Notes
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[1]
Circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies mentales.
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[2]
Rapport commun des DIM de la Communauté hospitalière de territoire pour la psychiatrie parisienne 2014.
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[3]
Somme de la file active des établissements.
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[4]
À titre de comparaison, au niveau national, en 2012, la proportion de patients suivis en ambulatoire est de 68 %. Source : Coldefy M. (2012), L’évolution des dispositifs de soins psychiatriques en Allemagne, Angleterre, France et Italie : similitudes et divergences, IRDES, Question d’économie de la santé, n° 180, octobre.
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[5]
Taux de pénétration des établissements de 2,8 %.
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[6]
15,7 % des patients pris en charge sont domiciliés en Île-de-France mais hors Paris.
-
[7]
L’ANAP, dans son fascicule consacré aux Interventions des équipes mobiles de psychiatrie considère également les dispositifs d’accompagnement pour les patients atteints de troubles psychiatriques, qui dépendent davantage du champ médico-social.
-
[8]
Dr. Andreu, Dr. Boiteux, Mise en place de l’équipe mobile d’intervention et de liaison intersectorielle (EMILI) : une démarche tournée vers le partenariat médecins généralistes et psychiatrie de secteur, mémoire pour le DIU Santé Mentale dans la communauté : études et applications, 2013.
« Le principe essentiel de l’organisation de la lutte contre les maladies mentales est en effet de séparer le moins possible le malade de sa famille et de son milieu [1] »
2 En instaurant le principe de la sectorisation, la circulaire du 15 mars 1960 a posé les fondations d’une psychiatrie moderne et rénovée. Ce texte reste d’une actualité pressante à l’aune des enjeux auxquels la psychiatrie est encore confrontée aujourd’hui. La Communauté hospitalière de territoire (CHT) pour la psychiatrie parisienne repose sur un projet médical dont l’objectif est d’assurer un parcours de soins de qualité à tous les Franciliens en offrant une gradation des soins. En conséquence, les établissements ont adapté leur organisation pour répondre aux spécificités de la capitale.
La Communauté hospitalière de territoire pour la psychiatrie parisienne – Historique
3 La CHT pour la psychiatrie parisienne est née de la volonté des médecins psychiatres de mettre en place une offre de soins pluridisciplinaire harmonisée sur l’ensemble du territoire. La communauté d’établissements créée en 2002 a marqué les prémices d’une coopération entre les établissements parisiens. Outil peu opérant, la communauté d’établissements n’offrait pas la structuration juridique qui permettait le déploiement d’un projet d’envergure et commun à ses membres. Avec la loi Hôpital patient santé territoire du 21 juillet 2009, celle-ci a laissé place à la Communauté hospitalière de territoire. Cette nouvelle forme de coopération permet de rechercher la complémentarité entre les acteurs en visant la convergence des projets médicaux et de structurer des filières de prise en charge des patients, afin d’adapter l’offre de soins au plus près des besoins de santé de la population sur un territoire donné.
4 La CHT pour la psychiatrie parisienne a vu le jour en 2013 après trois ans de travail. Composée de cinq membres, trois fondateurs (le Centre hospitalier Sainte-Anne, l’Établissement public de santé Maison Blanche et le Groupe public de santé Perray-Vaucluse) et deux membres associés (les hôpitaux de Saint-Maurice et l’Association de santé mentale du 13e arrondissement), la CHT s’est construite autour d’un projet médical commun dont le fil conducteur est « assurer un parcours de soins de qualité ».
Carte des territoires coordonnés en psychiatrie adulte à Paris : projection au 1er juin 2016
Carte des territoires coordonnés en psychiatrie adulte à Paris : projection au 1er juin 2016
5 Les cinq établissements regroupés au sein de la CHT couvrent la totalité de la capitale, soit les vingt arrondissements parisiens et une population totale de 2 250 000 habitants [2]. Paris est la ville d’Europe dont la population est la plus dense (21 347 habitants au km2) avec pour cinq de ses arrondissements (3e, 11e, 10e, 18e, 20e) une densité supérieure à 30 000 habitants… et à celle du borough de Manhattan.
6 Dotées de la plus grande file active d’Europe avec 76 400 patients pris en charge [3], dont 63 500 suivis exclusivement en ambulatoire (soit 87 % de l’ensemble de la file active [4]), les structures de la CHT prennent en charge l’équivalent d’un parisien sur 40 [5].
7 Paris occupe une place particulière dans le paysage sanitaire français au regard de ses caractéristiques démographiques, socio-économiques et de la diminution du nombre de lits en hospitalisation complète ; aussi, le projet développé par la CHT se devait d’être ambitieux et axé sur la prise en charge ambulatoire.
La CHT : un projet médical avant tout
8 Le projet médical mis en œuvre depuis 2013 tend à structurer une offre de soins lisible et équitable pour répondre aux besoins des Parisiens, notamment au travers de la déclinaison du parcours de soins qui se définit comme la trajectoire globale des patients et usagers dans leur territoire de santé, avec une attention particulière portée à l’individu et à ses choix. Il nécessite l’action coordonnée des acteurs (prévention, sanitaire, médico-social et social) et intègre les facteurs déterminants de la santé (hygiène, mode de vie, éducation, milieu professionnel et environnement). Le parcours implique que la population concernée puisse recevoir des soins adaptés, par des professionnels spécialement formés, dans des structures ad hoc, au bon moment et, le tout, au meilleur coût. Dans cette perspective, les établissements ont notamment créé une Direction des parcours et de l’innovation qui met non seulement en œuvre le projet médical dans l’ensemble de ses dimensions, y compris celle de la recherche, mais aussi qui contribue à la fluidification du parcours, au travers du renforcement des partenariats avec les structures sociales et médico-sociales du territoire.
9 La réorganisation que la CHT a souhaité mettre en œuvre concerne l’ensemble du dispositif de soins : de la proximité au territoire, des activités de base aux recours spécialisés, des soins de routine aux urgences, et ce, pour l’ensemble de la psychiatrie générale et la psychiatrie infanto-juvénile.
La gradation des soins comme axe majeur
10 L’organisation des soins en psychiatrie qui en résulte se décline selon trois niveaux de recours : la proximité, la coordination de territoire et le territoire.
11 En matière de proximité, ce sont les secteurs de psychiatrie générale (80 000 habitants en moyenne) et de psychiatrie infanto-juvénile (entre 180 000 et 250 000 habitants) qui développent les activités ambulatoires et hospitalières. L’offre de soins s’articule autour des Centres médico-psychologiques (CMP), pivot du dispositif. Leur importance est largement réaffirmée dans le projet médical : ils doivent être ouverts aux nouvelles demandes et aux situations aiguës nécessitant une réponse rapide tout en assurant leur rôle de coordination et d’articulation pour les pathologies les plus graves.
12 Le secteur demeure le niveau de référence pour la prise en charge des patients. En 2014, 63,4 % des patients sont domiciliés dans un secteur couvert par l’établissement assurant leur prise en charge. La métropole parisienne est néanmoins caractérisée par d’importantes migrations pendulaires. En conséquence, la population hors secteur représente une part importante des patients que les établissements se doivent de prendre en charge [6] et pour laquelle ils ont adapté leurs dispositifs.
13 Tous les CMP doivent donc garantir une offre optimale et répondre aux besoins de cette population diverse. La CHT a élaboré une Charte des CMP qui vise à rendre plus accessible et plus lisible l’offre de soins en santé mentale des secteurs parisiens. En premier lieu, elle établit l’ouverture de tous les CMP deux soirs par semaine jusqu’à 20 heures Cette extension des horaires permet un accès à ces structures adapté aux nouveaux modes de vie des Franciliens. La Charte met également en place un accueil quotidien sans rendez-vous des usagers dans chaque CMP face à l’urgence. Ensuite, les CMP doivent garantir aux primo-consultants un délai de prise en charge infirmière et d’orientation dans un délai de quinze jours maximum. Par ailleurs, le principe d’une équipe référente du parcours de soins nominativement désignée pour chaque usager afin de coordonner la prise en charge et le projet de soin individualisé a été arrêté. Enfin, chaque patient doit pouvoir être orienté vers des soins spécialisés selon ses besoins et sa pathologie. La Charte est en cours de déploiement sur l’ensemble du territoire parisien.
14 Au niveau intermédiaire, a été mise en place une coordination de territoire qui regroupe un ou plusieurs arrondissements pour une population comprise entre 200 000 et 300 000 habitants. Ce niveau répond aux prises en charge qui ne peuvent s’organiser qu’à l’échelle de plusieurs secteurs (cela étant particulièrement vrai par exemple pour l’addiction aux jeux, les troubles alimentaires ou encore dans des spécialités telles que l’hypnose). Il représente le lieu de l’inter-sectorialité et de la concertation sociale et médico-sociale avec les arrondissements et les mairies. Les principales activités ainsi identifiées au niveau intermédiaire sont les urgences, le sujet âgé, les patients psychotiques au long cours, l’adolescent et le jeune adulte, la psychiatrie infanto-juvénile, la périnatalité et certaines unités d’hospitalisation intersectorielles.
15 Le niveau du territoire, et donc de la Ville de Paris, est à la fois le lieu du dialogue avec l’ensemble des partenaires (Ville de Paris, préfecture de police, justice, éducation nationale…) et de mise en œuvre des projets de santé publique territoriaux. Il importe de prévenir et réduire les risques de rupture des prises en charge en articulant missions de secteurs et coordination des activités que le secteur seul ne peut assumer. Le niveau territoire est également celui qui est retenu pour valoriser la recherche en psychiatrie et développer une épidémiologie de qualité orientées vers les besoins des patients.
16 Au-delà des dispositifs ambulatoires traditionnels, particulièrement développés au sein du territoire parisien, la CHT s’est engagée sur la voie de l’innovation en matière extra-hospitalière à travers le développement de différentes équipes mobiles d’intervention à domicile.
17 Si ces initiatives permettent dès aujourd’hui d’adapter les prises en charge aux besoins des patients et de leurs proches, la CHT poursuit son travail de structuration des parcours de soins en renforçant ses liens avec l’ensemble des acteurs du sanitaire et du médico-social.
Des dispositifs variés adaptés à un large éventail de situations
18 La mise en place d’équipes mobiles au sein des établissements de la CHT constitue une étape décisive dans la diversification des prises en charge des patients suivis. Ces équipes, dont les modes d’actions peuvent varier en fonction des situations, permettent de prévenir les épisodes d’hospitalisation et de réduire leur durée. Schématiquement, il est possible de distinguer trois types d’intervention, non exclusives les unes des autres : les interventions de crise, les interventions d’orientation et enfin les équipes assurant un suivi intensif du patient à son domicile [7].
19 L’activité de crise, assurée par des équipes dédiées, constitue un élément majeur de la prévention des hospitalisations. À l’instar de l’Équipe mobile d’intervention et de liaison intersectorielle (EMILI) qui intervient sur l’ensemble des secteurs du 15e arrondissement, cette première modalité permet de proposer un suivi ambulatoire intensif lors d’un épisode aigu, prenant en compte l’environnement social et familial. D’autres secteurs sont pourvus d’un centre d’accueil et de crise tel que l’Unité d’accueil thérapeutique (UAT) du 20e arrondissement ou le Centre d’accueil permanent (CAP) Hauteville dans le 9e arrondissement, qui assurent une prise en charge thérapeutique de courte durée et orientent et accompagnent les patients en situation de crise. La prise en charge s’articule autour de l’évaluation et de l’orientation. La suite du parcours peut alors relever de soins intensifs à domicile, en ambulatoire ou d’une hospitalisation. L’intérêt de l’évaluation de crise est donc d’intervenir suffisamment tôt pour éviter autant que possible les épisodes d’hospitalisation.
20 L’équipe mobile de maintien à domicile (EMMAD) dans les 5e et 6e arrondissements et l’unité de soins intensifs à domicile PSYDOM dans le 16e proposent des interventions dites de « suivi », davantage orientées vers le maintien à domicile, en pré- ou post-hospitalisation. Il s’agit alors, en lien étroit avec les équipes des secteurs, de réduire les durées d’hospitalisation grâce à un suivi intensif au domicile. Ces unités interviennent tout particulièrement après une première hospitalisation afin de minimiser les risques de rechute.
21 Le territoire parisien a la particularité d’abriter une importante population précarisée. Les établissements de la CHT ont développé un réseau psychiatrie-précarité regroupant sept équipes pour une file active supérieure à 1 500 patients en 2013. L’activité de ces unités se déploie au plus près des patients, avec des consultations dans les structures associatives (Armée du Salut, Emmaüs…) et sociales de la Ville de Paris (centres d’action sociale, espaces sociaux d’insertion…) ou l’organisation de plus de 260 maraudes par le réseau Souffrance et précarité. À l’échelle du territoire francilien la permanence d’accès aux soins de santé (la PASS) psy coordonne et améliore l’accès aux droits des personnes les plus précaires. Autre dispositif actuellement en expérimentation, le programme « Un chez soi d’abord » permet aux personnes sans abri de bénéficier d’un logement et d’un accompagnement intensif sur le plan social et sanitaire pour favoriser leur réinsertion.
22 Pour ces différents dispositifs, il s’agit de repérer en amont la dégradation de l’état des patients et d’intervenir rapidement par un travail en réseau et intégré. La réussite de la prise en charge réside dans le lien étroit forgé entre les équipes hospitalières et l’ensemble des partenaires des secteurs couverts. En effet, la structuration d’équipes mobiles sur un ou plusieurs secteurs suppose l’implication des différents acteurs médicaux et médico-sociaux afin de favoriser les synergies entre intervenants.
Accentuer les liens entre la ville et l’hôpital : « être un partenaire plutôt qu’avoir des partenaires »
23 C’est précisément dans ce travail de concertation et de coopération que subsiste une marge d’amélioration du fonctionnement de la CHT. Aussi, sans intervenir directement dans le champ médico-social, la CHT cultive avec ce dernier des liens forts. Ces relations doivent aujourd’hui être renforcées.
24 Une dimension primordiale concerne la relation entre l’hôpital et la médecine de ville. L’enjeu est double. Tout d’abord, cette dernière est en première ligne dans le dépistage des troubles psychiatriques et peu armée pour les traiter. Comme le rappelaient des praticiens de la CHT, « la coordination entre généralistes et psychiatres est indispensable, afin que les généralistes soient à même de dépister et de traiter correctement les troubles psychiatriques, de façon précoce, avec l’aide et l’appui de leurs confrères spécialistes [8] ». En outre, le rapprochement ville-hôpital renforcerait le suivi somatique indispensable aux patients de la CHT : ces derniers sont concernés par une surmorbidité essentiellement d’ordre cardiovasculaire, respiratoire, et métabolique. Ces éléments plaident pour le renforcement de liens entre équipes de secteurs et médecins généralistes qui doivent agir comme partenaires.
25 En développant de nouveaux dispositifs extra-hospitaliers, les établissements de la CHT entendent améliorer la prise en charge globale des patients traités et accroître la coordination entre les différents acteurs du soin.
Notes
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[1]
Circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies mentales.
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[2]
Rapport commun des DIM de la Communauté hospitalière de territoire pour la psychiatrie parisienne 2014.
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[3]
Somme de la file active des établissements.
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[4]
À titre de comparaison, au niveau national, en 2012, la proportion de patients suivis en ambulatoire est de 68 %. Source : Coldefy M. (2012), L’évolution des dispositifs de soins psychiatriques en Allemagne, Angleterre, France et Italie : similitudes et divergences, IRDES, Question d’économie de la santé, n° 180, octobre.
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[5]
Taux de pénétration des établissements de 2,8 %.
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[6]
15,7 % des patients pris en charge sont domiciliés en Île-de-France mais hors Paris.
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[7]
L’ANAP, dans son fascicule consacré aux Interventions des équipes mobiles de psychiatrie considère également les dispositifs d’accompagnement pour les patients atteints de troubles psychiatriques, qui dépendent davantage du champ médico-social.
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[8]
Dr. Andreu, Dr. Boiteux, Mise en place de l’équipe mobile d’intervention et de liaison intersectorielle (EMILI) : une démarche tournée vers le partenariat médecins généralistes et psychiatrie de secteur, mémoire pour le DIU Santé Mentale dans la communauté : études et applications, 2013.