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Article de revue

Actualité du droit électoral

Observations sous Cons. const. 14 mars 2001, Hauchemaille, CE, Sect. 14 septembre 2001, Marini et 20 septembre 2001, Hauchemaille et Marini

Pages 775 à 778

Notes

  • [1]
    Cf. H. Savoie, Conclusions sur CE, Ass., 1er sept. 2000, Larrouturou, Meyet et autres, RFD Adm. n° 16, sept-oct. 2000, p. 989; nos obs. sous Cons. const ; déc. 25 juillet 2000, Hauchemaille I, 23 août 2000, Hauchemaille II et Larrouturou, 6 septembre 2000, Pasqua et Hauchemaille III, 11 septembre 2000, Meyet.
  • [2]
    Cons. const. 14 mars 2001, Hauchemaille, JO, 17 mars 2001, p. 4260.
  • [3]
    CE, Sect. 14 septembre 2001, Marini.
  • [4]
    20 septembre 2001, Hauchemaille et Marini, JO, 23 septembre 2001, p. 15121.
  • [5]
    Cf. H. Savoie, concl. précitées et J.-E. Schoettl, Les petites affiches, août-septembre 2000 (3 chroniques).
  • [6]
    Pour reprendre l’expression utilisée à juste titre par le commissaire du gouvernement Piveteau dans ses conclusions sur l’arrêt Marini du 14 septembre 2001.

1Une nouvelle fois, l’actualité du droit électoral est marquée par le contentieux des actes préparatoires et plus particulièrement par la toujours délicate question du juge compétent pour en apprécier la légalité.

2Même si, un an après les décisions relatives au referendum organisé en vue de l’adoption du projet de loi constitutionnelle portant réduction de la durée du mandat présidentiel [1], l’affaire semble entendue, ce problème demeure toujours source de discussions, de commentaires ou de spéculations.

3Toutefois, désormais, la « querelle » est vidée et le « dialogue des juges » paraît très positif.

4Les trois décisions ici présentées en sont une démonstration à la fois sans ambiguïté et très « pédagogique ».

5Exposons brièvement les faits :
En mars 2001, M. Hauchemaille demande l’annulation du décret portant convocation des électeurs pour trois élections législatives partielles devant le Conseil constitutionnel. Ce dernier rejette la requête en estimant que les conditions ne sont pas réunies en l’espèce pour exercer son contrôle avant le scrutin, les actes attaqués n’ayant qu’une portée limitée et locale [2].

6En septembre 2001, M. Marini demande l’annulation du décret portant convocation des collèges électoraux pour les élections sénatoriales triennales devant le Conseil d’État. Ce dernier déclare la requête irrecevable, le Conseil constitutionnel étant compétent en la matière [3].

7Simultanément, MM. Hauchemaille et Marini font la même demande devant le Conseil constitutionnel qui examine la requête au fond et la rejette [4].

8De ces trois espèces qui forment un ensemble jurisprudentiel très cohérent, nous pouvons tirer deux enseignements principaux plus confirmatifs que nouveaux :

  1. La jurisprudence référendaire de 2000 sur les actes préparatoires s’applique aux élections parlementaires et a donc bien une portée générale;
  2. La compétence du Conseil constitutionnel en tant que juge de la légalité de ces actes est exceptionnelle et a une portée limitée.

9La jurisprudence référendaire de 2000 s’applique aux élections parlementaires

10Il ne s’agit, ici, que d’une confirmation, tant l’extensibilité de la jurisprudence de l’année dernière paraissait souhaitable et vraisemblable. C’était d’ailleurs ce que laissaient entendre d’éminents représentants des deux hautes juridictions [5].

11En ce qui concerne les élections parlementaires, c’est donc chose faite.

12Pour les élections législatives, la réponse a été donnée, en quelque sorte en creux, par le Conseil constitutionnel dans sa décision Hauchemaille de mars 2001, où le rejet de la requête se fonde non sur la compétence elle-même mais sur l’étendue de celle-ci.

13Pour les élections sénatoriales, le mécanisme jurisprudentiel fonctionne « à plein », le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel appliquant de concert la jurisprudence de 2000.

14On voit mal, d’ailleurs, ce qui aurait pu conduire et surtout justifier une position contraire.

15En effet, une telle position ne manquerait pas de porter atteinte à l’harmonie de l’ensemble et introduirait ainsi une nouvelle cacophonie jurisprudentielle qui serait peu compatible avec la nécessaire sécurité juridique dont le citoyen doit pouvoir se prévaloir dans le cadre de l’État de droit.

16Certes, pourra-t-on toujours faire remarquer que les référendums et les élections politiques nationales ne sont pas de même nature et ont les uns et les autres leur propre spécificité, mais que valent finalement ces arguties théoriques au regard de la réalité du droit et de sa vocation à trouver une solution aux litiges ?

17En l’espèce la sagesse et le bon sens l’ont emporté et c’est tant mieux aussi bien pour les juges que pour les justiciables.

18Reste à savoir si le « modèle » [6] de la jurisprudence référendaire précitée sera expressément transposé à l’élection présidentielle, dernier scrutin potentiellement concerné par cette jurisprudence. Tout porte à penser que oui.

19D’ailleurs, dans une deuxième décision Hauchemaille rendue le 14 mars 2001, le Conseil constitutionnel, saisi d’une disposition du décret du 8 mars 2001 portant application de la loi organique relative à l’élection présidentielle, a rejeté la requête au motif – désormais classique – que les conditions lui permettant exceptionnellement d’intervenir n’étaient pas réunies en l’espèce. En effet, le Conseil constitutionnel précise qu’il est juge de la légalité des actes préparatoires propres à un scrutin présidentiel déterminé et non pas de ceux qui ont un caractère permanent et une portée générale.

20Si, pour l’instant, le Conseil d’État ne s’est pas expressément prononcé sur cette question, nous ne devrions pas tarder à avoir la réponse, pouvant compter sans doute sur l’aide des requérants « attitrés » dans ce domaine…

21• La compétence du Conseil constitutionnel en tant que juge de la légalité des actes préparatoires en matière électorale reste exceptionnelle et limitée

22Ici encore, la jurisprudence Marini et Hauchemaille de 2001 n’apporte rien de surprenant ni même d’innovant.

23Comme un leitmotiv, les deux juridictions rappellent le caractère « exceptionnel » de la compétence du Conseil constitutionnel en la matière.

24Le Conseil d’État est, naturellement, le juge du contrôle de la légalité des actes administratifs et sa compétence générale demeure, conforté qu’il est par sa longue tradition jurisprudentielle et son savoir-faire procédural dans ce domaine.

25Le caractère exceptionnel de l’intervention du Conseil constitutionnel se manifeste, en fait, de deux manières.

26Tout d’abord, cette compétence est déterminée par la nature de l’acte.

27Le Conseil constitutionnel ne statue sur les requêtes mettant en cause la régularité d’élections à venir, que lorsqu’il existe un risque de « compromettre gravement l’efficacité du contrôle par le Conseil constitutionnel de l’élection… », de « (vicier) le déroulement général des opérations électorales » ou encore de « (porter) atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics ».

28Dans ces conditions, il était logique que soit rejetée la première requête Hauchemaille de mars 2001 qui ne visait que des élections législatives partielles organisées dans trois circonscriptions et que soit jugées au fond les requêtes jointes Hauchemaille-Marini de septembre 2001, qui concernaient le renouvellement triennal des sièges de sénateurs.

29La deuxième décision Hauchemaille du 14 mars 2001 relative à l’élection présidentielle est dans le même esprit.

30Le caractère exceptionnel et strictement encadré de la compétence du Conseil constitutionnel pour contrôler la légalité des actes administratifs préparatoires est ainsi destiné à préserver la compétence « naturelle » du Conseil d’État dans ce domaine.

31Ensuite, et cela avait déjà été souligné en 2000, le Conseil constitutionnel n’intervient, ici, que comme juge de l’élection et s’interdit de se prononcer sur toute autre question relevant par ailleurs de sa compétence.

32Dans leurs requêtes, MM. Hauchemaille et Marini avaient, fort habilement, soulevé un moyen délicat.

33S’appuyant sur le respect du principe de l’égalité devant le suffrage, dont le corollaire principal est que le découpage des circonscriptions électorales doit se faire sur des « bases essentiellement démographiques », les requérants voulaient sans doute mettre dans l’embarras le Conseil constitutionnel qui avait par le passé consacré ces principes dans sa jurisprudence.

34En effet, faisaient-ils ainsi remarquer, le législateur n’avait pas procédé à la modification de la répartition par départements des sièges de sénateurs, alors même que la population de ces collectivités avait évolué.

35Le Conseil constitutionnel, fort justement, a écarté le piège en refusant d’examiner ce moyen l’inverse l’aurait conduit à se prononcer, par voie d’exception, sur la conformité d’une loi promulguée.

36Dans le cadre de son contrôle des actes préparatoires aux élections, le Conseil constitutionnel, comme le juge administratif, se borne à examiner la légalité de l’acte sans se soucier de la constitutionnalité de la loi lui servant de fondement.

37Toutefois (à bon entendeur salut…), le Conseil constitutionnel fait remarquer, dans une incidente, que le législateur n’a pas fait ce qu’il devait faire.

38Ainsi prévaut ici une solution claire. Le Conseil constitutionnel, juge électoral, exceptionnellement transformé en juge de la légalité, ne peut pas empiéter sur les terres du Conseil constitutionnel, juge de la constitutionnalité de la loi.

39Ainsi, un an après la « batterie jurisprudentielle » suscitée par le référendum sur le quinquennat, nous avons la confirmation éclatante de la solidité et de la stabilité de la jurisprudence relative à la détermination du juge compétent pour examiner la légalité des actes préparatoires aux opérations électorales ou référendaires.

40La solution minutieusement mise au point par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État est donc consolidée et fait également la preuve de sa viabilité.

41Même si des incertitudes mineures demeurent, le but essentiel est atteint : les actes préparatoires aux différents scrutins ont, enfin, trouvé un juge dont le champ de compétence est tracé de manière objective et stable.

42Tout cela n’a pu être obtenu que grâce à un intense et constructif « dialogue des juges ».

43La jurisprudence croisée de mars et de septembre 2001 nous offre ainsi, une nouvelle fois, un modèle exemplaire de jurisprudence interactive.


Date de mise en ligne : 01/12/2008

https://doi.org/10.3917/rfdc.048.0775

Notes

  • [1]
    Cf. H. Savoie, Conclusions sur CE, Ass., 1er sept. 2000, Larrouturou, Meyet et autres, RFD Adm. n° 16, sept-oct. 2000, p. 989; nos obs. sous Cons. const ; déc. 25 juillet 2000, Hauchemaille I, 23 août 2000, Hauchemaille II et Larrouturou, 6 septembre 2000, Pasqua et Hauchemaille III, 11 septembre 2000, Meyet.
  • [2]
    Cons. const. 14 mars 2001, Hauchemaille, JO, 17 mars 2001, p. 4260.
  • [3]
    CE, Sect. 14 septembre 2001, Marini.
  • [4]
    20 septembre 2001, Hauchemaille et Marini, JO, 23 septembre 2001, p. 15121.
  • [5]
    Cf. H. Savoie, concl. précitées et J.-E. Schoettl, Les petites affiches, août-septembre 2000 (3 chroniques).
  • [6]
    Pour reprendre l’expression utilisée à juste titre par le commissaire du gouvernement Piveteau dans ses conclusions sur l’arrêt Marini du 14 septembre 2001.

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