L’objectif de cet article, qui s’appuie sur une enquête qualitative menée auprès de soixante-dix parents séparés, est de mettre la focale sur les changements d’organisation des modalités de résidence des enfants après une séparation. Derrière une apparente stabilité juridique et statistique des modes de résidence se jouent des ajustements informels entre les ex-conjoints au gré des aléas du quotidien. Ils s’articulent autour de trois préalables tacites – l’anticipation, la réciprocité et une relation apaisée – mais dépendent aussi des conditions matérielles qui pèsent sur ces arrangements. L’analyse du passage d’un mode de résidence à un autre, moins fréquent, met au jour un gradient de situations allant d’une décision consensuelle des parents à un affrontement sur la résidence des enfants. L’analyse des justifications de ces changements d’organisation laisse, par ailleurs, entrevoir une rhétorique de la « bonne parentalité » dans le contexte des séparations. Le souci de « faire au mieux » pour l’enfant est la raison qui prédomine dans les discours. Cette norme altruiste de « l’intérêt de l’enfant » est mobilisée autant par les hommes que par les femmes. Elle renvoie à trois acceptions prédominantes : respecter le principe d’une coparentalité, privilégier l’unité de la fratrie et écouter son enfant. D’autres registres plus personnels s’y mêlent, de façon plus ou moins assumée, comme des raisons professionnelles, une remise en couple ou, plus rarement, la dénonciation du désinvestissement de l’autre parent.
Organisational Changes in the Residence of Children Following a Separation: Arrangements made in the Child’s Interest?
Drawing on a qualitative survey administered to 70 separated parents, this article focuses on organisational changes in the residential arrangements of children following a separation. Behind the apparent legal and statistical stability of residence modes lie informal adjustments between ex-partners informed by daily contingencies. The adjustments are based on three tacit prerequisites – anticipation, reciprocity and calmer relations – but also depend on material conditions that weigh on the arrangements. An analysis of the shift, less common, from one residential mode to another, reveals a gradation of situations ranging from a consensual decision by the parents to clashes over the residence of the children. An assessment of the justifications for these organisational changes points to a rhetoric of “good parenting” in the context of separations. The desire to “do one’s best” for the child is the most predominant justification for the interviewees. This altruistic norm of doing things “in the interest” of the child is cited by men as often as it is by women and corresponds to three main acceptations: respecting the principle of coparenting, favouring the unity of siblings and listening to one’s child. Other, more personal registers, assumed to a varying degree, also play a part, such as occupational reasons, the reforming of a couple and, more rarely, accusations of the disinvestment of the other parent.