Notes
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[1]
Maître de conférences en science politique, chercheur au GREFOSS (recherche et formation en politiques sociales), Institut d’études politiques de Grenoble.
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[2]
Texte de la circulaire du 30 juillet 1998 du ministre de l’Emploi et de la Solidarité, relative au devenir du Fonds et des missions d’urgence sociale, à la mise en place des commissions de l’action sociale d’urgence et à une mise en réseau des points d’accueil des différents organismes.
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[3]
Cet article rend compte d’une étude menée dans les départements de la Drôme et du Rhône, dans le cadre d’un programme de recherche réalisé à la demande de la direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) du ministère de l’Emploi et de la Solidarité Les premiers enseignements de la mise en place des commissions de l’action sociale d’urgence, départements de la Drôme et du Rhône, GREFOSS, université Pierre-Mendès-France, Grenoble, mai 2000.
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[4]
En mars 2000, 70 partenaires ont adhéré à la Charte. Source : Dossier de presse CASU, mars 2000.
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[5]
D’autres créations sont prévues d’ici la fin de l’année 2000, portant le nombre de points d’accueil à plus d’une vingtaine.
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[6]
Telle qu’elle est définie par les acteurs locaux, l’urgence répond à trois critères : existence d’une rupture, survenue de la rupture dans le mois qui précède la demande d’aide, incidences directes de cette rupture sur la situation économique du ménage qui ne peut plus faire face aux dépenses de la vie quotidienne. Dans certaines conditions (absence de réfèrent social pour le ménage…), l’accueillant peut instruire directement une demande relevant de l’urgence. Voir la présentation de cette procédure exceptionnelle et des aides concernées dans Guide des procédures du Point d’accueil CASU, Drôme, février 2000.
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[7]
Crédits prélevés sur la part réservée aux secours d’urgence du Fonds social Assedic.
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[8]
Termes de la circulaire du 30 juillet 1998 du ministre de l’Emploi et de la Solidarité.
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[9]
L’intitulé exact du document est « Étude de situation en vue d’une aide exceptionnelle ».
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[10]
L’article 156 de la loi du 29 juillet d’orientation relative à la lutte contre les exclusions prévoit la conclusion de conventions entre l’Etat, les collectivités locales et les organismes intervenant dans ce domaine, afin d’assurer une meilleure coordination des acteurs.
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[11]
Fonda Rhône Alpes, ONAC (Office national des anciens combattants), UDAF.
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[12]
Alors qu’elle a participé au FUS, l’Assedic n’a pas souhaité maintenir sa participation à un dispositif pérenne de coordination de l’aide d’urgence, considérant que cela pouvait induire une dérive vers une mission sociale qui n’était pas de sa compétence.
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[13]
Cette présentation des publics et de la demande concerne uniquement le département de la Drôme où la CASU se traduit par un accueil direct des publics. L’analyse repose sur les données transmises par le chargé de mission CASU, ainsi que sur les éléments recueillis au cours d’entretiens menés auprès d’accueillants. II s’agit d’une approche entièrement qualitative dans le sens où elle s’appuie sur la description orale des situations par les accueillants, ainsi que sur des fiches réalisées par quelques-uns d’entre eux, consignant les demandes selon le type de ménage, l’âge, la position professionnelle, l’objet de la demande. La nature, l’hétérogénéité et la dispersion des informations disponibles de même que le faible nombre de demandes reçues par les accueillants n’ont pas permis un traitement quantitatif.
Nous avons rencontré 8 accueillants qui ont décrit précisément les situations pour lesquelles ils ont été sollicités. Six de ces accueillants sont rattachés à 4 points d’accueil (Valence/Polygone, Valence/CCAS, Valence/CMS Valensoles et Fontbarlettes, Crest) qui, à eux seuls, ont recueilli en un mois 88 demandes, ce qui représente plus des deux tiers des demandes enregistrées par la CASU début avril 2000 (soit 120 demandes). -
[14]
Formule extraite d’une plaquette de présentation de la CASU décrivant les publics concernés. Document réalisé par la préfecture, la DDASS et le conseil général de la Drôme, décembre 1999.
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[15]
Le FUS a donné l’occasion de s’interroger sur l’existence, en proportion significative, de demandeurs en situation de difficulté mais « invisibles », c’est-à-dire sans relation avec les services sociaux. Les enquêtes menées à l’échelon national et local, sur les publics du FUS ont conduit à des observations différentes. Certaines ont conclu à l’existence de catégories importantes de demandeurs non encore connus des services sociaux. D’autres ont fait état d’un phénomène marginal d’un point de vue quantitatif. On peut faire l’hypothèse que la différence des résultats tient au mode de repérage de l’information et à la définition de la relation avec le service social (simple contact ou accompagnement social). Voir, Mieux connaître les publics et les pratiques révélés par la mise en place des Fonds d’urgence sociale en France. Études départementales, Denis Bouget, rapport de synthèse au ministère de l’Emploi et de la Solidarité, direction de l’Action sociale, université de Nantes, Len-Cebs, 1999, et article dans le présent numéro : « Mouvements des chômeurs, institutions sociales et pouvoirs publics : l’épisode du Fonds d’urgence sociale (1998) dans les départements ».
Pour notre part, l’étude que nous avons réalisée sur le FUS dans les départements de l’Ardèche et du Rhône laisse apparaître, parmi les demandeurs du FUS, une forte proportion de ménages déjà connus (entre 60 et 85 %). Voir Mieux connaître les publics, les problèmes et les pratiques révélés par la mise en place des Fonds d’urgence sociale, départements de l’Ardèche et de Rhône, GREFOSS, université Pierre-Mendès-France, Grenoble, mai 1999, et article dans le présent numéro : « Pauvreté et risque : les déclinaisons de l’urgence sociale ». -
[16]
Le bilan de l’activité d’accueil effectué sur un mois de fonctionnement fait apparaître qu’une demande sur cinq environ donne lieu à un traitement, c’est-à-dire à la constitution d’un dossier de remise de dettes ou d’aide financière d’urgence, dans le cadre de la procédure exceptionnelle réservée à la CASU.
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[17]
Les interlocuteurs évoquent, par exemple, les délais pour l’actualisation des droits lorsque la situation du ménage s’est brutalement détériorée, le décalage entre l’apparition du fait générateur de la difficulté et le versement effectif des prestations…
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[18]
La position officielle adoptée par l’intermédiaire de l’UNCCAS, envisage une reconnaissance éventuelle du rôle des CCAS en matière d’aide d’urgence, mais à la condition qu’ils ne soient pas seuls à en assumer les charges financières.
1L’observation de la mise en place et du fonctionnement de la Commission de l’action sociale d’urgence (CASU) dans la Drôme et dans le Rhône met en évidence la différence des terrains locaux, des orientations et des modalités de travail. Mais, elle montre également la convergence des questions qui surgissent à cette occasion ou qui sont réactivées, ainsi qu’une certaine proximité dans la façon de procéder de la part des responsables qui conduisent la démarche. La CASU s’installe, en effet, dans les deux départements avec le souci de respecter les spécificités et les acquis locaux tout en initiant le changement, et avec le sentiment que ce type de processus exige du temps pour conduire aux résultats attendus.
2L’initiative particulière que représente la CASU s’inscrit, en effet, dans le temps car elle vise à instaurer une démarche permanente de concertation et de coordination des efforts menés par les institutions locales distribuant des secours ou concernées, à titres divers, par l’intervention auprès des populations en difficulté. Elle est destinée à remédier ainsi « au cloisonnement et à la dispersion des dispositifs actuels » [2], dans le but ultime d’améliorer l’accès aux droits des usagers en situation de difficulté.
3Par les intentions qu’elle affiche et les objectifs concrets qu’elle poursuit, elle engage une réflexion d’ensemble sur les orientations et l’organisation de la réponse publique aux ménages en difficulté. Elle ouvre une série d’interrogations sur l’articulation entre l’action d’urgence de type assistanciel et l’action sociale d’insertion, sur le besoin d’individualisation de la réponse et le respect de l’égalité de traitement et, plus largement, sur les pratiques et le sens des politiques sociales. Les orientations choisies par les CASU départementales et les évolutions discrètes que l’on commence à entrevoir, quelques mois à peine après leur mise en place, nourrissent ces interrogations.
4La différence des choix opérés dans la Drôme et dans le Rhône, révèle la conception de la coordination qui prévaut dans chaque département en fonction des contextes locaux. Nous présentons donc chaque département séparément, puis développons une analyse générale à partir des observations réalisées dans les deux sites [3].
Le modèle drômois
5Département rural et possédant une « histoire sociale » riche, la Drôme a opté en faveur d’une démarche de coordination globale. À l’issue d’une longue phase de travail interinstitutionnel facilité par le climat de collaboration qui s’était instauré du temps du FUS, les partenaires installent un dispositif d’accueil des publics, créé de toutes pièces, et élaborent des outils communs de travail. L’un et l’autre doivent rendre possibles et effectives la mise en réseau des institutions et, par voie de conséquence et progressivement, la mise en cohérence des interventions respectives menées par ces institutions locales en matière d’aide financière.
Du FUS à la CASU
6Lorsque paraissent la loi et la circulaire instaurant une CASU dans chaque département, les acteurs drômois ont déjà annoncé leur souhait d’une coordination des aides financières et avancé dans ce sens-là. La dynamique de réflexion et la préoccupation de la réponse à l’urgence préexistent largement.
7L’expérience du FUS, en effet, a engagé les acteurs locaux dans la voie de la CASU. D’une part, le FUS a permis d’expérimenter entre ces acteurs une collaboration qui s’est révélée positive. D’autre part, la direction départementale des Affaires sanitaires et sociales (DDASS), le conseil général et la caisse d’allocations familiales (CAF) ont pris l’initiative, à l’issue de l’opération, de réaliser et de cofinancer une évaluation du Fonds.
8Ce bilan porte sur les publics bénéficiaires du secours, sur le fonctionnement du Fonds et sur son inscription dans le dispositif départemental d’aide. Il permet de dégager quelques enseignements principaux susceptibles de se traduire rapidement en perspectives d’actions. D’ailleurs, ce travail d’évaluation est immédiatement suivi d’une seconde phase préopératoire, de recensement des aides extra légales existant dans le département. Ces investigations permettent de produire une connaissance par le recueil des informations, de repérer les principaux blocages ou problèmes à résoudre. Elles développent un regard critique sur le système départemental de secours au regard de la demande qui s’est exprimée lors du FUS, elles mettent à jour une préoccupation commune d’adaptation de la réponse autant qu’elles suscitent une attente des partenaires pour une meilleure cohérence d’ensemble de leurs actions.
9C’est dans ce climat que mûrit l’idée de la coordination des aides financières, sur le plan des procédures d’attribution et des circuits de collecte de la demande. L’initiative locale a ouvert la voie et créé un contexte favorable à la négociation partenariale qui s’ouvre, dès septembre 1998, pour conduire à la CASU. Dans la continuité de ce qui avait été entrepris, la dynamique se renforce alors pour construire le nouveau dispositif et les multiples groupes techniques de travail qui se créent, rassemblent des partenaires en bonne partie déjà engagés [4].
La loi entre donc en application sur un terrain local déjà préparé et qui avait anticipé sur les directives centrales. En ce sens, la CASU représente peut-être une opportunité pour activer le partenariat local, mais elle n’est pas un moment isolé. C’est une étape dans une démarche et, de plus, une étape privilégiée dans le sens où le rassemblement des acteurs est finalisé par un objectif concret et immédiat.
L’organisation institutionnelle du travail
10La CASU est créée officiellement le 27 novembre 1998, date de la première réunion de la commission plénière d’action sociale d’urgence. L’organisation politico-administrative est pyramidale. Au sommet de l’édifice, se trouve l’instance politique, assemblée qui réunit les représentants politiques des institutions partenaires et dont la composition est relativement étoffée. Une quarantaine d’institutions y siègent. La « cellule opérationnelle » constitue le lieu privilégié d’élaboration des décisions. Elle rassemble les mêmes organismes que la commission, mais en nombre plus restreint et sur un plan essentiellement technique. Les participants sont les personnes chargées de l’action sociale au sein de chaque institution représentée. Aux côtés de la commission et de la cellule, travaillent des sous-groupes thématiques qui traitent d’un problème particulier et qui n’ont pas vocation à se pérenniser. Leur composition varie selon l’objet de travail, mais seuls y participent les acteurs signataires de la Charte de l’urgence.
11L’ensemble du système fonctionne sous l’égide de l’État. La mission a été déléguée par le préfet à la DDASS où un inspecteur principal, également directeur adjoint de la direction, a la responsabilité du dossier. À ses côtés, travaille un « chargé de mission », recruté sur un poste créé par décision conjointe de la DDASS et du conseil général, pour la mise en place et le fonctionnement de la CASU. Ce chargé de mission bénéficie d’un double rattachement institutionnel : le pôle social de la DDASS et la « Mission insertion » de la direction de la Solidarité du conseil général. Véritable « cheville ouvrière » de la CASU, il agit en lien étroit avec les responsables chargés du dossier dans les deux institutions.
12L’équipe composée de ces trois personnes conduit et anime le travail partenarial local qui doit permettre de concrétiser l’ambition affichée d’une coordination d’ensemble. Cette coordination se traduit par la création d’un réseau territorialisé d’accueil du public et d’instruments de travail.
Le dispositif territorialisé d’accueil et d’orientation du public
13L’existence de ce réseau permet de mettre à la disposition du public une offre d’accueil polyvalent. Cet accueil est assuré par un agent unique, capable de faire la synthèse de la situation du ménage qui formule une demande et de fournir des réponses pertinentes. Le choix d’une action territorialisée répond au souci de rapprocher l’offre des usagers. Il reflète aussi, dans une perspective d’efficacité, la volonté de prendre en compte la diversité des territoires et des organisations locales.
14Quinze « points d’accueil », répartis sur l’espace départemental, ont ouvert leurs portes en mars 2000 [5]. Ils sont tous adossés à des organismes concernés par l’action sociale et la distribution de secours : le service social départemental par l’intermédiaire des centres médico-sociaux (CMS), la (CAF) et plusieurs centres communaux d’action sociale (CCAS). Reconnues pour l’intervention qu’elles mènent, ces structures « porteuses » sont déjà identifiées comme « guichet » par le public susceptible de demander une aide. Chacune de ces structures a recruté, ou détaché parmi son propre personnel, un ou des agents spécifiques qui prennent en charge l’activité d’accueil. Cette activité est autonome ou doit s’autonomiser rapidement par rapport au champ d’intervention habituel de l’organisme qui, cependant, en assure entièrement la charge financière. L’installation du « Point CASU » donne lieu à une convention entre l’État et l’organisme partenaire.
15Face à la demande des ménages, les accueillants peuvent intervenir sur trois registres. Le premier est celui de l’accueil entendu dans un sens large : délivrer une première information et opérer un prédiagnostic sur les aspects financiers et administratifs de la situation. La dimension de conseil/orientation constitue le second registre d’intervention. Le troisième est celui du traitement direct d’une demande d’aide financière. Il s’effectue uniquement en cas d’extrême urgence [6] et selon des procédures très codifiées. En règle générale, en effet, l’accueillant n’a pas la possibilité d’instruire les dossiers et doit orienter systématiquement vers les guichets qui sont habituellement instructeurs. L’instruction par l’accueillant relève donc d’une procédure exceptionnelle exigeant des conditions particulières et concernant des aides qui sont énumérées précisément dans les annexes de la Charte départementale. Dans tous les cas, la décision d’attribuer ou non un secours reste, bien entendu, de la compétence de l’organisme distributeur. La mise en œuvre de ces trois registres d’intervention amène le Point d’accueil à assurer également une fonction d’interface entre les usagers et les organismes sociaux.
16Les missions qui sont ainsi confiées aux accueillants nécessitent, selon les responsables du projet, un savoir-faire d’ordre administratif, mais non social. Les accueillants présentent donc un profil administratif, avec des qualifications et des parcours professionnels divers, mais n’ont pas de compétence sociale particulière. Afin qu’ils acquièrent les connaissances de base sur les dispositifs existants et qu’ils créent entre eux une culture commune, ils ont pu bénéficier d’une session de formation. Cette formation a été conçue et dispensée par les partenaires de la CASU, dans le cadre d’une « mutualisation des savoirs et des savoir-faire ».
Des outils de travail spécifiques au département
17L’instauration de la coordination a engendré la mise au point d’outils de travail. À l’image de nombreux départements, la Drôme a élaboré un « Guide des aides et prestations légales et extra légales » ainsi qu’un « Formulaire unique de demande d’aide financière ». D’autres outils sont propres au département, et ne doivent leur existence qu’au choix de coordination qui a été opéré.
18Le « Guide des procédures CASU », destiné exclusivement aux accueillants, décrit étape par étape les procédures à suivre pour répondre à la demande du public. Il distingue deux grandes catégories de demande, celles qui relèvent de l’urgence selon la définition officielle adoptée par la CASU et pour lesquelles l’accueillant est habilité à agir, et celles qui n’en relèvent pas et qui donnent lieu à une orientation. Guide technique, il a aussi une portée politique et sert à délimiter le champ d’intervention de l’accueillant ainsi qu’à positionner l’action de celui-ci dans le système local de réponse, par rapport aux autres professionnels.
19Lorsqu’une situation grave nécessite une aide financière immédiate mais impossible dans le système d’offre existant, les accueillants peuvent utiliser un dispositif spécialement créé à cet effet : le « Fonds de dernier recours ». L’accueillant est le seul intervenant autorisé à saisir ce Fonds géré par l’Union départementale des associations familiales (UDAF) et entièrement alimenté par l’Assedic [7].
20Enfin, le système des « référents » constitue le troisième outil spécifique dont s’est doté le département. Nommément désignés au sein de chaque institution partenaire et disposant d’une ligne téléphonique directe, ces référents constituent les interlocuteurs immédiats des accueillants. Ceux-ci peuvent les solliciter pour toute information nécessaire au traitement d’une demande et, plus particulièrement, lorsque l’usager rencontre un problème d’ordre administratif dans la gestion de son dossier.
21Il faut noter, également, que les acteurs locaux ont mis au point un dispositif d’évaluation de leur action. Cette démarche évaluative doit permettre d’apprécier l’impact de la fonction de « réfèrent » et de celle d’accueillant, de produire une connaissance des publics reçus dans les points d’accueil et de la demande, ainsi que de repérer les offres mobilisées prioritairement.
Une mobilisation partenariale soutenue
22La démarche de coordination rassemble les acteurs locaux poursuivant des missions sociales. La nature de la participation et le degré d’implication permettent de distinguer trois types de positionnements qui répondent à des motivations diverses.
23L’État, à travers la DDASS qui agit sous le contrôle du préfet, le conseil général et la CAF sont les acteurs dominants. Ils sont porteurs de la dynamique à tous les niveaux d’élaboration de la réflexion et de l’action. Si la DDASS est légitimement et incontestablement le chef de file, la forte contribution des deux autres institutions témoigne de leur volonté de s’associer à un dispositif d’État qui les concerne au premier chef aussi bien par les problématiques traitées que par le champ d’intervention et par le public visé. Non exempte d’enjeux très locaux, cette implication peut s’apparenter à une forme de copilotage.
24Les autres principales institutions sociales du département font preuve d’un fort intérêt. Elles ont toutes adopté une position d’engagement. Elles font vivre le dispositif, mais sur des registres différents. Par exemple, les organismes de sécurité sociale (caisse régionale d’assurance maladie (CRAM), caisses primaires d’assurance maladie (CRAM) et Mutualité sociale agricole (MSA) se constituent en expert. Une association du secteur social – le Service d’accueil et d’orientation – est très présente et l’Assedic, pour sa part, abonde le Fonds de dernier recours dont elle est l’unique financeur.
25Les CCAS appartiennent également à cette catégorie des partenaires engagés. Mais leur adhésion à la démarche est ambivalente. Ils servent de structure support pour la création du réseau d’accueil, mais se montrent prudents et dubitatifs sur l’existence supposée d’une demande non encore prise en compte, sur les effets de la CASU et sur la définition de son champ d’intervention en complément des offres qui existent déjà.
26Sans jouer un rôle essentiel et comparable aux institutions précédemment citées, certains acteurs sont associés mais de façon plus lointaine. Parmi ces partenaires que l’on peut qualifier de périphériques, se trouvent des associations caritatives, peu nombreuses, et une association de chômeurs. Cette association a opéré le choix stratégique de développer une fonction sociale en proposant à ses adhérents un service d’accueil et d’accompagnement social et s’est portée candidate pour être Point CASU. Sa candidature n’a pas été retenue mais l’association est membre de la commission plénière de la CASU. Enfin, certains services d’État, autres que la DDASS ou la préfecture, prennent part à la démarche sur des aspects précis. C’est le cas pour l’administration fiscale, la Trésorerie générale dans le cadre du dispositif de remise gracieuse d’impôts ou de taxes, ou encore les services sociaux de l’Éducation nationale.
27On remarque, a contrario, l’absence ou la faible présence de certains partenaires pourtant concernés par l’intervention en urgence. Les missions locales sont absentes. Par ailleurs, à l’exception de quelques-unes, les associations sont peu présentes alors que le tissu associatif social et caritatif est dense dans le département. Peut-être, la revendication de certains acteurs associatifs à participer à la CASU n’a pas été suffisamment active. Mais, apparemment, les autorités responsables n’envisageaient pas non plus de leur accorder une place significative, craignant peut-être de « marquer » le public CASU et de resserrer involontairement l’action sur les catégories en grande difficulté sociale.
La CASU est présentée, dans ce département, comme un service public qui doit être accessible à tout usager confronté à une situation d’urgence, urgence économique, sociale ou administrative. Elle poursuit donc un objectif d’accueil large et généraliste. Elle est bien destinée à venir en aide aux « personnes et familles rencontrant de graves difficultés » [8], mais elle n’est pas réservée aux publics en situation de grande exclusion.
Le modèle du Rhône
28Dans ce département, le schéma diffère sensiblement du modèle drômois. La CASU ne vise pas à instaurer d’emblée une coordination de l’ensemble des interventions menées par les principales institutions sociales. La démarche choisie consiste à impulser ou à soutenir divers processus de concertation, chacun d’eux poursuivant un objectif autonome, mais tous contribuant à renforcer les pratiques de travail en commun et à favoriser le rapprochement interinstitutionnel. À terme, seraient ainsi créées des conditions favorables pour une coordination étendue et généralisée des interventions dans le département.
Des coordinations partielles… pour une coordination généralisée
29Les négociations qui entourent la mise en place de la CASU s’inscrivent dans la continuité de l’action menée dans le cadre du FUS. Le Fonds a rassemblé les principaux partenaires locaux et créé une mobilisation collective sur la question de l’intervention d’urgence. Par ailleurs, dans une note réalisée postérieurement au FUS, la préfecture a dégagé succinctement les principaux enseignements du Fonds sous forme de bilan prospectif. Les observations ainsi formulées, accompagnées d’une analyse rapide des dispositifs en matière d’urgence sociale, permettent d’ébaucher des pistes d’action. Sont notamment avancés l’idée d’une nécessaire construction de la « globalité de l’aide d’urgence sociale » et un objectif « d’amélioration de la coordination pour une meilleure efficacité des dispositifs ».
30Lorsqu’elle s’installe officiellement, la CASU énonce des objectifs proches des idées émises à l’occasion de ce rapide bilan prospectif. Mais elle adopte aussi des orientations concrètes de travail plus prudentes et plus modestes. Si la CASU bénéficie de la dynamique engendrée par le FUS, elle correspond aussi à une phase nouvelle de travail. Cette phase suppose la mise au point de nouveaux accords, portant à la fois sur les finalités de l’action, sur les formes de la collaboration, sur les priorités et les modalités de travail. Une stratégie d’action se dessine également et s’affirme dans le temps alors, peut-être, qu’elle n’a pas été pensée dès le départ aussi clairement.
31Cette stratégie repose sur une double logique. D’une part, elle consiste à promouvoir des approches de type instrumental permettant la réunion des acteurs dans le but de créer des outils de travail et de rendre possible, dans un second temps, l’ouverture d’un débat de fond sur le bien-fondé d’une coordination. Elle vise, d’autre part, à développer des concertations partielles, relatives à des objets spécialisés et distincts, pour évoluer vers un processus général et permanent d’harmonisation des interventions institutionnelles.
32Les responsables du dispositif n’ont donc pas cherché à construire d’emblée une coordination générale. Plusieurs raisons peuvent expliquer le fait. Celles-ci peuvent être liées à la position de l’État dans le département ou à sa capacité à conduire une démarche de cette envergure qui nécessite un fort investissement en termes d’expertise, de temps, de moyens en personnel. Vraisemblablement, elles tiennent en grande partie aux caractéristiques du terrain local qui ne semble pas se prêter à une démarche fortement encadrée, à l’image par exemple de celle qui a prévalu dans la Drôme.
Le département regroupe une multitude d’acteurs influents. De surcroît, certains d’entre eux, particulièrement concernés par la CASU, sont engagés anciennement dans des négociations pour redéfinir leur champ de compétence ou ont entrepris une réorganisation interne de leur action. La complexité du terrain rhodanien et des scènes de négociation, la pluralité des acteurs et la diversité des logiques d’intervention, l’imbrication des enjeux qui s’y déploient, expliquent vraisemblablement le choix de ne pas s’atteler frontalement à un projet de coordination d’ensemble. Ces différentes raisons auraient conduit le département du Rhône à emprunter des « chemins de traverse », selon l’expression d’un interlocuteur.
Le montage politico-administratif
33L’installation de la Commission de l’action sociale d’urgence a lieu le 17 décembre 1998. Les services de la préfecture et de la DDASS copilotent le programme. Ce partage de responsabilité témoigne d’une collaboration entre les services d’État qui se répartissent les missions et les tâches selon les compétences détenues par l’un et l’autre, sous l’autorité du préfet.
34Tel qu’il a été construit, le dispositif politico-administratif comporte classiquement trois niveaux. Le niveau politique est celui de la commission plénière qui a une mission générale de mise en œuvre et de suivi du dispositif, ainsi que d’évaluation de l’action conduite. Présidée conjointement par le préfet et par le président du conseil général, elle est composée de trente personnes environ représentant une quinzaine d’institutions. Le « Groupe technique élargi » a une vocation beaucoup plus opératoire. Il rassemble les mêmes institutions que celles qui siègent à la commission, mais sur un plan technique. C’est là que sont traitées concrètement les questions relatives à la coordination et que sont proposées collectivement les orientations d’action. Cette instance est donc chargée de préparer les décisions qui sont soumises à l’échelon politique. Pour cela, elle se saisit des réflexions menées au sein de sous-groupes thématiques ou « Groupes projet » dont la composition, volontairement restreinte, varie selon l’objet de travail (définition de l’urgence, élaboration du répertoire des aides…).
Les formes et les objets particuliers de la coordination
35Dans l’immédiat, le processus de coordination se décompose donc en plusieurs actions.
36Certaines de ces actions naissent et se développent à l’initiative directe de la CASU. C’est le cas pour le « Répertoire informatisé des aides et procédures en matière d’urgence sociale ». Outil d’information à la disposition des intervenants sociaux, il a été entièrement conçu dans le cadre d’un « Groupe projet ». La mise en œuvre locale des mesures nationales relatives à l’effacement des dettes fiscales et à la réduction des factures téléphoniques au profit des personnes en difficulté s’est également effectuée dans le cadre de la CASU. Rassemblant déjà les acteurs susceptibles de prendre part à ces deux dispositifs, la commission s’est constituée d’emblée comme structure support et espace de négociation pour l’installation locale de ces deux programmes.
37D’autres actions possèdent une existence autonome par rapport à la CASU dans le sens où elles étaient déjà lancées, ou bien auraient eu lieu dans tous les cas. Par exemple, le « Formulaire unique de demande d’aide » [9] était déjà en cours d’élaboration à l’initiative du conseil général et de la CAF. Il est retravaillé dans le cadre de la CASU qui en favorise ensuite l’appropriation par des organismes autres que ceux qui en étaient à l’origine. Il en est de même pour une expérimentation de coordination des aides financières sur un site rural. Résultant d’une volonté purement locale, cette initiative est intégrée a posteriori à la dynamique de la CASU et doit donner lieu à la signature d’une convention dans le cadre de l’article 156 de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions [10]. La CASU se propose d’ailleurs de soutenir ce type de démarche et d’expérimenter, sous son contrôle direct cette fois, des processus de territorialisation de la coordination dans quelques sites départementaux. Cette perspective ne s’est pas encore concrétisée. Dans ces deux exemples – le formulaire unique et la territorialisation de la coordination – la CASU offre un cadre pour que l’action se développe et accélère une démarche préexistante, en lui donnant la possibilité de s’inscrire dans une dynamique plus large.
Les formes différenciées d’engagement des partenaires
38Il est difficile de qualifier le système d’acteurs en général dans la mesure où les actions réunies sous l’égide de la CASU sont diverses et suscitent, à chaque fois, une configuration interinstitutionnelle différente. Malgré cette diversité, on peut, néanmoins, caractériser les formes d’engagement des institutions sociales locales.
39Deux acteurs publics sont au centre du dispositif. En premier lieu, il s’agit bien sûr de l’État, à travers le pilotage préfecture/DDASS. L’État exerce la responsabilité générale du dispositif et opère le choix des actions à développer prioritairement. Le second acteur majeur est le conseil général qui est très actif. Celui-ci consent un investissement important et constant aux travaux de la CASU, confirmant sa position de partenaire privilégié de l’État, initiée du temps du FUS. Il est vrai que les travaux réalisés dans le cadre de la coordination le concernent de près et rencontrent ses propres objectifs ou confortent des actions que lui-même avait impulsées préalablement à la CASU.
40Aux côtés de ces deux acteurs majeurs, se trouvent les acteurs « associés ». Ce qualificatif « associé » signifie que ces institutions ont pour caractéristique commune de siéger dans les instances officielles, et de ne pas se contenter d’une représentation formelle. Elles contribuent concrètement aux travaux. Toutefois, leur degré d’implication et leurs attentes sont contrastés.
41Les organismes de protection sociale se rangent dans cette catégorie. La CRAM, la CPAM, la MSA assurent une participation régulière mais discrète alors que les deux CAF du département, et en particulier celle de l’agglomération lyonnaise, sont très actives.
42Les CCAS qui occupent une place prépondérante dans le dispositif départemental d’aide financière d’urgence, constituent également des partenaires associés. S’ils adhèrent a priori à l’idée d’une coordination des interventions, ils conservent, du moins pour la majorité d’entre eux, une attitude réservée. Ils craignent que la CASU n’entraîne une augmentation des sollicitations dont ils sont l’objet et un alourdissement de leurs charges.
43Le secteur associatif est également mobilisé. Trois associations [11] siègent dans les différentes instances de la CASU, mais adoptent plutôt une position d’attente. Elles reconnaissent l’intérêt de la démarche de coordination, mais regrettent un certain décalage entre les modalités de mise en œuvre et les réalités ou besoins du terrain.
En revanche, sont absents du dispositif, l’Assedic [12] et les mouvements de chômeurs. De même que dans le Rhône, le réseau spécialisé d’accueil des jeunes – les missions locales qui reçoivent des publics dont les situations de difficulté sont aujourd’hui bien connues – n’apparaît nulle part. Si la liste des partenaires potentiels est infinie et si tous ne peuvent être convoqués de la même façon, on note, cependant, l’éloignement ou l’absence de certaines institutions qui pourraient légitimement être associées à la démarche sous des modes divers.
Demande et réponse
44Caractériser les publics, ou la demande, pris en compte par la CASU serait prématuré. La mise en place de la coordination est, en effet, trop récente pour pouvoir donner lieu à des enseignements significatifs sur ce point.
45Néanmoins, une investigation rapide réalisée dans la Drôme, renseigne sur les publics reçus et sur le type de demande recueillie durant la phase de démarrage. Cette investigation essentiellement qualitative, a été menée auprès des points d’accueil un mois après leur mise en fonctionnement. Les observations que l’on peut formuler, sur cette base, restent conjoncturelles et provisoires et ne sauraient constituer des conclusions définitives. Mais elles ouvrent des pistes de réflexion et permettent déjà d’éprouver certaines intuitions fondatrices de la CASU [13].
Approche qualitative des publics
46L’examen des situations soumises aux accueillants fournit quelques premières indications.
47Sur le plan des ressources, le public semble se partager en deux sous-groupes. Il comprendrait des ménages qui, soit sont sans aucune ressource (sans domicile fixe ou en attente de prestations), soit ont des ressources très modestes. Dans ce dernier cas, les revenus proviennent de prestations diverses ou d’une activité professionnelle précaire (salarié à temps partiel, activité temporaire, emploi aidé…). Ceux qui exercent une activité professionnelle sont peu nombreux.
48Les difficultés que rencontrent ces personnes sont multiformes : mauvais état de santé, absence de travail, présence de dettes, rupture conjugale… Ces problèmes se traduisent par des difficultés financières qui justifient la sollicitation de la CASU. De nombreuses demandes concernent l’aide à la subsistance et résultent de l’impossibilité des ménages à faire face aux dépenses de la vie quotidienne et à assurer les besoins de première nécessité. Dans cet ensemble, apparaît de façon récurrente la question du logement et des dépenses qui lui sont liées (loyer, charges locatives, assurance, taxes diverses…).
49Enfin, les ménages qui se sont adressés à la CASU sont très majoritairement connus des services sociaux, des assistantes sociales polyvalentes notamment ou d’autres services, par exemple le service social de la CPAM ou de la MSA. Spontanément, les accueillants interrogés estiment que 80 % environ des personnes reçues ont déclaré être en lien ou avoir été en lien avec un travailleur social.
50De cette approche rapide des publics, se dégagent plusieurs éléments qu’il serait nécessaire de vérifier dans le temps et dans le cadre d’une investigation beaucoup plus rigoureuse. Mais ces éléments présentent déjà de l’intérêt.
51En premier lieu, ces données tendent à conforter une partie des enseignements du FUS qui avait révélé la présence d’un public « frontière ». Composé de ménages vulnérables par leur statut professionnel ou le type d’activité exercée, par la faiblesse ou l’instabilité des ressources, ce groupe est exposé à des risques sans pour autant être inscrit dans la pauvreté ou l’exclusion. Le FUS avait imposé l’idée de groupes « en difficulté économique, mais qui ne relèvent pas systématiquement d’une logique d’accompagnement social » [14]. La CASU s’est construite, en partie, sur cette idée et, de fait, paraît attirer ces publics, ménages économiquement précaires et travailleurs pauvres. Cette catégorie rassemble des situations composites que les accueillants décrivent : commerçant inscrit au RMI, salarié à temps partiel avec un bas niveau de revenu et cumulant les dettes…
52En second lieu, la CASU entraîne bien l’expression d’une demande nouvelle. Un ménage demandeur sur cinq, selon l’estimation des accueillants, recourt pour la première fois à un dispositif d’aide ou d’intervention sociale. En soi, ce pourcentage estimé est loin d’être négligeable et, de surcroît, il porte sur la période de démarrage de l’action. On peut faire l’hypothèse que dans cette phase, se présentent prioritairement les publics qui connaissent les services sociaux et savent les solliciter alors que les autres ne s’adresseront à la CASU que progressivement et dans un second temps.
53Dans l’immédiat, cependant, ce constat montre que la demande nouvelle est loin d’être massive. Il confirme un phénomène observé dans le cadre du FUS. En effet, les demandeurs et les bénéficiaires de ce dispositif exceptionnel et ponctuel de secours étaient déjà bénéficiaires de l’intervention sociale [15]. Il permet surtout de confirmer l’existence de situations de difficulté déjà prises en compte par les dispositifs actuels, mais non satisfaites.
Il semble alors que la CASU peut drainer des publics relevant de deux principaux types de situation. Ce sont, d’une part, des ménages en difficulté, s’apparentant aux figures traditionnelles des publics sociaux déjà inscrits, peu ou prou, dans un dispositif de prise en charge et qui sollicitent une aide renouvelée ou plus soutenue, suite à un événement particulier. Ce sont, d’autre part, des ménages fragiles qui ne fréquentent pas ou occasionnellement, les services sociaux et qui se trouvent confrontés – pour des raisons administratives, sociales ou professionnelles – à une difficulté ponctuelle ou à un risque sérieux. « La CASU est un bon outil pour les personnes en précarité et qui risquent de basculer » explique un accueillant. La CASU servirait alors autant à éviter une détérioration des situations de fragilité, qu’à aider à la résolution de situations installées de longue date parfois, dans la pauvreté.
Situations « insolubles » et « dossiers complexes »
54La période de montage de la CASU a été l’occasion de mettre en avant l’existence présumée de situations réputées insolubles. Ces situations seraient, en partie, à l’origine de la création de ce nouveau service destiné précisément à les dénouer.
55Il faut vraisemblablement relativiser cette idée d’une complexité, par différence avec des cas qui seraient « simples », et s’interroger sur sa pertinence. Largement liée à l’approche par chaque professionnel des situations qui lui sont présentées, elle se prête à des interprétations variées. L’absence de définition commune, sur la base de critères précis, laisse subsister un flou sur l’existence et le poids réel des « dossiers complexes ».
56Nous considérons comme complexes les dossiers que les accueillants présentent comme tels, comparativement aux autres. Sont ainsi désignés les dossiers qui, dans l’immédiat, n’ont pas d’issue possible dans le cadre des dispositifs et procédures de droit commun, et exigent de la part des accueillants un suivi renforcé, des démarches renouvelées, des modes d’intervention exceptionnels. Ces dossiers sont ceux pour lesquels les accueillants ont pris l’initiative de constituer une demande d’aide d’urgence selon la procédure instaurée exclusivement dans le cadre de la CASU [16]. Ce sont, a fortiori, les situations qui ont bénéficié d’une aide d’urgence par l’intermédiaire du Fonds de dernier recours.
57Les exemples cités pour illustrer la catégorie, à partir de l’action et de la représentation des opérateurs, amènent quelques observations. La complexité serait due à deux causes principales. La première est la composition du système d’offre. Celui-ci ne prend pas ou mal en compte certaines catégories de population et crée des zones de non droit, qui se révèlent brutalement lorsque le besoin surgit dans un contexte d’urgence. C’est le cas des jeunes de moins de 25 ans, en particulier des jeunes adultes entre 21 et 25 ans ne relevant plus de l’Aide aux jeunes majeurs. Ils ne peuvent prétendre à aucune aide financière, lorsque certains dispositifs spécialisés susceptibles de fournir un secours ponctuel ont déjà été activés (intervention récente du Fonds d’aide aux jeunes (FAJ), aucune possibilité de secours auprès du CCAS…). C’est le cas, également, pour les personnes en situation irrégulière. Celles-ci ne peuvent bénéficier d’aucune prestation légale, mais seulement accéder à des secours ponctuels.
58La seconde raison est administrative. La complexité est occasionnée par les modes d’action administrative, et se trouve favorisée par l’enchevêtrement des mesures et des dispositifs, par l’opacité des procédures et des cadres d’intervention. La gestion complexe de la réponse institutionnelle contribue paradoxalement à créer des ruptures et des vides dans la prise en charge. Elle est mal adaptée, par ailleurs, à l’évolution, parfois brutale, des situations [17]. Durant cette période d’attente ou de rupture, l’accueillant CASU fait appel, dans la mesure du possible, à d’autres formes d’aides ponctuelles. La complexité se mesure ainsi à l’intensité des efforts déployés par l’intervenant social pour esquisser des voies de résolution en faveur de situations jugées sans solutions sur le moment.
59Cette courte approche des « dossiers complexes » montre qu’il n’y a pas superposition entre complexité sociale et complexité administrative. Les causes sont différentes. Cependant s’il n’existe pas de lien systématique entre les deux, il reste que la non résolution sur le plan administratif met à jour ou amplifie les difficultés sociales, avec le risque de compromettre durablement des équilibres déjà fragiles.
Inversement, les itinéraires familiaux ou personnels cumulant les changements ou les ruptures sur le plan conjugal, professionnel, du logement et autres, engendrent des prises en compte multiples et diversifiées. Ils occasionnent plus que d’autres des traitements administratifs sophistiqués (mutation entre les caisses, passage d’un dispositif à un autre…) pouvant confiner à l’inextricable. À ce propos, un acteur évoque le « dédale du droit » dans lequel s’enfermeraient des ménages, à leur insu, du fait de leurs difficultés sociales.
Face à l’urgence, des procédures exceptionnelles de réponse ?
60Avec la mise en place de la coordination, sont apparus de nouveaux outils et de nouvelles procédures que nous avons décrites. L’usage de certains d’entre eux est exclusivement réservé aux agents CASU. Il s’agit des procédures exceptionnelles d’instruction de demandes d’aide d’urgence, du Fonds de dernier recours, ainsi que du système des « référents », qualifié par un acteur de « l’énorme plus de la CASU ».
61Les premières semaines de fonctionnement montrent que les accueillants y recourent à de nombreuses reprises et que ces moyens sont particulièrement efficaces. La sollicitation des référents aurait permis de régler nombre de dossiers, dont des « dossiers complexes ». Et dans le cas de situations particulièrement graves, elle aurait permis d’accélérer le versement des prestations par la CAF et de réduire les délais que la gestion administrative impose habituellement aux usagers. De même, les accueillants ont pu déclencher des aides, auprès du FAJ ou du Fonds solidarité logement (FSL) dans des délais plus rapides que la voie normale.
62La CASU instaure ainsi des circuits et des procédures spécifiques qui sont justifiés par l’urgence des situations. Elle crée des voies d’exception qui dérogent au droit commun et qui sont susceptibles d’engendrer des inégalités dans le traitement de la demande. D’autant que si l’utilisation de ces procédures est fortement encadrée, l’appréciation de l’indispensable caractère d’urgence est laissée au soin de l’accueillant. Les critères sont étroitement et collectivement définis, mais comportent forcément une marge d’interprétation qui renvoie, en dernière instance, à la subjectivité de l’approche de l’accueillant.
63La CASU a donc suscité la création de modes d’action expérimentaux et, semble-t-il, performants dans le sens où ils constituent des leviers efficaces pour apporter des éléments de réponse aux situations de difficulté. Ce faisant, elle initie localement des débats sur les effets de ces outils. Ces débats portent en premier lieu, sur le développement, sous l’égide de la CASU, de pratiques modulables même si elles doivent rester exceptionnelles, et sur l’application de règles différenciées. Les nécessités de l’intervention en urgence offriraient une nouvelle illustration de la tension entre le principe d’égalité d’accès aux droits et la logique d’individualisation ou de subjectivisation de la réponse.
64En second lieu, ces modes nouveaux et accélérés de traitement représentent une nouvelle donne importante dans le système départemental d’aide aux personnes en difficulté. Ils suscitent déjà, des mécontentements chez les intervenants sociaux qui n’ont pas accès à ces moyens de travail. Ils génèrent également des usages détournés qui sont déjà observables et dénoncés par certains acteurs comme des dérives. Les intervenants sociaux tendraient à réorienter vers la CASU, les situations problématiques qu’ils ne peuvent eux-mêmes dénouer alors que l’accueillant peut interpeller, par exemple, le réfèrent CAF ou Assedic, ou bien activer le Fonds de dernier recours. Le succès de ces outils et l’usage qui s’en dessine actuellement ne vont pas être sans conséquences, on peut l’imaginer, sur les modes de collecte de la demande et les filières de prise en charge des publics, sur les pratiques des intervenants, sur l’organisation de l’offre locale.
Sur ces différents points, la période brève de fonctionnement de la CASU n’a pas encore permis de révéler l’ensemble des réactions que ne peut manquer de produire l’installation d’une nouvelle composante dans le dispositif départemental d’aide aux personnes en difficulté. En revanche, elle permet d’identifier dès maintenant, une série de débats que le projet d’une coordination de l’action sociale d’urgence fait naître, quelles que soient les spécificités du terrain départemental.
La CASU : au centre du jeu institutionnel
65Les attentes formulées par les acteurs, les positions ou les stratégies qu’ils adoptent, les significations qu’ils confèrent a priori à la coordination, ouvrent dès maintenant une réflexion sur le rôle et la place de la CASU dans le champ de l’intervention sociale.
Un enjeu de rationalisation de l’offre
66En tant que tel, l’objectif de coordination résulte d’une approche critique de l’état du système de réponse. Celui-ci manquerait de cohérence interne, et les différents segments de l’offre ne seraient pas suffisamment articulés. Mettant en cause la fragmentation des dispositifs d’aide, la CASU pourrait avoir un effet de rationalisation. Cette question de la rationalisation se décline en deux volets : celui de la demande, celui de la réponse.
67En ce qui concerne la demande, la perspective d’une rationalisation n’est jamais, ou très rarement, énoncée. Elle ne constitue pas une préoccupation des acteurs, même si certains signalent l’existence de « multi-accès » représentant, selon eux, un phénomène marginal. C’est dans les propos des représentants associatifs que le thème apparaît, mais a contrario. Ces responsables font part de leur crainte de voir la coordination s’opérer au détriment des demandeurs qui perdraient la possibilité de solliciter librement les dispositifs.
68La priorité, semble-t-il, consiste non pas à contrôler l’utilisation des services par les usagers, mais à peser sur l’offre institutionnelle. Le discours rationalisateur, explicite ou implicite, porte essentiellement sur l’offre. Rationaliser l’offre apparaît comme un processus associé ou dérivé de la mise en œuvre de la coordination.
69Telle que nous l’avons appréhendée à travers le discours des acteurs, la rationalisation de l’offre peut se produire à deux niveaux. Elle peut s’effectuer, en premier lieu, au sein de chaque institution. Le fonctionnement de la CASU entraîne des effets retours sur le fonctionnement interne et crée une obligation de changement. Elle peut s’opérer à un second niveau, plus large et collectif, qui est celui du système départemental.
70Aux dires des acteurs, l’existence d’outils communs (formulaire unique, fiche de liaison, répertoire des aides, indicateurs communs de précarité…) favorisant la connaissance et les échanges entre les institutions, est propre à induire spontanément un mouvement d’ajustement des offres respectives, de mise en cohérence des critères et procédures. De surcroît, la volonté de coordination comporterait déjà en elle-même une dimension de rationalisation dans les sites où l’action est très dispersée, où les acteurs se connaissent mal. C’est le cas dans certains sites ruraux dans la Drôme, où elle suscite, autour des CCAS notamment, un principe de rassemblement des acteurs et rend possible un début de structuration collective des ressources locales.
71Surtout, la CASU institue un regard commun. Ce regard crée une exigence de changement dans la perspective d’un usage plus rationnel, c’est-à-dire pensé collectivement, des ressources détenues par chaque institution. « On pourra vérifier que chaque institution assure ses compétences et redresser les dysfonctionnements » affirme un responsable d’institution sociale dans la Drôme. D’autres acteurs confirment : « on va regarder ce qui se passe dans les autres services, connaître leurs critères et réajuster » ou encore « si une institution ne joue pas le jeu, on le saura ».
72La CASU organise, ainsi, une capacité d’interpellation publique et introduit dès maintenant dans le système d’acteurs, un principe de vigilance ou de régulation collective.
Dans cette approche, la rationalisation apparaît comme un effet de la CASU, comme un phénomène induit et observé a posteriori. Mais elle peut aussi être posée et pensée a priori, comme une condition ou une raison de la mise en œuvre de la coordination à l’échelle départementale. La CASU devient alors une occasion à saisir, un moment propice pour ouvrir le débat entre les principaux partenaires qui interviennent dans le champ de l’intervention sociale, qui sont dispensateurs de secours ou qui sont responsables de l’accueil des publics en difficulté.
Le débat sur les modes de partage de la mission d’accueil et d’aide aux publics en difficulté
73L’installation de la CASU s’effectue, en effet, dans un contexte institutionnel marqué par un débat latent, mais très présent. Ce débat porte sur les formes du partage de la mission d’accueil et d’aide des publics en difficulté entre deux catégories d’acteurs compétents pour assurer ces fonctions : le conseil général, à travers le service social polyvalent, et les CCAS. Nouvelle composante dans le système local et destinée à garantir un meilleur accueil et une orientation adéquate des publics, la CASU se trouve au cœur de ce jeu institutionnel dont les termes sont proches d’un département à l’autre.
74Pour leur part, les collectivités départementales considèrent que leur mission dans le domaine de l’intervention sociale tend à s’alourdir, à la fois sur le plan de l’investissement financier que de la charge de travail. Elles seraient amenées à remplir une multitude de fonctions – information, accueil administratif, conseil en tous ordres – qui les éloigneraient de leurs missions prioritaires. La création régulière de nouveaux dispositifs comme l’accroissement de la demande expliquerait ce double phénomène d’alourdissement et d’extension des tâches à remplir. Dressant un constat identique, les collectivités départementales de la Drôme et du Rhône annoncent leur volonté de resserrer leurs interventions sur les missions qui caractérisent le service social polyvalent, c’est-à-dire l’action sociale dans sa dimension d’accompagnement.
75Possédant une tradition d’intervention en matière de secours et identifiés par la population locale comme des guichets de premier accueil et d’information, les CCAS sont également confrontés à de nombreux enjeux. Ils doivent confirmer leur tradition d’intervention en matière d’assistance et d’aide d’urgence mais en contenir le développement dans un contexte de croissance de la demande, éventuellement compenser la perte d’influence occasionnée par la disparition de l’aide médicale suite à la création de la CMU et reconquérir un niveau d’activité, ne pas se laisser déposséder de leur position d’acteur central lors de la mise en place de la CASU mais s’impliquer en maîtrisant les conséquences de leur engagement, répondre aux situations d’urgence mais ne pas assurer des charges que d’autres ne veulent pas ou ne peuvent pas assurer. Certains acteurs évoquent d’ailleurs à ce propos, l’hypothèse d’un déplacement de la charge du service social polyvalent vers eux.
76Les CCAS saisissent l’occasion de la mise en place de la coordination pour rendre le débat public. Les centres du Rhône, par exemple, demandent par l’intermédiaire de la délégation départementale que soit instaurée une concertation sur l’organisation de la réponse et sur les engagements financiers des différentes institutions susceptibles d’y contribuer [18].
77On le voit, la CASU réactive le débat et le pose en termes nouveaux. Sur le terrain, plusieurs mouvements se dessinent, plus ou moins marqués selon les départements, et permettent d’esquisser une lecture croisée des perspectives d’évolution de ces trois dispositifs.
78Le premier mouvement concerne essentiellement la Drôme. Entre la CASU et le service social, s’opérerait spontanément une répartition. La CASU accueille en amont de larges catégories de publics, la polyvalence prend le relais lorsqu’un suivi social est nécessité. La CASU « déchargerait » en permanence la polyvalence d’un ensemble de demandes et de tâches qui parasiteraient le travail de l’assistant social. « Un quart des usagers des CMS vient ici pour une information ou pour l’accès aux droits et pourrait aller vers la CASU » confie un responsable territorial. Par ce glissement des publics vers les points d’accueil CASU, le travail social pourrait alors se réinstaller dans ses missions premières de diagnostic social et d’accompagnement des publics en difficulté. La pratique produit ainsi une forme de complémentarité entre les deux dispositifs.
79La CASU serait aussi susceptible d’apporter des éléments de résolution ou de dépassement des enjeux qui entourent les CCAS. Mais, ici, les contextes communaux sont très variés et les mouvements qui apparaissent sont contrastés et complexes. On ne peut alors que suggérer des hypothèses de transformation des organisations locales.
80On peut imaginer dans un premier schéma, que les efforts conduits dans le cadre de la CASU pour accueillir le public et organiser la distribution des aides financières sont propices à une augmentation de la demande en urgence. En partie, par un effet institutionnel, cette demande et la réponse ponctuelle tendent à grandir, au détriment d’une action sociale plus globale. Le réseau des CCAS est en première ligne. Il se trouve conforté et requalifié dans une mission dominante d’intervention d’urgence, en ce qui concerne l’aide financière et également d’autres formes d’aide (alimentaire, hébergement d’urgence…).
81Ou bien, la CASU introduit davantage de vigilance dans la mise en œuvre de la réponse et, à terme, l’urgence peut être réduite. Cette seconde perspective postule que la CASU va amener une utilisation plus adéquate et plus juste de l’offre de droit commun, une mise en contact rapide des usagers avec les intervenants sociaux compétents, une meilleure organisation des réseaux pour résoudre une même situation. L’amélioration du fonctionnement des dispositifs fait disparaître une partie des causes qui contribuent à créer l’urgence en réduisant le nombre de situations d’attente ou de rupture administrative, Dans ce schéma, la CASU se tourne vers une fonction de structuration de l’intervention locale qui valorise les fonctions d’accueil social, d’orientation et de prédiagnostic, plutôt que de gestion et de répartition des demandes en urgence. Tout en conservant leur mission d’urgence, les CCAS renforcent leur fonction de coordination de proximité qui peut amener à une fusion sur le terrain de leur activité avec celle de la CASU. Plusieurs sites drômois illustrent assez bien cette tendance.
82La CASU actualise la question des formes d’articulation entre l’action sociale inscrite dans le temps, et la réponse ponctuelle, immédiate. Elle conduit à réexaminer la répartition des compétences entre les dispositifs institutionnels, au regard des évolutions des publics et de la demande. Cependant, les changements éventuels ou probables dans les modes de faire administratifs comme dans la structuration collective de la réponse sociale, sont davantage à venir que réels.
83La coordination est en phase de construction. Mais les mises en œuvre locales montrent déjà que, à partir de la préoccupation initiale de l’urgence, les ambitions de la CASU sont plus larges. D’une certaine façon, l’approche en termes d’urgence s’efface au profit d’une réflexion plus ouverte. Les acteurs soulignent que si l’urgence peut constituer une « entrée » dans la réflexion, la question pertinente est celle de la coordination de l’action de droit commun. Structurer la réponse à l’urgence est peut-être nécessaire, mais l’objectif premier doit être de réduire les situations d’urgence.
Or, la lutte contre ces formes de détresse suppose une démarche permanente de coordination des interventions de droit commun menées par les différents services sociaux afin d’éviter les « trous » dans la prise en charge, les réorientations successives, la dispersion dans la construction de la réponse. La coordination, alors, est loin de se résumer à l’existence d’articulations de type fonctionnel. Elle introduit un principe de responsabilité collective qui suppose une mise en commun et une confrontation des pratiques, des savoirs, des représentations. Ce processus ne se traduit pas par l’homogénéisation des modèles d’intervention et des conceptions, mais par l’émergence d’une vision partagée des situations de difficulté. Pour de nombreux acteurs, c’est ce que doit ambitionner la CASU.
Notes
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[1]
Maître de conférences en science politique, chercheur au GREFOSS (recherche et formation en politiques sociales), Institut d’études politiques de Grenoble.
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[2]
Texte de la circulaire du 30 juillet 1998 du ministre de l’Emploi et de la Solidarité, relative au devenir du Fonds et des missions d’urgence sociale, à la mise en place des commissions de l’action sociale d’urgence et à une mise en réseau des points d’accueil des différents organismes.
-
[3]
Cet article rend compte d’une étude menée dans les départements de la Drôme et du Rhône, dans le cadre d’un programme de recherche réalisé à la demande de la direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) du ministère de l’Emploi et de la Solidarité Les premiers enseignements de la mise en place des commissions de l’action sociale d’urgence, départements de la Drôme et du Rhône, GREFOSS, université Pierre-Mendès-France, Grenoble, mai 2000.
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[4]
En mars 2000, 70 partenaires ont adhéré à la Charte. Source : Dossier de presse CASU, mars 2000.
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[5]
D’autres créations sont prévues d’ici la fin de l’année 2000, portant le nombre de points d’accueil à plus d’une vingtaine.
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[6]
Telle qu’elle est définie par les acteurs locaux, l’urgence répond à trois critères : existence d’une rupture, survenue de la rupture dans le mois qui précède la demande d’aide, incidences directes de cette rupture sur la situation économique du ménage qui ne peut plus faire face aux dépenses de la vie quotidienne. Dans certaines conditions (absence de réfèrent social pour le ménage…), l’accueillant peut instruire directement une demande relevant de l’urgence. Voir la présentation de cette procédure exceptionnelle et des aides concernées dans Guide des procédures du Point d’accueil CASU, Drôme, février 2000.
-
[7]
Crédits prélevés sur la part réservée aux secours d’urgence du Fonds social Assedic.
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[8]
Termes de la circulaire du 30 juillet 1998 du ministre de l’Emploi et de la Solidarité.
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[9]
L’intitulé exact du document est « Étude de situation en vue d’une aide exceptionnelle ».
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[10]
L’article 156 de la loi du 29 juillet d’orientation relative à la lutte contre les exclusions prévoit la conclusion de conventions entre l’Etat, les collectivités locales et les organismes intervenant dans ce domaine, afin d’assurer une meilleure coordination des acteurs.
-
[11]
Fonda Rhône Alpes, ONAC (Office national des anciens combattants), UDAF.
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[12]
Alors qu’elle a participé au FUS, l’Assedic n’a pas souhaité maintenir sa participation à un dispositif pérenne de coordination de l’aide d’urgence, considérant que cela pouvait induire une dérive vers une mission sociale qui n’était pas de sa compétence.
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[13]
Cette présentation des publics et de la demande concerne uniquement le département de la Drôme où la CASU se traduit par un accueil direct des publics. L’analyse repose sur les données transmises par le chargé de mission CASU, ainsi que sur les éléments recueillis au cours d’entretiens menés auprès d’accueillants. II s’agit d’une approche entièrement qualitative dans le sens où elle s’appuie sur la description orale des situations par les accueillants, ainsi que sur des fiches réalisées par quelques-uns d’entre eux, consignant les demandes selon le type de ménage, l’âge, la position professionnelle, l’objet de la demande. La nature, l’hétérogénéité et la dispersion des informations disponibles de même que le faible nombre de demandes reçues par les accueillants n’ont pas permis un traitement quantitatif.
Nous avons rencontré 8 accueillants qui ont décrit précisément les situations pour lesquelles ils ont été sollicités. Six de ces accueillants sont rattachés à 4 points d’accueil (Valence/Polygone, Valence/CCAS, Valence/CMS Valensoles et Fontbarlettes, Crest) qui, à eux seuls, ont recueilli en un mois 88 demandes, ce qui représente plus des deux tiers des demandes enregistrées par la CASU début avril 2000 (soit 120 demandes). -
[14]
Formule extraite d’une plaquette de présentation de la CASU décrivant les publics concernés. Document réalisé par la préfecture, la DDASS et le conseil général de la Drôme, décembre 1999.
-
[15]
Le FUS a donné l’occasion de s’interroger sur l’existence, en proportion significative, de demandeurs en situation de difficulté mais « invisibles », c’est-à-dire sans relation avec les services sociaux. Les enquêtes menées à l’échelon national et local, sur les publics du FUS ont conduit à des observations différentes. Certaines ont conclu à l’existence de catégories importantes de demandeurs non encore connus des services sociaux. D’autres ont fait état d’un phénomène marginal d’un point de vue quantitatif. On peut faire l’hypothèse que la différence des résultats tient au mode de repérage de l’information et à la définition de la relation avec le service social (simple contact ou accompagnement social). Voir, Mieux connaître les publics et les pratiques révélés par la mise en place des Fonds d’urgence sociale en France. Études départementales, Denis Bouget, rapport de synthèse au ministère de l’Emploi et de la Solidarité, direction de l’Action sociale, université de Nantes, Len-Cebs, 1999, et article dans le présent numéro : « Mouvements des chômeurs, institutions sociales et pouvoirs publics : l’épisode du Fonds d’urgence sociale (1998) dans les départements ».
Pour notre part, l’étude que nous avons réalisée sur le FUS dans les départements de l’Ardèche et du Rhône laisse apparaître, parmi les demandeurs du FUS, une forte proportion de ménages déjà connus (entre 60 et 85 %). Voir Mieux connaître les publics, les problèmes et les pratiques révélés par la mise en place des Fonds d’urgence sociale, départements de l’Ardèche et de Rhône, GREFOSS, université Pierre-Mendès-France, Grenoble, mai 1999, et article dans le présent numéro : « Pauvreté et risque : les déclinaisons de l’urgence sociale ». -
[16]
Le bilan de l’activité d’accueil effectué sur un mois de fonctionnement fait apparaître qu’une demande sur cinq environ donne lieu à un traitement, c’est-à-dire à la constitution d’un dossier de remise de dettes ou d’aide financière d’urgence, dans le cadre de la procédure exceptionnelle réservée à la CASU.
-
[17]
Les interlocuteurs évoquent, par exemple, les délais pour l’actualisation des droits lorsque la situation du ménage s’est brutalement détériorée, le décalage entre l’apparition du fait générateur de la difficulté et le versement effectif des prestations…
-
[18]
La position officielle adoptée par l’intermédiaire de l’UNCCAS, envisage une reconnaissance éventuelle du rôle des CCAS en matière d’aide d’urgence, mais à la condition qu’ils ne soient pas seuls à en assumer les charges financières.