Notes
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[1]
Chiffres indiqués par le Bulletin d’information statistique de la DGCL n° 115 en avril 2017.
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[2]
Durant l’année 2015, on recense ainsi la création de communes nouvelles regroupant de deux jusqu’à vingt-deux communes fondatrices. De même, en nombre d’habitants concernés, cela va d’un peu plus de 120 habitants (commune nouvelle du Val d’Oronay) à 126 000 (commune nouvelle d’Annecy) mais la moyenne s’établit à environ 3 500 habitants.
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[3]
À l’exception de l’article D.2112-I, qui dispose que « Mention est faite au Journal officiel de la République française des arrêtés du préfet portant création ou suppression de communes ». Cette formulation est toutefois très éloignée de celle qui prévalait aux termes de l’article 5 de la loi du 5 avril 1884 imposant le recours à une loi, après avis du conseil général et du Conseil d’État entendu.
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[4]
La consultation ne sera valide que si la participation au scrutin est supérieure à la 1/2 des électeurs inscrits et si, dans chaque commune, la majorité des suffrages exprimés atteint ou dépasse le 1/4 des électeurs inscrits.
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[5]
Cons. État, 20 oct. 2010, Commune de Dunkerque, req. n° 306643, AJCT 2011. 81.
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[6]
En effet, l’arrêté préfectoral portant création de ladite commune nouvelle emporte simultanément suppression de l’EPCI à fiscalité propre dont étaient membres les communes intéressées.
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[7]
Selon l’article L.2113-13 du Code général des collectivités territoriales, il est officier d’état civil, officier de police judiciaire et peut éventuellement être chargé de l’exécution des lois et règlements de police et délégations prévues aux articles L.2122-18 à L.2122-20 du même Code.
1Discrètement apparue dans la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, la commune nouvelle a connu des débuts difficiles et des premières réalisations relativement limitées d’un point de vue quantitatif. Depuis 2015, pourtant, le nombre de communes engagées dans un processus de création d’une commune nouvelle s’est sensiblement accru, sous l’effet conjugué de dispositions législatives plus favorables et d’une incitation financière bienvenue… permettant à la France de réduire de plus d’un millier en deux ans le nombre total de ses communes et d’en compter, pour la première fois, un peu moins de 35 500 au 1er janvier 2017 [1]. Pourtant, l’idée même de « commune nouvelle » n’est pas aussi récente qu’il n’y paraît : elle est visible sous la forme de commune fusionnée dès le rapport Vivre ensemble publié en 1976 qui souligne l’importance du niveau communal en matière de décentralisation, mais aussi sa nécessité de le rehausser. Mais au-delà des échecs essuyés lors des différentes tentatives de fusion de communes, c’est surtout l’intercommunalité qui a depuis lors mobilisé le législateur et éclipsé, de facto, toute réflexion sur la commune elle-même. En imposant le rattachement de toute commune à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, le législateur a en effet suggéré que c’était la seule voie de réforme possible, négligeant ainsi les évolutions possibles concernant la taille et l’organisation des communes. Les gouvernements et législateurs successifs se sont ainsi concentrés sur la voie d’une rationalisation de l’intercommunalité et d’une élévation progressive des seuils démographiques minimaux.
2Les velléités de l’État de réduire le nombre de communes françaises ne sont pourtant pas nouvelles. En 1971 déjà, nombre d’élus locaux s’étaient élevés contre les tentatives de fusion initiées par la loi Marcellin. Cette fameuse exception en Europe selon laquelle la France compte 40 % des communes des 28 pays de l’Union est désormais remise en cause, afin de donner aux communes (nouvelles) davantage de poids mais aussi de faire de substantielles économies dans un contexte général de réduction des dépenses publiques. Certes, pour ne pas effrayer les habitants ou ranimer de douloureux souvenirs, le terme « fusion » a été définitivement écarté et toute commune nouvelle ne peut se créer que sur la base d’un libre volontariat des communes fondatrices, amenées à devenir le cas échéant des « communes déléguées » au sein d’une plus grande entité. Pour rassurer les derniers réticents, l’État tente un parallèle avec les grandes agglomérations Paris, Lyon ou Marseille et leurs arrondissements, même si la comparaison est assez limitée puisque, dans ces trois grandes communes, chaque arrondissement élit sa propre assemblée délibérante. Enfin, si certaines résistances demeurent et ce, en dépit des pressions préfectorales recensées ici ou là, une incitation financière importante est mise en avant pour les communes nouvelles créées avant le 1er juillet 2016 : elles bénéficient alors du gel de la baisse de leur dotation pendant trois ans et celles dont le nombre d’habitants est compris entre 1 000 et 10 000 auront de surcroît droit à une majoration de cette même dotation étatique. Un risque existe néanmoins : que cette réforme conduise au regroupement des écoles, à la concentration des casernes de pompiers et de gendarmerie, à la mutualisation des services municipaux, à la centralisation de l’activité dans les bourgs principaux… et donc, in fine, à la désertification des campagnes et à l’accroissement des inégalités territoriales entre les grandes agglomérations et les territoires enclavés.
3Incontestable réussite sur un plan quantitatif, davantage exposée à la critique sur un plan qualitatif, la commune nouvelle est-elle pour autant aussi « nouvelle » qu’elle le revendique ? Ses règles de constitution, de fonctionnement et de financement marquent-elles une rupture ou se placent-elles sous le sceau de la continuité tant en ce qui concerne le droit de la commune que celui de l’intercommunalité ? En réalité, la nouveauté est bien au rendez-vous en ce qui concerne l’inspiration politique et les règles de création de ces entités territoriales. Elle est en revanche très relative si l’on s’intéresse aux possibilités de mise en place des communes déléguées, à la gouvernance et au régime financier, pour lesquels un grand classicisme semble prévaloir.
Une approche politique innovante
4La principale nouveauté réside dans l’abandon de l’alternative classique : fusion ou intercommunalité. La commune nouvelle permet en effet de préserver les éléments constitutifs des anciennes communes qui la composent, tels que leurs noms, leurs limites territoriales, leurs mairies et éventuellement leurs conseils municipaux (rebaptisés communaux). À ces concessions inédites qui ont été faites aux élus communaux, il faut rajouter de nouvelles règles de création.
Une nouvelle méthode
5Si la commune nouvelle est un dispositif qui s’inscrit dans une démarche désormais classique de rationalisation de l’organisation territoriale, la démarche engagée par le législateur en 2010 puis en 2015 marque néanmoins une véritable rupture sur plusieurs éléments. Comme l’écrit Vincent Aubelle, « l’originalité de la commune nouvelle, ce qui la différencie des politiques antérieures de fusion de communes, se fonde sur trois éléments : la méthode d’élaboration de la loi relative aux communes nouvelles, la liberté comme socle de la commune nouvelle, et enfin la souplesse accordée. La conjugaison de ces trois éléments explique le succès rencontré dans la création des communes nouvelles » (Aubelle, 2016).
6 En termes de méthode tout d’abord, la législation adoptée en la matière constitue un exemple de texte qui accorde une place non négligeable à l’initiative parlementaire en matière de décentralisation. C’est particulièrement vrai pour la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 dont la plume, en matière de commune nouvelle, a été largement portée par Michel Mercier en fonction de sa forte expérience d’élu local. C’est de nouveau vrai pour la loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 qui résulte d’une proposition parlementaire portée par Jacques Pélissard (président de l’association des maires de France) et Christine Pirès-Beaune.
7 Ensuite, l’adaptabilité du dispositif de commune nouvelle peut être mise en avant, tant elle semble en effet le caractériser, notamment en comparaison de l’intercommunalité. La définition du périmètre de la commune nouvelle, l’absence de tout seuil démographique ou d’un nombre minimum de communes fondatrices [2].
8 Enfin, une grande marge de liberté est laissée aux communes pour créer, ou non, une commune nouvelle : il s’agit là d’une rupture forte avec la méthode traditionnellement employée en matière d’intercommunalité où il est désormais établi que chaque commune doit être rattachée à un établissement public intercommunal comprenant un seuil minimal d’habitants. Certes, cette liberté communale peut également être appréhendée comme le fruit d’un lobbying intense effectué sur ce point par l’Association des maires de France. Mais cette condition d’unanimité rappelle simplement celle qui était requise à l’origine (en 1890) pour l’institution d’un syndicat intercommunal à vocation unique, avant d’être abandonnée en 1959. La souplesse tant vantée par la doctrine (Donier, 2016, par exemple) en ce domaine est donc une réalité : les règles de création de la commune nouvelle témoignent donc clairement de cet esprit de liberté, reposant essentiellement sur des votes à la majorité simple dans chacune des communes concernées.
De nouvelles règles de création
9La nouveauté est ici évidente. En effet, avant l’entrée en vigueur de la loi du 16 décembre 2010, le Code général des collectivités territoriales (CGCT) ne faisait nullement mention, dans aucune de ses dispositions, à la possibilité de créer une commune [3]. C’est donc une véritable innovation qu’apporte en la matière la loi précitée assez peu modifiée sur ce point par la loi du 16 mars 2015.
10 Aux termes de ce premier dispositif législatif, on recense quatre procédures de création de communes nouvelles qui correspondent à autant d’hypothèses d’école.
11 La première procédure possible, la plus simple, correspond à une demande unanime des conseils municipaux. Aucune consultation de la population locale n’est alors exigée et un simple arrêté préfectoral suffit tant que les communes concernées sont toutes situées dans le même département. Si tel n’est pas le cas, la création de la commune nouvelle devient plus complexe puisqu’elle nécessite un décret en Conseil d’État après modification du territoire des départements, et le cas échéant des régions, ce qui implique l’accord des organes délibérants concernés ou le recours à une loi.
12 Les seconde et troisième voies reposent sur une volonté d’une majorité qualifiée des conseils municipaux des communes membres d’un établissement public de coopération intercommunal (EPCI) à fiscalité propre ou sur une demande exprimée par l’EPCI à fiscalité propre lui-même. Dans ces deux cas, la création de la commune nouvelle est subordonnée à l’accord des deux-tiers des conseils municipaux représentant plus des deux-tiers de la population totale de l’EPCI, suivi d’une consultation positive des personnes inscrites sur les listes électorales selon des modalités très contraignantes [4], et d’un arrêté préfectoral de création.
13 Enfin, la quatrième procédure entend répondre à une initiative du préfet. Les mêmes conditions concernant l’accord des conseils municipaux et le vote positif de la population sont toujours requises, mais chaque organe délibérant doit alors se déterminer sur la base d’un périmètre fixé par le préfet, dans un délai de trois mois après sa notification (sinon, le silence vaut acceptation). Ici, seule l’initiative préfectorale présente en réalité quelque nouveauté, d’autant plus qu’un arrêt du Conseil d’État [5] est venu reconnaître au préfet une marge de manœuvre relativement importante en la matière : le préfet est en effet autorisé à prendre en compte, – certes dans le cadre d’une procédure différente et de conditions particulières –, « l’ensemble des éléments du dossier, notamment la volonté des conseils municipaux concernés, les résultats de la consultation et la pertinence du projet de fusion au regard de l’objectif de rationalisation de l’action administrative et de la bonne gestion des services publics ».
14 Il y a également quelques nouveautés procédurales en cas de création d’une commune nouvelle en lieu et place de communes appartenant toutes à un même EPCI à fiscalité propre. Dans cette hypothèse, la commune nouvelle remplace purement et simplement l’EPCI concerné [6] et obtient fort logiquement le bénéfice de la clause générale de compétence. Elle profite également du transfert de plein droit de l’ensemble des biens, droits et obligations de l’EPCI. Elle se substitue à lui dans toutes ses délibérations et dans tous les actes qu’il a pu précédemment prendre. Elle lui succède dans tous les contrats qu’il a pu conclure, les cocontractants devant être simplement informés de cette substitution de personne morale par la commune nouvelle, sans que cela ne leur ouvre un quelconque droit à résiliation ou à indemnisation. Dans le même ordre d’idée, la création de la commune nouvelle s’effectue à titre gratuit et ne saurait engendrer le paiement d’une indemnité, d’un droit, d’une taxe ou autre. Enfin, en ce qui concerne les personnels de l’EPCI et des communes ainsi supprimées, ils sont naturellement, eux aussi, transférés à la commune nouvelle, dans les conditions de statut et d’emploi qui sont les leurs. Le régime indemnitaire précédent et tous les avantages acquis en application du troisième alinéa de l’article 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale peuvent être conservés par les agents, si c’est dans leur intérêt.
15 Mais c’est finalement dans un cas très particulier que la procédure se montre la plus innovante : lorsque la commune nouvelle entend se rattacher à un autre EPCI à fiscalité propre (EPCI auquel était rattachée au moins une des communes dont est issue la communes nouvelle) et que le préfet s’y oppose. Dans ce cas, dans un délai d’un mois à compter de la délibération, le préfet saisit la commission départementale de la coopération intercommunale et celle-ci dispose d’un délai de trois mois pour se prononcer. Son silence vaut avis favorable à la proposition du préfet dans le département. Et la communes nouvelle ne peut de toutes manières devenir membre de l’EPCI de son choix que si la Commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) s’y montre favorable à une majorité renforcée (deux tiers de ses membres).
16 La nouveauté du dispositif ainsi mis en place est cependant très relative. « La nouvelle procédure de création des lois de 2010-2015 ne se départit pas de ses caractères classiques et devrait maintenir intactes sur l’essentiel les solutions jurisprudentielles » ose même prédire Bertrand Faure (2016, 336). Au-delà de la démarche politique et des règles de création, le régime juridique des communes déléguées et de la gouvernance est à l’image du régime financier de la commune nouvelle : d’un grand classicisme.
Une mise en oeuvre juridique classique
17La commune nouvelle entend ménager ses communes fondatrices et ses élus, c’est d’ailleurs incontestablement ce qui a conditionné la réussite du dispositif. Le dispositif des communes déléguées, la gouvernance interne à la commune nouvelle et le régime financier permettent ainsi de préserver les intérêts communaux, en privilégiant des mécanismes juridiques traditionnels.
Les communes déléguées ou la préservation de l’identité communale
18Si un relatif attrait pour l’innovation semble prévaloir en ce qui concerne les règles de création des communes nouvelles, c’est beaucoup moins le cas en matière de gouvernance et de communes déléguées. Les communes nouvelles rejoignent en la matière le modèle traditionnellement dominant dans le champ de l’organisation des collectivités territoriales. Les nouvelles dispositions du Code général des collectivités territoriales semblent avoir ici pour finalité de doter aux plus vite ces communes nouvelles de tous les attributs classiques des communes de droit commun : un conseil municipal, un maire et des adjoints. Il revient ainsi aux articles L.2113-7 et L.2113-8 du Code de régler ces questions sans pour autant envisager d’élections anticipées avant le prochain renouvellement des conseils municipaux.
19 Loin d’être innovantes, ces dispositions qui régissent le fonctionnement interne de la commune nouvelle s’inspirent fortement de celles contenues dans la loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, dite « PLM ». Le principe de cette organisation consistait en effet à disposer d’arrondissements, la réunion de ceux-ci formant la commune : dans le cadre des communes nouvelles, ce sont les communes déléguées qui la fondent alors que la qualité de collectivité territoriale est seulement reconnue à la commune nouvelle.
20 L’article L.2113-10 du Code rappelle néanmoins que l’institution de communes déléguées, qui conservent les noms et les limites territoriales des anciennes communes officiellement disparues, est de droit, sauf si le nouveau conseil municipal s’y oppose expressément par voie de délibération dans un délai de six mois maximum. Là encore, la nouveauté apparente des communes déléguées ne doit pas faire illusion : elles sont directement inspirées du régime des communes associées tel qu’il existait dans le cadre des fusions de communes et peuvent d’ailleurs être supprimées, comme leurs « ancêtres », à tout moment par le conseil municipal.
21 Chaque commune déléguée dispose d’organes propres, tel qu’un maire délégué, choisi par le conseil municipal et doté d’attributions non négligeables [7], ou encore éventuellement d’un conseil (dénommé le cas échéant « communal ») si le conseil municipal de la commune nouvelle le décide à la majorité des deux-tiers, en fixe le nombre de membres et les attributions. Enfin, les communes déléguées peuvent également bénéficier d’annexes de la mairie, afin de délivrer les actes d’état-civil à leurs habitants, et de sections du centre communal d’action sociale (CCAS).
22Il existe, somme toute, assez peu de nouveautés dans ce régime des communes déléguées qui n’est pas sans rappeler, outre le dispositif « PLM » précité, celui des communes associées en vigueur lors des fusions de communes.
23Tout d’abord, en ce qui concerne la création des communes déléguées, la loi du 16 décembre 2010 prévoit automatiquement leur instauration pour toute mise en place d’une commune nouvelle. En effet, dans un délai maximal de six mois, les communes déléguées voient le jour en reprenant le nom et le territoire de l’ensemble des anciennes communes qui composent la commune nouvelle, sauf délibération expressément contraire de son conseil municipal. Si les communes déléguées n’ont pas la qualité de collectivités territoriales, elles bénéficient néanmoins chacune de plein droit de l’installation d’un maire délégué, désigné par le conseil municipal de la commune nouvelle et de la mise en place d’une annexe de la maire pour les actes d’état-civil des habitants du territoire concerné. De plus, le conseil municipal de la commune nouvelle peut décider, à la majorité des deux-tiers de ses membres, d’instaurer, dans une ou plusieurs communes déléguées, un conseil de la commune déléguée, composé d’un maire délégué et de conseillers communaux : leur nombre et leur désignation dépend alors du conseil municipal, qui les choisit obligatoirement parmi ses membres.
24 Le maire délégué, qui est de plein droit le maire de l’ancienne commune disparue, est officier d’état-civil et officier de police judiciaire sur le territoire de la commune déléguée. Il peut également être chargé de l’exécution des lois et règlements de police et recevoir du maire les délégations prévues aux articles L.2122-18 à L.2122-20 du CGCT. Les fonctions de maire de la commune nouvelle et de maire délégué sont incompatibles. Enfin, le conseil municipal peut désigner, parmi les conseillers de la commune nouvelle, un ou plusieurs adjoints au maire délégué, sans que leur nombre ne puisse dépasser 30 % du nombre total des conseillers communaux. Les réunions du conseil de la commune déléguée ont lieu à l’annexe de la mairie correspondante à la commune déléguée, sous la présidence du maire délégué.
La gouvernance ou la préservation des intérêts des élus
25Parce que le régime de la commune nouvelle imaginé en 2010 manquait d’attrait aux yeux des élus locaux, il n’a généré qu’une vingtaine de créations. Deux initiatives parlementaires parallèles se sont donc rejointes pour aboutir, in fine, à la loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 qui entend améliorer le dispositif déjà existant sans pour autant le modifier en profondeur. Ce texte propose donc de nombreuses modifications mais d’importance très inégale.
26Les nouveaux articles L.2113-7 et L.2113-8 du Code général des collectivités territoriales viennent ainsi remodeler la composition du nouveau conseil municipal jusqu’à son prochain renouvellement général. Il s’agit fondamentalement de préserver les mandats de tous les élus des anciennes communes, même si au bout du compte l’effectif total dépasse le nombre des conseillers normalement fixés par strate démographique à l’article L.2121-2 du code. Le législateur a cependant trouvé une formule très élégante pour dissimuler cette concession faite aux conseillers municipaux en place : il s’agit officiellement de « permettre aux élus qui portent le projet de regroupement de participer à sa mise en œuvre et à son suivi technique et politique ». La loi du 16 mars 2015 instaure donc un régime temporaire dérogatoire au droit commun, qui autorise, dès lors que chaque conseil municipal s’est prononcé favorablement à la majorité simple de ses membres, que le conseil municipal de la commune nouvelle soit formé, pendant la période transitoire par addition de chacun des conseils municipaux des communes qui s’engagent dans la création de la commune nouvelle.
27 La nouvelle rédaction des articles L.2113-12 et L.2113-13 modifie par ailleurs marginalement le statut de maire délégué, en permettant aux maires des anciennes communes de devenir de droit des maires délégués et d’exercer « également les fonctions d’adjoint au maire de la commune nouvelle » afin, là encore, de les rassurer et de surmonter leur éventuelle réticence.
28 Enfin, l’article L.2113-12-1 du Code autorise la création d’une conférence municipale « au sein de laquelle peut être débattue toute question de coordination de l’action publique sur le territoire de la commune nouvelle »… sur le modèle de ce qui a déjà été prévu pour les grandes métropoles par la loi n° 2014-58 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles du 27 janvier 2014.
29 En termes de compétences, l’évolution la plus notable depuis la loi de 2010 est la reconnaissance de la clause générale de compétence à la commune nouvelle… au détriment bien évidemment des anciennes communes qui, même devenues déléguées, s’en trouvent dépossédées. Le législateur de 2010 comme celui de 2015 ont voulu ici faire rentrer la commune nouvelle dans le droit commun des communes, permettant à un EPCI à fiscalité propre, dans le cas de sa transformation en commune nouvelle, d’accéder de fait à la catégorie juridique des communes et au plein exercice de leurs compétences.
30 La répartition des compétences entre la commune nouvelle et les communes déléguées rappelle sensiblement ce qui a été retenu près de trente années plus tôt pour Paris, Lyon et Marseille : seul le conseil municipal de la commune nouvelle dispose de la clause générale de compétences ; mais des compétences peuvent néanmoins être exercées au niveau de tout ou partie des communes déléguées. De même, le champ principal de délibération d’une commune déléguée concerne les équipements de proximité… C’est ce qui avait été prévu pour Paris, Marseille et Lyon, où une liste des équipements de proximité avait là encore été établie.
31 Pour les anciennes communes, devenues déléguées, il s’agit donc incontestablement d’un déclassement mais qui s’accompagne d’une application de règles anciennes issues de la loi du 31 décembre 1982 dite « PLM ». Ainsi peuvent-elles, par exemple, adresser des questions écrites au maire de la commune nouvelle sur tout sujet qui concerne la commune déléguée (art. L.2511-12 du CGCT). Elles sont également consultées et rendent un avis pour tous les rapports et projets de délibération qui les concernent (art. L.2511-13 du CGCT) ainsi que sur les subventions accordées aux associations qui œuvrent dans leur seul ressort (art. L.2511-14 du CGCT) ou les évolutions du Plan local d’urbanisme (art. L.2511-15 du CGCT). Le conseil de la commune déléguée est également compétent pour adopter une délibération portant sur l’implantation et le programme d’aménagement des équipements de proximité, dès lors que ceux-ci ne concernent pas l’ensemble des habitants de la commune ou n’ont pas une vocation nationale. En revanche, la réalisation de ces équipements est ensuite conditionnée à une délibération du conseil municipal lui-même (art. L.2511-36 du CGCT). Enfin, l’article L.2511-17 du Code précise que le conseil municipal peut déléguer au conseil de la commune déléguée et avec son accord, la gestion de tout équipement ou service de la commune nouvelle.
Le régime financier ou le retour de l’incitation
32En ce qui concerne le régime financier de la commune nouvelle, la loi du 16 décembre 2010 se caractérisait pas l’absence de toute incitation financière et l’évocation de dotations futures. « Si l’intercommunalité issue des lois de 1992 et de 1999 a essentiellement fonctionné grâce à des dotations d’État particulièrement importantes, le régime financier des communes nouvelles ne bénéficie pas de régime de faveur. Une incitation financière pérenne avait été prévue dans le projet de loi, sous forme d’une « dotation particulière » égale à 5 % de la dotation forfaitaire des communes regroupées. Mais, cette majoration amputait d’autant l’enveloppe des communautés et des communes. Aussi, cette disposition a été supprimée lors des débats parlementaires » explique Mathieu Houser (2011, 63). Même si le régime juridique et financier de la commune nouvelle instauré en 2010 semble plus favorable que l’ancien régime de la commune fusionnée, il n’est tout de même pas très incitatif et va donc générer un nombre très modeste de communes nouvelles. C’est ce défaut originel qui a été (partiellement) corrigé en 2015. En effet, les communes nouvelles bénéficient depuis lors d’un régime avantageux à travers la section n° 4 de la loi du 15 mars 2015, codifiée aux articles L. 2113-20 à L.2113-22 du Code général des collectivités territoriales. En effet, dans un contexte de diminution des dotations de l’État à l’ensemble des communes, les communes nouvelles se voient proposer un pacte de stabilité de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les trois premières années de leur vie ainsi qu’une bonification de leur dotation forfaitaire de 5 % durant la même période… Cette disposition initialement prévue pour les seules communes nouvelles qui seraient créées au 1er janvier 2016 a d’ailleurs été étendue à toutes les communes nouvelles créées au 30 juin 2016 par la loi de finances pour 2016, afin de préserver l’effet positif de cette incitation financière non négligeable dans un contexte général de tension budgétaire.
33 De manière plus générale, la commune nouvelle perçoit l’intégralité de la recette fiscale, des dotations et des subventions. C’est également elle qui contracte les éventuels emprunts. Mais chaque commune déléguée peut continuer à gérer certains crédits, dès lors qu’elle y est expressément autorisée par le conseil municipal de la commune nouvelle. Dans ce cas, un « état spécial » recense l’ensemble des dépenses et des recettes de chaque commune déléguée et est annexé au budget de la commune nouvelle (articles L.2113-17 et L.2511-37 du CGCT). Au sein du budget de la commune nouvelle, la section de fonctionnement récapitule l’ensemble des dépenses de fonctionnement des communes déléguées, à l’exception des dépenses de personnel et de celles qui sont relatives aux frais financiers, car ces dépenses relèvent, aux termes de l’article L.2511-16 du CGCT, du seul budget de la commune nouvelle. Quant à la section d’investissement, les dépenses qui en relèvent ne peuvent être votées que par le seul conseil municipal de la commune nouvelle mais une annexe du budget décrit les dépenses d’investissement pour chaque commune déléguée.
34 Enfin, selon un système encore une fois très inspiré du régime financier en place à Paris, Lyon et Marseille, la commune nouvelle est seule habilitée à percevoir l’ensemble des recettes mais les communes déléguées bénéficient de dotations qui leur sont versées par la commune nouvelle : la dotation de gestion locale, la dotation d’animation locale et la dotation d’investissement.
35 * * *
36Le qualificatif « nouvelles » adossé aux communes présente plusieurs significations : si, dans son sens le plus évident, il vient caractériser un élément « récent, inhabituel ou inédit », il peut également dans une autre acception signifier : « qui rappelle quelque chose par ses caractères ». Cette dernière conception apparaît finalement comme la plus appropriée pour qualifier les communes nouvelles, car celles-ci ne sont pas dénuées de racines et de références à des dispositifs juridiques déjà largement éprouvés. Entre droit classique des collectivités territoriales et droit traditionnel des structures intercommunales, le droit des communes nouvelles apparaît dès lors sensiblement dénué de… nouveauté.
Références bibliographiques
- Aubelle, Vincent (2016), « Commune nouvelle », in Dictionnaire encyclopédique de la décentralisation (sous la dir. de N. Kada, R. Pasquier, C. Courtecuisse et V. Aubelle), Berger-Levrault, 1 000 p.
- Donier, Virginie (2016), Droit des collectivités territoriales, mémento Dalloz, 2e éd., p.77 et ss.
- Faure, Bertrand (2015), Droit des collectivités territoriales, Dalloz, 4e éd., 2016, p.336
- Houser, Mathieu (2011), « Le statut des communes nouvelles, une véritable innovation », in AJCT, p.63 et ss.
- Rapp. « Vivre ensemble » publié par la Commission de développement des responsabilités locales, sous la direction d’Olivier Guichard, La documentation française, 1976.
Mots-clés éditeurs : Décentralisation, communes, réforme territoriale
Date de mise en ligne : 10/11/2017
https://doi.org/10.3917/rfap.162.0267Notes
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Chiffres indiqués par le Bulletin d’information statistique de la DGCL n° 115 en avril 2017.
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[2]
Durant l’année 2015, on recense ainsi la création de communes nouvelles regroupant de deux jusqu’à vingt-deux communes fondatrices. De même, en nombre d’habitants concernés, cela va d’un peu plus de 120 habitants (commune nouvelle du Val d’Oronay) à 126 000 (commune nouvelle d’Annecy) mais la moyenne s’établit à environ 3 500 habitants.
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[3]
À l’exception de l’article D.2112-I, qui dispose que « Mention est faite au Journal officiel de la République française des arrêtés du préfet portant création ou suppression de communes ». Cette formulation est toutefois très éloignée de celle qui prévalait aux termes de l’article 5 de la loi du 5 avril 1884 imposant le recours à une loi, après avis du conseil général et du Conseil d’État entendu.
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La consultation ne sera valide que si la participation au scrutin est supérieure à la 1/2 des électeurs inscrits et si, dans chaque commune, la majorité des suffrages exprimés atteint ou dépasse le 1/4 des électeurs inscrits.
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Cons. État, 20 oct. 2010, Commune de Dunkerque, req. n° 306643, AJCT 2011. 81.
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[6]
En effet, l’arrêté préfectoral portant création de ladite commune nouvelle emporte simultanément suppression de l’EPCI à fiscalité propre dont étaient membres les communes intéressées.
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Selon l’article L.2113-13 du Code général des collectivités territoriales, il est officier d’état civil, officier de police judiciaire et peut éventuellement être chargé de l’exécution des lois et règlements de police et délégations prévues aux articles L.2122-18 à L.2122-20 du même Code.