La naissance du premier enfant est fréquemment identifiée comme un tournant biographique. Cependant, cet événement acquiert une charge biographique qui diffère selon la personne qui le définit et la place qu’elle lui accorde dans sa reconstitution biographique. Quant à l’arrivée en prison, elle constituerait une rupture dans les parcours de vie. Au regard du vécu des pères détenus, cette perception des événements semble moins univoque et plus complexe. En retraçant deux dimensions spatio-temporelles, l’histoire passée à l’extérieur à travers l’entrée dans la parentalité et le présent de l’incarcération, j’ai cherché à définir la trajectoire parentale d’un type de père en prison que j’ai nommé « marginale ». Plusieurs questions émergent : existe-t-il un tournant entre la situation précarcérale et le moment de l’incarcération ? L’incarcération peut-elle être envisagée comme un incident biographique pour les pères détenus ? Dès lors, les pratiques parentales de ces derniers s’en trouvent-elles bouleversées ? Mon développement s’appuiera sur des entretiens répétés menés auprès de trente et un détenus rencontrés dans deux maisons d’arrêt et deux centres de détention. Cet article rendra compte de trajectoires conjugales, parentales et sociales heurtées. L’entrée dans la paternité est peu préparée et survient alors qu’ils sont pleinement investis dans leur carrière délictueuse. Quant à l’incarcération, elle survient à la fois comme une fatalité et un rite de passage. La paternité semble alors secondaire et dépend surtout de la médiation de la mère.
Does Paternity End at the Prison Gates?
The birth of the first child is often seen as a biographical turning point. But the intensity of the event differs according to the person defining it and the place they attribute to it in their biographical construction. Imprisonment stands as a disruption in life histories. Seen from the eyes of inmate fathers, this perception of events appears less unequivocal and more complex. Focusing on two space-time dimensions – the past spent outside through the accession to parenthood and the present spent in prison – I have sought to identify the parental trajectory of a type of father in prison who I refer to as “marginal”. Several key questions emerge. Is there a turning point between the pre-imprisonment situation and the moment of imprisonment? Can imprisonment be seen as a biographical incident for imprisoned fathers? Are the parenting practices of the latter disrupted by incarceration? In response, my work is based on repeated interviews with 31 inmates in two prisons and two detention centres. The findings show disrupted conjugal, parental and social trajectories. The individuals in question prepare only minimally for parenthood and become parents at a time when they are deeply involved in criminal activity. When imprisoned – an event seen as both an inevitability and rite of passage – paternity becomes secondary and depends above all on the mediation of the mother.