Notes
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[1]
Dans la communication des Pays-Bas, on note, page 12 : « Environ 60 % du coût total du transport de voyageurs par rail est actuellement pris en charge par l’administration centrale… Le mode de calcul des coûts n’incite aucunement le secteur ferroviaire et les compagnies de transport à opérer de manière efficiente. »
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[2]
Au Mexique, il est interdit aux titulaires des concessions des trois grandes lignes de détenir plus de 5 % des autres sociétés de chemins de fer.
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[3]
Communication du Mexique, page 14.
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[4]
Communication de l’Italie, page 12.
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[5]
La plupart des services de fret ferroviaire au Danemark consistent en une opération de transit de la Suède vers l’Allemagne et inversement.
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[6]
Dans l’affaire GVG, l’UE a reconnu que cette séparation d’entreprises n’était pas suffisante pour éliminer les incitations poussant FS à se comporter comme un opérateur unique intégré.
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[7]
La législation suisse exige des opérateurs ferroviaires qu’ils séparent sur le plan organisationnel et financier l’infrastructure des autres composantes de leur activité.
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[8]
Communication de la Suède, p. 11.
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[9]
Communication du Mexique, page 10.
1À la lumière des communications écrites, de la note de référence et des débats, on peut dégager les points suivants :
21. Au cours des 25 dernières années, dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE, le secteur ferroviaire a connu des réformes importantes. Ces réformes étaient généralement motivées par le manque d’efficience et la médiocrité des performances de ce secteur ainsi que par la perte, à terme, de parts de marché au profit d’autres modes de transport. L’un des principaux axes de la réforme a été d’améliorer le gouvernement d’entreprise des opérateurs ferroviaires en place (par la transformation en société commerciale et, parfois, la privatisation) et de dépolitiser le financement public (subventions) du secteur. Au Mexique, par exemple, l’entreprise publique intégrée des chemins de fer a été divisée en trois lignes majeures (et un certain nombre de lignes courtes) qui ont ensuite été effectivement privatisées par le biais de concessions de longue durée, ce qui a eu un impact positif non négligeable sur la productivité, la sécurité et la qualité des services.
3Il existe de proches substituts de nombreux services ferroviaires, mais souvent leur prix ne reflète pas pleinement leur coût, ce qui dissuade d’emprunter le rail.
4Bien que beaucoup de services ferroviaires aient de proches substituts dans d’autres modes de transport, ces autres modes ne sont dans la plupart des cas pas encore tarifés de manière efficiente (pour tenir compte de la totalité des coûts liés aux infrastructures, aux accidents, à l’environnement et à la congestion). Par exemple, bien qu’il y ait quelques exceptions, il n’est pas encore courant de voir les péages routiers (quand il y en a) modulés en fonction du degré de congestion. Si le transport routier est sous-tarifé, il est efficient du point de vue économique (même si ce n’est pas la solution de premier choix) de sous-tarifer le mode ferroviaire également, en le subventionnant au besoin. En l’absence d’intervention gouvernementale, le prix des services ferroviaires serait trop élevé et leur utilisation serait trop faible par rapport à celle d’autres modes de transport.
5C’est en partie à cause de la tarification incorrecte des modes de substitution que presque tous les pays de l’OCDE subventionnent le secteur ferroviaire d’une manière ou d’une autre – tout au moins via le financement public des nouvelles infrastructures et, souvent, par le biais d’aides directes aux services de transport de voyageurs. Dans certains pays (comme le Danemark et l’Italie), les subventions directes pour ce transport dépassent les recettes du trafic voyageurs. Comme la conception de ces subventions influe directement sur les incitations des opérateurs ferroviaires, elle occupe une place essentielle dans la conception du régime réglementaire d’ensemble [1]. En particulier, la conception de ces subventions se répercutera sur les incitations des opérateurs à accroître le volume de services ferroviaires, à améliorer l’efficience de leur production et à investir. À cet égard, dans de nombreux pays, les chemins de fer subventionnés ont longtemps souffert d’un sous-investissement.
62. Le rôle exact de la réforme structurelle dans le secteur ferroviaire dépend de la forme de concurrence/réglementation que l’on recherche. Dans ce secteur, on recense trois modes différents de concurrence.
7Selon les pays de l’OCDE, la forme de concurrence/réglementation que l’on s’efforce de mettre en œuvre dans le secteur ferroviaire varie considérablement. On recense trois modes de concurrence qui ne s’excluent pas mutuellement. On peut avoir des modes différents opérant simultanément pour la fourniture de services différents sur des parties différentes de l’infrastructure.
8Les trois modes de concurrence dans le secteur ferroviaire sont les suivants :
- Concurrence sur le marché entre des sociétés de chemins de fer intégrées verticalement. Cette forme de concurrence exige au moins deux réseaux distincts capables d’offrir des services substituables (par exemple, deux voies ferrées différentes reliant deux villes données). C’est la forme de concurrence qui prédomine dans les services de fret ferroviaire en Amérique du Nord;
- Concurrence sur le marché entre des sociétés d’exploitation de trains avec accès imposé au réseau (les voies pouvant être ou non la propriété d’une des sociétés offrant les services ferroviaires). C’est la forme de concurrence qui prédomine pour les services de fret en Europe et dans la majeure partie de l’Australie;
- Concurrence pour le marché entre des sociétés de chemins de fer (soit pour des services intégrés réseau plus services ferroviaires, ou uniquement pour des services ferroviaires, opérant suivant un régime de réglementation de l’accès au réseau). C’est la forme de concurrence qui prédomine pour les services de voyageurs dans de nombreux pays de l’UE.
9La concurrence sur le marché entre des sociétés de chemins de fer intégrées verticalement peut fonctionner avec une réglementation limitée.
10En Amérique du Nord, il a été possible de mettre en œuvre une forme essentielle de concurrence : la concurrence sur le marché entre des sociétés de chemins de fer intégrées verticalement. Ce type de concurrence peut être important pour le transport de fret entre des paires de villes et pour celui qui comporte un tronçon maritime. Dans ce cas, deux itinéraires ayant la même origine mais desservant des ports différents seront jusqu’à un certain point en concurrence. C’est une forme de ce qui est connu sous le nom de concurrence « à la source » ou « géographique ». L’expérience montre que cette stratégie a permis, du moins en Amérique du Nord, d’assurer une certaine concurrence avec relativement peu d’intervention des régulateurs. Cette intervention peut se limiter à la réforme structurelle, à l’accès aux installations essentielles restantes et à la protection des expéditeurs « captifs ».
11L’exemple le plus parlant de la concurrence entre sociétés de chemin de fer intégrées nous vient du Canada, où les deux opérateurs en place exploitent deux réseaux qui se chevauchent largement et sont capables de fournir une large palette de services substituables (en concurrence). Aux États-Unis, bien que des fusions aient réduit le nombre de grandes compagnies, dans de nombreux États (mais pas tous) les expéditeurs ont le choix entre au moins deux compagnies, surtout pour les longues distances. Au Mexique, la restructuration des chemins de fer a cherché expressément à promouvoir la concurrence entre les compagnies en veillant à ce que les grandes villes, la frontière avec les États-Unis et les côtes atlantique et pacifique soient desservies par au moins deux compagnies. Au Mexique, les règles régissant la propriété croisée empêchent de nouveaux regroupements [2].
12Cette concurrence entre sociétés intégrées aux États-Unis a permis aux régulateurs (lorsqu’elle se conjuguait avec la concurrence intermodale) de ne pas réguler la plupart des tarifs de transport ferroviaire de fret. Quelque 20 pour cent seulement du trafic de fret est soumis à réglementation, en particulier pour les transporteurs de marchandises en vrac (charbon, certains produits chimiques, et certains produits agricoles) qui n’ont pas accès à une voie navigable intérieure ou à une autre ligne de chemin de fer. Dans bien des cas, les compagnies ferroviaires autorisent les trains d’un autre opérateur à emprunter leurs propres infrastructures (voies, gares, gares de triage) – notamment par le biais d’accords de réciprocité. Parfois, il est possible d’améliorer sensiblement la concurrence, en imposant l’accès dans des cas particuliers (comme condition d’une fusion, par exemple).
13Inévitablement, la présence de nombreuses sociétés de chemins de fer intégrées crée des problèmes de « jonction », la fourniture de certains services de transport à l’utilisateur final nécessitant forcément les services de deux compagnies ou davantage. Par exemple, la restructuration du réseau ferré mexicain a considérablement stimulé la productivité et augmenté le trafic ferroviaire, mais aux dépens de celui qui passe par les jonctions nouvellement créées sur le réseau. Entre 1995 et 2002, le volume de trafic circulant entre les entités ferroviaires est passé de 24 % de l’ensemble du fret à 12 %.
143. Promouvoir la concurrence au sein du secteur ferroviaire par le biais de l’accès imposé au réseau et à l’infrastructure connexe soulève de nombreuses questions nouvelles et importantes de réglementation.
15S’agissant des services de fret en particulier, la plupart des pays de l’OCDE tablent sur la concurrence entre les opérateurs des trains avec un régime d’accès au réseau et à l’infrastructure connexe. C’est une illustration du problème classique de « l’accès aux installations essentielles ».
16Comme dans d’autres services d’intérêt public, l’abandon de la réglementation des prix et des services au niveau de l’utilisateur final au profit d’un régime de prix et de services d’accès soulève de nouvelles questions importantes de réglementation comme a) la tarification efficiente de l’accès à l’infrastructure, b) le partage efficient d’une capacité d’infrastructure limitée, c) le maintien des incitations nécessaires pour assurer la qualité et la fiabilité des voies, d) le maintien des incitations nécessaires pour augmenter la capacité des voies en temps utile, et e) la surveillance des trains eux-mêmes pour s’assurer que leur exploitation ne provoque pas de dégâts et n’impose pas une usure excessive à l’infrastructure.
17L’incitation du fournisseur de l’infrastructure à investir pour préserver ou améliorer la qualité du réseau dépend d’une multiplicité de facteurs. Lorsque le fournisseur de l’infrastructure n’est pas lui-même opérateur ferroviaire, il faut être particulièrement attentif à élaborer des incitations réglementaires explicites concernant la qualité, l’entretien, etc.
184. Dans un régime d’accès réglementé au réseau, l’intégration verticale pose le problème essentiel. Il sera souvent difficile de contrôler les pratiques anticoncurrentielles de l’entreprise intégrée.
19Lorsqu’on favorise la concurrence pour un service ferroviaire donné en réglementant l’accès au réseau, une question clé est de savoir si le fournisseur de l’infrastructure doit être ou non autorisé à concurrencer d’autres entreprises pour la fourniture de ce même service, autrement dit si on peut l’autoriser à demeurer intégré verticalement. Lorsqu’il est autorisé à concurrencer des opérateurs qui doivent avoir accès au réseau pour la fourniture de certains services, le fournisseur de l’infrastructure est incité à se prévaloir de sa position pour refuser l’accès ou en limiter la qualité afin de restreindre la concurrence pour l’offre de ces services. L’expérience tirée de l’observation du secteur ferroviaire et d’autres secteurs soumis à régulation montre que le régulateur et/ou l’autorité de la concurrence auront souvent des difficultés à empêcher un tel comportement anticoncurrentiel.
20Parce qu’elle supprime l’incitation à refuser ou retreindre l’accès, la séparation verticale (empêchant le propriétaire de l’infrastructure de fournir certains services ferroviaires) est à même d’intensifier la concurrence. D’un autre côté, la séparation verticale risque aussi d’accroître les coûts de production (du fait de la perte des économies de gamme) et rend plus importante l’élaboration d’incitations réglementaires efficaces à l’égard du fournisseur de l’infrastructure.
21Dans de nombreux pays, un régime d’accès imposé au réseau se double de diverses formes de séparation entre l’infrastructure et l’exploitation des trains. Pour la plupart des pays, cela prend la forme d’une séparation comptables ou organique. Les directives de l’UE exigent au moins la séparation comptable entre l’infrastructure et les services ferroviaires et une séparation complète entre certaines tâches clés de régulation (comme l’attribution des sillons) et les activités d’une compagnie ferroviaire en place. Dans quelques pays, le propriétaire de l’infrastructure n’est pas autorisé à fournir certain services (il y a donc séparation verticale pour ces services). Seuls quelques pays (dont le Royaume-Uni et la Suède) empêchent le fournisseur de l’infrastructure de fournir quelque service ferroviaire que ce soit.
22Dans la zone OCDE, on compte de nombreux exemples dans lesquels un opérateur intégré en place, fournisseur de services ferroviaires, a essayé de se prévaloir de sa position de propriétaire du réseau pour limiter ou interdire l’accès à des opérateurs ferroviaires concurrents. Par exemple, en Allemagne, le Bundeskartellamt a considéré qu’une première version du système de tarification de l’accès au réseau appliqué par Deutsche Bahn, qui comportait des ristournes en volume, favorisait sa propre filiale voyageurs (DB Regio) par rapport à ses concurrents. Des plaintes ont aussi été déposées concernant l’accès à ce qu’il est convenu d’appeler l’infrastructure « du dernier kilomètre » (installations de chargement, de déchargement et de manœuvre). En Suisse, un entrant du nom de Lokoop s’est plaint à l’Autorité suisse de la concurrence parce que SBB ne lui avait pas accordé l’accès à certaines lignes, ni l’accès aux installations de manœuvre dans les gares SBB.
23L’expérience tirée de l’observation du rail et d’autres secteurs d’intérêt public montre que les autorités de la concurrence (qui sont généralement contraintes d’intervenir après coup) sont mal armées pour assurer un accès efficace dans des délais suffisamment brefs face à des opérateurs en place déterminés à freiner l’introduction de la concurrence. Le Mexique note qu’il est « difficile de résoudre les problèmes (d’accès) par des résolutions et des sanctions de la FCC ». « L’expérience du Mexique montre qu’il ne suffit pas d’exiger des concessionnaires qu’ils fournissent l’accès. Il est indispensable de renforcer les pouvoirs du régulateur de sorte qu’il puisse intervenir effectivement en cas de besoin et disposer de pouvoirs suffisants pour définir des règles de marché claires [3]. »
245. La séparation verticale est de nature à intensifier la concurrence.
25Même lorsque le régulateur dispose de pouvoirs explicites pour intervenir et fixer les conditions de l’accès, il doit néanmoins lutter contre les incitations de l’entreprise intégrée. C’est pourquoi de nombreux pays se sont efforcés de séparer plus largement la fourniture de l’infrastructure et l’exploitation des trains. À titre d’exemple, l’Italie observe que « garantir des conditions d’égalité d’accès dans les services de fret exigerait de séparer plus nettement l’opérateur en place chargé des services de fret et la RFI. En pratique, cela reviendrait à devoir privatiser la branche services de fret de Trenitalia » [4].
26La séparation verticale ne doit pas obligatoirement constituer une opération « par tout ou rien ». Il est possible de l’appliquer service par service. Par exemple, il peut y avoir intégration verticale des services voyageurs et séparation verticale des services de fret (comme au Danemark) [5].
27De nombreux pays ont couplé l’accès imposé au réseau et diverses formes de séparation de l’infrastructure et de l’exploitation des trains, mais très peu ont coupé totalement le lien.
28De nombreux pays, principalement en Europe, ont adopté une certaine forme de séparation entre le réseau et l’exploitation des trains. Dans plusieurs cas, cette séparation est purement comptable ou juridique, comme en Italie où l’ancienne FS a été séparée en deux entités, RFI et Trenitalia, sous le contrôle d’une seule et même holding [6]. La Suisse applique également une séparation comptable entre les services voyageurs et les services d’infrastructure (les services de fret de SBB sont assurés par une filiale) [7]. À la suite de récentes directives de l’UE, de nombreux pays sont en passe de créer un nouvel organisme d’attribution des sillons, distinct de l’opérateur ferroviaire en place (quand cette tâche n’est pas déjà séparée). En Allemagne, par exemple, l’organisme d’attribution des sillons (Trassenagentur) sera créé au sein de l’autorité fédérale de régulation ferroviaire.
29C’est au Royaume-Uni et en Suède que l’on semble être allé le plus loin dans la séparation : le propriétaire de l’infrastructure ne fournit aucun service ferroviaire en propre et n’est lié financièrement à aucune autre entreprise du rail.
30La séparation verticale a des avantages et des inconvénients. Décider de la mettre en œuvre exige de trouver un juste équilibre entre plusieurs facteurs.
31Décider d’empêcher ou non le fournisseur de l’infrastructure de fournir certains (une partie ou la totalité) des services ferroviaires dépend donc des réponses qui seront apportées aux questions suivantes : 1) Quel sera l’effet sur la concurrence ? 2) Quel sera à long terme l’effet sur l’utilisation de l’infrastructure et sur la qualité, la fiabilité et l’amélioration des capacités offertes ? 3) Quel sera l’effet sur les coûts de production (du fait de la perte des économies de gamme)?
32La séparation verticale sera d’autant plus bénéfique que l’intensification de la concurrence qui en résultera sera marquée. Ce phénomène lui-même dépendra du degré de concurrence qui s’exercera vraisemblablement dans les services ferroviaires ainsi que de l’aptitude du régulateur à empêcher les comportements anticoncurrentiels du titulaire d’un réseau ferroviaire intégré.
33Dans le secteur du fret, malgré l’arrivée de nouveaux opérateurs dans de nombreux pays, les entrants restent généralement de dimension modeste. À ce jour, les opérateurs historiques ont conservé une forte part du marché du fret même dans les pays ayant poussé très loin la séparation verticale. Par exemple, en Allemagne (dont on dit que c’est l’un des pays où les marchés ferroviaires sont le plus ouverts d’Europe), on dénombre quelque 120 compagnies ferroviaires offrant des services de transport de fret. Or, en 2003, la part de marché des nouveaux entrants n’était que de 6.8 %.
34En Suède, « l’évolution du marché du fret vers un marché concurrentiel sur lequel s’affrontent des opérateurs différents a néanmoins été lente. Cela tient peut-être, entre autres, à une sous-estimation de l’importance de l’accès non discriminatoire au matériel roulant ainsi qu’à des installations essentielles comme les gares et les terminaux, les équipements de réparation et d’entretien, les gares de triage, etc. [8] ».
35Pour le transport de voyageurs, les perspectives de concurrence sur le marché semblent encore plus limitées. On n’a que très peu d’exemples de nouveaux entrants sur le marché des services de transport ferroviaire de voyageurs. Entre 1996 et 1999, on a vu un nouvel entrant, « Lovers Rail », proposer des services entre de grandes villes des Pays-Bas. En Allemagne, il existe aussi un concurrent pour le transport ferroviaire de voyageurs sur long trajet (la Connex, qui propose un service régulier sur les lignes Gera-Liepzig-Berlin-Rostock et Zittau-Gorlitz-Berlin-Stralsund).
36Comme indiqué précédemment, la séparation verticale est problématique en ce qu’elle rend encore plus nécessaire des incitations explicites pour les activités d’entretien et l’investissement dans le réseau. Jusqu’à présent, on a relativement peu d’informations qui démontreraient que la qualité ou l’investissement ont diminué dans les rares pays ayant poussé la séparation verticale le plus loin. Au Royaume-Uni, après un certain nombre d’accidents majeurs, il est apparu que le réseau était dans un état pire qu’on ne l’avait pensé. On ne sait pas très bien si cela est dû à l’absence d’incitations réglementaires adéquates pour l’entretien ou simplement à un manque de contrôle du passage à un réseau ferroviaire régulé entièrement privatisé. L’impact à long terme de la séparation verticale sur la qualité et l’investissement dans l’infrastructure n’est pas encore connu avec certitude.
37Enfin, la séparation verticale sera d’autant plus attrayante que les hausses de coûts qui en résulteront (du fait de la perte des économies de gamme) seront faibles. L’évaluation des effets sur les coûts de production nécessite des études techniques et économétriques des économies de gamme probables. Des études concernant les chemins de fer des États-Unis font penser que les coûts de production pourraient être entre 20 et 40 % supérieurs en cas de séparation verticale totale.
386. De nombreux pays se sont efforcés de promouvoir la concurrence pour le marché dans le secteur ferroviaire. Cette mise en concurrence par appel d’offres est de nature à modifier mais pas à supprimer la nécessité d’une régulation.
39De nombreux pays se sont efforcés de promouvoir la concurrence pour le marché dans le secteur ferroviaire (soit pour la fourniture de services intégrés combinant réseau et services ferroviaires, soit pour la fourniture de services ferroviaires uniquement). Mais il ne faudrait pas voir dans cette mise en concurrence par appel d’offres un moyen de se dispenser de régulation. Il s’agit plutôt d’un dispositif secondaire complétant la régulation. Parmi les problèmes de réglementation qui subsistent, il faut citer la nécessité de spécifier comment les prix et les services évolueront sur la durée de la concession, et de maintenir les incitations à l’investissement dans le réseau et le matériel roulant à mesure que la fin de la concession approche. À cela s’ajoute la question du maintien de systèmes coordonnés d’horaires ou de billetterie sur l’ensemble du réseau. Bien qu’il n’y ait pratiquement pas de concurrence sur le marché pour les services voyageurs, de nombreux pays utilisent la concurrence pour le marché dans ce contexte dans le cas des services reliant les grandes villes, des services régionaux ou des services de banlieue. La Suède procède par appel d’offres pour les services régionaux et les services interrégionaux non rentables depuis le début des années 90. Toutefois, pendant des années, l’adjudicataire a été SJ. Au Danemark, un tiers de l’ensemble des tronçons desservis par DSB feront l’objet d’appels d’offres d’ici à 2014. En Allemagne, les Länder utilisent fréquemment la mise en concurrence par appel d’offres pour les services ferroviaires locaux. DB Regio (la branche services ferroviaires régionaux de DB) détient environ 90 pour cent de ce marché, le reste se répartissant entre une soixantaine de sociétés de transport. SBB (l’opérateur historique suédois) a remporté des appels d’offres pour les services régionaux de voyageurs dans le sud de l’Allemagne.
40Il s’avère que la concurrence pour le marché donne de meilleurs résultats que la situation de monopole, mais de nombreux problèmes de réglementation demeurent. Il s’agit notamment de a) spécifier les modalités de variation des prix et des services au cours de la concession et en fonction des évolutions du marché, et b) maintenir les incitations à l’investissement dans l’infrastructure et le matériel roulant, en particulier à mesure que la fin de la concession approche. Dans la conception de cette mise en concurrence par appel d’offres, il est indispensable de veiller à ce que soient préservées des fonctions comme le système intégré de billeterie ou la coordination des horaires à l’échelon national.
41On pourrait intensifier la concurrence pour les services ferroviaires par des mesures comme la normalisation des spécifications du réseau ferré entre pays voisins.
42Il est probable que la concurrence (sur et pour le marché) serait renforcée si on facilitait l’interopérabilité des réseaux ferrés voisins et si on limitait le degré auquel les nouveaux entrants doivent investir dans des installations propres à chaque pays. Il faudrait pour cela pousser plus avant la normalisation de l’écartement des rails, des procédures d’exploitation, des systèmes de signalisation, etc. Actuellement, en Europe, les normes ferroviaires peuvent créer des difficultés pour les nouveaux entrants qui doivent se procurer les locomotives ou le matériel roulant adaptés ou recruter le personnel qualifié pour exploiter ce matériel. Le problème est particulièrement aigu en Italie. Même s’il est possible d’acheter des trains compatibles hors du pays, ceux-ci doivent recevoir une autorisation d’exploitation sur le réseau italien – et cette autorisation est accordée par RFI, l’opérateur historique du réseau. L’Union européenne œuvre à l’amélioration de l’interopérabilité des réseaux ferrés entre ses États membres.
437. Dans le domaine ferroviaire, les problèmes de mise en œuvre de la concurrence varient d’un pays à l’autre, ce qui tient essentiellement aux modes de concurrence utilisés.
44Du fait de la diversité des modes de concurrence d’un pays de l’OCDE à l’autre, les problèmes de mise en œuvre varient également. En cas de concurrence sur le marché entre entreprises intégrées, on observe généralement que les fusions entraînent des gains d’efficience (par une réduction du nombre de réseaux parallèles et une utilisation plus intensive du reste de l’infrastructure), qui sont contrebalancés par une moindre concurrence. Plusieurs pays ont bloqué les nouveaux regroupements entre compagnies ferroviaires intégrées.
45À moyen et long terme, on peut voir s’ébaucher un schéma de regroupement dans le secteur ferroviaire. Ce regroupement peut aboutir à des gains d’efficience en augmentant la densité du trafic sur les voies restantes et en éliminant les problèmes de « jonction ». Aux États-Unis, après plusieurs grandes fusions dans les années 80, le Service Transportation Board est intervenu récemment pour bloquer tout nouveau regroupement. Au Mexique, l’autorité de la concurrence a bloqué un accord entre Ferromex (les chemins de fer du Pacifique Nord) et Ferrosur (la compagnie du sud-est). En Europe, il y a eu très peu de regroupements transnationaux de compagnies ferroviaires et de nouvelles fusions transfrontières paraissent probables. Pour les pays qui encouragent la concurrence sur le marché avec accès imposé, il faut généralement veiller avant tout à l’absence de discrimination dans l’accès aux installations essentielles. Dans la plupart des cas, les règles de base régissant l’accès à l’infrastructure sont énoncées dans la législation et appliquées par l’autorité de régulation du rail. Toutefois, cette autorité est souvent sollicitée comme instance de dernier recours ou pour « combler les lacunes ». Cela est patent au Mexique où « le manque d’efficacité des réglementations sectorielles dans la résolution des différends concernant les conditions d’accès a poussé les concessionnaires à utiliser des contrats d’interconnexion et des services de location de voitures pour limiter l’accès de leurs concurrents aux installations essentielles tout en confortant leur position sur le marché. Les différends sont donc devenus indissociables de la concurrence. Les transporteurs ferroviaires ont saisi la FCC pour avis sur les droits des transporteurs routiers et ferroviaires ainsi que sur les conditions de la concurrence sur certains itinéraires à opérateurs multiples ».
46De nombreuses autorités de la concurrence ont reçu des plaintes de nouveaux entrants au sujet du comportement discriminatoire des opérateurs ferroviaires en place. En février 2003, par exemple, l’autorité de la concurrence allemande a enquêté sur le refus de DB d’inclure des informations sur les horaires ou les tarifs correspondant à des itinéraires exploités par une société de transport de voyageurs concurrente (Connex) dans ses brochures et ses indicateurs. L’autorité de la concurrence italienne s’est elle aussi inquiétée de l’accès aux terminaux et aux gares de triage ainsi qu’aux services d’entretien dans une note soumise au Parlement en août 2003. En Suède, en 1996, l’autorité de la concurrence a intenté un procès à SJ au motif que cette dernière avait pratiqué des prix abusivement bas dans ses offres de services régionaux pour essayer d’éliminer un concurrent entièrement privé (BK Tag). Dans ce dossier, l’autorité de la concurrence suédoise a fait valoir que SJ avait appliqué une tarification qui ne couvrait pas les coûts variables moyens du transport en question. En Italie, en 2003, la Commission européenne a constaté que FS avait abusé de sa position dominante contre un nouvel entrant, GVG, sur le marché des services de transport international de voyageurs par rail entre l’Allemagne et l’Italie.
47Au Mexique, les concessionnaires n’étaient guère disposés à permettre le trafic d’autres compagnies sur leur réseau, en particulier quand la compagnie en place était en mesure d’assurer elle-même le service de bout en bout. « Les concessionnaires ont saisi le [régulateur], arguant que les concurrents pratiquaient des tarifs excessifs et discriminatoires, n’assuraient que des conditions d’accès défavorables et refusaient d’offrir des services d’interconnexion et de circulation. Ces désaccords sont plus nombreux sur les marchés sur lesquels le trafic multi-opérateurs est en concurrence avec les liaisons assurées par des compagnies qui en ont l’exclusivité [9]. »
488. En dépit de la diversité des expériences, on ne sait pas encore très bien quelle place il convient d’accorder à la séparation verticale dans le processus global de réforme du secteur ferroviaire. Les mécanismes de gouvernance et de subventionnement nécessitent un examen plus approfondi.
49En conclusion, bien qu’on puisse tirer de nombreux enseignements des différents modes de concurrence et des différents degrés de séparation verticale dans le secteur ferroviaire, il n’est pas encore possible de se faire une idée précise de la place qu’il convient d’accorder à la séparation verticale dans le processus global de réforme de ce secteur. Au stade actuel, il apparaît que d’autres facteurs comme le gouvernement d’entreprise et l’efficacité de la conception des mécanismes de subventionnement (quand ils se justifient) entrent en jeu et qu’ils ont un impact au moins aussi prononcé sur les performances globales du secteur ferroviaire. Il serait très utile, notamment en Europe, d’effectuer de nouvelles études sur la conception des mécanismes de financement public du rail en vue de préserver les incitations à l’efficience, à la qualité et à l’investissement.
Notes
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[1]
Dans la communication des Pays-Bas, on note, page 12 : « Environ 60 % du coût total du transport de voyageurs par rail est actuellement pris en charge par l’administration centrale… Le mode de calcul des coûts n’incite aucunement le secteur ferroviaire et les compagnies de transport à opérer de manière efficiente. »
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[2]
Au Mexique, il est interdit aux titulaires des concessions des trois grandes lignes de détenir plus de 5 % des autres sociétés de chemins de fer.
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[3]
Communication du Mexique, page 14.
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[4]
Communication de l’Italie, page 12.
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[5]
La plupart des services de fret ferroviaire au Danemark consistent en une opération de transit de la Suède vers l’Allemagne et inversement.
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[6]
Dans l’affaire GVG, l’UE a reconnu que cette séparation d’entreprises n’était pas suffisante pour éliminer les incitations poussant FS à se comporter comme un opérateur unique intégré.
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[7]
La législation suisse exige des opérateurs ferroviaires qu’ils séparent sur le plan organisationnel et financier l’infrastructure des autres composantes de leur activité.
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[8]
Communication de la Suède, p. 11.
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[9]
Communication du Mexique, page 10.