Couverture de RFAP_140

Article de revue

L'éthique dans les activités de renseignement

Pages 707 à 722

Notes

  • [*]
    Ancien analyste du renseignement, Éric Denécé est docteur en science politique, HDR, et a été professeur associé à l’université Bordeaux IV Montesquieu où il a créé le premier diplôme de 3e cycle français consacré à l’étude du renseignement.
  • [1]
    Denécé (Éric) dir., Renseignement, médias et démocratie, Ellipses, Paris, 2009.
  • [2]
    Enlèvements extra judiciaires. Ce sont les actions par lesquelles des représentants des États?Unis (FBI principalement) arrêtent, à l’étranger, des individus ayant commis des actes hostiles à l’encontre de citoyens ou d’intérêts américains, et les ramènent sur leur territoire afin de les traduire en justice. Cette application extraterritoriale de la juridiction américaine est un acte illégal au regard du droit international, qui est insuffisamment dénoncé.
  • [3]
    La notion de service secret, employée ici à dessein est impropre. Aucune des grandes agences de renseignement modernes ne peut être qualifiée de « service secret », simplement parce que leur existence, leurs dirigeants – et souvent leurs budgets et leurs effectifs – sont connus. Concrètement, seule une partie de leurs opérations est secrète. Il est plus approprié de parler, selon les cas, de services de renseignement, de sécurité ou de services spéciaux, à condition de savoir que ces trois termes recouvrent des réalités différentes.
    — Un service de renseignement est chargé d’acquérir, à l’étranger, des informations pour ses autorités ; sa finalité est de découvrir les intentions et les activités secrètes des autres acteurs internationaux.
    — Un service spécial a pour vocation de conduire, à l’étranger, des opérations clandestines pour défendre les intérêts de l’État dont il relève. Sa finalité première est l’intervention occulte et non la recherche du renseignement. Ce type de service est parfois appelé service « action ».
    — Un service de sécurité a pour mission de protéger un pays contre toute forme d’agressions clandestines, qu’elles viennent de l’étranger ou de l’intérieur (espionnage, terrorisme, subversion). La recherche du renseignement n’est pour lui qu’un moyen de parvenir à son but et non une finalité.
    — La majorité des services opérant hors de frontières de leur État sont à la fois des services de renseignement et d’action, mais ces deux activités sont clairement différenciées et cloisonnées dans leur organisation ; Denécé (Éric), Les services secrets, EPA, Paris, 2008.
  • [4]
    La Belgique a récemment ouvert la voie en la matière. Le Comité permanent R, chargé du contrôle de l’activité des services de renseignement et de sécurité a conduit, en 2008/2009, un Performance Audit de la Sûreté de l’État (VSSE), le service de sécurité belge. Cette démarche d’évaluation mérite d’être étudiée (Comité permanent de contrôle des services de renseignements et de sécurité, Rapport d’activités 20008/2009, Intersentia, 2010, Antwerpen).
  • [5]
    Cet article n’évoque pas le cas spécifique des services de sécurité (contre?espionnage, antiterrorisme, surveillance intérieure), bien qu’ils appartiennent aussi au monde du renseignement. L’essentiel de leurs pratiques est comparable à celles des services de recherche et d’action, mais leur finalité particulière (lutter contre les menaces d’origine interne et externe) et le cadre de leur action (le territoire national et le code pénal français) introduisent toutefois plusieurs nuances que nous ne développons pas ici (procédures judiciaires, respect de la loi, etc.). Cet article traite principalement du renseignement extérieur.
  • [6]
    L’Heuillet (Hélène), Basse politique, haute police. Une approche historique et philosophique de la police, Fayard, 2001, p. 26.
  • [7]
    L’action comprend cinq registres, cf. Denécé (Éric), Les services secrets, op. cit. :
    — L’action psychologique secrète a pour but de déformer la réalité à son bénéfice et de modifier les perceptions de publics ciblés à son avantage.
    — L’action politique secrète a pour finalité de favoriser l’accession au pouvoir de dirigeants favorables à ses intérêts ou de nuire à ceux qui y sont opposés.
    — L’action économique secrète recourt à des moyens économiques et financiers pour déstabiliser un pays, par exemple par la fabrication et la diffusion de fausse monnaie pour créer de l’inflation.
    — L’assistance paramilitaire secrète permet de soutenir un mouvement armé d’opposition que l’on aide à résister ou à prendre le pouvoir par les armes.
    — L’action violente secrète regroupe les assassinats, les attentats, les sabotages, etc. Si elle est la plus popularisée par le cinéma, elle est en réalité la moins fréquente.
  • [8]
    L’auteur reconnaît bien volontiers ses limites dans le champ des concepts philosophiques. Toutefois, il, ne partage pas le point de vue selon lequel il conviendrait de distinguer, dans le cas présent, éthique et déontologie. Dans la mesure où la question est de définir comment des individus doivent se comporter, et dès lors que cette interrogation s’applique à leur comportement au sein du milieu professionnel dans lequel ils évoluent, les deux notions se confondent. D’autant qu’il observe, qu’en raison de la polysémie des termes, aucun véritable consensus n’existe quant aux définitions.
  • [9]
    Éthique de l’officier, serment d’Hippocrate, conseil de l’ordre chez les avocats, éthique des affaires, “code d’honneur” des organisations criminelles, etc.
  • [10]
    C’est par exemple le cas des récentes tentatives d’assassinat du colonel Kadhafi conduites par les services spéciaux occidentaux dans le cadre de l’intervention dirigée par l’OTAN et en contravention totale avec la résolution 1973 des Nations unies.
  • [11]
    Born (Hans) et Wills (Aidan), « Intelligence Ethics : A Complete Cycle ? », article présenté lors du colloque du European Consortium for Political Research (ECPR), Pise, 6?8 septembre 2007.
  • [12]
    Dewerpe (Alain), « La République a?t?elle besoin d’espions ? », in Baruch (Marc Olivier), Duclert (Vincent) ed., Serviteurs de l’État. Une histoire politique de l’administration française 1875?1945, Paris, La Découverte, 2000, p. 143?156.
  • [13]
    De Chilly (Numa), L’Espionnage, Paris, Baudouin, 1888, p. 22.
  • [14]
    Les Anglo?Saxons utilisent le terme de consequentialist.
  • [15]
    Born (H.) and Wills (A.), op. cit.
  • [16]
    Dewerpe (Alain), Espion. Une anthropologie historique du secret d’État contemporain, NRF/Gallimard, Paris, 1994, p. 24.
  • [17]
    En revanche, le contre?espionnage, c’est à dire cette partie du système qui vise à protéger nos intérêts militaires, industriels et économiques, bénéficie d’un préjugé beaucoup plus favorable. Dans notre pays, tout ce qui est censé défendre est plus facile à mettre en œuvre que ce qui est destiné à attaquer.
  • [18]
    Faure (Claude), Aux services de la République : du BCRA à la DGSE, Fayard, Paris, 2004, p. 9.
  • [19]
    Nous nous inspirons de la démarche de Hans Born et d’Aidan Wills, consistant à aborder les fonctions selon le schéma du cycle du renseignement.
  • [20]
    Born (H.) and Wills (A.), op. cit.
  • [21]
    Les décisions de couler le Rainbow Warrior (1985), d’assassiner Mahmoud Al?Mabbouh (2010) ou d’éliminer Ussama Ben Laden (2011) sont?elles éthiques ou légitimes ?
  • [22]
    Cela est facile car un service ne protestera jamais. L’exemple en a été donné le 11 septembre 2001 aux États?Unis.
  • [23]
    Écoutes, surveillance, intrusion dans la vie privée, viol des données personnelles, etc.
  • [24]
    Born (H.) and Wills (A.), op. cit..
  • [25]
    Le SIS britannique est fréquemment désigné sous son ancienne appelation de MI?6.
  • [26]
    Born (H.) and Wills (A.), op. cit.
  • [27]
    . « MI6 Halts Terrorism Investigations to Protect Human Rights », Daily Telegraph, 29 octobre 2010.
  • [28]
    Gardham (Duncan), « Intelligence officers could face court for "aiding and abetting torture" despite new guidelines », Daily Telegraph, 25 June 2011.
  • [29]
    Born (H.) and Wills (A.), op. cit.
  • [30]
    Graham (Bob), Nussbaum (Jess), Intelligence Matters, Random House, New York, 2004, p. 183.
  • [31]
    Ibid.
  • [32]
    Human Rights Watch, Sans poser de questions. La coopération en matière de renseignement avec des pays qui torturent, New York, 2010.
  • [33]
    Cette problématique s’applique également, quoi que dans une moindre mesure, lors des échanges avec les autres agences nationales.

1 Les bouleversements géopolitiques majeurs survenus depuis la chute du mur de Berlin ont profondément accru le niveau d’incertitude de la vie internationale : multiplication des tensions et des conflits régionaux, prolifération nucléaire, rivalités commerciales accrues, etc. Logiquement, le rôle du renseignement s’en est trouvé renforcé. Chaque nouvelle crise est l’occasion de mettre en lumière à quel point son acquisition – ou sa carence – peut avoir un incidence déterminante sur la gestion des situations.

2 Mais c’est surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001 et le développement du terrorisme islamiste, que le renseignement pèse d’un poids encore plus déterminant pour la sécurité des États, car il est le principal moyen de lutte contre les réseaux internationaux du nouveau djihad. En conséquence, dans la majorité des pays occidentaux, les moyens attribués aux services – intérieurs, extérieurs et militaires – ont été considérablement renforcés, illustrant de la considération nouvelle que leur accordent les politiques.

3 Mais alors même qu’ils bénéficient d’un renforcement significatif de leurs effectifs et de leurs budgets, les services de renseignement sont confrontés au défi nouveau du besoin de transparence et d’information du public. Cette évolution est une conséquence du développement des règles de gouvernance dans nos sociétés démocratiques.

4 Historiquement, les services ont longtemps bénéficié d’une très large liberté d’action – justifiée par la « raison d’État » – et ne rendaient compte qu’à l’exécutif. Mais, dans nos sociétés modernes – dans lesquelles la transparence des institutions est l’une des conditions de l’exercice de la démocratie – l’opacité de leurs activités tend à inquiéter davantage qu’elle ne rassure, même si les raisons en sont comprises. Aussi, il n’est plus aujourd’hui concevable pour nos contemporains que des organisations œuvrant dans l’ombre ne rendent de comptes à personne. Les élus se sont donc intéressés à l’activité du renseignement. Au cours des deux dernières décennies, le contrôle parlementaire a été instauré a peu près partout dans les États occidentaux [1]. Avec la notion de contrôle s’est développée celle d’éthique. Cette exigence nouvelle a été accentuée par les pratiques hautement discutables dont se sont rendus coupables les services de renseignement américains dans le cadre de leur « guerre contre le terrorisme » : renditions[2], transferts illégaux de détenus, prisons secrètes et torture. En conséquence, à partir de 2007, plusieurs organisations internationales – notamment le Conseil de l’Europe et le Parlement européen – se sont prononcées en faveur de l’établissement d’un code de conduite rigoureux et de l’adoption de règles éthiques fondées sur le respect des droits de l’homme pour les services de renseignement. Mais cette volonté légitime de « moralisation » d’une activité longtemps considérée comme non éthique par essence est très largement faussée par une méconnaissance profonde de la réalité de cette profession « hors norme ». Sa perception est le plus souvent erronnée et provient généralement de la vision qu’en donnent romans et films et les rares échecs médiatisés des services.

5 Contrairement aux idées reçues, éthique et renseignement ne constituent pas un oxymore. Certes, en raison du secret protégeant leurs activités, il est difficile d’acquérir une compréhension détaillée des administrations en charge du renseignement. De là à considerer que cette opacité dissimule nécessairement des activités non éthiques, inavouables et répréhensibles, il n’y a qu’un pas. Il s’agit là d’idées reçues, de procès d’intention sans véritable fondement. Dans les pays démocratiques, l’exigence éthique s’applique depuis longtemps aux activités de renseignement. Les fonctionnaires du secret ne sont pas des individus incontrôlables sans foi ni loi, faisant ce que bon leur semble au nom de la raison d’État. La profession a ses règles, ses valeurs, ses codes de conduite – lesquels peuvent, certes, encore être améliorés – et les dérives de quelques?uns ne doivent pas couvrir d’opprobre les autres.

6 Pour comprendre comment l’éthique fonctionne dans le monde du renseignement, il est indispensable de différencier deux choses : d’une part l’éthique du renseignement, c’est?à?dire la vocation même de la discipline, dont la finalité peut être plus ou moins facilement acceptée par une société, en fonction de son histoire, de ses valeurs et de sa situation ; d’autre par l’éthique dans le renseignement, qui concerne les pratiques professionnelles et l’esprit dans lequel les exercent les femmes et les hommes qui ont choisi cette voie. Auparavant, il est essentiel de rappeler ce qu’est le renseignement, car les métiers des services « secrets » [3] sont extrêmement divers et largement méconnus. Cela permettra de considérer tous les domaines dans lesquels se posent des questions d’éthique en fonction des activités. Il est également primordial de définir la portée de l’éthique et des deux autres critères qui sont pris en considération dans ce milieu particulier (légalité et légitimité) et qui permettent de juger du bien?fondé des objectifs et des méthodes du renseignement. En revanche, nous n’aborderons pas ici les notions de management et de performance des services. D’une part, parce que cela rendrait indispensable d’entrer très en détail dans une présentation des différentes missions du renseignement et des organisations mises en place afin de les remplir. D’autre part, parce qu’une partie significative des opérations clandestines demeure couverte par le plus grand secret ; il est donc difficile d’envisager une évaluation exhaustive du fonctionnement de ces administrations particulières. Nous considérons cependant que l’évaluation de la performance des agences de renseignement et de sécurité est possible et nécessaire. Toutefois, cette démarche est encore plus balbutiante que la réflexion sur l’éthique [4].

ÉTHIQUE ET RENSEIGNEMENT

7 Qu’est?ce que le renseignement ? À quoi sert?il ? Dans quel but fait?on appel aux services ? Comment s’organise la profession ?

Qu’est?ce que le renseignement ?

8 Le renseignement couvre toutes les missions de recherche d’informations demandées par un gouvernement afin d’accroître sa connaissance de l’environnement dans lequel il évolue et de faciliter ses prises de décision [5]. La démarche du renseignement est l’expression d’une volonté de maîtrise de son destin. Elle a pour but de percevoir plus tôt que ses rivaux les évolutions en gestation afin d’en tirer avantage et de connaître leurs intentions et leurs activités secrètes afin de les déjouer. Par extension, le « renseignement » couvre également les interventions politiques occultes qu’un gouvernement considère nécessaires afin de faire aboutir sa stratégie. Au profit d’un État, un service de renseignement remplit trois fonctions : « savoir », « comprendre » et « agir », qui correspondent chacune à des métiers différents et font appel à des savoir?faire professionnels distincts, que les profanes distinguent rarement.

Savoir

9 La première mission d’un service est de satisfaire les besoins en renseignement des autorités. Un État a besoin d’un organisme capable de lui procurer des informations secrètes, protégées par ceux qui les détiennent, qui ne peuvent donc être obtenues que par des moyens clandestins, notamment en assurant la pénétration d’agents dans les administrations et les services adverses. Ce domaine spécifique est celui de la « recherche » : c’est la démarche organisée et permanente, légale ou illégale, humaine ou technique, d’acquisition d’informations difficiles d’accès. Elle fait appel à des savoir?faire professionnels spécifiques très opérationnels. Elle ne peut avoir lieu que si elle est orientée (désignation des objectifs) et ne produit pas d’analyse. Acquérir des informations difficiles d’accès est un « art » à part entière. Un service s’y consacre en employant des moyens humains (agents, équipes de reconnaissance, etc.) ou techniques (interceptions des communications, imagerie satellitaire, etc.). Mais il ne s’intéresse pas à n’importe quel type d’informations. À l’ère du numérique, de très nombreuses données sont facilement accessibles par des moyens légaux. Nul n’est besoin d’un service spécialisé pour les obtenir. La recherche clandestine ne doit être utilisée que lorsqu’il n’y a aucun autre moyen de parvenir à l’information. On ne peut l’activer pour n’importe quoi au risque de gaspiller ses moyens et de démotiver ses personnels.

Comprendre

10 Sans la compréhension, le renseignement et une connaissance inutile. Les informations recueillies n’ont de valeur que si elles peuvent être interprétées et mises en perspective. « Un renseignement n’est en effet pas une simple information, mais une information qui enseigne quelque chose à quelqu’un. Mais il n’est pas non plus un simple enseignement, car il ne vise pas la formation des gouvernants. Il est au contraire lié à l’action, subordonné à elle, ou impliqué en elle : il est "ciblé". Il vaut par et pour l’action » [6]. La mise en relation de nombreux faits, en apparence anodins, n’a souvent de sens que pour ceux qui sont rompus, par leur formation et leur expérience, à décrypter et analyser ce qui se passe « derrière les apparences », car ils connaissent les ressorts et les mécanismes de la guerre secrète. Leur lecture des événements leur permet de parvenir à une « connaissance objective » de l’environnement, c’est?à?dire décrypter les intentions et les stratégies cachées des autres acteurs, afin d’anticiper leurs manœuvres. Cette autre discipline à part entière s’appelle « le Renseignement » (stricto sensu) : c’est l’art de donner du sens à une masse importante d’informations de toute nature, secrètes ou non. Il a pour but de produire des réponses à des questions. C’est cet aspect du renseignement qui joue le rôle d’aide à la décision. Les britanniques parlent d’Assessment ou de Production, car c’est bien plus que de l’analyse.

Agir

11 Un service de renseignement n’exploite que très rarement les informations qu’il a recueillies et interprétées. C’est le politique qui décide de leur utilisation. En revanche, un gouvernement fait appel à son service pour agir secrètement à l’étranger afin de défendre les intérêts nationaux, quand les autres moyens ne le permettent pas. Un service de renseignement a ainsi pour but de prolonger l’action de la diplomatie classique en usant de procédés qui lui sont interdits. Ce troisième domaine spécifique est celui de l’« Action » : il recouvre l’ensemble des opérations clandestines par lesquelles un État s’ingère secrètement dans les affaires des autres [7]. Les gouvernements y ont recours pour orienter les événements mondiaux en leur faveur, protéger leurs intérêts contre leurs rivaux ou éliminer des adversaires. Les services n’agissent alors que sur ordre et directives gouvernementales et ne s’autosaisissent jamais d’une mission. Tout au plus proposent?ils parfois des options aux autorités. Si les approches des services de renseignement sont différentes de celles des diplomates et des militaires, elles n’en sont pas moins dictées par le même gouvernement qui cherche, par plusieurs voies, à assurer le succès de sa politique étrangère.

Qu’est?ce que l’éthique ?

12 La définition de la notion d’éthique [8] pose moins de problèmes que celle de “renseignement”, quoi que certaines confusions existent avec les notions de morale, de légalité et de légitimité, toutes essentielles afin de juger du bien fondé des actions des services de renseignement.

13 Il est possible de définir l’éthique comme un code de conduite communément établi et admis au sein d’un groupe humain, le plus souvent professionnel [9]. Elle est l’expression du corps social auquel elle s’applique et qui cherche ainsi à se doter de règles de fonctionnement. Son objectif est le « bien?vivre ensemble », selon l’expression d’Aristote. L’éthique a pour but de rendre l’exercice d’une activité harmonieux et conforme à la dignité humaine. Toutefois, sa portée est normative et non judiciaire : elle édicte des règles qui ne s’appliquent qu’au domaine qu’elle entend réguler. Sa transgression entraîne généralement l’exclusion du groupe mais ne donne pas lieu à des poursuites pénales.

14 L’éthique est fréquemment confondue avec la morale. Cette dernière concerne la distinction d’un Bien et d’un Mal dans l’absolu et tend vers la définition d’un principe universel. Toutefois, comme l’explique Jean Baechler, la moralité est relative et arbitraire du point de vue humain et trouve ses raisons d’être au sein de contextes sociaux et culturels particuliers. Elle finit donc par se réduire à un ensemble de valeurs propres à l’individu, en fonction du contexte culturel, familial, religieux et politique dont il est issu. Morale et éthique partagent toutefois deux traits communs. D’une part, elles classent les actions humaines en deux types opposés : celles qui se conforment aux critères de la convenance et du bien et celles qui ne les respectent pas. D’autre part, toutes deux cherchent à imposer des normes aux activités humaines en définissant des devoirs et des interdits. Mais il existe une différence fondamentale entre les deux notions. Si la morale cherche à définir un absolu, l’éthique ne concerne qu’un champ limité, celui d’une activité humaine particulière, propre à un corps social défini.

15 Un autre critère essentiel afin de juger des actions de renseignement est la légalité, c’est?à?dire le respect du code pénal en vigueur dans le pays dans lequel a lieu cette action. Cela nécessite l’existence d’un texte pénal précis, définissant les comportements interdits par la loi, ainsi que les peines qui viennent punir ces actes délictueux. La légalité varie significativement d’un État à l’autre et ce qui est interdit en France ne l’est pas nécessairement à l’étranger. Ainsi, techniquement parlant, l’espionnage ne concerne stricto sensu que les actions de recherche d’informations qui transgressent le code pénal du pays dans lequel elles s’exercent. De nombreuses opérations, transgressant l’éthique et non la légalité, ne relèvent donc pas, juridiquement parlant, de l’espionnage.

16 Enfin, la dernière notion qui a toute son importance, est celle de la légitimité. Celle?ci ne se fonde pas uniquement sur le droit, mais fait appel à d’autres critères comme l’équité, le bien?fondé, l’intérêt supérieur, la raison d’État, etc. La légitimité a donc un sens plus large que la légalité. Ainsi, dans un nombre de cas limité, certaines actions peuvent être non éthiques, illégales mais apparaître légitimes [10].

ÉTHIQUE DU RENSEIGNEMENT

17 La démarche qui consiste à s’informer n’est en rien critiquable. Elle est revanche susceptible de le devenir dès lors que les moyens employés pour y parvenir sont dissimulés, discutables ou illégaux. Une question importante est de savoir pourquoi tant de sentiments hostiles surgissent – particulièrement en France – lorsque que l’on évoque le renseignement ? L’idée perdure que cette activité est nécessairement malhonnête, manipulatrice et perverse ; et que les individus qui l’exercent souffrent d’une pathologie particulière et aiment à se débattre dans un monde de mensonges et de complots.

Le renseignement est?il une activité éthique ?

18 Le renseignement est?il une activité aussi malsaine, perverse et inavouable que de nombreux observateurs semblent le penser ? Est?ce un mal nécessaire à l’État, un outil d’oppression, une déviance ? Il est possible de distinguer trois points de vue philosophiques quant à la position des sociétés vis?à?vis du renseignement [11]. Elles se distinguent principalement par des considérations éthiques. Ce sont les approches dites « réaliste », « contextuelle » et « déontologique ».

19 Selon l’approche réaliste, la sécurité nationale est une fin qui justifie tous les moyens. Pour un gouvernement, ne pas s’engager dans la collecte de renseignements serait la négation d’un devoir moral et de sa principale responsabilité à l’égard de ses citoyens, parce que sans renseignement, il n’est pas de défense efficace. En conséquence, les responsables des services peuvent potentiellement conduire toute action ayant pour but la défense de la nation et de la démocratie. Cette théorie du « mal nécessaire » s’est imposée au XXe siècle, en parallèle avec le glissement du droit public vers la légitimation de l’État de nécessité et la justification des pouvoirs d’exception en temps de crise [12], au point que la nécessité a fini par l’emporter sur le mal, car « l’ignominie, purement matérielle, des moyens, est bien compensée par la grandeur du but [13] ».

20 L’approche contextuelle [14] préconise une forme de proportionnalité éthique dans le choix des cibles et l’emploi des moyens. Dans cette perspective, aucune activité n’est rejetée comme intrinsèquement mauvaise, mais toutes sont évaluées en fonction du contexte. Cependant, ses tenants ne croient pas que toutes les actions soient justifiables et insistent sur certaines interdictions absolues, notamment la torture. Cette approche tend à s’inspirer de la notion de « guerre juste », intègre des considérations éthiques et engendre une forme de casuistique.

21 La troisième est l’approche déontologique, qui soutient que certaines activités sont intrinsèquement mauvaises et ne peuvent jamais être justifiées. Cette position est très inspirée de la philosophie kantienne qui considère que l’être humain ne devrait jamais être traité simplement comme un moyen mais toujours comme un fin. L’approche déontologique est en partie reflétée dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), selon laquelle il est impossible de déroger à certains droits fondamentaux tels que le droit à la vie, l’interdiction de la torture et des traitements cruels ou dégradants, ainsi que l’interdiction de l’esclavage [15]. Selon ce traité, aucune situation ne justifie la violation de ces droits, qu’il s’agisse d’un honnête citoyen, d’un ennemi ou d’un criminel.

L’importance du contexte socioculturel

22 Les activités de renseignement sont inégalement acceptées selon les sociétés. Certaines les tolèrent comme un mal nécessaire ; d’autres les encouragent comme un outil d’anticipation, une « arme » de paix, permettant d’éviter les conflits ; d’autres encore les utilisent à des fins discutables, en faisant un outil au service de l’expansion ou de l’oppression. Le poids du système de valeurs, de l’inconscient collectif national, le rôle que le renseignement a joué dans l’histoire d’une nation et la façon dont l’exécutif a recours ou non à cet instrument de l’action extérieure de l’État varient considérablement d’un pays à l’autre. Cela produit une culture nationale du renseignement, laquelle exprime le rapport qu’entretient la collectivité nationale avec la discipline. En la matière, il est possible d’observer que la reconnaissance et la pratique du renseignement sont bien plus développées chez les anglo?saxons que chez les latins et, généralement, chez les peuples à forte tradition maritime davantage que chez ceux dont la culture est essentiellement terrienne et paysanne. Force est constater qu’existe, en France, une méconnaissance profonde de ce qu’est le renseignement et de ce à quoi il sert. Le rôle des services est d’ailleurs totalement passé sous silence dans notre histoire. Le public comme les élites politiques ne connaissent du renseignement que quelques sombres affaires (Dreyfus, Ben Barka, Greenpeace, etc.) et ne tolèrent l’existence des services que parce qu’ils leur apparaissent comme un mal nécessaire à notre société ; mais ils s’en défient profondément. Le renseignement, la ruse et la duperie n’ont jamais été, dans notre pays, des arts reconnus à leur juste valeur. Héritage de notre histoire médiévale, divers comportements assez antinomiques avec le recours à ces pratiques se sont enracinés dans la tradition nationale : le sens exacerbé de l’honneur ; la droiture et son corollaire, le rejet du mensonge ; la glorification de l’exploit guerrier individuel ; le goût pour les batailles rangées, les uniformes rutilants et les sacrifices héroïques. En France, depuis longtemps, la beauté du geste compense l’insuffisance des résultats pratiques ; l’élégance dans l’action fait pardonner l’inefficacité, voire l’absence de réussite.

23 Au cours du Moyen?Age, la chevalerie française dédaignera l’art du renseignement au profit de chevauchées aussi tumultueuses que stériles. En raison de sa totale ignorance des situations et de son refus coupable de s’informer, elle commettra des fautes diplomatiques graves et connaîtra des revers militaires retentissants, dont la guerre de Cent Ans fut l’un des épisodes les plus célèbres. Il faudra attendre l’arrivée de Du Guesclin, pour que s’esquisse un début d’évolution. Louis XI sera le premier monarque français à être profondément imprégné de renseignement et d’intrigues, servi notamment par Olivier le Daim. Mal lui en prit si l’on considère l’image négative et erronée que lui a accordée l’historiographie nationale. Mais à partir de son règne, il devient possible de suivre l’évolution d’un service secret français. « L’horreur de la chose » ne recula point pour autant : Montesquieu déclarait que « L’espionnage serait peut être tolérable s’il pouvait être exercé par des braves gens ; mais l’infamie nécessaire de la personne fait juger de l’infamie de la chose ». Ce à quoi d’Argenson répondit pour sa part, comme il lui était reproché d’utiliser un certain nombre de malandrins dans ses services : « Trouvez moi d’honnêtes gens qui veuillent bien faire ce métier ! ».

24 Ainsi, à la veille de 1914, on considérait comme incompatible l’état d’officier avec celui d’espion, car le second contredisait l’idéal d’honneur du premier. « Ces pratiques ne seront jamais goûtées des officiers français ; cette école ne fera jamais chez nous de nombreux prosélytes : notre droiture s’y refuse d’instinct. Ces pratiques ont pour elles la raison, la logique, tout ce que l’on voudra ; ce n’en est pas moins une besogne qui se heurte chez nous à une insurmontable répugnance. Voilà la vérité. On peut dire du sentiment instinctif d’une race ce qu’on dit du coeur humain : qu’il a des raisons que la raison ne connaît pas » [16]. Bien que notre perception du renseignement ait évolué, notamment depuis le désastre de 1940, nous ne pouvons dire que son utilité ait véritablement été intégrée par nos gouvernants et nos acteurs économiques, ni que sa pratique se soit généralisée chez les militaires.

25 En conséquence, le renseignement est connoté très négativement dans notre conscience collective, car il est synonyme d’espionnage, de viol de la vie privée et de coups tordus. Le rejet de l’espionnage dans l’esprit public relève, en somme, à la fois d’une morale et d’un dégoût [17]. Cette perception négative ne permet pas aux élites politiques et économiques françaises de comprendre sa vraie nature et les avantages qu’il peut offrir à leurs activités. Leur place au sein des structures de l’État est souvent mal connue, parfois ignorée, voire contestée. Il est vrai que l’usage qu’en firent certains dirigeants politiques, en France comme à l’étranger, n’a pas contribué à la bonne réputation des services en général [18].

Une éthique peut?elle exister dans un métier dont les pratiques professionnelles ont pour but de violer la légalité et l’éthique d’autrui ?

26 Le renseignement est, par nature, l’activité dans laquelle les fonctionnaires transgressent régulièrement la légalité et l’éthique d’autrui, à la demande des autorités de l’État et au bénéfice de l’intérêt national, c’est?à?dire dans un but légitime, ou considéré comme tel. La finalité de ces organisations et la vocation des agents publics qui en relève est donc tout à fait unique. Cela signifie?t?il pour autant qu’il s’agisse d’une profession dénuée de tout sens moral et de toute préoccupation éthique ? Les femmes et les hommes qui ont choisi ce métier sont?ils tous des manipulateurs et des individus dévoyés ? Faut?il être un pervers, un malade ou un salaud pour trouver satisfaction à ces activités que notre éducation bannit et que notre morale réprouve ? Une éthique peut?elle exister dans un métier dont les pratiques – et les qualités recherchées chez les professionnels – sont celles du secret et de la dissimulation, du mensonge et de la manipulation de tiers ? Certes, la démarche n’est ni éthique ni légale. En revanche, la manière dont les professionnels des services font leur métier au quotidien n’est nullement dénuée d’éthique. Il y a en effet une différence fondamentale entre violer la légalité et l’éthique des autres, et être soi?même dénué de tout code de conduite. Dans l’exercice de leur métier, les femmes et les hommes du renseignement respectent des règles de convenance et du bien.

ÉTHIQUE DANS LE RENSEIGNEMENT

27 Il est difficile de parler d’éthique sans considérer séparément chacun des métiers du renseignement. En effet, la question se pose d’une façon très différente selon les fonctions considérées. Afin de développer une réflexion en la matière, nous proposons de distinguer cinq niveaux d’interrogation de l’éthique, selon que l’on considère : la définition de la mission ; la recherche de l’information ; son traitement et sa production ; ou l’action [19]. Enfin, en dernier lieu, restent les valeurs de l’opérateur concerné. Le premier relève du politique, les trois suivants des services, le dernier, de l’individu.

L’éthique du commanditaire et l’objet de la mission

28 Les gouvernements fixent des priorités aux services de renseignement et approuvent ou rejettent les opérations destinées à répondre ces objectifs. Ce faisant, ils sont directement impliqués dans l’action et sont autant soumis à une obligation d’éthique que les services qu’ils mandatent. Les dirigeants peuvent être pris en défaut d’éthique dans plusieurs types de situations [20] : ne pas ordonner la recherche de renseignements cruciaux pour la défense nationale ; ne pas accorder les moyens adéquats aux services dont la fonction est de contribuer directement à la sécurité nationale ; détourner les services de leur vocation pour les utiliser à des fins personnelles ; exercer une pression excessive sur les agences de renseignement afin d’obtenir des informations à tout prix, quitte à leur ordonner – ou plus vicieusement à les pousser – à violer les lois ; essayer de leur dicter préalablement les résultats auxquels ils souhaitent les voir parvenir, en les influençant afin qu’elles leur rapporte uniquement les faits qui les arrangent ; imposer des objectifs dont la finalité est discutable (assassinats, enlèvements, sabotages, etc.) [21] ; faire porter aux services la responsabilité des fautes qui relèvent de leurs mauvaises décisions ou des dysfonctionnements de l’appareil national de sécurité [22].

29 Cette responsabilité majeure des gouvernants – trop souvent omise – est essentielle, en raison même du principe d’autorité. Certains gouvernements – États?Unis et Royaume?Uni en particulier – sont allés très loin par les exigences qu’ils ont formulées et la pression qu’ils ont exercée sur leurs services, provoquant une forme nouvelle de politisation du renseignement. La situation a été observée en particulier lors de la préparation de l’invasion américaine en Irak, en 2003. La Maison?Blanche avait demandé à ses services, non pas de lui apporter des éléments objectifs d’évaluation de la situation, mais de trouver à tout prix des renseignements qui viennent justifier sa politique. C’est ainsi qu’ont été conçus des “montages” comme les liens entre Saddam Hussein et Al?Qaïda ou les armes de destruction massive irakiennes. La situation a été très similaire chez les britanniques. En conséquence, une partie des cadres dirigeants des services américains et anglais ont alors démissionné, scandalisés par cette dérive ; mais certains autres ont profité de ce contexte pour favoriser leur avancement personnel en donnant satisfaction aux autorités. La conséquence en a été que les services ont perdu leur indépendance d’esprit et se défient désormais des autorités qu’elles servent

L’éthique dans la recherche

30 L’obtention des informations difficiles d’accès – c’est?à?dire l’espionnage au sens technique et juridique du terme – pose la question des méthodes employées afin de parvenir aux objectifs fixés. L’activité est par nature illégale. C’est la raison pour laquelle la grande majorité questions éthiques du renseignement se concentre sur les dilemmes soulevés lors de la recherche.

Recrutement et manipulation des sources

31 La question de l’éthique se pose à différents niveaux : dans le choix des sources, lors de l’enquête d’environnement [23], pour leur recrutement et pour leur manipulation. Les services de renseignement devraient utiliser des méthodes de recrutement modérément agressives si la cible est un individu « normal » ; en revanche, des méthodes plus offensives peuvent être retenues pour recruter des opérationnels adverses, membres d’un service de renseignement, d’un groupe terroriste ou d’un réseau criminel. Idéalement, dans chaque situation, les moyens devraient être proportionnés en fonction du rapport cible considérée/importance du renseignement recherché.

32 Une fois l’agent recruté, les services ont un certain nombre d’obligations éthiques à son égard, en premier lieu celle de veiller à ce que son identité demeure secrète et que sa famille soit préservée [24]. La question de l’éthique se pose également lorsqu’un membre d’un service de renseignement est conduit à infiltrer une cellule terroriste ou criminelle, et à participer avec ses membres à des actions illégales. Au demeurant, le service lui?même doit veiller à ne pas faire prendre des risques inconsidérés à ses opérateurs, car il est éthiquement et juridiquement responsable de leur sécurité.

33 Des traditions « éthiques » existent dans de nombreux services, même si elles ne font pas l’objet d’une charte écrite, comme l’illustrent les exemples britannique et russe. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Secret Intelligence Service (SIS), à l’occasion de la liquidation de ses réseaux en Europe, fit tout ce qui fut en son pouvoir pour payer, décorer (discrètement) et recaser ses agents. Il y avait deux raisons à cela : la volonté de ne jamais abandonner quelqu’un ayant étroitement collaboré avec le service ; la crainte qu’une fois dans le besoin l’ancien agent soit tenté d’écrire ses mémoires, ce qui pouvait avoir des conséquences catastrophiques. Mais le MI?6 [25] ne fut pas aidé par les entreprises britanniques présentes dans les pays concernés et ne pu mener ce projet à bien. Bien que le KGB soit dissous depuis plus de vingt ans et que le régime communiste soviétique ait disparu, jamais les services russes ne communiqueront le nom des sources qui ont renseigné Moscou pendant la Guerre froide. Ils les protègent scrupuleusement considérant qu’il est indispensable de préserver ceux qui ont accepté de collaborer, jadis, avec eux. Le respect de l’engagement donné, la protection des sources, voilà des comportements éthiques indéniables qui, par ailleurs, renforcent la crédibilité des services russes et la confiance que peuvent leur faire leurs agents.

34 Un exemple différent est celui du Mossad. Beaucoup de non?initiés demeurent convaincus que les juifs du monde entier sont des informateurs spontanés du service hébreu. Certes, celui?ci fonde une partie de son efficacité sur le soutien qu’il trouve dans la diaspora. Mais on sous?estime totalement les pressions parfois indues qu’exercent les hommes du service israélien sur leurs coreligionnaires vivant à l’étranger, au nom de la défense de l’État hébreu, laquelle justifie souvent des actes forts discutables.

Le recours aux « techniques renforcées d’interrogatoire »

35 Une attention particulière doit être portée aux techniques d’interrogatoire et à la question de savoir si la torture peut être justifiée afin d’obtenir des renseignements dans le contexte actuel de la guerre contre le terrorisme.

36 La lutte mondiale de Washington contre le terrorisme a donné naissance à une législation permettant les arrestations préventives de suspects et les interrogatoires « coercitifs ». Les États?Unis ont cherché à couvrir juridiquement l’ensemble des actions permettant d’obtenir des informations d’individus peu coopératifs. Deux solutions ont été privilégiées : la première offre aux armées américaines et à leurs supplétifs la possibilité d’utiliser la torture (Guantanamo, Bagram et Abu Ghraïb) ; la seconde permet d’extrader clandestinement les plus récalcitrants vers des pays moins regardants en matière de respect des droits de l’Homme, grâce aux vols secrets de la CIA. Ces deux solutions sont hautement critiquables, sur les plans éthique et juridique. Le non?respect du droit international et le développement de méthodes coercitives (Guantanamo, Abou Ghraïb, etc.) – qui sont d’une inutilité reconnue par les spécialistes – choquent profondément nos sociétés démocratiques ayant une exigence éthique sans cesse croissante.

37 À l’exception notable des États?Unis, les services occidentaux prônent un rejet absolu de la torture en toutes circonstances, considérant que celle?ci ne viole pas seulement les droits humains fondamentaux, mais sape aussi l’honneur de ceux qui la pratiquent et la réputation du service auxquels ils appartiennent. De la même façon, le transfert extrajudiciaire de suspects dans des États ne respectant pas les mêmes normes d’éthique est rejeté, car assimilable à de la torture [26].

38 Sir John Sawers, actuel directeur du SIS, n’hésite pas à évoquer les « dilemmes réels et constants » rencontrés quotidiennement par son service dans sa recherche de renseignement pour lutter contre le terrorisme [27]. Son propos est particulièrement clair : « le MI?6 préfère permettre à des activités terroristes de se développer plutôt que recourir la torture pour tenter de les empêcher […]) Cela nous oblige en permanence à trouver des moyens différents, compatibles avec les droits de l’homme, pour obtenir le résultat que nous voulons […] Ces questions ne sont pas des réflexions abstraites pour des cours de philosophie, mais des dilemmes opérationnels quotidiens ». Cependant, John Sawers déclare qu’il est impossible pour son service de travailler seulement avec les pays qui respectent les droits de l’homme et que cela veut dire prendre des décisions difficiles. Si le SIS reçoit « des renseignements crédibles qui peuvent sauver des vies en Grande?Bretagne ou à l’étranger », il a, selon lui, un « devoir professionnel et moral d’agir en conséquence ». Il ajoute : « Nous ne pouvons pas faire efficacement notre travail si nous ne travaillons qu’avec des démocraties amies. Les menaces dangereuses proviennent généralement des gens dangereux dans des endroits dangereux. Nous avons à traiter avec le monde tel qu’il est […] Si il est essentiel d’échanger du renseignement afin de sauver des vies, c’est, selon lui aussi, un devoir de demander aux services de renseignement étrangers de respecter les droits de l’homme »… Mais cela est souvent contre?productif dans la relation… et invérifiable ! Toutefois, selon certaines allégations, les agences britanniques ont été accusées d’être complices de maltraitance de citoyens britanniques détenus à l’étranger. La législation britannique a tiré la leçon de ces errements. Les officiers de renseignement du SIS, du Security Service et des forces armées pourront être désormais poursuivis en justice pour complicité de torture à l’étranger en vertu des nouvelles directives édictées par l’Equality and Human Rights Commission (EHRC). La Commission a déclaré que son rôle était « de protéger et promouvoir les droits de l’homme en Grande?Bretagne et de s’assurer que les services britanniques ne portent pas atteintes aux droits de l’homme à l’étranger et ne collaborent pas à de violations des droits de l’homme [28] ».

L’éthique dans l’analyse et dans la présentation des faits aux politiques

39 S’il ne faut pas confondre la production de sens et les méthodes utilisées pour recueillir des faits utiles à l’élaboration du renseignement, cela ne signifie pas pour autant que la question de l’éthique ne se pose pas pour les analystes, bien qu’ils ne soient pas engagés dans des opérations de terrain. En la matière, les questions éthiques relèvent de plusieurs domaines.

Le devoir de prudence

40 Les analystes du renseignement, quelle que soit leur expérience et leur niveau hiérarchique, ne sont pas omniscients et restent faillibles. Si le recrutement et la formation ont pour but de sélectionner les meilleurs spécialistes possibles, ceux?ci doivent toujours faire preuve de prudence. C’est une attitude légitime et éthique que de ne point affirmer avec aplomb ce dont on n’est pas formellement sûr. Quitte à provoquer la fréquente frustration des autorités qui attendent souvent des réponses tranchées et définitives à leurs questions. Il incombe aux analystes d’être le plus affirmatifs possible, sans pour autant succomber à la tentation des certitudes absolues.

La nécessaire neutralité du renseignement

41 Le renseignement se situe hors du champ politique et constitue une source d’informations dénuée de préjugés ou d’idées préconçues, une ressource capable, si le décideur en tient compte, d’orienter et de guider la politique. Renseigner, c’est aussi influencer celui qui attend une réponse. Compte tenu de l’influence potentielle des éléments fournis, il est important que l’information soit présentée de manière neutre et non à travers un prisme politique déformant [29]. Les prismes déformants dans l’analyse et la présentation des renseignements sont de graves fautes professionnelles qui peuvent avoir des conséquences funestes, tant pour la politique qu’elle croit servir que pour la crédibilité du service.

42 Un aspect qui n’est pas tolérable est la politisation du renseignement. En effet, il y a une grande différence entre une politique fondée sur l’exploitation de renseignements objectifs et la collecte de faits répondant uniquement à ce que veulent les politiques. « L’information doit exister indépendamment de la politique. Elle ne doit pas être recherchée pour valider des positions ou des opinions ou les utiliser uniquement dans le but de les contredire. C’est une ressource destinée à informer les décideurs, rien de plus, rien de moins. Les dictateurs utilisent le renseignement pour valider leur opinion. Pas les démocraties » [30]. Afin d’éviter la politisation du renseignement, les analystes doivent faire abstraction de leurs opinions personnelles et se garder de vouloir donner satisfaction à leurs commanditaires, dans le but de gagner en influence auprès d’eux [31]. Les services de renseignement ont un devoir moral d’objectivité dans l’information décideurs politiques. Il est essentiel qu’ils sachent resister à la pression de l’exécutif, quoique cela ne soit pas simple.

L’échange de renseignements

43 Dans un univers mondialisé, en raison de la nature transnationale des réseaux terroristes ou du crime organisé, il est indispensable pour des services d’échanger des informations avec leurs homologues étrangers afin de bénéficier de leurs informations. Mais l’échange avec ces organismes qui ne respectent pas les mêmes normes juridiques et éthiques est problématique [32]. Partager des informations avec des services étrangers rend en partie les agences responsables de mesures que ceux?ci prendront sur la base des informations partagées [33].

L’éthique dans l’action

44 Lorsqu’un gouvernement a épuisé les recours de la diplomatie et ne veut ou ne peut entrer dans une confrontation armée, il lui reste un ultime recours : l’action, c’est?à?dire l’ingérence clandestine dans les affaires d’un autre État. Celle?ci revêt diverses facettes qui lui permettent de moduler son geste en fonction de l’effet souhaité, tout en lui assurant de n’être jamais identifié comme étant à l’origine de l’événement provoqué. En effet, la preuve de l’implication d’un État dans une opération illégale aurait de très graves conséquences internationales. L’action ne doit en aucune façon compromettre le pays qui en est à l’origine, lequel feindra de l’ignorer et pourra même la dénoncer. Les services spéciaux doivent donc agir d’une manière totalement indécelable. Aussi, les actions clandestines sont le domaine de la dissimulation et du mensonge. Les modalités, tout autant que la finalité, se situent hors des champs éthique et légal. Par exemple, chacun sait que l’utilisation de faux papiers est une nécessité de l’action clandestine. La France l’a ainsi démontré, en 1985, en Nouvelle?Zélande, lors de l’action contre le Rainbow Warrior, navire amiral de l’organisation Greenpeace, avec l’utilisation de passeports suisses.

45 De nombreux médias qualifient les opérations clandestines de « terrorisme d’État », ce qui est un grave contresens. En effet, même si l’on est farouchement opposé au fait qu’un exécutif démocratique demande parfois à ses services spécialisés de conduire des assassinats, il est tout à fait erroné de parler, pour de telles actions, de « terrorisme d’État ». Il s’agit en réalité « d’éliminations ciblées ». Cela n’est pas plus moral, mais la démarche est totalement différente. Lors des telles opérations étatiques, il n’y a pas – sauf en de très rares exceptions – de mort d’innocents, de dégâts matériels majeurs ou de traumatisme psychologique sur la population. Une « élimination ciblée » est même techniquement l’exact opposé d’une action terroriste. D’un côté, un homme seul va essayer de faire le maximum de victimes innocentes avec sa ceinture d’explosifs ou sa voiture piégée. De l’autre, une équipe importante, conçoit et exécute une action – certes moralement condamnable – pour éliminer une seule cible, qui n’est généralement pas un « innocent », en veillant à ne faire ni victime, ni dégât collatéral. C’est toute la différence qu’il y a entre un attentat aveugle et sanglant et une opération « chirurgicale ». Surtout, un État ne recourt pas de la même manière à l’action selon qu’il est démocratique ou non (les services iraniens organisent, directement ou indirectement, de vértiables attentats terroristes) ou que le pays soit en paix ou en situation de guerre (les britanniques considèrent que l’action ne doit avoir lieu qu’en temps de guerre). Enfin, il est important de préciser que l’action est beaucoup moins utilisée qu’on ne le croit souvent ; elle n’est qu’une activité secondaire des services de renseignement. Mais, davantage que les autres volets de leur action, elle fascine ou révulse ceux qui s’intéressent au renseignement.

L’éthique de l’individu

46 Le dernier facteur à prendre en compte – et non le moindre – au sujet de l’éthique dans les activités de renseignement est celui de l’attitude de l’individu par rapport aux objectifs, aux pratiques et aux situations. Le libre arbitre dans l’acceptation d’une mission et de ses modalités peut?être invoqué dans les agences des États démocratiques, même s’il s’agit d’un exercice délicat pouvant avoir des conséquences professionnelles. Paradoxalement, deux dangers sont souvent sous?estimés : l’accoutumance à l’emploi des pratiques illégales et non éthiques, ; l’influence du contexte professionnel, veritable monde parallèle, qui peut faire perdre le sens de certaines réalités. Ainsi peuvent apparaître des risques de dérives, légales et éthiques, de la part d’individus se sentant investis d’une mission « supérieure », ayant reçu une formation « spéciale » et disposant de moyens hors norme. Les valeurs de l’individu sont pour ce métier, plus que pour beaucoup d’autres, fondamentales. C’est pour cela qu’il est fréquemment présenté comme « un métier de voyou fait par des gentlemen ».

47 La réflexion sur l’éthique du renseignement, initiée par le monde anglo?saxon, est encore balbutiante. Il est donc difficile d’apporter des réponses définitives à ce débat naissant. C’est pourquoi les pages qui précèdent ne sont qu’une première esquisse, davantage attachée à poser le problème en des termes concrets et selon des critères que seuls peuvent dégager des acteurs ayant un connaissance réelle du renseignement et de ses pratiques. En effet, vouloir appliquer des règles éthiques en vigueur dans les autres domaines de la vie sociale ou administrative aux services de renseignement serait une grave erreur. Certes, des règles sont indispensables, mais elles doivent prendre en compte leur vocation particulière, car en ce domaine encore moins que dans aucun autre, un code de conduite ne peut être défini depuis l’extérieur. Cette exigence éthique est un enjeu important pour les services eux?mêmes. Un métier aussi exigeant et particulier ne peut être exercé sans que les opérateurs ne disposent eux?mêmes d’une solide armature morale et d’un code de conduite leur donnant d’indispensables repères afin de ne pas sombrer dans la schizophrénie, la paranoïa ou la délinquance incontrôlée.


Mots-clés éditeurs : activités de renseignement, Services secrets, justification, code de conduite

Mise en ligne 29/02/2012

https://doi.org/10.3917/rfap.140.0707

Notes

  • [*]
    Ancien analyste du renseignement, Éric Denécé est docteur en science politique, HDR, et a été professeur associé à l’université Bordeaux IV Montesquieu où il a créé le premier diplôme de 3e cycle français consacré à l’étude du renseignement.
  • [1]
    Denécé (Éric) dir., Renseignement, médias et démocratie, Ellipses, Paris, 2009.
  • [2]
    Enlèvements extra judiciaires. Ce sont les actions par lesquelles des représentants des États?Unis (FBI principalement) arrêtent, à l’étranger, des individus ayant commis des actes hostiles à l’encontre de citoyens ou d’intérêts américains, et les ramènent sur leur territoire afin de les traduire en justice. Cette application extraterritoriale de la juridiction américaine est un acte illégal au regard du droit international, qui est insuffisamment dénoncé.
  • [3]
    La notion de service secret, employée ici à dessein est impropre. Aucune des grandes agences de renseignement modernes ne peut être qualifiée de « service secret », simplement parce que leur existence, leurs dirigeants – et souvent leurs budgets et leurs effectifs – sont connus. Concrètement, seule une partie de leurs opérations est secrète. Il est plus approprié de parler, selon les cas, de services de renseignement, de sécurité ou de services spéciaux, à condition de savoir que ces trois termes recouvrent des réalités différentes.
    — Un service de renseignement est chargé d’acquérir, à l’étranger, des informations pour ses autorités ; sa finalité est de découvrir les intentions et les activités secrètes des autres acteurs internationaux.
    — Un service spécial a pour vocation de conduire, à l’étranger, des opérations clandestines pour défendre les intérêts de l’État dont il relève. Sa finalité première est l’intervention occulte et non la recherche du renseignement. Ce type de service est parfois appelé service « action ».
    — Un service de sécurité a pour mission de protéger un pays contre toute forme d’agressions clandestines, qu’elles viennent de l’étranger ou de l’intérieur (espionnage, terrorisme, subversion). La recherche du renseignement n’est pour lui qu’un moyen de parvenir à son but et non une finalité.
    — La majorité des services opérant hors de frontières de leur État sont à la fois des services de renseignement et d’action, mais ces deux activités sont clairement différenciées et cloisonnées dans leur organisation ; Denécé (Éric), Les services secrets, EPA, Paris, 2008.
  • [4]
    La Belgique a récemment ouvert la voie en la matière. Le Comité permanent R, chargé du contrôle de l’activité des services de renseignement et de sécurité a conduit, en 2008/2009, un Performance Audit de la Sûreté de l’État (VSSE), le service de sécurité belge. Cette démarche d’évaluation mérite d’être étudiée (Comité permanent de contrôle des services de renseignements et de sécurité, Rapport d’activités 20008/2009, Intersentia, 2010, Antwerpen).
  • [5]
    Cet article n’évoque pas le cas spécifique des services de sécurité (contre?espionnage, antiterrorisme, surveillance intérieure), bien qu’ils appartiennent aussi au monde du renseignement. L’essentiel de leurs pratiques est comparable à celles des services de recherche et d’action, mais leur finalité particulière (lutter contre les menaces d’origine interne et externe) et le cadre de leur action (le territoire national et le code pénal français) introduisent toutefois plusieurs nuances que nous ne développons pas ici (procédures judiciaires, respect de la loi, etc.). Cet article traite principalement du renseignement extérieur.
  • [6]
    L’Heuillet (Hélène), Basse politique, haute police. Une approche historique et philosophique de la police, Fayard, 2001, p. 26.
  • [7]
    L’action comprend cinq registres, cf. Denécé (Éric), Les services secrets, op. cit. :
    — L’action psychologique secrète a pour but de déformer la réalité à son bénéfice et de modifier les perceptions de publics ciblés à son avantage.
    — L’action politique secrète a pour finalité de favoriser l’accession au pouvoir de dirigeants favorables à ses intérêts ou de nuire à ceux qui y sont opposés.
    — L’action économique secrète recourt à des moyens économiques et financiers pour déstabiliser un pays, par exemple par la fabrication et la diffusion de fausse monnaie pour créer de l’inflation.
    — L’assistance paramilitaire secrète permet de soutenir un mouvement armé d’opposition que l’on aide à résister ou à prendre le pouvoir par les armes.
    — L’action violente secrète regroupe les assassinats, les attentats, les sabotages, etc. Si elle est la plus popularisée par le cinéma, elle est en réalité la moins fréquente.
  • [8]
    L’auteur reconnaît bien volontiers ses limites dans le champ des concepts philosophiques. Toutefois, il, ne partage pas le point de vue selon lequel il conviendrait de distinguer, dans le cas présent, éthique et déontologie. Dans la mesure où la question est de définir comment des individus doivent se comporter, et dès lors que cette interrogation s’applique à leur comportement au sein du milieu professionnel dans lequel ils évoluent, les deux notions se confondent. D’autant qu’il observe, qu’en raison de la polysémie des termes, aucun véritable consensus n’existe quant aux définitions.
  • [9]
    Éthique de l’officier, serment d’Hippocrate, conseil de l’ordre chez les avocats, éthique des affaires, “code d’honneur” des organisations criminelles, etc.
  • [10]
    C’est par exemple le cas des récentes tentatives d’assassinat du colonel Kadhafi conduites par les services spéciaux occidentaux dans le cadre de l’intervention dirigée par l’OTAN et en contravention totale avec la résolution 1973 des Nations unies.
  • [11]
    Born (Hans) et Wills (Aidan), « Intelligence Ethics : A Complete Cycle ? », article présenté lors du colloque du European Consortium for Political Research (ECPR), Pise, 6?8 septembre 2007.
  • [12]
    Dewerpe (Alain), « La République a?t?elle besoin d’espions ? », in Baruch (Marc Olivier), Duclert (Vincent) ed., Serviteurs de l’État. Une histoire politique de l’administration française 1875?1945, Paris, La Découverte, 2000, p. 143?156.
  • [13]
    De Chilly (Numa), L’Espionnage, Paris, Baudouin, 1888, p. 22.
  • [14]
    Les Anglo?Saxons utilisent le terme de consequentialist.
  • [15]
    Born (H.) and Wills (A.), op. cit.
  • [16]
    Dewerpe (Alain), Espion. Une anthropologie historique du secret d’État contemporain, NRF/Gallimard, Paris, 1994, p. 24.
  • [17]
    En revanche, le contre?espionnage, c’est à dire cette partie du système qui vise à protéger nos intérêts militaires, industriels et économiques, bénéficie d’un préjugé beaucoup plus favorable. Dans notre pays, tout ce qui est censé défendre est plus facile à mettre en œuvre que ce qui est destiné à attaquer.
  • [18]
    Faure (Claude), Aux services de la République : du BCRA à la DGSE, Fayard, Paris, 2004, p. 9.
  • [19]
    Nous nous inspirons de la démarche de Hans Born et d’Aidan Wills, consistant à aborder les fonctions selon le schéma du cycle du renseignement.
  • [20]
    Born (H.) and Wills (A.), op. cit.
  • [21]
    Les décisions de couler le Rainbow Warrior (1985), d’assassiner Mahmoud Al?Mabbouh (2010) ou d’éliminer Ussama Ben Laden (2011) sont?elles éthiques ou légitimes ?
  • [22]
    Cela est facile car un service ne protestera jamais. L’exemple en a été donné le 11 septembre 2001 aux États?Unis.
  • [23]
    Écoutes, surveillance, intrusion dans la vie privée, viol des données personnelles, etc.
  • [24]
    Born (H.) and Wills (A.), op. cit..
  • [25]
    Le SIS britannique est fréquemment désigné sous son ancienne appelation de MI?6.
  • [26]
    Born (H.) and Wills (A.), op. cit.
  • [27]
    . « MI6 Halts Terrorism Investigations to Protect Human Rights », Daily Telegraph, 29 octobre 2010.
  • [28]
    Gardham (Duncan), « Intelligence officers could face court for "aiding and abetting torture" despite new guidelines », Daily Telegraph, 25 June 2011.
  • [29]
    Born (H.) and Wills (A.), op. cit.
  • [30]
    Graham (Bob), Nussbaum (Jess), Intelligence Matters, Random House, New York, 2004, p. 183.
  • [31]
    Ibid.
  • [32]
    Human Rights Watch, Sans poser de questions. La coopération en matière de renseignement avec des pays qui torturent, New York, 2010.
  • [33]
    Cette problématique s’applique également, quoi que dans une moindre mesure, lors des échanges avec les autres agences nationales.
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