Couverture de RFAS_072

Article de revue

Les loisirs des populations issues de l'immigration, miroir de l'intégration

Pages 83 à 111

Notes

  • [*]
    Chargé de recherche à l’Observatoire sociologique du changement (CNRS/FNSP) et au Laboratoire de sociologie quantitative du CREST, à l’INSEE.
  • [1]
    Pour chaque activité, la variable renseignée dans l’enquête « Histoire de vie » porte simplement sur le fait d’avoir ou non pratiqué l’activité en question dans les douze mois précédant l’enquête, sans indication de fréquence.
  • [2]
    Pour reprendre la terminologie en vigueur à l’INSEE pour désigner l’ensemble des pratiques non marchandes effectuées dans l’environnement domestique dont la dimension hédoniste n’est pas exempte de finalités utilitaires.
  • [3]
    Estimation de l’effet propre de l’origine géographique, contrôlé par le sexe, l’âge, le diplôme, le revenu, la catégorie et l’origine sociale sur la probabilité de pratiquer la lecture – modèle logit dichotomique.
  • [4]
    Il y aurait beaucoup à dire sur la catégorisation de la lecture comme activité de culture « savante » et sur celle de la fréquentation des salles de cinéma comme activité de culture de masse, en l’absence d’information sur le contenu des lectures et sur la nature des films vus. En l’absence de données, on est conduit à ce type de simplification. Il y a cependant des chances que la lecture, en tant que telle, s’inscrive dans un répertoire d’activités culturelles plus légitime que la fréquentation du cinéma en tant que telle, et que l’une et l’autre puissent ainsi être tenues pour des indicateurs plus larges d’orientation du comportement culturel.
  • [5]
    Voir, notamment, Stéphane Beaud et Gérard Noiriel, « L’immigration dans le football », Vingtième siècle, n° 26, 1990, p. 83-96.

1La question de l’intégration des populations immigrées et issues de l’immigration a principalement été abordée en France au travers de ses dimensions économiques, scolaires, familiales et matrimoniales. Dans l’ensemble, les travaux consacrés à cette question mettent en avant une tendance générale à l’assimilation qui se manifeste notamment, au fil des générations, dans la progression des intermariages, dans le rapprochement des normes de fécondité de la société d’accueil, ou encore sur le terrain des performances scolaires (Vallet et Caille, 1996) et universitaires comme des attitudes religieuses, morales et politiques (Tribalat, 1995 ; Brouard et Tiberj, 2005). Les populations immigrées et issues de l’immigration demeurent cependant dans la société française contemporaine l’objet d’importantes discriminations, notamment dans l’accès à l’emploi ou au logement (Tribalat, 1995 ; Todd, 1994), et sujettes à des phénomènes de ségrégation spatiale, sans commune mesure toutefois avec les phénomènes de ghettoïsation ethnique tels qu’on peut les observer en Amérique du Nord (Wacquant, 1992).

2Une part importante des obstacles à l’intégration que manifestent ces phénomènes opère de manière diffuse, au travers des représentations subjectives de l’altérité des modes de vie, des habitudes culturelles, des normes et des valeurs dans une grande variété de registres, qui vont des habitudes culinaires ou vestimentaires aux styles éducatifs en passant par les rites festifs ou familiaux et les comportements de voisinage.

3Pour autant, les diverses formes de rejet dont les populations allochtones font l’objet, et qui vont de l’expérience de la discrimination à l’expression pure et simple du racisme ou de la xénophobie, s’appuient souvent sur une représentation largement fantasmée de la différence culturelle de populations qui, soumises aux effets cumulés de la massification scolaire, de l’influence des mass media et des industries culturelles, mais aussi des obstacles que la conception universaliste de la citoyenneté oppose en France à l’expression des particularismes identitaires, manifestent généralement un degré élevé d’acculturation aux styles de vie dominants des Français « de souche ». La contradiction entre les discriminations sociales et économiques dont les populations immigrées et issues de l’immigration font l’objet et le degré élevé d’intégration culturelle qu’elles manifestent dans l’ordre de la consommation, des pratiques culturelles, des loisirs et, plus largement, des styles de vie sont du reste parfois avancés comme une caractéristique majeure de la situation vécue par ces populations sur le sol français (Dubet, 1987 et 1989).
L’ampleur de cette contradiction, dont le constat est principalement fondé sur des observations de nature ethnographique, est toutefois délicate à mesurer. Les indicateurs de la différenciation ethno-raciale des styles de vie sont en effet peu nombreux dans la statistique publique française, et si, dans ce domaine, l’impact des variables économiques (revenu, patrimoine), sociales (âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle) et culturelles (niveau d’éducation) est largement documenté, il n’en va pas de même des dimensions ethniques, nationales ou communautaires. Les données collectées en 2003 par l’INED et l’INSEE dans l’enquête « Histoire de vie - Construction des identités » (HDV), offrent à cet égard une des rares opportunités d’approche statistique de ces dimensions. Cette enquête comportait une série d’indicateurs relatifs aux loisirs et aux pratiques culturelles sur lesquels s’appuient les analyses développées dans cet article (voir encadré).

Encadré : loisirs et pratiques culturelles en fonction de l’origine dans l’enquête « Histoire de vie »

Les dimensions ethniques, nationales ou communautaires des styles de vie figuraient parmi les objectifs explicites de l’enquête « Histoire de vie – Construction des identités » (INSEE, 2003), fondée sur un dispositif d’échantillonnage comportant une surreprésentation délibérée des populations immigrées et issues de l’immigration et des possibilités d’identification du lieu de naissance des individus et de leurs ascendants rarement offertes dans les enquêtes françaises
La définition de la variable « origine »
Dans cette enquête étaient renseignés le pays de naissance des personnes interrogées et celui de leurs ascendants directs. Sur la base de ces informations, il est possible de distribuer la population en fonction de l’origine géographique, indépendamment du critère de la nationalité. On peut ainsi distinguer neuf groupes, en combinant le statut migratoire des personnes (« né en France de parents nés en France » ; « né en France d’au moins un parent né à l’étranger » ; « né à l’étranger ») et l’origine géographique, distribuée en quatre catégories (Italie, Espagne, Portugal ; autres pays européens ; Afrique, Maghreb, Turquie, Moyen-Orient ; autres pays). Dans le commentaire des résultats, on évoquera par la suite les Français « de souche », les immigrés de « première » et de « seconde » génération des différentes origines, quelles que soient les imperfections de ces désignations.
Loisirs et pratiques culturelles concernés par l’enquête
L’enquête comportait, par ailleurs, un certain nombre de questions relatives aux loisirs, aux pratiques culturelles et aux activités sportives, qui, bien qu’occupant une place modeste dans le questionnaire, permettent de construire une série d’indicateurs sur les différences observées dans ces domaines au regard de l’origine des répondants. On a retenu pour cette étude 18 variables qui, pour la plupart, prennent la forme de variables dichotomiques, codées 1 (ou affectées d’un signe + dans les graphiques) lorsqu’elles sont pratiquées par les répondants, et 0 (signe –) lorsqu’elles ne le sont pas (cf. tableau 3).

Les loisirs et les pratiques culturelles face aux enjeux de l’intégration

4Le domaine des loisirs, qui peut sembler relativement mineur, au regard des enjeux soulevés par les questions d’immigration dans le débat public, a pourtant été fortement investi en France, depuis le début des années quatre-vingt, par les acteurs des politiques sociales d’intégration, à travers l’action menée dans les quartiers à forte présence immigrée dans le domaine du sport ou de l’animation socioculturelle, notamment, relayant auprès des populations concernées les registres concurrents de l’encadrement des loisirs ouvriers et de l’éducation populaire. Ce domaine apparaît aussi comme un révélateur pertinent de la tension qui se joue, dans les politiques d’intégration, entre l’encouragement à l’assimilation et le respect de la diversité. Il est aussi un domaine où se donnent à voir les confusions qui entourent couramment l’effet des caractéristiques identitaires et celles qui renvoient à la position sociale des migrants. Enfin, et plus largement, l’édification des « barrières symboliques » entre les groupes sociaux, qui ne se limite pas à la sphère des activités professionnelles et des relations familiales, met aussi très directement en cause, dans ses dimensions ethno-raciales, comme dans ses dimensions proprement sociales et culturelles, la charge expressive des habitudes et des attitudes manifestées dans les aspects en apparence les plus anodins de la vie quotidienne et du temps libre (Lamont, 2002).

Les pièges de l’ethnicisation du social

5Il est toujours malaisé de distinguer, parmi les traits spécifiques des modes de vie des populations immigrées et issues de l’immigration, ce qui relève sans ambiguïté de particularismes ethniques ou culturels, de ce qui relève d’autres caractéristiques sociodémographiques – situation professionnelle, revenu, niveau d’éducation, notamment – généralement associées à la condition des immigrés et de leurs descendants. À rebours d’un penchant ambigu à l’ethnicisation du social, il faut ainsi rappeler que les loisirs des immigrés portent d’abord l’empreinte des caractéristiques sociales dominantes des populations immigrées et issues de l’immigration dans la société française contemporaine, que les loisirs des immigrés sont, d’abord et avant tout, des loisirs d’ouvriers, des loisirs dans lesquels se manifestent à la fois l’exclusion d’un certain nombre de pratiques « cultivées » et la prévalence d’activités, notamment sportives, dans lesquelles se sont historiquement forgées une identité et une culture ouvrière. D’un point de vue méthodologique, il convient donc de contrôler, au moyen de techniques statistiques adéquates, l’effet de l’origine ethnique ou nationale sur l’orientation des goûts, des habitudes culturelles et sur les caractéristiques des modes de vie, en tenant compte de l’impact d’autres caractéristiques : âge, sexe, revenu, profession, origine sociale, niveau d’éducation, notamment.
L’aspect technique de la difficulté n’en épuise cependant pas la complexité. En particulier, l’impact de l’origine « allochtone » mêle des processus analytiquement distincts : celui par lequel des dispositions et des pratiques culturelles se transmettent entre les générations et fonctionnent comme marqueurs identitaires de communautés ethniques ou de groupes culturels, d’une part ; celui par lequel l’expérience de la migration et du statut de migrant (ou de fils ou fille de migrant) produit, par effet de stigmatisation ou de résistance culturelle, des particularismes, qui tiennent souvent tout autant à la position occupée par les « communautés » dans la société – qu’ils s’agissent des emplois occupés ou des conditions de logement, notamment – qu’à un particularisme culturel (on retrouve à ce titre les débats classiques sur les approches culturalistes ou les approches en termes de stigmates de tous les phénomènes minoritaires). Un dernier processus, enfin, non négligeable, celui qui procède de « la force du préjugé » raciste (Taguieff, 1987) et des phénomènes de discrimination par lesquels la société « d’accueil » exclut certaines communautés ou minorités d’un certain nombre de pratiques, comme en témoignent de manière récurrente les récits de discriminations « au faciès » à l’entrée de certains équipements de loisirs, en particulier des discothèques et des bars de nuit.

Entre convergence et résistance culturelle

6Relativement occulté dans les analyses menées en France, l’impact des facteurs ethniques sur les styles de vie, les loisirs et les pratiques culturelles fait l’objet de développements abondants dans d’autres contextes nationaux (États-Unis, Pays-Bas, Royaume-Uni, notamment), traditionnellement moins rétifs à ce type de questionnement sociologique. L’examen de la littérature consacrée à ces sujets fait globalement ressortir deux thèses opposées (Di Maggio et Ostrower, 1990). L’une d’entre elle met l’accent sur les éléments de convergence qui se manifestent dans l’ordre des loisirs et des pratiques culturelles aussi bien que dans les habitudes culinaires, les attitudes religieuses, matrimoniales ou politiques. À ce modèle, conforme aux perspectives assimilationnistes classiques (Park et Burgess, 1921), s’oppose le modèle de la « résistance » culturelle ou de la mobilisation ethnique, qui présente les caractéristiques opposées : les processus d’intégration vont de pair avec le maintien, voire le renforcement, des particularismes.

Convergence culturelle et intégration sociale

7Dans le modèle de la convergence culturelle, le processus d’assimilation est perçu comme une évolution spontanée de la condition des migrants et de leurs descendants au sein de la société d’accueil, qui s’appuie principalement sur le métissage ethnique des réseaux sociaux, sur la diversification des opportunités d’emploi, sur l’accroissement des chances de mobilité sociale et sur le recul des formes de discrimination. Certaines reformulations contemporaines de cette perspective classique suggèrent toutefois une inversion du processus en vertu de laquelle la convergence culturelle tendrait en fait à précéder les autres dimensions de l’assimilation (Gordon, 1978). En ce sens, l’accent mis sur les aspects proprement culturels de la vie sociale, tels que la participation aux activités en relation avec le domaine des arts, les mass media mais aussi le sport et les activités dites de « semi-loisirs », éclaire les mécanismes par lesquels les frontières symboliques entre les communautés ethniques se consolident ou, au contraire, s’affaiblissent

8Le modèle de la convergence culturelle est accrédité par un certain nombre de travaux empiriques, qui concernent principalement l’évolution de la situation des Noirs aux États-Unis (Marsden et al., 1982 ; Marsden et Reed, 1983 ; Greenberg et Frank, 1983 ; Kalmijn et Kraaykamp, 1996). Divers indicateurs relatifs aux loisirs et aux pratiques culturelles, mais aussi à la sociabilité, à l’usage des médias, aux compétences linguistiques ou aux habitudes culinaires, notamment, tendent aussi à accréditer ce modèle dans le cas français (Tribalat, 1995). Au demeurant, ce qui ressort au sujet des styles de vie, des loisirs et des pratiques culturelles est cohérent avec les changements observés dans d’autres domaines de la vie sociale, tels que les mariages interethniques (Kalmijn, 1983), le recul – relatif – de la segmentation du marché du travail et, dans une certaine mesure, la réduction des écarts de revenus entre les Noirs et les Blancs (Farley et Allen, 1989). Sur tous ces aspects, des évolutions similaires se manifestent en Europe occidentale, et particulièrement en France, où les mariages interethniques (Tribalat, 2005 ; Safi, 2006) et la tendance à la sécularisation des mœurs et des attitudes à l’égard de la religion (Tribalat, 1995 ; Tiberj et Brouard, 2005), notamment, tendent à réduire le fossé culturel entre les communautés. Sur les aspects strictement économiques et sociaux, la situation des immigrants et des minorités ethniques apparaît par contraste assez hétérogène (Safi, 2006).

Résistance culturelle et mobilisation ethnique

9À l’opposé du modèle de la convergence, le modèle de la résistance culturelle souligne les différences entre minorités ethniques qui tendent à maintenir une bonne part de leurs particularismes culturels alors même que s’accroît leur degré d’insertion sociale et économique. Cette thèse s’inscrit dans un modèle de pluralisme culturel, dans lequel les minorités ethniques adoptent les buts et les valeurs de la culture dominante et maintiennent simultanément certaines des normes et des habitudes spécifiques à leur culture d’origine (Gordon, 1964). Elle évoque aussi l’un des modèles d’assimilation décrit dans la théorie de l’assimilation segmentée, qui combine une « progression économique rapide avec une préservation délibérée des valeurs et des liens de solidarité de la communauté immigrée » (Portes et Zhou, 1993, p. 82). De ce point de vue, la préservation, même partielle, des normes et des valeurs culturelles d’origine peut être vue comme une forme de mobilisation ethnique (Olzak, 1983), que l’on s’attend à observer surtout au sein des classes moyennes et supérieures et parmi les catégories les plus éduquées. Cette mobilisation sur le terrain culturel s’interprète avant tout dans un contexte de ségrégation et de discrimination, qui lui confère cette connotation de « résistance » contre-culturelle (Landry, 1987). Originellement forgé au sujet de la communauté afro-américaine (Keil, 1966 ; Cruse, 1967 ; Blauner, 1972 ; Bonacich, 1976), ce schéma théorique est aussi accrédité par certaines recherches empiriques menées en Europe (Van Wel et al., 2006). La partition ethnique des goûts et des pratiques dans le domaine musical a particulièrement été étudiée sous cet angle (Bryson, 1997).

10Aucun de ces deux modèles ne correspond toutefois pleinement aux situations concrètement observées, aux États-Unis comme en Europe, dans l’ordre des loisirs et des pratiques culturelles, notamment, qui relèvent plutôt d’une perspective médiane d’engagement « dual » (Di Maggio et Ostrower, 1990) dans laquelle les ressortissants des minorités ethniques ne sont ni purement et simplement absorbés dans la culture dominante, ni repliés dans une position de retrait communautaire. Fait d’emprunts sélectifs à la culture dominante et à la culture des groupes minoritaires, ce modèle d’assimilation multiculturelle semble correspondre assez bien à la situation de la classe moyenne noire américaine (Di Maggio et Ostrower, 1990), et sans doute aussi à celle des élites émergentes au sein des populations immigrées en France (Tribalat, 1995 ; Tiberj et Brouard, 2005).
Un autre scénario intermédiaire émerge toutefois de l’observation de la situation des populations immigrées en France, qui correspond plutôt à la deuxième configuration décrite comme « intégration infériorisante » dans la théorie de l’assimilation segmentée (Portes, 1995). Cette configuration, qui se caractérise par un niveau d’assimilation culturelle relativement élevé et par une assimilation socio-économique comparativement faible, est parfois évoquée, en France, au sujet de la communauté maghrébine, par contraste avec les communautés portugaises, asiatiques et turques, qui présentent plutôt dans l’ensemble les caractéristiques inverses : forte intégration socio-économique et faible intégration culturelle.

L’effet de l’origine à l’épreuve de l’acculturation scolaire et de la culture de masse

11Les activités de loisir retenues dans l’enquête « Histoire de vie » couvrent une large gamme de pratiques, des plus banales (écouter de la musique, regarder la télévision) aux plus rares (collection, participation à des activités bénévoles, pratiques artistiques amateurs) [1], incluant des activités à forte légitimité culturelle (fréquentation des musées ou des expositions, lecture) et des activités plus nettement situées dans l’ordre du divertissement, des activités manuelles (jardinage, bricolage, travaux d’aiguille), du sport ou des activités de plein air (chasse et pêche, randonnée). Sauf à faire l’hypothèse, bien peu vraisemblable, que les attitudes observées à l’égard de chacune des pratiques de loisirs sont totalement indépendantes les unes des autres, il semble judicieux de tenter d’emblée de caractériser les attitudes en matière de loisirs en observant la manière dont les différentes activités se combinent entre elles.

Deux axes d’analyse

12L’analyse factorielle (cf. annexe 1) s’articule en deux axes et fait apparaître une structuration en trois pôles de l’espace des loisirs et des pratiques culturelles

13• Tout d’abord, cette analyse fait apparaître que la variété des pratiques de loisirs est négativement corrélée à l’intensité des usages de la télévision, qui apparaît de la sorte comme le loisir « par défaut » des catégories privées de l’accès aux autres pratiques. Ceci corrobore un résultat solidement établi dans la sociologie contemporaine des loisirs et des pratiques culturelles. En la matière, la diversité et la cumulativité des pratiques apparaissent en effet comme les principaux axes de différenciation sociale des attitudes (Peterson, 1992 et 1997), et les effets de légitimité culturelle comme les stratégies de distinction classiquement mis en évidence dans la sociologie de Pierre Bourdieu (Bourdieu, 1979) apparaissent, à cette aune, comme des éléments de différenciation relativement secondaires, à défaut d’être mineurs. En dépit de l’importance substantielle qu’ils revêtent dans la stratification sociale des pratiques culturelles et, plus largement, des styles de vie, ces éléments semblent en effet surplombés par la double dimension de l’éclectisme et du cumul des pratiques. Le positionnement des modalités des variables supplémentaires retenues dans l’analyse suggère un lien entre ce premier axe avec l’âge et la catégorie socioprofessionnelle des répondants. L’intensité et la diversité des formes de participation aux loisirs et aux pratiques culturelles opposent avant tout les catégories les mieux dotées en ressources économiques et culturelles (cadres supérieurs) aux catégories moins bien dotées (ouvriers, employés, agriculteurs), reléguées du côté de l’usage quasi exclusif de la télévision, et diminuent avec l’avancée en âge, les jeunes générations se situant plus nettement du côté du pôle de l’activisme de la culture et des loisirs.

14Par rapport à ces deux paramètres, l’effet de l’origine semble assez largement redondant. Pour ce qui est du lien avec l’âge, la distinction des souspopulations sous-jacente à la définition de la variable « origine » repose implicitement sur l’enchaînement de vagues migratoires intervenues à des époques différentes et sur la succession des générations à l’intérieur de chacune de ces vagues. Il n’est ainsi pas surprenant de trouver les ressortissants des vagues migratoires les plus anciennes, de provenance européenne, à gauche des ressortissants des vagues migratoires les plus récentes, de provenance plus lointaine, et certains des particularismes des styles de vie hâtivement attribués à l’éloignement géographique et culturel traduisent sans doute en grande partie ce décalage temporel. Par ailleurs, les populations issues de l’immigration apparaissent d’autant plus éloignées du pôle de l’activisme de la culture et des loisirs et d’autant plus proches de celui de l’usage intensif et exclusif de la télévision qu’elles ont fait elles-mêmes l’expérience de la migration, les immigrés de « seconde génération », dont l’expérience de la migration n’est qu’indirecte, se situant systématiquement, pour chaque origine géographique donnée, à droite des générations de migrants. Le fait que les allochtones extra-européens de deuxième génération (« autre 2G ») se situent à droite des « Français de souche » illustre aussi tout simplement la plus grande jeunesse de cette sous-population, dont un peu plus de 30 % ont moins de 25 ans, contre 14 % chez les « Français de souche » (cf. tableau 1). Le point important demeure ici la réduction, de la première à la deuxième génération, des écarts entre populations allochtones et populations autochtones, qui suggère un mouvement d’assimilation culturelle dans le domaine des loisirs au fil du temps et des générations.
De la même façon, la distribution des origines migratoires entre en composition avec celle des positions occupées dans la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (cf. tableau 2). Les ouvriers et employés sont ainsi sensiblement plus nombreux dans les premières générations d’immigrants, alors que les cadres et profession intermédiaires sont nettement moins nombreux, dans les premières, mais aussi dans les secondes générations, en particulier pour les catégories originaires d’Europe du Sud, du Maghreb d’Afrique, de Turquie ou du Moyen-Orient.

Tableau 1

Structure par âge de la population de l’enquête

Tableau 1
Fr EurN EurN2G EurS Eur2G Maghr/Af/Tur Maghr/Af/Tur 2G Autre Autre2G Ensemble [15-25 ans] 14,1 13,9 3,5 2,8 19,9 9,1 58,6 12,4 30,3 14,6 [26-35 ans] 18,2 15,1 15,5 5,5 26,6 27,8 25,9 29,6 13,9 18,7 [36-45 ans] 18,2 15,9 16,3 21,3 18,6 23,4 12,2 19,6 11,6 18,3 [46-55 ans] 18,2 15,5 25,8 27,8 12,5 18,8 1,0 18,1 14,3 18,0 [56-65 ans] 12,2 12,5 16,8 16,4 9,6 15,2 0,3 15,9 10,4 12,2 [66-75 ans] 11,8 13,0 16,8 16,8 7,8 5,3 1,9 2,4 12,6 11,3 Plus de 75 ans 7,4 14,1 5,3 9,6 5,0 0,4 0,0 2,1 6,9 6,9 Total 83,4 1,3 1,8 2,3 2,8 4,4 2,0 1,1 0,8 100 Source : Enquête HDV, INSEE, 2003.

Structure par âge de la population de l’enquête

Tableau 2

Structure de la population de l’enquête par catégorie socioprofessionnelle en fonction de l’origine

Tableau 2
Fr EurN EurN 2G EurS Eur 2G Maghr/Af/Tur Maghr/Af/Tur 2G Autre Autre 2G Ensemble Agriculteurs 6,3 2,2 2,8 3,0 2,5 0,1 0,0 1,1 2,0 5,5 Artisans, commerçants, chefs d’entreprise 7,0 10,3 8,6 6,6 4,9 6,2 1,2 2,8 5,7 6,8 Cadres et professions intellectuelles supérieures 12,9 14,7 15,0 3,5 11,0 6,6 1,2 15,3 11,6 12,2 Professions intermédiaires 19,0 17,2 20,1 4,9 18,0 13,2 13,2 9,3 28,8 18,2 Employés 25,9 24,6 27,7 35,6 26,4 24,1 20,5 19,1 27,7 25,9 Ouvriers 20,3 19,8 22,3 36,7 27,8 31,7 24,6 37,9 13,8 21,7 Inactifs 8,6 11,4 3,5 9,8 9,4 18,0 39,4 14,4 10,5 9,7 Total 83,4 1,3 1,8 2,3 2,8 4,4 2,0 1,1 0,8 100 Source : Enquête HDV, INSEE, 2003.

Structure de la population de l’enquête par catégorie socioprofessionnelle en fonction de l’origine

15• Ensuite, cette analyse fait apparaître que les activités de bricolage, le jardinage, la couture et autres travaux d’aiguille, ou encore la chasse et la pêche, se trouvent d’un côté et que le sport, le cinéma, ainsi que la fréquentation des musées, expositions et monuments, de l’autre. Ceci renvoie moins à un principe de légitimité culturelle, puisqu’il réunit du même côté des activités qui relèvent plutôt de la « culture cultivée » (spectacles, musées, etc.) et des loisirs de masse (sport, cinéma), qu’à l’opposition entre loisirs et « semi-loisirs » [2]. L’attrait pour ces pratiques est en effet difficile à situer dans le seul registre des loisirs, tant il témoigne de la contrainte qu’exerce traditionnellement, sur le temps libre des ouvriers ou des paysans, notamment, la nécessité d’autoproduire des biens et services dont les équivalents marchands se trouvent financièrement inaccessibles.
Au demeurant, ces pratiques ont une forte sensibilité aux variables de génération et d’origine. Très présentes dans les modes de vie traditionnels des classes populaires, ces pratiques subissent en effet un véritable déclin dans les générations montantes. Surtout, ces pratiques apparaissent comme particulièrement étrangères à l’environnement culturel et au style de vie des populations issues de l’immigration, toutes générations confondues, et en particulier pour les catégories originaires du Maghreb, d’Afrique, de Turquie et du Moyen-Orient. Cette distance entre les populations issues de l’immigration et le domaine des « semi-loisirs » populaires contraste avec l’absence de « handicap » global de ces populations dans les loisirs de masse aussi bien que dans les activités à forte légitimité culturelle. Cette particularité retient particulièrement l’attention, en ce qu’elle suggère un clivage culturel et de définition des styles de vie propre aux classes populaires qui tend à s’accentuer au fil du temps.

Une structuration en trois pôles de l’espace des loisirs et des pratiques culturelles

Éclectisme cultivé, semi-loisirs et télévision

16Trois profils se détachent de l’analyse (cf. tableau 3).

17Le premier profil regroupe les individus significativement plus actifs que la moyenne dans un grand nombre de domaines, exception faite du jardinage, du bricolage, de la chasse et de la pêche et, surtout, de la télévision. Ce profil évoque l’image de l’hédoniste éclectique qui constitue sans doute la figure contemporaine de la légitimité culturelle (Peterson, 1997 ; Lahire, 2004 ; Coulangeon, 2004), faite d’emprunts à des registres variés, à l’écart toutefois des loisirs de masse les plus banalisés (télévision) et les plus caractéristiques des classes populaires (chasse et pêche). C’est aussi parmi les individus répondant à ce profil que l’on rencontre la plus grande proportion de sportifs, les voyageurs les plus nombreux et la plus grande quantité d’utilisateurs d’équipements informatiques à usage domestique.

18Le second profil présente des caractéristiques très différentes du précédent, qui l’associent assez nettement au pôle des semi-loisirs, seules activités pour lesquelles on rencontre une proportion significativement plus élevée de pratiquants que dans l’ensemble de la population. Les loisirs à forte intensité culturelle y sont moins pratiqués que dans le profil précédent (lecture) et le plus souvent moins pratiqués que dans l’ensemble de la population (cinéma, spectacles, expositions et musées).

19Enfin, le troisième profil se distingue radicalement des deux précédents par la présence d’une proportion significativement plus élevée de téléspectateurs intensifs et une proportion significativement plus faible de pratiquants pour la quasi-totalité des autres activités.

20Très inégalement distribuées selon le sexe, les générations et les catégories sociales, ces activités sont aussi inégalement répandues au sein des populations immigrées et issues de l’immigration (cf. tableau 4). En première analyse, toutefois, les variations liées à l’origine apparaissent nettement moins prononcées que celles liées à l’âge et la catégorie socioprofessionnelle des répondants.

21Naturellement, au vu des différences de structure par sexe, mais aussi par âge et par catégorie socioprofessionnelle qui affectent chacune des souspopulations définies par la variable d’origine les écarts en fonction de l’origine sont difficilement interprétables. Par définition, les « deuxièmes générations » sont plus jeunes que les premières et, du fait des caractéristiques professionnelles des vagues successives d’immigration, le poids des salariés d’exécution est, dans la plupart des sous-populations « allochtones », nettement plus élevé que chez les Français « de souche ». Une analyse de régression logistique qui permet de neutraliser ces effets de structure (estimation de l’effet propre de l’origine géographique, contrôlé par le sexe, l’âge, la catégorie et l’origine sociale sur la répartition entre les trois profils), fait principalement ressortir deux séries de résultats quant à l’effet propre de l’origine sur les attitudes en matière de loisir.
– En premier lieu, les variables qui affectent le plus la distribution des individus entre les différents profils sont l’âge, la catégorie socioprofessionnelle et l’origine sociale (catégorie socioprofessionnelle du père). Les ouvriers ont ainsi cinq fois plus de chances que les membres des professions intermédiaires d’appartenir au profil « télévision » plutôt qu’au profil « éclectisme cultivé », les cadres, 0,5 fois moins de chances d’appartenir à ce même profil que les professions intermédiaires. Le même type d’écart apparaît pour la comparaison du profil « semi-loisirs » et du profil « éclectisme cultivé », et, dans l’un et l’autre cas, l’âge est aussi associé à une forte variabilité des rapports de chances. L’effet de l’origine apparaît de ce point de vue plus limité.

Tableau 3

Caractéristiques des trois profils au regard des activités de loisirs pratiquées*

Tableau 3
Pour 100 personnes de chaque groupe Éclectisme cultivé(EC) Semi-loisirs (SL) Télévision (T) Ensemble Lire – 9 29 57 33 + 74 59 28 52 ++ 18 12 15 15 Écouter de la musique – 4 32 46 28 + 83 64 38 60 ++ 13 4 16 12 Regarder la télévision – 7 8 20 12 + 68 43 37 49 ++ 22 39 28 29 +++ 3 11 15 10 Faire du sport, pratiquer une activité physique – 28 75 78 61 + 53 18 13 28 ++ 19 6 9 11 Aller au cinéma – 15 82 76 57 + 85 18 24 43 Aller au spectacle – 32 86 92 70 + 68 15 8 30 Visiter une exposition, un musée, – 34 76 92 68 un monument historique + 66 24 8 32 Utiliser un ordinateur ou une console de jeux – 25 76 77 59 + 75 24 23 41 Faire de la marche, des randonnées – 32 35 78 51 + 68 65 22 49 Faire des voyages, du tourisme – 26 66 86 60 + 74 34 14 40 Faire de la musique, de la peinture ou une autre activité artistique – 62 90 94 82 + 38 10 6 18 Faire une collection – 86 86 96 90 + 14 14 4 10 Avoir une activité bénévole – 74 85 95 85 + 26 15 5 15 Effectuer des travaux de mécanique, – 43 43 82 58 de bricolage, de décoration + 57 57 18 42 Faire du jardinage – 61 31 86 62 + 39 69 14 38 Faire du tricot, de la broderie, de la couture – 86 72 94 85 + 14 28 6 15 Faire la cuisine – 43 42 80 57 + 57 58 20 43 Aller à la pêche ou à la chasse – 90 77 94 88 + 10 23 6 12 * 18 variables retenues pour l’ensemble de l’étude. L’écoute musicale, la lecture, le sport et la télévision sont traités différemment. Pour l’écoute de musique, la lecture et le sport, on distingue les non-pratiquants (-), les pratiquants ordinaires (+) et les pratiquants déclarant l’une ou l’autre de ces activités comme activité préférée (++). Pour la télévision, le signe « – » désigne les individus qui ne la regardent jamais, le reste de la population se partageant en trois sous catégories (+, ++ et +++) en fonction de la durée moyenne hebdomadaire consacrée à la télévision. Lecture : parmi les individus appartenant au profil des « éclectiques », on trouve 9 % de non-lecteurs, 74 % de lecteurs ordinaires et 18 % de lecteurs passionnés. Les cases du tableau en grisé correspondent aux proportions significativement différentes de proportions observées dans l’ensemble de la population, reproduites à la dernière colonne du tableau. Source : Enquête HDV, INSEE, 2003.

Caractéristiques des trois profils au regard des activités de loisirs pratiquées*

22– En second lieu, l’origine n’affecte pas au même degré la probabilité d’appartenir aux différents profils. Si, comparativement au profil « éclectisme cultivé », les premières générations de l’immigration d’Europe du Sud, d’Afrique, du Maghreb, de Turquie et du Moyen-Orient ont significativement beaucoup plus de chances d’appartenir au profil « télévision », la variable « origine » discrimine en revanche très peu l’appartenance au profil « semi-loisirs ». Ces deux profils – « semi-loisirs » et « télévision » – ont en commun d’être significativement plus prisés des membres des classes populaires que des classes supérieures. Alors que le second profil évoque l’influence des médias et de la culture de masse sur les loisirs populaires, le premier évoque sans doute davantage l’univers traditionnel des loisirs populaires. Il est de ce point de vue tout à fait remarquable que la variable « origine » discrimine très sensiblement l’appartenance au second, mais pas au premier. Toutes choses égales par ailleurs, une grande partie des populations immigrées et une part plus limitée des populations issues de l’immigration – avec certes des écarts plus prononcés pour les premières générations que pour les secondes – ont nettement plus de chances que les « Français de souche » d’avoir des loisirs exclusivement centrés sur la télévision. Plus encore, la probabilité d’appartenir au profil « télévision » plutôt qu’au profil « semi-loisirs » fait apparaître des écarts plus élevés que ceux liés à l’âge, l’origine et la position sociale.

Tableau 4

Structure par origine, par sexe et par catégorie socioprofessionnelle des trois profils d’attitudes en matière de loisirs

Tableau 4
Pour 100 personnes de chaque groupe Éclectisme cultivé(EC) Semi-loisirs(SL) Télévision(T) Ensemble Origine France 86 88 77 83 EuropeN 1 1 1 1 EuropeN 2G 2 2 2 2 EuropeS 1 3 4 2 EuropeS 2G 3 2 3 3 Maghr/Af/Tur 3 2 7 4 Maghr/Af/Tur 2G 2 0 3 2 Autre 1 1 2 1 Autre 2G 1 1 1 1 Sexe Hommes 50 47 48 48 Femmes 50 53 52 52 Âge [15-25 ans] 22 4 16 15 [26-35 ans] 25 13 18 19 [36-45 ans] 22 17 16 18 [46-55 ans] 17 23 15 18 [56-65 ans] 8 19 11 12 [66-75 ans] 6 16 13 11 Plus de 75 ans 1 8 11 7 Catégorie socioprofessionnelle Agriculteurs 1 7 8 6 Artisans, commerçants, chefs d’entreprise 5 8 8 7 Cadres et professions intellectuelles supérieures 24 7 6 12 Professions intermédiaires 26 18 12 18 Employés 21 29 28 26 Ouvriers 10 28 27 22 Inactifs 14 3 11 10 Lecture : le profil « semi-loisirs » comprend 47 % d’hommes et 53 % de femmes. Les premiers y sont donc légèrement sous-représentés et les secondes, légèrement surreprésentées. Source : Enquête HDV, INSEE, 2003.

Structure par origine, par sexe et par catégorie socioprofessionnelle des trois profils d’attitudes en matière de loisirs

23Ces résultats suggèrent que l’origine affecte relativement peu le partage entre loisirs populaires et loisirs cultivés, dont l’éclectisme peut être considéré comme la variante contemporaine, qui relève avant tout de paramètres sociaux et générationnels, tandis que l’univers des loisirs populaires apparaît profondément divisé, sous le rapport de l’origine, entre le pôle traditionnel des médias et de la culture de masse, d’une part, vers lequel les populations immigrées et, pour une partie d’entre elles, issues de l’immigration (en particulier les deuxièmes générations de l’immigration africaine, maghrébine, turque et moyen-orientale) sont sensiblement plus attirées, tandis que le pôle plus traditionnel des semi-loisirs semble, à l’inverse, nettement plus éloigné de ces mêmes populations, et ce pôle est le seul pour lequel les écarts de probabilité liés à l’origine ethnique sont plus élevés que ceux liés aux autres variables sociodémographiques. La force des écarts liés à l’origine reflète sans doute l’importance particulière des formes de transmission intergénérationnelle de ce type de pratiques à l’intérieur de l’environnement familial, alors que les pratiques emblématiques des deux autres profils d’attitudes – « éclectisme cultivé » et « télévision » – sont plus nettement affectées par l’influence de l’école et des médias, pour lesquelles on peut penser que les particularismes familiaux, liés notamment à l’origine ethnique ou géographique, exercent une influence plus limitée. L’analyse spécifique de certaines des activités emblématiques de chacun des trois pôles confirme ce résultat d’ensemble et fait aussi apparaître, au sein des populations allochtones, une différenciation sensible des attitudes en fonction du sexe.

L’effet de l’origine sur la lecture et la fréquentation du cinéma : assimilation et sursélection féminine

24La pratique des activités les plus emblématiques de la culture savante, qui sont aussi les plus sensibles à l’influence de l’école, est assez peu sensible à la variable de l’origine, si ce n’est dans l’écart qui transparaît entre premières et deuxièmes générations, comme le montre le cas de la lecture. À effet d’âge, de niveau d’éducation et de catégorie socioprofessionnelle contrôlé [3], on constate ainsi que la pratique de la lecture se normalise chez les femmes d’origine maghrébine, africaines ou turques, entre la « première » génération qui accuse un écart avec les « Françaises de souche » cet écart disparaît chez leurs homologues de la « deuxième » génération, qui manifestent même un attrait pour la lecture plus prononcé que leurs homologues « Françaises de souche ». Le même phénomène apparaît pour les hommes originaires d’Europe du Sud, et ces écarts ne signalent vraisemblablement rien d’autre que la disparition, de la première génération à la seconde, d’un handicap linguistique qui a toutes chances de se manifester particulièrement en matière de lecture, dans des populations qui n’ont pas été soumises au même degré à l’effet de l’acculturation scolaire. De ce point de vue, la spécificité féminine qui transparaît dans ces résultats prolonge dans la sphère de la culture « libre » ce que l’on sait par ailleurs des écarts de performances scolaires entre filles et garçons (Duru-Bellat, 1989 ; Baudelot et Establet, 1992), particulièrement prononcés dans les populations issues de l’immigration africaine et nord-africaine (Beaud, 2002). Pour le reste, les écarts de probabilité observés apparaissent principalement liés à la position et à l’origine sociale.
On trouve une confirmation de cette sursélection féminine à l’égard de la lecture dans les résultats opposés qui apparaissent pour la fréquentation du cinéma. La fréquentation des salles obscures, qui figure parmi les activités les plus banalisées au sein de la population française prise dans son ensemble, l’est plus encore chez les hommes issus de l’immigration, en particulier d’origine maghrébine, africaine et turque. Le contraste entre les premières et les secondes générations, qui se manifeste aussi dans les populations originaires d’Europe du Sud, illustre ainsi de même la fonction assimilatrice de la culture de masse. Cette « surconformité » masculine des comportements en matière de fréquentation du cinéma, dont on n’observe pas l’équivalent chez les femmes, constitue en quelque sorte le pendant, dans l’univers de la culture de masse, de ce que l’on observait en sens inverse chez les femmes dans l’univers de la culture savante, notamment en matière de lecture [4]. L’effet opposé du sexe en matière de lecture et en matière de fréquentation du cinéma renvoie aussi à l’opposition entre loisir d’intérieur et loisir d’extérieur, et l’on sait que la différenciation sexuelle des usages de l’espace domestique et de l’espace public, qui tend à faire du premier l’espace féminin par excellence, est particulièrement marquée dans certaines catégories de populations immigrées ou issues de l’immigration.

La culture de masse entre assimilation et segmentation. L’exemple de la télévision et de la musique

25Les clivages perceptibles dans l’univers des loisirs de masse apparaissent d’abord comme des clivages d’âge, de statut socioprofessionnel et de niveau d’éducation. S’agissant de la télévision, notamment loisir de masse par excellence, l’écart brut entre les durées moyennes d’écoute selon l’origine, qui fait apparaître les immigrés de « première génération » comme les catégories les plus « téléphages » (cf. données reproduites en annexe 2), ne résiste pas au contrôle de l’effet de l’origine par celui de l’âge, de la profession et du niveau d’éducation (cf. tableau 5).

26L’écoute de musique enregistrée, autre pratique phare dans l’univers de la culture de masse, fait en revanche apparaître une certaine segmentation des préférences en fonction de l’origine. On observe ainsi, en premier lieu, que certains genres musicaux sont nettement moins cités dans les populations immigrées et issues de l’immigration, en particulier d’origine maghrébine, africaine ou turque qu’ils ne le sont chez les « Français de souche ». Ainsi du hard rock et des genres assimilés, de la chanson et des variétés françaises, de la musique folk, du rock et de la pop music, mais aussi du jazz. À l’opposé, certains genres apparaissent sensiblement plus prisés dans les populations immigrées ou issues de l’immigration qu’ils ne le sont chez les « Français de souche ». La musique du monde, d’une part, le rap et le hip hop, d’autre part, correspondent nettement à ce cas de figure.

27Les variétés internationales, catégorie particulièrement hétérogène, sont plus difficiles à situer dans ce panorama. Plus souvent citées dans les populations originaires d’Europe du Sud, toutes générations confondues, on peut penser qu’elle renvoie davantage en ce cas à la production musicale des pays d’origine, lors même qu’elles désignent plutôt d’ordinaire le toutvenant de la production discographique de diffusion internationale. Et c’est sans doute ce pourquoi les attitudes des populations issues d’autres origines – en premier lieu les populations originaires d’Afrique, du Maghreb ou de Turquie – ne se différencient pas de celles du reste de la population française, comme c’est plus nettement le cas encore pour la musique classique et l’opéra, d’une part, et la techno, d’autre part.
Au total, il est frappant de constater que les genres musicaux pour lesquels l’impact de l’origine est le plus limité relèvent à la fois de la culture savante (musique classique, opéra) et de la culture de masse (variétés internationales). Les processus d’acculturation portés par les instances, notamment scolaires, de diffusion de la culture savante et, pour une part au moins, par l’industrie de la culture et les mass media apparaissent ainsi relativement convergents : toutes choses égales par ailleurs, la musique savante ne paraît pas plus éloignée de l’environnement culturel des populations « allochtones » qu’elle ne l’est de celui des « Français de souche ». À l’opposé du spectre des genres musicaux, on peut penser que l’audience des produits les plus massivement diffusés par l’industrie du disque et les médias est globalement insensible à l’origine. A contrario, les genres musicaux pour lesquels se manifestent les écarts les plus prononcés apparaissent à la fois extérieurs au domaine de la musique savante et relativement marginalisés, à l’exception de la catégorie variétés françaises, au sein de l’industrie du disque : jazz, rock, hard rock, rap, musiques du monde.

Tableau 5

Durée moyenne d’usage quotidien de la télévision en fonction de l’origine (régression linéaire)

Tableau 5
Variable Libellé p Constante 118 mn *** Sexe Femme + 5 * Homme Réf. Origine France Réf. EuropeN – 23 * EuropeN 2G – 22 * EuropeS + 9 n. s. EuropeS 2G – 18 * Maghr/Af + 11 n. s. Maghr/Af 2G + 6 n. s. Autre + 1 n. s. Autre 2G – 7 n. s. Âge [15-25 ans] + 11 * [26-35 ans] Réf. [36-45 ans] – 14 *** [46-55 ans] – 6 n. s. [56-65 ans] + 13 ** [66-75 ans] + 35 *** Plus de 75 ans + 40 *** Niveau d’études Études primaires + 18 *** Études secondaires Réf. Études professionnelles ou techniques + 4 n. s. Études supérieures – 20 *** Études secondaires ou professionnelles en cours – 50 *** Revenu Q1 + 14 *** Q2 Réf. Q3 – 2 n. s. Q4 – 8 * NSP – 8 n. s. Catégorie socioprofessionnelle Agriculteurs + 4 n. s. Artisans, commerçants, chefs d’entreprise – 5 n. s. Cadres et professions intellectuelles supérieures – 5 n. s. Professions intermédiaires Réf. Employés + 10 * Ouvriers + 19 *** Inactifs + 9 n. s. Catégorie socioprofessionnelle du père Agriculteurs – 14 ** Artisans, commerçants, chefs d’entreprise + 11 * Cadres et professions intellectuelles supérieures – 14 * Professions intermédiaires Réf. Employés + 6 n. s. Ouvriers + 15 *** Inactifs + 135 *** NSP + 15 ** Note : on procède ici à une régression linéaire de la durée moyenne d’usage quotidien de la télévision en fonction de l’origine, les effets de l’âge, du sexe, du niveau d’études, du revenu et de la catégorie socioprofessionnelle étant maintenus constants. Seuls les écarts de durée inscrits en gras sont significatifs au seuil de 5 %. Source : Enquête HDV, INSEE, 2003.

Durée moyenne d’usage quotidien de la télévision en fonction de l’origine (régression linéaire)

Sport et condition immigrée

28Une dernière catégorie de pratiques de loisirs retient particulièrement l’attention : les activités sportives, pour lesquelles les populations immigrées et issues de l’immigration manifestent des particularismes bien connus, mais souvent sujet à des interprétations erronées. Les relations entre sport et immigration sont emblématiques des confusions qui entourent très souvent, en France, la perception des conditions de vie des populations immigrées et issues de l’immigration. En France, où les sports les plus prisés chez les immigrés et les enfants d’immigrés sont aussi les plus populaires, en particulier le football, la pratique sportive constitue traditionnellement un des vecteurs de l’intégration des migrants au monde ouvrier, beaucoup plus qu’il n’est porteur de mouvements identitaires [5]. Il n’en reste pas moins que, de toutes les activités de loisir, les activités sportives sont celles pour lesquelles les écarts d’attitude associés à l’origine sont les plus prononcés, et ceci est particulièrement manifeste, à autres effets contrôlés, pour les hommes appartenant à la « deuxième génération » de l’immigration maghrébine, africaine et turque (cf. tableau 6).

Tableau 6

Estimation de l’effet propre de l’origine géographique, contrôlé par le sexe, l’âge, le diplôme, le revenu, la catégorie et l’origine sociale sur la probabilité de pratiquer une activité sportive (1)

Tableau 6
Variable Libellé ß p Odds ratio Constante 0.774 *** Sexe Femme – 0.469 n. s. Homme Réf. Femme Homme ß p Odds ratio ß p Odds ratio Origine France Réf. Réf. Autre – 0.987 * 0.4 – 0.566 n. s. Autre 2G – 1.275 ** 0.3 – 0.297 n. s. EuropeN – 0.176 n. s. 0.011 n. s. EuropeN 2G – 0.089 n. s. – 0.225 n. s. EuropeS – 0.569 * 0.6 0.438 n. s. EuropeS 2G 0.103 n. s. 0.131 n. s. Maghr/Af/Tur – 0.330 n. s. – 0.212 n. s. Maghr/Af/Tur 2G – 0.466 n. s. 0.663 * 1.9 Âge [15-25 ans] 0.242 n. s. 1.029 *** 2.8 [26-35 ans] Réf. Réf. [36-45 ans] – 0.029 n. s. – 0.145 n. s. [46-55 ans] – 0.605 *** 0.5 – 0.941 *** 0.4 [56-65 ans] – 0.686 *** 0.5 – 0.838 *** 0.4 [66-75 ans] – 1.274 *** 0.3 – 1.346 *** 0.3 plus de 75 ans – 2.346 *** 0.1 – 2.023 *** 0.1 Diplôme Études primaires – 0.336 * 0.7 – 0.718 *** 0.5 Études secondaires Réf. Réf. Études profession-nelles ou techniques 0.085 n. s. – 0.128 n. s. Études secondaires ou professionnelles en cours 0.881 *** 2.4 0.241 n. s. Études supérieures 0.406 ** 1.5 0.091 n. s. Revenu Q1 – 0.276 * 0.8 – 0.330 ** 0.7 Q2 Réf. Réf. Q3 0.221 * 1.2 – 0.020 n. s. Q4 0.530 *** 1.7 0.246 * 1.3 NSP – 0.054 n. s. – 0.187 n. s. Catégorie socio-professionnelle Agriculteurs – 0.223 n. s. – 0.715 ** 0.5 Artisans, commerçants, chefs d’entreprise 0.155 n. s. – 0.348 * 0.7 Cadres et professions intellectuelles supérieures 0.150 n. s. 0.106 n. s. Professions intermédiaires Réf. Réf. Employés – 0.373 ** 0.7 – 0.383 ** 0.7 Inactifs – 0.590 ** 0.6 – 0.016 n. s. Ouvriers – 1.015 *** 0.4 – 0.863 *** 0.4 Catégorie socio-professionnelle du père Agriculteurs – 0.600 *** 0.5 – 0.268 n. s. Artisans, commerçants, chefs d’entreprise – 0.269 n. s. – 0.041 n. s. Cadres et professions intellectuelles supérieures – 0.448 ** 0.6 0.064 n. s. Professions intermédiaires Réf. Réf. Employés – 0.437 ** 0.6 – 0.113 n. s. Inactifs 0.637 n. s. – 2.200 n. s. Ouvriers – 0.519 *** 0.6 – 0.234 n. s. NSP – 0.396 ** 0.7 – 0.369 * 0.7 (1) Modèle logit dichotomique. *** : p < 0,001 ; ** : p < 0,01 ; * : p < 0,05 ; n. s. : non significatif. Source : Enquête HDV, INSEE, 2003.

Estimation de l’effet propre de l’origine géographique, contrôlé par le sexe, l’âge, le diplôme, le revenu, la catégorie et l’origine sociale sur la probabilité de pratiquer une activité sportive (1)

29Les attitudes à l’égard du sport opposent toutefois très nettement les hommes aux femmes, pour qui les écarts observés sont de sens contraire, en particulier chez les femmes issues de cette même « deuxième génération » de l’immigration maghrébine, africaine et turque, qui apparaissent nettement moins portées que leurs homologues françaises « de souche » à la pratique des activités sportives.
Ajouté aux écarts observés entre hommes et femmes au sujet de la lecture et du cinéma, ce résultat suggère une différenciation des formes d’acculturation des hommes et des femmes issus de l’immigration dans le domaine des loisirs, qui renvoie à la différenciation des modes d’éducation familiale des filles et des garçons. Ainsi, alors que l’intégration culturelle des femmes s’inscrit davantage dans les loisirs d’intérieur qui, comme la lecture, ont partie liée avec l’école, celle des garçons s’appuie davantage sur l’univers de la rue et de la culture de masse.

Conclusion

30En définitive, les attitudes observées dans le domaine des loisirs au sein des populations immigrées et issues de l’immigration accréditent l’idée d’un mouvement global de convergence culturelle, qui, au fil des générations, reflète vraisemblablement la diversification progressive des réseaux sociaux dans lesquels s’inscrivent les migrants et leurs descendants et celle des opportunités d’emploi qui s’offrent à eux, alors même que s’affaiblissent certaines des discriminations dont ils faisaient initialement l’objet, conformément au processus décrit par les théories classiques de l’assimilation. Cette convergence apparaît portée par l’école aussi bien que par les industries de la culture de masse. Les activités de loisir pour lesquelles la socialisation scolaire est la plus prononcée, d’une part, et celles qui relèvent le plus de l’influence des mass media et des industries culturelles, d’autre part, sont en effet celles où les divergences liées à l’origine sont les plus faibles. Certaines divergences subsistent cependant, qui n’expriment toutefois pas nécessairement une résistance culturelle clairement structurée, et qui se situent davantage dans l’ordre des pratiques populaires, dont la diffusion échappe à la fois à l’influence de l’école et à celle des médias et qui relèvent beaucoup plus exclusivement de la socialisation familiale ou de la socialisation par les pairs.

31Ce constat général peut faire l’objet de deux lectures opposées. D’un côté, la prédominance des éléments de convergence culturelle peut être mise à l’actif du modèle français d’intégration, de l’efficacité d’un certain jacobinisme assimilateur dont les effets se font sentir jusque dans les aspects en apparence les plus anodins des loisirs et des pratiques culturelles. D’un autre côté, l’absence de mobilisation culturelle des minorités ethniques vivant sur le sol français peut aussi être perçue comme le résultat de l’incapacité assumée des politiques publiques, et en particulier des politiques culturelles, à soutenir l’expression de la diversité des modes de vie, des traditions et des expressions artistiques et culturelles des populations qui font la France contemporaine (Looseley, 1995).
En tout état de cause, il est aussi permis de lire l’ensemble de ces indicateurs de convergence comme le reflet d’une contradiction croissante entre l’intégration culturelle de populations soumises aux effets cumulés de la massification scolaire, de l’emprise des mass media et des industries de la culture, d’une part, et la persistance d’obstacles et de discriminations sur la voie de leur intégration sociale et économique, telles qu’on les observe en particulier en matière d’accès à l’emploi ou au logement, d’autre part.


Annexe 1

Application d’une analyse des correspondances multiples sur les loisirs déclarés dans l’enquête « Histoire de vie »

32L’application d’un algorithme d’analyse des correspondances multiples (ACM) prenant pour variables « actives » l’ensemble des 18 activités de loisirs renseignées dans le questionnaire de l’enquête « Histoire de vie » et pour variables « illustratives » (ou supplémentaires) la caractérisation par sexe, âge, pcs et origine des répondants fait apparaître une structuration en trois pôles de l’espace des loisirs et des pratiques culturelles, comme le suggère le plan des deux premiers facteurs extraits par l’analyse reproduit à la figure ci-dessous.

33Le premier facteur, qui absorbe un peu plus de 15 % de l’inertie du nuage de points, oppose, de la droite à la gauche du plan, et pour l’ensemble des pratiques, à l’exception notable de la télévision, les non-pratiquants (repérés par les signes « – » accolés aux libellés des activités) aux pratiquants (repérés par les signes « + »). La variété des pratiques de loisirs est ainsi négativement corrélée à l’intensité des usages de la télévision, qui apparaît de la sorte comme le loisir « par défaut » des catégories privées de l’accès aux autres pratiques.

34Le deuxième facteur mis en évidence par l’ACM et qui rend compte d’une part nettement plus réduite de la variance totale du nuage de points, oppose les activités de bricolage, le jardinage, la couture et autres travaux d’aiguille, ou encore la chasse et la pêche, d’un côté, au sport, au cinéma, ainsi qu’à la fréquentation des musées, expositions et monuments, de l’autre.

Graphique

Plan des deux premiers facteurs de l’ACM

Graphique

Plan des deux premiers facteurs de l’ACM

Source : Enquête HDV, INSEE, 2003.
Annexe 2

Taux de fréquence des activités de loisir selon le sexe et l’origine

tableau im8
Fr EurN EurN 2G EurS EurS 2G Maghr/ Af/Tur Maghr/Af/Tur 2G Autre Autre 2G Ens. Lire H 62 61 66 39 63 49 55 43 67 61 F 75 74 78 54 77 51 76 76 68 73 Ens. 69 69 71 48 70 50 66 58 67 67 Écouter de la musique H 70 64 68 50 83 67 72 80 75 70 F 74 73 71 55 76 65 85 78 81 74 Ens. 72 70 70 53 80 66 79 79 78 72 Aller au cinéma H 42 41 40 20 57 35 74 36 55 42 F 44 35 48 25 52 28 56 37 42 43 Ens. 43 36 44 23 54 31 64 36 48 43 Aller au spectacle H 29 32 33 15 33 16 18 26 36 28 F 33 24 31 14 23 21 28 26 35 31 Ens. 31 27 32 14 28 19 24 26 36 30 Exposition, musée, monument historique H 33 40 35 15 33 21 13 10 34 32 F 33 37 32 15 28 21 23 36 45 32 Ens. 33 38 34 15 31 21 19 22 41 32 Regarder la télévision H 88 81 77 92 89 93 90 92 90 88 F 88 78 75 90 84 92 85 80 79 88 Ens. 88 79 76 91 87 92 87 86 84 88 Utiliser un ordinateur ou une console de jeux H 47 38 40 23 54 32 71 56 63 47 F 36 32 23 12 31 29 49 44 43 35 Ens. 42 34 32 16 42 31 58 51 51 41 Faire du sport, pratiquer une activité physique H 45 39 36 32 52 32 75 33 42 44 F 36 33 29 15 39 29 32 19 20 35 Ens. 40 35 33 22 46 30 51 27 29 39 Faire de la marche, des randonnées H 50 49 45 30 47 40 22 28 39 48 F 53 55 52 46 59 28 31 21 42 51 Ens. 51 53 48 39 53 34 27 25 41 49 Faire des voyages, du tourisme H 41 53 52 36 44 36 31 36 40 41 F 39 42 36 28 43 29 28 51 53 39 Ens. 40 45 44 31 43 32 29 43 47 40 Activités artistiques amateur H 17 20 18 4 23 10 14 20 16 17 F 20 27 22 5 17 8 14 28 39 19 Ens. 19 25 20 5 20 9 14 24 30 18 Faire une collection H 13 6 13 8 15 4 8 2 16 12 F 9 9 10 6 5 6 2 13 17 8 Ens. 11 8 11 7 10 5 5 7 17 10 Avoir une activité bénévole H 16 15 21 6 16 10 14 1 10 15 F 15 21 24 3 9 9 7 5 12 14 Ens. 15 19 23 4 12 9 10 3 11 15 Bricolage, décoration, mécanique H 57 52 54 58 56 41 32 41 62 56 F 32 27 31 18 29 18 14 16 16 30 Ens. 44 35 43 34 43 30 22 29 35 42 Jardinage H 42 38 36 47 29 16 11 18 40 40 F 38 36 41 36 32 12 8 33 27 36 Ens. 40 37 38 41 30 14 9 25 33 38 Faire du tricot, de la broderie, de la couture H 1 2 0 5 1 1 – – – 1 F 29 33 29 33 22 22 13 39 57 29 Ens. 15 23 14 22 11 11 7 18 33 15 Faire la cuisine H 34 31 29 20 33 27 14 26 34 33 F 52 43 50 51 57 58 52 67 46 53 Ens. 43 39 39 39 45 42 35 45 41 43 Aller à la pêche ou à la chasse H 23 5 20 15 15 4 6 4 5 21 F 5 1 3 1 5 – 2 5 6 4 Ens. 13 2 12 6 10 2 4 4 5 12

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Notes

  • [*]
    Chargé de recherche à l’Observatoire sociologique du changement (CNRS/FNSP) et au Laboratoire de sociologie quantitative du CREST, à l’INSEE.
  • [1]
    Pour chaque activité, la variable renseignée dans l’enquête « Histoire de vie » porte simplement sur le fait d’avoir ou non pratiqué l’activité en question dans les douze mois précédant l’enquête, sans indication de fréquence.
  • [2]
    Pour reprendre la terminologie en vigueur à l’INSEE pour désigner l’ensemble des pratiques non marchandes effectuées dans l’environnement domestique dont la dimension hédoniste n’est pas exempte de finalités utilitaires.
  • [3]
    Estimation de l’effet propre de l’origine géographique, contrôlé par le sexe, l’âge, le diplôme, le revenu, la catégorie et l’origine sociale sur la probabilité de pratiquer la lecture – modèle logit dichotomique.
  • [4]
    Il y aurait beaucoup à dire sur la catégorisation de la lecture comme activité de culture « savante » et sur celle de la fréquentation des salles de cinéma comme activité de culture de masse, en l’absence d’information sur le contenu des lectures et sur la nature des films vus. En l’absence de données, on est conduit à ce type de simplification. Il y a cependant des chances que la lecture, en tant que telle, s’inscrive dans un répertoire d’activités culturelles plus légitime que la fréquentation du cinéma en tant que telle, et que l’une et l’autre puissent ainsi être tenues pour des indicateurs plus larges d’orientation du comportement culturel.
  • [5]
    Voir, notamment, Stéphane Beaud et Gérard Noiriel, « L’immigration dans le football », Vingtième siècle, n° 26, 1990, p. 83-96.
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