Couverture de RFAS_031

Article de revue

Les personnes âgées en institution

Pages 123 à 148

Notes

  • [*]
    Sandrine Dufour-Kippelen, maître de conférence en sciences économiques à l’université Paris IX-Dauphine, Laboratoire d’économie et de gestion des organisations de la santé (Eurisco-Legos).
    Annie Mesrine, chef du bureau des établissements sociaux, de l’action sociale locale et des professions à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées.
  • [1]
    L’étude repose sur les incapacités relatives à la toilette, l’habillage et l’alimentation ; celles relatives à l’hygiène de l’élimination, à la mobilité ; à la communication, la cohérence et l’orientation ; aux sens ; à la souplesse. Au total, dix-huit incapacités sont recensées.
    Un nombre non négligeable de personnes déclarent effectuer les tâches elles-mêmes mais avec beaucoup de difficultés. Ainsi, une personne a une incapacité si elle rencontre beaucoup de difficultés à effectuer l’acte seule ou si elle a besoin d’aide pour l’effectuer.
  • [2]
    On sait par d’autres sources que les flux financiers vont toutefois plutôt des parents âgés vers les enfants que l’inverse. Par exemple, selon une enquête de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV, 1992), si le tiers des personnes âgées de 68 à 92 ans donnent de l’argent à leurs enfants quinquagénaires, un enfant sur dix donne de l’argent à ses parents âgés (Attias-Donfut, 1996).
  • [3]
    On désigne par « contact actif » toute personne de la famille proche qui rend au moins une visite par mois, ou qui rend plusieurs visites par an avec au moins un échange de nouvelles par mois.
  • [4]
    L’auteur a fait l’hypothèse que toutes les personnes âgées qui cohabitent avec un parent proche ou qui vivent à proximité du logement d’un parent proche ont des contacts au moins hebdomadaires.
  • [5]
    Plusieurs réponses étaient possibles.
  • [6]
    On peut d’ailleurs s’interroger sur l’homogénéité des réponses fournies à l’enquêteur dans la mesure où, selon les cas, la personne a répondu seule en face à face, avec la présence et l’assistance d’un tiers ou même n’a pas été présente physiquement lors de la passation du questionnaire (Ralle et Thomas, 2001).

1Les deux vagues de collecte de l’enquête « Handicaps, incapacités, dépendance » (HID) de 1998 et 2000 ont permis une meilleure connaissance des personnes vivant en institution (encadré 1). Nous présentons ici les travaux consacrés aux personnes âgées de 60 ans ou plus résidant en maisons de retraite et unités de soins de longue durée. Les personnes âgées résidant en institutions pour adultes handicapés et en établissements psychiatriques, peu nombreuses, présentent des profils très particuliers (Colin et Coutton, 2000 ; Dufour-Kippelen, 2001). Elles sont par conséquent exclues ici des analyses.

Encadré 1 : L’enquête HID (1998-2001)

L’enquête « Handicaps, incapacités, dépendance » (HID) réalisée par l’Insee vise à établir pour la première fois en France une estimation du nombre de personnes (de tous âges vivant à domicile ou en institution) touchées par les divers types de handicaps (y compris ceux liés à l’âge), à décrire leur situation sociale, relever l’aide dont ces personnes bénéficient et à permettre une évaluation de celle qui leur serait nécessaire (Mormiche, 1998, 1999). L’enquête contient des informations originales sur les déficiences et incapacités ainsi que les problèmes rencontrés dans la vie quotidienne (déplacements, alimentation, toilette, emploi, etc.). Lorsque les personnes interrogées n’étaient pas en mesure de répondre seules au questionnaire, une tierce personne (personnel soignant de l’établissement, personnel administratif, parent ou ami) les a aidées ou a répondu à leur place.
Cette enquête comporte quatre vagues de collecte. Menée fin 1998, la première vague a concerné les personnes résidant ou soignées dans les institutions sanitaires, sociales ou psychiatriques. Fin 1999, la même enquête a été menée auprès d’un échantillon de personnes vivant en domicile ordinaire. Un second passage a eu lieu fin 2000 auprès des personnes hébergées en institutions, interrogées en 1998, dans le but d’évaluer les évolutions des situations individuelles. Le second passage auprès des personnes vivant à domicile a eu lieu fin 2001.
Les informations disponibles concernent : les déficiences et leur origine ; les incapacités, leurs causes et leur ancienneté ; l’environnement sociofamilial et les contacts ; le logement ; l’accessibilité du logement et les aides techniques ; les déplacements et les transports ; la scolarité et les diplômes ; l’emploi, la situation professionnelle passée et présente ; les revenus et la reconnaissance officielle du handicap ; les loisirs, les vacances, la vie associative. En outre, à domicile, on dispose d’informations sur les aidants, et, s’il y a lieu, l’aidant principal non professionnel est interrogé.

Encadré 2 : Les 60 ans ou plus dans l’enquête HID « Institutions »

Fin 1998, les personnes âgées de 60 ans ou plus vivant en institutions (excepté les institutions pour adultes handicapés et les établissements psychiatriques) sont réparties de la façon suivante : 68 000 pensionnaires étaient hébergés dans 960 unités de soins de longue durée des établissements hospitaliers et 412 000 résidaient dans 6 450 maisons de retraite. Dans ces dernières, 5 000 personnes étaient hébergées dans une unité de soins de longue durée dépendant de la maison de retraite. Au total, 73 000 personnes, soit 15 % des pensionnaires, résidaient donc en unités de soins de longue durée, dépendant d’un établissement hospitalier ou d’une maison de retraite, et 407 000, soit 85 % des pensionnaires, résidaient en maisons de retraite au sens strict (population en unités de soins de longue durée non comprise).
L’enquête HID auprès des personnes vivant en institution s’est déroulée en deux passages.
Concernant les pensionnaires d’établissements pour personnes âgées, un échantillon de 6 600 personnes, représentatif de l’ensemble des pensionnaires a été interrogé lors du premier passage, en 1998 : 920 pensionnaires d’unités de soins de longue durée des établissements hospitaliers (dans 125 unités de soins), et 5 680 pensionnaires de maisons de retraite (dans 760 maisons de retraite).
Le second passage, en 2000, a concerné les personnes ayant déjà répondu en 1998 et encore présentes dans l’établissement. Près de 4 000 personnes ont ainsi été interrogées fin 2000. Ce dernier échantillon n’est pas représentatif de l’ensemble des personnes âgées hébergées en établissement à la fin de l’année 2000. En revanche, il retrace l’évolution, entre les deux passages, de la situation des personnes présentes dans ces établissements en 1998.
Les maisons de retraite faisant partie de l’enquête regroupent les hospices, les maisons de retraite proprement dites, les établissements expérimentaux, les résidences d’hébergement temporaire, etc. Elles se caractérisent par une prise en charge globale de la personne (hébergement en chambre, restauration, blanchissage, etc.) et elles peuvent être médicalisées (Aliaga et Neiss, 1999). Elles peuvent être distinguées selon qu’elles sont privées (à but lucratif ou à but non lucratif) ou publiques, qu’elles sont peu ou très médicalisées. (Les logements-foyers sont considérés dans l’enquête comme des logements autonomes et à ce titre pris en compte dans HID « Domicile ».)
Les unités de soins de longue durée des établissements hospitaliers (anciennement long séjour) relèvent du secteur sanitaire. Ces services assurent l’hébergement et les soins des personnes qui n’ont plus leur autonomie et dont l’état de santé nécessite une surveillance médicalisée constante.

2Après avoir rappelé les principales caractéristiques démographiques de la population hébergée en établissement pour personnes âgées, nous aborderons successivement l’état de santé des pensionnaires, leurs revenus et milieu socioprofessionnel, leurs réseaux de parenté et relations familiales ainsi que leur vie quotidienne et sociale. Nous évoquerons en conclusion quelques pistes de recherche ou d’approfondissement possibles pour des travaux futurs.

Les principales caractéristiques démographiques des résidents

480 000 personnes âgées en institution

3Fin 1998, en France, près de 480 000 personnes de 60 ans et plus vivaient en maisons de retraite ou en unités de soins de longue durée (encadré 2), soit presque 4 % de cette classe d’âge. La part, dans une classe d’âge donnée, des personnes hébergées dans ce type d’établissement augmente avec l’âge : entre 60 et 64 ans, moins de 1 % y résident contre 44 % des personnes de 95 ans ou plus (Dufour-Kippelen, 2000).

4La plupart de ces résidents vivent en maisons de retraite (environ 85 %) ; les autres sont essentiellement hébergés en unités de soins de longue durée des établissements hospitaliers (14 %).

Une population féminine, très âgée et veuve

5Les femmes sont nettement plus nombreuses que les hommes dans la population des 60 ans et plus vivant en institution, et elles sont en proportion plus nombreuses en institution qu’à domicile. On compte en effet 356 000 femmes en établissement pour 124 000 hommes ; les femmes représentent ainsi les trois quarts des pensionnaires, alors qu’elles représentent moins de 60 % de la population française de cet âge (Aliaga et Neiss, 1999 ; Eenschooten, 2001 ; Renaut, 2001).

6En établissement, c’est à partir de 75 ans que les femmes deviennent plus nombreuses que les hommes, allant jusqu’à être cinq fois plus nombreuses qu’eux à partir de 85 ans. Entre 60 et 75 ans, les effectifs d’hommes et de femmes s’équilibrent.

7En conséquence, les femmes sont en moyenne plus âgées que les hommes : l’âge moyen des pensionnaires en 1998 est de 85 ans pour les premières et de 79 ans et demi pour les seconds. Par ailleurs, près de 90 % des femmes en institution ont 75 ans ou plus (tableau 1).

Tableau 1

Répartition des pensionnaires de 60 ans et plus hébergés en maisons de retraite ou unités de soins de longue durée selon l’âge (en %)

Tableau 1
Hommes Femmes Moins de 65 ans 7,2 1,9 De 65 à 74 ans 24,2 8,9 De 75 à 84 ans 30,9 28,2 85 ans et plus 37,7 61,0 100 100 Effectifs 124 000 356 000 Source : HID « Institutions » 1998. Extrait Dufour-Kippelen, 2000.

Répartition des pensionnaires de 60 ans et plus hébergés en maisons de retraite ou unités de soins de longue durée selon l’âge (en %)

8Au total, les deux tiers des pensionnaires des maisons de retraite et unités de soins de longue durée sont des femmes âgées de 75 ans ou plus.

9Le veuvage est beaucoup plus fréquent chez les femmes, 75 % de veuves contre 43 % de veufs, ainsi que chez les personnes plus âgées : 77 % des hommes de 85 ans et plus et 82 % des femmes du même âge sont dans ce cas. Le taux de célibat est, par contre, deux fois plus élevé chez les hommes : 40 % contre 20 % pour les femmes. Il concerne aussi plus fréquemment les plus jeunes : parmi les moins de 75 ans, 71 % des hommes et 48 % des femmes sont célibataires (Aliaga et Neiss, 1999).

L’état de santé des pensionnaires : dépendance et incapacités

Une entrée en institution pour raison de santé

10Les personnes qui résident en institution à la date de l’enquête proviennent principalement d’un domicile ordinaire indépendant (66 % des hommes et 70 % des femmes) ou d’une institution (25 % des hommes et 21 % des femmes). Environ 9 % des personnes vivaient chez un membre de leur famille (enfants, parents ou autres proches) ou dans une famille d’accueil avant d’entrer en institution.

11Globalement, les personnes évoquent leur état de santé pour expliquer leur entrée en institution : c’est le cas des trois quarts des pensionnaires des maisons de retraite et plus de neuf personnes sur dix en unités de soins de longue durée.

12Les hommes entrent en institution plus jeunes que les femmes. La moitié des femmes sont entrées en maison de retraite ou unité de soins de longue durée après 83 ans. La moitié des hommes sont entrés en maisons de retraite après 76 ans et en unités de soins de longue durée après 78 ans (Dufour-Kippelen, 2001).

Un niveau de dépendance plus élevé en unités de soins de longue durée

13Dans l’enquête, les informations disponibles sur les incapacités sont de nature déclarative (les pensionnaires énumèrent eux-mêmes les incapacités qui les affectent) : elles ne résultent pas d’une évaluation médicale.

14Les femmes sont plus fréquemment touchées par la dépendance sévère, qu’elle soit physique ou d’origine psychique (tableau 2). Toutefois, une étude par classes d’âge montre, qu’avant 65 ans, les taux de dépendance sont plus élevés pour les hommes et indique, qu’entre 65 et 74 ans, les hommes sont plus souvent affectés par la dépendance physique que les femmes (Dufour-Kippelen, 2000).

Tableau 2

Dépendance physique sévère, d’origine psychique, physique et psychique des 60 ans et plus selon le type d’établissement

Tableau 2
Hommes Femmes Maisons de retraite Unités de soins longue durée* Maisons de retraite Unités de soins longue durée* Dépendance physique sévère 1 49,2 83,6 56,6 89,8 Dépendance d’origine psychique 2 40,1 74,2 50,6 79,5 Dépendance d’origine psychique et physique 32,5 68,5 43,5 77,1 * Unités de soins de longue durée des établissements hospitaliers. 1 La dépendance physique sévère est définie par les niveaux 1 et 2 de l’indicateur de Colvez : personnes confinées au lit ou au fauteuil (niveau 1) ; personnes non confinées mais ayant besoin d’aide pour la toilette ou l’habillage (niveau 2). 2 La dépendance d’origine psychique est définie par l’indicateur EHPA : une personne est déclarée dépendante psychiquement lorsqu’elle est totalement incohérente ou toujours désorientée, ou partiellement incohérente et parfois désorientée. Il faut noter que parmi les dépendants psychiques, il y a des dépendants physiques déjà comptabilisés dans (1). Ainsi, les catégories (1) et (2) ne sont pas disjointes. Il faut donc lire les chiffres comme suit : en maison de retraite, 49,2 % des hommes sont atteints de dépendance physique sévère ; 40,1 % sont atteints de dépendance d’origine psychique. Source : HID « Institutions » 1998. Extrait Dufour-Kippelen, 2000.

Dépendance physique sévère, d’origine psychique, physique et psychique des 60 ans et plus selon le type d’établissement

15Ainsi, selon les estimations de C. Colin et V. Coutton (2000), près de la moitié des résidents sont très dépendants : 233 000 personnes sont classées dans les GIR 1 à 3 de la grille AGGIR. Ce sont les services de soins de longue durée qui accueillent la population la plus dépendante : plus de 80 % des pensionnaires y sont classés dans les GIR 1 à 3.

16Si, en valeur absolue, le nombre de personnes très dépendantes à domicile est un peu plus élevé (292 000), cela ne représente « que » 2,5 % des 11 millions et demi de personnes de 60 ans et plus à domicile.
En raison d’une dépendance plus forte, les pensionnaires des unités de soins de longue durée ont des durées de séjour plus courtes : la moitié des résidents des maisons de retraite y vivent depuis au moins trois ans ; la moitié des personnes en unités de soins de longue durée y résident depuis au moins deux ans.

Les difficultés de déplacement : l’incapacité la plus répandue

17Les incapacités sont les difficultés ou impossibilités rencontrées dans la réalisation des actes de la vie quotidienne. Ces actes peuvent être élémentaires : physiques comme se tenir debout, se lever, monter un escalier, psychiques comme mémoriser. Ces actes peuvent aussi être plus complexes : s’habiller, se servir du téléphone, soutenir une conversation, etc. (Mormiche, 1998).

18Les difficultés les plus fréquemment rencontrées pour les personnes âgées en institution sont celles pour se déplacer puis s’habiller et effectuer leur toilette : la moitié des pensionnaires sont confinés à l’intérieur de l’institution, que ce soit au lit, à la chambre ou au bâtiment ou ont besoin d’aide pour la toilette ou l’habillage.
Le pourcentage de personnes affectées par les incapacités augmente avec l’âge pour la plupart des incapacités : une part croissante de personnes ont besoin d’aide pour réaliser les gestes et tâches de la vie quotidienne ou éprouvent de grandes difficultés à les réaliser seules. Ainsi, 36 % des hommes de moins de 65 ans ont besoin d’aide pour la toilette et, au-delà de 85 ans, plus de la moitié des hommes sont concernés (53 %) (Dufour-Kippelen, 2000).

Les femmes sont plus touchées par les incapacités, notamment dans les unités de soins de longue durée

19Parmi l’ensemble de la population des personnes âgées hébergées en établissement, les femmes déclarent plus fréquemment des incapacités que les hommes [1], en moyenne une incapacité de plus, quel que soit le type de l’établissement (tableau 3).

Tableau 3

Nombre moyen d’incapacités déclarées en 1998 selon le type d’établissement, le sexe et l’âge

Tableau 3
Maisons de retraite Unités de soins de longue durée * Hommes Moins de 65 ans De 65 à 74 ans De 75 à 84 ans 85 ans et plus 3,0 4,3 5,0 6,1 6,3 8,2 9,1 11,6 Ensemble 5,0 9,5 Femmes Moins de 65 ans De 65 à 74 ans De 75 à 84 ans 85 ans et plus 3,3 4,5 5,7 7,1 9,7 8,4 10,5 10,9 Ensemble 6,5 10,5 * Unités de soins de longue durée des établissements hospitaliers. Lecture : sur l’ensemble des 18 incapacités étudiées, les hommes de moins de 65 ans hébergés en maison de retraite présentent en moyenne 3 incapacités en 1998. Source : HID « Institutions » 1998. Extrait Dufour-Kippelen, 2000.

Nombre moyen d’incapacités déclarées en 1998 selon le type d’établissement, le sexe et l’âge

20En unité de soins de longue durée, les pensionnaires déclarent plus souvent être touchés par des incapacités qu’en maison de retraite, et ce quel que soit leur âge, avec en moyenne dix incapacités. Par exemple, plus de 72 % des hommes pris en charge en soins de longue durée déclarent des difficultés pour la toilette alors que c’est le cas de 45 % des hommes en maison de retraite. En particulier, ces hommes souffrent de difficultés de communication, de parole ou d’utilisation des mains et des doigts deux fois plus fréquemment que les hommes en maison de retraite.

21Les femmes ayant moins de 65 ans hébergées en unités de soins sont peu nombreuses (2 000) mais particulièrement touchées par les incapacités ; beaucoup plus que les hommes du même âge de ces mêmes institutions (9,7 incapacités contre 6,3) ou que les autres femmes, même beaucoup plus âgées.

22Enfin, dans les maisons de retraite, c’est surtout au-delà de 75 ans que les femmes ont plus d’incapacités : en moyenne elles présentent une incapacité de plus que les hommes du même âge.
En moyenne, ce sont les troubles de la communication qui apparaissent le plus tôt et, en dernier lieu les problèmes physiologiques. Pour les hommes, douze ans séparent l’âge moyen d’apparition de la première incapacité de la dernière incapacité apparue : en moyenne les difficultés pour parler sont apparues vers 66 ans tandis que les difficultés pour voir de loin ou se déplacer sont apparues vers 78 ans. Globalement, les incapacités apparaissent beaucoup plus tard et de façon plus rapprochée pour les femmes : entre 79 et 83 ans.

Évolution de l’état de santé entre les deux interviews (1998 et 2000)

23Deux années après la première interrogation, plus d’un tiers des pensionnaires âgés sont décédés. Les établissements de soins de longue durée, qui accueillent les personnes les plus âgées et les plus dépendantes, sont particulièrement confrontés à un fort renouvellement de leur population : en deux ans, 45 % des résidents de 1998 sont décédés, pour environ un tiers dans les maisons de retraite.

24Parmi ces résidents, 15 % des personnes ayant moins de 70 ans sont décédées alors que plus de la moitié des 90 ans et plus sont décédées (Mormiche, 2001).

25Renaut (2001) montre que c’est en effet l’âge plutôt que le niveau de dépendance qui augmente le risque de décès. « Compte tenu de l’âge moyen observé en 1998, on peut estimer que les décès sont survenus au moins dans la 88e année des résidents et ces moyennes s’avèrent extrêmement stables d’un groupe de dépendance à l’autre ».
Par ailleurs, l’entrée en institution est rarement suivie de retour à domicile pour les personnes âgées : sauf exceptionnellement lorsque la durée de séjour est courte, plutôt inférieure à un an, et seulement pour les plus jeunes. Les survivants sont pour la plupart confrontés à l’aggravation de leurs difficultés, ou, au mieux, à leur stabilisation.

Les personnes âgées affectées d’incapacités entrent rapidement en institution lorsqu’elles ne vivent pas dans une famille

26L’apparition d’une incapacité ne nécessite pas systématiquement l’institutionnalisation. Le temps vécu avec une ou plusieurs incapacités avant d’entrer dans l’établissement varie, en effet, selon le lieu de vie précédant l’entrée, le sexe et la nature des incapacités (Dufour-Kippelen, 2001).

27Quand elles vivaient dans un logement indépendant, a priori seules ou en couple, les personnes ont vécu avec leur(s) incapacité(s) en moyenne moins longtemps avant d’entrer dans l’établissement où elles résident lors de l’enquête, que les personnes qui étaient hébergées dans leur famille ou dans un autre établissement. L’entrée en institution survient rapidement pour les premières lorsque des difficultés apparaissent pour s’alimenter, s’habiller, se laver, se déplacer. C’est particulièrement patent pour celles qui ne vivent pas en couple. Seuls les problèmes de vision, d’ouïe et de parole n’empêchent pas les personnes âgées de rester chez elles.

28Par exemple, les hommes vivent, en moyenne, douze années dans leur famille avec des difficultés pour parler ou pour manger alors qu’ils ne passent que respectivement cinq ans et demi et un an et demi dans un logement indépendant avec les mêmes incapacités. Lorsqu’ils ne peuvent pas se préparer à manger ou même manger seuls une fois le repas préparé, ils peuvent ainsi vivre dans leur famille si quelqu’un peut s’occuper d’eux, mais ne peuvent vivre seuls à domicile.

29C’est dans la famille que certaines incapacités sont prises en charge le plus longtemps, à l’exception toutefois des problèmes d’hygiène de l’élimination (qu’ils touchent les hommes ou les femmes) ou des problèmes de vue importants (lorsqu’ils touchent les hommes), problèmes dont l’apparition est suivie rapidement par une institutionnalisation. Lorsque la personne vivait dans un autre établissement (et donc sous la responsabilité de professionnels), ces deux problèmes semblent « mieux » maîtrisés et donc moins rapidement suivis d’une prise en charge dans un autre établissement, sans doute plus médicalisé. La famille aurait plus de difficultés à gérer ces problèmes que ceux d’alimentation, par exemple.
L’apparition d’une incapacité peut être un facteur d’entrée en institution. Toutefois, elle doit être resituée dans le contexte individuel car elle aura des conséquences différentes en termes de prise en charge selon le lieu d’habitation et selon que l’on peut mobiliser ou non la solidarité familiale. Dans les deux vagues de l’enquête HID « Institutions », peu d’éléments permettent l’étude de la trajectoire de prise en charge, c’est-à-dire du parcours qui a amené les personnes âgées à entrer en institution.

Les revenus et le milieu socioprofessionnel

30La famille tient une place centrale dans le maintien à domicile. En plus de l’aide concrète à l’accomplissement de certaines tâches essentielles à la vie quotidienne, elle apporte sans doute dans certains cas une aide financière, qui n’est pas mesurée par l’enquête HID [2].

31Si l’enquête HID n’apporte pas d’informations sur les flux financiers entre générations, elle interroge par contre les résidents des établissements sur leurs revenus personnels. Il faut toutefois garder une certaine prudence lors de l’interprétation des résultats. En effet, l’état de santé des résidents ainsi que la gestion de leurs revenus par autrui pour les deux tiers d’entre eux ne leur permettent pas toujours de répondre avec précision aux questions sur leurs ressources. Cela se traduit, d’une part, par un taux relativement élevé des non-réponses à ce thème (40 %), d’autre part, par des incertitudes sur les réponses données par l’enquêté : caractère net ou brut des montants, inclusion ou non des allocations, connaissance exacte des prestations…

32Revenu et milieu social interviennent dans la décision d’entrer en établissement, ainsi que dans le choix du type d’établissement. Les allocations complètent les ressources, mais elles ne semblent parfois combler que tout juste la différence entre coût de l’hébergement et revenus personnels.

Des revenus très modestes : un frein à l’entrée en établissement

33L’hébergement en établissement a un coût. Selon une enquête réalisée en 2000 auprès des établissements hébergeant des personnes âgées (encadré 3), le coût mensuel d’hébergement à cette date se situait entre 915 € et 1 830 € dans 90 % des établissements.
Des revenus très modestes semblent à cet égard constituer un frein à l’entrée en établissement, même dans les cas d’isolement et de dépendance. En effet, parmi les personnes âgées de 60 ans ou plus, celles qui déclarent percevoir 600 € ou moins par mois (allocations comprises) représentent 40 % des personnes qui vivent seules à domicile tout en étant dépendantes, alors qu’elles représentent 25 % des résidents en établissements (tableau 4) (Eenshooten, 2001). Les allocations ne semblent pas toujours suffire pour financer le coût d’une entrée en établissement. De ce point de vue, hommes et femmes ne sont pas à égalité. En effet, les femmes ont des revenus, allocations comprises, un peu inférieurs à ceux des hommes (respectivement 930 € et 1 040 €, en moyenne).

Tableau 4

Ressources (allocations comprises) des personnes âgées de 60 ans ou plus (en %)

Tableau 4
À domicile (vivant seuls) En institution Équivalent GIR 1 à 4 Toutes Maisons de retraite USLD* Privées Publiques Jusqu’à 600 € 41 24 19 27 29 600 € à 1 020 € 31 39 35 42 38 1 020 € à 1 600 € 20 27 30 25 27 1 600 € et plus 8 10 16 6 6 Ensemble 100 100 100 100 100 Nombre de personnes 253 000 480 000 197 000 210 000 73 000 * Unités de soins de longue durée des établissements hospitaliers et des maisons de retraite (encadré 1 ). Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus. Source : enquêtes HID « Institutions » 1998 et HID « Ménages » 1999, Insee. Extrait de Eenschooten, 2001.

Ressources (allocations comprises) des personnes âgées de 60 ans ou plus (en %)

34À l’autre extrémité de l’échelle des ressources, 8 % des personnes âgées dépendantes qui vivent seules à domicile déclarent percevoir au moins 1 600 € par mois. En comparaison, les résidents en maisons de retraite publiques ou en unités de soins de longue durée ne sont que 5 % à disposer de tels revenus. Seuls les résidents de maisons de retraite privées sont plus nombreux à déclarer avoir des revenus aussi élevés (15 %). À l’évidence, de plus hauts revenus permettent de financer l’entrée dans un établissement privé, souvent plus cher s’il est à but lucratif.

Anciens ouvriers et anciennes inactives : plus présents en institution qu’à domicile

35Les ouvriers, hommes et femmes, ainsi que les femmes n’ayant jamais exercé d’activité professionnelle, sont en proportion plus présents en institution que vivant seuls à leur domicile (tableau 5). Par exemple, les anciennes inactives représentent 15 % des femmes en établissement alors qu’elles sont moins de 1 % parmi les femmes vivant seules à domicile. Ce sont le plus souvent des femmes célibataires ou des veuves d’ouvriers, qui ne disposent sans doute que de ressources limitées. Une des raisons de leur institutionnalisation pourrait être leurs problèmes de santé.

Tableau 5

Répartition des catégories socioprofessionnelles selon le lieu de vie

Tableau 5
Catégorie socioprofessionnelle En institution (%) Vivant seul à domicile (%) Hommes Femmes Hommes Femmes Agriculteur exploitant 11,5 9,2 16,3 8,0 Indépendant 7,9 9,5 8,7 9,3 Cadre 5,2 2,1 13,4 8,3 Membre d’une profession intermédiaire 10,1 7,5 14,9 14,3 Employé 9,2 20,5 5,6 38,4 Ouvrier 42,9 23,7 40,8 20,9 Sans activité professionnelle 5,4 15,3 0,3 0,7 Imprécis ou non déclarés 7,8 12,2 0,0 0,1 Ensemble 100 100 100 100 Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus. Source : enquêtes HID « Institutions » 1998 et HID « Ménages » 1999, Insee. Extrait de Eenschooten, 2001.

Répartition des catégories socioprofessionnelles selon le lieu de vie

36À l’inverse, la proportion de cadres, hommes et femmes, est trois fois plus élevée parmi les personnes vivant seules à leur domicile que parmi les personnes vivant en établissement. Ce ratio est encore de deux à un pour les membres des professions intermédiaires. Il est vrai qu’à âge égal les cadres sont, en général, en meilleure santé que les ouvriers et employés, et que leur espérance de vie sans incapacités est plus longue (Cambois, 1999). Par ailleurs, leurs moyens financiers semblent leur permettre de financer une aide professionnelle à domicile lorsque la dépendance s’installe (Dutheil, 2001).

37Les hommes agriculteurs exploitants restent également plus volontiers chez eux. Sans doute peuvent-ils compter sur des solidarités familiales ou de voisinage pour retarder l’entrée en établissement.

38Revenus et milieu socioprofessionnel sont liés. Il n’est donc pas étonnant que l’accès aux maisons de retraite privées dépende du milieu social. Les anciens cadres ou membres des professions intermédiaires sont plus souvent hébergés en établissements privés. Ils sont trois fois plus nombreux parmi les pensionnaires du privé que parmi les pensionnaires du public : pour les hommes, la part passe de 10 % des résidents du public à 30 % des résidents du privé ; pour les femmes, cette part passe de 5 % à 15 %. Les hommes ouvriers constituent ainsi près de 50 % des résidents des établissements publics alors qu’ils n’en représentent que 30 % de ceux du privé. Les employés sont répartis de manière plus homogène selon la nature de l’établissement (Dufour-Kippelen, 2000).

Moins de bénéficiaires des allocations sociales dans les établissements privés et parmi les anciens cadres

39Le poids des allocations dans le total des ressources des résidents varie selon le type d’établissement. Ces allocations sont principalement la Prestation spécifique dépendance (PSD), l’aide sociale et l’Allocation de logement à caractère social (ALS). En établissement privé, l’aide sociale ne peut être perçue que si l’établissement est habilité. En 1996, selon l’enquête EHPA, un établissement commercial sur six et deux établissements associatifs sur trois étaient habilités à l’aide sociale. En conséquence, la part des résidents de 60 ans ou plus qui touchent au moins une allocation est plus faible en maison de retraite privée (20 %) qu’en maison de retraite publique ou en unités de soins de longue durée (30 %).

40Les allocations étant souvent allouées sous conditions de ressources, la part des allocataires varie bien avec le milieu socioprofessionnel. Si, parmi les résidents de 75 ans ou plus, trois agriculteurs exploitants sur dix et un quart des ouvriers et des anciens inactifs touchent au moins une allocation, seul un sur dix, parmi les cadres ou membres des professions intermédiaires, est dans ce cas (Renaut, 2000).

41Par ailleurs, certaines d’entre elles étant liées à la dépendance, la part des allocations dans leurs ressources croît avec l’âge des bénéficiaires.

Les ressources disponibles après paiement des frais d’hébergement

42Si les allocations ne semblent pas toujours suffire pour financer un hébergement en établissement, elles semblent en général assurer tout juste le différentiel entre revenus et frais d’hébergement pour les personnes hébergées. Allocations comprises, plus des deux tiers des résidents déclarent qu’il leur reste moins de 70 € par mois pour vivre après paiement des frais d’hébergement (tableau 6). Il faut cependant garder à l’esprit les conditions de recueil de ces données, conditions rappelées en introduction de ce paragraphe.

Tableau 6

Répartition des personnes en établissement selon l’argent qu’elles déclarent leur rester après paiement des frais d’hébergement (en %)

Tableau 6
Toutes institutions Maisons de retraite USLD* privées publiques Pas d’argent restant 31 31 31 33 Moins de 70 € par mois 37 30 41 43 Sous-total 68 61 72 76 70 à 145 € par mois 12 14 11 11 145 à 220 € par mois 5 6 4 4 220 à 300 € par mois 3 3 2 1 300 € par mois ou plus 12 16 11 8 Ensemble 100 100 100 100 Nombre de personnes 480 000 197 000 210 000 73 000 * Unités de soins de longue durée des établissements hospitaliers et des maisons de retraite (cf. encadré 1). Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus. Source : enquête HID « Institutions » 1998, Insee. Extrait de Eenschooten, 2001.

Répartition des personnes en établissement selon l’argent qu’elles déclarent leur rester après paiement des frais d’hébergement (en %)

43À l’opposé, la part des résidents qui déclarent qu’il leur reste au moins 300 € par mois après paiement des frais d’hébergement est la plus élevée en maisons de retraite privées (15 %).

Le réseau de parenté et les relations familiales

44Si les personnes veuves ou célibataires sont plus présentes en établissement qu’à domicile, l’isolement d’une personne ne se résume pas à son veuvage ou à son célibat. L’existence ou non d’un réseau de parenté, ainsi que la fréquence des contacts entre celui-ci et le résident, donne la mesure de l’intensité des liens familiaux après l’institutionnalisation.

Un réseau familial moins étoffé pour les personnes qui vivent en établissement que pour celles qui vivent à domicile…

45Quatre résidents sur dix n’ont pas ou plus d’enfants en vie, contre une personne âgée sur sept vivant à domicile. Une partie de cet écart est expliquée par les différences de structure par âge et par statut matrimonial entre les populations en établissement et à domicile. En effet, les personnes vivant en établissement sont en moyenne plus âgées, donc leurs enfants ont une probabilité plus grande d’être décédés, et elles sont plus souvent célibataires, donc plus susceptibles de n’avoir eu aucun enfant.

46Mais ces différences de structure n’expliquent pas la totalité de l’écart.

47Par exemple, le nombre d’enfants vivants est en moyenne plus faible pour les personnes en institution que pour celles à domicile. Ceci reste vrai en éliminant les effets de statut matrimonial et d’âge. En particulier, les personnes non célibataires (mariées, veuves, divorcées ou séparées) ont, en moyenne, à âge comparable 0,3 ou 0,4 enfant en vie de moins lorsqu’elles résident en établissement que lorsqu’elles vivent à domicile (Désesquelles et Brouard, 2002).
Compte tenu du rôle des enfants dans le maintien à domicile, on conçoit que l’absence d’enfants puisse être un facteur qui favorise l’entrée en établissement.

… mais la famille reste impliquée en gardant des contacts…

48Au-delà des enfants, quatre résidents sur cinq déclarent avoir de la famille proche (conjoint, enfants, petits-enfants, frères et sœurs).

49La grande majorité des pensionnaires a gardé des contacts avec sa famille, proche ou éloignée, que ce soient des visites ou des échanges de nouvelles. La famille est en effet impliquée dans la presque totalité des contacts avec le résident lorsque celui-ci a de la famille proche, et dans 80 % des contacts lorsque le résident est sans famille proche. Dans ce dernier cas, la famille éloignée prend le relais (tableau 7) (Aliaga et Neiss, 1999).

Tableau 7

Lorsque les résidents ont gardé des contacts, avec qui les ont-ils ?

Tableau 7
A des contacts avec A une famille proche Oui (%) Non (%) La famille proche 1 uniquement 57 - La famille éloignée 2 uniquement 3 62 Les amis 3 uniquement 2 20 La famille proche et éloignée 17 - La famille (proche ou éloignée) et les amis 21 18 Ensemble 100 100 1 La famille proche comprend les enfants, petits-enfants, les frères et sœurs, le conjoint. 2 La famille éloignée regroupe les neveux et nièces, cousins et cousines, oncles et tantes. 3 Amis, anciens collègues ou voisins. Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus. Source : enquête HID « Institutions » 1998, Insee. Extrait de Aliaga, Neiss, 1999.

Lorsque les résidents ont gardé des contacts, avec qui les ont-ils ?

50Neuf personnes âgées sur dix qui ont des enfants ont gardé des contacts avec eux et en reçoivent des visites. Les échanges et visites avec les petits-enfants sont presque aussi fréquents qu’avec les enfants. Les contacts avec la fratrie sont moins fréquents : eux-mêmes âgés, les frères et sœurs peuvent avoir des difficultés à se déplacer et les contacts se réduisent sans doute souvent à une communication par téléphone ou par courrier.

… au moins mensuels

51Lorsqu’ils en reçoivent des visites, 85 % des résidents voient leurs enfants au moins une fois par mois, le plus fréquent étant la visite hebdomadaire. Les visites des petits-enfants sont en moyenne un peu plus espacées (tableau 8).

Tableau 8

Lorsque les résidents ont des visites de leur famille proche, celles-ci sont-elles fréquentes ? (en %)

Tableau 8
À des visites de la part des… Enfants Petits-enfants Frères et sœurs Au moins une fois par jour 10 2 3 Au moins une fois par semaine 52 18 19 Au moins une fois par mois 23 32 21 Plusieurs fois par an 12 35 31 Une fois par an 2 8 13 Moins souvent 1 5 13 Total 100 100 100 Lecture : 10 % des résidents qui reçoivent des visites de leurs enfants voient l’un d’eux au moins une fois par jour. Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus. Source : enquête HID « Institutions » 1998, Insee. Extrait de Aliaga, Neiss, 1999.

Lorsque les résidents ont des visites de leur famille proche, celles-ci sont-elles fréquentes ? (en %)

52La fréquence des visites quotidiennes ou hebdomadaires croît avec l’âge. Ces visites concernent une personne sur sept entre 60 et 69 ans, une personne sur quatre entre 70 et 79 ans, une personne sur trois au-delà de 80 ans (Goillot et Mormiche, 2001). Il semble que la famille soutient d’autant plus son proche que la fragilité de ce dernier s’accroît.
L’intensité des contacts avec la famille varie avec la configuration familiale. Les personnes qui ont une descendance, qu’elles soient seules ou en couple, ont plus fréquemment des visites hebdomadaires que les autres. A contrario, les personnes sans descendance (seules ou en couple) sont plus nombreuses à n’avoir aucun contact avec leur famille proche, ou à avoir des contacts mais pas de contacts actifs [3] (Désesquelles, 2000). Par exemple, 70 % des couples qui ont une descendance ont au moins un visiteur hebdomadaire, et seulement 12 % aucun contact avec leur famille, actif ou non, contre respectivement 25 % et 64 % des couples sans descendance.

Des visites moins fréquentes qu’à domicile

53Les personnes en institution ont toutefois des contacts avec leur famille moins fréquents en moyenne que les personnes à domicile. En institution, la moitié de ceux qui ont de la famille, ont des contacts avec elle au moins une fois par semaine, alors qu’à domicile, 85 % sont dans ce cas (Désesquelles, 2002) [4]. En établissement, les visites n’ont plus pour objet d’apporter une aide quotidienne à l’accomplissement de certains actes essentiels de la vie, elles peuvent s’espacer un peu. L’établissement peut, en outre, être éloigné géographiquement de l’ancien domicile.
La coupure complète avec l’extérieur, c’est-à-dire sans échanges ni visites avec la famille ou des amis, concerne environ 70 000 personnes, soit 15 % des résidents. Cette proportion atteint 41 % de ceux qui n’ont pas de famille proche.

Encadré 3 : L’enquête EHPA 2000

L’enquête EHPA (enquête auprès des établissements hébergeant des personnes âgées) a été réalisée par la DREES en juin 2000 auprès d’un échantillon de 584 établissements : 180 logements-foyers, 343 maisons de retraite, 61 unités de soins de longue durée. L’enquête comprenait deux questionnaires, l’un destiné aux gestionnaires des établissements, l’autre à un échantillon de résidents, les uns et les autres étant interrogés en face à face par des enquêteurs.
Les gestionnaires ont été interrogés sur les principales caractéristiques de l’établissement, sur celles de leurs résidents (notamment au regard de la dépendance), sur celles des entrants et des sortants en 1999, ainsi que sur les prestations offertes aux résidents : accueil, hébergement, restauration, soins, tâches domestiques, animation, projet institutionnel.
L’échantillon de résidents comprenait, quant à lui, 3 539 personnes : 925 en logements-foyers, 2 200 en maisons de retraite et 414 en unités de soins de longue durée. Ils ont été interrogés sur leurs principales caractéristiques sociofamiliales et socio-économiques, ainsi que sur leur prise en charge par l’établissement, leur vie à l’intérieur de l’établissement, leurs relations avec l’extérieur. Le questionnaire contenait en tout neuf modules : caractéristiques démographiques, entrée, accueil, hébergement, déplacements, restauration, soins médicaux, soins du corps, tâches domestiques, éléments financiers (ressources, ancienne profession), animations et activités de loisirs, rapports avec l’extérieur, contacts, satisfaction.
Le questionnement recoupe en partie celui mené dans l’enquête HID, mais il lui est complémentaire sur plusieurs thèmes pas ou peu abordés dans HID, comme les animations collectives par exemple.
Par ailleurs, dans l’enquête EHPA, la confrontation des réponses des gestionnaires et des résidents permet d’analyser, selon les catégories d’établissement et les caractéristiques personnelles des résidents, la connaissance qu’ont ces derniers sur les prestations offertes par leur établissement et l’usage qu’ils en font.
Les premières exploitations d’EHPA 2000 ont été communiquées dans le cadre d’une journée d’études en avril 2002, et elles seront publiées dans les Dossiers Solidarité et Santé en février 2003. Les résultats détaillés seront publiés dans un document de travail de la DREES au cours du premier trimestre 2003.
On pourra alors construire, sur les conditions de vie des personnes âgées hébergées en établissement, une synthèse des informations issues des enquêtes HID 1998 et EHPA 2000.

Les déterminants de l’institutionnalisation

54La comparaison des caractéristiques des personnes âgées qui résident en établissement avec celles des personnes âgées qui vivent à domicile fait apparaître en filigrane les principaux facteurs qui sont déterminants dans le processus d’entrée en institution : sexe, âge, présence ou non du conjoint, présence ou non d’enfants, niveau de dépendance, groupe socioprofessionnel, revenus.

55Certains de ces facteurs sont liés, comme âge et niveau de dépendance, ou groupe socioprofessionnel et niveau de dépendance. Afin de mesurer plus précisément l’effet propre de chacun des facteurs, Désesquelles et Brouard (2003) ont mené une analyse « toutes choses égales par ailleurs », les facteurs retenus pour l’analyse étant le sexe, l’âge, la présence d’un conjoint, la présence et le sexe des enfants, la présence de petits-enfants, la présence de fratrie, le niveau de dépendance physique associée ou non à la dépendance d’origine psychique, le groupe socioprofessionnel.

56Il en ressort un effet très fort du niveau de dépendance physique, qu’elle soit seule ou associée à la dépendance d’origine psychique, l’effet étant dans ce dernier cas amplifié : la probabilité d’entrer en institution s’accroît avec la sévérité de la dépendance.

57L’entourage familial a également un effet très significatif, surtout le fait de vivre ou non en couple, les personnes qui vivent seules ayant une probabilité d’entrer en institution beaucoup plus forte que celles qui vivent en couple.

58Le groupe socioprofessionnel est également discriminant, avec une opposition entre salariés et indépendants : toutes choses égales par ailleurs, la probabilité d’entrer en institution est plus grande pour les anciens employés, membres des professions intermédiaires ou ouvriers que pour les anciens agriculteurs, artisans, commerçants ou chefs d’entreprise. Les anciens cadres ou membres des professions libérales occupent une position intermédiaire.

59Les autres facteurs, âge, présence ou non d’enfants, sexe ont également un effet propre significatif : la probabilité d’institutionnalisation s’accroît avec l’avancée en âge, l’absence d’enfants et le fait d’être un homme.

60On peut se poser la question du rôle de l’offre dans l’arbitrage entre domicile et institution. Au-delà des facteurs individuels, l’institutionnalisation dépend sans doute de l’offre d’établissements selon le type d’hébergement et le degré de médicalisation, ainsi que de l’offre de services à domicile (soins et aide), y compris l’offre dispensée par les professionnels libéraux. Ce point reste toutefois à confirmer.

La vie quotidienne et la vie sociale en institution

61L’un des intérêts de l’enquête HID est de donner des éléments sur les activités sociales des personnes âgées, et notamment de celles qui vivent en établissement : déplacements, rencontres, sorties sportives, culturelles ou de loisir.

Les pensionnaires se déclarent en général plutôt satisfaits de leur hébergement

62Les pensionnaires de maisons de retraite déclarent disposer fréquemment d’une chambre individuelle (les deux tiers) tandis qu’en unités de soins de longue durée, le mode d’hébergement le plus courant reste une chambre partagée avec d’autres résidents : il concerne 55 % des pensionnaires. Quelle que soit l’institution, très peu sont en dortoirs (moins de 1 %) ou en appartement individuel (11 %).

63En termes d’équipements (sanitaires et de communication), les pensionnaires des maisons de retraite apparaissent plus favorisés. Par exemple, l’existence d’une salle de bains dans la chambre (individuelle ou non) est plus rare dans les unités de soins de longue durée : 27 % des résidents contre 44 %. De même, le taux de mise à disposition d’équipement de communication ou multimédia oppose les deux types d’institution. Si la télévision est l’équipement privilégié dans les deux types d’établissement, la proportion de pensionnaires ne disposant dans leur chambre ni de téléphone, ni de télévision, ni de poste de radio est deux fois plus importante dans les unités de soins de longue durée (Aliaga et Neiss, 1999).

64Au total, 80 % des résidents ayant répondu eux-mêmes à l’enquête estiment que leurs conditions de logement sont satisfaisantes, seulement 3 % les jugeant insuffisantes.

L’aménagement des locaux et l’utilisation des aides techniques

65L’aménagement de l’environnement et les aides apportées conditionnent la participation sociale des personnes en les aidant à surmonter des incapacités et en améliorant ainsi leur autonomie. Deux rapports apportent des informations sur les aménagements des locaux dans les institutions et sur l’utilisation d’aides techniques. Celui de Cozette et Joël (2001) est relatif aux personnes âgées. Celui de Roussel (2002) considère tous les pensionnaires d’institution ayant déclaré au moins une déficience, sans critère d’âge : le champ des personnes âgées en établissement est ainsi presque entièrement couvert, puisque la presque totalité des pensionnaires âgés, 475 000 personnes, déclarent au moins une déficience, la proportion variant peu avec l’âge (97 % des 60-79 ans et 99 % des 80 ans et plus).

66L’accessibilité du logement pose des problèmes aux personnes âgées : près des trois quarts ont des difficultés pour se rendre à l’extérieur du bâtiment et plus de huit personnes sur dix ont des difficultés pour circuler à l’intérieur. Toutefois, l’aménagement de l’institution est rarement remis en cause, la raison presque toujours invoquée étant l’état de santé.
Les institutions ont pour rôle d’être des lieux adaptés à leurs pensionnaires. De nombreux obstacles existant à domicile y sont supprimés tels que les escaliers remplacés par des ascenseurs. En outre, le mobilier et les équipements des institutions (W.-C., baignoires, lavabos ou lits, système d’ouverture des rideaux ou des volets, etc.) sont adaptés pour des personnes présentant des ennuis de santé, et sont disponibles, même pour une personne n’en ayant pas besoin. L’usage de ces mobiliers et équipements spéciaux est donc courant en institution (tableau 9) et peu de besoins ne sont pas satisfaits. En revanche, à domicile, ce n’est qu’aux âges les plus élevés (80 ans ou plus) que l’usage en est répandu. Il semble y avoir une méconnaissance des aménagements possibles au domicile ordinaire, ou une difficulté, matérielle ou financière, à les introduire.

Tableau 9

Taux d’utilisation des aides parmi les personnes ayant déclaré au moins une déficience (résidant en institution ou à domicile)

Tableau 9
Usage de meubles ou équipements adaptés Usage d’aides techniques 60-79 ans 80 ans ou plus 60-79 ans 80 ans ou plus En institution À domicile 43,2 % 5,9 % 55,6 % 31,6 % 65,1 % 33,1 % 87,2 % 67,6 % Source : extrait de Roussel, 2002.

Taux d’utilisation des aides parmi les personnes ayant déclaré au moins une déficience (résidant en institution ou à domicile)

67L’usage des aides techniques concerne une proportion de personnes bien plus élevée en institution qu’à domicile (tableau 9).

68Les incapacités liées au déplacement et, dans une moindre mesure, celles liées à l’incontinence, sont les plus répandues dans la population âgée hébergée en institution. De fait, dans les établissements pour personnes âgées, les aides techniques principalement utilisées sont les aides à la mobilité, cannes ou fauteuil (54 % des pensionnaires les utilisent) et les systèmes d’évacuation de l’urine (51 %) (Goillot et Mormiche, 2001). Les taux d’utilisation de ces aides augmentent avec l’âge des pensionnaires.

69Sous l’angle des déficiences, les aides techniques sont les plus répandues chez les personnes présentant des déficiences motrices et des pluridéficiences physiques. À la différence du domicile où leur consommation est particulièrement faible, les déficients visuels en établissement font un usage des aides techniques proche de l’usage moyen (toutes déficiences confondues).

70Les taux de satisfaction des besoins sont dans l’ensemble supérieurs en établissement à ceux observés à domicile, notamment pour les aides aux transferts (sangles, harnais, lève-personnes, etc.) : l’assistance aux professionnels des institutions semble mieux prise en compte que l’assistance aux aidants, souvent informels, qui interviennent à domicile.

71Toutefois des insuffisances apparaissent dans les domaines de la communication orale et écrite ainsi que dans celui des aides à la manipulation, ces dernières ne concernant que peu de personnes.

72Par ailleurs, la fonction de soins paraît bien assurée dans les institutions médico-sociales puisque, pour le matériel adapté au traitement d’une maladie de longue durée, la quasi-totalité des besoins sont satisfaits.
Dans une approche statistique « toutes choses égales par ailleurs », Cozette et Joël (2001) montrent que l’utilisation d’une aide à la mobilité est expliquée jusqu’à un certain niveau par le degré d’incapacité : « Il semble exister un seuil au-delà duquel la dépendance est définitivement installée, seuil au-delà duquel les personnes âgées utilisent de moins en moins les aides car elles ne se déplacent quasiment plus. Ce seuil est variable en fonction de l’âge et du sexe ». En outre, la composition de la famille est un des facteurs discriminants de l’utilisation d’une aide à la mobilité : avoir des petits-enfants accroît la probabilité du recours à une aide technique.

Une participation sociale modérément active

73Maintenir l’ensemble des liens familiaux et affectifs de la personne âgée avec son environnement social, maintenir ou retrouver certaines activités sociales font partie des objectifs à atteindre pour assurer une bonne qualité de vie aux résidents.

74La participation sociale des pensionnaires apparaît modérément active. Les personnes âgées hébergées en institution participent assez peu à des activités culturelles ou de loisirs en dehors des activités organisées par l’établissement ou du temps passé à regarder la télévision, à lire ou à se promener.

75En effet, 15 % des pensionnaires participent à une association (sportive, musicale, 3e âge, anciens combattants…), assistent à des spectacles (sports, cinéma, théâtre, concerts, variétés, cirque) ou pratiquent une activité sportive (y compris avec l’institution). Très rares sont ceux qui cumulent plusieurs de ces trois activités. En revanche, selon l’enquête EHPA 2000, environ la moitié des résidents de maisons de retraite ou d’unités de soins de longue durée déclarent avoir participé à au moins une animation collective organisée par leur établissement, et le quart déclarent participer habituellement aux animations collectives l’après-midi (Eenschooten, 2003a). Selon la même enquête, plus de la moitié des résidents de ces établissements suivent habituellement les émissions télévisées de l’après-midi, le tiers déclarent habituellement lire des magazines ou des livres à ce moment de la journée, le tiers optent habituellement pour la promenade [5].

76Outre un effet d’âge, cette assez faible participation à des spectacles extérieurs à l’établissement, ou à des associations, pourrait traduire un effet de génération. Les retraités les plus âgés ont peu été habitués à consacrer du temps aux loisirs.

77La probabilité de se faire de nouveaux amis décroît avec l’âge et la dépendance : avec le grand âge, la recherche de nouvelles relations semble ne plus être une priorité (Aliaga et Neiss, 1999).

78Par ailleurs, peu de résidents quittent l’institution pour se rendre dans leur famille ou pour partir en vacances. 71 % des pensionnaires ne retournent jamais dans leur famille ; seuls 11 % y vont au moins une fois par mois. De même, la grande majorité ne partent jamais en vacances : seulement 7 % partent en vacances au moins une fois dans l’année. Bien que leurs revenus soient parfois faibles, ce sont l’état de santé et la perspective de partir seul qui sont invoqués pour empêcher le départ en vacances, plus que les problèmes financiers.

79La dépendance, et notamment la dépendance d’origine psychique, est un frein à ces visites hors de l’institution et aux contacts hors de la famille proche. Lorsque leur dépendance est d’origine psychique, 63 % des pensionnaires n’entretiennent des contacts qu’avec la famille proche, alors que 51 % des personnes qui ne souffrent d’aucune dépendance d’origine psychique sont dans ce cas. De même, huit résidents dépendants d’origine psychique sur dix ne retournent jamais dans leur famille, alors que six personnes pas ou peu dépendantes sur dix y retournent.

80Au total, les pensionnaires sortent peu que ce soit pour pratiquer des activités, voir leur famille ou prendre des vacances : ce sont les membres de leur famille qui viennent les voir.
Parmi les 70 000 pensionnaires qui n’ont pas de contact avec l’extérieur, plus de la moitié n’ont en outre aucune relation amicale à l’intérieur ou à l’extérieur de l’institution, ne participent à aucune activité collective et ne partent jamais en vacances.

Deux éléments pour évaluer le retrait de la vie sociale : l’absence de réponse directe à l’enquête et la mise sous protection juridique

81L’absence de relations ou l’absence de participation aux activités ne sont pas les seuls signes de retrait de la vie sociale. L’enquête permet d’en appréhender d’autres aspects, en renseignant sur l’identité du répondant à l’enquête ainsi que sur la mise sous protection juridique du résident. Dans les deux cas, l’état de santé semble un facteur décisif.

82La méthodologie de l’enquête a prévu que le pensionnaire soit représenté ou aidé pour répondre au questionnaire : soit lorsqu’il n’est pas jugé apte par l’institution à répondre, seul ou assisté d’un tiers, soit lorsque, ayant été jugé apte, il choisit de répondre avec l’assistance d’un tiers ou de faire répondre quelqu’un à sa place [6].

83Environ 40 % des résidents ont été jugés aptes à répondre seuls et 30 % à répondre assistés d’un tiers (Goillot et Mormiche, 2001). Répondre seul à l’enquête semble fortement lié à l’état de santé. En effet, répondre seul est d’autant moins fréquent que l’établissement est médicalisé. Par exemple, la moitié des pensionnaires des maisons de retraite non médicalisées répondent seuls alors qu’ils ne sont que 15 % en unités de soins de longue durée (Ralle et Thomas, 2001). Par ailleurs, les résidents qui sont décédés au cours des deux ans suivant l’enquête ont été moins nombreux à répondre seuls lors de cette dernière que les résidents encore en vie deux ans après.

84La mise sous protection juridique est un autre aspect du retrait de la vie sociale. Une mesure de protection juridique est envisagée pour un majeur lorsqu’une altération de ses facultés personnelles le met dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts (article 488 du code civil). La mise sous protection juridique concerne 19 % des personnes âgées résidant en maisons de retraite et 29 % en unités de soins de longue durée. Au total, 95 000 personnes âgées sont placées sous curatelle ou tutelle en établissement contre 65 000 à domicile. Là encore, l’état de santé semble déterminant. La mise sous tutelle est d’autant plus fréquente que la personne souffre de dépendance d’origine psychique ou qu’elle vit depuis longtemps en institution (Livinec et al., 2000).

Encadré 4 : Le contexte réglementaire

• Prise en charge de la dépendance
La Prestation spécifique dépendance (PSD), instituée par la loi du 24 janvier 1997 au bénéfice des personnes âgées les plus dépendantes, prenait en charge une partie des aides nécessaires au maintien de la personne à domicile ainsi qu’une partie des frais en institution.
Elle est remplacée depuis le 1er janvier 2002 par l’Allocation personnalisée à l’autonomie (APA, loi du 20 juillet 2001), prestation universelle, ouverte à l’ensemble des personnes âgées connaissant une perte d’autonomie (GIR 1 à 4), qu’elles vivent à domicile ou en établissement. Cette prestation est encadrée à domicile par des barèmes nationaux garantissant une égalité de traitement sur tout le territoire.
• Textes aménageant la vie des personnes en institution
Dès les années quatre-vingt, obligation a été faite aux établissements sociaux et médico-sociaux d’associer les usagers et leur famille au fonctionnement de l’établissement, par la création, notamment d’un conseil d’établissement (décret du 17 octobre 1985).
Pour les établissements hébergeant des personnes âgées, ces dispositions ont été complétées en 1997, dans le cadre de la loi instituant la PSD, par la mention d’un règlement intérieur garantissant les droits des résidents et le respect de leur intimité, et d’un contrat de séjour à établir entre l’établissement et le résident.
Les décrets n° 99-316 et 99-317 du 26 avril 1999 modifiés par le décret 2001-388 du 4 mai 2001 relatif à la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes précisent les modalités d’entrée dans la réforme introduite par la loi de 1997, et plus particulièrement les obligations liées à la signature d’une convention avec le président du conseil général et l’autorité compétente pour l’assurance maladie. Cette convention précise les objectifs d’amélioration de la qualité de la prise en charge des personnes accueillies et les moyens de les mettre en œuvre dans le cadre des recommandations fixées dans le cahier des charges annexé à l’arrêté du 26 avril 1999. Elle peut déclencher des financements supplémentaires de l’assurance maladie pour les soins apportés aux résidents.
Enfin, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a réaffirmé les droits des usagers et de leur entourage en étendant l’application à l’ensemble des établissements et services sociaux ou médico-sociaux : elle instaure, en particulier, un livret d’accueil, une charte des droits et libertés de la personne accueillie, l’obligation d’un contrat de séjour ou d’un document individuel de prise en charge, la création d’un règlement de fonctionnement, la mise en place d’un projet d’établissement ou de service, l’obligation d’instituer dans chaque établissement ou service soit un conseil de la vie sociale, soit d’autres formes de participation des usagers…

Conclusion

85L’état de santé et les relations familiales des personnes âgées vivant en institution sont des thèmes qui ont été largement étudiés à partir de l’enquête HID. Le second passage des enquêteurs en institution permet en outre d’étudier l’évolution de leur état de santé et d’en mieux connaître les mécanismes. Ces questions sont en effet importantes du fait de l’évolution démographique et des besoins présents et à venir en personnels pour la prise en charge de ces personnes âgées.

86En revanche, certains aspects de la vie quotidienne des pensionnaires d’institutions mériteraient d’être explorés plus avant, à partir de l’enquête HID ou à partir d’autres enquêtes plus spécifiques. Certains de ces aspects, relatifs à la qualité de la prise en charge des personnes accueillies, s’inscrivent d’ailleurs dans les préoccupations des législateurs et des gestionnaires d’établissements (encadré 4).

87La qualité de l’hébergement semble appréciée par les pensionnaires. Toutefois, les conditions d’intimité et de confort ne semblent pas toujours réunies. Par exemple, près d’un tiers des pensionnaires de maisons de retraite et la moitié des pensionnaires d’unités de soins de longue durée n’ont pas de chambre particulière. Une comparaison en terme de confort et d’équipement pourrait être menée par rapport au logement à domicile.

88Le niveau des revenus conditionne l’entrée en institution et la nature de l’institution. Durant l’enquête (1998-2001), la prise en charge de la dépendance donnait lieu au versement de la prestation spécifique dépendance, remplacée en 2002 par l’allocation personnalisée à l’autonomie (APA) ; on s’interroge naturellement sur l’impact que pourrait avoir la mise en place de ce nouveau dispositif sur les choix des familles entre l’institutionnalisation et le maintien à domicile.

89On peut s’interroger avec Ralle et Thomas (2001) sur la marge d’autonomie et de choix laissés à la personne par l’institution : l’institution préserve-t-elle ou réduit-elle cette autonomie ? À côté de l’état de santé, existe-t-il d’autres contraintes sociales, liées par exemple au mode de vie et d’hébergement, qui jouent pour limiter l’autonomie individuelle ?

90De même, les travaux sur la protection juridique des personnes âgées soulèvent la question du respect du droit de regard des résidents sur leurs biens, leurs revenus ou leur vie quotidienne.

Bibliographie

Bibliographie

  • Aliaga C., Neiss M., (1999), « Les relations familiales et sociales des personnes âgées résidant en institution », Études et Résultats, n° 35, DREES.
  • Attias-Donfut C., (1996), « Les solidarités entre générations », Données sociales, p. 317-323, Insee.
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  • Roussel P., (2002), La compensation des incapacités au travers de l’enquête HID de l’Insee (HID 1998 et 1999), rapport, CTNERHI.

Notes

  • [*]
    Sandrine Dufour-Kippelen, maître de conférence en sciences économiques à l’université Paris IX-Dauphine, Laboratoire d’économie et de gestion des organisations de la santé (Eurisco-Legos).
    Annie Mesrine, chef du bureau des établissements sociaux, de l’action sociale locale et des professions à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées.
  • [1]
    L’étude repose sur les incapacités relatives à la toilette, l’habillage et l’alimentation ; celles relatives à l’hygiène de l’élimination, à la mobilité ; à la communication, la cohérence et l’orientation ; aux sens ; à la souplesse. Au total, dix-huit incapacités sont recensées.
    Un nombre non négligeable de personnes déclarent effectuer les tâches elles-mêmes mais avec beaucoup de difficultés. Ainsi, une personne a une incapacité si elle rencontre beaucoup de difficultés à effectuer l’acte seule ou si elle a besoin d’aide pour l’effectuer.
  • [2]
    On sait par d’autres sources que les flux financiers vont toutefois plutôt des parents âgés vers les enfants que l’inverse. Par exemple, selon une enquête de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV, 1992), si le tiers des personnes âgées de 68 à 92 ans donnent de l’argent à leurs enfants quinquagénaires, un enfant sur dix donne de l’argent à ses parents âgés (Attias-Donfut, 1996).
  • [3]
    On désigne par « contact actif » toute personne de la famille proche qui rend au moins une visite par mois, ou qui rend plusieurs visites par an avec au moins un échange de nouvelles par mois.
  • [4]
    L’auteur a fait l’hypothèse que toutes les personnes âgées qui cohabitent avec un parent proche ou qui vivent à proximité du logement d’un parent proche ont des contacts au moins hebdomadaires.
  • [5]
    Plusieurs réponses étaient possibles.
  • [6]
    On peut d’ailleurs s’interroger sur l’homogénéité des réponses fournies à l’enquêteur dans la mesure où, selon les cas, la personne a répondu seule en face à face, avec la présence et l’assistance d’un tiers ou même n’a pas été présente physiquement lors de la passation du questionnaire (Ralle et Thomas, 2001).
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