la participation aux compétences de l’État. La loi du pays fait alors l’objet de contrôles supplémentaires liés aux diverses phases qui s’ajoutent à son processus élaboration. Ainsi, après l’éventuel contrôle du Conseil d’État portant sur décret d’approbation de la loi du pays, l’examen par ce même Conseil d’État du projet de loi de ratification au titre de l’article 39 de la Constitution et un éventuel contrôle constitutionnel de ladite loi de ratification, la loi du pays n’en reste pas moins soumise au contrôle juridictionnel spécifique du Conseil d’État.
B – LA PARTICIPATION AUX COMPÉTENCES ÉTATIQUES
23Le nouveau statut d’autonomie permet à la Polynésie française de participer à l’exercice de certaines compétences régaliennes. Son article 31 consacre cette possibilité issue de la récente révision constitutionnelle. Cela étant dit, on observe que cette participation se décline de deux manières distinctes : en premier lieu, par une participation à certaines compétences de l’État dont la Polynésie prend l’initiative et, en second lieu, par « association » à certaines politiques publiques de l’État.
1 – La participation normative
24Cette première modalité de la participation, permet à la Polynésie de prendre l’initiative de participer par voie de lois du pays ou d’arrêtés en Conseil des ministres à certaines compétences de l’État énumérées à l’article 31 de la loi organique [7]. Néanmoins, pour que ces normes entrent en vigueur, il importe que l’État les approuve. En outre, l’État exerce un pouvoir hiérarchique sur les décisions individuelles procédant de la réglementation issue de la participation.
a) Les matières de participation
25Parmi les cinq rubriques énumérées à l’article 31 certaines portent sur des objets relativement étendus et visent à permettre aux autorités de la Polynésie de traiter des dossiers relativement lourds sur lesquels nous reviendrons, comme, par exemple, l’indivision foncière, l’adoption ou encore de pallier l’absence d’obligation de souscrire une assurance couvrant les risques liés à la mise en œuvre de la responsabilité décennale. D’autres rubriques portent au contraire sur des objets dont la délimitation est très précise. Cette précision suggère que cette liste a été confectionnée « sur mesure » afin de permettre à la Polynésie de mener à bien certaines réformes. En fait, elles recoupent des projets de textes n’ayant pu aboutir par le passé. Ainsi, pour ne donner que quelques exemples, la mention des « services financiers des établissements postaux » figure parmi les matières ouvertes à participation afin de permettre une réforme de l’office des postes et télécommunications ( OPT ) dont le régime actuel ne permet pas d’offrir à sa clientèle des produits financiers [8]. Autre exemple : la mention « Entrée et séjour des étrangers » est destinée à mieux associer la Polynésie au contrôle de ses flux migratoires. La Polynésie ne sera plus simplement consultée comme elle l’était auparavant au travers du comité consultatif des étrangers institué à cette fin – et qui disparaît très inopportunément [9] – mais elle est désormais appelée à délivrer directement les titres de séjour à la place de l’État mais sous son contrôle (art. 33). Ces prérogatives ouvrent notamment la possibilité aux autorités polynésiennes traditionnellement soucieuses de contrôler les allées et venues sur leur territoire, d’assouplir les contraintes pesant sur les touristes désireux d’y séjourner. On peut néanmoins se demander si elles pourront prendre part à la délivrance des visas, cette prérogative étant en effet étroitement associée à l’activité diplomatique de l’État [10].
b) Actes réglementaires
26La procédure d’adoption diffère évidemment selon que la participation est envisagée au travers d’une loi du pays ou d’un arrêté en Conseil des ministres. Mais la logique est toujours la même : les autorités polynésiennes proposent et celles de l’État, détenteur de la compétence, disposent. De même, si la loi organique permet cette participation, elle prévoit néanmoins, d’une part, que l’État garde la main sur ses compétences et, d’autre part, un contrôle exigeant des normes qui dérivent de la réglementation édictée au titre de la participation. En effet, les lois du pays ou les arrêtés en Conseil des ministres procédant d’un empiétement sur une compétence de l’État, pourront être respectivement modifiées par une loi, une ordonnance ou un décret comportant une mention expresse d’application en Polynésie française (art. 32 III).
c) Décisions individuelles
27Quant aux décisions individuelles procédant des normes à caractère général prises au titre de la participation, elles ressortissent à la compétence du président de la Polynésie française (art. 64 al. 6). Toutefois, elles ne peuvent entrer en vigueur qu’avec l’approbation du haut commissaire de la République qui statue dans un délai maximum d’un mois. A défaut de refus exprès d’approbation, la décision individuelle sera réputée approuvée à l’issue de ce délai. Au surplus, dans le cadre de la réglementation édictée par la Polynésie française en matière d’entrée et de séjour des étrangers (art. 31 3°), le haut commissaire approuvera les titres de séjours délivrés par le gouvernement de la Polynésie française dans les conditions et délais fixés par un décret (art. 33). De la même façon, les décisions individuelles prises dans le cadre de la réglementation édictée par la Polynésie française en matière audiovisuelle (art. 31 4°) et qui relèvent normalement de la compétence du conseil supérieur de l’audiovisuel peuvent être annulées ou réformées par celui-ci à la demande du haut commissaire ou de toute personne justifiant d’un intérêt à agir (art. 36).
2 – L’association à certaines compétences
28Plus classique, cette seconde modalité de la participation concerne trois secteurs : certaines missions de police, les relations internationales et l’enseignement supérieur.
a) Missions de police
29Conformément à la combinaison des dispositions des quatrièmes alinéas des articles 73 et 74 de la Constitution, l’État demeure seul compétent en matière de sécurité et d’ordre public ; compétence réaffirmée à l’article 14 de la loi organique qui vise la rubrique « Sécurité et ordre public, notamment maintien de l’ordre » (6°) ainsi que la « Police de sécurité de la circulation maritime » (9°). Pour autant, l’article 34 de la loi organique dispose dans son premier alinéa que : « La Polynésie française peut participer à l’exercice des missions de police incombant à l’État en matière de surveillance et d’occupation du domaine public de la Polynésie française, de police de la circulation routière, de police de la circulation maritime dans les eaux intérieures et des missions de sécurités publiques ou civiles ». A ces fins, le second alinéa de ce même article institue une procédure d’assermentation inspirée de l’article 809 du Code de procédure pénale. Il dispose en effet que « des fonctionnaires titulaires des cadres territoriaux sont nommés par le président de la Polynésie française après agrément par le haut-commissaire de la République et par le procureur de la République et après prestation de serment devant le tribunal de première instance ». S’agissant des contraventions pouvant être dressées par ces fonctionnaires, elles devront naturellement avoir été instituées dans le cadre d’arrêté en Conseil des ministres pris dans le cadre de la participation au titre de l’article 32 II.
30Il ne faut pas confondre ces pouvoirs de police exercés dans le cadre de la participation, avec les pouvoirs de police spéciaux associés à certaines compétences de la Polynésie française (art. 35). Ces pouvoirs de police qui étaient exercés sur le fondement de l’article 28 du code de procédure pénale, sont désormais dévolus par l’article 35 de la loi organique aux agents des services transférés à la Polynésie française. Ces pouvoirs de police, qui sont limitativement énumérés, seront notamment détenus par les agents assermentés chargés de la police portuaire et de la Caisse de prévoyance sociale. La mention de ces pouvoirs pourtant transférés dans la rubrique de la loi statutaire relative à la participation tient au fait que si la Polynésie française est bien compétente pour instituer des infractions sanctionnant la violation de lois du pays ou de délibérations (art. 20,21), elle ne l’est pas s’agissant de la « recherche » et de « la constatation » des infractions qui relèvent de l’État mais auxquelles la Polynésie peut participer (art. 31 2°). Cela signifie, par exemple, que lorsqu’une délibération ou une loi du pays institue une infraction, parallèlement, un texte doit être édicté au titre de la participation afin de permettre la recherche et la constatation des infractions. On ne peut bien sûr que regretter la lourdeur qui procède d’un tel découpage.
b) Politique étrangère
31Par dérogation à la compétence de l’État en la matière (art. 14 3°), la Polynésie peut y exercer des prérogatives au titre de la participation. Leur importance tient à divers critères dont les deux principaux sont celui du détenteur de la compétence dans le domaine concerné et le critère géographique.
32Dans le cadre des compétences de l’État, la loi organique dispose que le président de la Polynésie française peut se voir confier les pouvoirs lui permettant de négocier et signer des accords dans le domaine des compétences de l’État, territoires et organisme régionaux du pacifique (art. 38). A défaut d’accord, il peut être associé au sein de la délégation française aux négociations et à la signature d’accords. Le dernier alinéa précise qu’il peut être autorisé par l’État à le représenter dans les organismes internationaux.
33Dans le cadre de ses compétences, la Polynésie française est non seulement obligatoirement associée à toute initiative de l’État (art. 40), mais surtout elle dispose d’un pouvoir d’initiative en matière internationale (art. 39). Cette prérogative du président de la Polynésie française et d’autant plus notable que son champ d’application ne se limite pas à la zone Pacifique. Sa mise en œuvre requiert une délibération préalable du Conseil des ministres et les accords envisagés doivent naturellement s’inscrire dans le cadre des engagements internationaux de l’État. L’innovation principale de cette disposition tient au fait que le président de la Polynésie française détient un pouvoir de négociation qui, à l’instar de la Nouvelle-Calédonie (art. 29 LONC ), s’émancipe largement de l’État. Il ne négocie donc plus sur le fondement d’un « Pouvoir » délivré par le Président de la République. Si bien que la phase de négociation n’est plus désormais soumise qu’à un régime de déclaration préalable. Au terme de la négociation, l’accord est signé au nom de l’État qui peut confier les pouvoirs permettant sa signature au président de la Polynésie française.
34Enfin, les articles 41 et 42 prévoient les relations de la Polynésie française avec certaines organisations internationales. Le premier pose le principe de la participation de la Polynésie française aux négociations la concernant entre l’État et la Communauté européenne ; il s’agit là d’une indéniable avancée par rapport au statut de 1996 qui ne prévoyait qu’une transmission à l’assemblée de la Polynésie française des actes communautaires relevant de la compétence de la Polynésie française. Le second ouvre à la Polynésie la possibilité, avec l’accord de l’État, d’être membre ou membre associé d’organisation internationale du Pacifique ou d’y participer en qualité d’observateur et de prendre part à ses travaux.
c) Enseignement supérieur
35La Polynésie française est, aux termes de l’article 26, compétente pour organiser ses propres filières de formation et services de recherche. Sa compétence concerne l’enseignement supérieur non universitaire. La participation de la Polynésie française aux compétences de l’État, concerne dès lors les domaines visés au 13° de l’article 14. Aux termes de l’article 37 elle se manifeste de diverses manières : le gouvernement de la Polynésie française est associé à l’élaboration des contrats d’établissement entre l’État et les établissements universitaires intervenant en Polynésie française, consulté sur les programmes de recherches, et peut conclure des conventions d’objectif avec ces établissements ou organismes. En ces domaines on ne saurait véritablement parler de « participation » au sens de l’article 74, dans la mesure où il n’y a pas, à proprement parler, de substitution à l’État dans l’exercice de ses compétences. Il n’en va pas exactement de même s’agissant de la possibilité ouverte à l’assemblée de la Polynésie française de délibérer sur les propositions de création de filières de formation et de programme de recherche pouvant émaner du président de la Polynésie française. Enfin, à l’instar de ce qui existe à l’échelon régional en métropole, la Polynésie est associée à la mise en place de la carte de l’enseignement universitaire.
C – LA PROTECTION DES COMPÉTENCES
36La révision de l’article 74 de la Constitution consacre une solution originale pour protéger les compétences des collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie. Elles pourront en effet saisir le juge constitutionnel afin de faire déclasser les lois empiétant sur leurs compétences. En outre, le projet de loi organique créé un « Haut Conseil de la Polynésie française » chargé de conseiller les institutions de la Polynésie française lorsqu’elles entendent mettre en œuvre leurs compétences.
1 – Le déclassement des lois de l’État
37Ce déclassement ne pose pas de difficulté lorsqu’il concerne une loi antérieure à la loi organique portant statut d’autonomie. Dans ce cas, l’article 11 de la loi organique prévoit une procédure de déclassement qui peut être qualifiée « d’automatique » car sa mise en œuvre par les autorités de la Polynésie française ne requiert la saisine d’aucun organe. Il en va différemment lorsque la loi suspectée d’empiétement est postérieure à la loi organique portant statut d’autonomie. Cette situation est anormale lorsqu’il s’agit d’une loi ordinaire puisque le respect de la hiérarchie des normes implique qu’une reprise de compétence ne peut s’effectuer que par l’intermédiaire d’une loi organique ou d’une révision constitutionnelle. Or, la pratique institutionnelle montre que la loi ordinaire voire l’ordonnance de l’article 38 de la Constitution pénètrent fréquemment dans les domaines de compétence de la Polynésie française. Certes cette intrusion peut être sanctionnée : dans le premier cas par le Conseil constitutionnel qui peut être saisi, généralement à l’instigation des parlementaires polynésiens. Dans le second cas, par le Conseil d’État qui exerce un contrôle des ordonnances avant leur ratification.
38Toutefois le contrôle des empiétements est malaisé en raison des inévitables délais de recours pour saisir le juge administratif ou constitutionnel. Et ce, d’autant plus que, d’un point de vue formel, ces empiétements ne sont généralement pas ostensibles. Ils sont en effet dans la plupart des cas subrepticement introduits dans des lois balais ou des ordonnances de codification dont la lecture s’avère généralement particulièrement difficile et rebutante. Cette situation est d’autant plus regrettable que le juge administratif se déclare impuissant face à de tels empiétements. En effet, saisi sur la base de l’article 114 de la loi organique du 12 avril 1996, le Conseil d’État a estimé qu’ « (…) une loi promulguée et rendue applicable en Polynésie française, même comportant des dispositions contraires à la loi organique, serait applicable de plein droit et prévaudrait jusqu’à son abrogation, sur toute disposition contraire antérieure édictée par une délibération territoriale qui n’a, dans l’état actuel du statut de la Polynésie française, qu’une valeur réglementaire (…). Une fois intervenue une loi postérieure à la loi organique fixant le statut du territoire, le territoire n’a pas le pouvoir de la modifier » ( CE avis du 5 octobre 1999).
39Pour remédier à cette situation pour le moins désordonnée, l’article 74 comporte un dispositif s’inspirant du mécanisme de l’article 37 alinéa 2 de la Constitution et permettant de doter les collectivités autonomes d’une procédure de déclassement. C’est ainsi que l’article 12 de la loi organique permet à l’assemblée de la Polynésie française de modifier ou d’abroger une loi promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur du statut d’autonomie la Polynésie française, après que le Conseil constitutionnel, qui statue dans un délai de trois mois, a constaté l’empiétement sur « les matières ressortissant à la compétence de la Polynésie française ». Le juge constitutionnel peut être saisi à cette fin par le président de la Polynésie française après délibération du Conseil des ministres, le président de l’Assemblée sur délibération de celle-ci et par le Premier ministre, le président de l’assemblée nationale ou du Sénat. On relèvera pour terminer qu’au déclassement des lois fait écho celui des lois du pays prévu à l’article 180.
2 – La participation du Haut Conseil de la Polynésie française
40Le projet de loi organique institue un Haut Conseil de la Polynésie française chargé de conseiller le président de la Polynésie française dans la confection des lois du pays et des actes réglementaires (art. 163 s.). La mise en place de cette institution d’un genre nouveau dont le rôle s’apparente à la fonction consultative du Conseil d’État, se justifie par l’abondance des contentieux liés à la difficulté récurrente de délimiter précisément les compétences respectives de l’État et de la Polynésie française. L’article 163 rend sa consultation obligatoire pour les lois du pays. Mais la saisine pour avis du Haut Conseil pourra également être prévue par la loi du pays pour examiner des arrêtés réglementaires ou tout autre projet de texte. Dans ces hypothèses, le Haut Conseil pourra exercer des modifications. Il pourra également être amené à rédiger des textes ou être consulté pour avis sur des difficultés survenant en matière administrative.
41Le respect du partage des compétences ne saurait rester une préoccupation des seules autorités de la Polynésie française. C’est la raison pour laquelle, avec l’accord du président de la Polynésie française, le haut commissaire de la République pourra consulter le Haut Conseil sur ses projets d’arrêtés réglementaires lorsque ces derniers interviennent, en application d’une disposition législative, dans une matière qui relève, par analogie avec le régime en vigueur en métropole des décrets en Conseil d’État. Cette possibilité de saisine du Haut Conseil devrait lui permettre de pleinement jouer sa fonction de prévention du contentieux. A cet égard, on peut craindre que l’État, dans un premier temps du moins, ait quelques réticences à saisir un organe dont les membres ont été désignés par les seules autorités de la Polynésie française.
42A l’instar de toute instance consultative, la légitimité du Haut Conseil est étroitement liée au professionnalisme et à l’indépendance de ses membres. Ces derniers seront désignés par arrêté en Conseil des ministres en considération de leurs compétences en matière juridique, parmi les magistrats de l’ordre administratif ou judiciaire n’exerçant pas leurs fonctions en Polynésie française et n’y ayant exercé aucune fonction au cours des deux années précédentes, les professeurs des universités dans les disciplines juridiques et les avocats inscrits au barreau, les fonctionnaires de catégorie A et les personnes ayant exercé ces fonctions [11]. En outre, les membres du Haut Conseil bénéficient de certaines garanties d’indépendance dans la mesure où ils ne peuvent être démis de leurs fonctions que pour des motifs disciplinaires et sont nommés pour une période de six ans non renouvelables.
43En dépit de ces dispositions qui assurément permettent au Haut Conseil d’accomplir sa mission dans la sérénité, l’expérience enseigne que la légitimité d’une institution est tributaire de sa capacité à s’émanciper de l’autorité qui en nomme les membres. Cela sera d’autant plus aisé au Haut Conseil qui est une institution consultative dépourvue de pouvoir de contrainte. C’est en effet la conclusion à laquelle on est conduit puisque la loi organique est muette sur le régime juridique de ses avis. Et l’on peut douter que, dans un premier temps du moins, l’arrêté en Conseil des ministres appelé aux termes de l’article 165 à préciser ses prérogatives n’instaure une procédure d’avis conforme. D’autres points, tout aussi importants devront être précisés par cet arrêté pour cerner la place du Haut Conseil dans le jeu institutionnel polynésien : le caractère confidentiel ou public des avis, la teneur des motifs disciplinaires permettant de démettre un membre des ses fonctions, le régime d’incompatibilité, etc.
II – LE RENFORCEMENT DE L’AUTONOMIE AU PLAN DES COMPÉTENCES
44L’ampleur des domaines d’intervention de la Polynésie française est le principal critère permettant d’apprécier concrètement les progrès réalisés en matière d’autonomie. Parmi les importants transferts de compétences auxquels le nouveau statut procède, il y a lieu de distinguer la plénitude de compétences nouvellement reconnue à la Polynésie française dans des domaines aussi cruciaux, par exemple, que le droit civil ou le droit commercial (A) et le renforcement de compétences détenues antérieurement (B). Toutefois, l’analyse du seul point de vue « quantitatif » (i.e. l’étendue des domaines de l’intervention publique) est insuffisante pour à lui seul rendre compte de la part d’autonomie dont dispose la Polynésie française. Il faut aussi apprécier les compétences dans leur aspect « qualitatif ». A cet égard la reconnaissance constitutionnelle de la possibilité pour la Polynésie française de prendre des mesures spécifiques en faveur de sa population témoigne indéniablement d’un approfondissement de l’autonomie (C).
A – DE NOUVEAUX « BLOCS » DE COMPÉTENCES
45Au nombre des diverses matières énumérées à l’article 140 au sein desquelles la Polynésie française est susceptible de « légiférer », trois domaines retiennent plus particulièrement l’attention.
1 – Droit civil
46C’est désormais la Polynésie française qui exerce l’essentiel des compétences en matière de droit civil. En effet, le 1° de l’article 14 de la loi organique énu-mère limitativement que l’État exerce une compétence en matière de nationalité, d’état et de capacité des personnes, de droits civils, notamment des actes de l’état civil, d’absence, de divorce, de filiation, d’autorité parentale, de régimes matrimoniaux et de successions et libéralités. Quoiqu’elle soit limitative, il y a lieu d’ajouter à cette énumération précédée de l’adverbe « notamment » diverses notions qui constituent des prolongements. Par exemple, le domicile, la tutelle, la curatelle, l’émancipation sont des prolongements de l’état et de la capacité des personnes. En revanche, le 1° de l’article 140 confère au législateur de pays une compétence générale en matière de droit civil. Ainsi, par exemple l’ensemble du droit des contrats lui échoit [12] (à l’exception des conventions matrimoniales) de même que le droit des biens. A ce dernier titre, la Polynésie est compétente s’agissant de la définition du droit de la propriété et de ses démembrements, en matière de prescription acquisitive, de possession ou d’expropriation. Échoient également à la Polynésie française le droit des obligations non contractuelles et la définition des règles de la procédure civile.
47L’élargissement des compétences de la Polynésie française en matière de droit civil et de droit de propriété suscite d’importants espoirs. Elle est censée permettre de surmonter le problème foncier majeur que constitue en Polynésie française l’indivision. Il est toutefois permis d’avoir un doute s’agissant de la compétence de la Polynésie française pour régler cette question, et ce, dans la mesure où la situation d’indivision procède soit d’une succession non partagée ou à l’absence de liquidation d’un régime matrimonial en cas de divorce. Autrement dit, si par ses conséquences l’indivision rejaillit sur le régime de la propriété qui relève en effet de la compétence de la Polynésie française le règlement du problème, par l’organisation de la sortie de l’indivision, semble fondamentalement lié aux droits successoral et matrimonial qui relèvent de la compétence de l’État. Toutefois, comme on l’a vu, la Polynésie a la possibilité de prendre part à certaines compétences que l’État exerce en matière de droit civil et à ce titre entreprendre avec l’assentiment de l’État une réforme de l’indivision (art. 31 1°). Toujours à ce titre, afin de prendre en compte des particularités de la société polynésienne, il pourrait être envisagé d’y adapter la délivrance des actes d’état civil [13] ou les règles de la filiation adoptive [14]. De même pourrait être assouplie la règle de l’obligation de résidence minimum d’un mois avant de contracter mariage afin d’encourager l’essor du tourisme nuptial.
2 – Droit commercial
48Aux termes du 2° de l’article 140, la loi du pays détermine les « Principes fondamentaux des obligations commerciales ». Auparavant, la Polynésie française n’était compétente que pour la partie réglementaire du droit commercial. Elle peut désormais édicter l’ensemble des dispositions législatives du droit commercial qui correspondent à ses « principes fondamentaux ». Dans le Code de commerce métropolitain la matière se décline à partir des notions « d’actes de commerce » (L. 110-1, L 110-2) et de « commerçant » (L. 121-1 s.). Le domaine du droit commercial a été précisé lors de la récente réforme du Code de commerce métropolitain qui a conduit à l’intégration de nombreuses législations commerciales demeurées jusqu’alors autonomes [15]. La matière commerciale est donc très précisément cernée dans la mesure où la loi d’habilitation du 16 décembre 1999 portant habilitation du gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes indique dans son article 1er qu’il « regroupe et organise les dispositions relatives à la matière correspondante ». Outre les dispositions du Code de commerce, la jurisprudence constitutionnelle permet de distinguer au sein de la matière ce qui relève ou non des « principes fondamentaux ». Cette partition correspond aux dispositions relevant respectivement du domaine de la loi ou du règlement – et, par transposition, de la loi du pays et de l’arrêté d’application – comme l’indiquent plusieurs avis du Conseil d’État (par exemple, l’avis du 30 novembre 1999). La dévolution d’une compétence matériellement législative en matière de droit commercial permet désormais à la Polynésie française d’exercer pleinement des compétences antérieurement détenues comme, par exemple, en matière de droit de la concurrence [16] ou d’entreprise en difficulté [17]. Ces dernières étaient jusqu’alors dépourvues de consistance dans la mesure où leur mise en œuvre rejaillissait presque invariablement sur les principes fondamentaux des obligations commerciales [18].
49Continuent à relever de l’État la dimension pénale du droit commercial – détermination des infractions spécifiques et particularités procédurales – et l’organisation et le fonctionnement des tribunaux de commerce au titre l’organisation judiciaire. De même, si la Polynésie est désormais compétente pour édicter les règles relatives aux sociétés d’économie mixte, les dispositions de la loi n°83-597 du 7 juillet 1983 continueront à s’appliquer aux SEM associant la Polynésie française et les communes ou leurs groupements en raison de la compétence de l’État en matière d’administration communale (cf. art. 23 de la loi 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française).
3 – Droit du travail
50La Polynésie est désormais intégralement compétente en cette matière dont l’État déterminait jusqu’alors les « principes généraux » (art. 6 de la loi organique du 12 avril 1996). De ce fait, elle n’était par exemple pas en mesure de créer un service du travail, un avis du Conseil d’État du 24 février 1999 estimant que « les principes généraux du droit du travail s’entendent notamment des modalités d’organisation et de fonctionnement du service de l’inspection du travail qui est un service de l’État. » Dans ses conclusions sur cet avis, le commissaire du gouvernement se livre à une analyse qui éclaire la confusion qui régnait jusqu’alors sur de répartition des compétences en matière de droit du travail. Ce dernier, après avoir indiqué que la notion de « principes généraux » utilisée par la loi statutaire n’équivaut pas à la notion jurisprudentielle de « principes généraux du droit » – ce qui est logique puisque ces derniers ont une valeur infra législative – ajoute, en se référant aux travaux parlementaires, que le législateur a entendu se démarquer de la notion de « principes fondamentaux » de l’article 34 de la Constitution, ne souhaitant pas laisser à l’État l’intégralité du domaine législatif du droit du travail, domaine jugé trop vaste. Cette analyse témoigne du flou entourant de l’état du droit en la matière dans la mesure où la notion de principes généraux paraît plus vaste que celle de principes fondamentaux et semble de nature à accroître la compétence de l’État et non la cantonner ; cette extension étant du reste conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel complaisante en matière de débordement par la loi du champ de l’article 34.
51Il est mis un terme à ces atermoiements sur la portée de la notion de « principes généraux », le nouveau statut indiquant sèchement que la Polynésie est compétente pour ce qui relève du domaine de la loi en matière de « droit du travail » (art. 140 4°). Sa compétence s’étend désormais aussi à l’inspection du travail quoique le transfert à la Polynésie française de ce service par l’État est toutefois subordonné à l’engagement du président de la Polynésie française d’accepter les obligations prévues par la convention internationale n° 81 de l’organisation internationale du travail. A condition de respecter les normes de références supérieures régissant la matière, la loi du pays peut déterminer les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical. Ainsi, sous réserve de ne pas les « mettre en cause », la Polynésie française pourra « mettre en œuvre » les principes, il est vrai relativement indéterminés, contenus dans le Préambule de 1946 qui prévoit un principe de non-discrimination entre les travailleurs, la liberté syndicale, la participation et le droit de grève [19]. En outre, contrairement à la loi nationale, la loi du pays est tenue au respect des principes généraux du droit applicables en la matière. En raison de ses nouvelles prérogatives en matière de droit du travail et de droit syndical, elle pourra, par exemple, déterminer les conditions concernant les accords collectifs entre les employeurs et les salariés, modifier les conditions de travail et de rémunération, etc. Cette compétence excepte toutefois les tribunaux du travail qui relèvent de l’organisation judiciaire et la définition des règles applicables aux salariés exerçant leur activité dans les établissements de l’État intéressant la défense nationale (27 2°).
B – LA CONSOLIDATION DES COMPÉTENCES ACTUELLES
52Outre de très nombreuses précisions apportées çà et là [20], cette consolidation concerne plus particulièrement trois domaines.
1 – Relations internationales
53Quelques compétences propres sont traditionnellement reconnues en la matière à la Polynésie française que ce soit par des dispositions statutaires ou dans la pratique institutionnelle. A ce dernier titre, le Conseil d’État a récemment considéré dans un avis en date du 24 mars 2004 que « le territoire de la Polynésie française est compétent pour décider, par une délibération de son assemblée territoriale, l’octroi d’une aide d’urgence en faveur de populations étrangères, dès lors que la décision d’aider ces populations, d’une part, n’empiète pas sur les orientations de la politique extérieure de la France dont la définition, au sens de l’article 6 précité, appartient exclusivement à l’État et, d’autre part, se justifie par l’urgence de cette intervention et présente un caractère non permanent ». Les dispositions du nouveau statut permettent à la Polynésie française de disposer d’une représentation à l’étranger (art. 15). Certes des « délégations » existaient déjà à Paris et Bruxelles [21]. Le Conseil constitutionnel estime néanmoins que « cette faculté, qui n’appartenait pas jusqu’à présent à la Polynésie française, ne saurait, sans empiéter sur la compétence exclusive de l’État, conférer à ces représentations un caractère diplomatique » (consid. 27). Contrairement à la Nouvelle-Calédonie, l’ouverture de ces représentations ne se limite pas au Pacifique. Ainsi deux représentations sont en cours d’ouverture en Chine. Le nouveau statut permet également à la Polynésie française de conclure des conventions de coopération décentralisées (art. 17). Cette possibilité qui existait déjà dans le statut de 1996 est simplifiée, puisque désormais ces conventions ne sont plus soumises après leur conclusion à une délibération de l’assemblée de la Polynésie française mais à l’approbation du Conseil des ministres.
2 – Administration communale
54Quoique cette matière relève de la seule compétence de l’État (art. 14 10°), la Polynésie française fixe les règles relatives aux marchés publics et délégations de service public des communes, de leurs groupements et de leurs établissements publics (art. 49). Nonobstant la prohibition constitutionnelle de l’existence d’une tutelle entre collectivités locales (art. 72 C) qui s’analyse au sens strict comme l’interdiction d’exercice d’un pouvoir hiérarchique d’une collectivité sur une autre [22], on ne peut manquer de relever l’emprise considérable que le nouveau statut confère à la Polynésie française sur les communes, et ce, tant quant à l’étendue des compétences qu’elles exercent que sur les moyens financiers et humains dont elles disposent.
55Les autorités de la Polynésie française ont désormais la possibilité de « déléguer » certaines compétences aux communes par voie de lois du pays (art. 43 II). Les maires pourront également se voir déléguer l’édiction des mesures individuelles d’application des lois du pays et des autres réglementations édictées par la Polynésie française (art. 48) et instruire et délivrer les autorisations individuelles d’urbanisme dans les communes dotées d’un document d’urbanisme applicable (art. 50). Sous réserve de l’acceptation du conseil municipal de la commune intéressée et du transfert des moyens nécessaires à l’exercice de ces compétences, la loi organique se montre peu exigeante s’agissant des modalités de ces délégations puisqu’elle se contente d’indiquer qu’elles s’exerceront dans les conditions prévues par les lois du pays. Faute de précision, on peut donc imaginer que la Polynésie française est en mesure d’effectuer des distinctions en matière de délégations de compétence entre les communes [23]. En outre, s’agissant de « délégation » de compétences et non de « transferts » – à l’exception de l’article 50 pour lequel la loi organique en dispose autrement – les compétences exercées par les communes le seront au nom de la Polynésie française. On peut douter que l’exercice du pouvoir hiérarchique, qui est normalement de mise en matière de délégation de compétence, puisse s’exercer sur les compétences déléguées compte tenu de la disposition constitutionnelle précitée. Outre ces diverses délégations de compétences, la Polynésie française peut déléguer aux communes la réalisation d’équipements relevant de sa compétence (art. 55) et les « associer » à la politique du logement social (art. 51).
56Au plan des ressources financières, les compétences nouvellement étendues aux communes polynésiennes supposent, aux termes de l’article 72-2 de la Constitution, que leurs ressources propres représentent « une part déterminante de leurs ressources ». Or, actuellement ces dernières représentent à peine le quart des budgets communaux lesquels sont principalement alimentés par un fonds intercommunal de péréquation. Aussi, afin de doter les communes de ressources propres, l’article 53 de la loi organique indique en effet que « la Polynésie française institue des impôts ou taxes spécifiques aux communes, y compris pour les services rendus ». A l’intérieur de ce cadre, chaque conseil municipal institue « les taux » et les « modalités de perception » des impôts, taxes et redevances institués « dans le respect de la réglementation instituée par la Polynésie française » [24]. Sous réserve de ne pas porter atteinte au principe constitutionnel précité, cette dernière disposition permet à la loi du pays de tracer le cadre de la fiscalité communale en définissant, par exemple, les modalités d’imposition et les conditions d’exonération applicables à toute commune ou encore les taux maxima. La définition de l’assiette de ses impôts communaux n’ira pas sans poser de difficulté compte tenu de la grande disparité du potentiel fiscal communal en Polynésie française. Outre la définition des cadres de la fiscalité communale, l’emprise de la Polynésie française sur les ressources financières communales se trouve renforcée par la possibilité qui lui est ouverte d’apporter son concours financier et technique aux communes ou à leurs groupements et d’autre part, de mettre du personnel à leur disposition (art. 54). La possibilité est ainsi ouverte désormais à la Polynésie française de concourir directement aux dépenses de fonctionnement des communes.
3 – Interventionnisme économique
57En ce domaine les compétences détenues par la Polynésie française et confirmées par le nouveau statut sont d’ores et déjà considérables. Ainsi, au titre de sa compétence en matière douanière la Polynésie peut, par exemple, édicter des restrictions quantitatives à l’importation (art. 90 8°) [25], contingenter par voie d’appel d’offre l’importation de certaines denrées, fixer un programme annuel d’importation, ou encore, effectuer des contrôles vétérinaires et phytosanitaires. Ses compétences en matière de contrôle de l’économie lui permettent également d’accorder des aides directes à l’économie, de contrôler les prix, les tarifs et le commerce intérieur (art. 90 6°) ou encore d’autoriser les investissements étrangers (91 10°). Cet interventionnisme économique est possible en raison de l’application a minima du droit communautaire au travers de la décision d’association du 27 novembre 2001 (v. infra) et l’inapplicabilité des principaux textes métropolitains relatifs au droit de la concurrence [26]. Dans ces conditions, restent seuls opposables aux interventions du gouvernement de la Polynésie française les principes généraux du droit dégagés par le juge administratif [27]. D’autant, comme on l’a vu, que la compétence en matière de concurrence échoit désormais à la Polynésie française. Le nouveau statut conforte les possibilités d’intervention publique dans l’économie non seulement en confirmant la possibilité de créer des sociétés d’économie mixtes (art. 29) mais surtout en permettant désormais à la Polynésie de participer au capital de sociétés privées sans autre véritable justification qu’un « motif d’intérêt général » (art. 30) [28]. Cette prise de participation doit être autorisée par le Conseil des ministres et ne pas excéder le montant des dotations budgétaires votées par l’assemblée de la Polynésie française (art. 91 24°).
58Outre les aides directes et les incitations fiscales sectorielles, l’interventionnisme économique se manifeste également au travers de nombreuses mesures d’incitation fiscale complétant le dispositif métropolitain de défiscalisation [29]. Les plus notables sont les régimes d’incitation fiscale à l’investissement (crédits d’impôts pour investissement, régime des bénéfices réinvestis, crédits d’impôts spécifiques à l’impôt foncier, etc.) qui depuis une délibération de l’assemblée de la Polynésie française en date du 12 février 2004, sont regroupés dans le Code des impôts de la Polynésie française. La nouvelle loi statutaire ne concerne pas directement ces dispositifs, si ce n’est qu’elle implique que les avantages fiscaux devront désormais être édictés au travers de lois du pays et non plus de simples délibérations. Or, ce changement n’est pas anodin : la longueur de la procédure d’adoption de loi du pays implique de la part des autorités de la Polynésie française une anticipation jusqu’alors inédite de leur politique fiscale.
C – LA CONSÉCRATION DE DROITS PARTICULIERS
59En la dotant pour la première fois d’un contenu concret, le nouveau statut jette les bases d’une « citoyenneté polynésienne » qui ne dit pas son nom et était jusqu’alors dépourvue de réelle consistance sur le plan juridique [30]. La Polynésie française se voit en effet reconnaître la possibilité d’édicter des mesures de protection de l’emploi (1) et de la propriété foncière (2). A cette fin les articles 18 et 19 du projet de loi organique s’efforcent d’instituer une protection efficace des droits des Polynésiens sans pour autant aboutir à un repli sur soi contraire à la légendaire tradition d’hospitalité polynésienne. En un mot, ces dispositions ont vocation à préserver certains équilibres fondamentaux de la société polynésienne que l’insularité rend vulnérables.
1 – La protection de l’emploi
60Confortée par le précédent néo-calédonien la possibilité d’édicter des mesures visant à protéger l’emploi local était l’un des chevaux de bataille des autorités de la Polynésie française. Il ne s’agit là en fait que de la restauration d’une « préférence territoriale » en matière d’emploi justifiée par l’étroitesse du marché local de l’emploi et l’importante croissance démographique [31]. Elle s’inscrit dans le sillage des dispositifs existants d’ores et déjà et visant à favoriser l’emploi de la population locale. Les étrangers sont en effet d’ores et déjà soumis pour l’exercice d’une activité professionnelle à l’obtention de permis de travail et de cartes professionnelles délivrées par le Conseil des ministres (art. 28 17° L.O. 96-312 du 12 avril 1996). S’agissant des ressortissants communautaires, leur situation est régie par la décision d’association du 27 novembre 2001 [32] dont l’article 45 § 3 ouvre à la Polynésie française la possibilité d’édicter des mesures en faveur des habitants et de l’activité locale. On observe toutefois en pratique une relative souplesse des autorités polynésiennes dans certains secteurs d’activités comme la perliculture ou le tourisme, etc. En l’état antérieur de la réglementation, seuls les métropolitains échappaient à toute restriction à l’accès au marché de l’emploi. C’est donc cette catégorie que le critère de la « résidence suffisante » permet d’appréhender. Ce même souci d’éviter la concurrence métropolitaine éclaire l’introduction croissante d’épreuves exigeant la connaissance de la langue reo maohi ou ayant trait à la culture océanienne dans les concours d’accès à la fonction publique polynésienne.
61L’article 18 de la loi organique permet à la Polynésie française de prendre des mesures « visant à favoriser l’accès aux emplois du secteur privé des personnes justifiant d’une durée de résidence suffisante sur son territoire ou des personnes mariées, vivant en concubinage ou liées par un pacte civil de solidarité avec ces dernières ». Il ajoute qu’ « à égalité de mérites, de telles mesures sont appliquées dans les mêmes conditions pour l’accès aux emplois de la fonction publique de la Polynésie française et des communes ». Ces mesures de préférence territoriale sont également possibles en vue de favoriser l’accès à une activité professionnelle non salariée. On notera que dans le souci de prévenir toute dérive, la loi organique opte sans ambiguïté pour le critère de la résidence, c’est-à-dire une durée « suffisante » d’installation sur le territoire attestant d’un lien fort d’appartenance à celui-ci. A cette fin, elle n’oublie pas de prendre en considération la situation des conjoints mariés, concubins ou des personnes liées par un pacte civil de solidarité.
62La mise en œuvre de ces mesures est soumise à trois conditions : d’abord, elles « doivent pour chaque type d’activité professionnelle et chaque secteur d’activité, être justifiées par des critères objectifs et rationnels en relation directe avec le soutien ou la promotion de l’emploi local ». Ensuite, elles ne peuvent porter atteinte aux droits acquis, en ce sens qu’elles « ne peuvent porter atteinte aux droits individuels et collectifs dont bénéficient, à la date de leur publication, les autres personnes physiques ou morales présente en Polynésie française ». Enfin, la loi organique confie au législateur de pays le soin de fixer les conditions d’application de l’article 18. Cela implique bien sûr la fixation de la durée nécessaire à l’obtention du statut de résident, mais aussi la détermination des modalités interruptives du délai pris en considération pour apprécier la condition de résidence suffisante.
2 – La protection du patrimoine foncier
63Dans son principe, l’idée d’un contrôle des transferts fonciers n’est guère nouvelle puisqu’elle remonte à 1845. En vertu d’un décret du 25 juin 1934, un tel contrôle a longuement eu cours en Polynésie française, d’abord mis en œuvre par le gouverneur puis par le territoire. Mais alors qu’il fonctionnait depuis des décennies, ce régime d’autorisation préalable au transfert de propriété avait été remis en cause par le Conseil constitutionnel à l’occasion de l’examen de la loi organique relative au statut de 1996. Après cette censure le pouvoir de contrôle en matière de transactions foncières des autorités polynésiennes s’est restreint aux seuls acquéreurs étrangers grâce au dispositif de contrôle des investissements étrangers. Cette dernière notion est conçue de manière bien plus extensive qu’en métropole puisque, loin de se limiter aux investissements des entreprises, elle inclut les acquisitions de biens ou de droits immobiliers par des particuliers. La révision constitutionnelle de mars 2003 restaure la possibilité d’un contrôle plus vaste des transactions foncières. A la grande différence toutefois de l’ancienne procédure qui revêtait un caractère excessivement discrétionnaire, puisqu’il s’agissait d’un mécanisme d’autorisation préalable, la nouvelle procédure institue un mécanisme de déclaration préalable.
64C’est en effet, un type original de droit de préemption qu’institue l’article 19 de la loi organique puisqu’il entend « préserver l’appartenance de la propriété foncière au patrimoine culturel de la population de Polynésie française et l’identité de celle-ci, et de sauvegarder ou de mettre en valeur les espaces naturels ». Cela implique que ce droit de préemption ne concerne que certains transferts et certaines catégories de personnes. Ainsi, aux termes de la loi organique, y échappent les donations en ligne directe ou collatérale jusqu’au quatrième degré ainsi que les biens transmis par voie successorale puisque ne sont visés que les transferts entre vifs. Le droit de propriété porte également sur les propriétés foncières, bâties ou non et s’étend également sur les droits sociaux.
65Le droit de préemption n’est pas applicable aux transferts réalisés au profit de personnes justifiant d’une « durée de résidence suffisante en Polynésie française » ou des personnes mariées, vivant en concubinage ou liées par un pacte civil de solidarité avec ces dernières, ainsi qu’aux personnes morales ayant leur siège social en Polynésie française et contrôlées par des personnes remplissant cette condition de résidence. Certaines dispositions de l’article 19 tendant à compléter le critère de résidence par celui de la naissance en Polynésie française ont été censurées par le Conseil constitutionnel (consid. 31). C’est donc le critère de résidence seul, dans la tradition républicaine du jus soli qui détermine la notion de population d’outre-mer au sens de l’article 74 de la Constitution.
66Pour l’essentiel, la loi organique confie la mise en place des modalités pratiques de cette procédure de déclaration préalable à la loi du pays. Cette dernière devra notamment déterminer, la « durée suffisante de résidence en Polynésie française » en tenant compte de diverses modalités interruptives. Cette durée devra rester raisonnable, sauf à considérablement s’exposer lors d’un contrôle exercé par le Conseil d’État. On peut penser que ce critère de la durée de résidence suffisante, sera apprécié en relation avec l’étendue du champ d’application du dispositif. Autrement dit, il paraît vraisemblable que si les appartements ou les terrains issus de lotissement étaient concernés, le juge n’admette qu’une durée relativement brève alors que dans le cas inverse, celui où les biens visés sont définis de façon restrictive, il accepte une durée de résidence plus longue, dix ans par exemple.
67Pour cette raison, bien qu’elle n’y soit pas contrainte, on peut donc penser que l’assemblée de Polynésie française précisera la nature des transferts concernés. Trois raisons suggèrent que les transferts par trop insignifiants ne seront pas concernés : d’une part, le coût qu’impliquerait pour la collectivité de nombreuses acquisitions et, d’autre part, l’objet même du droit de préemption impliquant une certaine sélectivité dans la mesure où l’on voit mal en quoi la protection du patrimoine polynésien pourrait être affectée par le transfert de propriétés banales. Enfin, un champ d’application trop vaste contrarierait la mise en œuvre de certains dispositifs de défiscalisation. On peut dès lors penser que seront exclus par exemple les appartements ou les lots de terrains à bâtir de superficie modeste et que seront plus particulièrement visés les sites remarquables comme les îlots, les espaces vierges ou les propriétés situées en bord de lagon.
CONCLUSION
68Le nouvel article 74 de la Constitution offre au législateur une importante latitude pour donner corps à l’autonomie. Or force est de constater qu’en certains points la loi organique du 26 avril 2004 s’en est tenue à des solutions en demi-teinte. Si l’on note en effet un renforcement considérable de l’autonomie dans ses attributs traditionnels, avec en particulier la dévolution de compétences de tout premier plan, en revanche la mise en œuvre de certaines des nouvelles possibilités consacrées par l’article 74 de la Constitution donne un sentiment d’inachevé.
69En effet, si le législateur a été inspiré en ne donnant que faiblement prise à la problématique ambiante des discriminations positives et en recherchant un juste équilibre entre principes républicains et intérêt local s’agissant des droits particuliers consacrés en faveur de la population de la Polynésie française, en revanche force est de constater qu’il a par ailleurs fait preuve de frilosité. Ainsi, en se refusant d’abandonner les principes généraux du droit et la conception embryonnaire de l’autonomie à laquelle ils s’attachent, le législateur donne le sentiment de n’avoir pas osé franchir le Rubicon. On note que la même attitude s’observe s’agissant de la participation aux compétences de l’État où la procédure retenue revêt une complexité vertigineuse.
70Tout ceci donne donc à penser que le statut d’autonomie issu de loi du 27 février 2004 pourrait bien n’être en définitive qu’un « statut de transition ». Certaines dispositions paraissent appeler leur propre dépassement en raison des difficultés prévisibles que leur mise en œuvre laisse augurer. Ce sont toutefois les concessions arrachées par la Polynésie française sur le plan symbolique qui pourraient à terme se révéler comme les plus fondamentales : on conçoit en effet avec peine qu’un pays se gouvernant librement soit durablement cantonné à l’exercice d’un pouvoir de nature réglementaire alors même que certaines des normes qu’il met en œuvre sont qualifiées de lois.
Annexe 1 L’ADOPTION DE LA LOI DU PAYS PAR LA POLYNÉSIE FRANÇAISE DANS LE CADRE DE SES COMPÉTENCES (140 s. LO )
Annexe 2 L’ADOPTION DE LA LOI DU PAYS DANS LE CADRE DES COMPÉTENCES DE L’ÉTAT (140 s. LO )
Notes
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[1]
La loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française est complétée par une loi simple n° 2004-193 adoptée le même jour après avoir été, comme elle, contrôlée par le Conseil constitutionnel le 12 février 2004. Les deux textes ont été promulgués en Polynésie française par un même arrêté n° 119 DRCL du 3 mars 2004.
-
[2]
Corrélativement, il a réformé le régime de l’entrée en vigueur des normes étatiques. Alors que sous l’empire de l’article 1er de la loi n° 96-313 du 12 avril 1996 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française, l’entrée en vigueur des normes étatiques était tributaire de leur promulgation par le haut commissaire et de leur publication au Journal officiel de la Polynésie française, tel n’est plus le cas : en effet, l’article 8 de la loi organique dispose désormais d’une part, qu’elles entrent en vigueur à la date qu’elles fixent ou, à défaut, le dixième jour suivant celui de leur publication au Journal officiel de la République française et, d’autre part, qu’elles sont publiées pour information au Journal officiel de la Polynésie française.
-
[3]
On notera que certaines rubriques de l’article 140 ne figurent pas dans la liste des matières législatives de l’article 34 de la Constitution. Par exemple, le droit de la santé, le droit de l’aménagement, le droit de l’environnement, le droit minier, etc. On sait néanmoins que le Conseil constitutionnel fait sienne une conception extensive de la matière législative qui déborde largement le champ de l’article 34 et dont relève peu ou prou tout ce qui a trait à la détermination des principes fondamentaux des matières concernées.
-
[4]
Cette matière qui relève maintenant du domaine de la loi du pays, ressortissait déjà à la compétence de la Polynésie française, comme l’avait rappelé un avis du Conseil d’État en date du 2 octobre 2002 rendu sur une question relative à l’immersion des déchets dans les eaux territoriales.
-
[5]
L. Favoreu, « Les normes de référence applicables au contrôle des délibérations des assemblées territoriales des territoires d’outre-mer : principes généraux du droit ou normes constitutionnelles ? », RFDA, 11 (6), nov.-déc. 1995, p. 1242.
-
[6]
La loi organique prévoyait la caducité dudit décret au bout de 18 mois, mais cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel (consid. 48). Le juge constitutionnel a par ailleurs assorti d’une réserve d’interprétation ce qu’il reste du dernier alinéa de l’article 32 I précisant que la caducité du décret d’approbation liée à l’absence de ratification législative doit s’entendre comme interdisant l’entrée en vigueur de la loi du pays (consid. 49).
-
[7]
Il s’agit des rubriques suivantes : 1° État et capacité des personnes, autorité parentale, régime matrimoniaux, successions et libéralités ; 2° Recherche et constatation des infractions ; dispositions de droit pénal en matière de jeux de hasard; 3° Entrée et séjour des étrangers, à l’exception de l’exercice du droit d’asile, de l’éloignement des étrangers et de la circulation des citoyens de l’Union européenne ; 4° Communication audiovisuelle ; 5° Services financiers des établissements postaux.
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[8]
Selon un avis du Conseil d’État du 8 décembre 1998, seul l’État est compétent pour réglementer les services financiers assurés par l’OPT que constituent les chèques postaux, les cartes de paiement, les mandats et les envois contre remboursement.
-
[9]
Le maintien de cet organisme eut assurément été souhaitable jusqu’à la mise en place de la législation de pays permettant la mise en œuvre de la compétence mentionnée à l’article 33.
-
[10]
On peut dès lors penser que, ne pouvant être directement associée à la politique étrangère de l’État, la participation de la Polynésie française en matière « d’entrée des étrangers » pourrait bien se limiter à des aspects secondaires. Par exemple, la Polynésie paraît susceptible de mener une action d’information sur la politique française en matière de visa par l’intermédiaire de ses représentations à l’étranger et même conclure des arrangements administratifs à cette fin. De même, la délivrance des visas se faisant après consultation du haut commissaire, la législation de pays pourrait fort bien instaurer une procédure de consultation des autorités polynésiennes, ce qui leur permettrait de participer à l’octroi des visas.
-
[11]
On peut se demander si, outre les incompatibilités énoncées par la loi organique, il y a lieu d’exclure l’éventuelle nomination des fonctionnaires visés à l’article 6 du projet de loi complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française. Leur nomination au Haut Conseil susceptible de s’analyser, comme « un emploi au service de la Polynésie française » dans la mesure où la prohibition dont il est question s’analyse comme une disposition « anti-pantouflage » en ce qu’elle cible une liste de fonctionnaires dont la fonction est liée à l’activité de contrôle exercée par l’État en Polynésie française.
-
[12]
A ce titre, par exemple, la Polynésie pourra instaurer une obligation d’assurance destinée à couvrir la responsabilité décennale des constructeurs. En effet si ce principe issu de la loi 78-12 du 4 janvier 1978 a bien été transposé par une loi n° 96-609 du 5 juillet 1996, tel n’est en revanche de son corollaire, c’est-à-dire l’obligation de souscrire une assurance couvrant cette responsabilité. Quant à la possibilité pour la Polynésie française d’instaurer une telle obligation elle était jusqu’alors compromise, un avis du Conseil d’État en date du 24 septembre 2002 indiquant que l’obligation d’assurance destinée à couvrir la responsabilité décennale de constructeurs étant régie par le droit civil, elle relevait donc de la compétence de l’État.
-
[13]
Dans une réserve d’interprétation, le juge constitutionnel précise que les conditions matérielles d’exploitation et de mise à disposition à la population des registres d’état civil relève de l’état et de la capacité des personnes qui figurent parmi les compétences que l’État ne peut transférer aux collectivités d’outre-mer en vertu des dispositions combinées des quatrièmes alinéa des articles 73 et 74 de la Constitution (consid. 78).
-
[14]
Sur les spécificités de l’adoption en Polynésie française, cf. not. M.-N. Charles, « Réflexions sur l’adoption en Polynésie française », RRJ, 1997, n° 1.
-
[15]
C’est notamment le cas du régime juridique du fonds de commerce fixé par les lois du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce et du 29 juin 1935 relative au règlement du prix de vente des fonds de commerce. C’est aussi le cas du décret du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, ou de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.
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[16]
C’est ce qui ressort clairement d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 26 juin 2001 : « considérant, surtout, que l’article 5 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française a conféré une compétence de droit commun aux autorités de ce territoire ; qu’au terme de l’article 6, l’État ne dispose plus désormais que des compétences d’attribution dans des matières limitativement énumérées, au rang desquelles figure simplement la “communication audiovisuelle” mais non la concurrence ».
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[17]
Dans un avis rendu le l4 mars 2000, le Conseil d’État considère que la Polynésie française qui est compétente pour intervenir dans le domaine réglementaire en ce qui concerne le droit commercial, l’est par voie de conséquence, pour édicter, dans le respect des principes fondamentaux des obligations commerciales, la réglementation nécessaire à l’application en Polynésie française de la législation relative aux entreprises en difficultés.
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[18]
Dans un avis rendu le 28 septembre 1999 qui répondait à la question suivante : « Les autorités de la Polynésie française sont-elles compétentes pour définir un régime visant à limiter ou interdire les concentrations d’entreprises ? », le Conseil d’État a estimé que « l’édiction d’une réglementation ayant objet de permettre le contrôle des concentrations d’entreprises dans des secteurs déterminés, par la limitation qu’elle est susceptible d’apporter à la liberté contractuelle, touche à la fois à la définition des règles de droit civil et des principes fondamentaux des obligations commerciales et relève ainsi de la seule compétence de l’État ».
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[19]
S’agissant du droit de grève dans la fonction publique on peut se demander si la détermination de sa mise en œuvre n’était pas d’ores et déjà acquise au titre de l’extension de la jurisprudence Jamart relative au pouvoir réglementaire des chefs de services. Néanmoins, un avis très contestable du Tribunal administratif de Papeete en date du 24 novembre 1993 indiquait que le droit de grève étant mis en œuvre par la loi, que la loi statutaire ne le prévoyant pas, excluait par conséquent l’instauration d’un service minimum dans les services publics du territoire de la Polynésie française.
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[20]
Pour un état des lieux sur la répartition des compétences sous l’empire du statut de 1996, on se reportera principalement à l’ouvrage d’Alain Moyrand, Les institutions de la Polynésie française, ministère de l’Education- CTRDP, 2003. Et pour un compte rendu minutieux des retouches effectuées dans la répartition des compétences par le nouveau statut, on se reportera à la conférence donnée le 25 mars 2004 par M. Jean Peres à l’Université de la Polynésie française sur le thème « La nouvelle répartition des compétences entre l’État et la Polynésie française » (disponible sur le site de la présidence de la Polynésie française). On peut en citer pêle-mêle quelque unes : extension de la compétence de la Polynésie française en matière de desserte aérienne (art. 14 8°), de réglementation portant sur les jeux de hasard (art. 24), en matière de sécurité maritime (art. 14 9°), retrait des hydrocarbures liquides et gazeux de la liste des matières premières stratégiques (art. 14 4°) à l’exception des produits nécessaires aux missions de défense et de sécurité (art. 27 3°), etc.
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[21]
L’extraterritorialité de la délégation bruxelloise de la Polynésie française constituait jusqu’alors un accommodement admis par l’État, les apparences étant ménagées par le fait qu’elle était présentée comme un simple démembrement de la délégation parisienne.
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[22]
La jurisprudence administrative interprète restrictivement le principe. Elle a ainsi récemment considéré qu’un Conseil général peut moduler le taux des aides financières qu’il accorde à des communes afin de les inciter à privilégier un mode de gestion déterminé de leurs services publics sans méconnaître pour autant le principe codifié à l’article L. 111-4 du Code général des collectivités locales selon lequel les décisions des collectivités locales « d’accorder ou de refuser une aide financière ne peuvent avoir pour effet l’établissement ou l’exercice d’une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur celle-ci » ( CE 12 décembre 2003, Département des Landes, req. n° 236442, RFDA, 2004, p. 189).
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[23]
A n’en pas douter, on peut prévoir le développement d’un contentieux d’un type nouveau fondé sur la rupture d’égalité entre les communes. Un tel contentieux étant notamment appelé à préciser si les délégations de compétence auxquelles procède la Polynésie française peuvent avoir lieu de manière distincte entre les communes ou au contraire si elles doivent s’effectuer de manière indistincte.
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[24]
On relèvera à cet égard l’absence de mise en place de mécanisme de péréquation des recettes fiscales alors même qu’en son dernier alinéa l’article 72-2 de la Constitution dispose « La Loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». Le Conseil constitutionnel a en effet considéré que cette exigence constitutionnelle est satisfaite en raison de l’existence d’un fonds intercommunal de péré-quation prévu par l’article 52 et redistribuant au moins 15 % des impôts, droits et taxes perçus au profit du budget général de la Polynésie française. Toutefois, le juge constitutionnel balance son interprétation peu exigeante de l’article 72-2 par la réserve suivante « (…) tant le décret en Conseil d’État qui doit fixer les modalités d’application de l’article 52, que la péréquation qui sera faite (…) ne devront pas méconnaître l’objectif d’égalité mentionné au dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution » (consid. 65).
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[25]
L’État reste quant à lui compétent en matière de restrictions non quantitatives (art. 14 4° et 6°), ce qui n’est pas sans poser de difficulté lorsque, par exemple, il a omis d’étendre à la Polynésie française l’interdiction d’importation de produits présentant des risques sanitaires. Il en résulte la situation ubuesque pour l’importateur que les autorités polynésiennes ne pouvant s’opposer à l’importation du produit sont amenées à en interdire la commercialisation. Tel est le cas par exemple de la « taurine » utilisée dans la composition des boissons énergisantes et interdite en métropole sur recommandation de l’Agence française de sécurité alimentaire, actuellement au centre d’un contentieux.
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[26]
Notamment l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1983 relative à la liberté des prix et de la concurrence désormais codifiée dans le Code de commerce.
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[27]
En ce sens, le Conseil d’État a indiqué que « dans l’exercice des attributions qu’elle tient de la loi, l’autorité compétente du territoire (de la Polynésie française) doit se conforter aux principes généraux du droit et en particulier du principe de liberté du commerce et de l’industrie ainsi qu’aux dispositions législatives conférant aux organes des collectivités créés sur le territoire des compétences propres à titre exclusif » ( CE, 13 mai 1994, Président de l’Assemblée territoriale de la Polynésie française, n° 112-409).
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[28]
Disposition qui contrecarre la solution issue d’un arrêt rendu sous le n° 02 PA 01472 le 7 octobre 2003 par la Cour administrative d’appel de Paris dans une affaire Gouvernement de la Polynésie française c/Haut-commissaire de la Polynésie française.
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[29]
Reconduites par la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outremer. Ce texte, également appelé « loi Girardin », proroge jusqu’en 2017 le dispositif de défiscalisation existant applicable aux ménages et aux entreprises et élargit le champ des secteurs éligibles à la défiscalisation. Il restaure en outre en son article 26 le principe de la « double défiscalisation », c’est-à-dire la déductibilité de l’assiette de la défiscalisation des avantages résultant de la mise en œuvre des dispositifs de défiscalisation propres à la Polynésie française.
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[30]
G. Flosse, « La citoyenneté de pays : l’exemple de la Polynésie française », Identité, nationalité, citoyenneté outre-mer, Actes du colloque des 9-10 novembre 1998, CHEAAM, 1999, J.-Y. Faberon et Y. Gauthier (dir.), p. 171 s.
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[31]
Comme le rappelle l’article mentionné à la note précédente, de nombreux textes ont, par le passé, consacré une telle « préférence territoriale », notamment l’ordonnance du 2 novembre 1945 qui avait prévu que dans certaines colonies, l’établissement des non originaires en vue de l’exercice de certaines professions pourrait être subordonné à des conditions « d’utilité économique et sociale » : celles-ci ayant pour objet « d’interdire l’établissement (…) des personnes non originaires, françaises ou étrangères qui (…) seraient susceptibles d’exercer des professions pouvant être assurées par les originaires ou pouvant entraver l’évolution sociale du pays ». Par la suite l’État insérera pour certains concours de fonctionnaires destinés à exercer en Polynésie française, la condition de résidence de 5 ans (ainsi fut-il fait par le décret du 19 juillet 1982 pour les instituteurs).
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[32]
Au regard du droit communautaire, la Polynésie française relève du statut des pays et territoires d’outre-mer ( PTOM ) régis par les articles 3,299 et 182 à 188 du traité instituant la communauté européenne (cf. not. J. Blot, « L’application du traité CE aux relations des territoires d’outre-mer », AJDA, 25 août 2003, p. 1426 s.). En conséquence, le droit communautaire qui y est applicable est celui qui résulte de la décision d’association et des actes de droit dérivé pris pour son application. Il en résulte une emprise limitée des quatre grandes libertés fondamentales régissant le droit communautaire. Ce qui explique, par exemple, que saisie par voie de question préjudicielle par le Tribunal administratif de Papeete, la Cour de justice des Communautés européennes ait pu considérer que les actes de droit dérivé organisant le droit d’entrée et de séjour sur le territoire des Etats membres, lequel est conçu comme un élément indispensable de la liberté d’établissement, ne sont pas applicables en tant que tels (aff. Kaeffer et Procacci du 12 décembre 1990, Rec. CJCE, p. I-4647).