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Article de revue

Adhérer ou pas au CAPI : de quel clivage des généralistes le paiement à la performance est-il le révélateur ?

Pages 180 à 209

Notes

  • [*]
    Olivier Saint-Lary, chef de clinique assistant au département de médecine générale de Paris - Île-de-France - Ouest et membre de l’équipe Prospere.
    Isabelle Plu, médecin de santé publique, chargée d’enseignement au laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale de l’université Paris-Descartes.
    Michel Naiditch, médecin de santé publique, chercheur associé à l’IRDES et membre de l’équipe Prospere.
  • [1]
    En anglais, le chiffre 4 (four) se prononce comme « pour » (for), et P4P est donc un acronyme pour Payment For Performance (paiement à la performance).
  • [2]
    De manière à faire connaître le nouveau dispositif, les DAM ont eu pour mission d’expliquer le contenu et les objectifs du CAPI aux médecins éligibles. Ils semblent leur avoir également souvent montré combien ils seraient susceptibles de gagner « en plus » s’ils adhéraient à ce programme.
  • [3]
    Focus groups ou groupe de discussion : forme de recherche qualitative fondée sur l’idée que les perceptions et opinions vont émerger d’une discussion et d’une confrontation d’arguments (par opposition à l’entretien en face en face dans lequel l’opinion se constitue dans un dialogue entre le chercheur et le sujet).
  • [4]
    Un questionnaire construit à partir des données obtenues lors des focus groups a été envoyé par voie électronique à 6 565 médecins en mai 2011, son analyse est actuellement en cours.
  • [5]
    Une étude réalise par la société Direct Research et portant uniquement sur des médecins adhérents a montré l’existence de ce type de comportement.

Introduction

1Le paiement à la performance (P4P) [1] appliqué aux soins ambulatoires (ou soins primaires pour les pays anglo-saxons) a connu un fort développement ces dix dernières années. La logique de ce système de paiement relève de la théorie économique standard selon laquelle des incitatifs externes adaptés (ici financiers) sont susceptibles de modifier les conduites des individus ciblés, dans la direction souhaitée par les promoteurs du système. Son application dans le cadre du P4P consiste à allouer un surcroît de rémunération aux généralistes en échange d’une meilleure qualité de leur pratique, celle-ci étant mesurée à partir d’une batterie d’indicateurs. Le montant potentiel annuel de la rémunération supplémentaire dépend à la fois du niveau de performance de chaque médecin mais aussi de sa progression d’une année sur l’autre.

2L’analyse de cette nouvelle forme de rémunération des médecins, notamment dans le domaine de la médecine générale, a donné lieu à une abondante littérature (Doran et al., 2008 ; COMPACQ, 2008 ; NCQHC, 2006 ; Rosenthal et al., 2005). Elle a montré que, dans chaque pays concerné, les contextes institutionnels et professionnels ainsi que la nature des débats publics engendrés par ce nouvel outil constituaient des déterminants majeurs des outils techniques associés à ce nouveau mode de rémunération ; et qu’ils influaient aussi sur la manière dont ce dernier allait s’inscrire comme outil de régulation de la profession visée, tout en influant sur son mode d’implantation (McDonald, White et Marmor, 2009 ; Tanenbaum, 2009).

Le contexte de l’introduction du CAPI en France

3Pour comprendre les objectifs assignés au programme contrat d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI), il faut se tourner vers le pays précurseur en référence duquel la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) a conçu son programme. Il s’agit du Royaume-Uni, où l’usage du P4P a été généralisé et évalué tant en termes de résultats que de ses impacts (Calvert et al., 2009 ; Campbell et al., 2009). Dans ce pays, ce sont les médecins qui, avec l’appui technique de leur société savante et d’équipes universitaires, ont élaboré l’ensemble du système et notamment les indicateurs utilisés puis qui l’ont ensuite « vendu » aux autorités de tutelle. Leur objectif visait à renforcer leur place déjà centrale dans l’organisation du système de santé anglais, notamment par leur rôle de filtre à l’accès de l’hôpital (gate keeping). Les généralistes anglais sont rémunérés selon des modalités plurielles, le mode de rémunération dominant étant la capitation. L’objectif affiché était d’augmenter la productivité des médecins tout en améliorant la qualité des soins délivrés en fournissant aux cabinets de médecins généralistes des incitatifs financiers qui se sont avérés conséquents : 2 milliards de livres sterling ont été investis dans ce système permettant ainsi aux médecins d’améliorer leurs revenus de 40 % en moyenne sur les trois premières années (COMPACQ, 2008).

4En France, l’introduction d’un système de P4P s’est faite dans un contexte professionnel et institutionnel radicalement différent. D’une part, et contrairement à l’Angleterre où les généralistes bénéficient d’une position dominante, les médecins généralistes français opèrent dans un système qui demeure hospitalo-centré et sont en position de faiblesse face aux spécialistes (Bloy et Schweyer, 2010). Ce segment de la profession médicale est par ailleurs depuis longtemps divisé sur le plan de sa représentation professionnelle (Hassenteufel, 2010). Sur le plan de ses orientations stratégiques, il n’a pas su trouver en son sein un consensus pour proposer un mode d’organisation plus efficace, des formes adaptées d’évaluation de ses pratiques où les rôles respectifs de l’État et de l’assurance maladie seraient mieux répartis (Hassenteufel, 2010).

5L’assurance maladie, rendue méfiante par les effets du P4P sur la dépense de santé au Royaume-Uni et après avoir mis en place le médecin traitant (Dourgnon et Naiditch, 2010), a souhaité situer son programme CAPI dans un jeu à somme nulle, l’argent supplémentaire alloué aux médecins étant censé être « compensé » par les économies résultant de l’application du programme. Les objectifs du CAPI, en sus de ceux de santé publique mis en avant par son promoteur, se situent donc autant dans une perspective de maîtrise des dépenses de soins remboursables grâce à des prescriptions plus économes (d’où une meilleure efficience puisque, avec le même budget, on escompte une qualité améliorée) que dans celle de l’amélioration des pratiques cliniques des médecins, fondées sur l’usage de « protocoles » de prévention, et de traitements, portant de façon préférentielle sur le suivi des maladies chroniques.

6Avant même sa mise en place, ce nouveau mode de rémunération a suscité en France de nombreuses controverses. C’est en fondant sa position sur le fait que ce système de paiement entrait en conflit avec les principes de la médecine libérale que l’Ordre des médecins a manifesté son opposition à la mise en place de ce programme (CNOM, 2009). Les syndicats de médecins, eux, s’inquiétant plutôt de la non-inclusion du dispositif CAPI dans le cadre de la convention médicale nationale. D’autres arguments, faisant parfois référence à la menace que ce mode de rémunération ferait peser sur l’éthique professionnelle, s’appuyaient sur les constats issus de publications étrangères (McDonald et Roland, 2009 ; Snyder et Neubauer, 2007 ; Karve et al., 2008). Celles-ci faisaient valoir que ce nouveau mode de rémunération plaçait les médecins en situation de conflits d’intérêt vis-à-vis de leurs patients avec, pour conséquence, l’apparition de biais d’information, voire de sélection de malades dans le but de mieux atteindre leurs objectifs financiers, tout en faisant peser le risque supplémentaire d’une augmentation des inégalités sociales d’accès aux soins. D’autres figures connues du monde des généralistes invoquaient sur leurs blogs les objectifs cachés de la CNAM : ceux d’une mise sous contrôle des praticiens ou de mise en péril du paiement à l’acte (Marlein et Lehmann, 2009). Peu de voix, donc, favorables à ce nouvel instrument se faisaient entendre.

7Or, en dépit de ces critiques multiples, le programme CAPI a rencontré auprès des généralistes un succès inattendu puisque, six mois après sa mise en place, 12 600 généralistes, soit près du tiers de la population cible, avaient adhéré (Le Quotidien du médecin, 2009). Les analyses statistiques réalisées par la CNAM au début de notre recherche et communiquées lors d’une conférence de presse (Le Quotidien du médecin, 2009) faisaient apparaître que les médecins signataires n’étaient pas différents des non-signataires en termes de distribution d’âge, de sexe, de zone d’activité ou du choix de leur secteur d’exercice.

Les déterminants de la décision d’un médecin de participer ou non au programme

8L’objectif principal de ce travail a donc été de rechercher quels étaient les déterminants principaux de la décision d’un médecin de participer ou non au programme CAPI.

9Il est important de noter pour la compréhension de ce qui va suivre que, au moment où le matériel nécessaire à notre recherche a été recueilli (mai 2010), les médecins interrogés n’avaient pas connaissance du montant exact de la rémunération liée au CAPI, les premières primes n’ayant été versées qu’en mars 2011. Le choix de participer ou non au CAPI ne pouvait reposer dès lors que sur les informations transmises par des délégués de l’assurance maladie (DAM) [2] en charge de les démarcher (nous avons pu le vérifier lors des entretiens) et sur la nature des représentations qu’ils pouvaient en avoir, alimentées principalement par le débat public.

10C’est pourquoi nous pensons que le choix pour un médecin de participer ou non au CAPI constitue une véritable « épreuve » au sens sociologique du terme dans la mesure où, comme tout outil de gestion, le CAPI n’est ni professionnellement ni socialement neutre (Moisdon, 1997). D’abord, et avant même qu’il ne soit mis en œuvre, le programme CAPI était présenté dans le débat public comme un dispositif faisant peser une menace sur les pratiques médicales susceptible de détériorer la relation médecin-malade. Sa logique met explicitement en tension le mode de rémunération avec la qualité des pratiques médicales ; celles-ci sont mesurées à partir de la valeur d’indicateurs dont la validité et la légitimité reposent sur leur adéquation aux connaissances médicales fondée sur les preuves. Enfin, le programme CAPI a été promu et exclusivement instrumenté sur le plan technique par l’AM, autorité de tutelle des médecins généralistes, la Haute Autorité de santé (HAS) s’étant bornée à le valider uniquement a posteriori.

11Dans cet article, nous cherchons à montrer que le choix d’adhérer ou non au CAPI révèle une opposition « sociologiquement déterminée » entre les deux groupes (adhérents, non-adhérents). Nous avons analysé les déterminants de ce choix en explorant de façon systématique la position respective de chaque groupe au regard de quatre axes :

  • leur rapport aux institutions régulatrices et en particulier à l’assurance maladie, promotrice du programme et en charge de les rémunérer et de contrôler leurs pratiques ;
  • le jugement qu’il porte sur le CAPI, à la fois en tant qu’instrument de la rémunération à la performance et comme dispositif permettant de mesurer la qualité de leurs pratiques ;
  • ses effets potentiels sur leur pratique clinique (notamment, sélection des patients) ;
  • ses effets sur la relation avec leurs patients analysée à partir de leur pratique d’information en général et plus particulièrement en ce qui concerne l’information relative aux traitements.
Ces résultats seront ensuite discutés de manière à éclairer l’intérêt d’utiliser des incitatifs non financiers dans une optique de régulation de l’activité des médecins généralistes.

Méthode

Justification de la technique des focus groups

12Nous avons décidé d’utiliser la technique des focus groups[3]. Les arguments théoriques qui nous ont conduits à ce choix au regard d’une enquête par questionnaire ou entretiens individuels sont les suivants :

13– La nature du sujet nécessitait de la part des participants un véritable travail réflexif sur leur pratique portant sur des sujets sensibles tels que leur opinion sur les modes de rémunération et plus spécifiquement l’influence éventuelle que ce nouveau mode de rémunération pouvait avoir sur leur relation avec leurs malades ainsi que sur leur pratique clinique. Les méthodes par entretiens étaient susceptibles de leur permettre de dévoiler leur position, en allant au-delà de ce qui aurait pu être accompli par l’usage d’un questionnaire anonyme. Celui-ci constituera un second temps de notre recherche, les données recueillies nous permettant de le construire de façon plus valide [4].

14Il est donc clair que nous ne prétendons pas à ce que nos résultats résument de façon exhaustive l’opinion des médecins, c’est-à-dire que leurs jugements traduisent celles de l’ensemble de la profession mais qu’il s’agit plutôt d’une approche exploratoire offrant des pistes pour une analyse ultérieure.

15– Par rapport à un entretien individuel, les entretiens collectifs permettent de réduire les inhibitions individuelles par un effet d’entraînement et de relance. Chaque participant peut notamment utiliser les propos de ses interlocuteurs pour les confronter à sa position originelle, ce qui peut l’amener à élaborer et à prendre des positions différentes. À l’instar de ce que des chercheurs en sciences sociales avancent (Bourdieu, 1977 ; Strauss, 1992), les données obtenues par cette technique témoignent de ce que la réflexion individuelle d’un praticien n’est pas entièrement préconstruite. Son « élaboration/explicitation » résulte d’un processus de construction qui s’effectuera par la parole, d’autant mieux que celle-ci peut circuler librement dans un cadre collectif et contradictoire dès lors qu’aucun jugement de valeur n’est porté par les membres du groupe, ce dont l’animateur est le garant. À l’inverse, celui-ci doit aussi éviter que ne se produise une confluence artificiellement construite des opinions, du fait par exemple de la présence d’un « leader d’opinion » ou que, à l’inverse, l’un des participants ne bloque la réflexion.

16– Cette technique permettait enfin de répondre à des exigences pragmatiques de calendrier restreint (trois mois) dévolu à cette recherche.

Recrutement, déroulement et animation des deux focus groups

17L’objectif était de réunir environ dix médecins dans chaque groupe. La constitution des groupes a été raisonnée sur les critères suivants : lieu d’exercice, sexe, secteur d’activité, activité d’enseignant, pratique en solo ou en groupe, année d’installation. Le recrutement s’est effectué par téléphone en choisissant des médecins généralistes franciliens au hasard. Leur adhésion ou non au CAPI n’était donc pas connue au moment des appels. Un dédommagement financier (faible au regard de celui qu’ils peuvent percevoir pour des réunions de ce type) leur était proposé.

18Le premier focus group comprenait les médecins ayant adhéré au programme CAPI et le second ceux ayant refusé. Le déséquilibre sur le plan numérique des groupes (six « capistes » et neuf « non-capistes ») et son impact sur les résultats sont abordés dans la discussion. Une telle séparation a été conçue de manière à éviter une éventuelle « stérilisation » des débats en cas de désaccord profond entre signataires et non-signataires, obérant le processus d’élucidation. Les chercheurs engagés dans cette recherche (un médecin généraliste chef de clinique, un médecin de santé publique, une enseignante d’un master de recherche en éthique médicale et une sociologue de la santé) ont établi conjointement les guides d’entretien (cf. annexes 1 et 2). Ceux-là comprennent des questions générales sur leurs conditions de pratiques puis une série de questions destinées à éclairer leur positionnement par rapport aux quatre axes choisis. La sociologue a animé les débats, les deux autres chercheurs prenant des notes, tout en observant ou intervenant sous forme de relances spécifiques. L’objectif de l’animation était de parvenir à faire émerger spontanément, dans un premier temps, le positionnement des médecins vis-à-vis de chaque axe à explorer. Si certains des sous-thèmes n’avaient pas été évoqués, ils étaient introduits dans le débat dès lors que les propos tenus permettaient de s’y référer naturellement, mais sans insister s’ils ne suscitaient pas de réactions particulières. Chacun des focus a duré environ 2 heures 30, l’objectif étant d’arriver à saturation. L’ensemble des entretiens collectifs a été enregistré et intégralement retranscrit. Les éléments constitutifs de chaque axe ont été repérés et rassemblés. Une triangulation a été effectuée entre chercheurs pour optimiser l’interprétation des données.

Résultats

19Nous présenterons successivement le profil des deux groupes puis nous comparerons le positionnement des deux groupes vis-à-vis de l’assurance maladie et du programme CAPI, puis sur les trois autres axes ; cette partie analytique se clôt par une description synthétique de chaque groupe.

Profil des deux groupes

Profil d’activité des groupes

20Le groupe comprenant les six médecins ayant adhéré au CAPI (groupe 1) s’est avéré assez homogène, ce qui peut être attribué à son mode de recrutement particulier (voir plus loin la partie « discussion »).

21L’âge des médecins s’étale de 38 à 52 ans et quatre d’entre eux sont des maîtres de stage dont un enseignant à la faculté. Ce sont tous des hommes, installés en secteur 1 et en zone urbaine. Un seul des participants présente un profil un peu différent, il est installé depuis peu en Seine-Saint-Denis après une carrière hospitalière, alors que tous les autres participants ont exercé exclusivement la médecine générale en ambulatoire et exercent depuis au moins dix ans.

22Le groupe 2, qui comprend neuf médecins non-adhérents au CAPI, est moins homogène. Il diffère du précédent essentiellement par la distribution des genres (trois femmes et six hommes), une distribution d’âge plus étalée (de 32 à 60 ans) et une moindre proportion de maîtres de stage (1) et d’enseignants (1). En revanche, il s’en rapproche par le type de secteur d’exercice (un seul en secteur 2, les huit autres en secteur 1) ainsi que par la zone géographique d’activité (tous sauf un en secteur urbain). Il faut noter que ce groupe comprenait un médecin plus jeune (32 ans) qui aurait souhaité participer au CAPI. Mais récemment installé et ne disposant donc pas d’une file active de patients de taille suffisante pour être éligible au CAPI, bien que non-signataire, il était plutôt favorable au dispositif et sa présence a influé sur la dynamique de ce groupe.

Profil sur le plan des normes professionnelles et des valeurs

23Tous les médecins recrutés (sauf le dernier mentionné), du fait de leur faible dispersion d’âge autour de 50 ans et d’une durée d’exercice relativement similaire par un double effet de cohorte et de génération, se situent dans la tradition de la « médecine libérale ». Ils manifestent un fort attachement à leur autonomie de décision individuelle et défendent fortement leur liberté de prescription. Ils se montrent méfiants (plus chez les non-adhérents) à l’égard de toute forme de régulation de leur activité. Leur attachement au paiement à l’acte n’est pas exempt de critiques (plus chez les adhérents). Ils se plaignent notamment que le tarif fixe et homogène de la consultation ne rende pas compte du temps passé : « Mais le paiement à l’acte est inadapté aussi ; quand vous passez du temps avec un toxico avec une hépatite C ou que vous soignez une rhinopharyngite, vous êtes payé 22 euros pareil. Est-ce que c’est bien normal ? » (groupe 1, médecin 2).

24Ils y sont néanmoins globalement attachés car le considérant comme le garant de leur revenu.

25Sur le plan de la relation au malade et en cohérence avec ce qui précède, les médecins se situent dans la position du médecin détenteur d’un savoir et d’une expertise spécifiques qui les autorisent à se considérer comme porteurs des véritables intérêts de leurs patients. Il en résulte la volonté, légitime à leurs yeux, de fortement orienter, notamment par leur pratique d’information, les comportements de soins et de santé de leurs patients.

Positionnement de chaque groupe

Vis-à-vis de l’assurance maladie

26La totalité des médecins des deux groupes jugent négativement l’assurance maladie. Ils ressentent une méfiance en quelque sorte originelle, véhiculée par leurs maîtres, leurs pairs, leurs collègues : « Quand je me suis installé, mon confrère m’a dit : ton ennemi c’est la caisse ! » (groupe 1, médecin 5) ; « C’est vrai qu’en tant que jeune médecin j’ai toujours été bercé par le discours de mes anciens et les relations houleuses avec l’assurance maladie qu’on a qualifiées de relations dangereuses » (groupe 2, médecin 5).

27Elle est fondée sur une conception antagoniste des objectifs des médecins et de l’assurance maladie, aussi bien chez les adhérents : « On n’a pas les mêmes objectifs quand on veut faire du soin, du vrai soin, on n’a pas les mêmes objectifs que quand on veut faire de l’économie de santé » (groupe 1, médecin 2) que chez les non-adhérents : « La façon dont on travaille peut être orientée par celui qui nous paye dans un objectif dont on ne sait rien, qui n’est peut-être pas après tout un objectif de bonne santé, qui est peut-être un objectif de ne pas dépenser trop d’argent » (groupe 2, médecin 1).

28Mais un autre exemple témoigne mieux de cette différence dans leur jugement sur l’assurance maladie : si la participation des praticiens a été jugée par les médecins des deux groupes théoriquement utile car susceptible de faire évoluer le contenu des indicateurs « dans le bon sens », les deux groupes se sont divisés radicalement sur la faisabilité d’une telle coopération, le positionnement vis-à-vis de l’assurance maladie déterminant leur position ; les adhérents se sont montrés favorables au nom d’un certain pragmatisme : « Maintenant, l’outil ce n’est pas en n’y adhérant pas ou en le boudant qu’on le fera évoluer » (groupe 1, médecin 1). « Le fond du problème du CAPI, c’est quand même les objectifs qu’on va foutre dedans. C’est là qu’il va falloir, comme tu disais, mettre le nez dedans et que les associations professionnelles, les sociétés savantes de médecine générale mettent leur nez là-dedans. On ne peut pas laisser uniquement la sécurité sociale éditer les objectifs. Ça c’est pas possible » (groupe 1, médecin 2). Alors que les non-adhérents ont discerné dans cette position de la naïveté de la part de leur confrère : « C’est naïf » (groupe 2, médecin 4) ; voire un piège tendu par l’assurance maladie « c’est bien joué de la part de la sécu » (groupe 2, médecin 3), manifestant ainsi leur hostilité radicale vis-à-vis de toute forme de collaboration (au sens double du terme).

29Ce sentiment de méfiance existe également chez les adhérents au CAPI et est illustré par leur réaction unanime, au moment de l’examen du contrat proposé par les délégués de l’assurance maladie, de vérifier, avant de s’engager plus avant, s’il existait une clause de résiliation : « J’ai vraiment regardé les articles, on pouvait quitter à tout moment si par hasard d’une année sur l’autre on allait créer d’autres indicateurs de performance qui pouvaient s’écarter de notre liberté de prescrire et (de) faire de la bonne médecine. A priori on peut quitter ça très rapidement » (groupe 1, médecin 3).

30Ce jugement globalement négatif a été renforcé par leur relation routinière avec les professionnels des caisses primaires en charge de contrôler leur exercice professionnel, jugée désagréable voire conflictuelle. Le jugement négatif des médecins sur l’assurance maladie semble donc avoir été renforcé par ces contacts routiniers, plus que par une analyse de nature « politique ».

31Ce climat de méfiance est jugé très répandu par tous les participants. Il peut mener à des formes d’ostracisme vis-à-vis de tout comportement pouvant être considéré comme un soutien à l’assurance maladie. Les médecins adhérents disent avoir été considérés comme des « parias » par la majorité de leurs collègues non signataires lorsqu’ils leur ont annoncé leur décision : « Se définir comme l’allié de la caisse par rapport aux pairs, je crois que c’est quand même très difficile » (groupe 1, médecin 1).

32Ainsi, souscrire au CAPI, c’est se comporter en allié de la caisse. Les difficultés rencontrées pour les recruter pourraient s’expliquer par leur crainte de s’exposer devant leurs collègues dans cet environnement conflictuel.

Adhérer ou pas au CAPI : le poids du « facteur » assurance maladie

33Les entretiens ont montré que le degré d’hostilité et de méfiance vis-à-vis de l’assurance maladie a déterminé en grande partie le choix de participer ou non au CAPI. Il marque les jugements portés sur le principe même du paiement à la performance mais aussi sur la qualité des principaux outils de contrôle et sur le niveau de la rémunération proposé.

34Les propos des médecins non-adhérents témoignent de cette place centrale difficile dans leurs choix de ne pas adhérer, quelle que soit par ailleurs leur opinion sur le dispositif : « Je vais pas signer un contrat avec une structure en laquelle j’ai pas confiance. La sécu, moi, j’ai plus confiance. Pourquoi voulez-vous que je signe un contrat avec quelqu’un qui ne respecte pas les clauses du contrat, moi je signe rien avec ça. Pourquoi j’irais faire des efforts pour la sécurité sociale qui n’en fait pas pour moi » (groupe 2, médecin 1).

35« Je crois qu’on est dans une relation médecin/assurance maladie où, pour une proportion peut-être pas négligeable de médecins, la relation de confiance est d’emblée rompue et il y a des médecins qui ne prendront même pas le temps de l’ouvrir ou de le lire, quelle que soit la qualité du produit » (groupe 2, médecin 5).

36Le principe même du CAPI est perçu comme une manifestation du mépris de l’assurance maladie à l’égard des généralistes. Il vient confirmer cette méfiance radicale et en justifier le bien-fondé : les payer pour qu’ils travaillent mieux revient à nier leur capacité à alimenter de bonnes pratiques cliniques par leurs seules motivations professionnelles : « Un, vous êtes mauvais ; deux, on va vous apporter un outil qui va vous permettre d’être un peu moins médiocre. Comme on a conscience qu’on vous sous-paye, on va vous mettre une carotte de 5 200 euros bruts – on a vu ce qu’il en reste à la fin de l’année – pour vous aider vraiment et là, si vraiment vous restez médiocre c’est que vraiment vous voulez persister » (groupe 2, médecin 4), qui dénonce de surcroît l’insuffisance de sa rémunération (ce qui reflète la position du groupe).

37Certains médecins vont plus loin et critiquent de manière plus explicite le paiement à la performance qui porterait le risque de promouvoir un mode de gestion ayant un impact très négatif sur leurs conditions de travail. Ils font spontanément l’analogie entre le CAPI et les mécanismes incitatifs à la performance mis en place dans l’industrie des services : « Par rapport aux objectifs en général, les patients qui sont en souffrance dans leur travail, beaucoup le sont par rapport à des contrats d’objectifs qui sont fixés dans les entreprises et qui effectivement changent chaque année et sont empilés chaque année un petit peu quoi. Il y a beaucoup de souffrance par rapport à ça : sûr que, s’il faut que je fasse mes objectifs à la fin du mois, c’est quelque chose qui est difficile » (groupe 2, médecin 2). Entendant au quotidien les plaintes de certains de leurs patients sur un problème social très médiatisé, ils font l’analogie entre cette souffrance et celle qui pourrait devenir la leur.

38De leur côté, les médecins du groupe 1, une fois rassurés par la possibilité offerte de sortir du dispositif à tout moment, vont choisir d’adhérer au programme CAPI pour des raisons assez diverses et qui témoignent d’une assez grande hétérogénéité de jugement. D’abord, ce dispositif est interprété par une grande majorité d’entre eux comme un changement positif dans leurs rapports avec l’assurance maladie au regard de leurs tonalités antérieures. « On est dans la carotte et plus dans le bâton, ce qui est quand même un grand changement dans les relations avec les organismes de tutelle. Parce qu’on a eu les RMO … les mecs étaient gratinés avant » (groupe 1, médecin 2). « J’ai quand même l’impression que pour la caisse c’est quand même un premier exemple de positif » (groupe 1, médecin 1). De même et presque unanimement, le CAPI leur est apparu comme la manifestation d’un « début de reconnaissance » par l’assurance maladie de la qualité de leur pratique : « Pour une fois qu’on est récompensé pour faire de la bonne médecine, enfin ce que je considère comme de la bonne médecine, parce qu’on va prendre cinq minutes de plus, parce qu’on va s’occuper d’un tas d’examens cliniques, parce que les recos nous le demandent … » (groupe 1, médecin 3).

39En revanche, sur les objectifs assignés par la CNAM au CAPI d’outil destiné à faire des économies ou sur le principe du paiement à la performance, les avis ont été moins partagés. Concernant le premier point, certains, à l’instar du médecin 5, l’ont jugé légitime : « Maintenant, on a un exercice qui est directement inscrit dans l’économie de la santé. Je ne suis pas choqué que la CPAM réfléchisse à des moyens de dégager des économies en améliorant la qualité des soins et la santé de la population. » Ce discours renvoie à un positionnement qui fait des médecins des garants du système de protection contre la maladie.

40D’autres ont soutenu le principe même du paiement à la performance : « Peut-être que d’avoir une rémunération qui prend en compte la qualité, c’est pas complètement idiot » (groupe 1, médecin 2). Toutefois, on peut se demander s’il ne s’agit pas là d’une rhétorique visant à justifier sa conduite a posteriori alors qu’il s’agirait en fait d’améliorer son niveau de revenu sans changer ses pratiques, dès lors qu’elles sont supposées conformes aux cibles proposées. En effet, ce même médecin, à un autre moment du débat, va déclarer en réponse à l’opinion d’un de ses confrères : « C’est vrai, pour en revenir à ce que vous disiez, que ça a un côté choquant de se dire : pour qu’ils bossent correctement il faut en rajouter une couche, c’est-à-dire que si on les paye pas comme ça, ils bossent comme des cochons et il faut mettre une prime pour qu’ils bossent correctement. C’est vrai que ça peut être interprété comme ça. »

Les autres axes étudiés

Rôle des indicateurs : place du contenu et du mode d’élaboration

41En dépit de leurs divergences précédentes, les médecins, même ceux du groupe des non-adhérents, portent un jugement assez similaire sur le contenu des indicateurs associés au CAPI. Ce jugement plutôt positif est lié à divers facteurs.

42D’abord, leur conformité aux recommandations de bonnes pratiques de la HAS, qui leur confère une première légitimité : « Ça a déjà été dit, moi ils ne me semblent pas mauvais, surtout s’il s’agit de recommandations validées » (groupe 1, médecin 3) ; « C’est des indicateurs que je valide parce que ça fait partie pour moi des recommandations de bonne pratique. C’est quelque chose auquel j’adhère » (groupe 2, médecin 8).

43Une seconde forme de légitimité des indicateurs est liée à leur adéquation avec la pratique clinique : « Les indicateurs a priori, ils ne me semblent pas mauvais … sur un plan purement médical clinique pour ce qui me concerne » (groupe 2, médecin 2).

44Ensuite, mais de manière plus indirecte, les évaluations de pratique réalisées au moyen de ces indicateurs leur permettent d’avoir une vision globale sur leur activité : « Ça permet de savoir où on en est par exemple sur les consultations d’ophtalmo parce qu’on n’a pas forcément toujours un retour » (groupe 1, médecin 4). Cela étant, cette évaluation sur l’ensemble d’une patientèle ne renvoie pas à une véritable évaluation de leur pratique clinique, laquelle impose une prise en compte de chaque cas singulier qui peut amener les médecins à ne pas respecter (à juste titre) les recommandations : « Le médecin n’est pas là pour appliquer exactement ce que nous disent les délégués de l’assurance maladie ; il y a quelqu’un de très important au milieu de tout ça qui s’appelle le patient quand même. Donc il y a des données de la science qu’on n’appliquera pas parce qu’elles sont pas applicables chez ce patient-là, parce qu’il y a d’autres problèmes de santé (à prendre en compte) bien avant le CAPI, on a tous compris que la recommandation elle était là pour nous aider mais que c’était pas l’application (automatique) de données de la science » (groupe 2, médecin 2).

45On retrouve là exprimée une position classique des médecins vis-à-vis des indicateurs en général : la sauvegarde de leur autonomie de décision et de prescription du fait de la singularité clinique de chaque patient implique de ne pas être mis dans l’obligation de les appliquer de façon automatique (Trepos et Laure, 2008 ; Bachimont et al., 2006).

46Les deux groupes se sont retrouvés pour estimer que certaines contraintes structurelles inhérentes à leur contexte de pratiques pouvaient constituer des barrières à l’atteinte des cibles. Il en va ainsi de l’environnement géographique : « Ça ne prend pas en compte la particularité géographique ? C’est dommage. Pour avoir été installé aux Antilles, il y en a un sur dix qui voit un diabétologue : il n’y en a pas » (groupe 2, médecin 3) ou du problème de la coprescription avec les spécialistes où la sauvegarde d’une bonne relation avec leurs confrères peut constituer un obstacle à l’application systématique du traitement recommandé : « Les objectifs du CAPI, je ne vais pas être dedans parce que mes confrères cardio, que j’estime par ailleurs, balancent que des ARA 2 (antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II). Je ne vais pas systématiquement dire que je ne veux pas de votre Olmetec, vous allez mettre ça à la place, c’est un peu compliqué » (groupe 1, médecin 2). Enfin, invités à donner leurs avis sur les indicateurs en termes de cibles et du champ couvert, les médecins adhérents les ont jugés « très restreints et très modestes » ; « c’est vraiment … c’est presque le niveau zéro des indicateurs » (groupe 1, médecin 2).

47Mais, à l’inverse des médecins adhérents qui jugent qu’ils atteignent les cibles : « C’est ce que nous faisons », les médecins non-adhérents les ont jugées difficiles à respecter : « Or les objectifs me paraissent quelque part pas forcément atteignables d’une année sur l’autre ». Et en ont fait un autre argument pour justifier leur non-adhésion à un marché de dupe : « Et je vous dis, la sécu va revenir me dire, ben dites donc pourtant on vous a aidé, on vous a donné un outil, on vous a payé et vous êtes toujours aussi mauvais docteur » (groupe 2, médecin 4).

48Enfin, l’absence de concertation lors de la phase d’élaboration des indicateurs a contribué, selon les médecins des deux groupes, à leur moindre acceptabilité : « Moi, ce qui me gêne, c’est le principe que ce soit la caisse toute seule qui édite ses indicateurs. Je trouve ça pour le moment supportable mais pas pendant vingt ans. C’est pas des gens qui n’ont jamais vu de malades et qui n’ont jamais foutu les pieds dans un cabinet de médecine générale, quels que soient leur diplôme de santé publique et les choses qu’ils savent en santé publique, qui vont me dire à moi comment je dois travailler. Même si c’est très pertinent sur le plan santé publique, ça ne sera pas pertinent sur le plan médecine générale » (groupe 1, médecin 1), ou bien : « On a l’impression qu’on nous livre des outils pour lesquels on n’a pas été concertés en amont. Qui sont les correspondants médicaux qui permettent d’établir ça ? Est-ce qu’il y a des libéraux ? Est-ce qu’il y a que des hospitaliers, des médecins de sécu, ils manquent un peu de vision des malades » (groupe 2, médecin 3).

Jugement sur le niveau de rémunération associée au CAPI

49La décision des médecins d’adhérer au CAPI et d’accepter de rentrer dans la logique du P4P apparaît liée à leur appréciation du niveau maximal de la rémunération proposée (5 200 euros).

50Pour les médecins adhérents, le surcroît de rémunération, jugé faible par rapport à leurs revenus, est plutôt accueilli favorablement. Ils considèrent par ailleurs ce faible niveau comme le gage de la non-remise en cause de la prééminence du paiement à l’acte. Leur choix d’adhérer serait donc susceptible de changer si le bonus potentiel augmentait assez pour remettre en cause cette situation : « Que le CAPI devienne moitié de ma rémunération annuelle et alors ce sera niet ! » (groupe 1, médecin 1). « Si c’est la fin du paiement à l’acte et le début du paiement forfaitaire, je commencerai à me faire du souci, en tout cas à me demander qui tient les cordons de ça ? Si c’est que les caisses, là ça commence vraiment à faire peur » (groupe 1, médecin 3).

51Au contraire, les médecins du groupe non-adhérent, fidèles à leur jugement radicalement négatif vis-à-vis de l’assurance maladie, estiment que le niveau de rémunération renforce le caractère insultant du paiement à la performance : « Je vais être un petit peu brutale, déjà c’est parce qu’on est arrivé avec les 5 200 euros et que j’ai fait la division (par le nombre de mes patients) et que je suis arrivée à 7 euros par patient, là déjà je me suis dit on se moque de moi » (groupe 2, médecin 7).

52Certains considèrent d’ailleurs que cette offre de rémunération supplémentaire sous condition constitue un « piège » tendu par l’assurance maladie avec le risque, une fois entré dans le dispositif, de ne plus pouvoir en sortir parce qu’on s’est habitué à toucher ce surplus. « Oui, mais comme dit notre confrère, t’as pris l’habitude de toucher tes 5 200 puis tout d’un coup t’as 5 200 qui rentrent plus, ça fait un gros trou dans la caisse, conclusion ils t’ont biaisé (rires) » (groupe 2, médecin 1). Pour d’autres, même ce gain financier modeste pourrait les inciter à changer de comportement vis-à-vis de leurs patients, en allant au-delà de ce qu’ils jugent conformes à une bonne pratique : « Au départ, on se dit sans faire trop grand-chose j’ai 5 000 euros qui arrivent sur le compte d’un jour sur l’autre. Ah ben tiens, c’est très bien. Puis petit à petit on risque de s’habituer à ces 5 200 euros puis encore une fois, si ça devient de plus en plus contraignant, on va se dire : ben tiens, Madame Dupont ça fait trois ans que je lui dis de faire sa mammographie, elle refuse, bon … » (groupe 2, médecin 4). Cet argument apparaît paradoxal dans la mesure où c’est bien en s’appuyant sur cette incitation financière que les concepteurs du dispositif l’ont construit. Nous allons revenir sur ce point dans le paragraphe suivant.

Effet du CAPI sur les pratiques cliniques et risque de sélection des patients

53Tous les médecins adhérents ont déclaré qu’au départ le CAPI leur avait paru peu susceptible d’engendrer a priori des modifications de leurs pratiques vis-à-vis de leur clientèle.

54Deux types d’arguments ont alors été mobilisés lors du débat pour justifier le maintien de cette position après une expérience de six mois :

  • Le premier est que ce qui leur est demandé, s’avérant conforme à leur pratique, ils n’ont donc eu aucune raison d’en changer. Le CAPI constitue donc une aubaine justifiée.
  • Le second argument mis en avant par certains des médecins est plus subtil : leur faible connaissance des valeurs cibles des indicateurs (ce que nous avons pu vérifier par une enquête rapide réalisée durant le déroulement des débats) fait que ceux-ci, logiquement, ne peuvent pas avoir influé sur leurs pratiques : « L’élément quand même majeur qui va contre ça c’est qu’aucun de nous ne connaissait les objectifs du CAPI aujourd’hui, ça veut dire qu’on n’a pas le nez dans les indicateurs » (groupe 1, médecin 2).
Cette position a toutefois évolué au cours du débat : certains médecins ont reconnu un risque potentiel et ont fait l’analogie entre l’existence des indicateurs et l’influence, en matière de prescription, des visites des délégués médicaux, les indicateurs CAPI, par leur simple existence, étant eux aussi susceptibles d’influer « inconsciemment » sur leurs pratiques : « On aime bien croire qu’on n’en tient pas compte ; comme on est un professionnel libéral, on aime bien croire que tout cela n’a pas d’influence sur nous de même que la visite médicale ça ne nous influence pas, la publicité non plus. Le médecin, il est étanche à tout ça, paraît-il. Mais je pense quand même que quand on reçoit nos indicateurs, quelque part, ça laisse une trace qui n’est pas forcément de l’ordre du conscient, mais ça laisse une trace quelque part » (groupe 1, médecin 2).

55Certains ont même reconnu que le fait de participer au CAPI avait effectivement eu un impact. « Oui, mais par exemple les mammographies chez les femmes, je ne suis pas sûr que je le faisais systématiquement » (groupe 1, médecin 2).

56Le risque de sélection des patients a été perçu de manière très différente par les deux groupes. Il n’a pas été évoqué spontanément par les médecins signataires : « Jusqu’à présent, j’avais plutôt l’impression que c’était les malades qui nous choisissaient et pas l’inverse » (groupe 1, médecin 2). Mais, lorsqu’il leur a été rapporté que ce phénomène existait dans d’autres pays, ils ont été d’avis que ce risque pourrait apparaître en France si la rémunération venait à s’élever de façon importante.

57Les médecins non signataires pensent au contraire que le CAPI porte dès aujourd’hui un risque potentiel de sélection des patients, notamment de ceux jugés « non observants ».

58« Ça pousse à sélectionner les bons et les mauvais patients. Ceux qui effectivement respectent et ceux qui ne respectent pas » (groupe 2, médecin 2). Enfin, interrogés sur les effets d’une généralisation, les médecins des deux groupes ont estimé que cela entraînerait une sélection des patients ; les victimes de ce type d’exclusion risquant d’être (pour les médecins du groupe 2) les populations les plus précaires (CMU, ALD, patients psychiatriques …). Ainsi, un outil ayant pour objectif une amélioration de la santé publique risquerait, selon eux, d’accroître les inégalités de santé.

Effet sur la relation avec les patients : confiance, gestion de l’information

59La notion de conflit d’intérêt nous a servi de support pour aborder avec les médecins la manière dont chaque groupe appréhendait les effets du CAPI au regard de la relation médecin-malade. Dans le contexte de la pratique clinique, on dira qu’il existe un conflit d’intérêt (pour le médecin) lorsque ses intérêts, notamment financiers, sont susceptibles d’entrer en concurrence avec les principes déontologiques censés guider ses pratiques de soin, engendrant des pratiques aux effets potentiellement néfastes pour ses patients. Dans le cadre du CAPI, ce conflit peut se manifester par l’existence de comportements biaisés, soit en matière d’information, soit en termes de sélection des patients, cela dans le but d’optimiser le résultat financier au détriment éventuel des besoins de leurs patients. La connaissance, voire le simple soupçon, de la part des patients de l’existence d’un tel conflit est dès lors susceptible de miner la confiance du malade vis-à-vis de son médecin.

60Si l’ensemble des participants s’est accordé pour reconnaître que la mise en place des CAPI était susceptible d’engendrer ce type de conflits, leur probabilité de survenue ainsi que leur conséquence sur la qualité de la relation ont été perçues très différemment au sein des groupes.

61Les médecins non-adhérents ont estimé que la probabilité de ce conflit était élevée et que le CAPI était porteur d’effets très négatifs sur la confiance, laquelle constitue, selon eux, le fondement de la relation médecin-malade, comme en témoigne cette citation : « C’est biaiser la relation entre ce qui fait qu’un patient va voir un médecin : c’est, d’une part, qu’il en a probablement besoin et qu’il est en confiance avec le praticien qu’il va voir. Si, à côté de ce praticien, il y a de façon virtuelle et invisible mais quand même présente un troisième interlocuteur qui est là à dire : non, tel médicament tu retires, c’est plus une relation de confiance » (groupe 2, médecin 4). Ce qui ressort clairement de cet extrait est que, pour ce médecin, le CAPI introduit dans la relation spécifiquement duelle patient-médecin une tierce personne (qui peut être l’assurance maladie voire la Haute Autorité de santé [HAS]). Sa seule présence, même symbolique au travers des indicateurs, est susceptible de dégrader cette relation. Cette conception qu’un tiers symbolique puisse altérer la relation de confiance s’appuie sur le fait que ce(s) nouveau(x) invité(s) défend(ent) chacun des objectifs qui ne sont ni ceux des médecins (comme il a été dit plus haut) ni ceux des patients, étant entendu que ces deux derniers acteurs ont par construction des intérêts partagés dont le médecin est le garant.

62Pour les adhérents au CAPI, ce tiers symbolique peut néanmoins être le garant d’une certaine qualité de pratiques dès lors que sa présence ne constitue pas un facteur négatif de la relation. Ils admettent que le contexte scientifique (HAS) participe implicitement de la consultation médicale, le médecin s’appuyant dans son exercice sur un savoir qui est en perpétuelle évolution. « C’est la différence entre un charlatan et un médecin, c’est que le médecin est obligé de tenir compte des DAS (données actuelles de la science) même s’il ne fait pas que ça : c’est pas une nouveauté en médecine que les recommandations et les données de la science influencent la relation médecin-malade » (groupe 1, médecin 2). Ils admettent aussi que le souci d’économie participe également de leur activité : « Je ne suis pas choqué que la CPAM réfléchisse à des moyens de dégager des économies en améliorant la qualité des soins et la santé de la population » (groupe 1, médecin 3). On s’éloigne ici de la conception « absolutiste » de la confiance du médecin du groupe 2, hors du monde.

63L’information partagée constitue un des éléments permettant d’aboutir et/ou de renforcer la confiance entre tiers. Qu’en est-il alors des effets du CAPI en matière de gestion de l’information ? Quel(s) bruit(s) le CAPI introduit-il ?

64Nous avons déjà signalé que les médecins adhérents avaient une pratique clinique fondée sur le « paternalisme médical ». Elle suppose une délivrance d’information formatée de façon à ce que les patients adoptent un comportement bénéfique de bonne observance. Leur pratique d’information n’a donc pas de raison d’être particulièrement impactée par le CAPI dans la mesure où l’information qu’ils délivrent est par essence orientée : « […] l’info est toujours très orientée » (groupe 1, médecin 4). Cette position explique aussi leur relative facilité à adhérer au CAPI.

65Nous avons vu que, si la confiance constitue pour tous les médecins le socle de cette relation, elle peut admettre chez les médecins du groupe adhérents des accommodements dont ils sont les seuls juges du bien-fondé. Dans cette conception de la confiance, le fait de ne pas informer complètement un patient ne constitue pas nécessairement une faute professionnelle si cette omission est considérée comme utile ou non fondamentale. C’est à notre avis ce qui explique pourquoi ils n’ont pas été choqués par le fait qu’un patient n’ait pas à être informé par son médecin traitant du fait qu’il a adhéré au CAPI ; ou que son accord ne soit pas requis pour que celui-ci puisse l’appliquer. Ce déficit d’information, au contraire, a constitué un motif supplémentaire aux médecins de l’autre groupe pour ne pas adhérer : « Où sont les patients là-dedans ? On travaille avec l’EBM ; on travaille avec des DAS ; mais on travaille (aussi) avec des patients. Quand on oublie le patient, moi je n’aime pas bien » (groupe 2, médecin 2).

66Pourtant, et contrairement à ce que ces propos pourraient laisser supposer, les médecins non-adhérents ne se situent pas, en termes de gestion de l’information, dans le cadre de référence de la décision partagée. Comme les médecins du groupe 1, leur approche en matière d’information au patient relève bien du modèle paternaliste. Mais la dynamique des débats a fait que la question de la gestion de l’information n’a occupé qu’un temps très limité : la discussion a en effet rapidement dévié sur un problème ressenti de façon beaucoup plus aiguë, le comportement jugé « non contrôlable » d’une partie de leur clientèle, c’est-à-dire sur l’impuissance des médecins à les canaliser : « Et puis ce que le patient en fait derrière. Nous on peut prescrire quatre fois par an une HbA1c, si le patient se dit bon ben la dernière elle était bonne, ça m’ennuie, puis il y a le baptême machin, donc j’y vais pas ; on n’a pas les quatre, nous on les a prescrites mais on n’a pas les quatre dans le dossier » (groupe 2, médecin 6) ; impuissance qui s’apparente parfois à une forme de résignation : « Moi je veux bien qu’on m’envoie cinq fois par an ce type de document, pour la plupart je le sais déjà, j’essaye de m’y astreindre au mieux ; par contre je peux pas aller contre, je me bats pas contre des moulins à vent. On fait pas boire un âne qui n’a pas soif » (groupe 2, médecin 4).

67Cette difficulté à canaliser le comportement de leurs patients a même poussé une partie des médecins à estimer que l’action de l’assurance maladie devrait plutôt consister (la campagne sur les antibiotiques ayant été donnée en exemple) à aider les médecins à discipliner les malades : « J’ai l’impression d’être un petit peu isolé en tant que professionnel de santé dans mon petit cabinet face aux patients. Si la sécu, au lieu de me dire docteur X et de me taper sur les doigts comme un collégien, se mettait à mon côté pour dire au patient effectivement peut-être sous forme de courrier … » (groupe 2, médecin 4).

Synthèse des résultats

68Au total, les médecins appartenant à chaque groupe se clivent fortement sur deux dimensions : le jugement vis-à-vis de l’assurance maladie et le contrôle exercé sur leurs patients en lien avec leur jugement sur leur capacité à atteindre des objectifs fixés.

69Le groupe des adhérents au CAPI apparaît constitué de professionnels qui, globalement, sont relativement satisfaits des conditions institutionnelles de leur pratique. Ils disent pouvoir s’accommoder de l’assurance maladie en dépit du jugement plutôt négatif qu’ils en ont. Ils acceptent comme un fait assez naturel que celle-ci puisse avoir des objectifs spécifiques, notamment en matière de contrôle du coût des soins, et donc estiment être en position de répondre de façon pragmatique à ses initiatives. Une « vigilance armée » s’impose, mais qui n’est pas incompatible avec des collaborations ponctuelles (telles qu’élaborer conjointement de nouveaux indicateurs). Jugeant que les indicateurs proposés constituaient un reflet acceptable de leur pratique, ils ont accepté d’adhérer au CAPI dès lors qu’ils ont estimé que celui-ci n’affecterait pas leur pratique ni ne constituait une réelle menace pour leur autonomie et le paiement à l’acte. Mais, dès lors qu’ils jugeraient que l’un ou l’autre de ceux-là serait menacé, ils ont déclaré qu’ils sortiraient de l’expérimentation. Ces médecins, très « traditionnels » au regard de leur conception de leur rôle, et donc porteurs des intérêts de leurs patients, en dépit d’une perte admise de leur pouvoir et de leur statut, renvoient une image de maîtrise de leur expertise leur permettant d’avoir prise sur les comportements de leurs patients, notamment en matière d’observance, fût-ce au prix d’une éventuelle distorsion dans les informations qu’ils leur transmettent.

70Le groupe des non-adhérents offre une image « en miroir » du groupe 1 : ils affichent un sentiment d’hostilité quasi irréductible à l’égard de l’assurance maladie associé à un sentiment de non-maîtrise de leur patientèle. Le premier trait explique leur opposition à toute initiative de l’assurance maladie, d’où leur décision de ne pas participer au CAPI. L’assurance maladie est accusée de contribuer à une entreprise de dénigrement des médecins, se traduisant par la dévalorisation de leur statut et de leurs revenus. Le principe du paiement à la performance et le bonus financier proposé sont interprétés comme la marque d’un double mépris à leur égard : une remise en cause de leur engagement professionnel et une insulte eu égard aux efforts exigés en contrepartie. L’autre élément caractéristique de la dynamique professionnelle de ce groupe est l’impuissance qu’ils manifestent face aux comportements de leurs patients, se traduisant entre autres par leur incapacité à orienter leurs conduites, notamment dans le sens d’une observance. Ce sentiment, qui s’accompagne d’une très forte dévalorisation de leur statut, débouche sur une série de jugements ou de demandes contradictoires et/ou paradoxales : faire appel à l’assurance maladie, castratrice mais toute-puissante, afin qu’elle les aide à canaliser le comportement de malades échappant à leur magister ; estimer que l’information des patients et leur accord explicite auraient dû être des préalables à la signature du CAPI alors que cela revient de facto à renforcer leurs pouvoirs. Refuser une rémunération supplémentaire alors que la majorité des médecins du groupe se sont plaints de leurs revenus qu’ils relient à la faiblesse des tarifs des consultations. Enfin, l’un des motifs déclarés de leur refus, à savoir qu’une forme d’accoutumance au surcroît de rémunération ne les amène à renoncer à leur indépendance professionnelle, traduit de façon extrême ce sentiment de perte de maîtrise de leur cadre d’exercice professionnel.

Discussion

71Ce travail est exploratoire à une plus vaste enquête, et donc les résultats présentés ici n’ont pas la prétention de résumer l’ensemble des déterminants susceptibles de dicter l’attitude des professionnels vis-à-vis du programme CAPI, notamment du fait de la faiblesse des échantillons eu égard en particulier à l’extrême hétérogénéité de la profession des généralistes. Mais, sans revenir sur cette question de la représentativité et sur le fait que nos échantillons ne sont pas issus d’un tirage aléatoire, nous pouvons néanmoins analyser le type de biais introduits par notre méthode de recrutement, analyse qui nous servira pour la phase suivante : celle de la discussion de la validité et de la généralité de nos résultats en l’orientant selon deux questionnements :

  • Nos résultats traduisent-ils l’existence de mécanismes de décision ayant une portée générale ? En particulier, la position des médecins vis-à-vis de l’assurance maladie constitue-t-il le facteur dominant de ce choix ? En existe-t-il d’autres indépendants de ce dernier ?
  • Les jugements concernant les trois autres dimensions explorées peuvent-ils être considérés comme traduisant les positions de l’ensemble des adhérents et des non-adhérents ?

Effet du mode de recrutement

72La non-représentativité des deux groupes est bien sûr liée d’abord à leur faible effectif. Mais l’effet du recrutement (pour le groupe adhérent) et la dynamique des débats (pour les non-adhérents) ont aussi un impact sur les résultats obtenus.

73Le recrutement des médecins adhérents s’est avéré très délicat. Après plus de 100 appels, un seul des médecins sollicités a accepté de participer au focus. Pour compléter ce groupe, nous avons fait appel à la « mailing liste » de la Société française de médecine générale (SFMG), comptant plus de 6 000 contacts dont 2 000 en Île-de-France, et la rémunération a été revue à la hausse. Cela n’a permis de recruter qu’un seul médecin. Nous avons alors dû utiliser la méthode dite de la « boule de neige » qui consiste à s’appuyer sur le groupe de médecins déjà recrutés. Cela nous a permis de recruter cinq médecins supplémentaires. Sur les sept ainsi recrutés, six ont finalement participé. L’hypothèse expliquant la difficulté à recruter des médecins adhérents est la suivante : la controverse régnant lors de la mise en place des CAPI a créé un effet de stigmatisation assez fort pour que les médecins sollicités soient réticents à participer à des entretiens collectifs, même avec des médecins « du même bord ». Les médecins adhérents ont validé notre hypothèse : selon eux, accepter de participer au CAPI revient à se définir aux yeux de leurs confrères comme un « paria », car allié de l’assurance maladie, ce qui était à cette époque une situation difficile à assumer. Les médecins recrutés ont donc de fortes chances de représenter un sous-groupe très particulier parmi les médecins adhérents. Le fait, en particulier, qu’ils soient presque tous maîtres de stage en est un signe. Mais nous ne pensons pas pour autant que cela invalide nos résultats. En effet, le fait que les médecins recrutés se réfèrent plutôt à un modèle traditionnel de leur rôle permet de faire l’hypothèse que leurs opinions reflètent néanmoins celles d’une partie non négligeable des médecins adhérents.

74Le recrutement des non-signataires n’a pas posé de problème, probablement du fait que leur position sur le CAPI reflétait l’opinion dominante dans le débat public. A priori, ce groupe devrait refléter la position de la majeure partie des médecins hostiles au CAPI. Mais trois éléments nous amènent à tempérer cette hypothèse. D’une part, il se trouve que la majorité des participants a utilisé le débat comme une opportunité pour pouvoir livrer « ce qu’ils avaient sur le cœur », à savoir leurs difficultés globales d’exercice, voire la souffrance qui les accompagnait. Cette situation a peu de chance de refléter celle de leurs pairs non-adhérents.

75Il se peut que nous ayons recruté des médecins « en crise d’identité » (Naiditch et Bremond, 2002). Par ailleurs, la forte homogénéité des positions de ce groupe, et notamment son caractère très hostile à l’assurance maladie, résulte en partie d’une dynamique des échanges particulière, leur position extrême s’étant en partie construite en réaction à la position plus tempérée vis-à-vis de l’assurance maladie du médecin favorable au CAPI et du jeune médecin qui s’est retrouvé « par erreur » dans ce groupe. Cela constitue un second argument pour estimer que ce groupe constitue une frange particulière des professionnels opposés au CAPI parmi ceux qui s’opposent de façon radicale à l’assurance maladie. Mais cette opposition peut aussi être le résultat d’un processus de construction très différent : à défaut de procéder d’un construit « expérientiel » en réponse à l’action des délégués des caisses, comme c’est le cas de nos médecins non-adhérents, cette opposition peut résulter d’une analyse critique à caractère plus politique de son rôle (Ménard, 2010) et donc ne pas déboucher sur une anomie des pratiques. Au total, les médecins du groupe 2, bien que recrutés aisément, constituent un groupe particulier parmi les non-signataires.

Validité et généralité des résultats

76Qu’en est-il alors de la validité de nos résultats ? Et d’abord quelle place en termes de déterminants du choix revient au jugement porté sur l’assurance maladie ?

77Les médecins que nous avons interrogés étaient peu au courant du contenu objectif du CAPI. Les seuls éléments de connaissance « objective » dont ils disposaient provenaient des informations délivrées par les délégués de l’assurance maladie. Mais ceux-là ne leur permettaient pas de maîtriser ni les concepts du paiement à la performance ni le contenu réel des indicateurs, et les médecins n’avaient pas connaissance des données de la littérature. Dans ces conditions, ils ont tous été amenés à formuler leur jugement sur la base des débats au sein de leur environnement professionnel et à prendre leur décision dans le contexte de la controverse publique ayant fait suite à l’annonce de la mise en place du CAPI. Sa teneur très négative reposait à la fois sur une mise en exergue des effets potentiellement délétères de ce dispositif construit et proposé par l’assurance maladie et sur ses objectifs sous-jacents de contrôle des pratiques. Ces conditions du choix (qui concernent en fait, à l’exclusion d’une étroite frange d’experts, l’ensemble des médecins) faisaient donc du facteur « teneur du jugement sur l’assurance maladie » un candidat prépondérant parmi les déterminants du choix. Nous avons de fait constaté que le jugement franchement hostile vis-à-vis de l’assurance maladie a été central pour le choix du groupe 2 et qu’il a entièrement « coloré » leur appréciation globale sur l’outil et ses usages. À l’inverse, leur plus grande tolérance vis-à-vis du rôle de l’assurance maladie s’est avérée moins déterminante chez les médecins ayant répondu favorablement. D’autres facteurs favorisant ont joué, comme leur jugement plutôt favorable aux indicateurs ou le fait que le dispositif ne menaçait pas leur autonomie professionnelle ou la place prépondérante du paiement à l’acte, mais avec un poids moindre.

78Cependant, cette configuration ne peut être tenue pour générale, notamment en termes de poids relatif et parce qu’à d’autres groupes de praticiens vont correspondre des configurations différentes en termes de déterminants. Ainsi, il existe un certain nombre de médecins qui, bien que se situant dans une position de nonhostilité systématique vis-à-vis de l’assurance maladie, refusent d’adhérer au CAPI sur la base de la critique radicale a priori qu’ils font des indicateurs et qui sont distincts des effets a posteriori jugés délétères du paiement à la performance en lui-même. Leur critique porte en priorité sur l’incapacité des indicateurs associés au CAPI à saisir ce qui fait le cœur du métier et des pratiques des généralistes (SMG, 2010). Ces médecins déniant la validité des indicateurs CAPI à mesurer la qualité des pratiques ne vont donc pas y adhérer. Ici donc le facteur assurance maladie est second par rapport au facteur CAPI.

79Qu’en est-il alors de la validité des résultats obtenus sur les autres axes d’analyse : peut-on croire en particulier les médecins adhérents lorsqu’ils nous disent ne pas avoir constaté de changements dans leurs pratiques (Urfalino et al., 2001). D’une part, deux d’entre eux ont fini par admettre que, pour certains indicateurs, ça n’était pas le cas. Par ailleurs, les arguments utilisés pour expliquer cette stabilité interrogent sur le degré de confiance qu’on peut attribuer à leur déclaration : celles-ci ne témoigneraient-elles pas d’une tentative de rationalisation a posteriori de leurs choix, justifiant le fait d’accepter une rémunération supplémentaire par l’absence d’effet de l’outil. Les résultats récents publiés par la Caisse nationale de l’assurance maladie lors de la présentation des premiers résultats du CAPI (Polton et Aubert, 2010) permettent d’en douter, ils montrent que les résultats en termes de pratiques ne sont pas au niveau auquel les médecins adhérents déclarent se situer (cf. annexe 3).

80Le fait d’adhérer traduit-il alors un simple effet d’aubaine. Ce serait le cas si les médecins adhéraient exclusivement pour des raisons financières, leur jugement sur l’ensemble du dispositif CAPI étant totalement négatif [5]. Nous ne le pensons pas dans la mesure où nos médecins étant plutôt favorables aux indicateurs ont des raisons autres que financières d’adhérer. On pourrait néanmoins parler dans ce cas d’effet d’aubaine de second ordre.

81Enfin, notre segmentation, pour partielle qu’elle soit, peut être mise en regard des travaux de sociologues dans le champ de l’éducation où les enseignants sont de plus en plus soumis à diverses formes d’incitation externes. Ces recherches ont mis en évidence chez les professeurs des collèges et lycées un certain nombre de sous-groupes repérés selon deux facteurs de différenciation assez similaires aux nôtres : d’une part, leur jugement vis-à-vis du rôle joué par l’administration de l’éducation nationale (qu’on peut comparer à l’assurance maladie), d’autre part, l’usage de leur expertise professionnelle (Raynaud et Thibaud, 1990 ; Maurin, 2008 ; IGEN, 2010).

Conclusion

82Aucun travail systématique n’avait, à notre connaissance, cherché à interroger, par entretiens, des médecins généralistes français sur les motifs qui les avaient amenés à accepter ou pas de participer au programme français CAPI de paiement à la performance. Notre étude a permis de mettre en évidence une segmentation entre médecins adhérents et non-adhérents se caractérisant par des positionnements sinon orthogonaux du moins assez tranchés sur les quatre dimensions analysées et qui témoignent d’une dynamique professionnelle contrastée.

83C’est la manière différente de chaque groupe de médecins de percevoir son environnement institutionnel de proximité, et notamment son positionnement vis-à-vis de l’assurance maladie, qui est apparue comme étant le facteur le plus déterminant dans le choix de participer ou non au CAPI. Mais nous avons aussi montré que le positionnement vis-à-vis de l’assurance maladie était loin d’épuiser le champ des déterminants possibles. Le jugement porté sur le CAPI, analysé dans sa double dimension de mode de rémunération et d’indicateur de qualité des pratiques, est lui aussi susceptible de constituer un facteur important et même décisif pour certains médecins dans leur choix d’adhérer ou de ne pas adhérer, en dépit de leur non radicale opposition à l’assurance maladie.

84Seule une enquête en population générale, dont le contenu s’appuierait en partie sur nos résultats, serait susceptible de mieux appréhender l’ensemble des différents mécanismes liés au choix d’adhérer ou pas au CAPI, d’en mesurer les poids respectifs en fonction des caractéristiques des médecins et de leurs conditions d’exercice, tout en contribuant à la construction d’une segmentation des médecins affinant notre division binaire et plus prédictive de leurs choix.

85Les limites de notre étude n’empêchent pas de souligner un autre apport possible de nos résultats en matière de politique de régulation.

86L’assurance maladie souhaite généraliser ce programme en l’incluant dans la convention médicale, répondant ainsi à une critique des syndicats. Une autre évolution envisagée est de rendre le CAPI « collectif » en cas d’exercice en groupe de façon à récompenser l’effort de l’ensemble des professionnels et de favoriser la mutualisation des résultats. Mais on demeure toujours dans le cadre des incitations financières, c’est-à-dire celui des motivations externes.

87Qu’en est-il alors du rôle des motivations internes non financières ? Prenant appui sur le débat théorique concernant l’efficacité comparée des incitatifs monétaires et non monétaires à changer le comportement des groupes ciblés, et sans revenir sur l’abondante littérature qui s’y rapporte issue des champs de la psychologie sociale, du management et de l’économie (Janus, 2010 ; Fries 1997), nos résultats permettent d’illustrer sous quelles conditions motivations externes et motivations internes peuvent s’avérer agonistes ou antagonistes.

88Pour les médecins adhérents, la récompense financière faible traduit « symboliquement » la reconnaissance de leur « savoir-faire » et les deux motivations opèrent en se renforçant. Dans ce cas, leurs intérêts et ceux de l’assurance maladie promotrice du CAPI s’avèrent compatibles du fait que le niveau faible de la rémunération est interprété par les médecins comme ne remettant pas en cause l’autonomie des médecins ni le paiement à l’acte qui constituent des repères fondamentaux pour leur exercice. Cet effet agoniste (ou incluant) n’est cependant pas automatique car il dépend du niveau de l’incitatif financier lié au CAPI : c’est sa modération qui les incite à y adhérer. Mais, dès lors que le niveau de la récompense financière augmenterait, celle-ci étant interprétée comme traduisant d’autres objectifs de l’assurance maladie jugés par eux menaçants, par exemple diminuer l’importance relative du paiement à l’acte, ils remettraient en cause leur participation. Dans ce cas, la motivation externe devient antagoniste et excluante (pour reprendre le terme anglo-saxon de carving out), d’où leur non-participation traduisant une transformation de leur appréciation de la stratégie du promoteur.

89Les médecins non-adhérents, ayant estimé que les objectifs poursuivis par la sécurité sociale aux travers des CAPI et ceux des médecins étaient fondamentalement en opposition, ont décidé de ne pas adhérer. Le fait qu’il faille les payer pour qu’ils aient une pratique de qualité a été interprété comme traduisant les doutes de l’assurance maladie sur la capacité de leur seule motivation professionnelle (interne) à générer de bonnes pratiques et a renforcé leur attitude de retrait. Le faible niveau de la rémunération du CAPI a de même été interprété par les nonadhérents de façon négative, la faiblesse du bonus traduisant leur faible place sur l’échelle sociale et justifiant encore plus leur non-participation. Au total, c’est l’ensemble de leurs motivations internes qui est en quelque sorte « nié » par l’incitatif financier.

90Si, dans ce cas de figure, on ne peut parler d’effet désincitatif pur par refus a priori de toute rémunération de la part des médecins (comme cela est le cas pour les donneurs de sang bénévoles), on peut néanmoins estimer qu’on a affaire à une forme de désincitation « de second ordre » dans la mesure où la récompense financière proposée par l’assurance maladie fait obstacle à la demande de reconnaissance d’ordre symbolique des médecins. En cela il existe une forme d’analogie avec celle qui s’exprime dans le cas des bénévoles au travers du refus de toute rémunération (Arrow, 1972 ; Culyer, 1968 ; Titmuss, 1970 et 1971).

91Ce dernier point invite à réfléchir à la possibilité d’outils alternatifs au paiement à la performance et permettant de réguler l’activité des médecins généralistes tout en améliorant la qualité de leur pratique. À partir de nos résultats, mais aussi des travaux empiriques montrant la capacité des « incitations non monétaires » à changer le comportement des professionnels de santé (Mechanic, 2003), l’assurance maladie aurait tout intérêt à réfléchir à l’intérêt qu’il y aurait à coupler ce type d’outils avec ceux qu’elle promeut notamment aux travers du CAPI.

Remerciements

À toute l’équipe de recherche Prospere (Yann Bourgueil, Philippe Le Fur, Julien Mousquès, Carine Franc, Nicolas Krucien, Marc Le Vaillant, Nathalie Pelletier-Fleury, Philippe Boisnault, Pascal Clerc, Didier Duhot, Philippe Szidon, Thomas Cartier), au laboratoire d’éthique médicale de Paris-V et à Véronique Ghadi.

Annexe 1

Guide d’entretien avec le groupe des médecins signataires du CAPI

92Cette recherche porte sur la mise en place des CAPI dans l’exercice des médecins généralistes, les questions que cela vous pose, après quelque temps d’expérience.

93Rapidement, nous allons faire un tour de table pour vous permettre de vous présenter. Je vous propose de nous préciser :

941) Votre lieu d’exercice.

952) Votre mode d’exercice.

963) Votre type de clientèle.

974) Votre ancienneté d’exercice.

985) Ce qui vous a conduit à choisir la médecine générale.

996) Autres fonctions (syndicaliste, enseignant …).

100Vous avez tous adhéré au CAPI, quelle a été votre motivation ?

101– Comment avez-vous perçu le CAPI ?

102– Quels sont selon vous ses objectifs ?

103Que retenez-vous comme indicateurs les plus marquants du CAPI ? (Distribution des indicateurs)

104– Certains vous posent-ils problème ?

105– Quels seraient d’autres types d’indicateurs et pourquoi ?

106– Certains ont-ils une influence sur vos pratiques ?

107Concrètement, lorsque vous recevez des patients en consultation dont la prise en charge correspond à un des indicateurs, y pensez-vous ?

108– Cela vous est-il déjà arrivé d’aller à l’encontre de ce qui vous semblait préférable pour votre patient pour satisfaire les indicateurs du CAPI ?

109– Concrètement, comment avez-vous arbitré entre une position favorable à la réalisation du CAPI et votre conception du besoin de la personne ?

110Je vais vous proposer des assertions auxquelles je vous invite à réagir :

111– L’adhésion à un CAPI conduit inévitablement à mettre en place des stratégies de choix des malades les plus faciles à prendre en charge afin d’augmenter la probabilité de bons résultats.

112– L’adhésion à un CAPI pousse à appliquer des protocoles sans prendre en compte la spécificité de la situation du malade et peut alors aboutir à de mauvaises décisions.

113– L’effort fait sur les dimensions visées par les CAPI induit un désinvestissement d’autres dimensions pourtant essentielles.

114– Le respect des CAPI aura un impact sur la relation au patient, dans la mesure où l’incitation à appliquer des protocoles réduit la prise en compte du point de vue des patients et incite à une information orientée.

115– Les médecins généralistes vont être payés à faire ce qu’ils devraient déjà faire, c’est méprisant pour la profession.

116– Le paiement à la performance améliore la prise en charge des patients.

117Pensez-vous que la mise en place des CAPI risque d’avoir un impact sur l’image et la place de la médecine générale ?

118Enfin, question subsidiaire :

119Pourquoi le recrutement est-il si difficile ? Pourquoi vos confrères ne sont-ils pas venus ?

Annexe 2

Guide d’entretien avec le groupe des non-signataires du CAPI

120Cette recherche vise à analyser le point de vue de médecins ayant ou non adhéré au dispositif des CAPI au début de sa mise en place ainsi qu’à la description des premiers effets que la mise en application de ce dispositif a produit (ou non) sur leurs pratiques cliniques.

121Rapidement, nous allons faire un tour de table pour vous permettre de vous présenter. Je vous propose de nous préciser :

1221) Votre lieu d’exercice.

1232) Votre mode d’exercice.

1243) Votre type de clientèle.

1254) Votre ancienneté d’exercice.

1265) Ce qui vous a conduit à choisir la spécialité de médecine générale.

1276) Autres fonctions (syndicaliste, enseignant/maître de stage…).

128Dans ce groupe, aucun de vous n’a adhéré au CAPI. Pourquoi ?

129– Comment avez-vous perçu le dispositif des CAPI ?

130– Quels sont selon vous ses objectifs ?

131Plus précisément, les indicateurs du CAPI vous posent-ils problème ? Si oui lesquels ? (Distribution des indicateurs du CAPI)

132Parmi les indicateurs, quels sont ceux dont la construction et/ou le contenu médical vous paraît(aissent) indiscutable(s) ; discutable(s) ; contraire(s) aux intérêts des patients ?

133Quels seraient d’autres types d’indicateurs possibles ? Je vais vous proposer des assertions qui ont été évoquées par des médecins ayant adhéré au CAPI et je vous invite à y réagir :

134– Les CAPI augurerait d’une nouvelle relation avec les caisses qui privilégie la carotte au bâton.

135– La faiblesse des sommes en jeu ne conduira jamais les médecins à adopter des pratiques contraires à ce qui leur semble être la plus adaptée au patient.

136– Il est important d’être nombreux à adhérer pour le faire évoluer.

137– C’est une façon facile de gagner un peu plus, mes pratiques correspondent déjà aux indicateurs.

138– Les indicateurs contenus dans le CAPI sont vraiment le minimum de la qualité des soins.

139– Je peux quitter quand je veux et facilement si cela évolue mal.

140L’application du CAPI peut-elle entrer en conflit avec des valeurs ? Lesquelles ?

141Pensez-vous que la mise en place des CAPI risque d’avoir un impact sur l’image et la place de la médecine générale ?

142Le fait de « récompenser » financièrement des médecins pour qu’ils fassent ce qu’ils devraient faire « naturellement » :

143– constitue une manifestation indirecte de mépris pour la profession;

144– risque d’aboutir à des effets contraires à ceux recherchés.

Annexe 3

Réponses obtenues au cours des entretiens avec les médecins sur les différents indicateurs du CAPI

tableau im1
Signataires au 1er juillet 2009 non-signataires indicateur taux initial taux à fin juin 2010 évolution taux initial taux à fin juin 2010 évolution Grippe 63,8 % 64,4 % 0,7 63,3 % 63,6 % 0,3 mammographie 65,3 % 65,3 % 0 65,2 % 65,1 % – 0,1 Vasodilatateurs 13,7 % 11,8 % – 1,9 14,2 % 12,7 % – 1,5 Benzodiazépines à ½ vie longue 15,7 % 14,7 % – 1 15,5 % 14,9 % – 0,6 Dosages d’hba1c 40,3 % 44,6 % 4,2 39,8 % 41 % 1,2 Fond d’œil 42,8 % 44,6 % 1,8 42 % 42,6 % 0,6 Diabétiques sous hta et statines 53,1 % 57 % 3,9 52,7 % 55 % 2,2 Diabétiques sous hta, statines et aspirine à faible dose 41,7 % 47,1 % 5,4 40,8 % 42,1 % 1,3 antibiotiques 71,2 % 70,2 % – 1 70,7 % 68,8 % – 2 iPP 44,8 % 63,6 % 18,9 42,2 % 57,5 % 15,3 statines 42,6 % 42,5 % – 0,2 41,6 % 38,7 % – 3 anti-hypertenseurs 49,7 % 61,6 % 11,9 49,6 % 61 % 11,4 antidépresseurs 70,1 % 67,7 % – 2,4 69,6 % 66,4 % – 3,1 ieC/ieC+ sartans 40 % 41,3 % 1,4 40 % 39,5 % – 0,5 aspirine à faible dose 79,7 % 81,2 % 1,4 79,4 % 80 % 0,6
SOURCES • Polton et Aubert, 2010.

Bibliographie

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Notes

  • [*]
    Olivier Saint-Lary, chef de clinique assistant au département de médecine générale de Paris - Île-de-France - Ouest et membre de l’équipe Prospere.
    Isabelle Plu, médecin de santé publique, chargée d’enseignement au laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale de l’université Paris-Descartes.
    Michel Naiditch, médecin de santé publique, chercheur associé à l’IRDES et membre de l’équipe Prospere.
  • [1]
    En anglais, le chiffre 4 (four) se prononce comme « pour » (for), et P4P est donc un acronyme pour Payment For Performance (paiement à la performance).
  • [2]
    De manière à faire connaître le nouveau dispositif, les DAM ont eu pour mission d’expliquer le contenu et les objectifs du CAPI aux médecins éligibles. Ils semblent leur avoir également souvent montré combien ils seraient susceptibles de gagner « en plus » s’ils adhéraient à ce programme.
  • [3]
    Focus groups ou groupe de discussion : forme de recherche qualitative fondée sur l’idée que les perceptions et opinions vont émerger d’une discussion et d’une confrontation d’arguments (par opposition à l’entretien en face en face dans lequel l’opinion se constitue dans un dialogue entre le chercheur et le sujet).
  • [4]
    Un questionnaire construit à partir des données obtenues lors des focus groups a été envoyé par voie électronique à 6 565 médecins en mai 2011, son analyse est actuellement en cours.
  • [5]
    Une étude réalise par la société Direct Research et portant uniquement sur des médecins adhérents a montré l’existence de ce type de comportement.
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