1Le président (Alberto Heimler) ouvre les débats par une récapitulation des évolutions de l’industrie électrique depuis la dernière Table ronde de l’OCDE sur la concurrence dans le secteur de l’électricité d'octobre 1996. À cette époque, seuls le Royaume-Uni et les pays nordiques avaient expérimenté la concurrence dans ce secteur. La directive de l’Union européenne concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité venait d’être approuvée. Depuis, de nombreux pays ont ouvert leur marché de l’électricité, et un nombre croissant de consommateurs ont pu choisir leur fournisseur. Pourtant, le secteur reste fortement réglementé, probablement à raison, car la concurrence est encore limitée et certains problèmes réglementaires importants n'ont pas encore trouvé de solution pleinement satisfaisante.
2Plusieurs événements ont suscité la méfiance du public à l'égard de cette ouverture. Il s’agit notamment de l’expérience malheureuse de la Californie, de l’exemple du Royaume-Uni (expérience en soi positive, mais qui a démontré la difficulté de parvenir à un niveau de concurrence suffisant pour éliminer les pouvoirs de marché), et de l’application de la directive de l’Union européenne (prouvant qu’il ne suffit pas, pour créer la concurrence, de lever les contraintes juridiques). La concurrence qui s'est instaurée dans les pays de l’Union européenne est pourtant le fruit de décisions dépassant les exigences de la directive européenne. Le marché nordique de l’électricité où il existe de véritables échanges entre États en est une illustration. Il s’agit probablement du seul cas dans les pays de l’OCDE où le marché géographique pertinent dépasse les frontières nationales. D'autres pays pourraient suivre cet exemple et faire figurer en bonne place parmi leurs objectifs la création de marchés entre États.
1. Expériences de la libéralisation du secteur électrique
3Le président invite le délégué des États-Unis à expliquer pourquoi l'expérience californienne a été un échec. La crise semble résulter d'un concours de circonstances. On ne peut pas l'imputer seulement une demande excédentaire. Parmi les facteurs de cette crise, on a identifié : a) une concentration du marché bien supérieure à ce qui avait été estimé; b) des prix poussés à la hausse par le comportement stratégique des producteurs; c) le fait que les prix de gros aient été déterminés par les conditions sur le marché tandis que les prix de détail étaient strictement réglementés et d) le fait que les autorités de régulation aient découragé la signature de contrats à long terme.
4Le délégué des États-Unis convient que les articles [1] analysant la situation
en Californie souligne la concomitance de problèmes réglementaires et de
phénomènes naturels, à savoir :
- une forte sécheresse qui a eu des répercussions graves sur la production hydroélectrique, associée à une vague de chaleur provoquant une hausse de la consommation ;
- le fait que les décideurs aient tablé sur la poursuite de la baisse des prix de gros et n'aient pas prévu une forte inversion de tendance ;
- la forte proportion de transactions sur le marché spot par rapport à d’autres États où les contrats à long terme pèsent nettement plus lourd ;
- le fait que les prix de gros se soient envolés alors que les prix de détail ne pouvaient évoluer ;
- la Californie ne constituant pas un marché géographique séparé, les producteurs pouvaient vendre leur électricité plus cher à d’autres États ;
- la construction de centrales étant soumise à des restrictions strictes, la réserve de puissance n’a cessé de diminuer sur toute la durée de la réforme ;
- l’inadaptation de la structure du marché étant donné que l’inélasticité de la demande et la pénurie de l’offre permettaient même à des petits producteurs d’exercer un pouvoir de marché ;
- le peu d’efforts consentis pour s’assurer que la demande soit sensible aux prix. En outre, la tarification zonale a créé des problèmes de congestion;
- le fait que la cession d’actifs de production n'ait pas été assortie de contrats pour différences ;
- une bonne partie des contrats de tarification prévoyait des ajustements des prix de gros fondés sur le prix des énergies. Or ces prix pourraient avoir été manipulés.
5Le délégué du Royaume-Uni explique que le NETA a pour but de favoriser la mise en place d'un système d'échanges concurrentiels obéissant aux lois du marché, sans nuire à la fiabilité du système électrique. Dans le système précédent, toutes les transactions passaient par le pool. Peu à peu, le marché de la production est devenu plus concurrentiel. Les coûts de production ont diminué de 50 % (l’efficacité du meilleur producteur est passée de 35 % en 1998 à 48 % en 1999), mais les prix de gros n’ont pas diminué. C’est pourquoi en 1997, le gouvernement a décidé de procéder à de nouvelles réformes devant prendre effet en 2001.
6Dans le NETA, le gestionnaire du réseau national gère un mécanisme d’ajustement, achetant et vendant l’électricité de façon à assurer l’équilibre du marché. Cette activité représente 2 % des transactions, les 98 % restants étant échangés comme n’importe quel autre bien. Au cours de la première année de la réforme, des marchés ont vu le jour pour satisfaire la demande, et les participants disposent aujourd’hui d’informations plus fournies sur les marchés. La disponibilité d’informations tarifaires à plus long terme a stimulé la réactivité de la demande au prix. Par rapport à 1998, les prix payés par les industriels ont diminué de 20 à 25 %, et l’on prévoit en 2002 une baisse supplémentaire de 8 %. Quant aux tarifs demandés aux ménages, ils ont globalement fléchi de 8 % par rapport à 1998, contre 22 % pour les consommateurs qui ont changé de fournisseur. L’autorité de régulation (OFGEM) surveille l’évolution globale de la concurrence sur le marché. On trouvera sur le site web de l’OFGEM [2] le rapport de juillet 2002 sur la première année de fonctionnement du NETA.
7Le président note que les pays nordiques sont les seuls pays de l’OCDE à avoir établi un marché commun de l’électricité. Comment y sont-ils parvenus ? La création de ce marché a-t-elle posé des problèmes de souveraineté nationale ? L'inexistence d'une autorité de planification du transport sur l'ensemble réseau desservi par le Nord Pool pose-t-elle un problème ?
8Le délégué de la Norvège explique que, déjà en 1973, les producteurs norvégiens avaient établi un pool d’échange d’électricité. Les transactions avaient lieu entre producteurs qui vendaient et achetaient l’électricité dans un système dominé par l’hydraulique. En 1993, ce marché s’est ouvert à la totalité des opérateurs en Norvège, avec une forte participation des intervenants côté demande. Il s’agit d’un marché facultatif, avec possibilité de négocier librement des contrats bilatéraux en dehors du pool, bien que les négociants passent également des contrats bilatéraux au sein du pool. Par la suite, la Suède a décidé d’ouvrir son marché de l’électricité à la concurrence. Toutefois, l'isolement de ce marché et la concentration de la production l'ont incitée à rejoindre le Nord Pool, suivie en cela par la Finlande et le Danemark.
9Les règles sur le marché spot du Nord Pool n’ont pour ainsi dire pas changé depuis sa création, malgré l'explosion des volumes échangés. Le marché spot (du nom de Elspot) est le marché où se négocient les échanges physiques la veille pour le lendemain qui définissent le prix sur l’ensemble du marché. Il possède à la fois une fonction d’ajustement et une fonction de régulation. Aux périodes de congestion, il définit les prix des deux côtés du réseau touché. Avec le temps, les avantages du marché ont attiré de nombreux participants.
10Le fonctionnement d’un marché supranational soulève quelques problèmes et exige une bonne coopération entre pays participants. Le Nord Pool pourrait survivre sans gestionnaire de réseau unique mais, globalement, une exploitation coordonnée ainsi qu'une régulation et une planification communes du système sont la garantie d’un meilleur fonctionnement. La question est en discussion. Les entreprises de transport ont établi un plan de développement du réseau nordique et sont en train de préparer un code de réseau. Les autorités de régulation nationales ont décidé d’apporter leur collaboration.
11Le président s’adresse au délégué de la Commission européenne, à qui il fait remarquer que la directive de 1996 n’a pas suffi à promouvoir une concurrence efficace puisque le Conseil travaille à l’élaboration d’une nouvelle directive destinée à accélérer l’ouverture du marché. Le projet de directive ne concerne pas directement la restructuration des marchés de la production. Est-il possible de parvenir à une concurrence réelle sans séparation structurelle de la production ? Est-il possible de développer le système électrique au-delà des frontières nationales sans un système central de planification du transport à l’échelle européenne ?
12À ces questions, le délégué de la Commission européenne répond que les principaux problèmes de concurrence découlent non de l’insuffisance de la capacité de transport mais d’un manque d’interconnexions. C’est pourquoi la directive d’accélération vise à développer les réseaux de transport et exhorte les États membres à poursuivre l’ouverture à la concurrence. Elle prévoit d'étendre l’éligibilité à toute la clientèle non résidentielle en 2004 et à toute la clientèle résidentielle en 2005. En matière de séparation verticale, les exigences jusque-là restreintes à la dissociation comptable, sont étendues à la séparation juridique. En d’autres termes, on exigera la constitution d’entités séparées au sein des entreprises au lieu d’une simple dissociation de leurs comptes. L’ATR réglementé sera imposé à la place de l’ATR négocié, possible aujourd'hui.
13La directive prévoit l’obligation d'augmenter la capacité de transport si la demande l’exige. Tous les pays sont tenus de faire en sorte que les ouvrages d'interconnexion permettent aux opérateurs étrangers de satisfaire la demande nationale dans une proportion minimale de 10 %. Cette obligation est jugée suffisante pour créer la capacité supplémentaire nécessaire dans la première phase, dans la mesure où elle concerne la construction de lignes de transport, pas les commandes passées à l'étranger. Les échanges auront lieu, si les parties les jugent rentables, mais l'infrastructure devra être en place. La construction de lignes de transport peut être cofinancée par l’Union européenne, bien que des entreprises privées y contribuent également. La Commission a également exigé, comme condition d’une fusion, la création de nouvelles capacités de transport.
2. Favoriser une structure concurrentielle de la production
14Le président observe que les indicateurs traditionnels ne permettent pas de mesurer de façon fiable la concentration du marché, et que cela tient aux spécificités du marché de l’électricité. Comment est-il possible de mesurer la concentration lorsque les producteurs sont limités par la capacité ?
15Darryl Biggar note que les mesures du pouvoir de marché sont des moyens d’évaluer la capacité d’une entreprise de relever ses prix pour en tirer des profits. Une entreprise ne peut relever le prix du marché si les autres entreprises réagissent chaque fois par une augmentation de leur production. Autrement dit, si certaines entreprises sur le marché fonctionnent au maximum de leur capacité, il leur est impossible d'accroître leur production pour faire face à une hausse du prix du marché. Ces entreprises n'ont plus aucun effet sur la concurrence, autrement dit, « ne sont plus sur le marché ».
16Le problème touche tout particulièrement les marchés de l'électricité. Le coût marginal peut varier pour les différents producteurs mais, à un moment donné, certains d'entre eux, et en particulier ceux qui produisent à moindre coût, sont aux limites de leur capacité. Sur un marché de la production concurrentiel, toutes les entreprises produisant à un coût marginal inférieur au prix de marché produiront au maximum de leur capacité, en d'autres termes connaîtront des contraintes de capacité. Toute tentative pour mesurer le pouvoir de marché qui serait fondée sur la part de la production assurée par ces entreprises, risque de sous-estimer l'importance réelle de ce pouvoir de marché - et le marché de paraître plus concurrentiel qu'il n'est en réalité. D'un autre côté, on ne devrait pas non plus obtenir une image correcte du pouvoir de marché en laissant de côté ces entreprises aux limites de leurs capacités, dans la mesure où les autres entreprises opérant sur le marché ne doivent pas, dans ce cas, assurer la totalité de la demande mais uniquement la demande résiduelle, a priori plus élastique que la demande totale.
17Le document de référence établi pour cette table ronde présente une nouvelle variante de l'indice d'Herfindahl-Hirschmann (HHI) permettant de l'adapter à un marché où certaines entreprises sont aux limites de leurs capacités. Il est bien évident que cet indice devrait être calculé pour chaque marché géographique et chaque marché de produit.
18Le délégué des États-Unis souligne que, sans modélisation informatique, il est extrêmement difficile de définir le marché géographique pertinent. La modélisation informatique facilite l'identification des congestions du réseau ainsi que des effets sur les prix et les quantités d'une hausse de 5 % des prix pratiqués par un intervenant sur le marché. Faute de modèle informatique, la définition du marché, les évolutions de la concentration et des éventuels effets anticoncurrentiels sont difficiles à évaluer. En principe, à chaque heure (ou division temporelle inférieure) correspond un marché différent, mais, dans la pratique, on est obligé de regrouper les marchés analogues pour éviter une charge de travail écrasante. Là encore, la simulation informatique peut faciliter le processus. M.D. Biggar partage ce point de vue.
19Le délégué de l'Autriche évoque la question des pouvoirs de marché sur des marchés associés, par exemple celui des services auxiliaires (de la réserve tournante) ou de la capacité. À certains moments, le gestionnaire du réseau peut demander à certains producteurs d'augmenter très vite leur production. Le nombre de producteurs en mesure d'assurer ce service peut être extrêmement limité, ce qui renforce leur pouvoir de marché et peut provoquer une flambée des prix.
20Le délégué du Canada partage la même crainte. Dans les zones où le parc de production est diversifié, certaines installations peuvent augmenter ou, au contraire, réduire leur production plus vite que d'autres. (Par exemple, les centrales au gaz sont capables de monter en charge plus vite que les centrales au charbon.) C'est pourquoi la définition du marché est si compliquée lorsqu'il s'agit des services auxiliaires.
21Le délégué de la Norvège observe que, sur un marché purement énergétique (au sens où il n'existe pas d'autre marché pour garantir une capacité suffisante), les hausses de prix sont nécessaires pour que de nouveaux moyens de production entrent sur le marché. De ce fait, il paraît difficile de distinguer les hausses de prix résultant de l'exercice d'un pouvoir de marché de celles qui sont un indicateur de la nécessité de mettre sur le marché des nouveaux moyens de production.
3. Mise en place d'une structure concurrentielle
22Le président relève que la séparation des producteurs historiques pour favoriser la concurrence a été assez peu pratiquée. La Nouvelle-Zélande, où opérait un monopole d'État, a créé trois entreprises publiques séparées, dont l'une a été ultérieurement privatisée. Il existe dans ce pays un gestionnaire de réseau qui est une entreprise à but lucratif, mais pas d'autorité de régulation du transport. L'investissement dans le transport a fait défaut et on peut se demander si cela tient au fait que le gestionnaire du réseau soit une entreprise à but lucratif.
23D'après le délégué de la Nouvelle-Zélande, la nécessité de procéder à la séparation horizontale de ces entreprises était bien acceptée (l'alternative étant le monopole). Les trois producteurs jouissent d'une indépendance totale vis-à-vis de l'État pour leur politique de tarification. Ils se distinguent par leurs zones de desserte géographique et par les énergies primaires qu'ils utilisent. À l'avenir, on prévoit de privatiser davantage.
24Le délégué de l'Italie explique que l'opérateur en place, ENEL, était, il y a trois ans, un monopole verticalement intégré. Sa part du marché actuelle, de 50 %, est encore élevée, et le marché est jugé concentré. L'autorité de régulation a choisi de tabler sur l'entrée sur le marché de nouveaux opérateurs pour augmenter la capacité. Afin d'encourager les entrées, l'État cherche avant tout à alléger les obstacles administratifs à l'entrée. Il sera exigé d'ENEL de se dessaisir de nouveaux actifs, mais on ignore encore dans quelle mesure.
25Répondant à une question du président concernant les projets en vue d'accentuer (et non réduire) la concentration dans la production, le délégué de l'Autriche observe que le marché de gros de son pays est intégré aux marchés de la Suisse et de l'Allemagne. Les prix de l'électricité en Suisse et en Allemagne sont identiques à ceux de l'Autriche tant en période de pointe qu'en période normale.
26La contribution de la Suisse explique que l'ouverture du marché dans ce pays a été retardée par le résultat négatif de la votation sur la loi sur le marché de l'électricité. Le président demande pourquoi les prix de l'électricité sont plus élevés en Suisse étant donné que ce pays produit de l'électricité hydraulique et nucléaire. Les problèmes de concurrence sont-ils liés aux activités des deux organisations Swisselectric (Organisation des entreprises du réseau d'interconnexion suisse d'électricité) et Swisspower ?
27Le délégué de la Suisse reconnaît que les prix de l'électricité sont, en général, supérieurs à la moyenne en Europe, en particulier les prix payés par les PME et les ménages, et cela parce que certaines centrales ne sont pas encore amorties. Bien que les prix publiés soient plus élevés, les prix négociés par les gros consommateurs sont d'un niveau comparable aux prix européens. La fiscalité est lourde en Suisse. En outre, les producteurs appartiennent en général aux municipalités qui sont nombreuses à subventionner d'autres activités avec les bénéfices tirés de l'électricité. La loi sur l'électricité qui a été rejetée devait apporter plus de transparence dans cette pratique. Swisselectric est l'association des six plus grands producteurs d'électricité verticalement intégrés, qui a pour mission de promouvoir leur intérêt commun, de conjuguer leurs ressources, etc. Il ne s'agit pas d'un embryon de cartel. Quant à Swisspower, elle regroupe des producteurs municipaux qui mettent ainsi en commun leurs moyens (aux fins de marketing essentiellement) dans leurs zones de desserte.
4. Transport
28Passant à la question du transport, le président note que les problèmes liés au maintien de la réglementation du transport (et dans une certaine mesure de la distribution) comptent parmi les questions les plus difficiles qui restent à résoudre dans l'industrie électrique. L'un des plus importants concerne la tarification de l'accès au réseau de transport, car il faut envoyer aux utilisateurs (producteurs et consommateurs) des signaux justes concernant les congestions et inciter à investir dans le réseau de transport (sans que ces investissements s'arrêtent aux frontières entre réseaux). Parmi les autres problèmes notables, on retiendra la séparation structurelle, qui pose la question de savoir comment isoler la planification et l'exploitation du réseau de transport des intérêts des producteurs, par exemple.
29S'agissant de la tarification du réseau de transport, Darryl Biggar constate qu'il s'agit là du seul problème qui n'ait jusqu'à présent pas trouvé de réponse uniforme même entre pays ayant ouvert leurs marchés de l'électricité (par exemple, le Royaume-Uni et les États-Unis). Dans l'idéal, le système de tarification doit a) envoyer les signaux adéquats sur la congestion du réseau (indiquant aux producteurs et aux consommateurs le moment où augmenter ou, au contraire, réduire l'offre et la demande et leur signaler de manière efficace où se positionner sur le réseau); b) favoriser la concurrence entre producteurs (d'autant que les producteurs jouissent de pouvoirs de marché); et c) faciliter des investissements efficients dans le réseau de transport.
30L'efficacité allocative mais aussi productive et dynamique veut que les prix du transport de l'électricité soient géographiquement différenciés en temps réel. Les arguments sont à peu près identiques à ceux avancés pour justifier la différenciation du prix en fonction de l'heure de la journée. En effet, si l'électricité était facturée au même prix en permanence, les consommateurs ne seraient pas incités à moins consommer pendant les pointes, les propriétaires des centrales de pointe ne sauraient pas quand démarrer leurs installations, et l'investissement dans les moyens de pointe risquerait d'être insuffisant (et le parc de centrales en général ne serait pas optimisé). Ces arguments valent pour la différenciation géographique des prix de l'électricité : une tarification en fonction de l'emplacement sur le réseau permet de facturer le juste prix de la congestion, indiquant aux consommateurs quand s'effacer et donnant aux producteurs comme aux consommateurs une information exacte concernant la localisation optimale.
31Toutefois, une différenciation géographique des prix extrêmement fine peut renforcer le pouvoir de marché. À cela s'oppose la péréquation géographique, qui fait que les producteurs très éloignés des centres de consommation ne sont absolument pas défavorisés par rapport aux producteurs plus proches – le marché géographique s'étend et la concurrence s'accroît. Dans certains cas, les avantages d'une concurrence renforcée peuvent équivaloir aux effets de décisions plus efficaces en matière de dispatching ou de localisation. À l'inverse, la différenciation géographique des prix de l'électricité réduit la taille du marché géographique pertinent et aura donc tendance à renforcer les pouvoirs de marché, un effet qui pourrait annuler tout gain d'efficience.
32Enfin, il est très difficile de produire des incitations appropriées à investir dans le réseau de transport. Bien que la tarification nodale envoie des signaux efficaces de congestion, la façon dont ces signaux peuvent se transformer en incitations à investir n'est pas évidente, d'autant que les investissements réalisés sur une partie du réseau peuvent se répercuter sur les transits et les congestions ailleurs. Si la tarification du réseau de transport est rémunérée en fonction des « rentes de congestion », elle incitera à construire le réseau de façon à favoriser, plutôt que réduire, la congestion.
33Nombreux sont les pays dont les liaisons de transport avec l'étranger fonctionnent aux limites de leur capacité. Les Pays-Bas ont choisi de recourir à des enchères pour attribuer la capacité limitée des lignes d'interconnexion. Ces enchères portent sur la demande annuelle, mensuelle ou du lendemain. Le président demande si les participants sont satisfaits des résultats de ces enchères.
34Le délégué des Pays-Bas explique que le pays importe 20 % de sa consommation totale, essentiellement d'Allemagne. Il a signé des contrats à long terme avec des producteurs nucléaires allemands et français. Pour favoriser l'exploitation de la puissance et la concurrence sur le marché, tout contrat qui n'a pas été honoré est perdu. En d'autres termes, la capacité d'importer obtenue antérieurement doit être utilisée ou remise sur le marché spot physique (la veille pour le lendemain). Le public est en général satisfait du système actuel. Les Pays-Bas prévoient de construire de nouvelles interconnexions.
35Le président demande au délégué des États-Unis de donner son avis sur l'ordonnance 888 de la FERC qui a conduit à la création de gestionnaires de réseau indépendants, et de fournir une première indication des résultats de l'ordonnance 2000 de la FERC encourageant la formation d'opérateurs de transport régionaux. Notamment, a-t-on investi suffisamment dans le transport, et notamment aux points d'interconnexion ?
36Les États-Unis avaient initialement adopté une approche comportementale de l'accès aux réseaux de transport, partant de l'hypothèse que condamner la discrimination suffirait à l'empêcher. Au cours des six à sept dernières années, cette démarche n'a pas atteint l'objectif voulu et l'on s'est tourné vers l'approche structurelle. La première étape (ordonnance 888) consiste à favoriser la création de gestionnaires de réseau indépendants. Plus près de nous (ordonnance 2000), la FERC a exigé la constitution d'entreprises de transport régionales. Reste à encourager l'apparition de transporteurs indépendants, en particulier là où les gestionnaires de réseau ne sont pas parvenus à développer le réseau de transport.
37Le président note que l'Italie s'est déjà dotée d'un gestionnaire de réseau indépendant. Il demande pourquoi l'Italie envisage désormais de procéder à la séparation de la production et du transport.
38Le délégué de l'Italie répond que la création d'un gestionnaire de réseau indépendant a facilité l'accès au réseau, renforcé les interconnexions aux niveaux international et national (augmentant la capacité de 20 % par la frontière nord) et permis d'éviter l'application de tarification zonales différentes.
39L'Italie envisage de fusionner de nouveau la propriété et la gestion du réseau (séparées actuellement et confiées à un gestionnaire de réseau indépendant). Et cela pour deux raisons. Premièrement, il s'agit d'inciter à investir dans la construction de lignes, car, en Europe, il est très difficile d'obtenir des administrations locales l'autorisation de construire des lignes à haute tension. Par ce retour en arrière, on espère pouvoir mieux encourager le gestionnaire de réseau à surmonter ces difficultés. En outre, la séparation pose des problèmes de sécurité dont la résolution passe par la régulation et la coordination. Des investissements privés dans le transport sont également possibles.
40Le président se tourne alors vers l'Allemagne, observant que ce pays est le seul qui n'a pas de réglementation ex ante, mais s'en remet à l'application ex post du droit de la concurrence. Les tarifs d'accès au réseau de transport sont établis par une association de participants au marché. Le président souhaite savoir si les consommateurs sont associés à cette décision et quel ils jugement portent sur ce mode de fonctionnement ex post. Peut-on penser que le passage à une réglementation ex ante allégerait le contentieux et les coûts administratifs ?
41Le délégué de l'Allemagne précise que l'accord passé par les associations d'industriels est en vigueur depuis 1998. Étaient parties à l'accord initial les associations d'électriciens, les gestionnaires de réseau, les clients industriels et le Bubdesverband der Deutschen Industrie. Le premier accord définissait le cadre initial destiné à créer les conditions d'accès au réseau. Il a été par la suite révisé deux fois de façon à apporter d'importantes améliorations de l'accès des tiers au réseau. Au cours de ces deux révisions, l'association des consommateurs a participé aux discussions. Ces accords ne fixent pas les prix réels de l'accès au réseau, de même qu'ils ne font pas échapper à l'application du droit de la concurrence les problèmes d'accès au réseau dans le secteur énergétique. Les critères et conditions fixés dans ces accords sont contrôlés par les autorités de la concurrence qui peuvent les annuler.
42Les interventions du Bundeskartellamt et des autorités des Länder ont d'importantes répercussions sur le marché. Les nombreuses procédures engagées par ces autorités à l'encontre d'opérateurs de réseau en ont convaincu plusieurs à réduire leurs tarifs d'accès. C'est pourquoi le contrôle ex post est jugé efficace en Allemagne. Les autorités des Länder et le Bundeskartellamt coordonnent leurs travaux et notamment se retrouvent pour une conférence deux fois par an.
43Le président demande au délégué du Danemark des éclaircissements sur les périodes de l'année où le Danemark se trouve isolé du réseau du Nord Pool.
44Le délégué du Danemark explique que son pays se trouve coupé du reste du réseau du Nord Pool environ 5 % de l'année. Au cours de ces périodes, les deux opérateurs danois détiennent une position dominante qui soulève la question des abus éventuels. Toutefois, la décision de construire de nouvelles lignes de transport doit tenir compte du peu de temps pendant lequel les lignes sont surchargées.
45Le président évoque deux problèmes soulevés par la contribution brésilienne. Le prix spot dépendrait, semble-t-il, de facteurs à long terme principalement (tels que la quantité d'eau dans les réservoirs, les prévisions de la pluviométrie, etc.). Comment les producteurs qui détiennent des moyens thermiques classiques peuvent-ils participer au marché si les décisions ne sont pas fondées sur les prix mais sur ces facteurs à long terme ? En outre, ce pays exige de tout client éligible qu'il assure au moins 85 % de sa consommation par des contrats à long terme dont les prix sont plafonnés. Pourquoi ne pas se fier davantage au marché pour fixer les prix ?
46Le délégué du Brésil convient que les producteurs thermiques ont du mal à participer au marché sachant que les producteurs hydrauliques des différents bassins versants coopèrent pour que le prix n'augmente pas en période de sécheresse (et pour décourager les centrales thermiques d'intervenir sur le marché). Le gouvernement brésilien a donc donné un coup de pouce aux producteurs thermiques, en abaissant réglementairement le prix du gaz et du transport de gaz et en assouplissant les contrats de consommation du gaz. Il est également prévu d'inaugurer des tarifs de transport avec une plus forte différenciation géographique, ce qui devrait favoriser les centrales thermiques qui sont situées plus près des consommateurs que les centrales hydrauliques.
47C'est essentiellement le marché qui détermine les prix. Vingt-cinq pour cent de la production d'énergie sont vendus par des procédures d'enchères, pourcentage qui sera porté à 100 % au cours des trois prochaines années. Les consommateurs éligibles ne sont pas tenus de conclure des contrats à long terme. En revanche, les compagnies d'électricité ont l'obligation de passer des contrats pour le compte des clients captifs. En 2005, tous les consommateurs seront libres de choisir leur fournisseur. Le marché déterminera les prix, et il ne sera plus nécessaire de fixer des prix de référence à l'aide de programmes informatiques.
48Au cours du débat général, le délégué des États-Unis demande des éclaircissements à son homologue italien. Le modèle utilisé en Italie, à savoir un réseau de transport aux mains d'une seule entreprise de transport privée, serait ce que l'on appelle un Transco aux États-Unis, modèle que ce pays avait envisagé d'adopter en raison de son efficience. Cependant, il était apparu que si cette entreprise de transport privée était moins incitée à opérer une discrimination qu'un fournisseur verticalement intégré, elle aurait néanmoins des raisons de l'exercer à l'encontre des producteurs plus proches des consommateurs, dans la mesure où cette proximité se substitue au transport.
49Le délégué de l'Italie répond que toute production décentralisée pose à l'entreprise de transport un problème qui n'a pas de solution facile.
50Le délégué de l'Autriche exprime des réserves quant aux signaux envoyés par des prix spatialement différenciés qui seraient fondés sur le coût marginal de court terme. Il est à redouter que ces signaux ne soient efficaces que dans certains cas particuliers, à savoir en l'absence de contraintes ou lorsque l'on n'utilise qu'une technologie. En effet, par rapport à d'autres facteurs, comme l'accès aux sources d'énergie primaire, ces signaux peuvent se révéler insignifiants. Par conséquent, s'ils doivent avoir un effet déterminant sur la localisation des moyens de production, il faudra parfois prévoir des mesures d'accompagnement.
51Pour le délégué de la Norvège, il suffit, pour envoyer des signaux géographiques, de calculer les prix d'après les pertes marginales prévues par nœud du réseau de transport. La tarification en fonction des pertes marginales fournit effectivement des signaux de localisation à long terme. Les Norvégiens hésitent à adopter une tarification entièrement nodale dynamique en raison du volume d'informations nécessaire. Et qui, de plus, pourrait dessiner un marché hautement informatisé et non transparent, peu accessible aux participants côté demande. Par ailleurs, la tarification nodale ne fournira toujours pas de signaux efficients pour l'investissement. Les investissements sont si irréguliers qu'il est extrêmement difficile de créer les incitations adéquates pour obtenir un niveau d'investissement efficient. Il s'agit d'un sujet qui mérite une analyse approfondie.
5. Institutions et structures réglementaires
52Le président observe que l'Australian Competition and Consumer Commission joue à la fois le rôle d'autorité de la concurrence et de régulateur des monopoles naturels, ce qui devrait lui permettre en principe de résoudre les contradictions entre la réglementation et le droit de la concurrence. Il existe toutefois d'autres régulateurs, notamment au niveau des États et territoires. Comment est-on parvenu à cette structure ? Comment s'opère la coordination entre ces différentes institutions et quelles sont les possibilités de simplification ?
53Le délégué de l'Australie confirme que l'autorité nationale de la concurrence est également l'autorité de régulation de l'électricité, et cela parce que le gouvernement avait décidé de laisser ces deux fonctions entre les mains du même organisme. Il a fallu toutefois consentir un compromis avec des États, qui souhaitaient conserver le contrôle des problèmes d'intérêt local, et autoriser la création d'autorités à leur niveau d'administration. L'expérience des six à sept dernières années n'a pas révélé d'évolution négative, ces autorités sont maintenant pleinement opérationnelles.
54La multiplication des autorités semble pire en théorie qu'elle ne l'est en réalité. En fait, il existe peu de doublons dans la réglementation. Le droit appliqué est le même pour toutes les autorités des États. Ces autorités ont compétence pour les problèmes de distribution et de fourniture locale de l'électricité, plutôt que pour des problèmes généraux. Il existe aussi des mécanismes, officiels ou non, pour résoudre les problèmes liés à la coexistence de ces autorités. Les mécanismes officiels comprennent notamment le code national de l'électricité, qui s'applique uniformément à la totalité du secteur électrique, et la participation des chefs des autorités des États à un organe de décision (l'Energy Committee de l'ACCC). Dans l'ensemble, l'approche réglementaire est globalement cohérente sur tout le territoire australien. Par conséquent, on ne peut pas dire que la multiplication des autorités réglementaires conduise nécessairement à l'incohérence.
55Le président note que la structure institutionnelle en place en Ontario est également assez compliquée. Dans cette province, on observe, outre le Bureau de la concurrence, la présence d'une Société indépendante de gestion du marché de l'électricité (SIGMÉ) ainsi que de la Commission de l'énergie de l'Ontario. La SIGMÉ a, par ailleurs, créé un Comité de surveillance du marché afin de détecter les abus. Qui aura la charge des abus détectés par le Comité, en vertu de quelle loi et avec quelles prérogatives ?
56Le délégué du Canada convient que la réglementation en Ontario concernant la concurrence est assez compliquée. En plus du droit fédéral de la concurrence, le droit provincial joue un grand rôle. Le Comité de surveillance du marché est constitué de membres indépendants : deux économistes universitaires et un ingénieur. Ce Comité contrôle les marchés de la Société indépendante de gestion du marché de l'électricité (SIGMÉ) ainsi que les évolutions dans ce domaine. Il peut identifier deux types fondamentaux d'abus : l'exercice de pouvoir de marché pour faire monter les prix et un ensemble de pratiques anticoncurrentielles qui relèvent également du droit canadien de la concurrence. Le Comité est un organe d'investigation, il n'a pas de compétence juridictionnelle. Il peut saisir, pour les questions de concurrence, la Commission de l'énergie de l'Ontario, le Bureau de la concurrence ou la SIGMÉ, selon le cas.
57La séparation des compétences obéit à quelques principes. Par exemple, la détection et la prévention de l'exercice de pouvoirs de marchés locaux relèvent de la responsabilité de la SIGMÉ, tandis que la tarification du transport et de la distribution relève de la CEO. Toutefois, il reste de nombreux domaines où ces compétences se recoupent. La CEO accorde des permis aux participants sur le marché. Ces permis comportent parfois des dispositions interdisant des pratiques anticoncurrentielles qui peuvent également relever du droit de la concurrence. Par rapport aux procédures normales de l'application du droit de la concurrence, la CEO peut tenir des audiences accélérées, mais n'a pas les pouvoirs d'investigation que confère ce droit. Les pouvoirs du Bureau de la concurrence dépendent de la nature de l'infraction. L'abus de position dominante relève du droit civil et peut donner lieu à une ordonnance d'interdiction. Les soumissions concertées et les prix imposés relèvent du droit pénal et, outre des ordonnances d'interdiction, peuvent donner lieu à des amendes ainsi qu'à des peines de prison. On peut penser que le Bureau de la concurrence sera saisi des affaires pénales bien que, en matière d'électricité, il ne soit pas toujours possible de prouver qu'un acte constitue un complot à renvoyer devant une cour pénale. En cas de doute, la CEO pourra se saisir de l'affaire. Les abus de position dominante seront pris en charge par la CEO ou le Bureau de la concurrence, selon l'affaire particulière en question.
58La SIGMÉ, le Bureau de la concurrence et la CEO ont conclu un accord afin de clarifier les rôles respectifs de chacun d'entre eux. Il s'agit par là de lever des incertitudes concernant le cadre juridique et réglementaire, d'éviter les doublons, de faire en sorte que les problèmes soient résolus et d'éviter la recherche de la juridiction la plus favorable. Cet accord ne délimite pas les compétences respectives, mais crée une obligation de coopération. Il dispose, par ailleurs, que le Bureau de la concurrence n'est pas compétent à l'égard des pratiques anticoncurrentielles, des assertions fausses ou trompeuses qui relèvent de la CEO. La mise en œuvre de l'accord est assurée par des communications régulières bi-hebdomadaires entre ces autorités.
59Le président demande au délégué de Hongrie d'apporter des éclaircissements sur l'examen de la réforme réglementaire qui a été organisé il y a un an. Il avait été proposé à cette époque d'équilibrer les tarifs et de limiter les pouvoirs étendus du ministère en matière de tarifs. Quels sont les progrès réalisés dans ces domaines ?
60Le délégué de Hongrie explique que la loi hongroise ne permet pas de déléguer des compétences officielles en matière de tarification à l'autorité de régulation de l'énergie. Le régulateur jouit cependant d'un pouvoir de proposition pour ce qui concerne les tarifs. En fait, les prix sont calculés par le Bureau de l'énergie (Magyar Ernergia Hitaval) qui soumet une recommandation au ministre, seul compétent pour décider du prix définitif. Le prix étant un sujet politiquement sensible, la décision finale intègre des facteurs politiques. C'est pourquoi, le gouvernement n'est guère disposé à confier à une autorité indépendante la possibilité de fixer les prix. Pour définir la politique à suivre, l'autorité de régulation travaille en collaboration étroite avec le ministère, mais pour ce qui est des prix, son rôle est purement consultatif.
61L'un des principaux problèmes mis au jour lors de l'examen de la réforme de la réglementation en Pologne était le rééquilibrage des tarifs. Le Président s'enquiert des progrès accomplis dans cette direction.
62Le délégué de la Pologne répond que son pays tient compte des recommandations figurant dans l'examen et s'efforce de les suivre. Cette année, le Parlement a adopté un amendement à la loi sur l'énergie qui est entré en vigueur le 1er janvier 2003. Les textes d'application sont également à l'étude, un groupe de travail interministériel a été constitué afin d'analyser cette question.
63Le président note que l'Irlande a exclu la possibilité de créer un marché spot en se dotant d'un système réglementaire très développé dans lequel le prix d'achat d'un supplément de puissance est réglementé. Qu'est-ce qui garantit que l'offre sera suffisante à ce prix ?
64Le délégué de l'Irlande répond que les règles actuelles sont transitoires et qu'elles ont été adoptées dans la perspective de l'ouverture du marché en février 2000. À l'époque, le ministre avait demandé à l'autorité de régulation de revoir en 2004 les contrats d'échange, ceci afin de mettre en place un système d'échange plus robuste en prévision de l'ouverture totale du marché en 2005. Étant donné l'incertitude quant à la nature du régime en place en 2005 et les problèmes de capacité, la date de cette révision a été avancée.
65Le marché irlandais, qui possède peu d'interconnexions, connaît un taux de croissance élevé et exploite beaucoup de centrales âgées, la capacité pose un problème important. En 2001-2002, de graves pénuries ont exigé l'importation de groupes de secours de Californie.
66Les prix relatifs posent de multiples problèmes. Malgré d'importantes hausses, les prix de détail ne sont pas suffisamment élevés et ne reflètent pas le coût de l'ajout de nouvelles installations dans la mesure où ils sont fondés sur les coûts historiques d'ESB (Electricity Supply Board). Les producteurs indépendants éventuels (VIPP) pratiquent des prix moins élevés. Toutefois il leur est difficile de trouver le juste prix qui doit être assez intéressant pour inciter un nombre suffisant de consommateurs à changer de fournisseur et néanmoins leur permettre de concurrencer ESB.
67Deux nouveaux producteurs sont en train de s'implanter sur le marché irlandais. L'Irlande reste un marché prometteur pour les producteurs, qui continue de se développer à un rythme rapide malgré le ralentissement de l'activité et le peu de concurrence que permet l'interconnexion. Aux dires des producteurs eux-mêmes, les incertitudes quant à la situation en 2005 sont la principale raison de la lente apparition de nouveaux moyens de production sur le marché. L'annonce du lancement d'un nouveau système d'échange et de consultations au cours des six mois qui viennent permettra de lever ces incertitudes.
6. Application du droit de la concurrence sur les marchés de l'électricité
68Le président ouvre ce dernier débat en observant que les activités de l'industrie électrique ont été émaillées d'affaires de concurrence, bien qu'il ne s'agisse pas pour l'essentiel d'abus de position dominante. La plupart de ces affaires concernent en fait les fusions.
69En France, la fusion d'EDF et de Dalkia a été autorisée, mais assortie d'un éventail de conditions si contraignantes qu'il devenait impossible aux deux parties du groupe né de la fusion de réaliser des gains d'efficience. Pourquoi cette fusion a-t-elle été autorisée si elle n'autorise pas de gains d'efficience ? En outre, pour l'autorité, contrôler le respect des obligations de l'entreprise représentait une charge administrative considérable. Le président demande aux autorités françaises de faire connaître leur sentiment général quant aux obligations imposées.
70Le délégué de la France explique que Dalkia est une entreprise de services énergétiques. EDF a acquis 34 % du capital de Dalkia pour diversifier ses services. Ces deux entreprises avaient l'intention de créer un marché totalement nouveau de services aux industriels. C'est pourquoi, les parts obtenues sur ce marché, considéré comme global, n'ont pas été calculées. La fusion ne posait pas de problème dans la mesure où n'était concerné que ce nouveau marché. Cependant, comme l'une des parties était a) un producteur en position dominante, b) le gestionnaire du réseau de transport et c) présente sur le marché de l'offre, on s'est demandé si cette transaction renforcerait la position déjà forte d'EDF sur le marché français.
71Cette décision interdit aux employés d'EDF d'accéder aux documents sur les activités de l'autre entreprise en France. Cette disposition structurelle est la principale. D'autres conditions ont également été imposées, telles que l'obligation d'informer les clients de Dalkia des prix de l'électricité fournie par EDF.
72Il est fréquent que l'Union européenne ait choisi de subordonner l'autorisation de fusion à l'amélioration de conditions favorisant la concurrence, note le président. Dans le cas de la fusion d'EDF avec Hidrocantábrico, la Commission européenne a assorti son accord de l'obligation d'améliorer la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne. Quel a été le résultat ? Les exportations françaises ont-elles augmenté comme il était prévu, et quel a été l'effet de cette fusion sur la production espagnole ?
73Le délégué de la Commission européenne insiste sur l'importance de cette obligation de renforcer la liaison d'interconnexion entre la France et l'Espagne. Il s'agit de faire passer la capacité d'interconnexion actuelle de 1 100 MW à plus de 4 000 MW. Cette opération doit prendre quatre à cinq ans, et il ne sera pas possible d'en détecter des effets mesurables sur le marché avant cette échéance.
74Au Japon, le JFTC a lancé un « avertissement » à l'entreprise Hokkaido Electric Power concernant ses pratiques d'exclusion. Le président invite le délégué du Japon à décrire l'affaire et à expliquer ce que signifie un « avertissement » en droit japonais.
75En 2001, le JFTC a créé un groupe de travail dont la mission était de contrôler le secteur des entreprises de service public, et notamment l'industrie électrique. Il s'est occupé de plusieurs affaires. Il existe une concurrence relativement faible entre producteurs, chacun d'entre eux ayant sa propre zone de desserte. Hokkaido Electric Power est en position de monopole dans sa zone de desserte. Cette entreprise a passé des contrats à long terme avec ses clients, dans lesquels était prévue une pénalité excessivement élevée pour tout client souhaitant acheter les services de nouveaux entrants. Le JFTC a par conséquent lancé un « avertissement », car l'on peut soupçonner une infraction à la loi contre les monopoles.
76Un avertissement n'est pas une sanction juridique du JFTC. Les avertissements sont donnés lorsqu'il est impossible de prouver qu'il y a eu violation de la loi anti-monopole et que l'autorité juge qu'il faut néanmoins intervenir. Le JFTC donne 15 à 20 avertissements par an. Cet organisme établit également des recommandations identifiant des types de comportements sur le marché de l'électricité qui pourraient être contraires à la concurrence. Ces recommandations se fondent sur l'expérience et sur des discussions avec les entreprises.
7. Débat
77Au cours du débat général, le délégué des États-Unis souligne le caractère primordial d'une conception adéquate des règles du marché avant l'introduction de la concurrence. Il espère que l'expérience de la Californie aidera les autres pays à éviter de telles erreurs au moment de l'ouverture de leur marché. Il s'agira en particulier de tenir compte de la puissance en réserve et d'étudier les moyens de créer un marché qui soit plus sensible aux prix.
78D'après le délégué de la Norvège, l'autorité de la concurrence vient d'instruire une affaire concernant la fusion de Statkraft avec deux concurrents respectivement du sud et du nord du pays. L'autorité a interdit les deux fusions qui pourtant n'auraient pas fortement accrû la concentration du marché. Cependant, il a été jugé que le nord et le sud de la Norvège constituaient des marchés géographiquement séparés et, qu'étant donné leur petite taille, la concentration serait passée de 40 à 50 %. Ces deux entreprises disposent d'une importante puissance installée grâce à leurs réservoirs d'eau, ce qui leur laisse une certaine souplesse. En outre, elles détiennent un pouvoir de marché sur certaines périodes de l'année. Ces deux décisions ont fait l'objet d'un recours. Le ministère a autorisé une fusion en la subordonnant à des conditions strictes. L'autre recours est en instance.
79Le délégué de l'Autriche revient sur le rôle de la conception du marché, souligné dans le document de référence, mais laissé de côté au cours de la réunion. Il importe également d'étudier la façon dont les informations sont diffusées, notamment les informations concernant les variations de l'offre et de la demande, essentielles pour les nouveaux entrants.
80Le représentant de la CNUCED observe que bien des pays en développement rencontrent des problèmes analogues à ceux qui ont été évoqués. Il soulève la question de la responsabilité du développement du réseau de transport. De nombreux pays africains ont privatisé leur industrie et ouvert leur marché, mais l'absence de capitaux freine le financement du développement des réseaux.
81Le délégué des États-Unis est frappé par le fait qu'une bonne partie des débats a été consacrée à la façon de s'assurer que les signaux de prix sont favorables à l'efficience et aux investissements, ce qui revient en fait à obtenir les informations correctes et à mettre en place les bonnes incitations et le régime de propriété approprié. Toutes ces conditions sont indispensables.
8. Résumé
82Le président (Alberto Heimler) clôt la réunion sur le contraste entre la
table ronde de 1996 et celle d'aujourd'hui. Il note en particulier :
- l'importance des problèmes structurels, en particulier la séparation verticale du réseau de transport et la séparation horizontale destinée à favoriser la concurrence à la production ;
- l'importance de conserver une certaine souplesse, contrairement aux conceptions initiales très rigides de la façon de réformer le marché. La Norvège a bien démontré l'intérêt d'introduire une certaine souplesse dans la structure et dans les marchés. La possibilité pour les producteurs de jouer le rôle d'acheteurs et, pour les négociants, de vendre et d'acheter est un gage de souplesse et permet de contrôler les pouvoirs de marché ;
- la capacité pour le consommateur de faire varier sa demande lorsque le prix change exige une certaine éducation. Or l'installation de compteurs en temps réel coûte cher et, dans le monde, l'expérience que l'on possède sur la façon dont les consommateurs, qu'ils soient gros ou petits, réagissent à des variations des prix de l'électricité est assez limitée ;
- la structure institutionnelle joue un rôle important, en particulier dans les États à structure fédérale où la coordination des autorités aux divers niveaux d'administration vient ajouter à la complexité du problème. Les contributions du Canada, de l'Australie et des États-Unis l'ont bien montré ;
- le marché géographique pertinent n'est pas facile à identifier, ce qui rend plus difficile la création d'une structure réglementaire propice au bon fonctionnement du marché. Les frontières d'un pays ne coïncident pas nécessairement avec celles du marché géographique pertinent.
4. Contribution par pays
83D'autres informations des pays suivants en matière de concurrence dans le secteur de l'électricité sont disponibles à l'adresse internet : wwww. oecd. org/ competition sous le thème « Best Practices Roundtables ».