Notes
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[1]
Créé en 1992, à la demande de l’Abbé Pierre, et placé auprès du Premier ministre afin de formuler toute proposition concernant le logement des personnes défavorisées. Le président du Haut Comité assure également la présidence du Comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable. [En ligne] http://www.hclpd.gouv.fr/.
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[2]
Décision n° 94-359 DC du 19 janvier 1995.
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[3]
Loi n° 90-449 du 31 mai 1990, visant à la mise en œuvre du droit au logement.
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[4]
Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions.
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[5]
Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement.
-
[6]
Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
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[7]
Rapport d’évaluation du dispositif d’accompagnement vers et dans le logement (AVDL), Inspection générale des affaires sociales (IGAS), Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), novembre 2015.
-
[8]
Disposition intégrée dans l’article L. 451-1 du Code de l’action sociale et des familles.
- [9]
- [10]
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[11]
Loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
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[12]
Le propriétaire loue le logement à une association qui le sous-loue à l’ancien locataire. L’association accompagne le ménage pour l’aider à rétablir sa situation et, soit redevenir locataire en titre, soit être relogé dans un logement dont le coût sera mieux adapté.
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[13]
Le refus de concours de la force publique entraîne l’indemnisation du propriétaire.
1 Plus de neuf ans se sont écoulés depuis l’adoption de la loi instituant le droit au logement opposable, dite loi DALO, le 5 mars 2007, huit ans depuis son entrée en vigueur. Le comité de suivi mis en place par la loi dresse un bilan mitigé de son application.
2 D’un côté, de nombreuses personnes en grande difficulté ont été relogées : 100 000 ménages ont obtenu un logement suite à un recours DALO entre 2008 et 2015. Des personnes qui n’auraient pas été relogées sans la possibilité de recours ouverte par la loi ou qui l’auraient été beaucoup moins vite… Au-delà de ces chiffres, la loi a également un impact moins visible, car son but n’est pas de faire passer systématiquement les ménages mal logés par des procédures de recours, mais de faire en sorte que leur situation soit prise en compte en amont, qu’il s’agisse de l’attribution des logements sociaux, de la mobilisation par les pouvoirs publics des outils permettant de traiter l’habitat insalubre ou encore de la prévention des expulsions. Cet impact n’est pas chiffré, mais il est bien réel : en témoigne le réinvestissement des services de l’État dans la gestion de leur contingent de réservation de logements sociaux au bénéfice des ménages prioritaires, qu’ils soient passés ou non par un recours DALO.
3 D’un autre côté cependant, des ménages reconnus prioritaires au titre de la loi DALO restent en attente du relogement auquel ils ont droit : ils étaient 58 000 fin 2015, essentiellement en Île-de France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). Beaucoup d’autres pourraient être dans cette situation si le recours DALO était davantage connu, si les personnes mal logées étaient davantage conseillées, guidées pour constituer le dossier permettant de faire reconnaître leur droit à obtenir de façon prioritaire et urgente une offre de logement. Le bilan est particulièrement mitigé concernant l’hébergement, qui est une composante du droit au logement. Malgré le renforcement des capacités d’accueil et l’amélioration du pilotage, le dispositif Accueil, hébergement et insertion (AHI) laisse de trop nombreux ménages dehors. Ces situations d’échec attirent l’attention à juste titre : un droit est fait pour être respecté partout. Chaque fois qu’il ne l’est pas, il y a scandale. Le scandale est d’autant plus visible que l’opposabilité entraîne désormais la condamnation de l’État (près de 7 000 condamnations en 2015).
4 Alors, le DALO est-il insuffisant, inadapté, inefficace ? Faut-il le compléter, le réformer, le passer à la trappe ou, tout simplement, se préoccuper de sa bonne application ? D’aucuns ont voulu voir la loi DALO comme une loi « chapeau », venant apporter la touche finale à une politique du logement permettant de répondre aux besoins de tous. On connaît la tendance des gouvernements à répondre à un problème par le vote d’une loi, puis à considérer ce problème comme résolu. Pour les initiateurs de la loi DALO – le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées [1] et le mouvement associatif –, il s’agissait au contraire d’une loi « lever de rideau » : une loi qui posait une exigence dont il convient de dérouler toutes les implications.
Du droit proclamé au droit opposable
5 Le droit au logement est affirmé de longue date par la France. La mention du droit à des moyens convenables d’existence dans le préambule de la Constitution de 1946, repris dans celle de 1958, a permis au Conseil constitutionnel d’affirmer que le droit au logement est un objectif à valeur constitutionnelle [2]. Il figure dans des engagements internationaux ratifiés par la France, tels que le Pacte de 1966 sur les droits sociaux économiques et culturels. Au niveau législatif, il a été mentionné une première fois en 1982 (droit à « l’habitat »), et il a constitué l’objet même de la loi Besson du 31 mai 1990 [3] « visant à la mise en œuvre du droit au logement ».
6 Cette reconnaissance du droit au logement découle du caractère vital de ce bien qui, même s’il est majoritairement proposé dans un cadre marchand, est trop essentiel pour être considéré comme une marchandise comme une autre. L’État se doit de veiller à ce qu’une offre accessible à tous soit disponible, et cela demande des interventions fortes lorsqu’une partie importante de la population est exclue de l’emploi et vit donc avec des revenus très faibles. Cependant, même si la croissance économique n’est pas ce que nous voudrions qu’elle soit, la France n’est pas moins riche qu’il y a dix, vingt ou trente ans. Elle ne sort ni d’une guerre, ni d’une catastrophe ayant entraîné des destructions massives. Ce que connaît notre pays aujourd’hui, c’est un développement des processus d’exclusion : le travail et la richesse sont très inégalement répartis et les laissés pour compte sont toujours plus nombreux. C’est précisément dans de tels moments que l’on a besoin des droits fondamentaux. Ils sont là pour rappeler la nation à ce qui fonde sa cohésion, à son contrat social, et pour poser des barrières contre l’exclusion. Tel est le cas du droit à l’éducation, qui s’applique à tout enfant, quels que soient les revenus de ses parents et la régularité de leur situation sur le territoire. Tel est le cas du droit aux soins, ceux-ci étant rendus accessibles gratuitement pour ceux qui n’ont pas de ressources. Et tel doit être le cas du droit au logement.
7 La lutte contre la pauvreté ne peut se réduire à des minima sociaux de ressources. Elle suppose un accès effectif aux biens indispensables. Cette exigence est d’autant plus importante en matière de logement que celui-ci relève de marchés erratiques. Les prix de l’accession à la propriété ont doublé au début des années 2000, avant de se stabiliser depuis. Ceux du locatif privé et du locatif neuf social ont également nettement progressé, certes dans de moindres proportions. Selon les territoires, les prix de marché connaissent de grandes inégalités que les aides au logement ne peuvent pas compenser. Pourtant, on ne choisit pas totalement le territoire où l’on travaille, où l’on vit, où l’on a ses attaches, et la puissance publique ne peut se résigner à l’existence d’une ségrégation territoriale.
8 Le droit au logement appelle donc l’intervention de la puissance publique pour réguler les marchés du logement par la fiscalité, l’urbanisme, l’aménagement et l’exercice de toutes les prérogatives qui lui permettent de faire en sorte qu’une offre abordable soit disponible sur les marchés du logement. Il fait bien entendu appel à des dispositifs de solidarité à travers le financement de la construction de logements sociaux, qui permettent de loger hors marchés une partie de la population, et des aides au logement qui viennent alléger le poids des loyers pour les plus modestes. Mais lorsque les marchés deviennent inaccessibles au plus grand nombre, le nombre de logements sociaux et le montant des aides ne peuvent pas suivre les besoins. Il est important de le souligner : le droit au logement renvoie à l’ensemble des politiques qui contribuent à la mise à disposition d’une offre de logement adaptée aux besoins de la population : lorsqu’il y a crise du logement, les premières victimes sont toujours les plus fragiles.
9 Notre pays est-il démuni face à la crise du logement ou aux crises du logement ? Interpellé par l’abbé Pierre en 1954, il a su alors se donner les moyens d’une politique qui a à peu près permis d’assurer à tous un logement décent. Les logements sociaux produits massivement dans les années 1960 et 1970 ont, depuis, été critiqués pour leur urbanisme sommaire, leur concentration dans certaines villes et certains quartiers, leur piètre qualité architecturale ou encore leur manque de performances énergétiques. Pourtant, à l’époque, ils représentaient le confort. Ils ne logeaient pas uniquement des demandeurs d’emploi et les plus défavorisés, mais principalement des jeunes actifs et des familles. Beaucoup de leurs locataires partaient au bout de quelques années pour réaliser leur rêve d’accession à la propriété. Les derniers bidonvilles avaient été résorbés au début des années 1970. Il ne s’agit pas de dresser un tableau idyllique de cette époque, mais il n’est pas inutile de rappeler que, à une époque où elle était moins riche qu’aujourd’hui, la France a su sortir d’une crise majeure du logement, crise qui découlait d’une part des destructions et du manque de construction liés à la guerre et d’autre part de l’explosion démographique.
10 Pour sortir de cette crise, notre pays s’est doté d’une large palette d’outils permettant d’assurer le logement des personnes disposant de faibles ressources : les bailleurs sociaux, dont le parc représente 17 % des résidences principales ; le 1 % logement, rebaptisé Action Logement, qui constitue une originalité et une singularité française ; l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), chargée à sa création d’aider à l’amélioration de l’habitat locatif et aujourd’hui de l’ensemble de l’habitat ; et les aides personnelles au logement.
11 Mais les années 1980 nous ont fait entrer dans une ère nouvelle, celle du chômage de masse. C’est aussi la période où un regard critique porté sur l’action des décennies précédentes a conduit à renoncer à la construction d’habitations à loyer modéré (HLM) « en chemin de grue », pour au contraire viser à la production de logements sociaux de qualité comparable aux meilleurs logements privés. De nouvelles normes de construction sont apparues. Toutes ces exigences sont évidemment pertinentes, mais elles ont entraîné une augmentation des coûts qui, dans un contexte de tension sur les budgets publics, a conduit à augmenter les loyers des logements sociaux pour atteindre l’équilibre.
12 Dans un tel contexte, les efforts de redistribution indispensables se sont avérés difficiles à tenir.
13 On a vu se multiplier les situations les plus graves qui ont conduit les pouvoirs publics à répondre dans l’urgence. Depuis la création des programmes d’urgence contre la pauvreté et la précarité des années 1980, centrés sur la période hivernale, les capacités d’accueil en hébergement ont été considérablement développées, elles ont été complétées par du logement temporaire. Le 115 et les maraudes sont apparus. C’est tout un secteur, celui de l’Accueil, hébergement, insertion (AHI), qui s’est structuré, mais sans jamais parvenir à rattraper le niveau des besoins.
14 La mise en œuvre du droit au logement ne pouvait pas résulter simplement du fonctionnement de dispositifs centrés sur les salariés modestes, comme l’était à l’origine le logement social. Il fallait l’organiser en partant de la réalité des situations d’exclusion, telles que constatées dans les années 1980 et 1990. C’est ce qu’a fait la loi Besson, en 1990, qui a créé les plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées (aujourd’hui « le logement et l’hébergement »).
15 Cette loi est toujours d’actualité et elle constitue le socle des interventions. Elle a incontestablement produit des effets positifs : grâce aux fonds de solidarité logement, les FSL, dont la gestion est départementale, environ 400 000 ménages bénéficient d’un accompagnement social lié au logement ou d’une aide ponctuelle ou encore d’une garantie. C’est la loi Besson qui a entraîné le développement de logements d’insertion. Elle a été à l’origine de la création de nombreuses associations qui ont su faire preuve de créativité pour développer une palette d’initiatives aux frontières du logement et de l’hébergement. En 1998, la loi de lutte contre les exclusions [4] est venue renforcer et compléter les dispositifs, dans le domaine de la prévention des expulsions notamment. Mais les effets positifs de tous ces dispositifs ont été sans cesse grignotés par le développement des processus d’exclusion.
16 Tel était le constat fait par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées au début des années 2000 : la boîte à outils était là, mais elle ne parvenait pas à combler le décalage croissant entre les besoins et les moyens mis en œuvre. Pour atteindre leur objectif, les dispositifs d’intervention ciblés sur les personnes les plus en difficulté doivent s’inscrire dans des politiques du logement où le logement privé, qu’il s’agisse d’accession ou de location, est abordable pour le plus grand nombre et où le logement social propose des loyers qui, diminués des aides au logement, sont compatibles avec les revenus des plus pauvres, c’est à dire des allocataires du RSA.
17 Pour le Haut Comité, ces limites rencontrées dans la mise en œuvre du droit au logement renvoyaient à la façon dont celui-ci était posé. La loi Besson l’avait défini comme un « objectif pour l’ensemble de la nation ». Or :
- le droit au logement est davantage qu’un objectif, il doit contenir une obligation de résultat ;
- la mise en œuvre du droit implique effectivement un grand nombre d’acteurs ; elle passe par des politiques pilotées par les différents niveaux de la puissance publique ; mais pour que le droit soit garanti au citoyen, celui-ci doit savoir vers qui se tourner : la responsabilité doit être organisée.
18 La loi avait affirmé le principe du droit au logement et elle avait défini des dispositifs – certes indispensables – destinés à permettre aux plus pauvres de présenter les garanties minimales à l’égard des bailleurs sociaux. Mais cela ne suffit pas : le droit au logement doit être posé comme une exigence à la base de l’ensemble des politiques qui concourent au logement. C’est cette analyse qui a été à l’origine, en 2002, d’un rapport du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, présidé par Xavier Emmanuelli, intitulé « Vers un droit au logement opposable ». Portée au sein du Haut Comité par Paul Bouchet, conseiller d’État et alors président d’ATD Quart monde, elle visait à entraîner le passage de l’obligation de moyens inscrite dans la loi Besson à une obligation de résultat. Le droit au logement est trop vital pour que l’on puisse se contenter de constater qu’on y a consacré des efforts alors même qu’en dépit de ceux-ci, le nombre de mal-logés s’accroît.
19 Le deuxième rapport consacré au sujet, en 2003, s’intitulait « Construire la responsabilité ». Il ne suffisait pas de dire que le droit au logement devait être opposable. Encore fallait-il dire comment. Or le premier obstacle repéré par le Haut Comité était celui qu’il a qualifié de « désordre institutionnel ». Des membres de cette instance étaient allés en Écosse en 2005, pour voir comment ce pays, qui avait inscrit le droit au logement opposable dans la loi, le mettait en œuvre. La première chose qui les avait frappés était la simplicité institutionnelle. Seuls deux niveaux de puissance publique y sont concernés : l’État écossais et les 32 autorités locales. Dans un tel contexte, pas de problème pour définir les responsabilités respectives. La mise en œuvre du droit au logement opposable a été confiée aux autorités locales, l’État restant en charge du financement de la solidarité, et notamment des aides à la production des logements sociaux nécessaires. La France a cinq niveaux de puissance publique : État, région, département, intercommunalité et commune. Avec des responsabilités importantes au niveau des communes, notamment l’urbanisme, l’action foncière, des départements en partage de responsabilité avec l’État sur les plans départementaux d’actions pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD), des intercommunalités qui, à l’époque, ne couvraient pas tout le territoire et dont les compétences étaient variables, des régions sans compétence obligatoire, mais dont les aides financières sont souvent indispensables. Bref, un système qui permet à chacun de bloquer, mais dans lequel personne n’est vraiment comptable de la non-application du droit au logement. D’où le titre du rapport.
20 Le Haut Comité identifiait trois conditions pour rendre le droit au logement opposable. La première était de désigner une autorité responsable à l’égard du citoyen et une seule. L’État ? Une collectivité locale ? Le Haut Comité préconisait plutôt le niveau intercommunal, car il est le mieux adapté pour piloter des politiques de réponse aux besoins de logement. Pour l’Île-de-France cependant, le niveau régional paraissait incontournable. La deuxième condition était d’ouvrir des voies de recours devant cette autorité. Des voies de recours amiables d’abord, mais contentieuses le cas échéant. La troisième condition était de doter l’autorité responsable des moyens nécessaires. Cette question renvoyait en particulier, si l’autorité responsable était une collectivité ou un groupement de collectivités, à des engagements de l’État. De façon plus large, elle renvoyait aux responsabilités des niveaux de puissance publique placés en deuxième ligne. Il s’agissait soit de déplacer les compétences pour les confier à l’autorité responsable, soit d’établir une responsabilité de seconde ligne, permettant à l’autorité qui est comptable du droit vis-à-vis des citoyens de se retourner vers la collectivité défaillante, le principe étant que toute collectivité qui exerce des compétences contribuant au droit au logement a une responsabilité dont elle doit pouvoir rendre compte.
21 Ces propositions ont été par la suite développées et réitérées. Elles rencontraient un succès d’estime, mais les ministres successifs en charge du logement disaient : « O.k., il faudra rendre le droit au logement opposable, mais il faut d’abord construire suffisamment de logement sociaux. » Ce à quoi le Haut Comité répondait : « Sans obligation de résultat, on continuera à ne pas construire les logements qu’il faut, là où il faut. Débattez sans attendre avec les collectivités territoriales de l’organisation des responsabilités. Inscrivez l’ouverture des recours dans un calendrier. » En 2006, Jean-Louis Borloo fit adopter une loi qui contenait des dispositions utiles sur le logement [5], mais n’intégrait toujours pas le DALO : à ses yeux les conditions n’étaient pas encore réunies. Elles le seront pourtant six mois plus tard, dans un contexte particulier…
22 Le 31 décembre 2006, Jacques Chirac, dans ses derniers vœux de président de la République, annonçait qu’il demandait au gouvernement de faire adopter une loi instituant le droit au logement opposable.
23 Comment est-on passé d’un droit opposable jugé prématuré, à un droit opposable soumis au Parlement et ne rencontrant aucun vote contre ? D’abord par le fait de la mobilisation associative. Depuis 2003, toutes les associations intervenant dans la lutte contre l’exclusion étaient réunies dans un collectif informel, la Plateforme DALO, sous l’impulsion de Paul Bouchet et d’ATD Quart monde. La Plateforme faisait un intense travail de lobbying auprès des politiques. Elle obtint en mai 2006 que le Premier ministre, Dominique de Villepin, envisage l’expérimentation du DALO par des collectivités locales volontaires. Il s’agissait d’une première ouverture, mais d’une ouverture qui avait peu de chances de déboucher : comment trouver des volontaires pour s’imposer une obligation de résultat à laquelle les autres échapperaient ? Fin 2006, la mobilisation associative prit la forme de l’action des Enfants de Don Quichotte : des tentes rouges étaient installées le long du canal Saint-Martin pour abriter les sans-abris, initiative qui donnait une visibilité médiatique à un phénomène que les politiques du logement et de l’hébergement ne parvenaient pas à enrayer : l’explosion du nombre de sans-abris.
24 L’autre élément de contexte qui a été décisif dans l’arrivée de la loi DALO fut la campagne présidentielle. Un temps propice aux engagements les plus avancés, et que les lobbyistes associatifs sauront exploiter. Le droit au logement opposable, fort prudemment évoqué dans une convention logement du PS, fut repris par Nicolas Sarkozy dans son discours-programme de Périgueux, rédigé par Henri Guaino. Cette expression en faveur du DALO n’était pas sans contradictions, mais les mots étaient suffisamment clairs pour que Jacques Chirac et Dominique de Villepin aient la certitude qu’un projet de loi rendant le droit au logement opposable serait adopté.
25 Il restait deux mois avant la fin de la législature, deux mois pour écrire, débattre et voter une loi. Dans ses propositions, le Haut Comité avait suggéré que l’on se donne un an pour un débat entre gouvernement et représentants des différentes collectivités afin définir les attributions et les responsabilités respectives des différents acteurs des politiques du logement. Mais une occasion telle que celle-là ne se laisse pas échapper. Votée dans l’urgence, la loi DALO serait imparfaite, mais elle serait là.
Le dispositif ouvert par la loi DALO
26 Par rapport aux trois conditions identifiées par le Haut Comité, deux étaient remplies par la loi DALO [6] :
- une autorité responsable vis-à-vis des citoyens : la loi a désigné l’État, ce que personne n’a contesté ;
- des voies de recours amiables et contentieux : elles ont été créées et même rapidement, puisque le recours amiable a été ouvert le 1er janvier 2008 et le recours contentieux au 1er décembre de la même année (au moins pour le plus grand nombre des recours).
27 Restait – et reste encore – la troisième condition : celle qui consiste à doter l’autorité responsable des moyens nécessaires, puisque l’État ne détient qu’une partie des prérogatives permettant d’assurer le droit au logement. Le Haut Comité, dans son avis sur la loi DALO, demandait qu’une deuxième loi vienne, sous un an, compléter le dispositif. Les parlementaires ont bien vu le problème des moyens budgétaires, puisqu’ils ont complété le projet de loi qui leur était présenté en y introduisant des mesures sur la programmation de la production de logements sociaux ou encore l’indexation des barèmes des aides au logement (malheureusement non respectée). Mais ils n’ont pas abordé le sujet délicat de l’articulation des compétences respectives de l’État et des différentes collectivités. Ce sujet est, au moins pour l’Île-de-France, un élément majeur des difficultés d’application : comment dépasser l’émiettement des compétences pour faire en sorte que, sur chaque bassin d’habitat, une autorité soit en mesure de prendre les décisions permettant la production des logements nécessaires à la mise en œuvre du droit au logement.
28 Le cœur du dispositif mis en place par la loi est la commission de médiation, mise en place dans chaque département auprès du préfet. La commission de médiation est composée de 13 membres : un président, trois représentants de l’État ; trois représentants des collectivités locales ; trois représentants des bailleurs dont un bailleur social, un organisme d’hébergement et un représentant des bailleurs privés ; et trois représentants des associations. C’est l’instance du recours amiable.
29 La commission de médiation peut être saisie sans condition de délai par les personnes mal logées. Plus précisément sont concernées les personnes dépourvues de logement (ce qui inclut celles qui sont hébergées par des tiers), les personnes menacées d’expulsion sans relogement, les personnes en hébergement social depuis six mois ou en logement de transition depuis dix-huit mois, les personnes vivant dans des locaux impropres à l’habitation, insalubres ou dangereux, les ménages comprenant au moins une personne handicapée ou un enfant mineur vivant dans un logement indécent ou suroccupé. La commission peut être également saisie par des personnes n’entrant pas dans ces catégories, si elles ont déposé une demande de logement social depuis un délai considéré comme anormalement long (délai fixé dans chaque département par le préfet). Enfin la commission peut être saisie par des personnes demandant non pas un logement, mais un hébergement ou un logement de transition. On parle parfois de recours DALO, s’il porte sur un logement et de recours DAHO, s’il porte sur un hébergement. De fait, il y a deux formulaires distincts, mais il convient de bien rappeler que le droit à l’hébergement n’est qu’une modalité, temporaire et répondant aux besoins de certaines personnes, de la mise en œuvre du droit au logement.
30 La commission de médiation a pour responsabilité d’examiner les recours. Elle désigne au préfet les ménages qu’elle estime prioritaires et devant être logés (ou le cas échéant hébergés) en urgence. Le préfet dispose alors d’un délai pour appliquer la décision. Ce délai est actuellement de six semaines dans le cas de l’hébergement, de trois mois dans le cas d’un logement de transition et de trois ou six mois selon le département dans le cas du logement ordinaire. Le préfet doit ensuite appliquer la décision. Il peut pour cela désigner le ménage à un organisme HLM, en lui fixant un périmètre et un délai, dans le cadre de ses droits de réservation.
31 Au-delà du recours amiable, le demandeur DALO dispose de la possibilité de saisir le juge administratif. C’est très important, car cela signifie qu’on peut dorénavant faire appel au droit. Le demandeur peut d’abord saisir le juge pour contester un rejet par la commission de médiation. C’est la procédure de droit commun du recours en excès de pouvoir qui s’applique à la contestation de toute décision administrative. Ce recours permet au juge de casser une décision de commission de médiation, sans toutefois lui permettre d’y substituer sa propre décision. Le demandeur dispose ensuite d’une voie spécifique de recours en cas de non mise en œuvre de la décision favorable par le préfet : c’est le recours en injonction. Dès lors que le juge constate que la personne a fait l’objet d’une décision favorable et que, à la suite de cette décision, elle n’a pas reçu d’offre de logement correspondant à ses besoins et à ses capacités, le juge fait injonction au préfet de procéder au relogement. Il peut assortir sa décision d’une astreinte. Toutefois cette astreinte n’est pas versée au demandeur mais au fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), qui finance des actions d’accompagnement. Cependant, le demandeur peut également, en utilisant les voies de droit commun, faire un recours indemnitaire. Il s’agit alors de faire reconnaître par le juge administratif le préjudice subi du fait de la non-application de la décision de relogement et d’en obtenir réparation.
32 Ainsi, les voies de recours existent et il faut mettre au crédit de l’administration le fait d’avoir veillé à la bonne mise en place des commissions de médiation dans les délais courts prévus par la loi. De même faut-il saluer la mise en place d’un comité de suivi national rassemblant les différents acteurs du droit au logement autour du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées. Ce comité est régulièrement alimenté par les données statistiques collectées par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP). Il remet des rapports pointant les défaillances et formulant des propositions. Peu de lois font l’objet d’un tel suivi.
Les chantiers de la bonne application du DALO
33 Pour autant, la loi DALO n’a pas mis fin au « mal-logement » et bien des choses restent à faire pour que le droit au logement soit pleinement respecté. Rien d’étonnant à cela puisque, comme nous l’avons noté plus haut, une condition importante, celle des moyens, a été laissée en suspens. Lorsque la loi a été votée, Paul Bouchet l’a qualifiée de « lever de rideau ». Restait à jouer la pièce, et celle-ci s’écrit jour après jour. Parfois, on enregistre de réelles avancées, mais le DALO doit aussi faire face à une remise en cause insidieuse dans les discours et les pratiques.
34 La contestation est rarement frontale, mais elle n’en est pas moins dangereuse. Certains voient le recours DALO comme un simple dispositif de priorisation des demandes d’HLM. On oublie le sens et la force des mots qui se cachent derrière l’acronyme DALO et on le réduit à un dispositif venant perturber les jeux d’acteurs de l’attribution des logements sociaux. On fait des « ménages DALO » une catégorie à part, dont le relogement mettrait en cause la mixité sociale. On le déclare inapplicable sur certains territoires, en tout cas aujourd’hui (et pour combien de temps ?) et l’on se résigne à voir l’État condamné pour non-respect du droit. Parfois – cela a été proposé dans un rapport fin 2015 [7] – on envisage de supprimer le recours contentieux.
35 Né d’une mobilisation militante, le DALO a donc toujours besoin d’une mobilisation active. Les droits de l’homme ne sont jamais définitivement acquis, et les lois ne suffiront pas à leur application. Plusieurs chantiers justifient cette mobilisation.
Développer l’accès au droit
36 Il est important de le répéter : la bonne application du droit au logement opposable est celle qui permet aux ménages en difficulté de logement de ne pas avoir besoin des procédures du recours DALO pour obtenir une réponse adaptée à leur besoin. Il est des départements où la faible activité de la commission de médiation traduit effectivement le bon fonctionnement des dispositifs de droit commun.
37 Mais lorsque tel n’est pas le cas, le recours DALO doit pouvoir être utilisé par les personnes non logées ou mal logées. Cela suppose d’être informé. De ce point de vue, on ne peut que regretter les rares mesures de communication assurées par l’État sur le sujet. Elles se résument à la mise à disposition des formulaires et notices sur les sites Internet des préfectures. Et l’information ne suffit pas. Le DALO suppose de remplir un dossier important et de l’accompagner de documents justificatifs. Cela n’est pas simple pour tout le monde, surtout lorsque l’on ignore tout des critères de décision de la commission de médiation. L’accès au droit suppose, dans le cas du DALO comme dans d’autres, un minimum d’information et d’accompagnement des personnes concernées.
38 L’accompagnement dans la procédure DALO devrait être le fait de tous les travailleurs sociaux. La loi DALO n’avait d’ailleurs pas manqué d’affirmer, dans son article 6, la nécessité d’intégrer le droit au logement dans leur formation [8]. Force est de constater que peu de choses ont été faites, qu’il s’agisse de formation initiale ou continue. Cela n’empêche pas, heureusement, des travailleurs sociaux des départements ou des collectivités locales d’aider des personnes à constituer leur recours DALO. Des associations, soutenues par la Fondation Abbé Pierre, ont eu l’initiative de créer des permanences consacrées à l’accès au droit au logement. Mais ces initiatives sont peu nombreuses et leurs moyens sont modestes eu égard aux besoins. Il faut également noter que le recours DALO comporte des phases juridictionnelles qui nécessitent de s’appuyer sur des compétences juridiques. Tant que le recours amiable fait l’objet d’une décision favorable de la commission de médiation et que cette décision est mise en œuvre par le préfet, tout va bien. Mais si la décision prise est négative et mérite contestation ou si, bien que positive, elle n’est pas mise en œuvre, des recours juridictionnels doivent être mis en place. Quel soutien, quel accompagnement dans ces recours ?
39 Le bon fonctionnement de l’accès au droit nécessite également que celui-ci soit bien compris et bien appliqué par ceux qui sont chargés de faire respecter le droit, c’est à dire par les membres des commissions de médiation. Ceux-ci siègent de façon bénévole et, dans les départements de forte activité, ils y consacrent plusieurs journées par mois, tout en ne disposant que de très peu de temps pour chaque dossier. Le comité de suivi a constaté, dans les départements où les relogements sont les plus difficiles, une nette tendance à la diminution des taux de décisions favorables en 2014 et 2015 [9]. Sans parler de consignes données par un préfet, en toute illégalité, pour réduire le nombre de prioritaires – ça s’est vu ! – ; l’idée s’insinue que, le contexte ne permettant pas de reloger tout le monde, il convient de réduire le nombre de prioritaires. Autrement dit, on oppose le manque de logements au demandeur, au lieu d’opposer le droit au logement à l’État. C’est évidemment une déviation lourde, qui conduit à introduire des critères non prévus par la loi pour limiter l’accès au DALO. Réduire le nombre de prioritaires en faisant de la loi une lecture locale n’est évidemment pas la bonne méthode pour appliquer le droit au logement. L’expérience, engagée par l’Association DALO [10], montre l’efficacité de sessions de formations pour anticiper et éviter ce type de dérive de la part des membres des commissions de médiation.
Refuser le piège de la mise en opposition du droit au logement et de la mixité sociale
40 La loi DALO indique expressément que les relogements des ménages prioritaires doivent se faire « en tenant compte des objectifs de mixité sociale ». À la réflexion, on peut s’interroger sur la pertinence de cette mention, car ce ne sont pas simplement les ménages dont le relogement est jugé prioritaire et urgent par les commissions de médiation qui doivent être relogés en prenant en compte la mixité sociale. Les textes relatifs à l’attribution des logements sociaux le disaient déjà, sans qu’il soit besoin de pointer a priori tel ou tel public.
41 Depuis que cette notion de mixité sociale est apparue, on se heurte à cette déviation qui consiste à l’invoquer à propos des ménages pauvres, immigrés ou issus de l’immigration, en difficulté, et à l’oublier lorsqu’il s’agit d’autres catégories de ménages. Autrement dit, on transforme un principe d’équité – tout le monde a droit à accéder à toutes les villes et à tous les quartiers – en principe d’exclusion : les personnes pauvres, immigrées, défavorisées ne doivent plus être accueillies dans certains territoires. Dans le cas du DALO, on a entendu de véritables discours de stigmatisation du « ménage DALO », dont le relogement serait jugé indésirable sur certaines communes ou dans certains quartiers (en ZUS notamment) sans se préoccuper de savoir qui est ce ménage, d’où il vient, où il a ses attaches, et où il veut vivre.
42 Entendons-nous : la mixité sociale est un objectif essentiel et la mise en œuvre du droit au logement doit l’intégrer. Mais pas au prix d’un renoncement. Il y a une hiérarchie entre le droit fondamental, qui est vital pour le citoyen et crée de ce fait une obligation de résultat pour l’action publique, et l’objectif de mixité, nécessairement relatif. Le droit au logement s’évalue de façon simple au niveau individuel (la personne est relogée ou non), tandis que la mixité ne peut s’apprécier qu’au niveau collectif et selon une multiplicité de critères. Autrement dit, tant que cela est possible, il est souhaitable d’orienter le relogement d’une personne prioritaire en prenant en compte la mixité sociale, mais il est inacceptable que cette prise en compte conduise à ne pas la reloger ou à la reloger dans des délais non conformes à la loi.
43 Il revient à la puissance publique de veiller à la meilleure répartition des logements locatifs sociaux et de s’assurer que les loyers de l’offre nouvelle, mieux répartie géographiquement, soient compatibles avec les ressources des plus modestes. Il lui revient aussi d’activer des dispositifs permettant de reloger des prioritaires DALO dans du logement privé conventionné, ce qui n’est quasiment pas fait, alors que la loi l’a explicitement prévu.
Reloger en amont des recours : réformer l’attribution des logements locatifs sociaux
44 Même si l’on peut regretter la part quasi insignifiante aujourd’hui laissée au logement privé, il est logique que le logement locatif social constitue le principal vecteur du relogement des ménages prioritaires. Mais pourquoi attendre qu’une personne soit passée par la procédure de recours pour lui attribuer un logement social ? Le Code de la construction et de l’habitation précise de longue date que les logements sociaux sont attribués prioritairement aux personnes handicapées, aux personnes mal logées et aux personnes défavorisées. Dans la réalité cependant, l’attribution des logements sociaux obéit à des logiques complexes, avec des quotas de réservations notamment. La rédaction du Code n’est d’ailleurs pas sans ambiguïté, puisqu’elle précise que le préfet dispose de réservations au bénéfice des personnes mal logées ou défavorisées. Les autres réservataires (les collectivités et Action logement) considèrent que cette disposition les exonère de cette obligation d’attribuer prioritairement les logements aux personnes précaires. Au-delà des règles générales d’attribution, il existe les « accords collectifs d’attribution » qui fixent, au niveau départemental ou intercommunal, des objectifs de relogement de ménages prioritaires. Dans la pratique, ces objectifs sont souvent inférieurs aux besoins, ce qui fait que ces ménages – dont on dit qu’ils sont prioritaires – continuent en réalité d’être relogés moins vite que les autres.
45 En 2012, Cécile Duflot avait mené une concertation sur la réforme de l’attribution des logements sociaux, en vue d’y apporter transparence et cohérence. Les premières pierres de la réforme ont été posées dans la loi ALUR [11], et les secondes, essentielles, sont portées par Emmanuelle Cosse dans le cadre du projet de loi Égalité et Citoyenneté, en débat au Parlement au moment de la rédaction du présent article. Plusieurs points sont de nature à permettre d’avancer réellement dans une prise en compte du droit au logement en amont du DALO :
- le premier est la réécriture des critères de priorité, avec une identité de rédaction entre ceux qui concernent le processus ordinaire de l’attribution de logements sociaux et ceux permettant de faire un recours DALO ;
- le deuxième est la mention explicite que ces critères doivent être pris en compte par les bailleurs et par l’ensemble des réservataires ;
- le troisième est l’encouragement au développement de plans partenariaux de gestion de la demande au niveau des intercommunalités ; ces plans partenariaux pourront s’appuyer sur la mise en place de dispositifs de cotation de la demande, lesquels devront intégrer les priorités légales d’attribution.
46 On peut attendre beaucoup de ces dispositions. Dès lors que l’attribution ordinaire des logements sociaux suivra des grilles de cotation respectueuses des priorités, le recours DALO devrait pouvoir rester à sa place : celle d’un dernier recours pour des situations bloquées justifiant un examen particulier. Reste à voir comment ces dispositions émergeront des débats parlementaires et comment elles seront appliquées.
Intégrer l’obligation de résultat dans les politiques du logement et de l’hébergement
47 Appliquer le DALO est possible dès maintenant, y compris en zone tendue, à condition que le préfet utilise tous les outils dont il dispose et, d’abord, son contingent de logements locatifs sociaux et ses prérogatives pour lutter contre l’habitat indigne. Il peut aussi agir pour prévenir les expulsions, par exemple en proposant au propriétaire la mise en place d’une intermédiation locative [12]. Il peut enfin ne pas prêter le concours de la force publique à la mise en œuvre de l’expulsion [13].
48 Mais il est vrai qu’en zone tendue, le relogement des ménages prioritaires – qu’ils soient ou non passés par la commission de médiation – se traduit par moins de relogements d’autres demandeurs de logements sociaux, lesquels supportent dans le parc privé des loyers trop élevés. Il est donc nécessaire, parallèlement au relogement des prioritaires DALO, d’en tirer les conséquences sur l’ensemble des politiques. En tirer les conséquences, c’est sans doute produire davantage de logements sociaux, et c’est aussi s’interroger sur les caractéristiques de ces logements en termes de loyers, de localisation et de typologie. Dans certains territoires, les personnes seules sont surreprésentées dans les recours DALO, ce qui révèle un manque de petits logements dans le parc social, lequel n’exclut pas qu’il y ait également un manque de grands logements pour les familles nombreuses.
49 Le DALO doit avoir un impact sur la production de logements sociaux, mais pas uniquement : c’est sur toute la chaîne qu’il faut jouer. Quelle offre d’accession sociale sécurisée pour permettre à des salariés locataires d’HLM de réaliser leur projet et de libérer des places pour d’autres ? Quelles options d’urbanisme et quelles opérations d’aménagement pour libérer une offre de terrains constructibles ? Quelle fiscalité pour combattre la rétention foncière qui alimente la flambée des prix ? Si le droit au logement est opposable, il doit être pris en compte dans l’ensemble de ces politiques.
Le chantier de la gouvernance
50 La question des politiques de l’habitat nous ramène à celle de la gouvernance et au désordre institutionnel pointé par le Haut Comité et qui demeure un handicap majeur pour la mise en œuvre de la loi DALO.
51 Celle-ci a eu au moins pour effet d’amener l’État, désigné comme garant du droit, à se réapproprier certaines prérogatives qu’il avait tendance à laisser de côté : à peu près partout, le préfet a repris en main la gestion de son contingent de logements sociaux. Alors qu’il s’était entièrement dégagé du financement des missions d’accompagnement social lié au logement (ASLL), pris en charge par les départements dans le cadre des fonds de solidarité logement, l’État a mis en place un fonds national, le fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNADVL), ciblé sur les ménages relevant du DALO.
52 Mais les politiques d’urbanisme et d’habitat restent entre les mains des collectivités, et il ne serait pas souhaitable qu’il en aille autrement. Une étape importante a été franchie récemment avec la loi ALUR qui tend à généraliser les plans locaux d’urbanisme (PLU) intercommunaux, donc pilotés par les intercommunalités. Quelques échappatoires demeurent mais le chemin est clairement tracé : on va vers une mise en cohérence des politiques au niveau des communautés urbaines, communautés d’agglomération et communautés de communes. Enfin ! C’est effectivement le niveau qui est le plus proche des besoins et des marchés du logement.
53 Le regroupement des compétences locales dans les mains de l’intercommunalité, qui demande à être complété (permis de construire, police de l’habitat…), permet d’envisager un schéma de responsabilité à deux niveaux :
- le niveau de l’État, qui est celui de la solidarité nationale, avec les aides à la pierre (le logement social, les aides aux propriétaires pauvres, etc.) et les aides à la personne (allocation logement, aide personnalisée au logement, etc.) ;
- le niveau de l’intercommunalité, qui est celui où se pilotent les politiques permettant d’adapter l’offre de logements aux besoins.
54 Dans la mesure où la loi DALO permet au citoyen mal logé de recourir contre l’État, désigné comme garant du droit au logement, celui-ci devrait pouvoir se retourner contre l’intercommunalité si elle est défaillante dans ses propres obligations. Mais on peut aussi imaginer le schéma inverse : l’ouverture du recours DALO auprès de l’intercommunalité, avec possibilité pour celle-ci de se retourner vers l’État s’il est défaillant. Cette deuxième option est celle qui avait été initialement proposée par le Haut comité.
55 Reste le cas de l’Île-de-France, où l’intercommunalité ne suffit pas à résoudre la complexité : les besoins s’inscrivent dans un territoire beaucoup plus vaste. On peut penser que la création de la métropole parisienne, regroupant Paris et les communes de la petite couronne, fera avancer la mise en cohérence des politiques, mais des arbitrages sont également nécessaires entre le niveau régional et cette métropole.
56 Sur ce territoire comme sur d’autres, il s’agit de faire en sorte que les besoins du droit au logement – besoins dont la partie la plus critique est rendue visible par les recours DALO – soient pris en compte. On voit bien qu’une telle démarche n’aura pas des effets uniquement auprès des plus pauvres, des plus mal logés, de ceux qui sont concernés par les voies de recours ouvertes par la loi DALO. Prendre en compte le droit au logement, c’est nécessairement mettre en place des politiques qui vont rapprocher quantitativement et qualitativement l’offre de logements de la demande. C’est conduire à la baisse des prix de marché, c’est permettre des parcours de logement : parcours géographique pour se rapprocher de son lieu de travail ; passage de la location à l’accession, lorsque tel est le choix du ménage.
Conclusion
57 Lorsque le droit à l’instruction a été proclamé, la plupart des écoles restaient à construire. Elles l’ont été, et rapidement, et des moyens ont été dégagés pour ouvrir des postes d’instituteurs, parce que le droit avait été posé. La loi DALO a fait incontestablement avancer l’effectivité du droit au logement, mais de façon encore insuffisante, trop lente, trop inégale, parce qu’on n’en a pas déroulé toutes les implications. Il est urgent d’organiser la gouvernance, d’intégrer l’obligation de résultat dans les politiques du logement et de l’hébergement, de réformer l’attribution des logements sociaux, de cesser de mettre en opposition droit au logement et mixité sociale, et de développer l’accès au droit.
58 Ce sont ces constats qui ont conduit un certain nombre de personnes, rejointes par les grands réseaux associatifs, à créer l’Association DALO, à la fois pour mener des actions concrètes de soutien aux acteurs du droit au logement opposable et pour porter une parole de défense de ce qu’il représente. De même qu’une mobilisation de la société civile est à l’origine de la loi, une mobilisation reste indispensable pour son application.
59 Dans une époque où s’exprime la tentation de mettre en cause des dispositifs de solidarité, au motif d’une réduction de la dépense publique supposée garantir, à terme, le bien-être de tous, il est bon de rappeler que l’exclusion se vit maintenant et que les dégâts qu’elle occasionne aux personnes, aux enfants et à la société seront malheureusement durables. Les droits de l’homme, dont le droit au logement, sont là pour nous en préserver. À condition de les prendre au sérieux.
Notes
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[1]
Créé en 1992, à la demande de l’Abbé Pierre, et placé auprès du Premier ministre afin de formuler toute proposition concernant le logement des personnes défavorisées. Le président du Haut Comité assure également la présidence du Comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable. [En ligne] http://www.hclpd.gouv.fr/.
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[2]
Décision n° 94-359 DC du 19 janvier 1995.
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[3]
Loi n° 90-449 du 31 mai 1990, visant à la mise en œuvre du droit au logement.
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[4]
Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions.
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[5]
Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement.
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[6]
Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
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[7]
Rapport d’évaluation du dispositif d’accompagnement vers et dans le logement (AVDL), Inspection générale des affaires sociales (IGAS), Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), novembre 2015.
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[8]
Disposition intégrée dans l’article L. 451-1 du Code de l’action sociale et des familles.
- [9]
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[11]
Loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
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[12]
Le propriétaire loue le logement à une association qui le sous-loue à l’ancien locataire. L’association accompagne le ménage pour l’aider à rétablir sa situation et, soit redevenir locataire en titre, soit être relogé dans un logement dont le coût sera mieux adapté.
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[13]
Le refus de concours de la force publique entraîne l’indemnisation du propriétaire.