Notes
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[1]
Nous tenons à remercier Mme Valérie Malnati, membre de l’Observatoire des politiques économiques en Europe (Strasbourg) dont la lecture critique des versions successives a contribué à améliorer la qualité du propos.
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[2]
Delisle (Stéphane), Rinfret (Natalie), L’étude du leadership dans le secteur public : état de la situation, Chaire La Capitale en Leadership dans le secteur public, École nationale d’administration publique, Québec, 2006.
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[3]
Pour des précisions sur cette théorie et son application à l’administration, consulter Lane (Jan-Erik), Public administration and public management : The principal-agent perspective, Abingdon, Oxon; New York (NY), Routledge, 2005. Le concept d’« agent » réfère ici à tous les administrateurs, gestionnaires et autres employés œuvrant dans le secteur public.
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[4]
Page (Edward C.), Wright (Vincent) ed., From the Active to the Enabling State, The Changing Role of Top Off?cials in European Nations, New York, Palgrave Macmillan, 2007.
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[5]
Le leadership peut très bien s’exercer au sein d’un groupe par une ou des personnes qui n’occupent pas de positions hiérarchiques dans ce groupe.
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[6]
Nos propos s’inspirent très largement des Carnets de Leadership réalisés ces quatre dernières années par Michel Leclerc, professeur associé à l’ENAP et qui proposent des synthèses d’ouvrages et d’articles portant sur le leadership. Le lecteur pourra retrouver l’ensemble des Carnets produits entre 2004 et 2007 à l’adresse suivante : http :// www. cql. enap. ca/ fr/ nouvelles. aspx ? sortcode= 1. 19
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[7]
Bass (Bernard M.), Handbook of Leadership. Theory, Research and Managerial Applications, New York, The Free Press, 1990 (3e édition), p. 19. Parmi les ouvrages du même type sur le sujet et sur l’évolution historique des théories à son sujet, consulter : Goethals (George R.), Sorenson (Georgia J.), MacGregor Burns (James), Encyclopedia of Leadership, (4 volumes), Thousand Oaks, California, Sage Publications Inc, 2004, 4 698 pages (annexes en sus).
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[8]
À défaut d’un meilleur terme pour traduire le mot anglais « followers ».
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[9]
En novembre 2001, James MacGregor Burns réunit un groupe d’environ 25 universitaires de diverses disciplines à l’Université de Richmond en Virginie pour développer une discipline qui aurait le même statut scientifique que l’économie ou la criminologie. Cette aventure scientifique s’est terminée avec la production d’un livre, The Quest for a General Theory of Leadership, fruit de plusieurs rencontres étalées sur près de quatre ans.
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[10]
Goethals (George R.), Sorenson (Georgia J.), The Quest for a General Theory of Leadership, Northampton Massachusetts, Edward Elgar Publishing, 2006, p. 239. Traduction libre des auteurs.
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[11]
MacGregor Burns (James), Leadership, Harper Torchbooks, 1978. L’auteur y définit ainsi le leadership : « Le leadership chez les humains s’exerce quand des personnes mues par certaines motivations et certains objectifs, mobilisent, en compétition ou en conflit avec d’autres personnes, des ressources institutionnelles, politiques, psychologiques ou autres pour susciter, canaliser ou satisfaire les motivations de collaborateurs. » (p. 2).
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[12]
Cette dernière partie pouvant être mise en lien avec le « leadership transformationnel », notion introduite par James McGregor Burns en 1978 et sur laquelle nous reviendrons plus loin dans le texte.
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[13]
OCDE, Moderniser l’État, la route à suivre, Paris, 2005, p. 204.
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[14]
Yulk (Gary), Leadership in Organizations, Englewoods Cliffs, NJ : Prentice Hall, 1989, deuxième édition, p. 4-5. Traduction libre des auteurs.
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[15]
Van Wart (Montgomery), Dynamics of Leadership. Theory and Practice, New York, M. E. Sharpe, 2005.
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[16]
La principale critique que nous inspire ce type de proposition est qu’il ne nous permet pas de distinguer ce qui est attendu de tout gestionnaire de ce qu’on attend plus spécifiquement d’un leader.
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[17]
Bass (Bernard M.), Handbook of Leadership. Theory, Research and Managerial Applications, op. cit., p. 87. Traduction libre des auteurs.
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[18]
Bennis (Warren), On Becoming a Leader, Reading, Mass., Addison-Wesley, 1989, le chapitre 2.
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[19]
Consulter sur ce sujet le numéro récent de la revue The Leadership Quarterly, 2007, vol. 18 (3), p. 171-292 qui porte spécifiquement sur le « leadership destructeur ».
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[20]
Cet aspect de l’exercice du leadership qui amène le leader à s’opposer à ses collaborateurs est rarement évoqué. Aaron Wildavsky, dans un essai parmi les plus originaux sur le leadership (The Nursing Father : Moses as a Political Leader, The University of Alabama Press, 1984) identifie quatre régimes politiques auxquels correspondent autant de styles de leadership. L’épisode de la colère de Moïse à la vue du veau d’or illustre comment un leader, dans un régime marqué par l’anarchie, doit pouvoir confronter voire s’opposer de façon brutale à ses collaborateurs dont les comportements sont jugés inacceptables et ce même au risque, pour le leader concerné, de se voir écarté au profit d’un leader plus complaisant.
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[21]
Lorenzi (Peter), « Managing for the Common Good : Prosocial Leadership », Organizational Dynamics : New Leadership for a New Time (numéro spécial), Elsevier Inc., vol. 33 (3), 2004. L’extrait est tiré des Carnets de Leadership 2005, vol. 2 (4), p. 3.
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[22]
Barnard (Chester), The Functions of the Executive. London, GB, Oxford University Press, 1938, p. 163. Traduction libre des auteurs.
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[23]
Lord (Robert G.), Brown (Douglas J.), Leadership Processes and Follower Self-Identity, Mahwah, N. J., Lawrence Erlbaum Associates, 2004, p. 3. Traduction libre des auteurs.
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[24]
MacGregor Burns (James), Leadership, New York : Harper Torchbooks, 1978, p. 19. Traduction libre des auteurs.
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[25]
Ibidem note 24, p. 302. Traduction libre des auteurs.
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[26]
Boehnke (Karen) et al., « Transformational Leadership : an Examination of Cross-national Differences and Similarities », Leadership & Organization Development, 2003, vol. 24 (1), p. 5.
-
[27]
Lowe (K. B.) et al. « Effectiveness correlates of transformational and transactional leadership : a meta-analytic review of the MLQ literature », Leadership Quarterly, vol. 7 (3), 1996, p. 385-425.
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[28]
Barling (J.), Slater (F.) & Kelloway (K. E.), “Transformational leadership and emotional intelligence : An exploratory study.” Leadership and Organization Development Journal, 2000, vol. 21 (3), p. 157-161; Dvir (T.), Avolio (B. J.) & Shamir (B.), “Impact of transformational leadership on follower development and performance : A field experiment.” Academy of Management Journal, 2002, vol. 45 (4), p. 735-744.
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[29]
Goleman (Daniel), L’intelligence émotionnelle : comment transformer ses émotions en intelligence, Paris. Robert Laffont éditeur, 1997.
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[30]
Küpers (Wendelin); Weibler (Jürgen), « How emotional is transformational leadership really ? Some suggestions for a necessary extension », Leadership and Organization Development Journal, 2006, vol. 27 (5), p. 369.
-
[31]
Brown F. William et al., « Does emotional intelligence – as measured by the EQI – influence transformational leadership and/or desirable outcomes ? », Leadership and Organization Development Journal, 2006, vol. 27 (5), p. 330-351.
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[32]
Goleman (Daniel), « Leadership that gets Results », Harvard Business Review, 2000, vol. 78 (2), p. 78-90; Goleman (Daniel), Boyatzis (Richard), McKee (Annie), « Primal Leadership : The Hidden Driver of Great Performance », Havard Business Review, décembre 2001,10 pages.
-
[33]
Bass (B. M.) et Avolio (B. J.), « Transformational Leadership : a response to critiques », in Chemers (M.M.) and Ayman (R.) ed., Leadership Theory and Research : Perspectives and Directions, Academy Press, San Diego, CA, 1993, p. 49-80.
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[34]
Traduit et adapté de Küpers (W.) et Weibler (J.), « How emotional is transformational leadership really ? », op. cit., p. 377.
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[35]
Extraits tirés de l’entrevue que l’auteur accordait au journal La Presse de Montréal le 13 avril 2007.
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[36]
Lord (Robert G.), Brown (Douglas J.), Leadership Processes and Follower Self-Identity, Mahwah, N. J., Lawrence Erlbaum Associates, 2004, p. 3-4. Traduction libre des auteurs.
-
[37]
Pauchant (Thierry C.) et al., La Quête du sens, gérer nos organisations pour la santé des personnes, de nos sociétés et de la nature, Montréal, Presses HEC, 1996.
-
[38]
Morin (Edgar), La complexité humaine, Textes rassemblés par Edgar Morin et présentés par Heinz Weinmann, Flammarion, 1994, p. 311-340.
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[39]
Zara (Olivier), Le management de l’intelligence collective : vers une nouvelle gouvernance, Paris, M2 Éditions, 2004.
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[40]
Senge (Peter), Gauthier (Alain), La cinquième discipline, l’art et la manière des organisations qui apprennent, Paris, First, 1991.
-
[41]
Senge (Peter) et al., « Presence. An Exploration of Profound Change in People, Organizations and Society », New York, Currency Doubleday, 2005. L’extrait est tiré des Carnets de leadership, 2006, vol. 3 (5), p. 2.
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[42]
Le lecteur trouvera sur le site wwww. globalleadershipinitiative. orgdes exemples de problèmes auxquels cette approche a été appliquée.
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[43]
Hackman (Richard J.), Wageman (Ruth), « Asking the Right Questions About Leadership », American Psychologist, 2007, vol. 62 (1), p. 43-47.
-
[44]
Bennis, (Warren), « The Challenges of Leadership in the Modern World », American Psychologist, 2007, vol. 62 (1), p. 4.
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[45]
Nous pensons tout particulièrement à l’ouvrage de Goethals (George R.), Sorenson (Georgia J.), The Quest for a General Theory of Leadership, Northampton Massachusetts : Edward Elgar Publishing, 2006.
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[46]
Kets de Vries (Manfred), Les mystères du leadership, Diriger c’est vendre de l’espoir, Paris, Editions Village mondial, 2002.
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[47]
Stone Zander (Rosamund), Zander (Benjamin), L’Univers de la possibilité. Un art à découvrir, Saint-Hubert (Canada), Les Éditions Un monde différent Ltée, 2003; March (James G.), Weil (Thierry), Le leadership dans les organisations, Paris, Les Presses de l’École des Mines, 2003.
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[48]
Goldberg (Eikhonon), The Executive Brain. Frontal Lobes and the Civilized Mind, Oxford University Press, 2001.
-
[49]
Szpurnar (Karl. K.), Watson (Jason M.) et McDermott (Kathleen B.), « Neural substrates of envisioning the future », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 104 (2), 2007. Traduction libre des auteurs.
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[50]
L’ouvrage de Morgan (Gareth), Images de l’organisation, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1999, demeure une référence pour qui s’intéresse aux images archétypales les plus souvent utilisées pour évoquer le fonctionnement des organisations.
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[51]
Le chaos, d’abord constaté et modélisé par des météorologues, représente, dans l’étude de phénomènes décrits par plusieurs paramètres, la très grande sensibilité aux conditions initiales, laquelle peut donner lieu à des comportements imprévisibles. C’est ce qu’on a appelé en langage populaire « l’effet papillon ». Plusieurs auteurs se sont inspirés du concept de « chaos » et de sa dynamique sous-jacente pour décrire le fonctionnement de certaines organisations évoluant dans des environnements complexes et turbulents. Le lecteur intéressé au sujet pourra consulter : Wheatley (Margaret J.), Leadership and the new science, discovering order in a chaotic world, 2e éd., San Francisco, Berrett-Koehler, 2001.
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[52]
Dans un ouvrage de l’OCDE, L’interdisciplinarité. Problèmes d’enseignement et de recherche dans les universités, Paris, 1972, p. 98, Erich Jantsch définit l’interdisciplinarité comme « une axiomatique commune à un groupe de disciplines connexes, définie au niveau ou sous-niveau hiérarchique immédiatement supérieur, ce qui introduit une notion de finalité », une définition qui rappelle les exigences d’une approche plus complexe qu’il n’y paraît.
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[53]
Ibidem note 42.
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[54]
Une suggestion que nous a inspirée la présentation de M. Frank Mordacq, directeur de la modernisation au ministère français de l’industrie et des finances, sur la modernisation de l’État français, le 30 avril 2007 à l’École nationale d’administration publique à Québec.
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[55]
Les positions sur le développement des capacités des leaders présentées dans cette section ont en commun de rejeter l’idée selon laquelle ces compétences seraient innées, voire génétiquement transmises (auquel cas, toute formation est futile). Par contre, un examen même rapide des caractéristiques les plus souvent proposées suggère qu’il est peu probable que, pour l’essentiel, les caractéristiques propres au leadership puissent être acquises rapidement et facilement via des sessions de formation de quelques jours ou de quelques semaines. Plus probablement, le développement de ces caractéristiques de leadership débute tôt dans la vie d’un individu, encouragé dès l’enfance puis à l’adolescence à s’affirmer comme tel dans diverses situations. En d’autres termes, le mode de développement des leaders est encore peu compris et fort probablement plus complexe que ce qu’une certaine littérature populaire laisse entendre.
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[56]
OCDE, Moderniser l’État, la route à suivre, Paris, 2005, encadré 6.3, pp. 205-207.
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[57]
S’il nous est impossible de produire une liste exhaustive des organismes offrant des réflexions ou formations sur le sujet, nous nous permettons tout de même de signaler le Center for Creative Leadership ((http :// www. ccl. org/ leadership/ index. aspx),une référence indispensable pour qui s’intéresse au sujet, traité dans une perspective nord-américaine.
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[58]
Pour des informations additionnelles, se référer au site www. enap. ca.
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[59]
Pour des informations additionnelles, se référer au site hhttp :// www. myschool-monecole. gc. ca/ corporate/cd_f.html
-
[60]
Bennis (Warren), Spreitzer (Gretchen M.), Cummings (Thomas C.) eds., The Future of Leadership. Today’s Top Leadership Thinkers Speak to Tomorrow’s Leaders, San Francisco, Jossey-Bass, 2001,316 pages.
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[61]
Mintzberg (Henry), Des managers, des vrais ! Pas des MBA, Un regard critique sur le management et son enseignement, Paris, Éditions d’Organisation, 2005.
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[62]
Ibidem note 59, page 13. Traduction libre des auteurs.
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[63]
Bourgault (Jacques), Charih (Mohamed), Maltais (Daniel) et Rouillard (Lucie), « Les rôles et les compétences des gestionnaires supérieurs du gouvernement du Québec pour l’avenir », Centre d’expertise en gestion des ressources humaines, Québec, Secrétariat du Conseil du Trésor, 2003,255 pages.
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[64]
Dans le système québécois, le sous-ministre occupe le poste administratif hiérarchiquement le plus élevé et est le responsable ultime de la gestion des ressources humaines de son ministère.
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[65]
Ibidem note 60, p. 327.
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[66]
Aussi invitons-nous ceux et celles qui œuvrent au sein de l’administration publique française et qui voudraient réagir au contenu de cet article à faire parvenir leurs commentaires à leurs auteurs ou à la rédaction de la RFAP.
Introduction : de la pertinence du leadership « administratif » dans le secteur public
1En dépit de l’abondante littérature consacrée au leadership, S. Delisle et N. Rinfret [2] soulignent que le développement de ce thème appliqué au secteur public a, jusqu’alors, fait l’objet de peu de recherches et d’études sérieuses. Des difficultés d’ordre épistémologique, le caractère peu visible de son exercice dans le secteur public, les pouvoirs officiels plutôt limités qu’on peut y exercer ainsi que le faible nombre de chercheurs qui se sont intéressés au sujet comptent parmi les raisons qui expliqueraient cette lacune.
2Ce peu d’intérêt pour le thème du leadership dans le secteur public n’étonne guère ceux qui considèrent que sa pratique, auprès des administrateurs et agents de l’État, n’a tout simplement pas sa place. Après tout, les administrations ne sont-elles pas globalement au service des élus et des membres de gouvernements, seuls légitimés pour agir au titre de leaders ? À l’appui de cette proposition, la « théorie du principal et de l’agent » indique que le rôle des gouvernements, à titre de principal, est d’assurer la prise de décisions stratégiques concernant les grandes politiques de l’État alors que celui des agents doit se limiter à en assurer la mise en œuvre conforme [3]. Dans cette optique, certains pourraient même avancer qu’un leadership « fort » assumé par des agents publics constituerait une forme d’usurpation de celui que seuls les responsables politiques peuvent légitimement exercer. Un jugement moins catégorique reconnaîtrait au mieux que les cadres occupant les niveaux hiérarchiques supérieurs et œuvrant à l’interface politico-administrative ont effectivement la possibilité de faire preuve d’un certain leadership, notamment au chapitre de la formulation des politiques publiques [4] tout en insistant sur la légitimité du leadership des élus responsables de la conduite de l’État. À notre avis, ces points de vue, qui ne sont pas sans mérite, n’en sont pas moins des visions simplificatrices du fonctionnement complexe de la plupart des systèmes politico-administratifs en vigueur dans les régimes démocratiques.
3À l’évidence dans tout régime démocratique, un premier type de leadership public opère lorsque des élus sont portés au pouvoir par les citoyens en raison de leurs promesses électorales, de la vision dont leurs projets sont porteurs ou encore de leur charisme (c’est-à-dire leurs qualités personnelles ou celles qui se dégagent de l’image qu’ils projettent). Les pouvoirs qu’exerceront ces élus sont d’autant plus légitimes qu’ils leur ont été consentis par le peuple. Les employés d’une organisation publique ne choisissant ni leurs supérieurs hiérarchiques ni le ministre représentant leur organisation, ce premier type de leadership public n’est donc pas celui qui peut se développer au sein d’une administration organisée sur la base d’une autorité formelle, hiérarchiquement « partagée » entre de nombreux niveaux, directions ou services. Par conséquent, c’est bien plus, (quoique pas uniquement [5] ), dans les rapports d’abord commandés par la voie hiérarchique entre un groupe d’employés réunis au sein d’une équipe, d’un service ou encore d’une direction, qu’il devient pertinent de poser le défidu développement d’un second type de leadership, que nous qualifions d’« administratif », qui profitera tant aux groupes qu’à ceux qui occupent les postes d’autorité formelle. Par ailleurs, si les détenteurs d’un poste hiérarchique ne peuvent prétendre exercer un leadership du même type que celui des élus, ils ont en contrepartie la possibilité d’établir des relations particulièrement fécondes avec des employés, des pairs ou leurs propres supérieurs, à la faveur des situations problématiques, voire complexes, qu’ils auront à résoudre ensemble.
4Cet article comprend deux parties. La première, essentiellement théorique, commente quelques définitions du concept, dégage les éléments d’un modèle général et soumet trois grandes propositions en découlant. [6] La seconde partie évoque quelques orientations souhaitables en matière de recherche théorique et appliquée sur le sujet et propose quelques pistes au regard de la formation au leadership.
LE LEADERSHIP : QUELQUES DÉFINITIONS ET TROIS PROPOSITIONS GÉNÉRALES
Trois définitions du leadership et les éléments d’un modèle général
5Quiconque s’intéresse au leadership en général prend rapidement conscience de la somme impressionnante des écrits sur ce sujet, une tendance qui perdure. Paradoxalement, ce grand nombre de publications est révélateur de l’absence d’une théorie complète, validée et universelle, qui ferait largement consensus. Sans prétendre en développer une dans ce texte, nous proposons d’abord d’en cerner certains éléments déterminants à partir de trois définitions existantes pour ensuite discuter trois propositions générales.
6La première définition est tirée du volumineux traité de B.M. Bass sur le sujet : « Le leadership est une interaction entre deux ou plusieurs membres d’un groupe qui donne souvent lieu à la structuration ou la restructuration d’une situation de même que des perceptions et des attentes des membres » [7]. Cette définition succincte n’étonne guère puisqu’elle rappelle les relations devant exister entre un leader et ses « collaborateurs » [8], relations dont l’articulation précise soulève encore plusieurs interrogations comme nous le verrons plus loin. En fait, son intérêt tient surtout au fait qu’elle souligne les impacts que peuvent avoir ces relations sur une situation, sur les perceptions ou les attentes des membres d’un groupe et qui prennent la forme de « structurations » ou de « restructurations ». Le mérite est ici de rappeler le caractère dynamique du phénomène que d’aucuns jugent d’ailleurs impossible à dissocier de celui du changement.
7Une seconde définition découle d’échanges entre des auteurs ayant consacré de nombreuses années à chercher, à écrire et réfléchir sur le sujet. [9] L’un d’eux, James MacGregor Burns, résume en ces termes la définition qui s’en est dégagée : « Si j’essaie de résumer [...] nos réflexions concernant le leadership, je dirais que nous considérons le leadership comme un processus d’influence, à la fois observable et invisible, s’exerçant dans une société en évolution. Conçue comme une interaction entre personnes évoluant dans des conditions humaines (et inhumaines) marquées par des inégalités, cette interaction est appréciable à l’aune de valeurs morales et éthiques et de la réalisation de changements intentionnels, durables et globaux » [10].
8Alors que MacGregor Burns avait déjà soumis en 1978, dans un ouvrage fameux sur le sujet, une définition du leadership qui s’apparente étroitement à une forme d’exercice du pouvoir [11], propose à nouveau, en 2001, avec quelques collègues, une définition du concept plus « troublante ». Tout d’abord, en tant que processus d’influence, le leadership apparaît plus complexe du fait (1) qu’il est en partie observable, (2) qu’il s’applique à un type particulièrement exigeant de changements (intentionnels, durables et globaux) et (3) qu’il donne lieu à un type d’interactions devant être acceptables d’un point de vue moral ou éthique alors qu’il opère dans des conditions humaines marquées par des inégalités ou même complètement inhumaines [12]. Ensuite, alors que la plupart des définitions du leadership distinguent les rôles des leaders de ceux des collaborateurs, cette définition n’en dit rien, se limitant à évoquer « une interaction entre personnes ».
9La troisième définition est contenue dans le rapport de l’OCDE sur la modernisation de l’État : «...le leadership c’est notamment s’attacher à obtenir des résultats, mettre en question les postulats, s’ouvrir à l’apprentissage provenant de l’extérieur, comprendre l’environnement et son influence, penser et agir de façon stratégique, mettre au point de nouvelles structures et modalités de travail et élaborer et communiquer une vision personnelle du changement » [13].
10Si on peut reprocher à cette définition d’axer essentiellement son propos sur la personne du leader sans mentionner explicitement le rôle déterminant des collaborateurs, elle a le mérite de préciser les attentes que l’on peut avoir envers les leaders du secteur public. En outre, la définition rappelle qu’exercer du leadership, c’est bien davantage que gérer des politiques et des programmes publics, assurer l’application de règles et de procédures et la prestation de services, ou encore répondre diligemment aux « ordres » qui viennent « d’en haut », bien que toutes ces fonctions soient très importantes. Faire preuve de leadership dans une organisation publique, c’est surtout accepter de jouer un rôle critique sur le plan des changements organisationnels, c’est savoir agir et faire agir dans des environnements complexes, incertains et souvent turbulents. C’est finalement savoir innover dans les façons de faire, de manière à faciliter l’adaptation de l’organisation à de tels environnements. G. Yulk reprend à sa manière cette distinction entre l’exercice de la gestion et celui du leadership en rappelant que l’engagement que suscitent les leaders chez leurs collaborateurs en constitue la principale différence. « Il est évident qu’une personne peut exercer du leadership sans être gestionnaire ou qu’elle peut occuper un poste de gestion sans exercer du leadership... Personne ne suggère que gérer et exercer du leadership s’équivalent, cependant beaucoup divergent d’opinion sur le degré de chevauchement... La principale différence tient à ce que les leaders suscitent l’engagement alors que les gestionnaires, pour l’essentiel, exercent les responsabilités et l’autorité que leur confère le poste qu’ils occupent dans l’organisation » [14].
11Nous reprenons dans les trois propositions générales qui suivent certains des éléments traités plus ou moins explicitement dans ces trois définitions du leadership. Un premier élément, même s’il n’est pas directement abordé ni dans la première ni dans la seconde définition, est celui des caractéristiques propres aux leaders. Le second qui nous apparaît tout aussi important, bien qu’il ne soit pas nommément abordé dans nos trois définitions, est celui des « collaborateurs ». Enfin, le troisième élément est celui de la grande complexité des situations auxquelles doivent faire face les sociétés modernes et plus particulièrement les organisations, complexité qui explique selon nous l’importance qu’il faut accorder au sujet du leadership.
12La figure suivante résume ce qui précède et propose de considérer le leadership comme un modèle dynamique de changement qui met en scène le leader et les collaborateurs, évoluant dans un environnement complexe, en évolution constante, et donnant lieu à des projets permettant à la fois aux organisations et à leurs membres de progresser.
Les éléments constitutifs du leadership, conçu comme un modèle dynamique du changement
Les éléments constitutifs du leadership, conçu comme un modèle dynamique du changement
13Ce modèle invite le lecteur à aller au-delà de la personne du leader, souvent considéré comme l’unique héros d’une histoire qui tait des éléments que nous jugeons essentiels mais qui sont généralement escamotés. Nous croyons plutôt que le phénomène, dans ses manifestations les plus intéressantes, ne peut pas être compris sans la prise en compte des personnes qui, graduellement, partageront la perception d’une situation, par définition complexe, et des défis qui se posent à elles. C’est d’ailleurs au chapitre de l’articulation de cette perception et des projets possibles qui en résultent que les leaders peuvent jouer un rôle déterminant.
Trois propositions générales
14Nous commentons dans les prochains paragraphes les éléments du modèle présenté dans la section précédente à partir de trois propositions générales, de quelques théories et de développements récents les concernant.
Première proposition : le profilage des leaders ne fait pas consensus
15On ne compte plus les qualités, aptitudes, attitudes et comportements qui seraient propres aux personnes qui exercent ou souhaitent exercer du leadership. Ainsi M. Van Wart [15] ne propose-t-il pas moins de dix traits psychologiques, six aptitudes, neuf styles et vingt et un comportements liés à l’exercice du leadership (l’ensemble est reproduit en annexe). Mais en dépit de ce travail de précision, les leaders eux-mêmes peinent à s’y reconnaître ! [16]
16Parmi les tentatives de synthèse, B.M. Bass rapporte les caractéristiques les plus souvent évoquées dans les recherches portant sur le sujet. «...un intérêt marqué pour la prise de responsabilités et la réalisation de tâches, de la vigueur et de la persistance dans la poursuite d’objectifs, créatif et original dans la solution de problèmes, un intérêt à prendre des initiatives, de la confiance en soi et une personnalité forte, la volonté d’assumer les conséquences de ses décisions et de ses gestes, prêt à subir le stress interpersonnel, tolérant à l’endroit des frustrations et des délais, habile à influencer les comportements des autres et capable d’articuler des systèmes d’interactions sociales appropriés aux buts poursuivis... » [17].
17Rejoignant en partie du moins un tel point de vue, Warren Bennis, auteur particulièrement important sur le sujet du leadership, est d’avis qu’un leader est une personne en mesure d’articuler et de proposer une vision (par exemple, l’allure que devrait prendre une organisation au cours des ans), à la fois passionnée par la réalisation de cette dernière, mais aussi intègre, confiante, curieuse et audacieuse [18].
18Plus récemment, Peter Lorenzi, dans son essai sur le leadership « à vocation sociale » considère que les listes usuelles de caractéristiques, comme celle de Bass ou de Van Wart, oublient l’essentiel dans la mesure où elles n’accordent pas une place prédominante aux valeurs profondes qui animent les leaders, à quelque niveau qu’ils opèrent dans une organisation. Ce point de vue rappelle l’importance d’inscrire toute forme d’exercice du pouvoir, dont le leadership, dans une perspective morale, voire éthique; à défaut de quoi il est probable que le leadership donne lieu à un « leadership destructeur » [19], à des abus de pouvoir dont plusieurs « grands » leaders se sont rendus coupables dans l’histoire ou encore à un leadership complaisant qui choisit de plaire à ses collaborateurs alors qu’il faudrait plutôt s’opposer à leurs dérives [20]. «... si le respect et le bien des citoyens ne sont pas l’objectif premier et permanent du leader, alors il n’y a pas de véritable leadership... ceux qui gèrent en recherchant continuellement le bien commun devraient se retrouver à tous les niveaux de responsabilité, des directeurs de services dans un ministère jusqu’au sous-ministre et au premier ministre » [21].
19Si les caractéristiques propres aux leaders ne font pas consensus, l’évolution de la pensée sur ce sujet nous amène à croire que leur pertinence est fonction de plusieurs facteurs. Ainsi, des normes culturelles particulières peuvent expliquer que certains traits de personnalité soient davantage appréciés. Plus importantes encore seraient les attentes des collaborateurs à l’endroit des leaders ou encore les particularités des situations qui interpellent le leader et ses collaborateurs, deux aspects que nous abordons dans les prochaines sections.
Seconde proposition : dans la mesure où un leader doit réussir à mobiliser ses collaborateurs, la compréhension de la relation avec ces derniers est fondamentale.
20Si, comme nous venons de le suggérer, les caractéristiques personnelles propres aux leaders ne font pas consensus, il apparaît qu’elles ne seront déterminantes que dans la mesure où elles s’inscrivent dans une dynamique d’échanges et d’appuis mutuels entre les leaders et leurs collaborateurs.
21Chester Barnard, auteur d’un ouvrage classique sur les fonctions des dirigeants, avait relevé il y a près de soixante-dix ans l’importance de cette dynamique selon laquelle le véritable pouvoir des leaders tient à l’influence que les membres d’un groupe, d’une équipe ou d’une organisation lui permettent d’exercer. « La réponse à la question de savoir pourquoi on obéit à un ordre donné se trouve chez ceux à qui il s’adresse et non pas chez les personnes en autorité ou ceux qui l’ont émis » [22].
22Autrement dit, ce n’est pas seulement auprès de la personne du leader qu’il faut chercher pour comprendre le phénomène du leadership, il faut aussi tenter de saisir pourquoi ses collaborateurs consentiront à le suivre et quelles sont les particularités de la dynamique qui les relie voire les unit. Or, force est de reconnaître que peu de travaux se sont intéressés aux motivations des collaborateurs et à ce qui les relie aux leaders. « Bien que l’on ait accompli d’immenses progrès dans la compréhension de l’élément « leader » dans le domaine du leadership, on a très peu évolué dans la compréhension du rôle des collaborateurs, des processus et des mécanismes psychologiques qui unissent leaders et collaborateurs. La façon ou la raison pour lesquelles les leaders influent sur les résultats est sujette à des questions largement ignorées ou auxquelles nous n’avons pas su répondre » [23].
23Malgré cette déficience, deux éléments principaux caractérisent la dynamique des relations qui unissent leaders et collaborateurs. Premièrement, ces relations se tissent autour d’objectifs ou d’intérêts qui, sans être identiques chez le leader et ses collaborateurs, convergent au sens où ils sont compatibles et au sens où, pour les atteindre ou les réaliser, chaque partie a besoin de l’autre. « L’essentiel d’une relation entre un leader et un collaborateur est une interaction entre personnes possédant à des degrés variables de la motivation, du pouvoir et des habiletés, qui poursuivent un but commun ou qui poursuivent en commun, à tout le moins, un but » [24].
24Le deuxième élément met en perspective les ressources que les parties sont prêtes à mettre à la disposition de l’autre partie pour réaliser leurs objectifs.
25En ce qui a trait à la relation entre les leaders et leurs collaborateurs, une bonne partie de la littérature qui y est consacrée s’inscrit dans le cadre plus large de ce qu’il est convenu d’appeler le leadership « transactionnel » (transactional leadership) alors que la dynamique relationnelle repose sur une transaction de style « donnant/donnant ». Ce type de leadership, facilement observable et dominant dans les organisations, s’apparente à l’exercice usuel d’une gestion qui s’appuie notamment, mais pas exclusivement, sur l’exercice de l’autorité hiérarchique et qui cherche à faire agir en tenant compte des motivations et des intérêts personnels des collaborateurs. Dans le cas spécifique des bureaucraties, mode d’organisation typique des organisations publiques, Burns déplore qu’elles ne favorisent que la pratique de ce type de leadership. « Trop souvent les bureaucraties ne mettent l’accent que sur la réciprocité des échanges à l’interne, notamment ceux entre les gestionnaires et les employés. Par conséquent, ils répondent à leurs désirs, leurs besoins, leurs motivations et leurs valeurs mutuels sans reconnaître la relation la plus importante, celle qui doit exister avec l’externe, l’environnement de ces bureaucraties. Par conséquent, ces bureaucraties peuvent faire de leur survie une fin en soi plutôt qu’un objectif subordonné » [25].
26C’est à l’égard de ce risque de dérapage que la notion de « leadership transformationnel » revêt un intérêt tout particulier pour notre propos. «... le leadership transformationnel dépasse le stade où on offre des récompenses pour obtenir des résultats souhaités en incitant, en stimulant intellectuellement et en inspirant les collaborateurs à transcender leurs propres intérêts personnels pour atteindre plutôt un objectif collectif plus élevé » [26].
27Le lien entre l’exercice du leadership transformationnel et les effets recherchés est apparemment bien établi [27]. Plusieurs études ont en effet démontré un lien entre le leadership transformationnel et des comportements organisationnels positifs tels que la satisfaction des subordonnés, la confiance envers le leader et l’engagement des employés. D’autres chercheurs ont également établi que le leadership transformationnel a une incidence positive sur la performance individuelle et organisationnelle. [28]
28Un autre concept, celui « d’intelligence émotionnelle », rendu populaire par D. Goleman [29], est depuis quelques années associé à l’exercice du leadership transformationnel. Ce type d’intelligence, concrètement, passe par : «...la capacité de comprendre et de gérer ses propres sensations, humeurs et émotions ainsi que celles des autres [et] contribue à rendre le leadership plus efficace dans les organisations. Porteuses de sens, les émotions jouent un rôle important au travail, au chapitre des relations entre les leaders et les collaborateurs et dans les processus de changements » [30]. Si les rapports entre les concepts d’intelligence émotionnelle et de leadership transformationnel ont besoin d’être confirmés [31], tout comme les rapports entre l’intelligence émotionnelle et l’efficacité organisationnelle [32], le développement de l’intelligence émotionnelle chez les leaders comme compétence apparaît de plus en plus indiqué. À cet égard, Küpers et Weibler proposent dans le tableau suivant une articulation intéressante entre quatre composantes d’un leadership transformationnel, suggérées par Bass et Avolio [33], et l’intelligence émotionnelle, appliquée à soi-même ou appliquée à nos relations aux autres.
Les compétences émotionnelles en lien avec quatre composantes du leadership transformationnel [34]
Les compétences émotionnelles en lien avec quatre composantes du leadership transformationnel [34]
29Comme le montre le tableau, une première composante d’un leadership transformationnel requiert du leader qu’il incarne un modèle d’engagement et de moralité suscitant à la fois respect et confiance. Sur le plan personnel, il fait preuve d’une grande confiance dans ses capacités ainsi que d’une grande maîtrise de soi. À l’égard des autres, il sait être empathique et les influencer, notamment en faisant partager une vision et en agissant comme moteur des changements au sein d’un groupe ou d’une organisation dont il a appris à décoder les particularités. Une seconde composante fait de sa motivation personnelle une source d’inspiration et de mobilisation pour ses collaborateurs, suscitant chez eux optimisme et enthousiasme dans la poursuite d’objectifs convenus. Mû par un fort désir de réalisation de ce qu’il propose et prenant des initiatives en ce sens, il s’intéresse au développement des autres, a le souci de bien communiquer, de gérer les conflits et de créer de véritables liens avec les autres. La troisième composante invite le leader transformationnel à être créatif, à bousculer les idées reçues et à proposer de nouvelles solutions pour résoudre des situations problématiques qui perdurent. Enfin, un leader transformationnel fait preuve d’une attention véritable à l’endroit des autres en prenant en compte les capacités ainsi que les besoins et les intérêts particuliers de ses collaborateurs ou des groupes au sein desquels il agit.
30En résumé, les propositions des deux auteurs mettent l’accent sur l’importance pour un leader transformationnel de bien se connaître et de faire preuve d’une ambition dans laquelle les autres se reconnaissent et qu’ils s’approprient. Il doit également faire preuve de sensibilité pour mieux les accompagner dans les changements proposés.
31Qu’il s’agisse de leadership transactionnel, transformationnel ou de l’importance de faire preuve d’intelligence émotionnelle, il faut reconnaître que ces approches continuent de mettre l’accent essentiellement sur les leaders, leur accordant pour l’essentiel le crédit quant à l’amélioration de la performance d’une organisation. Dans cette optique, les collaborateurs jouent un rôle non négligeable quoique accessoire lorsque comparé à celui du leader. Dans une entrevue, Henry Mintzberg, auteur canadien réputé en gestion des organisations, dénonçait lui aussi la trop grande importance accordée aux leaders arguant que : « la quête de leaders flamboyants est la cause de plusieurs problèmes économiques et sociaux actuels [ce qui contribue à ne plus considérer] les organisations comme des communautés, mais comme des groupes formés de quelques personnes qui mènent alors que la majorité des autres « suivent ». Nous avons besoin de reconnaître toute l’importance du communautéship » [35].
32Par conséquent, à l’instar de certains auteurs, il importe, croyons-nous, de mieux comprendre «... les mécanismes et les processus psychologiques qui lient les leaders et leurs collaborateurs... [en particulier] la réaction psychologique d’un subordonné au comportement d’un leader ou la théorie implicite d’un subordonné concernant ce que les leaders devraient être... Plus précisément, même s’il est possible d’observer certains types de comportement chez les leaders transformationnels, les effets produits sur les gens ou sur des processus organisationnels ne peuvent l’avoir été qu’indirectement. Des causes plus probantes peuvent se trouver chez les collaborateurs qui sont plus directement en lien avec les extrants observés ou recherchés » [36].
33R. Lord et D. Brown proposent donc d’explorer davantage pourquoi et comment des collaborateurs, subissant l’influence de leaders, acceptent de « se transformer », de modifier la perception qu’ils ont d’eux-mêmes et des situations qu’ils vivent, de remettre en question certains acquis cognitifs et émotifs, certaines de leurs motivations, certaines de leurs valeurs ou certains de leurs comportements, modifications qui auront un impact sur leur propre performance et finalement sur la performance d’un groupe ou d’une organisation.
Troisième proposition : pour l’essentiel, l’exercice du leadership consiste à aider les groupes et les organisations à gérer la complexité croissante entretenue par des changements multiples et incessants.
34Sans doute le monde n’a-t-il jamais été simple, mais il semble que nous vivons dans un monde qui se complexifie, se transforme et change continuellement. Alors que les connaissances scientifiques n’ont jamais été aussi nombreuses à tenter d’expliquer ces changements et alors que de nouvelles connaissances font reculer les frontières de notre ignorance, l’addition de connaissances ajoute à la prise de conscience de notre ignorance et de la complexité ambiante, réelle ou perçue, générant davantage d’incertitude et d’anxiété. Il n’est donc pas étonnant que les organisations ne réussissent plus à satisfaire la « quête de sens » de ceux et celles qui y œuvrent [37] et que, pour plusieurs auteurs, les leaders doivent pouvoir décoder cette complexité et composer avec elle pour mieux cerner les problèmes.
35La maîtrise de cette complexité, comme le croit Edgar Morin [38], est par ailleurs mal servie par le mode de production usuel de connaissances, cette pensée « disjonctive » qui réduit les réalités complexes à leurs éléments observables et mesurables. Au total donc, il faut composer avec des connaissances certes toujours plus nombreuses mais toujours plus éclatées, peu intégrées, jetant davantage de doute que de lumière sur des situations multiformes, en évolution constante.
36La reconnaissance de cette complexité croissante, au fur et à mesure de l’accumulation des connaissances, accrédite un leadership qui ne saurait être exercé par un seul individu au sein d’une communauté. Comment imaginer en effet qu’un seul individu puisse saisir l’ensemble d’une situation pour prétendre ensuite pouvoir l’expliquer à un groupe d’individus ou une organisation ? Ce serait là tomber dans le piège d’une approche du héros omniscient qui montre la voie à la multitude ignorante ! Cette reconnaissance de la complexité milite donc en faveur de ce qu’il est convenu d’appeler « l’intelligence collective » ou la transformation de nos organisations en « organisations apprenantes » [39]. Peter Senge a consacré une partie de sa carrière à développer une « cinquième discipline » encourageant les organisations à voir autrement et dans leur globalité les problèmes complexes auxquels elles sont confrontées [40]. Plus récemment, l’auteur et ses collaborateurs ont tenté d’aller plus loin en cherchant à comprendre la dynamique des changements complexes et en proposant une technologie sociale qui s’appuie sur la nécessité de redéfinir un leadership plus moderne, à la fois individuel et collectif, reposant sur une vision systémique. « Cette technologie sociale crée des zones de connaissances partagées à l’intérieur desquelles des équipes, composées de personnes extrêmement dissemblables, réussissent à travailler à l’unisson. Ceci leur permet de mettre en commun les connaissances de chacun, de sorte que collectivement, elles développent une vue d’ensemble et complète du système et du rôle qu’elles y remplissent... Cette « vision systémique » ou globale engendre un leadership individuel et collectif de nature incroyablement efficiente » [41]. L’application de cette technologie passe par une démarche en sept étapes ou « capacités » qui nous suggère de mettre en sourdine, pour un temps du moins, nos façons habituelles d’appréhender une situation complexe de manière à développer graduellement des solutions novatrices et en mesure de s’attaquer à l’ensemble des variables importantes de ladite situation [42].
37Cette section a présenté quelques définitions du leadership dont plusieurs éléments ont été repris dans trois propositions générales. Nous retiendrons que malgré l’abondante littérature sur le sujet, il n’existe pas encore de consensus sur ce « qui fait » un leader, que le leadership ne peut s’exercer sans l’appui de ceux qu’il cherche à mobiliser ou à « transformer », et que le principal défides leaders modernes est de « faire agir » dans des situations dont la complexité croissante désoriente et paralyse de plus en plus.
QUELQUES PISTES CONCERNANT LES RECHERCHES FUTURES SUR LE « LEADERSHIP ADMINISTRATIF » : SON DÉVELOPPEMENT VIA LA FORMATION
Un sujet toujours en quête de précisions conceptuelles
38R. Hackman et R. Wageman rappellent que malgré toutes les recherches et tous les écrits parus sur le leadership, il n’y a toujours pas de définition généralement acceptée de ce qu’il est, ni de prééminence de paradigmes dominants pour son étude [43]. Par ailleurs, W. Bennis juge que si nous ne savons pas encore ce que serait une théorie du leadership généralement acceptée, nous savons qu’elle sera : «... obligatoirement interdisciplinaire avec la participation des chercheurs en science cognitive, en psychologie sociale, en sociologie, en neurologie, en anthropologie, en biologie, en éthique, en science politique, en histoire, en sociobiologie » [44].
39Si quelques ouvrages concourent à l’élaboration d’une telle théorie en regroupant les contributions de plusieurs auteurs connus en sciences sociales, nous sommes cependant d’avis, tout comme Bennis, que le développement d’une telle théorie devra inclure d’autres disciplines que celles qui ont historiquement dominé le champ de recherche [45]. En effet, les recherches sur le leadership ont presque toutes été réalisées par des auteurs qui œuvrent dans les sciences sociales et les sciences administratives dont la psychologie, la sociologie, la science politique, l’économie, l’anthropologie, le management et la philosophie. Les apports des autres disciplines sont malheureusement trop peu nombreux bien qu’on doive signaler les apports de la psychanalyse [46], du domaine des arts et des lettres [47], de la neuroanatomie et de la neuropsychologie [48]. Or, il y a tout lieu de penser qu’un plus grand apport de ces autres disciplines contribuerait à enrichir notre compréhension du phénomène. Ainsi, à titre d’exemple, une recherche récente portant sur le fonctionnement de la mémoire et la capacité de quelqu’un à se projeter dans le futur pourrait bien nous instruire sur la manière de faire pour élaborer et faire partager une vision personnelle. La capacité d’imaginer des situations futures spécifiques est un processus mental qui a rarement été discuté dans les neurosciences... Nos résultats lèvent le voile sur quelque chose de fondamental qui a été peu étudié à savoir la capacité de quelqu’un à se projeter mentalement dans le futur [49].
40Par ailleurs, il existe trop peu de contributions significatives de la physique ou de la génétique au sujet du leadership, autres que des métaphores évocatrices [50], l’une des dernières en liste étant celle du « chaos » [51].
41Pour que ces disciplines soient en mesure de concourir à l’élaboration d’une théorie générale sur le leadership, il faudra trouver le moyen de favoriser une réelle interdisciplinarité [52] dans les recherches futures portant sur le sujet. Un des moyens les plus concrets serait d’encourager la participation d’un plus grand nombre de disciplines, et non seulement des disciplines usuelles, aux colloques, recherches et ouvrages futurs portant sur le thème. Ce sont de telles occasions qui pourront encourager les chercheurs à mettre leurs efforts en commun pour mieux explorer, ou explorer de façon différente, le leadership.
42Par ailleurs, nous sommes d’avis que plusieurs questions relatives au leadership méritent qu’on s’y attarde davantage au cours des prochaines années. Hackman et Wageman en soulèvent quatre qui ouvrent la porte à de nouvelles perspectives dans la recherche sur le leadership. Quand les leaders font-ils vraiment la différence – et quand sont-ils pratiquement inutiles ? Le « bon » et le « mauvais » leadership constituent-ils des phénomènes qualitativement différents ? Le leadership « partagé » est-il véritablement viable ? Quelle est la meilleure façon d’aider les leaders à apprendre leur métier ? [53]
43D’autres questions portent sur des aspects du leadership discutées ailleurs dans ce texte. Ainsi, qu’en est-il de tout ce qui touche aux collaborateurs et des facteurs psychosociologiques les amenant à réagir positivement aux actions posées par un leader ? Un autre sujet porte sur le leadership au féminin : dans quelle mesure les femmes qui exercent du leadership l’exercent-elles différemment ? Il faudrait enfin s’attacher à mieux comprendre jusqu’où et sur quoi peut s’exercer légitimement et concrètement le leadership dans les organisations publiques et comment l’exercice du leadership dans l’administration peut ou doit se conjuguer à l’exercice du leadership par les élus en poste.
Un contexte qui appelle à la fois à davantage de « leadership administratif » dans le secteur public et à une meilleure compréhension de sa pratique
44Il semble que l’importance d’une administration publique compétente, non corrompue, neutre sur le plan partisan et dédiée au service public échappe à la plupart des citoyens des pays qui ont la chance d’en compter une. À l’inverse, la mise sur pied d’une telle administration fait partie des atouts absolument nécessaires et difficiles à établir dans les pays en développement. Servir l’État devrait donc être source de fierté pour la grande majorité des agents du service public, ce qui n’est malheureusement pas le cas dans la plupart de nos pays. De plus, il n’est pas rare d’observer que les gestionnaires d’un côté, le personnel professionnel ou technique de l’autre, se considèrent comme des adversaires alors que tous sont apparemment animés par le même idéal : celui de rendre des services publics de qualité ou d’agir dans l’intérêt public. Un tel contexte caractérisé par une perception peu flatteuse, quand elle n’est pas carrément négative, de l’administration ne devrait pas laisser ses leaders indifférents. Or, outre quelques discours d’usage et convenus sur l’importance des administrations nationales, régionales ou locales et de leurs personnels on observe bien peu de manifestations de leadership à ce chapitre.
45Une autre situation a trait à la modernisation des administrations publiques qui appelle périodiquement des adaptations voire à des changements radicaux. Le moins que l’on puisse dire à ce sujet c’est que la plupart de nos administrations sont rarement proactives à cet égard, préférant souvent résister au changement voire chercher à les contrecarrer. Il faut bien l’avouer, la conduite des changements dans nos administrations n’a rien de particulièrement exemplaire. Bien sûr, il y a des changements qui s’opèrent sous la pression de nouveaux modes de gestion, de nouvelles technologies ou de la réduction de ressources. Cependant, il s’agit trop souvent de changements « à la pièce », qui s’inscrivent rarement dans une vision et une stratégie d’ensemble et dynamique procédant d’une lecture convaincante des défis posés et que l’administration a su faire siennes, le tout s’appuyant sur une volonté politique bien articulée et cohérente, sur la remise en question de certaines façons de faire et sur les expériences d’autres administrations. À ce chapitre aussi, des leaders qui proposent et incarnent la vision d’une administration moderne, qui réussissent à la traduire dans des objectifs et des projets enthousiasmants et réalistes, tout en tenant compte des nombreuses et inévitables embûches de tous ordres et accompagnant les agents de l’État dans de tels changements, constituent plus souvent l’exception que la règle.
46Si les éléments de contexte évoqués plus haut militent en faveur de plus de leadership administratif, on doit convenir par ailleurs que les pratiques spécifiques qui devraient en découler demeurent imprécises. C’est dans cette optique qu’on devrait procéder à davantage d’études du leadership « en action ». Bien qu’il ne soit pas de coutume pour les administrations de se prêter à l’observation et à l’analyse de ses pratiques de gestion, de telles opérations pourraient permettre des avancées importantes au chapitre de la compréhension des défis spécifiques que pose l’exercice du leadership dans l’administration publique et de circonscrire les « bonnes pratiques » en cette matière. À cet égard, l’administration française constitue un cas des plus intéressants alors qu’elle a enclenché des changements importants au cours des dernières années, dont la mise en œuvre de la loi organique des lois de finances (LOLF), auxquels s’en ajouteront d’autres si l’on prête foi au programme électoral du nouveau président français, M. Nicolas Sarkozy. Une proposition concrète prendrait la forme d’une étude portant sur un groupe de gestionnaires de l’administration française, en l’occurrence les responsables de programmes visés par la LOLF [54]. Ces gestionnaires constituent des acteurs de premier plan dans cette réforme d’envergure et leur manière d’envisager le leadership pourrait avoir un impact décisif sur ses résultats. L’observation d’un tel groupe pourrait être riche d’enseignements, d’abord pour ceux qui en font partie, mais aussi pour tous ceux et celles qui cherchent à mieux comprendre les ingrédients de réformes qui fonctionnent.
La formation au leadership [55]
47L’Organisation de coopération et développement économique (OCDE) rapporte dans son document sur la modernisation de l’État [56] que plusieurs pays membres disposent de politiques visant à développer le leadership au sein de leurs administrations publiques. Ces politiques ont donné lieu notamment à l’identification de compétences essentielles, à des programmes d’évaluation des compétences et à la mise en place de formations portant spécifiquement sur le leadership. C’est le cas notamment du Royaume-Uni, des États-Unis, de l’Allemagne, de la Suède et du Mexique (la France n’est pas citée). En Amérique du Nord, rares sont les écoles ou programmes de gestion qui ne lui font pas une place de choix [57]. L’École nationale d’administration publique (ENAP) du Québec, par exemple, compte une chaire de recherche sur le sujet et est le partenaire privilégié du gouvernement du Québec dans la gestion du Centre québécois de leadership dans le secteur public [58]. Pour sa part, l’École de la fonction publique du Canada fait du leadership un concept-clé pour l’ensemble des compétences à développer chez les cadres du gouvernement canadien [59].
48L’existence de ces politiques s’appuie non seulement sur la conviction que les compétences des leaders peuvent être identifiées et observées, pour ne pas dire « mesurées », mais qu’elles peuvent être également, du moins à certains degrés, développées ou à tout le moins renforcées.
49Pourtant, des auteurs comme W. Bennis [60] et G. Mintzberg [61] doutent depuis longtemps que la formation offerte par la plupart des écoles de gestion permette de développer les qualités indispensables aux leaders : « offrons-nous une éducation qui, dans le domaine du leadership, cultivera les compétences cognitives, émotionnelles et interpersonnelles requises pour assurer un succès soutenu dans la Nouvelle Économie ? » [62].
50Sans chercher à répondre à cette question, nous terminons cet article en présentant, à titre indicatif, certains éléments d’un programme de formation au leadership offert par l’École nationale d’administration publique et dont nous partageons ici quelques-unes des leçons que nous en tirons à ce jour.
51Le programme du « Leadership en action pour gestionnaires de gestionnaires »
(LAGG) est proposé depuis janvier 2006 à des gestionnaires publics, ayant été promu
depuis peu à des postes de direction supérieure au sein de l’administration gouvernementale
québécoise. Développé sous l’auspice du Centre québécois de leadership, résultat d’un
partenariat entre le gouvernement du Québec et l’École nationale d’administration
publique, le programme s’articule autour du développement de cinq compétences principales à savoir l’élaboration d’une vision stratégique, l’exercice d’un leadership mobilisateur, la gestion dans la complexité et le changement, la pratique du sens politique et la
gestion de crises. Le tableau suivant présente les objectifs poursuivis au regard de chacune
des compétences :
Ces cinq compétences sont abordées lors d’autant de rencontres, d’une durée de deux
jours pour chacune des trois premières, et d’une journée chacune pour les deux dernières.
Le programme qui dure un an se termine par une journée d’intégration.
Les trois compétences que cherche à développer le programme LAGG
Les trois compétences que cherche à développer le programme LAGG
52Il est utile d’indiquer que cette formation a été précédée d’une réflexion commandée par le gouvernement du Québec sur les compétences à développer chez ses gestionnaires supérieurs [63], ce qui lui permit d’établir une liste de dix-neuf compétences à développer. Les cinq compétences retenues pour les buts du programme évoqué le furent après consultation des autorités gouvernementales. Elles étaient celles qui semblaient prioritaires dans ce groupe de cadres en particulier (des « gestionnaires de gestionnaires »). De plus, si tous les cadres supérieurs nommés étaient encouragés à suivre la formation offerte, leur admission au programme était conditionnelle à un appui formel en ce sens par le sous-ministre concerné [64].
53L’expérience de cette formation avec trois groupes d’une quinzaine de participants chacun permet de tirer les leçons suivantes : premièrement, l’appui formel des autorités supérieures, qui dans le présent cas prend la forme d’une lettre à cet effet, doit constituer l’un des principaux critères d’admission au programme. Cet appui est indicatif non seulement de la pertinence de la formation du point de vue de la direction mais signifie aussi que cette dernière juge la formation offerte comme un investissement dans des personnes dont le potentiel est jugé prometteur pour l’organisation. On peut alors penser que le transfert des apprentissages sera d’autant plus probable que les supérieurs du candidat à la formation auront exprimé des attentes dans ce sens en échange de l’appui formel qu’ils lui ont signifié. Enfin, cet appui facilite l’implication du candidat dans sa formation : le métier de gestionnaire est exigeant et, à moins que la formation ne soit jugée importante, les participants trouveront sans peine des raisons pour s’y soustraire.
54Deuxièmement, bien que le leadership soit présenté comme une compétence distincte, elle doit être abordée comme étant indissociable des quatre autres. Ceci exige des formateurs intervenant sur les cinq compétences de collaborer étroitement à la conception du programme et d’accepter que les situations discutées devront souvent être traitées en conjuguant les cinq compétences au programme (et mêmes d’autres compétences non formellement prévues au programme). Par ailleurs, ce qui caractérise la formation sur la compétence du leadership mobilisatrice par rapport aux quatre autres compétences, c’est l’approche très personnalisée. Ainsi, les participants sont invités, à l’aide de tests et d’exercices divers, à réfléchir sur leurs traits de personnalité, leurs styles d’interaction dans l’organisation, etc.
55Troisièmement, si chaque rencontre débute avec quelques éclairages conceptuels et théoriques, un des défis pédagogiques est de l’animer essentiellement à partir des expériences des participants ou de praticiens de la gestion invités et prêts à partager des expériences riches de leçons apprises. Bref, les dix directives que Mintzberg proposait aux professeurs souhaitant former de vrais managers résument assez bien les défis pédagogiques à relever. « Directives : « nos 1,2 et 3 : « Ne cherchez pas à en faire trop. Ne cherchez pas à en faire trop. Ne surchargez pas vos cours. » no 4 : « Prévoyez une heure supplémentaire pas session, mais ne le dites aux « instructeurs que lorsqu’ils arrivent. » no 5 : « Professez moins : les participants ont au moins autant à apprendre les uns des autres que des professeurs. » no 6 : « Laissez les participants s’approprier les concepts qui leur sont présentés. » no 7 : « Soyez souples, laissez se poursuivre les bonnes discussions. Si nécessaire, supprimez les éléments que vous étiez censé « couvrir ». nos 8,9 et 10 : « Écoutez. Écoutez. Écoutez » [65].
Le leadership administratif comme thème pertinent au regard de l’administration française ?
56Les auteurs de cet article, de culture nord-américaine, ont proposé un tour d’horizon rapide sur un sujet, le leadership, dont les contours et la portée restent mal définis. Ils ont, à des fins de synthèse, soumis quelques propositions relatives aux théories et à la pratique du leadership, notamment dans le secteur public.
57Compte tenu de l’abondante littérature qui traite du leadership, les auteurs acceptent sans aucune gêne le reproche de ne pas en avoir couvert tous les angles. Ils seraient cependant plus déçus si leurs propos ne contribuaient pas à susciter ou à alimenter un débat sur la pertinence de la réception d’un tel concept au sein de l’administration publique française. L’enjeu pour les gestionnaires publics étant d’accepter d’exercer un tel leadership non pas sur la seule base des pouvoirs que leur confèrent leur statut hiérarchique, leurs compétences techniques ou professionnelles, mais sur leur capacité à décoder les attentes et appréhensions de leurs collaborateurs et à les guider dans l’analyse, la compréhension et la maîtrise, en réalité toujours incomplètes, d’environnements complexes, incertains et parfois turbulents [66].
Annexe : Le cycle d’action du leadership : aperçu global et références aux chapitres concernés
Annexe : Le cycle d’action du leadership : aperçu global et références aux chapitres concernés
Notes
-
[1]
Nous tenons à remercier Mme Valérie Malnati, membre de l’Observatoire des politiques économiques en Europe (Strasbourg) dont la lecture critique des versions successives a contribué à améliorer la qualité du propos.
-
[2]
Delisle (Stéphane), Rinfret (Natalie), L’étude du leadership dans le secteur public : état de la situation, Chaire La Capitale en Leadership dans le secteur public, École nationale d’administration publique, Québec, 2006.
-
[3]
Pour des précisions sur cette théorie et son application à l’administration, consulter Lane (Jan-Erik), Public administration and public management : The principal-agent perspective, Abingdon, Oxon; New York (NY), Routledge, 2005. Le concept d’« agent » réfère ici à tous les administrateurs, gestionnaires et autres employés œuvrant dans le secteur public.
-
[4]
Page (Edward C.), Wright (Vincent) ed., From the Active to the Enabling State, The Changing Role of Top Off?cials in European Nations, New York, Palgrave Macmillan, 2007.
-
[5]
Le leadership peut très bien s’exercer au sein d’un groupe par une ou des personnes qui n’occupent pas de positions hiérarchiques dans ce groupe.
-
[6]
Nos propos s’inspirent très largement des Carnets de Leadership réalisés ces quatre dernières années par Michel Leclerc, professeur associé à l’ENAP et qui proposent des synthèses d’ouvrages et d’articles portant sur le leadership. Le lecteur pourra retrouver l’ensemble des Carnets produits entre 2004 et 2007 à l’adresse suivante : http :// www. cql. enap. ca/ fr/ nouvelles. aspx ? sortcode= 1. 19
-
[7]
Bass (Bernard M.), Handbook of Leadership. Theory, Research and Managerial Applications, New York, The Free Press, 1990 (3e édition), p. 19. Parmi les ouvrages du même type sur le sujet et sur l’évolution historique des théories à son sujet, consulter : Goethals (George R.), Sorenson (Georgia J.), MacGregor Burns (James), Encyclopedia of Leadership, (4 volumes), Thousand Oaks, California, Sage Publications Inc, 2004, 4 698 pages (annexes en sus).
-
[8]
À défaut d’un meilleur terme pour traduire le mot anglais « followers ».
-
[9]
En novembre 2001, James MacGregor Burns réunit un groupe d’environ 25 universitaires de diverses disciplines à l’Université de Richmond en Virginie pour développer une discipline qui aurait le même statut scientifique que l’économie ou la criminologie. Cette aventure scientifique s’est terminée avec la production d’un livre, The Quest for a General Theory of Leadership, fruit de plusieurs rencontres étalées sur près de quatre ans.
-
[10]
Goethals (George R.), Sorenson (Georgia J.), The Quest for a General Theory of Leadership, Northampton Massachusetts, Edward Elgar Publishing, 2006, p. 239. Traduction libre des auteurs.
-
[11]
MacGregor Burns (James), Leadership, Harper Torchbooks, 1978. L’auteur y définit ainsi le leadership : « Le leadership chez les humains s’exerce quand des personnes mues par certaines motivations et certains objectifs, mobilisent, en compétition ou en conflit avec d’autres personnes, des ressources institutionnelles, politiques, psychologiques ou autres pour susciter, canaliser ou satisfaire les motivations de collaborateurs. » (p. 2).
-
[12]
Cette dernière partie pouvant être mise en lien avec le « leadership transformationnel », notion introduite par James McGregor Burns en 1978 et sur laquelle nous reviendrons plus loin dans le texte.
-
[13]
OCDE, Moderniser l’État, la route à suivre, Paris, 2005, p. 204.
-
[14]
Yulk (Gary), Leadership in Organizations, Englewoods Cliffs, NJ : Prentice Hall, 1989, deuxième édition, p. 4-5. Traduction libre des auteurs.
-
[15]
Van Wart (Montgomery), Dynamics of Leadership. Theory and Practice, New York, M. E. Sharpe, 2005.
-
[16]
La principale critique que nous inspire ce type de proposition est qu’il ne nous permet pas de distinguer ce qui est attendu de tout gestionnaire de ce qu’on attend plus spécifiquement d’un leader.
-
[17]
Bass (Bernard M.), Handbook of Leadership. Theory, Research and Managerial Applications, op. cit., p. 87. Traduction libre des auteurs.
-
[18]
Bennis (Warren), On Becoming a Leader, Reading, Mass., Addison-Wesley, 1989, le chapitre 2.
-
[19]
Consulter sur ce sujet le numéro récent de la revue The Leadership Quarterly, 2007, vol. 18 (3), p. 171-292 qui porte spécifiquement sur le « leadership destructeur ».
-
[20]
Cet aspect de l’exercice du leadership qui amène le leader à s’opposer à ses collaborateurs est rarement évoqué. Aaron Wildavsky, dans un essai parmi les plus originaux sur le leadership (The Nursing Father : Moses as a Political Leader, The University of Alabama Press, 1984) identifie quatre régimes politiques auxquels correspondent autant de styles de leadership. L’épisode de la colère de Moïse à la vue du veau d’or illustre comment un leader, dans un régime marqué par l’anarchie, doit pouvoir confronter voire s’opposer de façon brutale à ses collaborateurs dont les comportements sont jugés inacceptables et ce même au risque, pour le leader concerné, de se voir écarté au profit d’un leader plus complaisant.
-
[21]
Lorenzi (Peter), « Managing for the Common Good : Prosocial Leadership », Organizational Dynamics : New Leadership for a New Time (numéro spécial), Elsevier Inc., vol. 33 (3), 2004. L’extrait est tiré des Carnets de Leadership 2005, vol. 2 (4), p. 3.
-
[22]
Barnard (Chester), The Functions of the Executive. London, GB, Oxford University Press, 1938, p. 163. Traduction libre des auteurs.
-
[23]
Lord (Robert G.), Brown (Douglas J.), Leadership Processes and Follower Self-Identity, Mahwah, N. J., Lawrence Erlbaum Associates, 2004, p. 3. Traduction libre des auteurs.
-
[24]
MacGregor Burns (James), Leadership, New York : Harper Torchbooks, 1978, p. 19. Traduction libre des auteurs.
-
[25]
Ibidem note 24, p. 302. Traduction libre des auteurs.
-
[26]
Boehnke (Karen) et al., « Transformational Leadership : an Examination of Cross-national Differences and Similarities », Leadership & Organization Development, 2003, vol. 24 (1), p. 5.
-
[27]
Lowe (K. B.) et al. « Effectiveness correlates of transformational and transactional leadership : a meta-analytic review of the MLQ literature », Leadership Quarterly, vol. 7 (3), 1996, p. 385-425.
-
[28]
Barling (J.), Slater (F.) & Kelloway (K. E.), “Transformational leadership and emotional intelligence : An exploratory study.” Leadership and Organization Development Journal, 2000, vol. 21 (3), p. 157-161; Dvir (T.), Avolio (B. J.) & Shamir (B.), “Impact of transformational leadership on follower development and performance : A field experiment.” Academy of Management Journal, 2002, vol. 45 (4), p. 735-744.
-
[29]
Goleman (Daniel), L’intelligence émotionnelle : comment transformer ses émotions en intelligence, Paris. Robert Laffont éditeur, 1997.
-
[30]
Küpers (Wendelin); Weibler (Jürgen), « How emotional is transformational leadership really ? Some suggestions for a necessary extension », Leadership and Organization Development Journal, 2006, vol. 27 (5), p. 369.
-
[31]
Brown F. William et al., « Does emotional intelligence – as measured by the EQI – influence transformational leadership and/or desirable outcomes ? », Leadership and Organization Development Journal, 2006, vol. 27 (5), p. 330-351.
-
[32]
Goleman (Daniel), « Leadership that gets Results », Harvard Business Review, 2000, vol. 78 (2), p. 78-90; Goleman (Daniel), Boyatzis (Richard), McKee (Annie), « Primal Leadership : The Hidden Driver of Great Performance », Havard Business Review, décembre 2001,10 pages.
-
[33]
Bass (B. M.) et Avolio (B. J.), « Transformational Leadership : a response to critiques », in Chemers (M.M.) and Ayman (R.) ed., Leadership Theory and Research : Perspectives and Directions, Academy Press, San Diego, CA, 1993, p. 49-80.
-
[34]
Traduit et adapté de Küpers (W.) et Weibler (J.), « How emotional is transformational leadership really ? », op. cit., p. 377.
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[35]
Extraits tirés de l’entrevue que l’auteur accordait au journal La Presse de Montréal le 13 avril 2007.
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[36]
Lord (Robert G.), Brown (Douglas J.), Leadership Processes and Follower Self-Identity, Mahwah, N. J., Lawrence Erlbaum Associates, 2004, p. 3-4. Traduction libre des auteurs.
-
[37]
Pauchant (Thierry C.) et al., La Quête du sens, gérer nos organisations pour la santé des personnes, de nos sociétés et de la nature, Montréal, Presses HEC, 1996.
-
[38]
Morin (Edgar), La complexité humaine, Textes rassemblés par Edgar Morin et présentés par Heinz Weinmann, Flammarion, 1994, p. 311-340.
-
[39]
Zara (Olivier), Le management de l’intelligence collective : vers une nouvelle gouvernance, Paris, M2 Éditions, 2004.
-
[40]
Senge (Peter), Gauthier (Alain), La cinquième discipline, l’art et la manière des organisations qui apprennent, Paris, First, 1991.
-
[41]
Senge (Peter) et al., « Presence. An Exploration of Profound Change in People, Organizations and Society », New York, Currency Doubleday, 2005. L’extrait est tiré des Carnets de leadership, 2006, vol. 3 (5), p. 2.
-
[42]
Le lecteur trouvera sur le site wwww. globalleadershipinitiative. orgdes exemples de problèmes auxquels cette approche a été appliquée.
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[43]
Hackman (Richard J.), Wageman (Ruth), « Asking the Right Questions About Leadership », American Psychologist, 2007, vol. 62 (1), p. 43-47.
-
[44]
Bennis, (Warren), « The Challenges of Leadership in the Modern World », American Psychologist, 2007, vol. 62 (1), p. 4.
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[45]
Nous pensons tout particulièrement à l’ouvrage de Goethals (George R.), Sorenson (Georgia J.), The Quest for a General Theory of Leadership, Northampton Massachusetts : Edward Elgar Publishing, 2006.
-
[46]
Kets de Vries (Manfred), Les mystères du leadership, Diriger c’est vendre de l’espoir, Paris, Editions Village mondial, 2002.
-
[47]
Stone Zander (Rosamund), Zander (Benjamin), L’Univers de la possibilité. Un art à découvrir, Saint-Hubert (Canada), Les Éditions Un monde différent Ltée, 2003; March (James G.), Weil (Thierry), Le leadership dans les organisations, Paris, Les Presses de l’École des Mines, 2003.
-
[48]
Goldberg (Eikhonon), The Executive Brain. Frontal Lobes and the Civilized Mind, Oxford University Press, 2001.
-
[49]
Szpurnar (Karl. K.), Watson (Jason M.) et McDermott (Kathleen B.), « Neural substrates of envisioning the future », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 104 (2), 2007. Traduction libre des auteurs.
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[50]
L’ouvrage de Morgan (Gareth), Images de l’organisation, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1999, demeure une référence pour qui s’intéresse aux images archétypales les plus souvent utilisées pour évoquer le fonctionnement des organisations.
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[51]
Le chaos, d’abord constaté et modélisé par des météorologues, représente, dans l’étude de phénomènes décrits par plusieurs paramètres, la très grande sensibilité aux conditions initiales, laquelle peut donner lieu à des comportements imprévisibles. C’est ce qu’on a appelé en langage populaire « l’effet papillon ». Plusieurs auteurs se sont inspirés du concept de « chaos » et de sa dynamique sous-jacente pour décrire le fonctionnement de certaines organisations évoluant dans des environnements complexes et turbulents. Le lecteur intéressé au sujet pourra consulter : Wheatley (Margaret J.), Leadership and the new science, discovering order in a chaotic world, 2e éd., San Francisco, Berrett-Koehler, 2001.
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[52]
Dans un ouvrage de l’OCDE, L’interdisciplinarité. Problèmes d’enseignement et de recherche dans les universités, Paris, 1972, p. 98, Erich Jantsch définit l’interdisciplinarité comme « une axiomatique commune à un groupe de disciplines connexes, définie au niveau ou sous-niveau hiérarchique immédiatement supérieur, ce qui introduit une notion de finalité », une définition qui rappelle les exigences d’une approche plus complexe qu’il n’y paraît.
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[53]
Ibidem note 42.
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[54]
Une suggestion que nous a inspirée la présentation de M. Frank Mordacq, directeur de la modernisation au ministère français de l’industrie et des finances, sur la modernisation de l’État français, le 30 avril 2007 à l’École nationale d’administration publique à Québec.
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[55]
Les positions sur le développement des capacités des leaders présentées dans cette section ont en commun de rejeter l’idée selon laquelle ces compétences seraient innées, voire génétiquement transmises (auquel cas, toute formation est futile). Par contre, un examen même rapide des caractéristiques les plus souvent proposées suggère qu’il est peu probable que, pour l’essentiel, les caractéristiques propres au leadership puissent être acquises rapidement et facilement via des sessions de formation de quelques jours ou de quelques semaines. Plus probablement, le développement de ces caractéristiques de leadership débute tôt dans la vie d’un individu, encouragé dès l’enfance puis à l’adolescence à s’affirmer comme tel dans diverses situations. En d’autres termes, le mode de développement des leaders est encore peu compris et fort probablement plus complexe que ce qu’une certaine littérature populaire laisse entendre.
-
[56]
OCDE, Moderniser l’État, la route à suivre, Paris, 2005, encadré 6.3, pp. 205-207.
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[57]
S’il nous est impossible de produire une liste exhaustive des organismes offrant des réflexions ou formations sur le sujet, nous nous permettons tout de même de signaler le Center for Creative Leadership ((http :// www. ccl. org/ leadership/ index. aspx),une référence indispensable pour qui s’intéresse au sujet, traité dans une perspective nord-américaine.
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[58]
Pour des informations additionnelles, se référer au site www. enap. ca.
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[59]
Pour des informations additionnelles, se référer au site hhttp :// www. myschool-monecole. gc. ca/ corporate/cd_f.html
-
[60]
Bennis (Warren), Spreitzer (Gretchen M.), Cummings (Thomas C.) eds., The Future of Leadership. Today’s Top Leadership Thinkers Speak to Tomorrow’s Leaders, San Francisco, Jossey-Bass, 2001,316 pages.
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[61]
Mintzberg (Henry), Des managers, des vrais ! Pas des MBA, Un regard critique sur le management et son enseignement, Paris, Éditions d’Organisation, 2005.
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[62]
Ibidem note 59, page 13. Traduction libre des auteurs.
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[63]
Bourgault (Jacques), Charih (Mohamed), Maltais (Daniel) et Rouillard (Lucie), « Les rôles et les compétences des gestionnaires supérieurs du gouvernement du Québec pour l’avenir », Centre d’expertise en gestion des ressources humaines, Québec, Secrétariat du Conseil du Trésor, 2003,255 pages.
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[64]
Dans le système québécois, le sous-ministre occupe le poste administratif hiérarchiquement le plus élevé et est le responsable ultime de la gestion des ressources humaines de son ministère.
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[65]
Ibidem note 60, p. 327.
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[66]
Aussi invitons-nous ceux et celles qui œuvrent au sein de l’administration publique française et qui voudraient réagir au contenu de cet article à faire parvenir leurs commentaires à leurs auteurs ou à la rédaction de la RFAP.