Couverture de RFAP_151

Article de revue

… La couverture maladie des personnels de l'Union européenne : le régime commun d'assurance maladie

Pages 839 à 842

English version

1 Le statut de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) du 28 janvier 1956 prévoyait une affiliation des agents de la CECA au régime de Sécurité sociale des fonctionnaires et employés publics de Luxembourg, créé par la loi du 29 août 1951. La CECA pouvait intervenir, à titre complémentaire, si le régime luxembourgeois ne remboursait pas le fonctionnaire au niveau prévu par le texte statutaire. Ainsi, le premier statut affiliait‑il le personnel de la CECA au régime maladie d’un État membre. Les statuts applicables aux fonctionnaires de la Communauté économique européenne et d’Euratom du 18 décembre 1961 retinrent une autre option : celle de la création d’un régime spécifique d’assurance maladie, au bénéfice du personnel des deux nouvelles Communautés, en dehors de tout système de sécurité sociale d’un État membre.

2 L’approche en faveur d’un régime maladie spécifique est confirmée avec l’adoption du statut unique des fonctionnaires des Communautés européennes du 29 février 1968. Ces dispositions s’appliquent à l’ensemble des fonctionnaires et agents au service des trois Communautés. Ce dispositif n’a pas été fondamentalement changé à l’occasion des différentes révisions du texte statutaire, si bien que le Régime commun d’assurance maladie (RCAM) existe depuis plus de 50 ans. Les pères fondateurs de l’administration européenne ont donc opté, dès 1962, pour le non‑rattachement en matière de couverture sociale de leur personnel à un système national, que ce soit l’État de siège des communautés ou l’État d’origine du fonctionnaire. Ce choix a pour objectif de préserver l’indépendance du personnel des Communautés européennes, dans le contexte plus global de la définition des droits et obligations des agents. Les pères fondateurs n’ont pas non plus retenu l’option choisie par certaines organisations internationales d’affilier leur personnel à une assurance privée. C’est ainsi que le statut jette les bases d’un régime de Sécurité sociale spécifique, au bénéfice des personnels de l’Union Européenne (UE). On doit également noter que ce régime est basé sur le principe de solidarité, en fonction duquel les plus jeunes, sensés consommer moins de services médicaux, cotisent pour les plus âgés, qui en consomment d’avantage. La présente contribution a pour but de définir le cadre juridique, les bénéficiaires, le financement, l’organisation et les prestations du régime commun d’assurance maladie des personnels de l’UE.

3 La base juridique du RCAM est fixée par le statut des fonctionnaires de l’UE (article 72). Il fixe les catégories de bénéficiaires, les principes de remboursements et le financement. Cette disposition statutaire est mise en œuvre par deux textes. Premièrement, une Réglementation commune (RC), qui est relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes, et dont la dernière version a été adoptée de commun accord, par toutes les institutions communautaires, le 24 novembre 2005. Ce texte met en œuvre les grands principes du Régime concernant les catégories de bénéficiaires, le financement du régime, l’organisation de la Caisse et les aspects financiers et comptables. Deuxièmement, une décision de la Commission fixe les niveaux de remboursements pour les différents types d’actes et de traitements médicaux ainsi que les plafonds, de manière détaillée. Il a été adopté par la Commission sur base d’une délégation de la part des institutions prévue dans la Réglementation commune (article 52 RC) et dans le statut.

4 Le Régime commun d’assurance maladie s’applique à toutes les institutions et organes de l’Union européenne, à l’exception notable de la Banque centrale européenne et de la Banque européenne d’investissement. La Caisse couvre l’ensemble des personnels statutaires des institutions de l’UE en activité, quel que soit leur statut et leur lieu d’affectation : fonctionnaires, agents temporaires, agents contractuels de l’UE, à l’exception des intérimaires, des agents locaux des délégations de l’UE et des représentations de la Commission dans les États membres. Les experts nationaux détachés ainsi que les stagiaires sont exclus des dispositions du RCAM. Outre les fonctionnaires et les agents de l’UE, les membres de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, le Médiateur ainsi que le Contrôleur européen de la protection des données et son adjoint relèvent du Régime. Les membres du Parlement européen sont, quant à eux, affiliés à un régime spécifique. Le conjoint du fonctionnaire européen « lorsque celui‑ci ne peut pas bénéficier de prestations de même nature et de même niveau en application de toutes autres dispositions légales ou réglementaires », ses enfants et les autres personnes à sa charge, au sens de l’article 2 de l’annexe VII du statut, bénéficient du RCAM. Le conjoint non marié du fonctionnaire, est considéré comme son conjoint s’il remplit trois conditions et notamment s’il n’existe aucun lien de parenté entre les partenaires. Les fonctionnaires et agents en congé de convenance personnelle, de même que les fonctionnaires mis en disponibilité ou faisant l’objet d’un mesure de retrait d’emploi dans l’intérêt du service, peuvent aussi bénéficier des dispositions du RCAM, sous certaines conditions. Enfin, les titulaires d’une pension d’ancienneté, d’une pension anticipée ou différée, d’une pension d’invalidité, de même que les bénéficiaires d’une pension de veuf/veuve ou d’orphelin sont également couverts par le régime. C’est ainsi qu’en 2011, le nombre total d’affiliés s’élevait à 72 460 et le nombre total des bénéficiaires s’établissait à 143 440.

5 Afin d’assurer la couverture telle que définie par le statut, la contribution des affiliés au régime est fixée à un tiers. Les deux tiers restants sont financés par l’employeur. Le texte statutaire précise toutefois que la contribution de l’agent ne peut excéder 2 % de son traitement de base, pour le 1/3 qui le concerne. La contribution au régime est fixée à 5,1 % du traitement de base du fonctionnaire. Ainsi, 1,7 % sont à sa charge et prélevés, à la source, sur son traitement de base. La part de l’employeur s’élève par conséquent à 3,4 % du traitement de base de chaque fonctionnaire. Le niveau de la contribution peut être revu par les institutions de l’UE, à l’unanimité, par modification de l’article 3 par. 1 de la Réglementation commune, dans un plafond de 6 % (représentant 2 % du traitement de base de l’agent). Pour aller au‑delà de ce pourcentage, il est nécessaire de modifier le statut, en ayant recours à une procédure législative ordinaire, conformément à l’article 336 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (article 72 par. 1er, 4ème alinéa). Une augmentation de la contribution moyenne des agents au Régime a pu être constatée jusqu’en 2010, en raison notamment de l’adaptation annuelle des rémunérations et des pensions. Depuis 2011, le refus par les États membres d’adapter les rémunérations et les pensions des personnels de l’UE, en raison de la crise, puis le gel des salaires des fonctionnaires de l’UE, décidé par le Conseil européen de février 2013, pour les années 2013 et 2014, a freiné l’augmentation de la contribution moyenne des agents alors que le coût des traitements médicaux et des médicaments continuait d’augmenter. Dans ce contexte, le régime a commencé à générer des déficits qui sont largement liés à cette non‑adaptation. À titre d’exemple, on estime que le manque à gagner lié à la non‑adaptation pour l’année 2011 s’élève à 2,2 millions d’euros pour le RCAM. Ce déficit est également le résultat du mauvais rendement du placement de la réserve de la Caisse sur les marchés financiers, en raison de la crise.

6 Le RCAM est à l’origine de la création d’un appareil administratif comprenant un Comité de gestion (CGAM), un bureau central, des bureaux liquidateurs et un conseil médical. Le Comité de gestion est un organe paritaire, dont la moitié des membres est désignée par les administrations des institutions et l’autre moitié par les comités du personnel. Il a pour mission essentielle d’examiner la situation financière du régime, de proposer à la Commission des recommandations sur les dispositions générales d’exécution et toute mesure nécessaire au bon fonctionnement du RCAM. Il peut également faire des propositions sur le fonds de roulement nécessaire au bon fonctionnement de la Caisse. En résumé, cet organe veille aux intérêts du Régime pour qu’il puisse maintenir la qualité de la couverture maladie des personnels de l’UE. Chaque année, le Comité publie un rapport d’activité de la Caisse qui fait notamment état des recettes et des dépenses mais aussi de leur évolution, analyse les tendances, propose des pistes de réflexion pour faire face à l’évolution des dépenses. Le bureau central a pour tâche essentielle de coordonner et de contrôler le travail des bureaux liquidateurs, de veiller à l’application uniforme des règles de remboursement, de réaliser toute étude statistique et toute analyse, afin de permettre au comité de gestion d’évaluer les risques couverts. Le bureau central est rattaché à la Commission. Les bureaux liquidateurs instruisent les demandes de remboursement des fonctionnaires et des agents, puis procèdent au remboursement sur base des dispositions légales en vigueur. Le conseil médical est composé d’un médecin conseil par institution et des médecins conseils des bureaux liquidateurs. Il est consulté par le bureau central ou le Comité de gestion sur toute question de nature médicale posée au RCAM.

7 Le statut fixe le plafond de remboursement pour la couverture des personnels de l’UE. Dans le même statut, les institutions, dans le cadre de la Réglementation commune, peuvent confier à l’une d’entre elle le pouvoir de fixer les règles de remboursement des prestations médicales. Sur cette base, l’article 52 de la RC confie ce pouvoir à la Commission, dans le cadre de Dispositions générales d’exécution, arrêtées par le Collège, après avis du Comité interinstitutionnel du statut. Ainsi, la décision de la Commission du 2 juillet 2007 portant fixation des Dispositions générales d’exécution relatives au remboursement des frais médicaux fixe‑t‑elle les pourcentages et les plafonds de remboursement, par type de traitement et d’acte médical. Le RCAM fonctionne comme une Caisse primaire pour les affiliés et une partie des bénéficiaires. Il peut également intervenir, à titre complémentaire, notamment au bénéfice des conjoints, dont le régime d’assurance maladie, est moins favorable. Il rembourse alors la différence entre le remboursement réel effectué par la Caisse primaire nationale et le niveau de remboursement, dont aurait bénéficié le conjoint, dans le cadre des dispositions du Régime. L’article 14 de la Réglementation commune fixe les conditions de la complémentarité pour les conjoints. En 2011, la Caisse a consacré 5,5 millions d’euros pour la complémentarité en faveur notamment des conjoints. À l’instar de la sécurité sociale en France, les bénéficiaires du RCAM peuvent librement choisir leur médecin ou leur établissement de soins. Bien entendu, des plafonds de remboursement sont fixés et, dans le cas d’établissements onéreux, les remboursements sont basés sur les plafonds en fonction des types d’actes, quel que soit le prix facturé à l’assuré. En 2011, les dépenses opérationnelles de la Caisse se montent à 266,6 millions d’euros. La catégorie de prestations qui occasionnent le plus de remboursements est l’hospitalisation, suivie par la radiologie et les analyses, au deuxième rang, et par les médicaments, au troisième rang des dépenses.

8 * * *

9 Pour conclure, le Régime fait aujourd’hui face à un véritable défi, lié à la diminution de la contribution moyenne qui découle de l’abaissement des niveaux de rémunération, ainsi qu’au recrutement massif d’agents contractuels, dont les rémunérations sont nettement inférieures à celles des fonctionnaires. En outre, depuis 2011, la non‑adaptation des rémunérations des personnels de l’UE impacte de manière importante le niveau de contribution moyen des agents. Un dernier aspect doit également être pris en compte : la diminution du nombre d’emplois budgétaires (‑ 5 % entre 2013 et 2017), décidés par le Conseil européen en février 2013, et le vieillissement du personnel de l’UE, avec des départs massifs en retraite dans les années à venir. En parallèle, on peut noter une augmentation des coûts de santé, dans l’ensemble des pays de l’Union. L’ensemble de ces facteurs est à l’origine du déficit primaire du Régime, depuis 2008. Ce déséquilibre risque encore de s’aggraver, notamment en raison du gel des salaires des personnels de l’UE, décidé par le Conseil, pour les années 2013 et 2014. Dans ce contexte, le Comité de gestion de l’assurance maladie (CGAM) n’a que deux instruments pour remédier à la situation actuelle. Il peut tout d’abord augmenter le niveau de contributions. Dans ce cas, les institutions, d’un commun accord, peuvent faire passer le niveau de 5,1 % à 6 %. Pour aller au‑delà de ce plafond statutaire, il est nécessaire de revoir les dispositions de l’article 72 du statut. Toutefois, il semble aujourd’hui difficile d’obtenir l’aval des États membres en faveur d’une augmentation, même modeste, des contributions. L’autre instrument pour assurer l’équilibre de la Caisse est de revoir les Dispositions générales d’exécution du 2 juillet 2007 et les prestations, à la baisse. Le CGAM est en train de dresser un état des lieux de la situation et présentera, sans doute à moyen terme, des propositions à l’attention de la Commission et des institutions, afin de continuer à garantir la viabilité du Régime, à long terme.

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.84

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions