Notes
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Voir le texte complet de l’appel à contribution en annexe.
1Depuis quelques temps, la question de l’accessibilité des patients aux médicaments innovants et parfois très coûteux polarise le débat public. Elle a fait l’objet d’un traitement médiatique important : campagnes de la Ligue contre le cancer et de Médecins du Monde engagées en 2016, rapport de la Cour des comptes 2017 relayé par les médias, etc. Elle soulève par ailleurs la question de la soutenabilité de la dépense, tant pour les payeurs publics que privés.
2Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que nous sommes dans une phase de transition épidémiologique, caractérisée par l’augmentation du nombre de maladies chroniques, en partie imputable à l’innovation médicale et pharmaceutique. Cette dernière a permis ou permettra de transformer des maladies incurables en maladies chroniques, nécessitant des traitements médicamenteux particuliers.
3Ces questions se poseront également dans les prochains mois, lorsqu’il faudra relever les nouveaux défis que soulève le développement de la médecine personnalisée et des traitements issus de la thérapie génique. Ajoutons à ces facteurs la mondialisation de l’activité des firmes pharmaceutiques qui doit conduire les États à raisonner au niveau collectif et pas seulement au niveau national, sous peine, si une stratégie de passager clandestin était systématiquement adoptée, de ne pas rémunérer suffisamment la recherche.
4Dans ce contexte, plusieurs questions se posent. Qu’est-ce que le prix du médicament doit rémunérer ? Quelle place pour l’évaluation médico-économique dans la détermination des prix ? Pourquoi réguler par les prix et comment, le cas échéant, justifier une régulation administrative ? Comment les pays déterminent-ils le prix des médicaments ? Quel est le recours au benchmarking pour la fixation des prix par les autorités ? Quel est le recours aux accords de partage des risques ? Quels défis soulève l’innovation à venir pour la fixation des prix ?
5Pour éclairer ces questions, plus de dix ans après la publication du numéro de 2007 de la Revue française des affaires sociales, intitulé « Le médicament », nous avons souhaité consacrer un nouveau dossier de la revue à cette question en ciblant le prix du médicament.
6Parmi les articles reçus suite à l’appel à contribution, le comité de lecture a décidé d’en retenir 14 pour composer ce dossier. Sans épuiser toutes les questions que nous nous posions [1], ces articles couvrent globalement bien les axes de l’appel à contribution.
7Nous avons souhaité organiser le dossier de la manière suivante.
8Dans le premier article de ce numéro intitulé « Existe-t-il un juste prix du médicament ? », Claude Le Pen se demande s’il existe une définition « scientifique » du juste prix. Il s’arrête sur trois définitions que la science économique a successivement proposées. Pour Saint Thomas d’Aquin, le juste prix n’est pas dans l’objet mais dans les motivations morales des contractants. La deuxième définition dérive de la théorie de la valeur de l’école classique puis néoclassique : le juste prix est celui qui reflète exactement sa valeur d’échange, soit son coût de production dans une perspective ricardienne, soit sa valeur thérapeutique dans une perspective néoclassique où valeurs d’usage et d’échange coïncident. La dernière définition est celle des théoriciens de la justice sociale comme John Rawls. Pour ces penseurs, le juste prix n’est pas défini par la vertu des contractants ou par son adéquation à une quelconque valeur intrinsèque dissimulée dans l’objet (coût de production ou valeur thérapeutique) mais par son mode de détermination. Dans ces conditions, un prix peut parfaitement être exorbitant et juste, pourvu qu’il résulte d’une procédure de fixation correcte et équitable.
9C. Izambert, A. Toullier, C. Glémarec et M. Dixneuf proposent ensuite une analyse des positionnements successifs des associations concernant l’accès aux innovations thérapeutiques en France. À travers un retour sur l’histoire de la lutte contre le sida, l’article montre comment la bataille pour l’accès à l’innovation a évolué. Dans les années 1990, le combat des associations visait à exiger des industriels la production de traitements adaptés aux besoins des malades et à obtenir un accès rapide et inconditionnel aux nouveaux traitements. À cette époque, si les prix des nouvelles molécules ne font pas l’objet d’une expertise critique systématique de la part des associations de lutte contre le sida en France, la solidarité avec la situation des malades des pays du Sud leur permet toutefois de se forger un regard critique sur les pratiques tarifaires des industriels. Dans la décennie 2000, la question du prix commence à se poser également dans les pays du Nord. En effet, à cette époque s’opère un changement d’échelle. Alors que jusqu’à présent, les prix très élevés concernaient seulement les médicaments de niche destinés à un nombre très limité de malades, désormais des traitements largement prescrits sont également concernés. Dans ces conditions, le prix du médicament menace la pérennité des systèmes de santé et est susceptible de compromettre l’accès universel aux innovations thérapeutiques.
La fixation des prix en France
10Dans leur contribution intitulée « Le prix des médicaments en France », L. Rachet-Jacquet, L. Toulemon. V. Raymond, A. Degrassat-Théas, L. Rochaix et P. Paubel proposent un panorama complet de la manière dont les prix des médicaments sont fixés en France. Les auteurs détaillent les mécanismes régissant la fixation du prix des médicaments de ville ou des médicaments dispensés à l’hôpital et décrivent les acteurs de la fixation du prix (Commission de la transparence de la HAS, CEPS, LEEM).
11S. Raïs Ali, V. Raymond, A. Degrassat-Théas, L. Rachet-Jacquet, L. Rochaix, X. Lu, et P. Paubel proposent une analyse économétrique du régime d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) depuis sa mise en œuvre en 1994 jusqu’en 2016. Durant ce régime, le prix est librement fixé par le laboratoire pharmaceutique, contrairement au système de prix administrés qui prévaut pour les médicaments remboursés. Ce système permet aux patients d’accéder aux médicaments avant même qu’ils aient obtenu l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Leur analyse montre qu’après la réforme réglementaire de 2007 qui a contraint le cas échéant les laboratoires pharmaceutiques à rembourser la différence entre le prix ATU et le prix post AMM, les prix post AMM négociés par le Comité économique des produits de santé (CEPS) sont plus souvent inférieurs aux prix d’ATU. Ce résultat peut signifier que la réforme a renforcé le pouvoir de négociation du CEPS. Il peut aussi signifier que le remboursement du trop-perçu pendant la période d’ATU ne constitue pas une incitation suffisante pour que les laboratoires modèrent véritablement leurs prix ATU. Enfin, il se peut qu’indépendamment de la réforme, les laboratoires surestiment depuis quelques années davantage la valeur thérapeutique des médicaments.
12Dans leur article intitulé « De l’administration des prix à la régulation du marché. Enjeux et modalités de la fixation des prix des médicaments en France depuis 1948 », E. Nouguez et C. Benoît retracent l’histoire de la fixation des prix en France depuis 1948. Après être revenus sur les raisons qui ont conduit à l’abandon au début des années 1990 de l’administration unilatérale des prix au profit d’une solution conventionnelle, les auteurs défendent l’idée que cet abandon n’a pas conduit à un retrait de l’État mais au contraire à une extension du contrôle exercé. En outre, pour E. Nouguez et C. Benoît, la création des lois de financement de la Sécurité sociale et de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) a eu pour conséquence de faire du CEPS une instance de planification et de distribution du budget bien plus qu’une instance de fixation des prix.
13Dans son article intitulé « Une brève histoire de la Commission de la transparence », Claude Le Pen complète cette analyse historique en dressant un panorama des évolutions doctrinales et institutionnelles qui ont sous-tendu les modalités de remboursement et de fixation des prix des médicaments, de la création de la Sécurité sociale à celle de la HAS. L’analyse fait apparaître un débat constant sur les critères à retenir pour fixer le prix des médicaments et montre comment la valeur thérapeutique d’un produit s’est progressivement imposée comme le critère central. Cette évolution est parachevée avec la création de la Commission de la transparence en 1980, même si cette dernière a connu des rattachements administratifs successifs jusqu’à la création de la HAS en 2005. En conclusion, Claude Le Pen rappelle que la question de la réforme des critères est clairement posée et émet l’hypothèse, à plus long terme, de la possibilité d’une évaluation européenne.
14L’article de F. Megerlin intitulé « Performance, contrats de partage de risques et contrats de résultats : quelle signification ? », complète les articles précédents en interrogeant les solutions contractuelles à la disposition des acteurs pour favoriser l’arrivée des produits innovants sur le marché. Pour F. Megerlin, les années de vie gagnées grâce aux nouveaux produits et la perte de justification des prix demandés renouvellent complètement le contexte et obligent à dépasser les approches traditionnelles. Le mélange des solutions contractuelles mis en œuvre mine leur efficacité. F. Megerlin propose de mettre en place une nouvelle catégorie de contrats fondés sur un paiement lié à la performance contractée. Cet article souligne que si l’évaluation des produits suit une procédure scientifique, la négociation du prix comporte une partie plus « commerciale » qui recourt à des formes contractuelles complexes.
15Ces cinq articles forment un socle qui permet de comprendre l’histoire et les modalités de fonctionnement actuelles du système. Ils fournissent un éclairage utile pour comprendre les comparaisons internationales et les analyses critiques qui peuvent être formulées. Ils constituent une transition vers les articles proposant de faire évoluer le système notamment par le développement de l’analyse médico-économique.
La place de la médico-économie dans la fixation du prix des médicaments
16Jérôme Wittwer s’interroge sur le rôle théorique que peut avoir l’évaluation économique dans la fixation des prix des médicaments sous brevet. L’article commence par rappeler le résultat d’économie industrielle de Jean Tirole (1988) selon lequel une firme fixera son effort de recherche et développement (R&D) à un niveau socialement optimal à condition qu’elle puisse fixer son prix de sorte à extraire tout le surplus social. Ce cadre d’analyse suppose toutefois que la firme en situation de monopole soit confrontée à une demande qui exprime les consentements à payer des patients. En pratique, cette fonction de demande n’est pas connue. L’évaluation médico-économique permet alors d’en fournir un substitut utile : si le ratio coût-utilité est supérieur à une valeur de référence (qui représente la disposition à payer pour l’année de vie gagnée en bonne santé), la demande du financeur pour le produit est nulle. De ce fait, pour J. Wittwer : « L’évaluation médico-économique n’a donc pas en théorie de rôle de régulation des prix dans le sens d’une modération des prix, elle a pour objet d’éviter que les prix fixés soient supérieurs aux consentements à payer de la société (du régulateur) ». S’agissant de la place effective de l’évaluation médico-économique en France, J. Wittwer déplore que son rôle dans le processus de régulation des prix ne soit pas plus clairement explicité.
17M. Robelet, D. Benamouzig et J. Minonzio montrent comment, grâce au travail de conviction et de formalisation de méthodes et de procédures par les promoteurs de l’évaluation économique au sein de la Haute Autorité de santé (HAS), le calcul coût/résultat s’est progressivement imposé comme critère légitime dans la fixation du prix des médicaments. L’article rappelle comment historiquement l’impulsion a été donnée par un petit groupe pluridisciplinaire adossé à la Commission de la transparence. Les auteurs commentent le travail de persuasion et d’alliances stratégiques mis en œuvre par les prometteurs de l’évaluation économique. La Commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP) instituée par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de 2008 devient en 2012 une commission réglementaire au même titre que la Commission de la transparence. Cela lui permet dès lors d’appliquer sa doctrine à tous les produits de santé, y compris les médicaments pour lesquels elle est chargée d’émettre des avis d’efficience qu’elle transmet au CEPS. En conclusion, les auteurs notent avec satisfaction qu’une convergence institutionnelle semble s’opérer de façon incrémentale autour de l’enjeu de l’efficience des médicaments innovants, alors qu’acteurs de l’évaluation et de la décision s’étaient longtemps tenus à distance.
18Après avoir dressé une chronique narrative de la création du NICE en 1999, D. Benamouzig analyse dans « NICE et les interférences pharmaceutiques. La négociation de prix exorbitants » les jeux d’acteurs à l’œuvre dans les débats sur l’introduction de l’interféron-β. Ce médicament est indiqué dans le traitement de la sclérose en plaques et constitue l’un des premiers dossiers traités par le NICE. Dans un contexte de forte pression, à la suite de son évaluation médico-économique, le NICE rend un avis défavorable, déclenchant une véritable bronca chez les industriels et les associations de patients. Le modèle médico-économique utilisé par le NICE pour son avis est contesté, ce qui oblige le NICE à se lancer dans un nouveau travail de modélisation. Mais, dans le même temps, le Department of Health court-circuite le travail de l’agence en concluant un accord de partage de risques avec le laboratoire. Le NICE est destitué de l’évaluation qui est successivement confiée à un centre de recherche puis un autre organisme. En 2009, un premier article paraît dans le British Medical Journal aux conclusions dévastatrices : l’interféron-β ferait plus de mal que de bien. Les associations de patients se sentent abusées. Aux yeux de la presse, le désastre aurait pu être évité si les recommandations du NICE avaient été suivies, si bien que le NICE sort finalement grandi de cet épisode.
La fixation des prix à l’étranger
19Dans son article intitulé « Drug pricing in the United States : prospects for balancing affordability, access, and rewards for innovation », Anna Kaltenboeck nous propose une description détaillée du système d’achat et de paiement des médicaments aux États-Unis et montre par quels mécanismes ce système pousse les dépenses américaines de médicaments à l’inflation. Les tensions ont atteint un niveau tel qu’une dynamique en faveur d’une réforme des paiements commence à émerger. Pour l’auteure, une réforme d’envergure est indispensable si l’on souhaite maintenir l’accès des patients aux traitements innovants tout en maintenant des incitations à la poursuite de l’innovation. Il faudrait notamment rétablir une pression concurrentielle et réaligner les prix des médicaments avec leur efficacité réelle (value based pricing).
20K. Isao présente la réforme des règles de tarification des médicaments préparées entre 2016 et 2018 par les autorités japonaises pour contenir l’évolution des dépenses de médicaments. La mesure phare de la réforme consiste à recourir au critère d’efficience (cost-effectivness) lors de la procédure de fixation du prix. L’intérêt de l’article est double. D’une part, il propose une réflexion sur le rôle de l’analyse médico-économique dans la régulation des dépenses de médicaments, d’autre part, il analyse le fonctionnement du système japonais (prise en compte des coûts de production, utilisation intensive du référencement international) et les étapes à franchir pour y introduire de nouvelles formes d’évaluation. L’article examine les options en cours de discussion pour développer le recours à l’analyse médico-économique. Il recense les difficultés liées à l’introduction de critères de décisions « automatiques », assise sur des seuils qui contraignent la décision publique dans le domaine de la santé, et plus particulièrement dans le domaine du médicament.
21La contribution de Q. Cavalan, M. Hazan, I. Hu et R. Zighed intitulée « International drug pricing : selected views on equity and efficiency issues » porte sur les difficultés d’accès très fortes aux médicaments des pays émergents alors même que leur situation sanitaire est souvent plus dégradée que celle des pays développés (phénomène que certains qualifient de « double diseases »). L’article explore alors les solutions susceptibles de résoudre les problèmes d’accessibilité dans les pays émergents. La solution centrale consiste à permettre à ces pays de bénéficier de prix plus bas que ceux pratiqués aujourd’hui. L’article explore donc la possibilité de pratiquer des prix différenciés. Trois arguments peuvent justifier ce recours : une meilleure reconnaissance des responsabilités sociales des industries pharmaceutiques, une plus grande priorité accordée à l’accès universel aux médicaments et une concurrence accrue des fabricants de génériques dans les marchés émergents. Les auteurs analysent également l’opportunité de recourir à un concours d’innovation ou plus généralement une démarche d’engagement d’achat qui permettrait d’atténuer le problème de faible retour sur investissement, sans conclure en faveur d’une solution par rapport à l’autre. L’apport essentiel de cet article est de mettre en exergue la fécondité de la réflexion en cours pour trouver des solutions qui favorisent l’accès aux médicaments (dimension financière) mais aussi le développement de produits destinés à des aires thérapeutiques non couvertes aujourd’hui (dimension sanitaire).
22Enfin, dans leur article méthodologique intitulé « L’importance des remises dans la comparaison internationale des prix des médicaments », A. Dahmouh et C. Ferretti s’intéressent aux difficultés méthodologiques que suscitent les exercices de comparaisons internationales. La démonstration débute par une présentation des caractéristiques des systèmes allemand et français qui met bien en exergue les deux modèles de régulation de la dépense de médicaments, par les prix en France, ou par le remboursement en Allemagne. Ensuite, l’article procède à une analyse comparative des prix des cinq plus gros marchés européens, avec une présentation plus approfondie de la situation de l’Allemagne et de la France, pays pour lesquels la comparaison est réalisée d’abord en mobilisant le prix facial (prix public), ensuite en mobilisant le prix net (prix réellement payé en application de dispositions non connues du public). L’article constate que les prix faciaux sont sensiblement plus élevés en Allemagne et au Royaume-Uni qu’en France. Ils sont également plus élevés en Espagne et en Italie. Cet article très documenté permet de comprendre deux choses. Premièrement, la diversité des modes de régulation de la dépense de médicaments, et ici plus particulièrement entre la France et l’Allemagne. Deuxièmement, il souligne la rigueur méthodologique indispensable aux comparaisons internationales.
23Deux éléments complémentaires viennent clore ce dossier.
24Blandine Hirtz s’interroge sur la pertinence de mettre en place une HTA (Health Technology Assessment) européenne, sujet d’actualité immédiate à tel point que de nouveaux développements ont pu se produire entre sa rédaction et sa publication sans que cela n’affecte son intérêt. L’objectif de cette contribution est de faire le point sur l’initiative de la Commission européenne de développer une procédure d’évaluation technologique des produits de santé commune. Pour la Commission, cette procédure constituerait un pas supplémentaire dans la construction d’une politique du médicament commune. Elle aurait reçu dans cette démarche le soutien des patients et des industriels mais se heurte à la réticence de certains États. B. Hirtz pointe deux freins à ce projet, ou deux difficultés à résoudre. Le premier est celui de l’absence de définition commune des traitements de référence (standard of care) qui se traduit par des évaluations différentes suivant les pays pour un même produit. Le second est celui d’un équilibre entre construction communautaire et principe de subsidiarité. Certains pays, comme l’Allemagne, souhaitant conserver une compétence nationale en matière d’accès des produits au remboursement. Pour dépasser ces réticences, la Commission propose de développer une évaluation clinique commune. On retrouve l’approche qui avait prévalu à la création de l’EMEA (Agence européenne du médicament) fondée sur un dénominateur commun scientifique. Dans le cas de la politique d’évaluation, ce choix se heurte à un obstacle non négligeable : comment détacher l’évaluation clinique de l’évaluation économique et donc de la fixation du prix. À suivre.
25Dans le point de vue intitulé « Vers la disparition (un jour) du prix des médicaments », E. Baseilhac, directeur des Affaires économiques et internationales du LEEM (Les entreprises du médicament), avance l’idée que la croissance des dépenses de médicaments peut être soutenable sous réserve de repenser l’organisation des soins, d’adopter un prix par indication, de fixer un cadre de régulation générale pluriannuel et de favoriser un bon usage des médicaments. E. Baseilhac réfute l’idée que le prix pourrait être le reflet des coûts de R&D pour la simple et bonne raison qu’il doit avant tout permettre la pérennisation des capacités de financements des innovations de demain. Rejoignant ainsi Claude Le Pen, l’auteur soutient que seule une approche transactionnelle permet d’élaborer un prix équitable. Le modèle par lequel les laboratoires achètent des molécules développées par des start-up entraîne une surenchère capitalistique dans la chaîne de valeurs qui se retrouve dans le prix des médicaments. En conclusion, l’auteur se risque à prédire qu’à plus ou moins long terme, le prix facial du médicament « disparaîtra » dans la négociation, au profit d’une approche essentiellement budgétaire.
26Les articles et points de vue présentés dans ce numéro permettront au lecteur d’appréhender les enjeux du débat sur le prix et l’évaluation des médicaments. Ils soulignent le chemin parcouru depuis le dernier numéro de la RFAS consacré au sujet il y a près de dix ans. L’éclairage international permet de constater que les préoccupations liées aux évolutions de la dépense de médicaments sont partagées quels que soient les modèles de régulation retenus au niveau de chaque pays. De la même façon, les contributeurs soulignent l’importance de la réflexion en cours sur l’utilisation de la médico-économie comme réponse à cette préoccupation relative à la soutenabilité de la dépense. Le dossier traite également la question plus technique des solutions contractuelles qui peuvent être envisagées pour tenir compte des préoccupations exprimées par les payeurs. Enfin, un dernier mot. Force est de constater que le dossier se focalise sur la situation actuelle et pas sur les changements qui pourraient être rendus nécessaires par le développement de nouveaux traitements, comme les médicaments de thérapie génique, ou provoqués par les transformations de la prise en charge des malades. Ces changements se traduiront probablement par l’émergence de nouvelles modalités de tarification, le médicament n’étant plus tarifé « à la boîte » comme aujourd’hui mais intégré dans un parcours ou une prestation. Ces évolutions pourront être l’occasion d’un numéro futur de la RFAS.
Notes
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Voir le texte complet de l’appel à contribution en annexe.