Notes
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[*]
Claude Deschamps, biologiste, philosophe, enseignant chercheur au centre d’éthique médicale de Lille. Armelle de Bouvet, biologiste, théologienne, enseignant-chercheur au centre d’éthique médicale de Lille.
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[1]
Par « recherche biomédicale », nous entendrons ici l’« ensemble des recherches menées pour améliorer la connaissance des maladies, leur prévention et leur thérapie, dans l’étude de la vie organique et de son développement » (définition retenue lors du débat au Sénat sur les lois de bioéthique en 1988).
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[2]
Par « clinique », nous entendrons ici la construction d’un socle de connaissances par rapport à un corps malade, à partir d’un spectacle (définition de Michel Foucault in Naissance de la clinique, coll. « Gallien », PUF, Paris, 1983 (1963), particulièrement le chapitre 6, p. 87 ss), en sa distinction par rapport à la « pratique médicale » qui, sur base de la clinique, tente de répondre à la requête d’un patient
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[3]
Cadoré B., L’éthique clinique comme philosophie contextuelle, Ed. Fides, Montréal, 1997.
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[4]
« Critère » a la même racine étymologique que « crisis, critique, crise ». Le Petit Robert (1994) définit le critère comme un « Caractère, signe qui permet de distinguer une chose, une notion, de porter sur un objet un jugement d’appréciation ».
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[5]
Les détails de cette étude ont été publiés in De Bouvet A. et Deschamps G, « Un questionnement éthique à propos de la recherche biomédicale ? Une recherche-action menée à î’ Institut Pasteur de Lille », Ethica, 1999, vol. 11, n° 2, p. 9-30.
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[6]
Loi sur l’innovation et la recherche : loi n° 99-587 du 12 juillet 1999.
Lettre BIO publiée par le département des sciences de la vie du CNRS (n° 78, mai 1998), intitulée Spécial assises de l’Innovation, sciences de la vie et grands chantiers de l’innovation industrielle. -
[7]
Laboratoire de Camille Locht, U-447 Inserm-IPL, Mécanismes moléculaires de la pathogénie bactérienne.
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[8]
Outil technologique de plus en plus sophistiqué et donc de moins en moins intelligible ; pression à valoriser les résultats dont on pourra tirer une application industrielle, aux dépens d’une interprétation et d’une présentation exhaustives des résultats en leurs incertitudes ; etc.
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[9]
Par exemple, le fait de travailler sur un séquenceur fourni sous contrat par une industrie induit le chercheur à travailler selon une approche génétique du vivant, afin d’amortir l’appareil et d’honorer le contrat.
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[10]
Par « épistémologique » nous entendrons ici la rigueur scientifique relative à la méthode empirico-formelle.
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[11]
Deschamps G, De Bouvet A., Cadoré B., « Recherche de critères éthiques de validité du passage de la recherche à la clinique : dans l’horizon des liens entre recherche en génétique et médecine prédictive », rapport dans le cadre d’une réponse à l’appel d’offres du ministère (MiRe) Éthique et recherche biomédicale, Conv. 5/99, avril 2001,176 pages.
-
[12]
Service d’endocrinologie et de diabétologie du CHRU de Lille.
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[13]
Il est à noter ici que, contrairement à d’autres champs d’émergence de la médecine prédictive, notamment outre-Atlantique, la pratique de ce centre clinico-biologique telle qu’elle a été explicitée dans le cadre des séminaires, n’est que très faiblement médiatisée par l’industrie. C’est peut-être là une des limites de cette étude, que nous considérons comme une étape dans le cadre d’une recherche-action plus large, qui se poursuit actuellement dans le cadre de la génopôle lilloise fortement traversée par une logique entrepreunariale, et qui semble, pour l’instant, confirmer la pertinence des résultats exposés dans cet article.
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[14]
Deschamps et al., « Life table analysis of the risk of type 1 diabètes in siblings according to islet cell antibodies and HLA markers. An 8-year prospective study », Diabetologia, 1992 ; 35 : 951-957.
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[15]
Équipe de M. Hautekeete, avec la participation notamment de Mlle N. Djémaï.
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[16]
Le diabète de type I se caractérise, entre autres, par une hyperglycémie diabétique correspondant à une destruction de 90 % des îlots de Langherans du pancréas endocrine et par le syndrome polyuropolydipsique (PUP).
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[17]
Bottazzo et al., « Islet-cell antibodies in diabetes mellitus with autoimmune polyendocrine deficiencies », Lancet, 1974 ; 2:1279-1283 ; Drell D.W. etNotkins A.L., « Multiple immunological abnormalities in patients with type 1 diabetes », Diabetologia, 1987 ; 30 : 132-143 ; Atkinson M.A. et Maclaren N.K., « Islet cell auto-antigens in insulin-dependent diabetes mellitus », J. Clin. Invest., 1993 ; 92: 1068-1116.
-
[18]
Protocole EPPSCIT reposant sur celui organisé à Saint-Vincent-de-Paul à Paris par les Dr P. Bougnères et J.-C. Carel, basé sur la mise au repos de la destruction du pancréas endocrine par l’administration sous-cutanée de faibles doses d’insuline.
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[19]
Caillat Zucman et al., «IDDM reports of the 12th International Histocompatibility Workshop », in Genetic Diversity of HLA. Functionnal and medical Implications, D. Charron Ed., 1996.
-
[20]
Davies et al., «A genome wide search for human type 1 diabetes susceptibility genes », Nature, 1994 ; 371:130-136.
-
[21]
Barnett et al, « Diabetes in identical twins », Diabetologia, 1981 ; 20 : 87-93.
-
[22]
Modèle de souris théoriquement spontanément diabétiques, lignée Neonatal Omet Diabetes.
-
[23]
Wicker et al., « Genetic control of diabetes and insulitis in the Non Obese Diabetic NOD mouse», J. Exp. Med., 1987 ; 165 :1639-1654.
-
[24]
Par « techno-science », nous entendrons ici une activité qui allie un aspect cognitif et son exploitation dans un outil diagnostique.
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[25]
« La science n’est pas un système d’énoncés certains ou bien établis, non plus qu’un système progressant régulièrement vers un état final. Notre science n’est pas une connaissance (épistèmê) : elle ne peut jamais prétendre avoir atteint la vérité ni même l’un de ses substituts, telle la probabilité », in Popper K., La logique de la découverte scientifique, Payot, Paris, 1973, p. 284.
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[26]
Bernard C, Principes de médecine expérimentale, Paris, PUF, 1987, ch. IV, p. 50.
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[27]
Jean Ladrière, L’articulation du sens, vol. I et II, Cerf, 1984.
-
[28]
Gadamer H.-G., Vérité et méthode, Mohr, Tubingen, 1960 (1990).
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[29]
François Dagognet, Philosophie biologique, Paris, PUF, 1962.
-
[30]
Gadamer H.-G., Philosophie de la santé, Ed. Grasset-Fasquelle et Ed. Mollat, 1998 (1993).
-
[31]
Aristote, Physique, Livre II.
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[32]
Heidegger, La question de la technique. Essais et conférences, Gallimard, 1968, p. 11.
-
[33]
Ladrière J., L’éthique dans l’univers de la rationalité, Catalyses, Aitel-Fides, 1997.
-
[34]
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité », premier paragraphe de la Constitution de l’Organisation mondiale de la santé, 22 juillet 1946.
-
[35]
Leriche R., Encyclopédie française, VI, 1936.
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[36]
Gadamer, Philosophie de la santé, Ed. Grasset-Fasquelle et Ed. Mollat, 1998 (1993).
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[37]
Idem, p. 81.
-
[38]
Idem, p. 93.
-
[39]
Idem, p. 82-83.
-
[40]
Atlan H., La fin du « tout génétique » ? Vers de nouveaux paradigmes en biologie, Éditions de l’INRA, « Sciences en questions », Paris, 1999.
-
[41]
Morange M., La part des gènes, Odile Jacob, Paris, 1998.
-
[42]
Comme le rappelaient de hauts responsables politiques à l’occasion d’un forum national de la santé (Lille, 1998), dans un contexte d’allocations de ressources rares il reviendrait à tout citoyen responsable de prendre les moyens d’anticiper l’advenue de cette maladie, ne serait-ce que pour dès raisons économiques.
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[43]
Gadamer, op. cit., p. 87.
-
[44]
Gadamer, idem, p. 102.
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[45]
Canguilhem G., La connaissance de la vie, Vrin, Paris, 1992 (1965), Le normal et le pathologique, PUF, Paris, 1991 (1966), p. 155-169.
-
[46]
Une recherche-action du centre d’éthique médicale est actuellement en cours dans le cadre de sa participation à la génopôle Lille-Nord-Pas-de-Calais.
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[47]
Sfez L., La santé parfaite. Critique d’une nouvelle utopie, Seuil, Paris, 1995.
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[48]
Ricœur P., Soi-même comme un autre, Ed. Seuil, Paris, 1990.
-
[49]
Nous n’avons présenté ici que les résultats de notre recherche en éthique clinique menée dans le cadre du centre de dépistage du prédiabète de type I. Une recherche analogue, qui conforte ces résultats, a été menée dans le cadre du service de médecine fœtale du Dr Puech (CHRU de Lille) ; on peut en trouver une présentation détaillée dans : Deschamps G, De Bouvet A., Cadoré B., « Recherche de critères éthiques de validité du passage de la recherche à la clinique : dans l’horizon des liens entre recherche en génétique et médecine prédictive », rapport dans le cadre d’une réponse à l’appel d’offres du ministère (MiRe) Éthique et recherche biomédicale, Conv. 5/99, avril 2001, 176 pages.
Introduction
1Le travail mené en éthique clinique au centre d’éthique médicale de Lille (CEM) nous a fait prendre conscience que les questions éthiques posées dans la pratique clinique gagneraient à être mises en lien avec celles pouvant émerger dans la recherche en biologie. En effet, les liens existants entre recherche en biologie et pratique clinique paraissent de plus en plus étroits, et la logique à l’œuvre dans la recherche biomédicale [1] de plus en plus déterminante pour les pratiques cliniques et médicales [2].
2Il s’agissait alors de créer, dans le cadre d’institutions de recherches biomédicales, des conditions favorables à l’émergence d’un questionnement éthique permettant d’anticiper et d’expliciter des questions éthiques qui peuvent se poser dans des pratiques cliniques émergentes, telle la médecine prédictive. Dans ce but, nous avons mis en œuvre, dans le cadre de séminaires interdisciplinaires dans des institutions de recherche biomédicale, la méthode d’éthique clinique élaborée au centre d’éthique médicale [3].
3Cette méthode d’émergence d’un questionnement éthique à propos des pratiques biomédicales présente des analogies avec celle d’une « recherche-action ». Elle consiste, à partir des récits des acteurs au sujet de leur pratique, à expliciter avec eux les logiques à l’œuvre, les tensions structurantes et les limites inhérentes à leur action, ceci dans un contexte précis. Le travail commun d’interprétation de ces pratiques permet à chacun d’en repérer les enjeux éthiques en termes de responsabilité à assumer. Une reprise plus théorique de ces enjeux éthiques est ensuite élaborée, à l’aide, notamment, d’une étude bibliographique ; elle permet l’élaboration de critères [4] pour l’action.
4Le déploiement de cette méthode d’éthique clinique à l’Institut Pasteur de Lille nous a conduits à l’élaboration de deux critères permettant d’interroger l’action de recherche biomédicale. Il suffît ici d’évoquer les principales étapes qui ont permis d’élaborer ces critères [5], avant de mettre en évidence leur pertinence éthique, entre autres dans le cadre de la pratique clinique du dépistage du prédiabète.
5En parlant de leurs pratiques, les acteurs scientifiques et administratifs de l’Institut Pasteur de Lille ont explicité la nouveauté du contexte de leurs recherches. Il est apparu que cette institution, dans la ligne de la politique nationale actuelle [6], organise de plus en plus son pôle de recherche en lien étroit avec le monde industriel. Les contraintes économiques, politiques et financières conduisent ainsi non seulement à une exploitation de plus en plus rapide des résultats de la recherche par le secteur privé biomédical, mais à une forte détermination de l’activité de recherche par la médiation industrielle, particulièrement les industries de la santé, notamment par l’intermédiaire des outils technologiques.
6Des séminaires menés avec des acteurs d’une équipe [7] du site Pasteur ont mis en évidence que cette mutation de la recherche, de plus en plus finalisée vers des applications biomédicales, provoque une certaine perplexité chez les chercheurs dans l’exercice même de leur fonction cognitive de quête de compréhension du fonctionnement du vivant. Une des difficultés rencontrées est celle de garder une distance critique par rapport à leurs résultats, en leur obtention, en leur interprétation et en leur communication [8]. Les chercheurs se sentent également souvent contraints à travailler selon un modèle et une théorie donnés, pour des motifs financiers ou par contrainte d’utilisation de certains instruments [9], ce qui renforce la difficulté de tenir un recul critique par rapport à ces modèles et théories.
Une reprise théorique de ce travail d’observation et d’interprétation menée avec les acteurs de l’Institut Pasteur de Lille nous a conduits à élaborer deux critères éthiques de nature épistémologique [10] : une mise à l’épreuve aussi fiable que possible des résultats ; une distanciation critique par rapport aux modèles et théories utilisés. De par leur nature, ces critères s’avèrent particulièrement recevables par les acteurs de la recherche biomédicale. Ils les convoquent à assumer autrement leur responsabilité éthique, notamment dans l’horizon des liens de plus en plus étroits entre recherche et clinique [11].
Dans cet article, nous allons mettre en évidence que, déployée dans le cadre d’un centre clinico-biologique de dépistage, la méthode d’éthique clinique, fondée sur la narrativité des acteurs à propos de leur pratique, conduit à une même interrogation épistémologique mettant en lumière d’importants enjeux éthiques. Nous mettrons ce faisant à l’épreuve la portée éthique des critères épistémologiques, leur pertinence pour interroger a priori non seulement la pratique clinique de dépistage du prédiabète de type I (première partie), mais également les représentations du vivant humain, de la maladie, de la santé et des pratiques cliniques et médicales induites par un recours privilégié à la génétique en médecine prédictive (deuxième partie). La mise en œuvre de la méthode d’éthique clinique, tant dans une institution de recherche que dans un centre où se construit la médecine prédictive, mettrait ainsi en évidence qu’un point d’ancrage privilégié pour un questionnement éthique chez les acteurs de la biomédecine serait de nature épistémologique. Cette critique épistémologique, menée avec les acteurs eux-mêmes, permettrait d’anticiper, tant à l’échelle de leur institution qu’à une échelle plus sociétale, des problématiques éthiques qui risquent de se poser rapidement dans le champ de la médecine prédictive en pleine émergence.
Enjeux éthiques d’une critique épistémologique dans un centre de dépistage du prédiabète de type I chez l’enfant
7Pendant cinq ans, nous avons mené un séminaire d’éthique clinique dans le centre de dépistage du prédiabète de type I chez l’enfant, dirigé par le Pr. Fontaine [12]. Rappelons, pour une meilleure intelligibilité de notre étude, que le prédiabète de type I correspond à l’état pré-symptomatique du diabète de type I : il s’installe dans la période précédant l’hyperglycémie diabétique, et est caractérisé par une réaction auto-immune contre le pancréas endocrine. Le centre clinico-biologique allie pratique de recherche et pratique clinique [13]. Sa pratique de recherche porte conjointement sur la compréhension de l’installation du prédiabète et du diabète de type I, sur la mise au point de l’outil diagnostique de dépistage du prédiabète de type I, et sur la recherche d’un traitement préventif. Cette recherche se déploie conjointement à une pratique clinique de dépistage du prédiabète de type I chez l’enfant.
La méthode d’éthique clinique mise en œuvre dans le cadre d’un séminaire interdisciplinaire réunissant les acteurs du centre de dépistage (biologistes, soignants, psychologues…) ainsi que deux chercheurs du centre d’éthique médicale, a conduit les acteurs du centre de dépistage à exprimer les incertitudes inhérentes à leur pratique. L’explicitation de ces incertitudes nous a amenés à faire ensemble une critique épistémologique structurée des fondements scientifiques du test de dépistage en cours d’élaboration, et à en mesurer les enjeux éthiques dans la pratique clinique. Nous avons, ce faisant, pu constater combien le recours aux critères épistémologiques élaborés dans le cadre de notre étude à l’Institut Pasteur de Lille est pertinent pour interroger l’éthicité du recours aux connaissances scientifiques, notamment les connaissances en génétique, dans un champ clinique où se construit la médecine prédictive.
Enjeux éthiques d’une critique épistémologique relative aux résultats sur lesquels repose le chiffrage statistique du risque
8Au cours du séminaire d’éthique clinique, les acteurs du centre de dépistage ont exprimé une certaine perplexité quant à la fiabilité des résultats obtenus dans le cadre du test de dépistage du (pré) diabète. Cela les a conduits à mener une critique épistémologique relative à l’obtention et à l’interprétation des résultats sur lesquels repose le chiffrage statistique du risque.
9L’outil diagnostique de ce qui est appelé au centre « dépistage du prédiabète de type I chez l’enfant » repose sur une association de marqueurs génétiques (du système génique proche de l’insuline et du système HLA) et de marqueurs immunologiques (ICA). La valeur prédictive positive d’un risque intègre la prévalence de la maladie, la sensibilité des marqueurs et leur spécificité (théorème de Bayes). Une sensibilité élevée d’un marqueur limite le risque de faux négatifs. Une spécificité élevée limite le risque de faux positifs.
10Si les marqueurs génétiques HLA présentent une relativement bonne sensibilité (on retrouve les marqueurs DR3 et DR4 dans 80 % des sujets développant un prédiabète), ils sont peu spécifiques (on en retrouve chez 30 % de sujets témoins)… D’où un nombre élevé de faux positifs conduisant à classer dans la catégorie « à risque » des enfants qui ne sont pas plus prédisposés que la population générale.
11Les marqueurs immunologiques, quant à eux, présentent une relativement faible spécificité et une faible sensibilité. En effet, si on retrouve les marqueurs ICA chez 70 à 80 % des diabétiques de type I (DID) et dans 3 à 5 % des fratries d’enfants DID, on ne les retrouve pas chez un tiers des DID. De plus, la majorité des frères et sœurs d’un enfant diabétique chez lesquels on retrouve des marqueurs ICA ne développent pas de diabète [14]. Il s’ensuit un nombre élevé de faux négatifs conduisant à ne pas classer dans la population « à risque » des enfants qui pourtant devraient y être classés.
12Ce nombre élevé de faux positifs et de faux négatifs est d’autant plus significatif que la valeur prédictive de risque de diabète de type I chez l’enfant est affaiblie par la faible prévalence de cette maladie : de 0,2 à 0,4 % dans la population générale, de l’ordre de 3 % si un des deux parents est diabétique, de l’ordre de 5 % si un membre de la fratrie est diabétique.
13L’enjeu éthique d’une telle critique épistémologique des résultats apparaît clairement en termes de pratique clinique. Cet enjeu se décline au niveau de la fiabilité des résultats du test proposé, conduisant à classer les enfants dans des catégories « à risque supérieur à la moyenne » ou « à risque non supérieur à la population générale ». Cet enjeu se décline également au niveau des conséquences de ce classement, puisqu’on propose aux enfants classés « à haut risque » (c’est-à-dire positifs au niveau des marqueurs génétiques et immunologiques) d’entrer dans un essai thérapeutique d’injection par piqûres quotidiennes d’insuline… Ces éléments ont conduit l’équipe du centre à davantage expliciter aux familles sollicitant un test de dépistage pour leur enfant les incertitudes inhérentes au test, et à soigner leur manière de présenter les résultats du test. Ceci a été fait notamment avec l’aide d’une équipe de psychologues cognitivistes [15].
La mise en œuvre de la méthode d’éthique clinique dans le cadre du centre de dépistage du prédiabète montre ainsi la pertinence éthique, en termes d’interrogation et de modification de la pratique clinique et médicale, du recours au critère épistémologique de mise à l’épreuve aussi fiable que possible des résultats en leur obtention et interprétation.
Enjeux éthiques d’une critique épistémologique du modèle sur lequel repose le choix des marqueurs immunologiques du test de dépistage
14Dans la dynamique de l’éthique narrative de la méthode d’éthique clinique, les acteurs du centre de dépistage ont exprimé leurs incertitudes relatives aux marqueurs immunologiques sur lesquels repose le test de dépistage. En faisant cela, ils ont exprimé leur perplexité quant au modèle compréhensif sur lequel est fondé le choix de ces marqueurs, à savoir l’altération des îlots de Langerhans par des auto-anticorps (prédiabète de type I), aboutissant à une diminution d’insuline puis à l’état de diabète [16].
15Le recours aux marqueurs immunologiques fondé sur un tel modèle [17] dans le cadre du dépistage du prédiabète est marqué par l’incertitude à plusieurs niveaux. Premièrement, ces marqueurs présentent une très grande variabilité interindividuelle, que ce soit dans leur type, leurs taux ou leur chronologie d’apparition. De plus, leurs taux évoluent dans le temps, avec possibilité de chutes voire de séroconversions, ce qui justifie le suivi immunologique annuel de tous les enfants, y compris de ceux classés comme présentant un faible risque de développer le diabète.
16Plus fondamentalement, ces marqueurs s’avèrent n’être, en fait, que des témoins de l’installation du prédiabète : ils ne sont que la résultante de la crise auto-immune, ce qui interroge le modèle compréhensif (immunologique) de mise en place du prédiabète auquel le centre se réfère. Les marqueurs ICA, dirigés contre un ensemble d’antigènes insulaires, ne sont même que des témoins indirects d’installation. Ils ne permettent que de mesurer les conséquences biologiques de l’insulite. En ce sens, abstraction faite de leur précocité d’apparition, ils auraient un statut analogue aux autres types de témoins d’installation du prédiabète, par exemple les témoins métaboliques de la baisse de l’insulino-sécrétion due à la destruction des îlots de Langherans quelques mois avant le diabète. En aucun cas ils ne sauraient être prédictifs à l’égard de l’installation du prédiabète.
17Au mieux, ces marqueurs immunologiques pourraient être utilisés pour prédire l’évolution de l’état de prédiabète voire l’advenue du diabète de type I. Même dans ce cas, la force de prédiction des marqueurs ICA demeure faible à cause de leur cinétique peu précise, de leur variabilité interindividuelle et du fait qu’on les retrouve dans certains cas de réactions auto-immunes manifestement non liées à un état de prédiabète. Ces marqueurs, à eux seuls, ne sont donc pas de bons marqueurs de prédiction de l’évolution de l’état du prédiabète, ce qui interroge le modèle compréhensif de l’installation de l’évolution de l’état du prédiabète et de l’installation du diabète auquel le centre se réfère. De fait, consciente de cette limite, l’équipe du centre de dépistage recourt à une combinaison de marqueurs afin d’augmenter la force prédictive positive relative à la destruction des îlots (cytokines) et par rapport à l’advenue du diabète (quatre marqueurs humoraux : ICA, IAA, GADA, IA2)… Elle leur a même associé des marqueurs génétiques.
18Un regard critique quant au recours aux marqueurs immunologiques a ainsi amené l’équipe du centre de dépistage à mener une critique épistémologique du modèle compréhensif d’installation du prédiabète et du diabète sur lequel repose le choix de ces marqueurs, et à revoir en conséquence les modalités de sa pratique clinique. De fait, en l’an 2000, la levée du double aveugle a mis en échec l’essai thérapeutique par insuline [18] fondé sur un tel modèle et a, ce faisant, réfuté ce modèle et conduit l’équipe à mettre fin aux essais thérapeutiques. On peut se demander si cette réfutation n’aurait pas pu être anticipée par une critique épistémologique a priori du modèle compréhensif. Ici se manifesterait la pertinence éthique du recours au critère épistémologique de rapport critique au modèle utilisé. En l’occurrence, interroger a priori le modèle dont dépend le classement des enfants dans la catégorie « à haut risque » (c’est-à-dire positifs au niveau des marqueurs génétiques et immunologiques) pour lesquels un traitement préventif est proposé n’aurait-il pas évité à ces enfants de recevoir, en vain, au quotidien, des piqûres d’insuline ou de placebo ?
19La critique du modèle d’installation du prédiabète et du diabète sur lequel repose le test de dépistage clinique a eu une autre conséquence à portée éthique au niveau de l’activité clinique du centre. Elle a conduit à interroger le statut du recours conjoint à des marqueurs génétiques, prédictifs par rapport à l’advenue possible du prédiabète, et à des marqueurs immunologiques qui, nous venons de le voir, ne sont que des témoins d’installation du prédiabète. Cette réflexion épistémologique a ainsi mis au jour une ambivalence quant à la finalité du test basé sur ces deux types de marqueurs. S’agit-il d’un test de dépistage prédictif du prédiabète ? D’un test de dépistage pré-symptomatique du diabète ? D’un test de dépistage prédictif concernant l’évolution du prédiabète vers un état plus avancé ? D’un test de dépistage prédictif de l’advenue du diabète ? Ces questions ne sont pas dépourvues d’enjeux éthiques, tant pour le centre qui cherche à argumenter l’action qu’il mène, que pour les familles qui, venant solliciter le dépistage pour leur enfant, sont en droit de savoir sur quoi il porte exactement. La critique épistémologique a ainsi amené l’équipe à préciser, tant pour elle-même que pour les familles, non seulement les limites du test proposé, mais également l’objet sur lequel il porte, sa finalité, question éthique par excellence.
La mise en œuvre de la méthode d’éthique clinique dans le cadre du centre de dépistage du prédiabète montre ainsi la pertinence éthique, en termes d’interrogation et de modification de la pratique clinique et médicale, du recours au critère épistémologique de distanciation critique par rapport au modèle utilisé.
Enjeux éthiques d’une critique épistémologique du paradigme théorique présidant à l’élaboration du test de dépistage
20Dans le cadre de nos séminaires d’éthique clinique, les acteurs du centre de dépistage ont émis des réserves concernant le type de marqueurs génétiques retenus. Ces réserves ont été argumentées, tant sur la base des résultats obtenus que sur celle des fondements théoriques sur lesquels repose le choix de ces marqueurs. Ceci nous a conduits à mesurer la portée éthique, en termes de pratique clinique, d’une critique du recours privilégié au paradigme de la théorie génétique dans l’élaboration du test de dépistage.
21Nous avons ainsi pu mettre à l’épreuve la validité du raisonnement selon lequel on privilégie des études de corrélations entre des marqueurs génétiques HLA et le risque d’apparition du prédiabète. Il repose sur l’observation fréquente d’une sécrétion d’auto-anticorps ICA dans l’état de prédiabète. Ces ICA n’étant, comme nous l’avons vu, que des témoins indirects et assez peu fiables d’une installation déjà effective du prédiabète, sur quelles bases rigoureuses peut-on envisager que les gènes correspondant puissent être des facteurs de prédisposition au prédiabète ? Ce raisonnement pourrait paraître heuristique sur un plan empirique, certains marqueurs HLA s’avérant effectivement être de susceptibilité ou protecteurs dans certaines familles. Cependant, si deux tiers des enfants qui développeront un diabète de type I ont des génotypes à risque, le tiers restant exprime des génotypes à bas risque ou protecteurs [19]. Les marqueurs génétiques du système génique HLA s’avèrent ainsi avoir une faible valeur prédictive. Consciente de cette limite, l’équipe de dépistage leur a associé dans le test de dépistage des marqueurs de la région 5’ du gène insuline. Or, même l’association de ces deux marqueurs génétiques présente, à elle seule, une faible valeur prédictive concernant l’advenue du prédiabète. Ceci pourrait en partie s’expliquer par le fait que, dans l’état actuel des connaissances, l’association de ces deux marqueurs ne correspondrait qu’à 60 % du risque génétique, et que plus de 14 gènes [20] interagiraient pour favoriser ou empêcher la survenue du prédiabète.
22Plus fondamentalement, les acteurs du centre ont exprimé une certaine perplexité à l’égard du fait que seuls des marqueurs de nature génétique soient retenus comme marqueurs de susceptibilité dans le cadre de leur activité de dépistage prédictif du prédiabète de type I. Est-il scientifiquement fondé de ne retenir que ces marqueurs de nature génétique, alors qu’une part importante de la prédisposition a été reconnue comme ne relevant pas directement des caractéristiques génétiques ? On constate, en effet, chez des jumeaux homozygotes humains un taux de concordance de seulement 40 % [21]. On pourrait penser que ces variations sont dues à des facteurs environnementaux ou comportementaux à l’égard desquels les sujets pourraient présenter une susceptibilité génétique particulière. Mais des études montrent l’hétérogénéité du développement du diabète dans une population de souris NOD [22] supposées génétiquement identiques, et vivant dans un même environnement : 70 % des femelles et 10 % des mâles développent un diabète [23].
23L’ensemble de ces résultats montre la limite d’un recours univoque à la théorie génétique dans le cadre de l’élaboration d’un test de prédiction portant sur une maladie connue pour être multifactorielle. Cette critique épistémologique, favorisée par la méthode d’éthique clinique, a conduit l’équipe du dépistage à modifier certaines modalités de sa pratique : l’inscrire plus explicitement dans une démarche de recherche ; soigner le contenu de l’information concernant cette démarche aux familles sollicitant un test pour leur enfant, en en soulignant notamment les limites et incertitudes.
24Une réflexion particulière a été menée à propos de la portée éthique de la représentation causale, voire déterministe, du développement du prédiabète qu’un tel recours à la génétique peut induire chez les familles. Pour l’équipe de dépistage du prédiabète, le statut de simples corrélations est clair : les marqueurs génétiques ne sont considérés que comme des marqueurs de susceptibilité, témoins d’une prédisposition établie sur la base de corrélations, et non comme des causes directes ou indirectes de l’advenue possible du prédiabète. Cependant, ce statut n’est pas évident à transmettre en sa subtilité auprès des familles.
On peut se demander si le fait d’évaluer un risque a priori sur base d’un tableau de corrélations génétiques établies a posteriori à partir de cas cliniques (par comparaison à des personnes restées saines malgré un contexte familial à risque) ne conduit pas les familles à se représenter de manière abusive les gènes de prédisposition comme des facteurs causaux, même uniquement secondaires, de l’advenue du prédiabète. Cette représentation serait également favorisée par le fait de proposer aux familles de faire entrer leur enfant, s’il est classé à haut risque, dans un essai thérapeutique préventif. De fait, malgré le soin apporté aux informations transmises, le recours à des marqueurs génétiques suscite souvent chez les parents des attentes, voire des angoisses, disproportionnées par rapport à ce que l’état actuel des connaissances en génétique peut leur fournir. On mesure ici les enjeux éthiques d’un décalage pouvant exister entre, d’une part, ce que les scientifiques peuvent affirmer de manière épistémologiquement rigoureuse à propos des connaissances en génétique et, d’autre part, la représentation courante de la génétique telle qu’elle est souvent véhiculée par les médias. La critique épistémologique peut contribuer à diminuer cet écart, et ainsi permettre à la médecine prédictive de se développer dans un cadre à la fois plus scientifiquement et plus éthiquement recevable.
La mise en œuvre de la méthode d’éthique clinique dans le cadre du centre de dépistage du prédiabète montre ainsi la pertinence éthique, en termes d’interrogation et de modification de la pratique clinique et médicale, du recours au critère de distanciation critique par rapport aux théories utilisées.
Conclusion intermédiaire
25La réflexion menée avec les acteurs du centre de dépistage nous amène à constater que la mise en œuvre de notre méthode clinique les a conduits à une interrogation épistémologique à forte portée éthique. Nous avons, ce faisant, mesuré la pertinence éthique, en termes d’interrogation et de modification des pratiques, des critères épistémologiques élaborés dans le cadre de notre recherche à l’Institut Pasteur de Lille, à savoir un rapport critique aux résultats, ainsi qu’aux modèles et théories utilisés.
26Dans le cadre de l’élaboration et de l’utilisation de l’outil diagnostique de dépistage du prédiabète de type I, il apparaît, entre autres, que le recours à ces critères appelle à prendre des dispositions de précaution afin de limiter au maximum, en clinique, les échecs liés à la sollicitation de connaissances scientifiques insuffisamment mises à l’épreuve. Il s’agit, d’un point de vue de la recherche, de choisir de manière aussi théoriquement fondée que possible, les marqueurs à partir desquels on définit un risque, et d’établir sur des bases aussi rigoureuses que possible le modèle duquel dépendra la qualité des résultats en leur obtention et en leur interprétation et donc la valeur du test de dépistage. Ceci s’avère d’autant plus important dans le cadre d’essais thérapeutiques qui sont effectués sur base des résultats de ce dépistage. Il s’agit également, d’un point de vue clinique et médical, d’expliciter aux familles les limites et incertitudes liées aux pratiques du centre, en leurs démarches mêmes et en leurs résultats.
27Ces résultats ont conduit l’équipe du centre de dépistage à affirmer de façon plus forte la démarche de recherche en assurant un suivi des familles dans le cadre explicite d’un protocole de recherche pour lequel on sollicite leur consentement libre et éclairé. Ils ont également conduit l’équipe à soigner, avec l’aide d’une équipe de psychologues cognitivistes, le contenu scientifique de l’information à donner afin de promouvoir l’autonomie de décision des familles, en les aidant notamment à réaliser les points suivants : les résultats du test ne sont que de l’ordre d’un diagnostic de prédisposition à des facteurs déclenchants ; ce diagnostic est formulé en termes de risque dont les bases scientifiques sont encore en cours d’élaboration ; probabiliste par nature, ce diagnostic ne permet pas d’établir de pronostic certain concernant des individus singuliers ; dans l’état actuel des connaissances, il ne permet pas de fonder scientifiquement d’espoir quant à un éventuel traitement préventif.
Ce séminaire d’éthique clinique, rassemblant biologistes, cliniciens, psychologues et philosophes, montre ainsi la pertinence de créer des espaces de réflexion où les acteurs puissent interroger de façon critique, notamment sur un plan épistémologique, leurs pratiques en leurs finalités et modalités. Ici, il a permis de clarifier les finalités de l’action menée (recherche/clinique ; prédiction/dépistage du prédiabète et/ou du diabète) et d’interroger les conditions à mettre en place pour honorer à la fois la démarche de recherche et la démarche clinique, d’une manière qui soit scientifiquement rigoureuse et respectueuse des patients.
Enjeux éthiques plus fondamentaux révélés par la critique épistémologique : interrogations à propos du statut des pratiques cliniques et médicales
28Dans le cadre de ce séminaire d’éthique clinique, les acteurs du centre de dépistage, en exprimant leur perplexité à propos de la rigueur épistémologique de leur démarche et à propos des questions éthiques surgissant de leur pratique clinique, nous ont conduits à une critique philosophique plus fondamentale de l’action menée. Cette réflexion éthique, qui, ici encore, peut être argumentée sur un plan épistémologique, convoque à davantage qu’à une simple attitude de précaution. Elle vient interroger la représentation que l’on peut avoir de la clinique, celle que l’on peut avoir de la médecine prédictive. Elle vient également interroger les représentations du vivant humain, de la maladie et de la santé qui peuvent être induites par la logique à l’œuvre en génétique. Elle conduit en conséquence à élaborer des critères éthiques de validité d’une pratique médicale non réductible à son aspect techno-scientifique.
Pertinence éthique d’une critique épistémologique permettant d’interroger une certaine représentation que l’on peut avoir de la clinique
Une clinique techno-scientifique [24] sans failles ?
29(Certitudes et incertitudes en sciences empirico-formelles)
30Si les critères épistémologiques permettent de fonder une attitude de précaution évitant de solliciter en clinique des connaissances insuffisamment mises à l’épreuve, on peut se demander avec Karl Popper si cette mise à l’épreuve pourra jamais être parfaite. En d’autres termes, on peut se demander s’il est légitime d’espérer parvenir un jour à une clinique techno-scientifique sans failles fondée sur un corpus complet de connaissances certaines concernant le fonctionnement du vivant.
31Selon les mots mêmes de Karl Popper, il n’y aurait jamais de vérité scientifique définitivement établie [25]. Dans l’horizon des liens entre recherche et clinique, cette incertitude se manifesterait dans la fragilité opérationnelle de l’usage, en clinique, des connaissances scientifiques. Le fait d’avoir à « cristalliser » les connaissances scientifiques dans un objet à usage diagnostique ou pronostique mettrait au jour, certes, les incertitudes inhérentes à l’état actuel des connaissances, mais, plus fondamentalement, il révélerait les incertitudes inhérentes à la connaissance objective, notamment en son caractère opératoire.
32Les critères épistémologiques auraient ainsi une portée éthique radicale, convoquant les acteurs scientifiques, contrairement à ce que la société peut sembler attendre d’eux, à expliciter l’incertitude inhérente à leur action cognitive et à dire leur perplexité quant au recours univoque qui pourrait être fait de leurs résultats en clinique. Le recours aux critères épistémologiques permettrait ainsi de critiquer le fait de se représenter la médecine comme une science exacte, ou de croire, comme Claude Bernard à un moment donné de sa vie, qu’elle peut devenir une science certaine, vraie, déterministe, dépourvue d’incertitudes [26]… Quand bien même les connaissances en génétique progresseraient tant au niveau quantitatif (banques de données) que qualitatif (scientificité du calcul statistique du risque ; recours à d’autres types de théories telles les théories des systèmes dynamiques non linéaires) l’incertitude inhérente à la démarche scientifique telle que décrite par Popper demeurerait au sein de la médecine prédictive.
Dimension interprétative de la clinique appelant à une action qui se risque
33(Objectivité et interprétation en sciences empirico-formelles)
34Une critique épistémologique fondée sur la mise en œuvre des critères de rapports aux résultats, modèles et théories, conduit à affirmer de manière argumentée qu’il y aurait une dimension d’interprétation inhérente aux sciences empirico-formelles, quelle que soit leur prétention objectivante. Jean Ladrière, dans L’articulation du sens [27], décrit un cercle méthodologique propre aux sciences empirico-formelles : il y a un perpétuel va-et-vient entre l’élaboration d’hypothèses et le contrôle expérimental, entre des objets formels conçus dans un système logique portant sur des possibles et des faits scientifiques observés (construits) expérimentalement. Dans ce cercle méthodologique ne se glisserait-il pas une part d’interprétation dans ces sciences dites objectives ? Les théories ne sont-elles pas élaborées à partir d’une pré-compréhension du monde issue d’un contact avec le monde ? Ne sont-elles pas mises à l’épreuve par la médiation d’observations faites à partir d’un cadre interprétatif ? Ne pourrait-on pas voir là une analogie avec le cercle herméneutique décrit par Gadamer [28] au sujet de l’interprétation d’un texte ? La science expérimentale elle-même ne serait pas strictement objective (à moins d’appeler objectivité une certaine forme d’intersubjectivité avec accord sur des argumentations…), mais elle comporterait intrinsèquement une dimension interprétative.
35La pratique clinique, même si elle repose sur les sciences empirico-formelles, présente ainsi toujours en son activité diagnostique et pronostique une dimension herméneutique. Il y a ainsi lieu de souligner que, tout en cherchant à progresser en scientificité, l’acte clinique demeurera toujours un acte qui se risque en une interprétation non dépourvue d’incertitudes. N’est-ce pas ce que révèle l’évaluation demandée par l’Evidence Based Medicine (EBM), qui, en toute rigueur de termes, ne serait pas une évaluation fondée sur des preuves, mais une évaluation de « mise en évidence », de rendre compte d’actions et d’interprétations dans un contexte d’incertitudes ?
36A fortiori, la pratique médicale, qui se rapporte au corps humain vivant et qui se déroule dans un dialogue entre un médecin et son patient, est une pratique de nature herméneutique où le médecin doit se risquer dans une action incertaine. Le médecin doit y poser des choix conjuguant des données scientifiques affirmant des généralités considérées comme certaines à partir d’expériences de laboratoire, et une expérience clinique collectionnant des cas particuliers et portant sur des personnes singulières affectées en leur existence… Il y aurait une « essence irréductiblement anthropologique de la maladie » [29] qui résiste à la pratique objectivante des sciences expérimentales… Le recours aux critères épistémologiques permettrait ainsi de resituer la pratique clinique comme non réductible à l’application, sur le corps humain, d’une techno-science en ses connaissances et ses capacités opérationnelles objectivantes. Comme le spécifie Gadamer, la médecine serait alors également à appréhender comme un art, et non pas comme un simple acte techno-scientifique [30].
Pertinence de la critique épistémologique permettant d’élaborer des critères éthiques pour une pratique médicale non réductible à sa dimension techno-scientifique
Le statut des techno-sciences comme milieu déterminant et non plus seulement comme moyen
37(Détermination de pratiques de médecine prédictive par la logique à l’œuvre en génétique)
38La critique épistémologique menée avec l’équipe du centre de dépistage du prédiabète montre que, loin de se limiter à utiliser des connaissances déjà acquises en génétique, la pratique clinique se construit en même temps que le socle de savoir techno-scientifique sur lequel elle repose. Dans le cadre de ce centre, il y a en effet, en même temps que l’émergence d’une pratique de dépistage, recherche d’une compréhension causale de l’installation du prédiabète et du diabète et élaboration concomitante d’un outil diagnostique de dépistage reposant sur ce savoir.
39On peut se demander si ce contexte d’imbrication des pratiques de recherche et de clinique ne favorise pas la détermination de la pratique médicale par les théories sous-jacentes à l’élaboration de l’outil techno-scientifique. De fait, dans le centre de dépistage, une pratique de médecine prédictive se définit, se construit et se spécifie en son action à partir de l’outil techno-scientifique et des théories sur lesquelles cet outil repose : l’outil de dépistage du prédiabète privilégie une approche du diabète qui tient davantage compte de facteurs génétiques que de facteurs environnementaux et psychologiques, alors même qu’on reconnaît à ceux-ci un rôle important.
Dans un tel contexte de co-construction, la technique ne peut plus être seulement appréhendée selon un registre instrumentaliste en termes de moyens [31] que le clinicien pourrait choisir d’utiliser – ou non – dans le cadre d’une relation de soin. Elle aurait le statut d’un milieu déterminant la pratique médicale. Nous nous trouverions dans la situation déjà envisagée par Heidegger : « Supposons maintenant que la technique ne soit pas un simple moyen : quelles chances restent alors à la volonté de s’en rendre maître ? » [32]. La posture éthique, dans un tel contexte, ne pourrait plus consister uniquement en une régulation bioéthique à propos de l’usage qu’ il convient de faire, en médecine, des résultats techno-scientifiques. Elle serait convoquée à s’ancrer dans une réflexion philosophique plus large, qui interroge le milieu techno-scientifique comme nouveau «milieu» d’exercice de la moralité, qui interroge l’action en tant que déterminée par le milieu techno-scientifique. Cette réflexion, nous l’avons menée à propos de la médecine prédictive en nous appuyant sur une critique de la théorie génétique sous-jacente au dépistage du prédiabète.
Élaboration des critères éthiques de validité de la pratique médicale non réductible à sa dimension techno-scientifique
40(Pertinence des critères de corporéité, de temporalité et d’altérité pour interroger des pratiques médicales déterminées par la logique techno-scientifique)
41La critique épistémologique des modèles et théories scientifiques sur lesquels la pratique de dépistage repose nous a amenés à expliciter la logique cognitive à l’œuvre en génétique, à repérer son impact sur la pratique médicale, et à élaborer en conséquence des critères de validité éthique d’une pratique de médecine prédictive non réductible à son aspect techno-scientifique. Ces critères de corporéité, de temporalité et d’altérité, sont empruntés à Jean Ladrière [33].
42La connaissance en génétique, par méthode, est objectivante. Ce caractère est inhérent à la méthode expérimentale. Il s’ensuit une approche du corps qui estompe sa dimension existentielle. En génétique, le corps n’est pas appréhendé en sa corporéité habitée par un sujet (Leib), mais, selon la visée de Descartes, en sa « substance étendue » (Kôrper), voire en une dimension informationnelle, le code génétique. Cette représentation objectivante du corps induit une représentation de la maladie davantage comme dysfonctionnement physiologique (disease), que comme épreuve existentielle à un niveau personnel (illness) ou que comme élément perturbateur d’un équilibre psychosocial (sickness). Cette représentation du corps et de la maladie induit, ce faisant, une représentation de la santé elle-même très objectivée, réduisant fortement la large définition que l’Organisation mondiale de la santé en a faite [34].
43Cette représentation objectivante apparaît comme particulièrement paradoxale dans le cadre du dépistage du prédiabète. En effet, l’observation montre que cette pratique peut avoir un effet anxiogène qui met l’enfant en situation d’« illness » en anticipant, par les piqûres inhérentes au test de dépistage, son entrée dans une posture de malade. Si hier Leriche pouvait définir la santé comme étant « la vie dans le silence des organes » [35] la maladie n’apparaîtrait-elle pas aujourd’hui, dans l’horizon de la médecine prédictive comme « l’angoisse dans le silence des organes gros d’un risque prédictif » ? Ainsi, la pratique de dépistage pourrait mettre l’enfant en situation d’illness alors même qu’il n’est pas (et ne sera peut-être jamais) en situation de disease. De plus, cette pratique peut provoquer en lui une situation de sickness par les modifications de comportements familiaux (surprotection, rejet…) que provoque parfois l’annonce des résultats. La pratique de dépistage montre ainsi les limites de la seule représentation objectivante du vivant quand elle s’applique au vivant humain.
44Dans un tel horizon, le critère de corporéité pourrait rappeler que le corps d’un être humain, à commencer par celui d’un enfant soumis à un test de dépistage, n’est pas réductible à sa dimension biologique, qu’il est aussi un corps vécu, un corps marqué par des relations familiales et sociales. Les acteurs du centre de dépistage en ont eu d’autant plus conscience qu’ils ont sollicité, dans leur travail, la compétence de pédopsychiatres, voire l’expertise de psychologues. Leur constat dans la pratique rejoint celui de Gadamer [36], qui conforte la pertinence du critère de corporéité. Gadamer veut « faire prendre conscience que la science moderne et son idéal d’objectivation nous imposent […] une très forte aliénation » [37]. « La relation entre le médecin et le patient […] est soumise au paradoxe de l’impossibilité d’objectiver la corporéité » [38]. Et Gadamer de poser la question éthique fondamentale, en lien avec le critère de corporéité : « S’éveille en nous une conscience herméneutique des limites de ce qu’il est possible d’objectiver. La question se pose alors de la manière suivante : comment l’expérience du corps et la science s’articulent-ils ? Comment l’une procède-t-elle de l’autre ? Comment l’une – la science – est-elle rattrapée par l’autre ? […] Comment peut-on réussir d’une manière constructive, et non sur le mode de la lamentation, à rattacher au tout de notre être-au-monde notre raison instrumentale ? » [39]. L’enjeu éthique en est la possibilité d’habiter en notre corporéité humaine un monde fortement déterminé par les technosciences.
45Nous avons vu que le recours privilégié fait à la génétique peut induire chez les familles une représentation causale, voire déterministe de la maladie, quand bien même l’équipe de dépistage présente sa démarche comme une recherche de corrélations entre des marqueurs génétiques considérés comme des facteurs de susceptibilité témoins d’une prédisposition, et non comme des causes directes ou indirectes de l’advenue possible du prédiabète. Avec Henri Atlan [40], on peut se demander s’il n’y a pas là un usage abusif du terme « programme génétique » pour désigner ce qui ne serait qu’un « code ». Avec Michel Morange [41], on peut se demander si, dans la représentation qu’on en a, on ne prête pas aux gènes une part trop importante dans le développement et le fonctionnement du vivant. Ceci peut paraître d’autant plus paradoxal dans le cadre du diabète, connu pour être une maladie plurifactorielle où des situations de stress interviennent pour une part majoritaire dans l’installation de son état pré-symptomatique.
46Cependant, de fait, malgré le soin apporté aux informations transmises, le recours à des marqueurs génétiques suscite souvent chez les parents une représentation, abusive, de la maladie en termes de fatalité génétique, que ce soit sous un registre probabiliste ou non. Le patient, en médecine prédictive, se verrait ainsi acculé à organiser son existence en fonction de la possible advenue d’une maladie. Ses projets de vie, et donc son rapport au temps, à la manière dont il veut l’habiter, deviendraient médiatisés, voire normes, par l’annonce d’un risque. Ce risque, chiffré de manière statistique et interprété de manière déterministe, viendrait exacerber sa responsabilité [42]. Plus encore, l’annonce chiffrée du risque viendrait exacerber la conscience de la finitude et de la mort. Dans la médecine moderne, la maladie prédite prendrait le relais du rôle joué par la maladie chronique. « Quel est le rôle nouveau joué par la maladie chronique dans la médecine moderne et quelle en est sa valeur ? », demande Gadamer [43]. Celui-ci poursuit en disant : « En réalité, le cheminement vers la mort reste de toutes les maladies, la maladie chronique par excellence » [44]. Le critère de temporalité s’avérerait particulièrement pertinent dans ce contexte pour interroger la validité éthique de la manière de pratiquer la médecine prédictive : non pas inéluctablement comme possible lieu d’exercice d’un pouvoir sur les destins, y compris pour des raisons de santé publique, mais également comme possible médiation médicale restituant le patient en son projet de vie non réductible à la seule dimension physiologique potentiellement pathologique. L’enjeu éthique en est le statut conféré à la fonction médicale dans notre société.
Enfin, la logique à l’œuvre dans la représentation causale déterministe que l’on se fait du programme génétique peut conduire à une représentation normative a priori du pathologique par simple référence à une moyenne statistique. Cette démarche d’abstraction correspond à la visée de généralisation, voire d’universalisation, inhérente aux sciences s’inspirant de la physique classique. Mais honore-t-elle le vivant en sa « résistance biologique », en sa singularité, en sa complexité organistique, en ses capacités de réactivité par rapport aux événements ? Ne conduit-elle pas à faire abstraction de la normativité propre à chaque organisme vivant, telle que Canguilhem l’a explicitée [45] ?
Certes, cette représentation normative a priori du vivant pourrait être nuancée par de nouvelles approches, telles celles qui, notamment dans le cadre de la génopôle de Lille-NPC [46], sollicitent des théories de dynamique non linéaire pour comprendre le fonctionnement du vivant. Cependant, on peut se demander si, même dans ce contexte, l’usage de tests de dépistage ne favorise pas une représentation normative du pathologique : on est porteur de telles caractéristiques génétiques ou non. L’usage de ces tests prédictifs pourrait véhiculer une représentation de la santé comme « perfection génétique a priori » [47] favorisant implicitement une logique d’exclusion. En témoigne l’usage qui est déjà fait de ces tests en France dans le domaine des diagnostics préimplantatoires et prénataux. En témoigne également l’usage qui est fait de ces tests outre-Atlantique dans le domaine des assurances. Sans forcément parler trop rapidement d’une nouvelle forme possible pour l’eugénisme, on peut se demander si, dans un tel contexte, le critère d’altérité ne pourrait pas jouer un rôle primordial pour rappeler que derrière ce qui, à partir de données génétiques, est considéré comme anormal, il y a une personne exposée à la sollicitude de la communauté humaine pour ce qu’elle est, en amont de ses caractéristiques biologiques.
Conclusion
47La méthode d’éthique clinique déployée dans le cadre de ce travail est basée sur l’éthique narrative [48] qui favorise l’expression des acteurs de la recherche et de la clinique à propos de la perplexité qu’ils éprouvent à l’égard de leurs pratiques. Il s’est avéré que cette perplexité repose en partie sur l’imbrication étroite existant entre finalité de recherche et finalité clinique au cœur de ces pratiques, imbrication elle-même liée au fait que la pratique de médecine prédictive se construit en même temps que le socle de savoir sur lequel elle repose.
48Cette imbrication convoque les acteurs à mener une critique, notamment d’ordre épistémologique, de leur action et à en mesurer la portée éthique. La réflexion menée avec eux nous a permis d’élaborer et de mettre à l’épreuve des critères éthiques de validité des pratiques de recherche, clinique et médicale qui sollicitent la capacité éthique des acteurs par rapport aux finalités et modalités de leurs pratiques. Ces critères, validés dans deux lieux [49] où se construit la médecine prédictive, pourraient être particulièrement pertinents pour anticiper des questionnements éthiques liés à la pratique de médecine prédictive actuellement en plein essor. Us donnent des points de repère sollicitant la responsabilité des chercheurs, des soignants et également des politiques responsables du développement de la recherche et des soins, afin que la médecine prédictive puisse être élaborée et pratiquée dans des conditions qui soient épistémologiquement rigoureuses et humainement soutenables.
49Les critères épistémologiques de rapport critique aux résultats, modèles et théories convoquent les acteurs scientifiques et médicaux à une attitude de précaution quant à la scientificité du socle de savoir sur lequel repose leur pratique de médecine prédictive. Le critère de distance critique par rapport aux théories, mis en perspective avec la pensée de Jean Ladrière, permet de formuler de manière argumentée des critères éthiques de nature philosophique (corporéité, temporalité et altérité) qui viennent remettre dans un horizon d’humanité le recours à la génétique en médecine prédictive. Ces critères, élaborés dans un contexte de recherche et de clinique, pourraient être particulièrement pertinents pour interroger des pratiques de médecine prédictive qui se construisent dans une logique plus entrepreunariale, en lien avec les industries de biotechnologie. Tel semble être bien être le cas sans le cadre de la génopôle Lille-NPC où se poursuit actuellement notre recherche action.
50Plus largement, ces critères pourraient constituer des repères autour desquels des débats pourraient se construire en mettant en question l’interface existant entre recherche et clinique ainsi que les représentations culturelles induites par cette interface. Dans un contexte de représentation sociale fortement marquée par le paradigme du tout génétique les chercheurs et cliniciens pourraient déployer dans ces débats, en interdisciplinarité avec d’autres (chercheurs en sciences humaines, industriels, responsables politiques, citoyens…), et en se référant entre autres à ces critères, une responsabilité sociale à portée culturelle qui avertisse les citoyens au sujet des représentations normatives des pratiques médicales et culturelles induites par une interprétation abusive des connaissances en génétique.
Ce faisant, la réflexion éthique de nature herméneutique et critique, pourrait donner une grille d’interprétation des pratiques culturelles émergentes, voire les anticiper, et alimenter un véritable débat démocratique au sujet du type de société que l’on veut construire, notamment par le biais du mandat que l’on veut donner à la fonction médicale dans notre société.
Notes
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[*]
Claude Deschamps, biologiste, philosophe, enseignant chercheur au centre d’éthique médicale de Lille. Armelle de Bouvet, biologiste, théologienne, enseignant-chercheur au centre d’éthique médicale de Lille.
-
[1]
Par « recherche biomédicale », nous entendrons ici l’« ensemble des recherches menées pour améliorer la connaissance des maladies, leur prévention et leur thérapie, dans l’étude de la vie organique et de son développement » (définition retenue lors du débat au Sénat sur les lois de bioéthique en 1988).
-
[2]
Par « clinique », nous entendrons ici la construction d’un socle de connaissances par rapport à un corps malade, à partir d’un spectacle (définition de Michel Foucault in Naissance de la clinique, coll. « Gallien », PUF, Paris, 1983 (1963), particulièrement le chapitre 6, p. 87 ss), en sa distinction par rapport à la « pratique médicale » qui, sur base de la clinique, tente de répondre à la requête d’un patient
-
[3]
Cadoré B., L’éthique clinique comme philosophie contextuelle, Ed. Fides, Montréal, 1997.
-
[4]
« Critère » a la même racine étymologique que « crisis, critique, crise ». Le Petit Robert (1994) définit le critère comme un « Caractère, signe qui permet de distinguer une chose, une notion, de porter sur un objet un jugement d’appréciation ».
-
[5]
Les détails de cette étude ont été publiés in De Bouvet A. et Deschamps G, « Un questionnement éthique à propos de la recherche biomédicale ? Une recherche-action menée à î’ Institut Pasteur de Lille », Ethica, 1999, vol. 11, n° 2, p. 9-30.
-
[6]
Loi sur l’innovation et la recherche : loi n° 99-587 du 12 juillet 1999.
Lettre BIO publiée par le département des sciences de la vie du CNRS (n° 78, mai 1998), intitulée Spécial assises de l’Innovation, sciences de la vie et grands chantiers de l’innovation industrielle. -
[7]
Laboratoire de Camille Locht, U-447 Inserm-IPL, Mécanismes moléculaires de la pathogénie bactérienne.
-
[8]
Outil technologique de plus en plus sophistiqué et donc de moins en moins intelligible ; pression à valoriser les résultats dont on pourra tirer une application industrielle, aux dépens d’une interprétation et d’une présentation exhaustives des résultats en leurs incertitudes ; etc.
-
[9]
Par exemple, le fait de travailler sur un séquenceur fourni sous contrat par une industrie induit le chercheur à travailler selon une approche génétique du vivant, afin d’amortir l’appareil et d’honorer le contrat.
-
[10]
Par « épistémologique » nous entendrons ici la rigueur scientifique relative à la méthode empirico-formelle.
-
[11]
Deschamps G, De Bouvet A., Cadoré B., « Recherche de critères éthiques de validité du passage de la recherche à la clinique : dans l’horizon des liens entre recherche en génétique et médecine prédictive », rapport dans le cadre d’une réponse à l’appel d’offres du ministère (MiRe) Éthique et recherche biomédicale, Conv. 5/99, avril 2001,176 pages.
-
[12]
Service d’endocrinologie et de diabétologie du CHRU de Lille.
-
[13]
Il est à noter ici que, contrairement à d’autres champs d’émergence de la médecine prédictive, notamment outre-Atlantique, la pratique de ce centre clinico-biologique telle qu’elle a été explicitée dans le cadre des séminaires, n’est que très faiblement médiatisée par l’industrie. C’est peut-être là une des limites de cette étude, que nous considérons comme une étape dans le cadre d’une recherche-action plus large, qui se poursuit actuellement dans le cadre de la génopôle lilloise fortement traversée par une logique entrepreunariale, et qui semble, pour l’instant, confirmer la pertinence des résultats exposés dans cet article.
-
[14]
Deschamps et al., « Life table analysis of the risk of type 1 diabètes in siblings according to islet cell antibodies and HLA markers. An 8-year prospective study », Diabetologia, 1992 ; 35 : 951-957.
-
[15]
Équipe de M. Hautekeete, avec la participation notamment de Mlle N. Djémaï.
-
[16]
Le diabète de type I se caractérise, entre autres, par une hyperglycémie diabétique correspondant à une destruction de 90 % des îlots de Langherans du pancréas endocrine et par le syndrome polyuropolydipsique (PUP).
-
[17]
Bottazzo et al., « Islet-cell antibodies in diabetes mellitus with autoimmune polyendocrine deficiencies », Lancet, 1974 ; 2:1279-1283 ; Drell D.W. etNotkins A.L., « Multiple immunological abnormalities in patients with type 1 diabetes », Diabetologia, 1987 ; 30 : 132-143 ; Atkinson M.A. et Maclaren N.K., « Islet cell auto-antigens in insulin-dependent diabetes mellitus », J. Clin. Invest., 1993 ; 92: 1068-1116.
-
[18]
Protocole EPPSCIT reposant sur celui organisé à Saint-Vincent-de-Paul à Paris par les Dr P. Bougnères et J.-C. Carel, basé sur la mise au repos de la destruction du pancréas endocrine par l’administration sous-cutanée de faibles doses d’insuline.
-
[19]
Caillat Zucman et al., «IDDM reports of the 12th International Histocompatibility Workshop », in Genetic Diversity of HLA. Functionnal and medical Implications, D. Charron Ed., 1996.
-
[20]
Davies et al., «A genome wide search for human type 1 diabetes susceptibility genes », Nature, 1994 ; 371:130-136.
-
[21]
Barnett et al, « Diabetes in identical twins », Diabetologia, 1981 ; 20 : 87-93.
-
[22]
Modèle de souris théoriquement spontanément diabétiques, lignée Neonatal Omet Diabetes.
-
[23]
Wicker et al., « Genetic control of diabetes and insulitis in the Non Obese Diabetic NOD mouse», J. Exp. Med., 1987 ; 165 :1639-1654.
-
[24]
Par « techno-science », nous entendrons ici une activité qui allie un aspect cognitif et son exploitation dans un outil diagnostique.
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[25]
« La science n’est pas un système d’énoncés certains ou bien établis, non plus qu’un système progressant régulièrement vers un état final. Notre science n’est pas une connaissance (épistèmê) : elle ne peut jamais prétendre avoir atteint la vérité ni même l’un de ses substituts, telle la probabilité », in Popper K., La logique de la découverte scientifique, Payot, Paris, 1973, p. 284.
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[26]
Bernard C, Principes de médecine expérimentale, Paris, PUF, 1987, ch. IV, p. 50.
-
[27]
Jean Ladrière, L’articulation du sens, vol. I et II, Cerf, 1984.
-
[28]
Gadamer H.-G., Vérité et méthode, Mohr, Tubingen, 1960 (1990).
-
[29]
François Dagognet, Philosophie biologique, Paris, PUF, 1962.
-
[30]
Gadamer H.-G., Philosophie de la santé, Ed. Grasset-Fasquelle et Ed. Mollat, 1998 (1993).
-
[31]
Aristote, Physique, Livre II.
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[32]
Heidegger, La question de la technique. Essais et conférences, Gallimard, 1968, p. 11.
-
[33]
Ladrière J., L’éthique dans l’univers de la rationalité, Catalyses, Aitel-Fides, 1997.
-
[34]
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité », premier paragraphe de la Constitution de l’Organisation mondiale de la santé, 22 juillet 1946.
-
[35]
Leriche R., Encyclopédie française, VI, 1936.
-
[36]
Gadamer, Philosophie de la santé, Ed. Grasset-Fasquelle et Ed. Mollat, 1998 (1993).
-
[37]
Idem, p. 81.
-
[38]
Idem, p. 93.
-
[39]
Idem, p. 82-83.
-
[40]
Atlan H., La fin du « tout génétique » ? Vers de nouveaux paradigmes en biologie, Éditions de l’INRA, « Sciences en questions », Paris, 1999.
-
[41]
Morange M., La part des gènes, Odile Jacob, Paris, 1998.
-
[42]
Comme le rappelaient de hauts responsables politiques à l’occasion d’un forum national de la santé (Lille, 1998), dans un contexte d’allocations de ressources rares il reviendrait à tout citoyen responsable de prendre les moyens d’anticiper l’advenue de cette maladie, ne serait-ce que pour dès raisons économiques.
-
[43]
Gadamer, op. cit., p. 87.
-
[44]
Gadamer, idem, p. 102.
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[45]
Canguilhem G., La connaissance de la vie, Vrin, Paris, 1992 (1965), Le normal et le pathologique, PUF, Paris, 1991 (1966), p. 155-169.
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[46]
Une recherche-action du centre d’éthique médicale est actuellement en cours dans le cadre de sa participation à la génopôle Lille-Nord-Pas-de-Calais.
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[47]
Sfez L., La santé parfaite. Critique d’une nouvelle utopie, Seuil, Paris, 1995.
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[48]
Ricœur P., Soi-même comme un autre, Ed. Seuil, Paris, 1990.
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[49]
Nous n’avons présenté ici que les résultats de notre recherche en éthique clinique menée dans le cadre du centre de dépistage du prédiabète de type I. Une recherche analogue, qui conforte ces résultats, a été menée dans le cadre du service de médecine fœtale du Dr Puech (CHRU de Lille) ; on peut en trouver une présentation détaillée dans : Deschamps G, De Bouvet A., Cadoré B., « Recherche de critères éthiques de validité du passage de la recherche à la clinique : dans l’horizon des liens entre recherche en génétique et médecine prédictive », rapport dans le cadre d’une réponse à l’appel d’offres du ministère (MiRe) Éthique et recherche biomédicale, Conv. 5/99, avril 2001, 176 pages.