Couverture de RFAP_159

Article de revue

Chronique du secteur public économique*

Pages 923 à 930

Notes

  • [1]
    Le Monde, 3 juin 2016.
  • [2]
    Voir cette « Chronique », Revue française d’administration publique, n° 104.
  • [3]
    Cité par Les échos, 24 mai 2016, L’APE, le bouc émissaire de l’État actionnaire.
  • [4]
    Voir cette « Chronique », Revue française d’administration publique, n°158.
  • [5]
    David Azéma, mai 2014, Les Échos.
  • [6]
    Le Figaro, 2 août 2016.
  • [7]
    Le Figaro, 29 juillet 2016.
  • [8]
    Le Figaro, 18-19 juin 2016.
  • [9]
    Le Monde, 22-23 juillet 2016.
  • [10]
    Challenges, 9 juin 2016.
  • [11]
    Le Monde, 21 avril 2016.
  • [12]
    Le Figaro, 24 février 2016.
  • [13]
    Le Monde, 30 juillet 2016
English version
I – L’Agence des participations de l’etat (APE) : forces et faiblesses
II – Une période difficile pour EDF
III – Les réformes nécessaires de la poste
IV – Port autonome de Paris – rapport de la cour des comptes
V – Privatisation des aéroports de Nice et Lyon

I– L’Agence des participations de l’État : forces et faiblesses

1 Le Commissaire aux participations de l’État a été auditionné le 1er juin 2016 par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur la capacité de l’Agence à financer la restructuration de la filière nucléaire, par des augmentations de capital de EDF et d’Areva (voir ci-après). On relève qu’elles représentent plus de 10 % de la valeur du patrimoine public coté, évalué à 62,4 milliards d’euros [1], réparti pour l’essentiel entre EDF pour 19,83 milliards, Engie pour 11,14 milliards, Orange pour 5,57 milliards, ADP pour 5,37 milliards, Airbus pour 4,81 milliards, Thales pour 4,24 milliards, Renault pour 4,91 milliards, Safran pour 4,04 milliards, PSA pour 1,56 milliards. Le problème est d’autant plus complexe qu’EDF représente à lui seul presque le tiers de ce portefeuille. Le Commissaire aux participations a indiqué qu’il serait possible de puiser d’abord dans les excédents du compte d’affectation spéciale des participations financières de l’État, qui atteignaient 2,4 milliards d’euros à la fin 2015, grâce au versement par l’Agence des participations de l’État (APE) de 1,2 milliard d’euros sur les 2,3 milliards de cessions résultant de la privatisation de l’aéroport de Toulouse et des cessions de fractions du capital de Safran et Engie. Il pourrait s’y ajouter des sommes provenant de la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon (voir infra).

2 Il pourrait aussi être recouru à la vente d’une partie de la participation de l’État dans Peugeot-Citroën valorisée à 1,5 milliard d’euros, prise en 2014 par l’État à la suite de deux augmentations de capital d’un coût de 800 millions d’euros pour 14 % du capital. L’État pourrait céder une partie de cette participation en conservant deux sièges au conseil d’administration tant qu’il ne descend pas au-dessous de 10 %. La famille Peugeot désireuse de récupérer une partie des actions acquises par l’APE en a discuté fin mai avec elle. Mais les clauses de non remise en cause (standstill) adoptées par les actionnaires Dongfeng, Peugeot et l’APE en 2014 exigeraient préalablement un accord entre eux. Au total, si l’APE cédait les participations ou fractions de participations précitées et éventuellement des fractions supplémentaires de Safran et d’Engie, elle pourrait mobiliser les ressources nécessaires au renflouement d’Areva et d’EDF. Néanmoins la perplexité des membres de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée face à une situation de crise a paru susciter des doutes sur sa capacité à assumer les objectifs et la stratégie de l’État actionnaire.

3 Les membres de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée ont relevé les difficultés que rencontre l’État actionnaire pour fixer des objectifs et une stratégie. L’une des principales recommandations du rapport établi en 1963 par la mission présidée par M. Barbier de la Serre sur les conditions d’exercice par l’État de sa fonction d’actionnaire [2] avait été de doter les pouvoirs publics d’un instrument permettant d’éclairer et de rationaliser leurs décisions, instrument qui fut créé sous le nom d’APE. Selon Denis Samuel-Lajeunesse, son premier directeur général : « après les désastres du Crédit Lyonnais et de France Télécom, l’idée était d’éviter les erreurs du passé et de s’assurer que chaque décision ministérielle concernant une entreprise où l’État était actionnaire s’appuie sur une note bien argumentée » [3]. Or plus de dix ans après la création de l’Agence, Areva est en grande difficulté, EDF surendettée doit trouver des fonds, tandis qu’Air France-KLM est également en crise [4], sans que l’État et l’Agence aient, selon l’article précité, prévenu ces situations. On ne peut que relever ce décalage, d’autant que le sujet n’a pas fait l’objet d’une étude approfondie depuis le rapport de la Cour des comptes de 2011 concernant le rôle de l’APE.

4 En mettant en place une institution chargée de mettre en œuvre la stratégie de l’État actionnaire, les pouvoirs publics de toutes tendances politiques espéraient une meilleure cohérence dans la mise en œuvre des grandes orientations industrielles et financières. Le rattachement direct de l’APE au ministre de l’économie en 2010 avec à sa tête un Commissaire devait lui en donner les moyens. Il est indéniable qu’elle a acquis une réputation d’expertise industrielle et financière auprès des milieux d’affaires qui reconnaissent son habileté à mener des opérations en capital. En témoignent la réduction de la part des États français et allemand dans le capital d’EADS, l’entrée de l’État au capital de PSA à hauteur de 14 %, la prise de contrôle de la branche énergie d’Alstom par General Electric, l’accord conclu entre l’État et Bouygues actionnaire de la branche transport d’Alstom, qui permet à l’État d’utiliser les droits correspondants, la constitution de Airbus Safran Launchers pour préserver les intérêts stratégiques de l’État liés à la dissuasion nucléaire, l’accord avec Dassault Aviation lors du désengagement à son capital d’Airbus Group pour donner à l’État un droit de préemption sur le bloc de contrôle détenu par le groupe Dassault, la fusion de GIAT Industries et de la société allemande NKW, et tout récemment, la privatisation des aéroports de Toulouse puis de Nice et Lyon. Est également reconnue et appréciée la capacité de l’APE à faire valoir les dossiers nationaux auprès de la Commission européenne. Par ailleurs, pour les pouvoirs publics, l’APE fait remonter les informations en temps réel sur ce qui se passe dans les entreprises dont l’État est actionnaire de sorte que les ministres exerçant la tutelle soient correctement informés.

5 Cela n’empêche pas que l’APE fasse l’objet de critiques. Il est parfois estimé que ses équipes sont réduites (un peu plus de cinquante personnes) et qu’elles restent souvent dans une logique administrative, faute d’expérience opérationnelle dans l’industrie et face dans les conseils d’administration à des personnalités et des patrons qui l’ont parfois longuement acquise [5]. Par ailleurs le turnover de son personnel est élevé en raison du type de contrat proposé (trois ans renouvelables une fois pour les contractuels) et de la rémunération offerte, entraînant une rotation gênante pour une stratégie à long terme, qui affecte aussi le commissariat de l’APE lui-même dont les titulaires depuis 2012 sont déjà au nombre de trois, sachant que l’un d’entre eux se serait parfois trouvé en opposition avec des autorités ministérielles. C’est que la position de l’APE sur certaines décisions peut ne pas correspondre avec une position politique de l’État. On cite à cet égard le maintien à un bas niveau des tarifs réglementés de l’électricité, au détriment du producteur public, du fait de préoccupations de pouvoir d’achat des usagers, ou encore les oppositions entre le secrétaire d’État aux transports et le président de SNCF-Mobilités qui ont conduit à la démission de ce dernier, l’État étant plus sensible aux considérations extra économiques telles que les risques politiques, sociaux ou environnementaux.

II – Une période difficile pour EDF

6 Les difficultés que connaissent EDF ont déjà été évoquées dans les « Chroniques » précédentes, leur gestion continuant à connaître des péripéties.

Les nouvelles péripéties du projet de construction des centrales nucléaires de Hinkley Point au Royaume-Uni.

7 Le projet de construction de deux centrales nucléaires de technologie française, avec un apport financier russe, à Hinkley Point, a été confirmé par un communiqué franco-anglais du 1er juillet postérieur au référendum du « Brexit », qui le juge toujours nécessaire comme devant fournir 7 % de l’électricité du Royaume-Uni. EDF aurait déjà dépensé 3 milliards d’€ pour ce projet (conception des centrales, achat et terrassement des terrains). Cependant la première ministre britannique a décidé de surseoir à la décision de construction le 28 juillet, le jour même où le conseil d’administration d’EDF l’approuvait. Cette décision a fait l’objet de nombreux commentaires selon lesquels elle serait préoccupée du fait qu’après la construction des deux centrales de Hinkley Point avec une participation financière chinoise, il ait été prévu qu’ensuite seraient construites deux centrales de technologie chinoise, qui pourraient être considérées comme un risque pour la sécurité du Royaume-Uni, ce qui a entraîné des réactions de l’Agence officielle de presse chinoise [6].

8 Les projets de Hinckley Point créent aussi des remous en France, au point qu’une expertise a été confiée à un ancien responsable du CEA. Un administrateur d’EDF a aussi démissionné du conseil d’administration lors de la prise de décision précitée concernant le projet de Hinkley Point en écrivant qu’il constituait « un abîme du type Areva » [7].

L’avenir de la centrale nucléaire de Fessenheim

9 La ministre de l’énergie a demandé à EDF de présenter en juin 2016 un dossier de fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim et mentionné un montant d’indemnisation de 80 à 100 millions d’euros, sans rapport avec un coût généralement évalué à 2 ou 3 milliards d’euros ou même 4 milliards d’euros selon un rapport parlementaire. EDF et l’Autorité de sureté nucléaire, estimant que la centrale pouvait continuer à fonctionner, n’ont pas fourni ce dossier de fermeture et un accord n’a été trouvé que le 24 août entre le gouvernement et EDF sur le versement de 400 millions d’euros, dont 100 millions d’euros lors de la fermeture en 2019, puis 300 millions d’euros l’année suivante, suivis plus tard d’une part variable en fonction des prix de l’électricité et de la quantité qu’en produit Fessenheim.

10 Toutefois demeure l’argument qui a été celui de EDF, selon lequel, du fait des retards de la construction de la centrale de Flamanville, on devrait maintenir Fessenheim en respectant le maximum de production d’électricité d’origine nucléaire de 63 200 mégawatts fixé par la loi de transition énergétique. On notera aussi les prises de position syndicales favorables à ce maintien et susceptibles d’influencer l’avis du Comité central d’entreprise prévu en septembre, et surtout celles des candidats de droite à l’élection présidentielle, hostiles à la fermeture de la centrale. Dès lors, compte tenu des délais de mise en œuvre de l’accord précité EDF-Gouvernement, une nouvelle majorité politique pourrait décider de maintenir la centrale, au motif de conserver une source d’électricité peu coûteuse, de poursuivre son amortissement et de retarder de vingt ans de considérables coûts de démantèlement.

Autres faits d’actualité

11 EDF vient de « fêter un record » [8] en inaugurant à Bouchain une centrale à gaz conçue et fabriquée en France par General Electric, d’une puissance (600 MW) et d’une efficacité qui lui permet de passer en pleine puissance en une demi-heure quand il faut compenser les irrégularités de production des centrales solaires et éoliennes. En même temps, l’Autorité des marchés financiers enquêterait sur des insuffisances d’information financière d’EDF, notamment sur le « grand carénage » des centrales nucléaires existantes [9]. La cession d’Areva-NP à EDF a, par ailleurs, été confirmée par le conseil d’administration de cette dernière le 28 juillet, mais on note que beaucoup de temps se sera écoulé entre la décision de transfert en 2015 et le transfert effectif désormais prévu fin 2017, au prix de 2,5 milliards d’euros et avec la garantie de ne pas supporter tout passif résultant de la centrale d’Olkiluoto en construction avec de grands retards en Finlande. On notera concernant Areva la confirmation d’une augmentation de capital de 5 milliards d’euros début 2017 à laquelle s’est engagé l’État, alors que ses pertes nettes paraissent en diminution, que son carnet de commandes a cru de 29 milliards d’euros fin 2015 à 32,8 milliards d’euros et que la réduction de la part du nucléaire prévue par la loi de transition énergétique est désormais jugée irréaliste.

12 La situation financière d’EDF ne s’est pas trop déteriorée au premier semestre (résultat d’exploitation en baisse de 2 milliards d’euros à 8,9 milliards d’euros, résultat net en recul de 2,68 milliards d’euros du fait de dépréciations d’actifs partiellement compensées par un allongement des durées de vie des centrales nucléaires de 900 MW de 40 à 50 ans), ce qui a fait légèrement augmenter le cours de ses actions, qui avait baissé de 85 % en cinq ans et conduit à leur exclusion du CAC 40. Par ailleurs EDF a cédé 49,9 % de Réseau de transport de l’électricité à la Caisse des dépôts et consignations et à CNP-Assurances, afin que son capital reste entièrement public, lui assurant ainsi une recette de 4,2 milliards d’euros. L’État a en outre accepté de ne plus recevoir ses dividendes en espèces et va lui apporter 4 milliards. Il faut reconnaître que le passage d’une situation où en 2014 20 % du chiffre d’affaires résultait des prix de marché à une situation où ces prix s’appliquent à deux tiers de ce chiffre, alors qu’ils sont au surplus en baisse, constitue une épreuve exceptionnelle pour l’entreprise, qui se poursuivra en 2017 et 2018. Commentant ce dur passage d’une entreprise de service public à une entreprise au sein de l’économie de marché, le PDG d’EDF ne pouvait que constater « qu’elle avait mangé son pain blanc » [10]. Les apports financiers précités et des efforts sur les effectifs et les rémunérations devraient lui permettre de surmonter l’épreuve, même si on peut regretter qu’elle n’ait pas été davantage anticipée.

III – Les réformes nécessaires de la Poste

13 Dans un référé rendu public le 11 mai 2016, la Cour des comptes constatait que « la baisse importante et continue de son activité va rendre le coût du réseau de moins en moins soutenable pour l’entreprise ». Cette constatation sévère a été faite en termes encore plus durs par le PDG même de la Poste, qui a dit : « Le modèle stratégique, économique et social de La Poste n’est plus viable » [11].

14 L’analyse des activités et des résultats de la Poste montre qu’elle a entrepris un effort important dont les effets commencent à se faire sentir, ce que montrent les résultats 2015 du groupe La Poste dans son ensemble : chiffre d’affaire de 23 milliards d’euros (+ 4 %), résultat net part du groupe 635 millions d’euros (+23,9 %), dus au développement du transport et de la distribution de colis et à la transformation de la Banque postale en un grand établissement financier

15 Geopost, chargé du transport des colis, assure déjà 24 % du chiffre d’affaires de La Poste. Sa filiale DPD Groupe se développe dans le domaine des colis express, dont elle distribue chaque jour 3 600 000 dans 43 pays (CA 5,7 milliards d’euros) en suivant l’essor du commerce en ligne et en livrant même le soir ou des jours fériés. Le PDG de La Poste est allé jusqu’à évoquer dans la presse un « Uber de la livraison ». Dans ce domaine notamment La Poste poursuit une internationalisation, et sa filiale DPD UK (CA 1,1 milliards d’euros) a inauguré au Royaume-Uni le plus grand centre de colis d’Europe, tout en expérimentant des procédés assurant un maximum de rapidité et de souplesse dans les livraisons, de même que son équivalent Chronopost en France.

16 La Banque postale, filiale à 100 % de La Poste, créée le 1er janvier 2006, doit son développement aux organismes dont elle est issue (Comptes chèques postaux et Caisse nationale d’épargne) et au réseau des bureaux de poste dont elle profite, avec en outre un espace spécial dans les bureaux importants, mais aussi à la volonté de se perfectionner (360 000 journées de stage en 2015 pour former les personnels) et à s’étendre à de multiples activités telles les conseils privés, la gestions d’actifs et les assurances à travers une vingtaine de filiales. Société à conseil de surveillance et directoire, elle a 26 millions de clients, a ouvert 11,4 millions de comptes et l’encours des dépôts à vue a augmenté de 7,2 % en 2015. Le bilan atteint 200 milliards d’euros, le produit net bancaire part du groupe 5 745 millions d’euros, en légère hausse, le résultat consolidé part du groupe 707 millions d’euros. Orientée vers une clientèle aux revenus souvent modestes, ses tarifs sont estimés inférieurs à la moyenne du secteur.

17 Mais les efforts faits en matière de colis et de services bancaires ne suffisent pas alors que son cœur de métier, le courrier, continue de décliner (-6,5 % en 2015). Le référé précité de la Cour des comptes relevait que le pire n’avait pu être évité que par l’augmentation importante des tarifs des timbres (+7 % en 2015 et +3,6 % prévus en 2016), et les versements de l’État au titre du Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) dont La Poste est un des principaux bénéficiaires (318 millions d’euros). Il faut toutefois observer d’abord que la stratégie de La Poste, comme l’a souligné son PDG [12], refuse non sans motifs de choisir le « tout logistique » comme la Poste allemande ou le « tout financier » comme la Poste italienne, ce qui suppose une évolution rapide du service proprement postal du courrier. Or le volume du courrier a diminué de 30 % de 2008 à 2015, mais les effectifs qui y sont affectés n’ont pu être réduits que de 23 %. Le nombre de bureaux de poste a été ramené de 17 000 en 2004 à 10 000, mais l’activité aux guichets a globalement reculé de 25 %, et le référé précité relevait que l’activité de 1 000 bureaux restait inférieure à une heure par jour.

18 Diverses mesures ont été prises, d’abord de forte réduction des effectifs (de l’ordre de 13 000 équivalents temps plein en 2014-2015 à comparer avec un effectif global de 250 000 personnes), mais aussi d’adaptation des infrastructures postales (accueil d’autres services tels que ceux de Pôle emploi, de la Sécurité sociale et des allocations familiales), d’accroissement des services fournis (notamment Wi-Fi ouvert et gratuit en cours d’extension dans les bureaux de poste) et des services rendus par les facteurs (cumul avec les fonctions de guichetier, passages chez les personnes âgées, services et livraisons à domicile, aides à des recyclages). Le PDG relevait dans l’article précité que ces divers services avaient généré un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros en 2015, ce qui est encore peu, mais il concluait que, par ses efforts, La Poste « achetait le temps nécessaire à la conversion stratégique de l’entreprise ».

IV – Port autonome de Paris – rapport de la Cour des comptes

19 La Cour des comptes a publié en juin 2016 un important rapport particulier sur le Port autonome de Paris, qui offre une occasion de décrire dans la Chronique cet important établissement public industriel et commercial.

20 Premier port fluvial de France, il inclut l’ensemble des 70 sites portuaires d’Île-de-France, et assure un trafic annuel de marchandises de plus de 20 millions de tonnes, globalement à peu près stable, une augmentation entre 2009 et 2012 ayant été suivie d’une diminution du fait de la conjoncture des secteurs du bâtiment et de la logistique. Une capacité d’autofinancement importante lui a permis de réaliser une politique d’investissement qui a porté sur 190 millions d’euros de 2009 à 2014, et un plan stratégique 2010-2015 a permis de réviser la tarification, de mieux intégrer les voies ferrées et d’améliorer les services portuaires, un nouveau plan 2015-2020 prévoyant une diversification des activités dont la Cour souhaite qu’elle ne conduise pas à des prises de risques excessives. Le port est influencé par l’activité des deux grands ports maritimes du Havre et de Rouen, avec lesquels il a créé le groupement d’intérêt économique HAROPA, que la Cour considère comme un succès, même s’il reste « nécessaire d’approfondir la coopération interportuaire en coordonnant la politique d’investissement et en mutualisant son financement ». Le port aura aussi à faire face aux défis que va comporter pour lui la relance du projet de canal Seine-Nord Europe, en particulier par la création de capacités d’absorption du trafic fluvial et une coordination avec les ports maritimes normands.

21 Au total, « la situation financière du port est satisfaisante » : les produits ont augmenté de 11,7 %, les recettes domaniales notamment étant passées de 82,7 à 99,2 millions d’euros, avant ristournes dont « l’efficacité devrait être davantage évaluée ». Le port étant devenu propriétaire des biens domaniaux qui lui étaient affectés, il a pu établir une bonne doctrine en matière de conventions domaniales et de politique tarifaire applicable à la plupart des nouvelles conventions, mais non à toutes, et dont l’effet ne pourra être que progressif. Les charges, qui incluent des obligations fiscales dont certaines restent à préciser, sont en hausse modérée, assurant une capacité d’autofinancement élevée (47 millions d’euros en 2014) et un taux d’endettement soutenable.

22 Le rapport de la Cour inclut aussi des critiques, en particulier sur la gouvernance et sur le régime des personnels. Il estime que le port conserve, contrairement à la réforme de 2008 qui visait dans le cas des ports maritimes à réduire l’effectif des conseils d’administration et les risques de conflits d’intérêts, « une gouvernance obsolète avec un conseil d’administration au format excessif (32 membres) et auquel siègent les représentants des clients du port ». En outre des nominations n’ont pas été faites selon les formes et certaines règles de fonctionnement interne n’ont pas été respectées. La Cour conclut sur ce point que « sa gouvernance doit être réformée ». Il faut notamment appliquer des règles de déclaration d’intérêts et éviter les conflits d’intérêts, et assurer « une vigilance renforcée » du commissaire du gouvernement et de la tutelle. Celle-ci devrait par ailleurs élaborer des documents-types applicables à tous les ports et demander « la signature de contrats d’objectifs et de performance qui aujourd’hui n’existent pas ». Un document devrait aussi définir les compétences et responsabilités des directeurs, et la Cour souhaite que la politique de prises de participations « pour pallier l’insuffisance de l’initiative privée soit attentive aux risques encourus ».

23 Le rapport de la Cour critique enfin la gestion des personnels, notamment le fait que la démarche de gestion des emplois et des compétences « est encore inaboutie ». Si un nouvel accord d’entreprise doit permettre « une gestion plus dynamique des ressources humaines », un accord de 1999 de réduction du temps de travail hebdomadaire à quatre jours ralentit la conduite des projets et mériterait au moins un strict contrôle du temps de travail, y compris par pointage. L’augmentation des charges de personnel de 14,2 % en cinq ans est due à « une politique de rémunération particulièrement généreuse », que devrait compenser une plus grande prise en compte du mérite, qui ne devrait pas être elle-même altérée par un manque de sélectivité, la moitié des agents ayant reçu en 2014 un avancement ou une promotion. La Cour critique l’importance du parc automobile (plus d’un véhicule pour trois employés), mais constate que le port a suivi ses recommandations en matière de passation des marchés, en attendant un renforcement de leur suivi d’exécution.

V – Privatisation des aéroports de Nice et Lyon

24 La privatisation de la gestion des aéroports de Nice et Lyon, décrite par un article de presse comme faite « au secours des finances publiques » [13], s’est au moins effectuée dans de correctes conditions financières. Dans le cas de l’aéroport de Nice, troisième aéroport français (12 millions de passagers annuels), un consortium formé du fonds italien Atlantia (65 %), associé à l’aéroport de Rome (10 %) qu’il détient et à EDF Invest (fonds dédié aux futurs coûts de démantèlement des centrales nucléaires), a acquis 60 % du capital pour 1,22 milliards d’euros, dans des conditions nettement meilleures que lors de la cession en 2014 de 49,9 % du capital de la société de l’aéroport de Toulouse à des intérêts chinois qui le gèrent désormais. Le solde est conservé par la CCI de Lyon et des collectivités locales, avec un pacte d’actionnaires pour associer ces dernières aux décisions majeures. L’offre du consortium a devancé une offre de Vinci et de la Caisse des dépôts et consignations, qui ont de leur côté acquis (Vinci 51 %, CDC 24,5 %, Predica -assurances- 24,5 %), pour 585 millions d’euros, 60 % de l’aéroport de Lyon, quatrième français (8,7 millions de passagers). Si la cession de la gestion d’infrastructures d’intérêt public à des intérêts privés a été contestée, il reste que le gain financier immédiat pour le budget de l’État est important puisqu’il bénéficiera d’une rentrée de 1,76 milliards d’euros, qui pourra couvrir une fraction des financements que nécessite le nucléaire (voir ci-dessus texte sur EDF), à la place il est vrai des dividendes annuels de 9 millions d’euros que rapportaient ces deux aéroports et dont il se prive pour une longue durée.


Date de mise en ligne : 11/01/2017.

https://doi.org/10.3917/rfap.159.0923

Notes

  • [1]
    Le Monde, 3 juin 2016.
  • [2]
    Voir cette « Chronique », Revue française d’administration publique, n° 104.
  • [3]
    Cité par Les échos, 24 mai 2016, L’APE, le bouc émissaire de l’État actionnaire.
  • [4]
    Voir cette « Chronique », Revue française d’administration publique, n°158.
  • [5]
    David Azéma, mai 2014, Les Échos.
  • [6]
    Le Figaro, 2 août 2016.
  • [7]
    Le Figaro, 29 juillet 2016.
  • [8]
    Le Figaro, 18-19 juin 2016.
  • [9]
    Le Monde, 22-23 juillet 2016.
  • [10]
    Challenges, 9 juin 2016.
  • [11]
    Le Monde, 21 avril 2016.
  • [12]
    Le Figaro, 24 février 2016.
  • [13]
    Le Monde, 30 juillet 2016
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