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Article de revue

2. Note de référence

Pages 115 à 179

Notes

  • [1]
    Dans le présent document, « pouvoir de marché » désigne principalement le pouvoir de marché unilatéral et horizontal (par opposition au pouvoir de marché collusoire, concerté ou vertical).
  • [2]
    Par souci d’uniformité, ajoutons que lorsqu’une entreprise subit des contraintes, il se peut que le prix du marché soit supérieur au coût marginal assumé par les entreprises non contraintes.
  • [3]
    Voir à l’annexe B. La marge prix-coût marginal moyen peut diminuer, même si la marge prix-coût marginal le plus bas augmente.
  • [4]
    Nous ne tenons pas compte ici des pertes de transport ou de la congestion éventuelles. On verra plus loin que lorsque les lignes de transport subissent des contraintes, il est parfois nécessaire de faire appel à des producteurs à coût élevé afin de maintenir l’intégrité du système.
  • [5]
    Voir Borenstein ( 1999) p. 3 : « En l’absence de pouvoir de marché exercé par un vendeur sur le marché, le prix peut quand même excéder les coûts marginaux de production de toutes les installations de production présentes sur le marché à ce moment. » Par conséquent, sur un marché présentant des contraintes de capacité, il faut, pour démontrer la présence d’un pouvoir de marché, à la fois une indication que le prix du marché est plus élevé que le coût marginal de toutes les entreprises présentes sur le marché (c’est-à-dire que l’indice de Lerner est positif) et qu’au moins une entreprise fonctionne sans utiliser toute sa capacité.
  • [6]
    Borenstein et Bushnell ( 2000), pp. 48-49.
  • [1]
    Borenstein, Bushnell, Kahn et Stoft ( 1996), p. 18.
  • [2]
    Borenstein, Bushnell et Knittel ( 1999), p. 5.
  • [7]
    Borenstein et Bushnell ( 2000), p. 49. En ce qui a trait au marché de l’Angleterre et du pays de Galles, Wolack et Patrick ( 1997), pp. 8-9, observent : « La grande majorité des clients [d’une société régionale de fourniture d’électricité] achètent l’électricité à des tarifs fixes et non liés aux variations du prix du pool au cours d’une année. Tous les particuliers paient des prix fixes pouvant varier selon des modalités convenues d’un commun accord sur une base quotidienne ou hebdomadaire, indépendamment des fluctuations du prix du pool, pendant la totalité de l’exercice budgétaire. Sous sa forme la plus courante, ce mode de tarification prévoit un prix fixe par kWh pour la consommation totale pendant les périodes diurnes et un autre prix fixe par kWh pour la consommation pendant les périodes nocturnes. Presque tous les utilisateurs commerciaux et industriels achètent l’électricité par le biais de contrats similaires à prix fixes négociés annuellement, selon lesquels les prix varient également sur une base quotidienne ou hebdomadaire, indépendamment des variations du prix du pool. Par conséquent, les variations du prix du pool au cours d’une journée, d’une journée à l’autre ou même d’un mois à l’autre n’ont d’incidence que sur les prix payés par une petite partie de la clientèle, étant donné que les structures des prix ne sont pas modifiées pour la totalité de l’exercice budgétaire. Seule une infime partie de la charge totale du réseau de l’Angleterre et du pays de Galles, soit environ 5 pour cent, est achetée par des consommateurs finals en fonction des variations du prix semi-horaire sur le marché spot. » De toute façon, dans le cadre de l’ancien système de négociation de l’Angleterre et du pays de Galles, il n’existait pas de mécanismes qui permettaient aux acheteurs de signaler leur intention de réduire leur demande à la suite d’une hausse des prix.
  • [8]
    Borenstein et Bushnell ( 2000), p. 49. À strictement parler, le problème de fond n’est pas que les producteurs sont confrontés à des contraintes de capacité, mais que la courbe de coût marginal augmente fortement lorsque la capacité maximum est presque atteinte, de sorte que les producteurs fonctionnent la plupart du temps à pleine capacité.
  • [9]
    Voir, par exemple, Cramton et Lien ( 2000).
  • [10]
    Borenstein et Bushnell ( 2000), pp. 49-50.
  • [11]
    Borenstein et Bushnell ( 2000), pp. 49-50. Cet argument peut être facilement extrapolé pour montrer que le pouvoir de marché peut exister non seulement en période de pointe mais aussi à tout instant lorsque la courbe de l’offre du secteur est inélastique (par exemple lorsqu’une augmentation de la production nécessite l’appel d’une installation dont le fonctionnement coûte cher). De fait, lorsque la courbe de l’offre est inélastique, on estime que même une petite entreprise peut trouver rentable de réduire un peu sa production – les coûts de cette réduction sont plus que contrebalancés par la hausse du prix du marché des unités restantes vendues.
  • [12]
    US FTC, In the Matter of PacifiCorp; The Energy Group PLC; Peabody Holding Company, Inc.; Peabody Western Coal Company, Analysis of Proposed Consent Order to Aid Public Comment ( www. ftc. gov/ os/ 1998/ 9802 /).
  • [13]
    D’autre part, l’indice d’Herfindahl-Hirschman ajusté est une mesure plus précise que celle qui consisterait simplement à ne pas tenir compte de la part de marché des entreprises soumises à des contraintes au motif qu’elles sont « hors marché ». Cette approche est examinée, par exemple, par Werden ( 1996), p. 19 : « Selon les règles actuelles des institutions du marché, la capacité destinée à la charge locale devrait peut-être être considérée comme “hors marché ” … En effet, les parts de la capacité excédentaire sont de bien meilleurs indicateurs d’un éventuel pouvoir de marché significatif que les parts de la capacité totale. »
  • [14]
    Wolak et Patrick ( 1997), p. 47.
  • [15]
    La réduction du pouvoir de marché n’entraîne pas de baisse du prix du marché mais plutôt une diminution de la marge du prix du marché par rapport au niveau de coût efficace.
  • [16]
    Newbery ( 1998), p. 744.
  • [17]
    Bushnell et Wolak ( 1999), pp. 4-5.
  • [18]
    Bushnell et Wolak ( 1999), pp. 4-5. Joskow ( 1997) constate : « [C]ertains producteurs possèdent des centrales situées stratégiquement sur le réseau et sont de temps à autre “ appelés pour assurer la fiabilité du réseau ”. Naturellement, lorsque les producteurs savent que le gestionnaire du réseau leur demandera de tourner pour maintenir la fiabilité du réseau (presque) indépendamment du prix demandé, ils font des offres élevées. Certaines centrales situées stratégiquement sur le réseau de l’Angleterre et du pays de Galles ont facturé des prix six fois plus élevés que des producteurs comparables avant que l’autorité de la réglementation ne leur impose un prix plafond ». Joskow ( 1997), p. 134.
  • [19]
    Joskow et Tirole ( 2000), p. 458.
  • [20]
    Voir, par exemple, Hogan ( 1997).
  • [21]
    Hjalmarsson ( 2000) observe : « C’est, que je sache, la première étude sur les marchés de l’électricité qui ne peut rejeter l’hypothèse de la concurrence parfaite. »
  • [22]
    Borenstein, Bushnell et Wolak ( 2002), p. 5.
  • [23]
    Voir Cardell, Hitt et Hogan ( 1997), Bushnell ( 1999), Borenstein, Bushnell et Stoft ( 2000), Joskow et Tirole ( 2000).
  • [24]
    Voir Bushnell ( 2002).
  • [25]
    Borenstein, Bushnell et Wolak ( 2002), pp. 5-6.
  • [1]
    L’information contenue dans cet encadré est tirée de Wolak et Patrick ( 1997) et de Green et Newbery ( 1992). Voir aussi Wolak ( 1997).
  • [2]
    Green et Newbery ( 1992), p. 952.
  • [*]
    Les informations fournies dans cet encadré proviennent de Borenstein, Bushnell et Knittel ( 1999). Parmi les autres études ayant conclu à l’existence d’un pouvoir de marché significatif sur le marché de gros de l’électricité en Californie, citons celles de Borenstein, Bushnell et Wolak ( 2001), Wolak, Nordhaus et Shapiro ( 2000), Puller ( 2001), Joskow et Kahn ( 2001), Hildebrandt ( 2001) et Sheffrin ( 2001).
  • [26]
    Department of Energy, États-Unis ( 2000), p. 13.
  • [27]
    Commission européenne ( 2001), p. 30.
  • [28]
    Commission européenne ( 2001), pp. 18-29.
  • [29]
    Aux États-Unis, le Department of Energy ( 2000) évoque la possibilité que les producteurs soient tenus d’améliorer le transport placé sous leur contrôle afin d’affaiblir leur pouvoir de marché dans les zones de saturation où ils exercent leurs activités.
  • [30]
    Hogan ( 1998) observe : « Il est tout à fait possible d’élaborer des exemples de liaisons de transport valables n’ayant pas de transit net d’électricité, et qui apparaissent inutiles au regard de nombreuses définitions des droits établis en fonction des liaisons », p. 11.
  • [31]
    Troisièmement, la construction d’une liaison de transport ou l’amélioration de la capacité d’une liaison existante ne fait pas toujours baisser les prix du marché. L’allégement d’une contrainte de transport entre les points A et B ne fait pas nécessairement baisser les prix aux points A et B. A vrai dire, c’est l’opposé qui est quasiment le plus susceptible de se produire. Une liaison de transport entre les points A et B est, de fait, une sorte de mise en équilibre des prix en vigueur aux points A et B. L’existence d’un transit d’électricité du point A vers le point B signifie que (tout au moins en l’absence de transit) le prix du marché est plus élevé au point B qu’au point A. Une liaison de transport a par conséquent tendance à faire augmenter les prix au point A (et à les faire dminuer au point B). On a vu en revanche que l’effet d’accroissement de la concurrence a tendance à faire baisser les prix à la fois au point A et au point B. Il n’est pas possible de dire dans l’abstrait lequel des deux effets l’emportera.
  • [32]
    Joskow ( 1997), p. 132.
  • [33]
    Hilke ( 2001).
  • [34]
    Hilke ( 2001).
  • [35]
    Hilke ( 2001).
  • [36]
    Voir par exemple l’Irlande, wwww. cer. ie/ cer01101.pdf, l’Oregon et l’Alberta.
  • [37]
    Voir www. edf. fr/ htm/ en/ enchere/ enchere/ Survolproduit.
  • [38]
    Voir par exemple Fraser ( 2001).
  • [39]
    Wolak et Patrick ( 1997), p. 51.
  • [40]
    Kahn et al. ( 2001), pp. 16-17. « Bien que la facturation en temps réel ne soit pas répandue aux États-Unis, la technologie y est bien établie. La plupart des gros clients commerciaux et industriels de la Californie sont déjà dotés de compteurs en temps réel et la communication du prix du marché du lendemain ou en temps réel à ces clients peut facilement se faire par Internet. Il se peut qu’il ne soit pas pratique ou nécessaire dans un avenir proche d’inclure les particuliers dans le programme de tarification en temps réel, mais la diminution du coût des compteurs en temps réel facilitera cette inclusion. Il importe de comprendre que la variation des prix peut être dissociée du niveau moyen des prix. Pour tout niveau de prix de détail uniforme considéré, le même niveau de prix moyen à l’échelle du réseau peut être obtenu chaque mois avec la tarification de détail en temps réel. La tarification en temps réel réduira le coût de passation des marchés d’électricité rendra moins nécessaire la construction de centrales électriques, et favorisera la baisse des prix de détail », Borenstein ( 2002), pp. 205-206.
  • [41]
    Hilke ( 2001). Hilke se montre également prudent : « L’élasticité de la demande risque de varier dans le temps (… ) Par exemple, la demande record qui est due à un froid très intense peut être moins élastique que celle qui relève du dynamisme de l’économie. Il est risqué de supposer qu’une plus forte élasticité de la demande attribuable à la participation du côté de la demande persistera en toutes circonstances. »
  • [42]
    National Electricity Code, articles 3.9.4 et 3.9.5.
  • [43]
    Wolak et Patrick ( 1997), page 14.
  • [44]
    Cet aspect est approfondi par Bushnell et Wolak ( 1999), pp. 12-13. Aux États-Unis, le FERC peut retirer l’autorisation de déterminer les tarifs au moyen de processus fondés sur le marché s’il estime que cela entraîne des résultats peu souhaitables.
  • [45]
    Wolak et Patrick ( 1997), pp. 13-14.
  • [46]
    Kahn et al. ( 2001), p. 13.
  • [47]
    Borenstein ( 2002), p. 203.
  • [48]
    Wolak et Patrick ( 1997), pp. 48-49.
  • [49]
    On trouvera dans IEA ( 2000) un résumé utile des avantages et des inconvénients des différentes approches de la conception de marché.
  • [50]
    Voir Kahn et al. ( 2001).
  • [51]
    Wolak et Patrick ( 1997), pp. 48-49.
  • [52]
    Wolak et Patrick ( 1997), p. 50.
  • [53]
    Voir Kahn et al. ( 2001), p. 15.
  • [54]
    Borenstein ( 2002), p. 202.
  • [55]
    Schmalensee et Golub ( 1984), p. 26.
  • [56]
    Joskow ( 1997).
  • [57]
    « Un élément qui a contribué de façon significative au mouvement observé à l’échelle internationale vers la restructuration de la concurrence sur les marchés de l’électricité est que la composante production de ce secteur n’est plus considérée comme un monopole naturel. Alors que la concurrence portant sur la production de l’électricité peut effectivement être vive dans de grandes régions, les limites des capacités de transport dans la plupart des réseaux d’électricité, associées au manque de moyens de stockage économique de l’électricité, restreignent souvent la concurrence dans des régions géographiques relativement petites. Dans ces petites régions, les groupes peuvent détenir un pouvoir de marché significatif. Ce pouvoir de marché est accentué par le fait que la demande en temps réel d’électricité de gros se caractérise par une très grande inélasticité-prix. » Bushnell et Wolak ( 1999), p. 3.
  • [58]
    « Le mouvement vers la restructuration des marchés de l’électricité est issu d’une nette insatisfaction à l’égard des résultats de la réglementation du coût des services. Cela dit, les marchés de l’électricité se sont révélés plus difficiles à restructurer que de nombreux autres marchés (… ) en raison de la présence inhabituelle d’une très forte inélasticité de l’offre comme de la demande. La tarification de détail en temps réel et la passation de contrats à long terme peuvent contribuer à contrôler des prix de gros en hausse comme ceux observés récemment en Californie et à ménager du temps pour traiter d’autres problèmes structurels importants qui doivent être résolus pour instaurer un marché de l’électricité stable et fonctionnel. Ces problèmes concernent notamment la création d’une structure adaptée à la concurrence sur le marché de détail, la détermination de la meilleure façon de fixer localement les prix et les frais de transport, la mise en œuvre d’un cadre cohérent d’investissement dans de nouvelles capacités de transport et l’optimisation de l’approvisionnement en capacité de réserve. » Borenstein ( 2002), p. 210.
  • [59]
    Borenstein ( 2002), p. 210.
  • [60]
    En 1999, l’OFFER et l’Office of Gas Supply ont fusionné en vue de la création de l’Office of Gas and Electricity Market (OFGEM).
  • [61]
    L’OFFER a fini par imposer un plafond sur les prix marginaux, exigé que National Power et PowerGen cèdent une partie de leurs actifs de production et demandé aux producteurs de présenter des plans annuels relativement aux interruptions temporaires anticipées des centrales.
  • [62]
    Les prix du pool de l’électricité du Royaume-Uni comprennent trois éléments distincts : le prix marginal du système, qui correspond au prix de l’offre du dernier producteur figurant sur le plan de dispatching, une prime de capacité, qui rémunère les producteurs pour la fourniture de capacité et une prime d’ajustement au titre des écarts entre la demande anticipée et la demande réelle et des coûts des services auxiliaires fournis par les producteurs (par exemple, participation au réglage de la tension). Les augmentations des coûts attribuables à l’augmentation des primes de capacité ne sont pas prise en compte dans cette analyse, qui se borne à l’examen du prix marginal du système.
  • [63]
    La valeur de la perte de charge est l’évaluation du montant que les consommateurs finals qui reçoivent de l’électricité en vertu de contrats fermes seraient disposés à payer pour éviter une interruption de leur service d’électricité.
  • [64]
    En juillet 1999, les prix du pool de l’électricité au Royaume-Uni étaient d’environ 80 pour cent supérieurs aux prix en vigueur pendant la même période en 1998, malgré une augmentation relativement faible de la demande ou des prix du combustible comparativement à l’année précédente. L’OFGEM a établi que ces hausses de prix étaient principalement attribuables à l’augmentation des prix demandés par les centrales alimentées au charbon appartenant à National Power et PowerGen.

1. Introduction

1Ces dix dernières années, la plupart des pays de l’OCDE ont mis en train une vaste réforme du secteur de la fourniture d’électricité. L’un des principaux objectifs des différentes réformes engagées était d’introduire la concurrence – notamment entre les producteurs d’électricité. La concurrence devait, espérait-on, permettre l’efficience et l’innovation dans ce secteur et favoriser une baisse des prix pour les consommateurs.

2Malgré les effets positifs non négligeables de la réforme du secteur électrique, on a constaté à l’usage qu’un pouvoir de marché avait tendance à s’exercer sur les marchés de l’électricité libéralisés. Dans les pays de l’OCDE, de nombreux producteurs détiennent un pouvoir de marché, du moins une partie du temps, tandis que d’autres exercent un monopole effectif, du moins par moments.

3En Californie, par exemple, le pouvoir de marché a progressé à tel point qu’on lui impute 60 pour cent de la valeur des échanges effectués sur le marché de gros pendant l’été 2000. En conséquence, les consommateurs californiens ont payé l’électricité environ 4.5 milliards de dollars en trop. Le pouvoir de marché entraîne par ailleurs des inefficacités productives considérables, dans la mesure où une production à faible coût est remplacée par une production à coût élevé et que des producteurs dont le fonctionnement coûte cher sont encouragés à entrer sur le marché.

4Dans le présent document, nous examinons les raisons qui font que les marchés de l’électricité libéralisés sont enclins à exercer un pouvoir de marché et les mesures qui pourraient être prises à cet égard. Les principaux points abordés sont les suivants :

  • On fait souvent observer que les marchés de l’électricité présentent plusieurs caractéristiques de base qui facilitent l’exercice d’un pouvoir de marché, notamment que l’électricité ne peut être stockée (ce qui signifie que les marchés de l’électricité doivent être définis en fonction du moment où intervient la livraison), que les producteurs font face à des contraintes de capacité (de sorte que l’offre est inélastique en période de pointe), que la demande d’électricité est très peu élastique (étant donné que la plupart des consommateurs finals paient des prix correspondant à une moyenne dans le temps) et que le réseau de transport peut être congestionné (ce qui a pour effet de séparer les marchés de l’électricité sur le plan géographique).
  • On a déjà pu se faire une idée du pouvoir de marché qui s’exerce sur les marchés de l’électricité en utilisant des formalisations poussées, mais on peut également avoir recours à un modèle de Cournot simple. Dans un modèle de Cournot simple, le pouvoir de marché est fonction de la concentration du marché et de l’élasticité de la demande uniquement, et non du niveau de la demande. Toutefois, lorsque les entreprises de production font face à des contraintes de capacité liées à l’augmentation de la demande, certaines d’entre elles deviennent soumises à des contraintes et ne peuvent par conséquent pas discipliner le pouvoir de marché des entreprises sans contraintes. Pendant les périodes de pointe, les quelques entreprises sans contraintes qui restent sont susceptibles d’exercer un pouvoir de marché significatif.
  • La mesure conventionnellement de la concentration sur un marché économique est l’indice de Herfindahl-Hirschman. Cette mesure n’est malheureusement pas précise sur les marchés où existent des contraintes de capacité. Un marché en apparence très concurrentiel lorsqu’on se fonde sur des mesures conventionnellements de la concentration peut, de fait, être exposé à un pouvoir de marché significatif. Le présent document introduit une autre mesure de la concentration appelée « indice de Herfindahl-Hirschman ajusté », qui reflète correctement le degré de pouvoir de marché exercé sur un marché où certaines entreprises font face à des contraintes de capacité.
  • L’exercice d’un pouvoir de marché, sur les marchés de l’électricité, n’est pas nécessairement limité aux périodes de pointe. De fait, il est possible que le pouvoir de marché se manifeste seulement en période creuse. Par exemple, si un gros producteur à faible coût rivalise seul avec un petit nombre de producteurs à coût élevé, le pouvoir de marché sera observé seulement en période creuse. Le pouvoir de marché qui se manifeste seulement en période de pointe n’est pas nécessairement affaibli par l’arrivée de nouveaux concurrents. Si l’électricité produite par ces derniers coûte plus cher que l’électricité produite en base (par exemple, si les possibilités de nouvelles centrales hydroélectriques ou nucléaires sont épuisées), le pouvoir de marché qui est momentané (mais récurrent) n’est pas nécessairement entamé par un nouvel entrant, si faibles que soient ses charges fixes.
  • Le pouvoir de marché peut aussi découler de la congestion du réseau de transport. La congestion tend à isoler les producteurs sur le plan géographique, ce qui accentue le pouvoir de marché. Les contraintes de réseau de transport exercent sur les producteurs des effets analogues à ceux des contraintes de capacité. En présence de contraintes de transport, l’indice de Herfindahl-Hirschman classique ne fournit pas une mesure précise de la concentration et doit être remplacé par l’indice de Herfindahl-Hirschman ajusté. Les « droits financiers de transport » – le droit à une part des rentes de congestion engendrées par les contraintes de transport – peuvent renforcer le pouvoir de marché des producteurs qui tirent profit de la congestion.
  • Comme par le passé, la congestion des réseaux de transport n’est pas nécessairement limitée aux périodes de pointe. Elle peut également se produire en période creuse. Les transits d’électricité sur les liaisons de transport sont fonction des écarts de prix entre des zones géographiques. Si la demande varie davantage dans une zone que dans une autre, les transits d’électricité sur une liaison de transport peuvent changer de direction entre les périodes de pointe et les périodes creuses et n’être contraints que pendant les périodes creuses.
  • Dans les réseaux électriques comportant plus d’un chemin entre le point de production et le point de consommation, l’électricité circule sur toutes les liaisons possibles en quantité inversement proportionnelle à la résistance de la liaison. L’augmentation de la production à un point, même si elle s’accompagne d’une augmentation de la consommation à un autre point, peut affecter les transits d’électricité (et le degré de congestion) sur toutes les autres liaisons du réseau. On peut établir que même en l’absence de contraintes de capacité sur les liaisons de transport entre les producteurs et les consommateurs, des contraintes de capacité existant sur d’autres liaisons peuvent conférer à un producteur un fort pouvoir de marché.
  • De nombreuses études ont été réalisées sur le pouvoir de marché et la concentration sur les marchés de gros de l’électricité, en particulier au Royaume-Uni et en Californie. Il existe de bonnes raisons de croire que certains producteurs ont exercé un pouvoir de marché par le passé. En Californie, même si les coûts ont considérablement augmenté pendant la période comprise entre l’été 1998 et l’été 2000, le pouvoir de marché s’est accru plus rapidement encore, le total des paiements versés aux producteurs étant passé de 1.7 milliard de dollars en 1998 à plus de 9 milliards en 2000.
  • De nombreuses politiques différentes ont été proposées pour contrôler le pouvoir de marché observé sur les marchés de la production d’électricité. Il s’agissant notamment de politiques visant à élargir l’étendue géographique des marchés, de politiques structurelles, de politiques de contrôle des prix et de politiques ayant pour but d’accroître l’élasticité de la demande. L’étendue géographique des marchés peut être élargie par la construction de nouvelles liaisons de transport, l’augmentation de la capacité des liaisons existantes ou l’amélioration des modes de tarification de l’accès au réseau de transport. Il reste à traiter l’important problème posé par la recherche de moyens adaptés pour stimuler la modernisation du réseau de transport. Il n’est peut-être pas possible d’en laisser l’initiative aux forces du marché – compte tenu du fait, par exemple, qu’une liaison de transport peut être économiquement justifiée même s’il n’y circule jamais d’électricité.
  • Les politiques structurelles peuvent atténuer le pouvoir de marché en réduisant la concentration et la part de marché de producteurs sans contraintes. Il faudrait en particulier examiner attentivement la déconcentration des centrales qui utilisent le même combustible, étant donné qu’elles ont tendance à se regrouper dans le classement par ordre de coûts croissants et, par conséquent, à se concurrencer de près. Il faudrait également se pencher sur l’opportunité de séparer la production du transport, pour supprimer les mécanismes qui favorisent la discrimination en matière d’accès au transport et réduire ceux qui encouragent les producteurs à pratiquer le retrait de capacité dans le but d’accroître leur pouvoir de marché.
  • De nombreux observateurs ont souligné l’importance qu’il y a à accroître l’élasticité de la demande. Dans les modèles simples de pouvoir de marché, le doublement de l’élasticité de la demande équivaut au doublement du nombre de concurrents actifs sur un marché. L’élasticité de la demande peut être accrue par une plus grande participation des consommateurs sur les marchés de l’électricité et l’utilisation plus répandue des compteurs horo-saisonniers. Sur certains marchés de l’électricité libéralisés, la participation des acheteurs n’était pas envisageable – la demande était évaluée en tant que quantité fixe simple, insensible au prix. Les acheteurs d’électricité devraient avoir la possibilité de faire des offres sur le pool de l’électricité de façon à signaler leur intention de restreindre leur demande en période de pointe.
  • Enfin, lorsque le pouvoir de marché persiste sans qu’on ne parvienne à l’affaiblir par d’autres politiques, il faut étudier la possibilité d’instituer des mesures de contrôle du prix ou de la quantité. Comme les conditions de l’offre et de la demande fluctuent beaucoup à tout instant, le contrôle du prix de la production d’électricité est ardu, bien qu’il ne soit pas nécessairement irréalisable. Parmi les approches possibles, citons la mise en place d’une tarification de type « price cap » applicable aux prix demandés pendant les périodes de pointe, ou l’imposition de limites d’écart entre les prix demandés par les différents groupes.

5Le présent document comporte trois parties. La première partie passe en revue certains des principes de mesure du pouvoir de marché sur les marchés souffrant de contraintes de capacité et examine les principales caractéristiques des marchés de l’électricité qui favorisent le pouvoir de marché. La deuxième partie s’intéresse davantage à la façon dont le pouvoir de marché s’exerce sur le marché de l’électricité et formule plusieurs observations sur les conditions dans lesquelles il est susceptible de se manifester, sur la façon dont il convient de le mesurer, de même que sur ses effets. La troisième partie examine les avantages et les inconvénients des politiques visant à modérer le pouvoir de marché [1].

2. Généralités : la théorie du pouvoir de marché et les caractéristiques des marchés de l’électricité

6Avant de s’intéresser aux marchés de l’électricité, il convient de passer en revue certains principes de base qui régissent l’évaluation et la mesure du pouvoir de marché, notamment sur les marchés qui présentent des contraintes de capacité.

2.1. Examen de la théorie du pouvoir de marché

7Une entreprise est réputée détenir un pouvoir de marché lorsqu’elle peut, en réduisant sa production ou en augmentant le prix minimum auquel elle est disposée à la vendre, accroître ses bénéfices en faisant monter le prix du marché. L’entreprise qui ne peut pas influencer le prix du marché est preneuse de prix. Une entreprise preneuse de prix continue de produire et de vendre sa production tant que le prix du marché dépasse le coût marginal de production de la dernière unité de production. Sur un marché où tous les producteurs sont des preneurs de prix (autrement dit, où ne s’exerce aucun pouvoir de marché), le coût marginal de toutes les entreprises présentes sur le marché est égal au prix du marché [2].

8C’est pourquoi l’ampleur de l’écart entre le prix du marché et le coût marginal assumé par une entreprise peut constituer un indicateur permettant de détecter et de mesurer le pouvoir de marché. L’« indice de Lerner » est une mesure courante de l’écart entre le prix et le coût marginal. Il exprime simplement la marge en pourcentage comprise dans le prix final par rapport au coût marginal – autrement dit, en supposant un prix final P et un coût marginal c, l’indice de Lerner s’établit comme suit :

equation im1

On peut aisément montrer (voir annexe B) que sur un marché où les entreprises rivalisent en quantité, la taille de la marge prix-coût (l’indice de Lerner) est obtenue par une mesure de la concentration appelée indice de Herfindahl-Hirschman, divisée par l’élasticité de la demande. Autrement dit:
equation im2
où IHH est la somme des carrés des parts de marché des différentes entreprises qui rivalisent sur le marché (
equation im3 où est la part de is marché de la ième entreprise), l’élasticité de la courbe de la demande au prix? et à la quantité d’équilibre et c une moyenne pondérée du coût marginal de chaque producteur à la quantité d’équilibre [3].

9L’équation [ 1] met en évidence l’importance de l’élasticité de la courbe de la demande pour la détermination de l’effet du pouvoir de marché sur le prix. Toutes choses égales par ailleurs, une réduction de moitié de l’élasticité de la demande a le même effet que le doublement de la concentration sur le marché (c’est-à-dire la réduction de moitié du nombre de concurrents). En supposant un degré constant de concentration sur un marché, le pouvoir de marché est beaucoup plus grand sur les marchés où l’élasticité de la demande est faible.

10On verra plus loin qu’une des caractéristiques principales des marchés de production d’électricité est que les différentes entreprises sont soumises à des contraintes de capacité. Par souci de simplicité, supposons que chaque groupe assume un coût marginal constant pour tous les niveaux de production en dessous de sa capacité. De fait, la courbe de coût marginal a la forme d’un « L » inversé.

11La courbe de l’offre sur le marché peut être formée à partir des courbes de coût marginal des différents groupes classés par ordre de coûts marginaux croissants et l’addition horizontale subséquente des courbes de coût marginal. Ce calcul est illustré dans le diagramme ci-après [4].

12La figure 1 illustre une situation dans laquelle sont présents quatre groupes, le premier ayant un coût marginal de 10 dollars le MW et une capacité de 100 MW, le deuxième et le troisième un coût marginal de 15 dollars le MW et une capacité de 60 MW, et le quatrième un coût marginal de 30 dollars le MW et une capacité de 80 MW. Cet « ordre de coûts marginaux croissants » détermine la courbe de l’offre du secteur. Dans un marché parfaitement concurrentiel, le prix du marché se situerait à l’intersection de la courbe de la demande et de la courbe de l’offre, comme l’illustre la figure 1.

13On peut avoir recours à l’indice de Lerner pour mesurer le pouvoir de marché sur les marchés ayant des contraintes de capacité, à une importante réserve près. Sur un marché où les entreprises ont des contraintes de capacité, le prix du marché peut dépasser le coût marginal de n’importe quelle entreprise donnée sans que l’on observe pour autant un pouvoir de marché, lorsque toutes les entreprises présentes sur le marché fonctionnent à pleine capacité et qu’aucune autre entreprise dont le coût marginal est inférieur au prix du marché n’entend accéder au marché. Cette situation est illustrée à la figure 1. Dans cette figure, l’intersection de la courbe de la demande et de la courbe de l’offre se situe à 25 dollars le MW, montant supérieur au coût marginal assumé par toutes les entreprises actives sur le marché, sans que cela n’entraîne de pouvoir de marché [5].

Figure 1.

Demande et offre sur un marché ayant des contraintes de capacité

Figure 1.
Figure 1. Demande et offre sur un marché ayant des contraintes de capacité + " '(   ) * $ + , -- $ $ $  %&

Demande et offre sur un marché ayant des contraintes de capacité

14Fait important, comme on le verra ci-après, la relation entre l’indice de Lerner, l’élasticité et l’indice de Herfindahl-Hirschman ne s’applique plus sur des marchés présentant des contraintes de capacité. Par conséquent, l’utilisation de l’indice de Herfindahl-Hirschman pour ces marchés peut donner des résultats très trompeurs. La section suivante propose une autre façon de mesurer la concentration qui reflète avec précision le pouvoir de marché qui s’exerce sur ce type de marchés.

15Nous utilisons dans le présent document le modèle de pouvoir de marché de Cournot (autrement dit, nous supposons que les entreprises se concurrencent en quantité). Le modèle de Cournot nécessite un calcul simple et donne des résultats justifiés intuitivement. Il convient cependant de ne pas perdre de vue que le modèle de Cournot peut surévaluer ou sous-évaluer le degré réel de pouvoir de marché. La surévaluation du pouvoir de marché s’explique par le fait que le modèle de Cournot ne tient pas compte des possibilités d’entrée, et sa sous-évaluation, par celui qu’il fait abstraction d’un éventuel comportement collusoire. En outre, sur la plupart des marchés de gros de l’électricité, les entreprises ne font pas des enchères sur des quantités spécifiques mais sur une fonction d’offre complète – c’est-à-dire sur la quantité qu’elles sont disposées à fournir pour chaque prix. Un équilibre des fonctions d’offre aboutit à une évaluation du pouvoir de marché inférieure à celle d’un équilibre de Cournot. De fait, il semble qu’un équilibre de la fonction d’offre aboutisse à une concurrence au sens de Bertrand lorsqu’il y a une importante capacité excédentaire sur le marché, et à une concurrence à la Cournot lorsque la capacité excédentaire est limitée. L’encadré qui suit examine les avantages et les inconvénients d’un équilibre à la Cournot et d’un équilibre de la fonction d’offre.

2.2. Caractéristiques des marchés de l’électricité qui facilitent l’exercice d’un pouvoir de marché

16On a vu qu’une entreprise est à même d’exercer un pouvoir de marché lorsqu’elle peut, en augmentant son prix ou en diminuant la quantité de son produit, influencer le prix du marché. Sur la plupart des marchés, la capacité qu’a une entreprise d’augmenter son prix ou de diminuer sa production d’un service particulier à un lieu et à un moment donné est limitée par :

  1. la réaction des consommateurs, qui peuvent réduire leur consommation du service en question ou modifier les moments et les lieux de consommation, ou consommer d’autres services ;
  2. la réaction d’autres entreprises déjà présentes sur le marché, qui peuvent accroître leur propre production à la suite de l’augmentation du prix ou de la réduction de la production d’une autre entreprise ;
  3. la réaction d’autres entreprises qui ne produisent pas encore sur le marché et qui y entrent à la suite d’une augmentation du prix ou d’une diminution de la production d’une entreprise existante.

17Chacune des contraintes énumérées ci-dessus a un effet limité sur le marché de l’électricité pour les raisons suivantes :

  • Premièrement, le stockage de l’électricité coûte cher. « Les techniques de stockage – par exemple, par pompage d’eau en amont afin de constituer des réserves d’énergie hydroélectrique ou sur des batteries – sont très peu efficaces. » [6] Étant donné que l’électricité ne peut être stockée facilement, il existe un marché distinct pour chaque moment de livraison. Le prix des marchandises qui peuvent être stockées a tendance à s’uniformiser avec le temps étant donné que les entrepreneurs les achètent lorsque le prix est bas et les revendent lorsque le prix est élevé. Comme l’électricité ne peut être stockée, les marchés de l’électricité ont tendance à être plus instables que d’autres marchés de ressources énergétiques, par exemple ceux de l’essence. Nous verrons que même s’il existe une vive concurrence entre les producteurs à certains moments, la concurrence est parfois considérablement limitée (notamment pendant les périodes de forte consommation).
  • Deuxièmement, le transport de l’électricité coûte cher par moments – en particulier lorsque le réseau de transport est congestionné. Dans ce cas, les marchés de la production sont séparés géographiquement, ce qui réduit le nombre de concurrents potentiels et peut accroître le pouvoir de marché. En outre, le degré de congestion est à la fois fonction du niveau de la demande et des décisions stratégiques prises par les entreprises de production elles-mêmes.
  • Troisièmement, l’élasticité de la demande d’électricité est très faible. Très peu de consommateurs paient un prix correspondant aux variations du prix du marché du « pool » ou de la « bourse » de l’électricité. Par conséquent, la chute de la demande qui résulte d’une augmentation du prix du marché est négligeable. « La plupart des consommateurs finals d’électricité ne disposent pour ainsi dire d’aucun moyen technique d’observer les prix en temps réel et encore moins d’y réagir. La demande est pratiquement inélastique à court terme. » [7] On a vu que l’inélasticité de la demande facilite beaucoup l’exercice d’un pouvoir de marché en limitant la réduction de la demande des consommateurs à la suite d’une hausse de prix.
  • Quatrièmement, les producteurs font face à des contraintes de production évidentes. « Les groupes ont de fortes contraintes de capacité qui font augmenter considérablement le coût marginal au-delà d’un certain seuil de production. » [8] Si les autres entreprises présentes sur le marché souffrent de contraintes de capacité, elles sont incapables d’augmenter leur production à la suite d’une hausse de prix – le pouvoir de marché des entreprises restantes qui n’ont pas de contraintes peut donc être substantiel.
  • Cinquièmement, l’électricité est un bien homogène vendu dans le cadre d’enchères répétées sur des marchés comportant un nombre limité d’acteurs qui connaissent les coûts assumés par leurs partenaires et peuvent apprendre rapidement à réagir au comportement des autres, ce qui facilite les pratiques collusives.

Encadré 1. Concurrence selon la fonction d’offre et concurrence à la Cournot

« La concurrence à la Cournot ne rend pas entièrement compte des options qui s’offrent aux entreprises sur un marché de l’électricité. Les producteurs ne sont pas obligés de faire des enchères sur les quantités sur un marché spot mais sont, en fait, libres de faire des enchères sur n’importe quelle courbe d’offre, les enchères sur les quantités correspondant au cas particulier d’une courbe d’offre verticale. Cependant, l’évaluation de l’équilibre statique de Cournot sur le marché de l’électricité ne donne qu’une indication approximative du comportement concurrentiel si les entreprises font face à une faible incertitude de la demande. En l’absence d’incertitude, on observe que parmi les nombreux équilibres de Nash possibles, celui produit par les enchères sur les quantités (stratégie de Cournot) est le plus rentable. Par conséquent, en l’absence d’incertitude et si l’on dispose d’information sur les coûts, l’évaluation de la marge prix-coût selon le modèle de Cournot pourrait remplacer un indice structurel comme celui de Herfindahl-Hirschman. »
Il en va autrement sur un marché où la demande est incertaine. Un producteur y est confronté à de nombreux niveaux possibles de demande, même lorsqu’il connaît les niveaux de production de son concurrent. Les entreprises s’engagent alors dans une concurrence axée sur la courbe de l’offre. Ce problème a été analysé par Klemperer et Meyer ( 1989) dans un contexte général. Dans le cas d’une concurrence axée sur la courbe de l’offre, il est rentable pour les entreprises de s’éloigner de l’équilibre de Cournot pour aller vers un équilibre de Nash, qui se définit en terme de courbes d’offre ascendantes (mais non verticales). Les fournisseurs ne font pas des enchères sur des quantités simples comme le spécifie le modèle de Cournot. On aboutit alors à des marges prix-coût inférieures à celles que l’on obtient dans une concurrence à la Cournot. L’introduction de l’incertitude de la demande atténue par conséquent les effets du pouvoir de marché [1].
« Le modèle de la fonction d’offre (… ) présente certaines faiblesses qui pourraient limiter son utilité lorsqu’il est appliqué à certains marchés de l’électricité. Sur certains marchés, les échanges ne s’effectuent pas exclusivement ni même principalement par le biais d’un processus d’enchères portant sur la fonction d’offre. L’échange bilatéral de quantités spécifiées est répandu dans de nombreux marchés restructurés à l’échelle mondiale, comme les marchés à terme et différentes formes de marchés spot. (… ) L’approche selon la fonction d’offre ne convient pas non plus aux marchés sur lesquels la capacité d’une frange concurrentielle peut être limitée par des contraintes de production ou de transport. Globalement, l’approche selon la fonction d’offre réalise une meilleure approximation d’un aspect important de nombreux marchés de l’électricité que l’approche de Cournot mais n’est pas aussi souple que cette dernière pour ce qui est d’incorporer d’autres aspects institutionnels de ces marchés. L’approche selon la fonction d’offre produit enfin des équilibres multiples dont la diversité augmente lorsque diminue l’incertitude de la demande. L’équilibre de Cournot représente une borne supérieure des équilibres selon la fonction d’offre, est en général plus facile à calculer, et constitue peut-être, à cet égard, le meilleur moyen de mesurer l’existence potentielle d’un pouvoir de marché [2]. »

18 En outre, il se peut que des caractéristiques particulières du mode d’organisation des marchés de l’électricité contribuent à faciliter davantage le pouvoir de marché, comme c’est le cas, par exemple, des marchés où se négocient des primes de capacité ou une capacité de production de réserve. Ces marchés peuvent eux-mêmes se prêter aux manipulations stratégiques des entreprises qui y sont présentes [9].

19Borenstein et Bushnell résument comme suit les caractéristiques des marchés de l’électricité :

20

« Sur la plupart des marchés, il existe d’autres contraintes qui empêchent une entreprise donnée représentant un assez faible pourcentage de la production de procéder à des hausses de prix substantielles. Si le produit peut être stocké, les acheteurs, ou les intermédiaires qui le commercialisent, peuvent le stocker pour être moins vulnérables aux hausses de prix. Si les consommateurs finals reçoivent des informations sur les prix avant d’acheter, leur hésitation à payer des prix excessifs dissuade le vendeur de pratiquer de tels prix. Si l’offre est élastique, l’entreprise qui demande un prix élevé pour sa production provoque simplement un déplacement de part de marché vers un autre fournisseur. Chacune de ces caractéristiques est beaucoup moins présente sur les marchés du secteur électrique que sur ceux de la plupart des autres secteurs. Les entreprises qui détiennent des parts de marché, si modestes soient-elles, sont par conséquent davantage en mesure d’exercer un pouvoir de marché dans ce secteur que dans la plupart des autres secteurs. » [10]

3. Observations sur le pouvoir de marché sur les marchés de la production d’électricité

21 Examinons de façon plus détaillée comment le pouvoir de marché naît sur les marchés de l’électricité, son impact ainsi que la façon dont il doit être mesuré. Pour simplifier, prenons le cas d’un marché de l’électricité en faisant abstraction de la composante transport – et supposons que la totalité de la production et de la consommation interviennent au même endroit. Nous pourrons de la sorte nous attacher exclusivement aux effets des contraintes de capacité sur les producteurs. Nous réintroduirons ensuite la composante transport afin d’étudier l’effet des contraintes de transport.

22Nous avons vu que les prédictions des modèles économiques en ce qui a trait au degré de pouvoir de marché qui se manifeste sur les marchés de gros de l’électricité sont liées à la nature de l’interaction stratégique qui existe entre les entreprises productrices. On peut toutefois faire valoir que, du moins en période de pointe, une certaine forme de pouvoir de marché doit exister, quel que soit le type de concurrence que se livrent les producteurs.

23Prenons l’exemple d’un marché sur lequel la production est soumise à des contraintes de capacité, où la demande d’électricité n’est pas élastique, et où le niveau de la demande est suffisamment élevé pour faire en sorte que si un producteur cesse de produire, les autres producteurs ne peuvent compenser eux-mêmes la production manquante. Si l’inélasticité de la demande est suffisante, un producteur, si petite que soit sa taille, pourrait hausser significativement le prix du marché en réduisant sa production. De fait, si la demande est parfaitement inélastique, cette entreprise pourrait facturer le prix de son choix. Borenstein et Bushnell résument cet argument intuitif comme suit :

24

« Imaginez un pénible après-midi d’été où la température et l’humidité ont atteint des niveaux record et où presque toutes les centrales du réseau doivent tourner afin de répondre à la demande extraordinaire d’électricité nécessaire pour faire fonctionner les appareils de climatisation. Si le réseau n’a qu’un faible pourcentage de marge de capacité de production de réserve et qu’un producteur fournit plus qu’un faible pourcentage de la production totale, ce producteur joue un rôle essentiel dans la satisfaction de la demande. Autrement dit, il peut demander un prix très élevé pour livrer l’électricité… et les consommateurs paieront ce prix. » [11]

25Cela n’implique pas pour autant que le degré de pouvoir de marché augmente avec la demande. L’augmentation du degré de pouvoir de marché, en période de pointe, dépend de la nature de la concurrence entre les entreprises. Si elles se concurrencent en quantité (c’est-à-dire à la Cournot), quel que soit le nombre de producteurs identiques, et en supposant une élasticité constante de la demande, le pouvoir de marché est constant, peu importe le niveau de la demande, même lorsque la quasi-totalité de la capacité du marché est épuisée.

26C’est ce que démontre l’équation [ 1]. Sur un marché comportant des producteurs de taille identique, le niveau de production est le même pour tous les producteurs. Tous ces producteurs sont donc soit soumis à des contraintes, soit exempts de contraintes. Tant que dure l’absence de contraintes, le degré de pouvoir de marché est obtenu à l’aide de l’équation [ 1]. Lorsque tous les producteurs atteignent le même niveau de production, l’indice de Herfindahl-Hirschman (IHH) est la réciproque exacte du nombre d’entreprises, de sorte que le pouvoir de marché est égal à

equation im5
, peu importe le niveau de la demande.

27L’annexe B montre que ce résultat est vrai même lorsque les entreprises ne sont pas de taille identique – tant que l’élasticité de la demande demeure constante et que les entreprises n’ont pas de contrainte de capacité, l’augmentation de la demande est sans effet sur le prix.

28Par ailleurs, si les producteurs ne sont pas de même taille (et se concurrencent à la Cournot), le pouvoir de marché augmente avec la demande. Plus la demande augmente, plus le nombre de producteurs qui fonctionnent à pleine capacité croît, et moins ceux-ci sont en mesure de discipliner les autres acteurs du marché. Au point limite, il ne restera qu’un seul producteur (le plus gros). Ce dernier producteur sans contrainte détient un monopole effectif sur la demande résiduelle sur le marché. Le FTC des États-Unis résume ce cas de figure :

29

« Comment la participation de fournisseurs qui ne représentent qu’une petite fraction de la capacité peut-elle affecter le prix du marché de l’électricité ? Cela tient à la manière dont s’effectue le dispatching des centrales électriques. Les centrales électriques ont en général des fonctions de coûts très uniformes jusqu’à ce qu’elles atteignent leur pleine capacité. Elles fonctionnent par conséquent au maximum de leur capacité si elles sont économiquement en mesure de le faire au prix courant. Sinon, elles tournent au ralenti. Par conséquent, la plupart des centrales électriques qui produisent de l’électricité, pendant une période donnée, ne sont pour ainsi dire pas en mesure d’accroître leur production et de contrebalancer un comportement anticoncurrentiel. » [12]

30C’est ce qu’illustre le diagramme suivant : il s’agit d’un marché dont la courbe de la demande a une élasticité constante égale à 0.2. On compte 51 producteurs ayant tous un coût marginal identique de 10 dollars le MW. Sur ce nombre, 50 sont de petits producteurs ayant une capacité totale de 20 MW. Le cinquante et unième producteur est un gros producteur et a une capacité de production de 500 MW. (Supposons que ce producteur est né de fusions antérieures effectuées par 25 petits producteurs.) Ces producteurs sont réputés se concurrencer en quantité produite (autrement dit, on recherchera l’équilibre classique de Cournot).

31La figure 2 illustre le profil d’évolution du prix du marché à mesure que la demande augmente. Lorsque les niveaux de la demande sont bas, les petits producteurs n’ont pas de contraintes de capacité et le prix reste voisin du prix du marché efficace, soit 10 dollars le MW. Lorsque la demande (en supposant que le prix soit de 10 dollars le MW) dépasse les 1 000 unités, les petits producteurs ont une contrainte de capacité et le gros producteur détient un monopole effectif sur la demande résiduelle. Ce producteur n’accroît pas sa production aussi rapidement que la demande augmente, ce qui conduit à une hausse du prix du marché. Notons que sur un marché parfaitement concurrentiel, une demande supérieure à 1 500 MW, lorsque le prix est de 10 dollars le MW, entraînerait des contraintes pour tous les producteurs. Par conséquent, le prix efficace (le prix en vigueur sur un marché concurrentiel) dépasse le coût marginal de 10 dollars.

Figure 2.

Pouvoir de marché en période de pointe sur un marché

Figure 2.
Figure 2. Pouvoir de marché en période de pointe sur un marché comportant des producteurs de tailles différentes " ' 0$1 . ' # # / ' -- 2 -# 3 # ( ' # ' -- " ' -- 4

Pouvoir de marché en période de pointe sur un marché

32Lorsque, sur un marché, certaines entreprises fonctionnent à pleine capacité, elles ne peuvent plus augmenter leur production lorsqu’une autre entreprise diminue la sienne. Dans une certaine mesure, ces entreprises se retrouvent « hors marché ». Les autres entreprises présentes sur ce marché qui fonctionnent sans contraintes sont, de fait, en concurrence sur un marché séparé, à cette différence que la demande, sur ce marché « séparé », est réduite d’une quantité égale à la production de toutes les entreprises ayant des contraintes de capacité (c’est ce que l’on appelle la demande « résiduelle »).

33Notons que cela signifie entre autres que lorsque certaines entreprises ont des contraintes de capacité, le marché doit être défini non seulement en fonction du moment et du lieu où l’électricité est vendue, mais aussi du niveau de la demande. Le marché peut être très concurrentiel à certains niveaux de demande et très peu à d’autres.

34Cette réflexion peut se résumer ainsi :
Observation n° 1 : Lorsque des entreprises de production d’électricité n’ont pas la même capacité, un accroissement de la demande peut entraîner une augmentation du nombre d’entreprises qui fonctionnent à pleine capacité et intensifier le pouvoir de marché, même si toutes les entreprises assument le même coût marginal et que l’élasticité de la demande demeure constante.

3.1. Mesures du pouvoir de marché et de la concentration

35On a vu que sur un marché sans contraintes de capacité, le degré de pouvoir de marché peut être relié à la concentration qui existe sur ce marché selon l’équation suivante :

equation im7

où IHH est la somme des carrés des parts de marché des différentes entreprises qui sont en concurrence sur le marché
equation im8 où la partis de marché de la ième entreprise) et l’élasticité de la courbe de la demande? au prix et à la quantité d’équilibre.

36Cependant, comme on l’a déjà noté, le recours à l’indice de Herfindahl-Hirschman pour évaluer la concentration sur un marché ayant des contraintes de capacité peut aboutir à des résultats très trompeurs.

37On peut aisément le constater en reprenant l’exemple du marché illustré à la figure 2 ci-dessus. Dans cet exemple, il y a 50 petites entreprises et une grande. Comme le montre la figure 3, le marché n’est pas très concentré – l’indice de Herfindahl-Hirschman ne dépasse jamais 500 – et se situe largement en dessous du seuil (quelque peu arbitraire) de 1 000 fixé par le Department of Justice des États-Unis pour qu’un marché soit considéré comme concurrentiel. Cependant, comme le montre la figure 3, la marge prix-coût approche les 90 pour cent du prix du marché, ce qui suppose des niveaux de concurrence relativement bas.

Figure 3.

Concentration et marge prix-coût

Figure 3.
Figure 3. Concentration et marge prix-coût % * '5 ) 0 1 466 % * '5 ) 0 ' * 1 466 0 ' 1 4

Concentration et marge prix-coût

38Les autres mesures de la concentration ne donnent pas de résultats beaucoup plus probants. Ainsi, la part de marché de la plus grande entreprise ne dépasse jamais les 18 pour cent. Les 50 autres entreprises ne détiennent que 1 à 2 pour cent du marché chacune. La part de marché attribuée aux quatre premières entreprises ne dépasse jamais 25 pour cent.

39Supposons que ce marché comportait à l’origine 75 petites entreprises identiques ( 20 MW). Sur ce nombre, 25 envisagent fusionner. Étant donné que la concentration, après la fusion, serait inférieure à 500 sur l’échelle établie pour l’indice de Herfindahl-Hirschman, ou, en d’autres termes, que le ratio de concentration des quatre plus grandes entreprises serait inférieur à 25 pour cent, l’autorité de la concurrence concernée pourrait difficilement empêcher cette fusion. Mais, comme l’indique la figure 2, l’entreprise née de la fusion peut détenir un pouvoir de marché significatif pendant les périodes de pointe.

40Il est évident que l’indice de Herfindahl-Hirschman classique est un indicateur médiocre du pouvoir de marché sur un marché présentant des contraintes de capacité. Existe-t-il une meilleure méthode de mesure du pouvoir de marché sur ces marchés ?

41L’annexe B montre que la relation entre l’indice de Lerner, l’indice de Herfindahl-Hirschman et l’élasticité de la demande est toujours valable à la condition d’ajuster la formule de l’indice de Herfindahl-Hirschman. Plus précisément, on constate que sur les marchés où certaines entreprises ont des contraintes de capacité,

equation im10

equation im11
et où n représente le nombre d’entreprises sans contraintes, la part de is marché d’une entreprise sans contraintes ( i = 1,..n ) et la part de marchés combinée de toutes les entreprises soumises à des contraintes.

42Pour donner un exemple du calcul de l’indice de Herfindahl-Hirschman ajusté, prenons le marché déjà illustré aux figures 2 et 3. Lorsque la demande atteint un niveau égal à 1 200 unités, les 50 petites entreprises produisent au maximum de leur capacité de 20 unités de production. La plus grande entreprise produit 85.6 unités de production. Elle détient par conséquent une part de marché d’environ 7.9 pour cent, alors que les petites entreprises détiennent chacune une part de marché de 1.8 pour cent. L’indice de Herfindahl-Hirschman classique aboutirait par conséquent à la concentration du marché suivante : 7.9 [2] + 50 × 1.8 [2] = 224.

43Par comparaison, étant donné que la part de marché combinée des petites entreprises ayant des contraintes de capacité est de 92.2 pour cent, l’indice de Herfindahl-Hirschman ajusté se calcule comme suit : 7.9 × ( 7.9 + 92.2) = 790 – soit une concentration environ 3.5 fois plus élevée que celle obtenue à l’aide de l’indice de Herfindahl-Hirschman classique [13].

44Les différentes façons de calculer l’indice de Herfindahl-Hirschman apparaissent clairement à la figure 4, qui reprend l’exemple de la figure 3 avec l’indice de Herfindahl-Hirschman ajusté plutôt qu’avec l’indice de Herfindahl-Hirschman classique. Il ne fait pas de doute que l’indice de Herfindahl-Hirschman ajusté reflète mieux le degré véritable du pouvoir de marché sur ce marché pour différents niveaux de demande que ne le fait l’indice de Herfindahl-Hirschman classique. (Il convient de noter que dans ce graphique, l’échelle de l’indice de Herfindahl-Hirschman a été légèrement décalée pour dissocier les deux lignes qui autrement se seraient superposées.)

Figure 4.

Marge prix-coût et mesure de la concentration selon l’indice ajusté

Figure 4.
Figure 4. Marge prix-coût et mesure de la concentration selon l’indice ajusté % * '5 ) 0 1 466  % * '5 ) 0 ' * 1 466 8 # 0 ' 1 466 7 0 ' 1 4

Marge prix-coût et mesure de la concentration selon l’indice ajusté

45Observation n°2 : Sur un marché où certaines entreprises ont des contraintes de capacité, la mesure de la concentration au moyen de l’indice de Herfindahl-Hirschman classique donne des résultats imprécis et il faudrait plutôt recourir à l’« indice de Herfindahl-Hirschman ajusté » illustré dans l’équation [ 2].

3.2. Incidences sur les politiques structurelles

46Il est intéressant d’examiner certaines des conséquences du recours au concept de l’« indice de Herfindahl-Hirshman ajusté ». D’abord, il faut noter que chaque fois que la demande atteint un point où il ne subsiste qu’une seule entreprise sans contraintes, l’indice de Herfindahl-Hirschman ajusté de la concentration du marché est alors simplement égal à la part de marché de cette entreprise – les parts de marché détenues par les autres entreprises ne sont pas pertinentes. C’est ce que l’on constate aisément en examinant la formule de calcul de l’indice de Herfindahl-Hirschman ajusté. S’il n’y a qu’une seule entreprise sans contraintes, (l’entreprise 1, par exemple) sa part de marché et celle des autres entreprises totalisent évidemment 100 pour cent – soit
equation im13 , de sorte que :

equation im14

47Nous pouvons notamment en conclure que toute tentative de réduire le pouvoir de marché lorsqu’il n’y a qu’une seule entreprise sans contraintes passe obligatoirement par la réduction de la part de marché de cette entreprise – en recourant sans doute à la cession d’actifs. L’augmentation du nombre d’entreprises sur le marché ne suffira pas nécessairement à contrer le pouvoir de marché.

48Wolak et Patrick ( 1997) font ressortir le même argument : « L’entrée de nouvelles entreprises sur le marché [de l’Angleterre et du pays de Galles] n’aura sans doute à elle seule qu’une influence limitée... De nombreux producteurs d’électricité indépendants desservent déjà le marché, de sorte qu’on ne saurait se contenter d’augmenter le nombre de concurrents. Compte tenu du nombre actuel d’entreprises sur le marché et des règles de marché, il importe, pour limiter le pouvoir de marché, de réduire la taille des plus grandes entreprises comparativement à l’ensemble des autres entreprises. » [14]

49L’annexe B montre que pour un nombre fixe d’entreprises sans contraintes, l’indice de Herfindahl-Hirschman ajusté est réduit au minimum lorsque toutes les entreprises sans contraintes ont une part de marché identique. Cette part de marché doit par conséquent être égale à la part totale des entreprises sans contraintes divisée par le nombre d’entreprises sans contraintes

equation im15 La valeur minimum de l’indice de Herfindahl-Hirschman ajusté est par conséquent :
equation im16

50Cette expression conduit à penser que pour réduire le pouvoir de marché, les responsables de l’élaboration des politiques devraient porter leur attention sur a) l’augmentation du nombre d’entreprises sans contraintes et b) la réduction de la part de marché des entreprises sans contraintes (ou, ce qui revient au même, l’accroissement de la part de marché des entreprises ayant des contraintes).

51Qu’implique cette analyse pour la politique en matière de fusions ? Soulignons notamment que le contrôle des concentrations devrait être axé sur les fusions aboutissant à la création d’une entreprise sans contraintes (la fusion de deux entreprises qui continueront d’avoir des contraintes à un niveau donné de demande n’a pas d’impact sur le pouvoir de marché à ce niveau de demande, même si elle peut évidemment accroître le pouvoir de marché à d’autres niveaux de demande.)

52Notons également que le contrôle de la concentration devrait porter sur les fusions d’entreprises sans contraintes réalisées par des producteurs marginaux qui sont relativement proches dans l’ordonnancement selon l’ordre de coûts croissants. Le pouvoir de marché d’un producteur sans contraintes est limité principalement par l’aptitude des autres producteurs sans contraintes à accroître leur production à la suite d’une hausse de prix – notamment les producteurs qui assument un coût marginal voisin du prix du marché mais qui n’ont pas encore été appelés.

53De fait, comme l’illustre le diagramme ci-dessous, la fusion d’un producteur avec le producteur qui le précède immédiatement dans le classement par ordre de coûts croissants peut avoir un impact considérable sur le prix, même lorsque la part de marché du producteur dont le coût est le plus élevé est très petite. Reprenons l’exemple du marché décrit à la figure 2, en supposant cette fois qu’un producteur additionnel ayant une capacité de 200 MW et un coût marginal de 25 dollars le MW est actif sur le marché. Lorsque le prix du marché dépasse 25 dollars, ce producteur commence à produire. La figure 5 présente le niveau des prix pour différents niveaux de demande avant et après la fusion des deux plus grandes entreprises considérées. L’impact de cette fusion sur le prix du marché peut être très considérable, même lorsque l’entreprise dont le fonctionnement coûte le plus cher détient une petite part de marché. Par exemple, lorsque le niveau de demande est égal à 1 600, une fusion fait monter le prix, qui passe de 34.70 à 45 dollars le MW (soit une augmentation de 30 pour cent), même si les parts de marché détenues avant la fusion par les deux producteurs sans contraintes ne sont que de 14.2 et 5.6 pour cent.

Figure 5.

Effet de la fusion de deux entreprises qui sont voisines

Figure 5.
Figure 5. Effet de la fusion de deux entreprises qui sont voisines dans le classement selon l’ordre de coûts croissants " ' 0$1 " ' # 9 - ' * " ' # 7 ' * " ' -- 4

Effet de la fusion de deux entreprises qui sont voisines

54Observation n° 3 : Le contrôle des fusions de producteurs devrait s’exercer sur les fusions qui débouchent sur la création d’entreprises sans contraintes et sur les fusions d’entreprises dont les producteurs marginaux sont voisins dans le classement selon l’ordre de coûts croissants. La fusion de deux entreprises sans contraintes qui sont proches dans le classement selon l’ordre de coûts croissants peut avoir un effet significatif sur le prix même lorsque les deux entreprises en question ont une part de marché relativement faible.

3.3. Le pouvoir de marché en périodes creuses

55Nous avons vu comment la présence de contraintes de capacité augmente le pouvoir de marché comparativement à une situation où il n’existe pas de contraintes de capacité. Soulignons toutefois que pour autant, le pouvoir de marché n’a pas toujours tendance à augmenter en période de pointe. De fait, c’est plutôt le contraire qui peut se produire. Une augmentation de la demande peut, par exemple, occasionner le démarrage d’un très grand nombre de producteurs à coût élevé, ce qui a pour effet de réduire et non d’augmenter le pouvoir de marché [15].

Figure 6.

Le pouvoir de marché en périodes creuses

Figure 6.
Figure 6. Le pouvoir de marché en périodes creuses " ' 0$1 " ' # 5 / ' -- . 7 # # ( ' # , ' -- " ' -- 4

Le pouvoir de marché en périodes creuses

56La figure 6 illustre un marché dont les acteurs sont un producteur à faible coût (coût marginal de 4 dollars) et qui possède une petite capacité de 800 MW, et un grand nombre ( 50) de producteurs à coût élevé (coût marginal de 10 dollars). L’élasticité de la demande est égale à 2. Comme l’indique le graphique, lorsque les niveaux de la demande sont bas, le producteur à moindre coût détient un monopole – qu’il exerce en facturant un prix du marché de 8 dollars. Ce montant demeure le prix du marché jusqu’à ce que le monopoleur ait des contraintes de capacité, et c’est alors que le prix augmente à 10 dollars, que les autres producteurs accèdent au marché et que la marge prix-coût chute à près de zéro.

57Observation n° 4 : Le pouvoir de marché ne s’exerce pas nécessairement pendant les périodes de pointe uniquement. Lorsque les producteurs assument des coûts différents, une augmentation de la demande peut entraîner une réduction du pouvoir de marché (à élasticité de la demande constante). Autrement dit, le pouvoir de marché peut aussi se manifester pendant les périodes creuses.

3.4. Nouvelles entrées

58Nous avons examiné comment les contraintes de capacité peuvent accroître le pouvoir de marché des entreprises restantes qui ne sont pas soumises à des contraintes de capacité. Voyons maintenant si l’entrée de nouvelles entreprises peut contribuer à réduire ce pouvoir de marché.

59La capacité de nouveaux entrants à réduire le pouvoir de marché sur le marché considéré (comme sur n’importe quel marché) est fonction de l’ampleur des économies d’échelle qu’ils réalisent et de la technologie à laquelle ils ont accès. S’il n’y a pas d’économies d’échelle et que les nouveaux entrants peuvent choisir la technologie (et la structure de coûts), ils optent pour la moins chère. Ces nouvelles entrées ont tendance à faire baisser le prix du marché par rapport au coût marginal et se poursuivent jusqu’à ce que le prix (moyen) soit égal au coût moyen de l’entrant marginal.

60Dans certains cas, les opérateurs historiques parviennent à dissuader des concurrents potentiels d’entrer sur le marché en vendant leur production par le biais de contrats à long terme. Nous verrons ci-après que lorsque les producteurs historiques ont vendu à l’avance, à un prix fixe, une fraction importante de leur production, ils sont davantage portés à concurrencer de manière agressive sur le marché spot. Cela s’explique par le fait qu’ils ne profitent plus de la possibilité de réduire leur production et d’augmenter le prix du marché de la totalité des unités restantes qu’ils vendent – puisque la plupart d’entre elles sont déjà vendues à prix fixe. En choisissant leur niveau de couverture à terme, les producteurs historiques arrivent donc parfois à faire baisser le prix spot et à repousser ainsi les entrants potentiels. Newbery ( 1998) étudie cette possibilité et conclut :

61

« Si le secteur a la capacité totale voulue (compte tenu du nombre d’entreprises), les opérateurs historiques peuvent conclure suffisamment de contrats pour faire baisser le prix à un niveau dissuasif pour de nouveaux entrants potentiels et estiment très rentable de convenir d’un programme de fourniture au prix contractuel le plus élevé possible pour maintenir le prix à ce niveau. On obtient alors un équilibre où le niveau de couverture contractuelle, de même que les stratégies d’enchères, sont déterminés de manière univoque. La plupart du temps, la menace d’une nouvelle entrée incite les opérateurs historiques à augmenter leur couverture contractuelle. Ce faisant, ils deviennent plus compétitifs sur le marché spot et font baisser le prix moyen du pool. Ils font également en sorte d’optimiser la variabilité des prix spot. Newbery ( 1995) a montré que lorsque les deux opérateurs historiques qui fixent les prix sur le marché britannique de l’électricité constatent que de nouveaux concurrents risquent d’entrer sur le marché (ou lorsqu’ils ont permis l’entrée d’un nombre suffisant de concurrents pour satisfaire l’exigence de concurrence accrue de l’autorité de la concurrence), ils coordonnent rapidement leur stratégie d’enchères de la manière décrite ici. » [16]
Prenons maintenant le cas où le seul moyen dont disposeraient de nouveaux

62entrants potentiels pour accéder au marché serait le recours à une technologie qui coûte plus cher que celle qui est utilisée pour le gros de la production existante. Cette production se composerait pour l’essentiel d’énergie hydroélectrique coûtant relativement peu cher à produire, mais les possibilités de production d’énergie hydroélectrique additionnelle seraient épuisées. De nouvelles entrées seraient alors envisageables, mais seulement, par exemple, dans le secteur de la production d’électricité à partir du pétrole.

63Il est sans doute peu probable que de nouveaux concurrents affaiblissent le pouvoir de marché exercé par des producteurs haut placés dans le classement selon l’ordre de coûts croissants. En effet, plus un producteur est « haut placé », plus la demande doit être forte pour qu’il lui soit demandé de produire de l’électricité. Certains producteurs ne sont parfois sollicités que pour quelques périodes par jour ou par mois. Ces producteurs doivent récupérer la totalité de leurs charges fixes et de leurs frais d’exploitation sur une période de fonctionnement relativement courte. Pour ces producteurs, des charges fixes, si petites soient-elles, constituent une composante beaucoup plus importante du prix de revient total que pour un producteur qui est presque toujours en activité. Dans la pratique, les producteurs « à temps partiel » réalisent des économies d’échelle beaucoup plus importantes.

64Pour illustrer cette situation, supposons comme précédemment un marché comportant 50 producteurs identiques ayant une capacité de 20 MW et un coût marginal de 10 dollars le MW. La demande est à élasticité constante et est égale à 0.2. Lorsque le prix est de 10 dollars et que la demande augmente à 1 200 MW, ces 50 producteurs font face à une contrainte de capacité – ils produisent 1 000 MW et le prix passe à 24.88 dollars. Supposons que de nouveaux concurrents peuvent accéder à ce marché et utilisent une technologie correspondant à une capacité de 20 MW, en assumant un coût marginal de 15 dollars et des charges fixes de 2 dollars. Combien de nouveaux entrants ce marché peut-il accueillir ?

65Si le niveau de la demande se maintient indéfiniment à 1 200, ce marché peut supporter un niveau relativement élevé de nouveaux entrants – de fait, il pourrait accueillir 19 entreprises ayant des charges fixes de 2 dollars. Le prix du marché serait abaissé à 15.37 dollars et chaque nouvel entrant produirait 5.32 MW d’électricité.

66Qu’adviendrait-il cependant si ce niveau élevé de demande ne se maintenait que pendant une courte période ? Si cette période ne correspondait qu’à un pour cent du temps, par exemple, ce marché ne pourrait accueillir qu’un seul nouveau concurrent. Le prix du marché s’établirait à 19.58 dollars – prix préférable à celui qui serait pratiqué s’il n’y avait eu aucun nouvel entrant, mais qui dépasse largement le prix efficace, qui est de 15.10 dollars.

67De fait, si les périodes de pointe ne représentent qu’un pour cent du temps seulement, les charges fixes sont multipliées par 100. Cela peut suffire pour restreindre considérablement la possibilité d’une nouvelle entrée. C’est précisément pour cette raison que les entreprises haut placées dans le classement selon l’ordre de coûts croissants peuvent conserver leur pouvoir de marché.

68Observation n° 5 : Le pouvoir de marché qui ne se manifeste que par intermittence n’est pas nécessairement affaibli par de nouvelles entrées. Plus les épisodes de rendement excédentaire sont brefs, plus les charges fixes, si basses soient-elles, font obstacle aux nouvelles entrées.

3.5. Pouvoir de marché attribuable aux contraintes de transport

69Nous avons vu dans les sections précédentes comment le pouvoir de marché peut s’exercer dans un secteur de l’électricité simple, même lorsque des contraintes de transport sont improbables. Voyons maintenant comment les contraintes de capacité qui affectent les réseaux de transport peuvent séparer davantage les marchés et accentuer le pouvoir de marché.

70L’électricité est transportée sur des réseaux de transport à haute tension. Chaque liaison de transport entre deux points peut transporter une quantité maximum limitée d’électricité. Pour simplifier, supposons que le coût d’acheminement de l’électricité sur une liaison non congestionnée est nul (c’est-à-dire qu’il n’y a pas de pertes de transport).

71Prenons d’abord le réseau simple illustré à la figure ci-après. Il existe une seule liaison de transport entre les points A et B. La production et la consommation peuvent intervenir aux deux points.

Figure 7.

Réseau simple à deux nœuds

Figure 7.
Figure 7. Réseau simple à deux nœuds " + + # *  ; < " +  : :

Réseau simple à deux nœuds

72La direction du transit d’électricité entre les points A et B est fonction du prix relatif de l’électricité aux points A et B. Si la demande et/ou le coût de production sont moindres au point A, le fait que l’offre et la demande se coupent au point A aura tendance à produire un prix plus bas que si elles se coupaient au point B, de sorte que l’électricité sera portée à circuler de A vers B. Bien évidemment, la quantité et la direction du transit peuvent changer à tout moment au cours d’une journée à la suite de fluctuations de l’offre et de la demande aux points A et B. En particulier, la direction du transit peut être différente en période de pointe et en période creuse. Ce point sera approfondi ci-après.

3.6. Congestion du réseau de transport et pouvoir de marché en période de pointe

73Dans la section précédente, nous avons vu que des contraintes de capacité peuvent accentuer le pouvoir de marché. Les contraintes de réseau de transport peuvent avoir exactement le même effet. Prenons par exemple un marché composé de 50 producteurs au point A et d’un producteur au point B. Supposons qu’aucun de ces producteurs n’a de contraintes de capacité, mais que la liaison entre le point A et le point B a une capacité maximum de 1 000 MW. La totalité de la consommation intervient au point B. Supposons que la courbe de la demande a une élasticité constante égale à 0.2. Tous les producteurs assument un coût marginal constant de 10 dollars.

Figure 8.

Réseau simple à deux nœuds ayant des contraintes de transport

Figure 8.
Figure 8. Réseau simple à deux nœuds ayant des contraintes de transport " + # *  ;  %& " + 7

Réseau simple à deux nœuds ayant des contraintes de transport

74L’effet de la contrainte est illustré à la figure 9. Lorsque la demande s’accroît de telle sorte que la liaison entre A et B est congestionnée, toute hausse de la consommation doit s’accompagner d’une hausse de la production du producteur situé au point B. Ce producteur détiendra un pouvoir de marché significatif et pourra augmenter le prix à mesure que la demande s’accroîtra. Dans cet exemple, la contrainte de transport fonctionne exactement de la même façon que les contraintes de capacité sur les producteurs situés au point A. L’évaluation précise du pouvoir de marché qui existe sur le marché de la production au point B nécessite dans ce cas également l’utilisation de l’indice de Herfindahl-Hirschman ajusté.

75La congestion fait en sorte que le prix du marché au point A diffère de celui pratiqué au point B. Le point A et le point B sont sur le même marché électrique quand la demande est faible, mais se séparent géographiquement lorsque la demande s’accroît. Le producteur situé au point B doit augmenter sa production afin de répondre à la demande. Le producteur situé au point B est parfois réputé être « une centrale contrainte à tourner » ou se trouver dans une situation où il doit « tourner pour assurer la fiabilité du réseau ». Dans ce cas également on constate qu’en présence de contraintes de capacité, il faut prendre en compte, pour définir le marché, non seulement le moment et du lieu où l’électricité est vendue, mais aussi le niveau de la demande.

Figure 9.

Contraintes de transport en période de pointe

Figure 9.
Figure 9. Contraintes de transport en période de pointe sur un réseau simple à deux nœuds " ' 0$1 . ' =# # : # / ' -- 2 -# 3 # ( ' # ' -- " ' -- 4

Contraintes de transport en période de pointe

76Un marché qui est isolé en périodes de pointe en raison de contraintes de transport est appelé une zone de saturation. Ainsi, lorsque la demande d’électricité est forte à San Diego, la capacité de transport vers cette région peut être épuisée, ce qui crée une « zone de saturation », et les producteurs de San Diego détiennent un pouvoir de marché local significatif.

77L’effet du pouvoir de marché du producteur situé au point B est fonction du mode de tarification de l’accès au réseau de transport. Selon la tarification nodale, les prix d’injection ou de soutirage de l’électricité peuvent différer d’un point à l’autre du réseau. « La variation des prix reflète l’impact marginal de la fourniture sur les contraintes de fonctionnement du réseau, qui peuvent différer selon les endroits. L’électricité injectée dans le réseau d’une région donnée qui a pour effet d’atténuer la congestion est payée plus cher que celle qui accentue la congestion. En général, l’électricité coûte plus cher dans les régions où existent des contraintes d’importation, même si les mécanismes complexes qui caractérisent les transits d’électricité aboutissent parfois à des résultats moins évidents. » [17] Suivant la tarification nodale, lorsque la liaison de transport A-B devient congestionnée, l’injection d’électricité coûte plus cher au point A qu’au point B, de sorte que les producteurs situés au point A sont portés à ne pas produire une quantité d’électricité supérieure à la capacité de la liaison de transport entre les points A et B. Le niveau de production choisi par le producteur situé au point B affecte à la fois les prix payés par les consommateurs et le prix attribuable à la congestion sur la liaison.

78Dans les réseaux appliquant la tarification par zone, les prix d’injection ou de soutirage d’électricité sont constants dans quelques zones couvrant de vastes régions. Dans l’idéal, ces zones sont sélectionnées de manière à correspondre à des régions possédant une capacité de transport suffisante et dont le réseau est peu exposé aux congestions. Étant donné que selon la tarification nodale, les prix ne reflètent pas la congestion du réseau de transport, le gestionnaire du réseau de transport doit parfois s’abstenir d’effectuer le dispatching selon l’ordre des coûts croissants et doit plutôt appeler un producteur et payer le montant qu’il demande plutôt que le prix du marché en vigueur dans la zone concernée. Comme le montant demandé par le producteur est supérieur au prix du marché du système, cette intervention entraîne un coût qui est habituellement récupéré en étant répercuté sur l’ensemble des utilisateurs.

79Dans l’exemple qui précède, si les points A et B sont situés dans la même zone, le prix de l’injection d’électricité est le même aux points A et B. Par conséquent, un autre mécanisme doit être mis en œuvre pour limiter la production au point A et l’accroître au point B. Par exemple, le gestionnaire du réseau de transport peut demander que le dispatching soit fait depuis le point B, sans égard au prix demandé par le producteur situé au point B. Il faut que les producteurs situés au point A perçoivent un montant inférieur à celui payé au producteur situé au point B et soient ainsi dissuadés d’accroître leur production. Le prix payé par les consommateurs finals sera inférieur au montant versé au producteur situé au point B et supérieur à celui versé aux producteurs situés au point A – de fait, le surcoût payé au producteur « contraint à tourner » situé au point B est fondu dans l’ensemble des achats d’électricité. En d’autres termes, les rentes issues de la congestion du réseau de transport sont répercutées sur les consommateurs par le biais des prix de l’électricité. Selon Bushnell et Wolak ( 1999) :

« Sur les deux types de marchés, à savoir ceux où l’on retrouve de nombreux prix nodaux et ceux où il n’existe que quelques prix à l’intérieur d’une zone, les producteurs situés stratégiquement peuvent tirer profit des contraintes de réseau en demandant des prix plus élevés. Grâce aux contraintes de transport, ces producteurs font face à une concurrence potentielle moindre que ceux qui sont situés ailleurs sur le réseau. En l’absence de substituts à la production de ces groupes, le marché doit ou bien augmenter localement le prix de l’énergie [dans le mode de tarification par zone], ou bien payer au producteur un prix supérieur au prix du marché [dans le mode de tarification nodale]. Ces producteurs peuvent influencer les prix de façon disproportionnée, du moins dans leurs régions. Pendant les premières années d’existence du pool de l’électricité de l’Angleterre et du pays deGalles, par exemple, des producteurs situés dans des régions stratégiques ont appris à ajuster leurs offres de manière à tirer parti de leur statut de producteurs contraints à tourner, ce qui a entraîné, d’une année à l’autre, une augmentation de plus de 70 millions de livres des paiements versés à ces producteurs. Les offres de fourniture faites par ces groupes ont semble-t-il été limitées essentiellement par la crainte d’une intervention des autorités de la réglementation. » [18]

80Observation n° 6 : Dans un réseau électrique simple à deux nœuds affecté par des contraintes de transport, le pouvoir de marché peut se manifester en période de pointe même lorsque les producteurs n’ont pas de contraintes de capacité. L’analyse qui s’applique à cette situation est la même que si les producteurs situés dans les régions exportatrices étaient soumis à des contraintes de capacité de production. L’indice de Herfindahl-Hirschman ajusté rend compte avec précision du pouvoir de marché exercé par des producteurs présents sur les marchés où existent des contraintes d’importation.

81Dans la section précédente, nous avons noté que la fusion d’une entreprise sans contraintes et d’une entreprise ayant des contraintes est susceptible d’accroître le pouvoir de marché. Dans le cas présent, cependant, la fusion d’un producteur sans contraintes situé au point B et d’un producteur situé en amont au point A n’a pas d’effet sur le pouvoir de marché lorsque la liaison est congestionnée, pour autant que la congestion de la liaison A-B subsiste après la fusion. En effet, lorsque cette liaison est congestionnée, il est possible dans tous les cas de réduire la production du producteur situé au point A en augmentant celle des autres producteurs, ce qui assure que la liaison demeure congestionnée et élimine l’effet de la baisse de production sur le prix du marché. Tant que le transit de l’électricité sur la liaison demeure constant, l’entreprise n’a pas intérêt à réduire la production du producteur situé au point B. La fusion d’un producteur situé au point A avec le producteur situé au point B n’a donc pas d’effet global sur le pouvoir de marché.

3.7. Droits financiers de transport

82Selon le mode de tarification nodale, le réseau de transport peut percevoir des recettes au titre du transport d’électricité sur des liaisons congestionnées. Ces recettes sont appelées « rentes de congestion ». Les vendeurs et les acheteurs d’électricité souhaitent parfois se couvrir contre les frais inhérents à la congestion, notamment en acquérant une participation dans les rentes de congestion – c’est-à-dire en partageant la rente qui revient au gestionnaire du réseau de transport. Le droit à une part des rentes de congestion est appelé « droit financier de transport ». L’existence de droits financiers de transport affecte-t-elle le degré de pouvoir de marché ?

83La réponse est affirmative. Si le producteur situé au point B est autorisé à acquérir une part des droits financiers de transport, il se peut que cela l’incite davantage à restreindre sa production. Autrement dit, plus la part de droits financiers de transport détenue par le producteur monopoleur situé au pointB est grande, plus le prix du marché est élevé. Joskow et Tirole ( 2000) expliquent ce phénomène :

84

« Plus la part des droits détenus par le producteur [situé au point B] est grande, plus il est incité à augmenter le prix [au point B]. (… ) Le [producteur situé au point B] dispose alors de deux sources de revenus : les ventes d’énergie et les rentes de congestion que lui rapportent ses droits financiers de transport. Plus le [producteur situé au point B] internalise la rente de congestion, plus celle-ci est élevée, ce qui réduit sensiblement l’élasticité de la courbe de la demande résiduelle et accroît le pouvoir de marché. (… )

85Lorsque [le producteur situé au point B détient tous les droits financiers de transport, il] fait face à la demande totale alors que lorsqu’il n’en détient pas, il fait face à la demande résiduelle. Autrement dit, si le producteur monopoleur [situé au point B] détient tous les droits financiers de transport, il optimise ses bénéfices (les recettes nettes qu’il tire de la fourniture d’énergie, auxquelles s’ajoutent les rentes de congestion) comme s’il détenait un monopole sur la totalité de la fonction de demande. Ce faisant, le [producteur situé au point B] sacrifie certains des bénéfices qu’il tirerait autrement de la fourniture d’électricité dans le but d’accroître ceux qu’il tire sous forme de « dividendes » au titre des droits financiers de transport qu’ils possède, en raison de sa capacité de faire monter le prix. » [19]

86Le graphique de la figure 10 illustre le prix du marché applicable à différents niveaux de demande pour la même structure de marché qu’à la figure 8, sauf que le producteur situé au point B détient une part variable des droits financiers de transport.

Figure 10.

Effet des droits financiers de transport sur le pouvoir de marché

Figure 10.
Figure 10. Effet des droits financiers de transport sur le pouvoir de marché " ' 0$1 " ' # 7 # : # - " ' # 7 # : # - " ' # , - " ' -- 4

Effet des droits financiers de transport sur le pouvoir de marché

87Observation n° 7 : Lorsque le réseau de transport vend des droits à une part des rentes de congestion, les producteurs qui tirent profit de la congestion sont incités acquérir ces droits et peuvent ainsi accroître leur pouvoir de marché.

3.8. Congestion du réseau de transport et pouvoir de marché en périodes creuses

88Dans l’exemple simple que nous venons d’examiner, le pouvoir de marché n’intervient que pendant les périodes de pointe. Dans un modèle un peu plus général, on peut montrer que la congestion du réseau de transport peut survenir en périodes creuses seulement, même sur un marché où toutes les entreprises assument un coût marginal identique.

89La possibilité qu’une congestion du réseau survienne uniquement en périodes creuses est par intuition manifeste. La direction du transit d’électricité entre le point A et le point B est fonction du prix du marché pratiqué au point A et au point B. En période de pointe, il se peut que la production et la consommation à chaque point soient équilibrées, et qu’il y ait relativement peu de transits sur la liaison A-B. Si, pendant les périodes creuses, la demande chute davantage au point A qu’au point B, les producteurs situés au point B voudront exporter vers le point A. La quantité des exportations alors effectuées peut excéder la capacité de la liaison qui relie le point A au point B.

90Prenons un exemple explicite, soit un marché sur lequel la demande au point A et au point B est linéaire avec une pente égale à 0.5. On compte 50 producteurs situés au point A et un seulement au point B. Tous les producteurs assument un coût marginal constant de 10 dollars. La liaison entre le point A et le point B a une capacité de 20 MW. Pendant les périodes de pointe, le niveau de la demande est de 1 200 au point A et de 40 au point B, et la liaison A-B n’est pas congestionnée, de sorte que le prix pratiqué sur les deux marchés est le même, soit 23.40 dollars. Le producteur situé au point B exporte à ce prix 7 MW d’électricité vers le marché du point A.

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91Pendant les périodes creuses, le niveau de la demande au point A baisse à 200, tandis que la demande au point B se maintient à 40. Le prix chute sur les deux marchés, mais davantage au point A. Les producteurs situés au point A tentent de compenser la baisse de prix en exportant de l’électricité vers le point B, mais la liaison A-B devient congestionnée. Le prix du marché est de 12.16 dollars au point A et de 15 dollars au point B.

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92Observation n°8 : Dans un réseau électrique simple à deux nœuds présentant des contraintes de transport, le pouvoir de marché peut se manifester en période creuse même lorsque le coût marginal est le même pour tous les producteurs.

3.9. Congestion du réseau de transport et transits de bouclage

93Nous avons examiné dans la section qui précède les effets de la congestion sur le réseau de transport d’électricité le plus simple qui soit, composé d’une liaison unique entre deux points. Dans les réseaux de transport légèrement plus complexes, une autre possibilité existe, celle du « transit de bouclage ». Nous montrerons dans la présente section comment, en présence d’un transit de bouclage, un producteur peut détenir un pouvoir de marché même s’il n’existe pas de contraintes de capacité sur les liaisons entre les producteurs et les consommateurs.

94Le transit de bouclage est dû au fait que l’électricité ne peut pas être acheminée par un chemin particulier. Elle circule plutôt sur un réseau en suivant la liaison qui offre le moins de résistance. Lorsqu’il y a plus d’une liaison entre le point de production et le point de consommation, l’électricité emprunte toutes les liaisons possibles en quantités inversement proportionnelles à leur résistance.

95Cette situation peut être illustrée à l’aide d’un réseau simple à trois nœuds, comme celui de la figure 11. La figure 11 présente un réseau électrique simple à trois nœuds reliés par trois liaisons d’égale longueur. La production est réalisée aux points A et B, alors que la consommation intervient au point C. On compte un grand nombre de producteurs en concurrence au point B et un seul au point A. La liaison entre A et C et entre B et C ne présente pas de contraintes de capacité alors que la liaison entre A et B en comporte une de 200 MW.

96L’électricité produite au point A peut atteindre sa destination de deux manières – en empruntant une liaison directe, A-C, ou une liaison indirecte, A-B-C. Comme la liaison indirecte est exactement deux fois plus longue, elle offre exactement deux fois la résistance de la liaison directe, de sorte que la liaison directe transporte deux fois plus d’électricité que la liaison indirecte. En d’autres termes, sur la totalité de l’électricité produite au point A, le tiers circule par A-B-C et les deux tiers par A-C.

Figure 11.

Réseau simple à trois nœuds présentant une contrainte

Figure 11.
Figure 11. Réseau simple à trois nœuds présentant une contrainte de capacité sur la liaison A-B + #  %&  : +

Réseau simple à trois nœuds présentant une contrainte

97Il en va de même pour l’électricité produite au point B, et le transit net qui circule du point A au point B correspond au tiers de la différence entre la quantité d’électricité produite par les producteurs situés au point A et celle produite par les producteurs situés au point B. Comme cette liaison a une capacité limitée, nous pouvons déduire que la différence entre la quantité d’électricité produite par les producteurs situés au point A et celle produite par les producteurs situés au point B ne peut jamais excéder le triple de la contrainte de capacité présente sur la liaison A-B.

Figure 12.

Réseau simple à trois nœuds présentant une contrainte

Figure 12.
Figure 12. Réseau simple à trois nœuds présentant une contrainte de capacité sur la liaison B-C  : + # %& +

Réseau simple à trois nœuds présentant une contrainte

98La figure 13 illustre ce qui se produit dans le secteur électrique lorsque la demande augmente, passant de niveaux bas à des niveaux de plus en plus élevés. Lorsque les niveaux de la demande sont bas, la différence entre la production des producteurs situés au point A et celle des producteurs situés au point B est suffisamment faible pour que la liaison A-B ne soit pas congestionnée. Toutefois, les producteurs situés au point B réagissent plus fortement à une augmentation de la demande que ceux qui sont situés au point A. Lorsque les niveaux de la demande sont moyens, la liaison A-B devient congestionnée. Lorsque les niveaux de production sont élevés, la production au point A doit augmenter d’une unité par unité de production additionnelle réalisée au point B. De fait, le producteur situé au point A est « contraint à tourner ». Ce producteur se trouve dans une situation analogue à celle du producteur considéré comme étant en zone de saturation (figure 9). La différence, sur ce marché, tient au fait que les producteurs situés au point B ne sont pas complètement empêchés d’accroître leur production – mais ils n’ont la possibilité de le faire que lorsque le producteur situé au point A le fait simultanément. En réalité, le producteur situé au point A ne fait pas face à la totalité de la demande résiduelle, mais à la moitié de cette demande exactement. Cela le place néanmoins dans une situation de pouvoir de marché significativement accru. Lorsque la demande augmente, le prix du marché au point C augmente rapidement, comme l’illustre la figure 13.

Figure 13.

Pouvoir de marché sur un réseau à trois nœuds

Figure 13.
Figure 13. Pouvoir de marché sur un réseau à trois nœuds " ' 0$1 A : 5+ / # * - - # A 5: / # * - - # B , ,=  : 5+ 5+ " ' -- 4

Pouvoir de marché sur un réseau à trois nœuds

99Même si le producteur situé au point A détient un pouvoir de marché lorsqu’il y a une contrainte de capacité sur la liaison A-B, ce pouvoir de marché s’accroît de façon significative lorsqu’il existe une contrainte de capacité sur la liaison B-C, comme l’illustre la figure 12. Dans ce cas, la production additionnelle réalisée au point A n’élimine pas la congestion qui existe sur la liaison B-C, mais, au contraire, l’accentue. Le producteur situé au point A peut alors, en augmentant sa production simultanément, faire monter les ventes à prix élevé au point C et restreindre la production d’importations rivales provenant du point B. Les prix qui en résultent pour différents niveaux de demande sont illustrés à la figure 13 [20].

100Observation n° 9 : Dans un réseau simple à trois nœuds ayant des contraintes de transport, le pouvoir de marché peut se manifester même lorsqu’il n’y a pas de contraintes de capacité sur les liaisons de transport directes entre les producteurs et les consommateurs.

3.10. Le pouvoir de marché dans la pratique

101De nombreuses études ont été réalisées sur le pouvoir de marché sur les marchés de gros de l’électricité. On trouvera à l’annexe A un excellent survol de ces études effectué par le Department of Energy des États-Unis.

102Les auteurs suivants ont réalisé des études intéressantes sur le pouvoir de marché en Angleterre et au pays de Galles : Green ( 2002), Wolfram ( 1999, 1998), Wolak et Patrick ( 1997), Newbery ( 1995a) et Green et Newbery ( 1992).

103Parmi les nombreuses études sur le pouvoir de marché observé sur le marché de gros de la Californie, citons celles menées par Borenstein ( 2002), Borenstein, Bushnell et Wolak ( 2002), Borenstein, Bushnell et Wolak ( 2001), Joskow et Kahn ( 2001), Hildebrandt ( 2001a, 2001b), Puller ( 2001), Sheffrin ( 2001 ), Wolak, Nordhaus et Shapiro ( 2000 ), Bushnell et Wolak ( 1999 ), Borenstein et Bushnell ( 1998) et Borenstein, Bushnell, Kahn et Stoft ( 1996).

104Des études portant sur le pouvoir de marché sur le marché de l’électricité dans les pays scandinaves (« NordPool »), ont été effectuées par Johnsen, Verma et Wolfram ( 1999), Andersson et Bergman ( 1995), Halseth ( 1999) et Hjalmarsson ( 2000) [21].

105Les deux encadrés qui suivent résument certains des résultats d’études portant sur le pool de l’électricité de l’Angleterre et du pays de Galles et la bourse de l’électricité de la Californie.

3.11. Le pouvoir de marché sur les marchés de l’électricité est-il préjudiciable ?

106Les problèmes liés au pouvoir de marché semblent répandus sur les marchés de gros de l’électricité mais ce pouvoir de marché est-il vraiment nuisible ? Après tout, lorsque la demande est inélastique, des prix plus élevés n’ont à peu près pas d’effet sur la demande – autrement dit, l’un des aspects qui font du pouvoir de marché un problème important (l’inélasticité de la demande) assure également que le pouvoir de marché qui s’ensuit a un impact limité sur le bien-être. Si la demande est inélastique, la perte sèche imputable au pouvoir de marché est nulle. « En raison de l’extrême inélasticité à court terme de la demande, le pouvoir de marché observé sur les marchés de l’électricité a très peu d’effet sur la quantité consommée ou sur l’efficience allocative à court terme. » [22]

107L’efficience allocative n’est cependant pas la seule composante du bien-être général affectée par le pouvoir de marché. Le pouvoir de marché peut aussi mener à une inefficience productive s’il entraîne à court terme le remplacement de centrales à faible coût par des centrales à coût élevé, ou, à moyen et à long terme, l’entrée de centrales inefficientes. Borenstein, Bushnell et Wolak ( 2002) soulignent :

108

« [L]’exercice d’un pouvoir de marché par une entreprise peut donner lieu à une réaffectation inefficiente de la production entre les entreprises productrices : une entreprise qui exerce un pouvoir de marché limite sa production de manière à ce que son coût marginal soit en dessous du prix (et égal à son revenu marginal), alors que les autres entreprises qui sont preneuses de prix produisent des unités pour lesquelles elles assument un coût marginal presque égal au prix. Il y a par conséquent une production inefficiente à l’échelle du marché, puisqu’une production qui coûte plus cher et qui est plus concurrentielle remplace une production à moindre coût réalisée par des entreprises qui détiennent un pouvoir de marché. Cela correspond à l’évolution du marché britannique telle que décrite par Wolak et Patrick ( 1997) : des centrales appartenant à de nouveaux entrants, qui fonctionnaient avec des turbines à gaz à cycles combinés, fournissaient à coût élevé de l’électricité en base qu’auraient pu produire à moindre coût des centrales au charbon dont les deux plus grandes entreprises restreignaient la production.
Plusieurs analyses effectuées récemment ont également démontré que l’exercice d’un pouvoir de marché sur un réseau d’électricité peut accroître considérablement le degré de congestion [23]. L’accroissement de la congestion a un effet négatif sur l’efficacité et la fiablité du système. Le pouvoir de marché peut aussi inciter les entreprises à utiliser leurs ressources hydroélectriques de manière à diminuer l’efficience économique générale [24].
Enfin, l’influence des prix de l’électricité sur la prise de décision à long terme peut avoir une incidence considérable sur l’économie et l’efficicacité des investissements. Même si, comme on l’a fait remarquer, des prix élevés sont susceptibles de stimuler les nouveaux investissements et l’accès à la production d’électricité, les investissements en question ne seront pas efficaces s’ils sont motivés par des prix élevés qui résultent de l’exercice d’un pouvoir de marché, et qui traduisent peut-être un besoin non pas de capacité accrue mais d’utilisation efficiente de la capacité existante. Les prix artificiellement élevés peuvent aussi conduire les entreprises à ne pas investir dans des activités productives qui nécessitent une forte utilisation d’électricité, ou à avoir recours à des techniques de production à moins forte intensité d’électricité mais inefficientes. » [25]

Encadré 2. Le pouvoir de marché sur le pool de l’électricité de l’Angleterre et du pays de Galles [1]

Pendant la période comprise entre avril 1990 et mars 2001, la quasi-totalité de l’électricité consommée en Angleterre et au pays de Galles devait être vendue la veille pour le lendemain sur un marché spot aux prix d’équilibre du marché établis pour chaque demi-heure. En 1990, l’ancienne société d’électricité d’État intégrée (le Central Electricity Generating Board ) a été séparée en trois grandes sociétés de production. Deux d’entre elles, National Power et PowerGen, ont pris en charge toutes les centrales existantes de production d’électricité à partir de combustible fossile et l’État a conservé la propriété des centrales nucléaires. Ces trois sociétés concurrencent avec des producteurs d’électricité indépendants, des producteurs situés en Écosse et Électricité de France, qui peut fournir de l’électricité au Royaume-Uni par l’intermédiaire d’un interconnecteur avec la France. Cependant, le coût assumé par ces trois autres opérateurs et l’existence de contraintes de transport font qu’ils sont très rarement en mesure d’influencer le prix du marché de l’électricité au Royaume-Uni. En 1996, malgré les nombreuses entrées, le prix du marché était fixé par National Power ou PowerGen et par les installations de stockage par pompage du réseau de transport dans 84 et 11 pour cent des cas respectivement.
Le prix payé aux producteurs en vertu des anciennes règles qui prévalaient sur le marché, c’est-à-dire le prix payé par le pool ( Pool Purchase Price ou PPP ) était le prix proposé par le producteur marginal, ou prix marginal du système ( System Marginal Price ou SMP) auquel s’ajoutait une prime de capacité ( Capacity Charge ou CC). (Autrement dit : PPP = SMP + CC). La prime de capacité se calculait au moyen de la formule suivante : CC =LOLP×(VOLL-SMP). La LOLP ( Loss of Load Probability) représentait la probabilité de perte de charge et était une fonction décroissante du montant prévu de capacité excédentaire disponible pour chaque tranche semi-horaire. Plus la capacité excédentaire était élevée, plus la probabilité de perte de charge était faible. La valeur de la perte de charge ( Value of Loss Load ou VOLL) était une constante fixée à 2 000 livres en 1990 et a suivi l’augmentation de l’IPC par la suite. Wolak et Patrick ( 1997) soulignent que la prime de capacité encourageait fortement les producteurs à restreindre leur capacité déclarée – ce qui, en plus d’augmenter le prix marginal du système, contribuait, en réduisant la capacité de réserve disponible, à augmenter les primes de capacité. Les primes de capacité ont été supprimées en mars 2001, lorsque l’Angleterre et le pays de Galles ont adopté les nouvelles règles du marché de l’électricité.
La première tentative de modélisation du pouvoir de marché sur le pool de l’électricité de l’Angleterre et du pays de Galles a été faite par Green et Newbery ( 1992). D’après ce modèle, la concurrence entre PowerGen et National Power est un jeu non coopératif dans lequel chaque producteur choisit non pas la quantité (comme dans une concurrence à la Cournot) mais la totalité de sa fonction d’offre (c’est-à-dire la quantité qu’il produira selon chaque prix du marché possible). Green et Newbery retiennent pour leur modèle des paramètres censés refléter la situation sur le marché de l’Angleterre et le pays de Galles. Ils concluent que comme par le passé, il existe un pouvoir monopolistique important sur ce marché :
« À court terme, les stratégies mises en œuvre par National Power et PowerGen auront peu d’effet sur le niveau des entrées, et elles détiennent un pouvoir de marché très significatif, qu’elles peuvent exercer sans collusion en présentant un plan de fourniture situé nettement au-dessus des coûts marginaux d’exploitation. Elles ont recours à d’autres méthodes de manipulation du marché qui consistent à exploiter les contraintes de capacité de transport sur le réseau, étant donné que leur pouvoir de marché sur certains marchés secondaires régionaux est de beaucoup supérieur à celui qu’ils exercent sur l’ensemble du pays.
À moyen terme, on prévoit déjà de très nombreuses entrées et cela est une réaction logique à l’équilibre probable du marché, bien que, selon nos calculs, le niveau prévu d’expansion de la capacité n’est pas justifié en termes de coûts et d’avantages sociaux. (… ) [L]a perte sèche totale dépasse de 262 millions de livres celle qui aurait été enregistrée si le secteur avait été séparé en cinq entreprises de taille égale, d’après notre schéma médian et dans l’hypothèse optimiste selon laquelle les opérateurs historiques agissent comme un duopole symétrique. Même si les nouvelles entrées obligeront les opérateurs historiques à fixer des prix plus bas, les investissements importants et inutiles dans une capacité additionnelle entraînent une perte sociale très importante.
D’après notre analyse, l’ampleur du pouvoir de marché a été grandement sous-estimée par les pouvoirs publics, qui ont peut-être été induits en erreur par la notion selon laquelle la concurrence à la Bertrand est nécessairement très vive, même sur les marchés concentrés. Les pertes sèches potentielles sont élevées aussi bien du côté de la demande qu’en ce qui a trait aux coûts en raison des écarts par rapport au classement efficace selon l’ordre de coûts croissants. (… ) La quasi-totalité de ces inefficacités auraient pu être évitées si le secteur avait été séparé en cinq producteurs de taille égale plutôt qu’en deux producteurs d’énergie thermique de taille inégale. (… ) Force est de constater que l’on a laissé passer une excellente occasion d’effectuer une transition vers une industrie concurrentielle et non réglementée. La question de savoir s’il est préférable d’adopter un système de réglementation des producteurs à l’américaine afin de maintenir les prix à un niveau suffisamment bas pour dissuader les entrées indésirables ou d’accepter ces coûts supplémentaires dans l’espoir de favoriser l’émergence d’un secteur plus concurrentiel qui peut se passer de réglementation demeure intéressante et ouverte. » [2]
Quelques années plus tard, en 1997, Wolak et Patrick ont soutenu que même s’il est possible de demander des prix supérieurs au coût marginal, cette pratique pouvait être facilement détectable et punie. Les producteurs estimaient par conséquent préférable d’adopter une stratégie consistant à retirer la capacité infra-marginale – ce qui fait monter à la fois le prix marginal du système et les primes de capacité.
« En demandant des prix supérieurs au coût marginal de chaque centrale, ces producteurs font en sorte que le prix marginal du système et, partant, le prix payé par le pool et le prix final payé par le consommateur, soient élevés. Cependant, comme il est relativement facile de calculer le coût marginal de production de chaque centrale en se fondant sur ses coûts de combustible et ses coûts thermiques (… ) le directeur général de l’OFFER pourrait facilement détecter les centrales qui demandent des prix considérablement supérieurs au coût marginal. (… ) Les producteurs pourraient difficilement justifier des offres supérieures à 100 livres le /MWh autrement que pour les charges de pointe. (… ) [C]ompte tenu des règles de marché, demander des prix très nettement supérieurs au coût marginal de chaque centrale dans le but d’obtenir des prix élevés ne permettrait vraisemblablement pas d’atteindre cet objectif autant qu’une stratégie de retrait de capacité.
Il existe une autre stratégie plus efficace et difficilement détectable, dans le cadre de laquelle les deux principaux producteurs demandent pour chaque centrale un prix proche du coût marginal et déclarent une capacité indisponible à différentes périodes de charge de la journée, de sorte que la valeur anticipée de la charge de service totale pour le lendemain coupe la courbe de l’offre agrégée de l’industrie établie pour le lendemain dans la portion rapidement croissante de la fonction d’offre agrégée pendant autant de périodes de charge que possible le lendemain, compte tenu des contraintes physiques de démarrage et d’arrêt des installations. En déclarant indisponible la capacité de la portion uniforme (charge de base)
ou de la portion en pente ascendante (en semi-base) de sa fonction d’offre, un producteur peut contrôler le moment où celle-ci devient très accentuée. Cette stratégie aboutit à un prix marginal élevé et, ce qui est plus important, à une faible marge de capacité de réserve anticipée et à des primes de capacité élevées pendant ces périodes de charge. »
Wolak et Patrick ajoutent que la disponibilité réelle des installations de production de National Power et PowerGen a été considérablement moins élevée au regard des normes nord-américaines et qu’elle a même été inférieure à celle des des producteurs d’électricité indépendants du Royaume-Uni.

figure im28
E " F " F C EG + 4" " " * E " F " F C EG + 4" "E " F " F C EG + 4" " " * " * >C++ >C+D " # + >= NERC = chiffres concernant la disponibilité du North American Electric Reliability Council. IPP ( independent power producers) = moyenne des disponibilités des producteurs indépendants du Royaume-Uni (la plupart utilisent des turbines à gaz à cycle ordinaire). >C++ >C+D " # + >C++ >C+D " # + TGCC = turbines à gaz à cycles combinés. TGCO – turbines à gaz à cycle ordinaire ( 1995). >= >=

Depuis mars 2001, les règles du pool de l’électricité de l’Angleterre et du pays de Galles ont été modifiées. Il n’est plus exigé que tous les échanges se déroulent sur le marché spot, et les acheteurs et les vendeurs sont autorisés à conclure des contrats bilatéraux. Les primes de capacité ont été supprimées. Trois heures et demie avant chaque période d’une demi-heure, les acheteurs et les vendeurs notifient leur situation contractuelle au gestionnaire du réseau et font des offres pour le marché d’ajustement. Le gestionnaire du réseau a recours à ces enchères pour assurer l’« équilibre énergétique » et l’équilibre du réseau (afin de supprimer la congestion et de veiller à la sécurité et à la qualité de la fourniture en temps réel).

Encadré 3. Le pouvoir de marché sur le marché de l’électricité de la Californie [*]

Severin Borenstein, James Bushnell et Frank Wolak ont tous tenu un rôle crucial sur le marché de l’électricité de la Californie. Le premier est membre du conseil d’administration de la bourse de l’électricité, le California PowerExchange, le deuxième a été membre du comité de surveillance de la bourse de l’électricité en 1999-2000 et le troisième est président du comité de surveillance du marché du gestionnaire indépendant du réseau de la Califormie ( Independent System Operator, ou ISO ). Dans un document publié récemment, ils résument leur évaluation du pouvoir de marché observé sur le marché de gros de l’électricité de la Californie :
« Le marché de gros de l’électricité restructuré de la Californie date de 1998 et a relativement bien fonctionné pendant deux ans. Mais depuis l’été 2000, les prix ont connu une hausse spectaculaire et atteint plus du triple des niveaux de l’été précédent. Certains observateurs y voient simplement les effets de l’accroissement de la demande et d’une offre inadéquate, mais d’autres estiment que les vendeurs exerçaient un pouvoir de marché. (… ) [D’après les résultats de notre étude], on s’est largement éloigné de la tarification concurrentielle, et ce de façon plus marquée durant les périodes de forte consommation, qui surviennent généralement en été. (… ) Nous estimons que les dépenses sur le marché de gros, qui sont passées de quelque 2.1 milliards de dollars à plus de 9 milliards de dollars entre l’été 1999 et l’été 2000, sont imputables à hauteur de 60 pour cent au pouvoir de marché. (… )
Nous estimons qu’en raison de l’augmentation des coûts de production, même si le marché de l’électricité de la Californie avait été parfaitement concurrentiel, les dépenses d’électricité de gros auraient triplé pendant la période comprise entre l’été 1998 et l’été 2000. Le pouvoir de marché a cependant joué lui aussi un rôle très significatif. Ainsi, on peut lui imputer 27 pour cent des dépenses totales d’électricité de l’été 1998, et 51 pour cent de celles de l’été 2000. Les marges en pourcentage accrues dues au pouvoir de marché, associées à des augmentations substantielles des coûts de production des producteurs marginaux, ont entraîné une augmentation spectaculaire en marges absolues et ont par conséquent précipité le marché dans la crise à la fin de l’été 2000. (… )
Le marché de la production d’électricité de la Californie semble à première vue relativement peu concentré. Les anciennes entreprises dominantes, Pacific Gas & Electric (PG&E) et Southern California Edison (SCE) ont cédé le gros de leur capacité de production d’électricité à partir de combustible fossile pendant la première moitié de 1998 et la quasi-totalité de la capacité restante au début de 1999. La plus grande part de la capacité que possédaient toujours ces sociétés après les cessions a été couverte par des accords réglementaires parallèles qui prévoyaient que le prix perçu par le vendeur pour la production de ces centrales ne serait pas fondé sur les prix du marché de la bourse de l’électricité ou du gestionnaire indépendant du réseau. Ces cessions ont donné lieu à la répartition plus ou moins égale, entre sept entreprises, des actifs de la production d’électricité de la Californie.
[L’analyse] montre que le pouvoir de marché a, de façon régulière, augmenté parallèlement à la demande à laquelle ont fait face les autres fournisseurs hors service public. (… ) Pendant les heures et les mois où la demande est peu élevée, de même qu’au printemps, lorsque la quantité d’énergie hydroélectrique disponible est importante, aucune entreprise ne peut à elle seule affecter les prix de manière significative. Aux heures de forte demande, cependant, les sources d’énergie concurrentielles commencent à atteindre leurs limites de capacité et le pool de concurrents potentiels pour la fourniture additionnelle diminue. L’absence d’importante capacité de stockage et l’inélasticité de la demande permettent alors aux entreprises de profiter des limites de capacité de leurs concurrents. (… ) La concentration des propriétaires des centrales, associée au niveau élevé de la demande, ont attiré l’attention d’un ou plusieurs acteurs sur le fait que leur capacité était nécessaire pour combler les besoins d’énergie et de services auxiliaires du gestionnaire du réseau, indépendamment des interventions des autres acteurs du marché. Dans ce genre de situation, les entreprises estiment qu’il est dans leur intérêt d’augmenter les prix de leurs offres, même si elles détiennent la capacité suffisante pour combler la totalité des besoins d’énergie et de services auxiliaires du gestionnaire indépendant du réseau de la Californie. …
Pendant la période comprise entre l’été 1998 et l’été 2000, le coût de l’électricité sur le marché de gros a augmenté, passant de 1.7 milliard à plus de 9 milliards de dollars. Les coûts de production efficaces ont plus que triplé pendant cette même période, et compte tenu de l’augmentation de l’unité marginale, les rentes induites par la concurrence portant sur des coûts unitaires plus bas ont elles aussi plus que triplé. Les rentes d’oligopole, en revanche, ont pris une ampleur démesurée, passant d’environ 455 dollars à environ 4.7 milliards pendant la même période. Par conséquent, alors qu’une portion substantielle du coût marchand accru de l’électricité était due à l’augmentation des coûts de la matière première et à la diminution desimportations, ces facteurs ont également augmenté l’ampleur, exprimée en dollars, du pouvoir de marché exercé par les fournisseurs. … La structure concurrentielle sous-jacente du marché ne semble pas avoir changé considérablement entre 1998 et 2000. En 2000, l’accroissement de la demande et les moindres niveaux d’importation ont plutôt créé des occasions plus fréquentes pour les producteurs de combustible fossile en place d’obtenir de fortes marges sur les coûts accrus, ce qui a multiplié par 10 les rentes de monopole des fournisseurs.

tableau im29
Coûts de production et répartition des rentes (en milions de dollars) de juin à octobre 1998 1999 2000 Total - paiements effectifs 1710 2097 9250 Total - paiements en situation de concurrence 1255 1 668 4520 Coûts de production effectifs 767 1 047 3016 Coûts de production – situation de concurrence 717 954 2 433 Rentes – situation de concurrence 538 714 2087 Rentes – situation d’oligopole 455 429 4730 Inefficacité oligopolistique – producteurs en place 27 29 113 Inefficacité oligopolistique – importations 22 64 470

Une analyse précédente réalisée par Borenstein, Bushnell et Knittel ( 1999) à l’aide d’une simulation sur ordinateur du marché de la Californie débouche sur des résultats similaires :
« Nous avons constaté (… ) que selon la configuration de la participation dans la production qui existait en 1997, il y aurait eu une forte possibilité d’exercice de pouvoir de marché aux heures de forte demande. (… ) Aux niveaux de demande les plus élevés, de nombreux producteurs atteignent leurs capacité de production maximum. L’effet disciplinaire de ces producteurs sur le comportement stratégique des autres entreprises est par conséquent très réduit. Celles-ci peuvent avoir intérêt à réduire leur production, sachant que la plupart de leurs concurrents ayant des contraintes de capacité ne seront pas en mesure de réagir en augmentant la leur. Paradoxalement, ce comportement s’accompagne d’une réduction de la concentration sur le marché, puisque de fait, les entreprises ayant une importance stratégique – les plus gros producteurs – restreignent leur production et réduisent par conséquent leur part de marché. Dans de nombreux cas, nous avons constaté que la marge prix-coût augmentait lorsque la concentration diminuait.
[Dans nos simulations] le prix selon la concurrence à la Cournot suit de très près le prix parfaitement concurrenctiel lorsque les niveaux de la demande sont faibles, et augmente brusquement au-delà d’un certain seuil, situé autour de 27 000 MW. Lorsque ce seuil est franchi, les prix se mettent à augmenter parce qu’une frange concurrentielle croissante atteint sa capacité maximale. Les deux plus grosses entreprises, Pacific Gas & Electric (PG&E) et Southern California Edison (SCE), estiment alors avantageux de réduire la production et d’augmenter les prix. Il en résulte, du point de vue de la concentration, que le marché est plus concentré lorsque la demande se situe à des niveaux où ces deux entreprises n’essaient pas de réduire leur production et, par conséquent, que les marges prix-coût sont peu élevées. »

4. Comment faire cesser le pouvoir de marché sur les marchés de l’électricité

109Voyons maintenant comment on peut faire cesser le pouvoir de marché sur les marchés de gros de l’électricité. Sur un plan général, les différents moyens d’action mis en œuvre sur d’autres marchés pour affaiblir le pouvoir de marché sont bien connus et comprennent notamment des politiques visant à :

  1. accroître la concurrence de produits rivaux – par exemple, faciliter l’utilisation de formes rivales d’énergie par les consommateurs ;
  2. accroître la concurrence pendant les intervalles entre les différentes périodes de consommation – par exemple, pour améliorer la stockabilité de l’électricité;
  3. intensifier la concurrence entre les zones géographiques – notamment en construisant des liaisons de transport ou en allégeant les contraintes sur les liaisons existantes ;
  4. renforcer la sensibilité de la demande au prix – par exemple, au moyen de compteurs horaires ou de l’autoproduction ;
  5. encourager l’entrée de nouveaux producteurs ;
  6. baisser les prix ou augmenter les quantités par des contrôles réglementaires directs ;
  7. séparer les sociétés d’électricité horizontalement ou verticalement ;
  8. modifier les règles régissant le marché de l’électricité lui-même afin que les producteurs soient moins encouragés à restreindre leur capacité ou à réduire leurs réserves.

110Les autorités exercent relativement peu de contrôle sur les deux premiers types de politiques. La possibilité qu’ont les consommateurs de se tourner vers d’autres combustibles et la stockabilité de l’électricité sont largement tributaires des niveaux courants de technologie, sur lesquels les responsables de l’élaboration des politiques ont assez peu d’influence à court terme. L’examen qui suit fait donc abstraction de ces politiques et s’attache principalement aux autres politiques qui ont été énumérées.

4.1. Politiques destinées à accroître la concurrence entre les zones géographiques

111La concurrence entre les producteurs de différentes zones géographiques peut être rehaussée par a) la construction de nouvelles liaisons de transport; b) l’amélioration de la capacité sur les liaisons congestionnées existantes; c) l’utilisation accrue des infrastructures existantes; ou d) la tarification plus efficace de l’accès aux réseaux de transport.

112Examinons d’abord les méthodes qui permettent d’améliorer l’efficacité de la tarification du transport. Si le prix marginal de transport est supérieur à son coût marginal, les producteurs sont « séparés » artificiellement sur le plan géographique. Cela est particulièrement susceptible de se produire en cas de superposition (« pancaking ») des tarifs de transport en vertu de laquelle des frais sont payés à chaque propriétaire de liaison de transport le long du chemin. Le total des frais payés en contrepartie de l’utilisation du réseau de transport est égal à la somme des frais payés à chaque propriétaire de liaison de transport sur le chemin. Le Department of Energy des États-Unis constate dans ses simulations que la tarification superposée « augmente le coût de transit de l’énergie sur plusieurs réseaux et réduit effectivement l’étendue géographique de plusieurs marchés régionaux » [26]. La tarification du transport « en fonction de la distance » peut aussi faire en sorte que le prix marginal du transport soit supérieur à son coût marginal. La Commission européenne reconnaît que cela peut poser un problème pour les transits transfrontaliers d’électricité dans l’Union européenne :

113

« Actuellement, il y a peu de coordination entre les différents gestionnaires de réseau ou les autorités de réglementation pour s’assurer que les frais des échanges transfrontaliers reflètent les coûts. Dans la plupart des cas, les frais de transit cumulés sont toujours prélevés dans l’État de chaque membre suivant un chemin contractuel notionnel. Ce processus, appelé “ superposition ”, ne reflète pas les coûts; il ne tient pas compte, par exemple, du transit physique réel de l’électricité, ni du fait que certains transits peuvent de fait alléger la congestion et réduire les coûts. Certains États membres imposent également des droits spécifiques à l’importation ou à l’exportation. » [27]

114La congestion est parfois accentuée par la sous-utilisation des infrastructures existantes. C’est ce qui pourrait être le cas, par exemple, d’une liaison de transport située dans une zone où les coûts sont élevés et appartenant en totalité ou en partie à des producteurs situés dans cette zone susceptibles de souffrir de la concurrence de l’importation. Ce problème se pose notamment dans l’UE, où les opérateurs historiques de nombreuses entreprises possèdent ou partagent le contrôle de liaisons de transport transfrontalières. On pourrait y remédier en séparant structurellement ces liaisons de transport de la production réalisée dans les zones où les coûts sont élevés (voir ci-dessous). Une série de lignes directrices visant l’amélioration de l’accès à ces infrastructures (exclusion faite du recours à la séparation structurelle) a été adoptée à l’occasion de la 6e réunion du Forum européen de réglementation de l’électricité. Ces lignes directrices sont les suivantes :

  1. « les États membres font en sorte que la capacité soit attribuée sur une base non discriminatoire ;
  2. il y a un niveau élevé de transparence en ce qui concerne la capacité disponible ;
  3. la capacité est attribuée en suivant des méthodes fondées sur le marché (enchères, séparation du marché, etc.) ;
  4. les bénéfices des enchères ne reviennent pas aux gestionnaires des réseaux de transport, et
  5. le principe en vertu duquel « ce qui n’est pas utilisé est perdu » s’applique [28].

115Quels processus faudrait-il mettre en place pour assurer l’amélioration efficace du réseau de transport ? Il est difficile de répondre à cette question, qui est de manière générale toujours sans réponse.

116On notera que les mécanismes de tarification nodale incitent davantage les sociétés privées à prendre d’elles-mêmes l’initiative d’améliorer le réseau de transport et les producteurs à prendre des décisions rationnelles en matière d’emplacement – c’est-à-dire à s’implanter dans des régions choisies de manière à diminuer les contraintes de transport et non à les aggraver. De fait le FERC, l’autorité de réglementation américaine, envisage actuellement de permettre aux entreprises de transport négociantes de percevoir et de vendre des droits financiers de transport au titre de leur investissement dans le transport. Même en l’absence d’un mécanisme complet de tarification nodale, les entreprises pourraient être en mesure de renforcer la concurrence en construisant des liaisons qui exploitent les différences de prix entre des régions ou des frontières nationales (comme dans l’UE). De nombreuses autorités cherchent à encourager ce type d’investissement.

117On ignore toutefois le fait de s’en remettre aux motivations privées conduira à des niveaux d’investissement efficaces [29]. Plusieurs points méritent d’être soulevés à cet égard :

  • Premièrement, on ignore si les entrepreneurs privés seront encouragés à construire une liaison de transport ayant une capacité suffisante. Si les rentes de congestion sont l’unique source de revenu d’une liaison de transport, l’entrepreneur ne sera pas incité à les éliminer entièrement. Il est par conséquent vraisemblable que les entrepreneurs privés atténueront la congestion, mais ne l’élimineront pas.
  • Deuxièmement, il se peut que les entrepreneurs privés ne construisent aucune liaison de transport, même lorsque cela est justifié. Il est parfois utile de construire une liaison entre deux points, même s’il n’y a pas de différence de prix entre ces deux points à toute heure du jour, si la liaison n’est jamais congestionnée et s’il n’y circule jamais d’électricité. La présence d’une liaison entre deux points renforce la concurrence entre les producteurs. La construction d’une liaison de transport a par conséquent tendance à faire baisser les prix. L’effet sur les prix peut être suffisant pour justifier la liaison même si, à l’équilibre, l’électricité n’y circule jamais [30].
  • Troisièmement, on peut supposer que dans certains cas, il soit justifié de construire une liaison de transport préjudiciable au bien-être général – et, notamment, que la construction d’une liaison de transport entre deux points puisse accentuer le pouvoir de marché au lieu de le réduire. Le réseau illustré à la figure 11 ci-dessus est à cet égard un excellent exemple. Dans ce réseau, s’il n’y avait pas de liaison entre le point A et le point B, les producteurs situés aux points A et B se concurrenceraient au point C. La construction de la liaison entre le point A et le point B détourne une partie de l’électricité produite aux points A et B sur un chemin indirect vers le point C. Comme l’a montré l’examen de la figure 11, si la liaison entre les points A et B a une capacité limitée, il se pourrait que le producteur situé au point B doive produire si la contrainte de capacité qui existe sur la liaison A-B ne peut être enfreinte [31].

118En se fondant pour une part sur ces observations, Joskow doute de l’opportunité de laisser les améliorations du réseau de transport à l’entière discrétion des forces du marché :

119

« Il ne me semble pas d’emblée opportun de s’en remettre entièrement au libre jeu de l’économie en ce qui a trait aux décisions d’investissements dans les réseaux de transport. Ces investissements sont morcelés, caractérisés par des économies d’échelle et peuvent avoir des impacts physiques sur tout le réseau. Si l’on se fie uniquement aux forces du marché, il se peut que la définition imprécise des droits fonciers sur le réseau, les économies d’échelle et les coûts irrécupérables de longue date, de même que la concurrence imparfaite en matière de fourniture de services de production, mènent soit au sous-investissement, soit au surinvestissement dans le transport sur certains points du réseau. Par ailleurs, rien n’empêche que l’initiative des améliorations du réseau soit principalement laissée aux entreprises privées, surtout si cela va de pair avec une attribution raisonnablement bonne des droits de capacité, qu’ils soient physiques ou financiers. Le gestionnaire du réseau de transport pourrait alors déterminer si les améliorations proposées ont des effets néfastes non compensés pour certains des utilisateurs du réseau, et si l’investissement privé est motivé par des économies d’échelle ou des perspectives de bénéfice sans contrepartie. Dans ces cas, le gestionnaire du réseau pourrait désigner les projets d’investissement que les propriétaires des installations de transport seraient tenus de mettre en œuvre et les coûts annexes pourraient être récupérés auprès de tous les utilisateurs du réseau. Il semble que ce soit dans cette direction que s’oriente la politique menée par les pouvoirs publics. » [32]

120La création d’incitations adaptées pour favoriser l’amélioration efficace des réseaux de transport sera l’un des problèmes de réglementation les plus importants qui devront être abordés à l’avenir dans les secteurs libéralisés de l’électricité.

4.2. Politiques structurelles

121Comme sur d’autres marchés, la concurrence entre les producteurs peut être améliorée par l’intermédiaire de différentes formes de séparation horizontale et verticale. L’examen mené dans les sections précédentes permet de préciser les formes de séparation qui devraient être visées. Spécifiquement, quel que soit le niveau de la demande sur le marché, le degré de pouvoir de marché est fonction (entre autres) a) de la part de marché des producteurs non contraints, b) du nombre de concurrents et du degré de concurrence que se livrent les producteurs non contraints et c) de la capacité qu’a une hausse de prix de favoriser l’arrivée de nouveaux producteurs.

122La séparation structurelle (ou son contraire, le contrôle des concentrations) devrait par conséquent s’appliquer aux producteurs non contraints, en particulier lorsque ces producteurs seraient eux-mêmes non contraints après la séparation, et qu’ils assument un coût marginal comparable, par exemple lorsqu’ils utilisent un combustible similaire. Hilke fait observer : « Dans la mesure où les producteurs qui utilisent le même type de combustible sont concentrés sur des portions spécifiques de la courbe de la demande, la structure de la participation dans les moyens de production d’un combustible particulier peut influer considérablement sur le pouvoir de marché pendant les périodes où les producteurs qui utilisent un combustible particulier se situent à la marge. » [33]

123La séparation structurelle pourrait également concerner la dissociation de la production et du transport. Dans bon nombre des exemples précédemment cités, la concurrence sur la production dans une zone géographique s’exerçait principalement par le biais des liaisons de transport. En supposant que la concurrence fondée sur les installations de transport soit difficile ou impossible, le fait qu’un producteur exerce le contrôle sur le transport pourrait lui permettre d’exercer un contrôle sur ses principaux rivaux. On a vu précédemment que la détention de droits financiers de transport peut faire augmenter le pouvoir de marché des producteurs, et que les lignes directrices établies d’un commun accord lors du Forum européen de réglementation de l’électricité cherchent à promouvoir l’utilisation non discriminatoire des lignes de transport en pareil cas. Il sera souvent indiqué d’aller jusqu’à séparer la production du transport. Selon Hilke : « Le contrôle indépendant et non discriminatoire de l’accès au réseau et des critères de raccordement constitue un élément fondamental de la concurrence efficace. On a constaté à l’usage que les règles de comportement ne suffisent pas à encourager l’accès non discriminatoire au réseau. » [34]

124On peut se demander s’il faudrait envisager d’autres politiques structurelles que la séparation rigoureuse de la participation, par exemple la copropriété. Supposons, par exemple, qu’une centrale compte de nombreux propriétaires qui ne sont pas des co-exploitants et que chacun d’eux a un droit contractuel à une certaine part de la production de la centrale. Supposons que ces copropriétaires partagent les coûts de l’entreprise et paient l’électricité produite au coût marginal, mais ne participent pas d’une autre façon aux profits de la vente de l’électricité produite. Dans ce cas, ces détenteurs de droits de capacité se concurrenceront en aval de la vente de l’électricité produite. Il s’agit là d’une forme de copropriété du type évoqué dans le document de l’OCDE ( 2001). Hilke constate :

125

« Même si l’exploitation de centrales de production est concentrée en raison d’économies d’exploitation, la participation peut être plus dispersée sans pour autant entraîner d’inefficiences majeures. Aux États-
Unis, par exemple, de nombreuses centrales électriques appartiennent à plusieurs propriétaires. Chaque propriétaire détermine de façon indépendante la production et l’utilisation de sa part de la capacité de la centrale. (Les contrats d’exploitation de ces installations confient généralement à un des propriétaires le mandat d’exploitation et d’entretien de la centrale.) » [35]

126Plusieurs pays ont eu recours à la vente de « capacité virtuelle » de production pour renforcer la concurrence ou l’introduire [36]. La Commission européenne a imposé la cession de cette « capacité virtuelle » comme condition aux fusions. Par exemple, Électricité de France s’est engagée auprès de la Commission européenne à céder 6 000 MW de sa capacité de production (environ 6 pour cent de la capacité totale) en France afin d’obtenir l’autorisation d’acquérir une plus grande participation dans la société allemande de services d’électricité EnBW :

127

« EDF mettra cette capacité à la disposition des enchérisseurs sous la forme de deux types de produits :
“ produits sur centrales virtuelles ” (VPP) qui donnent le droit d’appeler pour le lendemain, à un prix pré-déterminé, de l’électricité livrée sur le réseau à haute tension. Des produits de base et de pointe seront offert.
“ produits Power Purchase Agreements ” (PPA) qui représentent un bloc d’énergie calé sur les profils de charge des unités de cogénération bénéficiant d’une obligation d’achat d’EDF. Ces produits incluent un bloc d’énergie de base du 1er novembre au 31 mars, et pour le reste de l’année, un bloc d’énergie de base pouvant éventuellement être, en fonction des prix du gaz, d’un niveau inférieur au bloc d’hiver.
En achetant ces produits, les producteurs, fournisseurs et traders ont la possibilité d’acquérir de l’électricité ferme sans supporter l’ensemble des risques opérationnels et techniques inhérents à la propriété physique de centrales. … EDF mettra globalement en vente 1 000 MW de capacité virtuelle de pointe avec un prix de l’énergie d’environ 26 euros/MWh et 4 000 MW de capacité virtuelle de base avec un prix de l’énergie d’environ 8 euros/MWh. EDF mettra d’autre part en vente une capacité équivalente à 1 000 MW de produits PPA. » [37]

128Il va de soi que des accords de copropriété de ce type peuvent également être envisagés pour assurer l’accès non discriminatoire à des liaisons de transport congestionnées.

4.3. Accroître l’élasticité de la demande

129Le pouvoir de marché qui se manifeste sur les marchés de la production de l’électricité peut aussi être réduit au moyen de politiques visant à accroître l’élasticité de la demande. En raison des obstacles politiques et juridiques à la séparation structurelle, une augmentation de l’élasticité, si modeste soit-elle, peut entraîner une plus forte réduction de prix que toutes les mesures de séparation structurelle conjuguées. L’élasticité de la demande peut être accrue par le biais de politiques qui a) facilitent la participation des acheteurs dans le « pool »; b) améliorent l’utilisation des compteurs horaires; c) incitent à conclure des contrats prévoyant des réductions de puissance (contrats « interruptibles ») d) facilitent l’utilisation d’autres combustibles [38].

130Dans leur examen du pool de l’électricité de l’Angleterre et du pays de Galles, Wolak et Patrick préconisent d’autoriser les acheteurs à prendre part au processus de fixation des prix :

131

« L’enseignement le plus important à tirer de l’expérience de l’Angleterre et du pays de Galles est peut-être la nécessité d’intégrer le potentiel de réactions du côté de la demande au processus de détermination des prix. (… ) [Dans le cadre des précédents accords commerciaux] la demande anticipée, qui permet de fixer le prix marginal du système et les primes de capacité, est parfaitement inélastique au prix. Cet aspect des règles (… ) fait qu’il est beaucoup plus facile pour National Power et PowerGen de tirer parti du processus de détermination des prix du pool pour faire en sorte que le prix marginal du système et les primes de capacité atteignent des valeurs élevées. Le meilleur moyen d’intégrer une réaction significative aux prix dans le processus de détermination de la demande anticipée est de permettre aux sociétés d’électricité régionales ou à d’autres gros clients de faire des offres à grande échelle. » [39]

132La recommandation de faire participer les acheteurs au processus de détermination des prix a été mise en œuvre dans les New Electricity Trading Arrangements (« NETA »), qui sont entrés en vigueur en mars 2001. En vertu des NETA, les acheteurs et les vendeurs peuvent conclure des contrats bilatéraux indépendamment du prix du marché. Les acheteurs peuvent en outre faire des offres sur le marché d’ajustement Le prix du système est alors à l’intersection de la demande et de l’offre. Les acheteurs peuvent ainsi signaler leur intention de réduire leur consommation en cas de montée des prix.

133Même si de gros acheteurs (par exemple, les sociétés de distribution) peuvent participer directement au pool de l’électricité, ils n’auront pas tellement la possibilité de réduire leur demande en cas d’augmentation des prix, sauf s’ils peuvent eux-mêmes inciter leurs clients à réduire leur consommation. Ils peuvent à cette fin soit conclure des contrats interruptibles (qui permettent aux compagnies de distribution de réduire l’offre pendant les périodes où les prix sont exceptionnellement élevés), soit utiliser des compteurs qui mesurent et facturent la consommation en temps réel des clients des sociétés de distribution. Les contrats interruptibles sont répandus dans le secteur du gaz. Il serait peut-être possible de les utiliser davantage dans le secteur de l’électricité, en particulier pour les clients qui peuvent se tourner vers d’autres combustibles ou vers l’autoproduction.

134Les contrats interruptibles sont un moyen peu différencié de diminuer la demande pendant les périodes de pointe. Il est de loin préférable de répercuter le prix réel de l’électricité directement sur les utilisateurs finals par le biais de compteurs qui permettent la mesure et la facturation de la consommation en temps réel. De nombreux clients du secteur électrique (notamment les gros clients) sont déjà assujettis à la mesure de la consommation en temps réel. Le recours accru à cette méthode est l’un des moyens les plus souvent recommandés pour réduire le pouvoir de marché sur les marchés de l’électricité.

135Le « Blue Ribbon Panel », qui conseille le California Power Exchange constate :

136

« La capacité d’ajustement de la demande au prix est essentielle au fonctionnement d’un marché restructuré; l’incitation à utiliser l’électricité de manière plus efficace à long terme et une réaction beaucoup plus élastique aux prix pendant les périodes de pointe à court terme sont des solutions qui s’imposent d’elles-mêmes. (… ) Nous ne pouvons cependant qu’insister sur le fait qu’il est essentiel, pour que les consommateurs modifient leurs habitudes de consommation à la suite des fluctuations extrêmes des prix et, ce faisant, contribuent à atténuer ces fluctuations, que leurs fournisseurs les encouragent à aller dans ce sens en leur permettant de réduire leur consommation d’énergie ou d’interrompre l’utilisation de certains appareils pendant de courtes périodes sur avis du fournisseur et/ou à comparer les variations de prix avec les fluctuations extrêmes correspondantes des prix de gros, et modifier leur consommation en conséquence.
Nous ne pouvons pas nous prononcer sur la rentabilité des compteurs très perfectionnés qui enregistreraient la consommation en unités de temps correspondant aux grandes fluctuations des prix que les sociétés de distribution doivent payer. (… ) Nous nous bornerons à dire est que le comportement des marchés de l’électricité de la Californie, ces derniers mois, a de toute évidence largement modifié l’équilibre des coûts et des avantages relatifs dans un sens qui tend à donner une justification économique à ce type de compteurs. Ce comportement exige un réexamen du bien-fondé de leur installation à grande échelle – que ce soit chez l’abonné ou au moyen d’un système de comptage électronique à contrôle centralisé ubiquiste. » [40]

137Même lorsque l’utilisation de compteurs horo-saisonniers n’est pas pratiquement envisageable, il est parfois possible de favoriser les contrats interruptibles. Ces contrats permettent aux fournisseurs d’électricité de réduire l’offre lorsque le prix du marché dépasse un certain seuil.

138Lorsqu’il est possible d’utiliser des compteurs horo-saisonniers, l’élasticité de la demande peut être améliorée davantage en facilitant le recours à d’autres combustibles. Dans de nombreuses applications, l’autoproduction est la solution la plus susceptible de se présenter. Hilke constate :

139

« Lorsque la production sur place présente de l’intérêt parce qu’il est possible d’utiliser sur place la chaleur résiduelle, les entreprises (ou même les particuliers) qui sont normalement les clients des sociétés d’électricité traditionnelles peuvent devenir leurs concurrents. Dans la mesure où les propriétaires d’installation de production combinée détiennent des informations précises sur les prix et peuvent vendre sur le marché ou écrêter leur charge durant les périodes de pointe en ayant recours à l’autoproduction d’énergie électrique, la demande à laquelle font face les producteurs traditionnels devient plus élastique. Si les possibilités d’autoproduction (ou de la technologie du stockage de l’électricité) se développent suffisamment et que ces installations font assez rapidement leur entrée sur le marché, la demande à laquelle font face les fournisseurs traditionnels pourrait devenir élastique au point d’éliminer les problèmes de pouvoir de marché (aussi bien du point de vue de la production que du transport). » [41]

4.4. Contrôles des prix ou des quantités

140 De nombreux pays de l’OCDE ont mis en place des politiques visant soit à faire baisser les prix, soit à accroître la production (ou la capacité déclarée).

141S’agissant des contrôles exercés sur les prix, par exemple, des plafonds ont été mis en place dans les cas suivants :

142

En Australie, un plafond a été imposé sur les prix déterminés sur le marché spot et constitue en partie une mesure de transition destinée à contrôler le pouvoir de marché et à veiller à ce que des participants inexpérimentés ne soient pas exposés à des risques financiers inutilement élevés. Le plafond a été fixé à 5 000 dollars australiens jusqu’au 31 mars 2002 et à 10 000 dollars australiens à compter du 1er avril 2002 [42].
Sur le marché de l’Angleterre et du pays de Galles, des plafonds ont été imposés sur les prix du pool pendant les exercices financiers 1994-1995 et 1995-1996 dans le cadre d’un accord amiable entre National Power,
PowerGen et l’OFFER après que le directeur général de l’autorité de réglementation de l’électricité eut menacé de renvoyer ces deux producteurs devant la commission des monopoles et des fusions du Royaume-Uni [43].
En Californie, les producteurs qui fonctionnent pour assurer la fiabilité du réseau sont assujettis à des accords contractuels spéciaux pour assurer qu’ils ont été rémunérés en fonction de leurs coûts réels plutôt que des prix de leurs offres [44].

143On pourrait également envisager de limiter l’écart entre les offres faites par chaque centrale. Dans des conditions concurrentielles, le prix demandé par une centrale ne varierait pas en fonction des conditions de la demande – le prix demandé correspondrait toujours au coût marginal. En cas de changement des conditions de la concurrence au cours de la semaine ou du mois, le producteur serait tenu de limiter l’écart entre ses offres. Cela permettrait de restreindre l’ampleur de l’augmentation des offres faites par un producteur pendant les périodes où la concurrence est limitée.

144La principale difficulté que pose la réglementation des prix de la production est que les producteurs rivalisent sur de nombreux marchés différents pendant une journée, selon des conditions de concurrence variables. On peut donc considérer les producteurs comme des entreprises « multiproduits ». La théorie de la régulation des monopoles naturels veut entre autres que les entreprises multiproduits soient réglementées au moyen d’un plafond sur un panier global de prix. Le producteur a alors la latitude voulue pour choisir ses prix pendant une journée (ou une semaine) sans dépasser le plafond global. Le producteur utilise ainsi l’information dont il dispose sur la demande pour fixer les prix de manière efficiente, et le plafond garantit qu’il n’a pas des revenus excessifs.

145Plutôt que de s’attacher à réduire les prix, il y aurait peut-être lieu de mettre en œuvre des politiques qui viseraient à accroître la production ou, du moins, la capacité déclarée. Au Royaume-Uni, les politiques élaborées pour pénaliser les retraits de capacité remontent au tout début de la réforme engagée dans le pays. C’est ainsi qu’en décembre 1991,8 mois seulement après la création du pool de l’électricité, la licence de production a été modifiée afin d’empêcher davantage les producteurs de manipuler le prix d’achat du pool en réduisant la capacité disponible.

146

« En vertu de ces modifications, les producteurs présentent pour consultation publique des rapports indiquant les critères sur lesquels ils se fondent pour déterminer la capacité disponible pour le pool, fermer des centrales et réduire par d’autres moyens leur capacité de production.
Chaque année, les producteurs doivent également établir une prévision détaillée de la capacité disponible de chaque centrale pour l’année suivante et, à la fin de l’année, présenter un état de rapprochement expliquant les écarts éventuels par rapport à la capacité anticipée. Cette information est elle aussi librement accessible. » [45]

147Au Royaume-Uni, les retraits de capacité ont présenté un intérêt accru en raison de l’effet de cette pratique sur la « prime de capacité ». Comme on le verra ci-après, la suppression de la prime de capacité a ôté de leur intérêt aux retraits de capacité. Plus récemment, en 2001, le « Blue Ribbon Panel » consulté par la bourse de l’électricité de la Californie recommandait l’adoption de mesures pour empêcher les retraits de capacité sur le marché de la Californie :

148

« Dans la mesure où les gros producteurs ont adopté une stratégie de retrait de capacité pendant les périodes de pointe, ce qui a eu pour effet de faire monter abruptement les prix d’équilibre à moyen terme du marché, nous appuyons les propositions (… ) visant à habiliter une agence à enquêter sur ce type d’incidents, ordonner l’interdiction de ces pratiques et imposer des pénalités. » [46]

149Une solution légèrement différente consisterait à exiger que les producteurs utilisent la capacité sous peine de la perdre, et cèdent ou vendent des « droits virtuels » de capacité inutilisée.

150Une autre politique proposée concerne l’intervention de l’État pour veiller à ce qu’il y ait toujours une capacité suffisante en réserve. « Un certain nombre d’États et de responsables de l’élaboration des politiques au niveau fédéral ont affirmé que l’État devrait toujours s’assurer que la capacité excède la demande prévue d’au moins 15 pour cent. » Bien que cette approche soit susceptible de réduire considérablement le pouvoir de marché, d’autres politiques seraient peut-être plus efficaces. « Il n’est pas utile de conserver cette capacité si la valeur de l’électricité supplémentaire éventuellement consommée par le client est inférieure au coût total de mise à disposition de l’électricité. La communication des prix de détail en temps réel reflétant le coût horaire de la consommation additionnelle est le mécanisme le mieux indiqué pour réaliser cet arbitrage. » [47]

4.5. Modifications des règles du marché

151L’un des enseignements qui se dégagent clairement de l’évolution du marché de l’Angleterre et du pays de Galles est que les règles qui régissent le fonctionnement du marché peuvent avoir un impact substantiel sur la capacité qu’ont les producteurs d’agir en fonction d’une stratégie et sur les mécanismes qui les incitent à le faire. Wolak et Patrick observent :

152

« La question de savoir si l’établissement d’un marché de l’électricité (… ) engendrera ou non des avantages pour les consommateurs sous forme de baisse des prix de l’électricité est fonction de la structure du marché et des détails des règles qui en régissent le fonctionnement. Des différences subtiles dans les règles de marché peuvent accroître considérablement l’aptitude des producteurs qui vendent de l’électricité à fixer des prix considérablement supérieurs à leur coût marginal et à leur coût moyen. (… ) [L]es règles de marché permettent parfois aux gros producteurs d’exploiter leur pouvoir de marché et ils ont recours pour ce faire à de nombreux moyens subtils, mais aussi très efficaces dans la mesure où ils sont très rentables. Ces stratégies peuvent être difficiles à détecter et encore plus à corriger. » [48]

153La conception d’un marché de gros de l’électricité exige que l’on détermine : a) si la participation sera obligatoire ou si des échanges bilatéraux seront autorisés; b) si les offres du côté de la demande seront autorisées; c) si les offres porteront simplement sur les prix et les quantités ou sur d’autres conditions comme la souplesse de la centrale; d) si les prix seront calculés ex ante (en fonction de la demande et de l’offre anticipées) ou ex post (en fonction de la demande et de l’offre réelles); e) si les soumissionnaires seront payés en fonction de leurs offres (enchères à la hollandaise) ou en fonction du prix à l’équilibre du marché; f) si des primes spéciales de disponibilité seront versées; g) et si les enchères seront fermes ou non [49]. Certains de ces éléments influent peu sur l’exercice d’un pouvoir de marché. En particulier, le passage d’un système à prix unique à un système d’enchères à la hollandaise n’est pas susceptible de réduire l’exercice d’un pouvoir de marché [50].

154On s’est penché attentivement sur la façon dont les primes de capacité peuvent accroître le pouvoir de marché en incitant davantage les producteurs dominants à pratiquer des retraits de capacité :

155

« Sur le marché du Royaume-Uni, plusieurs facteurs ont fait de la stratégie de retrait de capacité un moyen intéressant de faire augmenter le prix final payé par le consommateur. … La déclaration de disponibilité en fonction d’une stratégie a l’avantage de fournir aux producteurs différents moyens de dissimuler leurs intentions. Il sera très difficile, voire impossible, pour le directeur général, de faire la différence entre l’indisponibilité due à de véritables interruptions et celle qui relève d’une déclaration stratégique. » [51]

156En particulier, Wolak et Patrick préconisent la suppression de la composante prime de capacité du prix payé par le pool sur le marché de l’Angleterre et du pays de Galles.

157

La suppression de la prime de capacité empêcherait « ces producteurs de faire des offres pour chaque centrale à un prix proche de son coût marginal et de miser sur la prime de capacité élevée pour compenser leur charge fixe. Il serait toujours possible de restreindre la capacité pour que les prix marginaux du système soient élevés, mais cela éliminerait l’avantage supplémentaire très rentable de cette stratégie, tenant au fait qu’elle suscite une probabilité de perte de charge très élevée et, partant, une prime de capacité très substantielle. Il faudrait donc envisager sérieusement la suppression de la prime de capacité sur le marché de l’Angleterre et du pays de Galles. » [52]

158La prime de capacité a été supprimée au Royaume-Uni lors de la mise en œuvre des nouveaux accords relatifs aux contrats de vente de l’électricité (NETA), en mars 2001.

4.6. Autres politiques

159Différentes autres politiques destinées à atténuer le pouvoir de marché ont été proposées. Elles consisteraient notamment à encourager l’entrée de nouveaux concurrents sur le marché ainsi que la passation de contrats à long terme, et auraient recours à la participation publique pour contrebalancer les mécanismes incitant à optimiser les profits.

160L’entrée de nouveaux concurrents sur le marché peut être favorisée par le biais de politiques qui cherchent à simplifier les critères d’attribution de licences et facilitent les processus d’obtention des autorisations pour l’établissement de nouvelles centrales. Les politiques qui favorisent les contrats à long terme peuvent également faciliter les nouvelles entrées en aidant les petites entreprises à se procurer les capitaux nécessaires [53].

161Les contrats à long terme constituent aussi un moyen de contrôler le pouvoir de marché. Borenstein explique :

162

« Bien que les prix à terme ne dépasseront pas systématiquement les prix spot, il se peut que les prix baissent sur ces deux types de marchés si, dans l’ensemble, les acheteurs achètent plus d’électricité par le biais de contrats à long terme. Le fait qu’une partie des ventes soit bloquée à l’avance diminue pour de nombreuses entreprises l’intérêt qu’il y a à se comporter de manière moins concurrentielle (Allaz et Vila, 1993).
La possibilité de conclure des ventes à l’avance fait que les entreprises peuvent plus difficilement limiter la concurrence. Lorsqu’une entreprise a vendu une partie de sa production à l’avance, elle est moins motivée à restreindre sa production sur le marché spot dans le but de faire monter les prix sur ce marché, puisqu’elle ne recevra pas le prix le plus élevé sur ce marché pour la production qu’elle a déjà vendue par le biais d’un contrat à terme. Par conséquent, en prévision d’une concurrence plus agressive sur le marché spot – du fait que certaines entreprises ont vendu à l’avance une quantité significative sur le marché à terme – les entreprises sont susceptibles de pratiquer des prix plus agressifs sur le marché à terme. » [54]

163Il y a lieu de penser que cet argument est fondé si l’on se fie à ce qui a été constaté sur le marché de l’Angleterre et du pays de Galles. L’une des motivations des politiques mises en œuvre dans le cadre des NETA était que ces accords autorisaient et encourageaient les contrats bilatéraux à long terme entre les producteurs et les acheteurs. « Les prix à terme de l’électricité étaient plus bas pendant la période qui a suivi l’annonce de la conclusion des NETA et ont augmenté lorsque leur entrée en vigueur a été différée – les acteurs du marché s’accordaient à reconnaître que les NETA provoqueraient une chute des prix de gros. »

164Le pouvoir de marché pourrait également être atténué par la présence d’une entreprise qui ne cherche pas à maximiser ses profits sur le marché. Dans leur étude, Schmalensee et Golub constatent que « les entreprises publiques, si elles se comportent de manière concurrentielle, permettent de bien contrôler la capacité des sociétés privées de services publics à but lucratif à exercer un pouvoir de marché. … Les tenants de la déréglementation doivent trouver un moyen d’éliminer les subventions aux sociétés d’électricité appartenant à l’État, tout en maintenant ou en renforçant les mécanismes qui les encouragent à agir en preneuses de prix sur les marchés du réseau de grand transport [55].

5. Conclusion

165On s’accorde généralement à reconnaître que les marchés de l’électricité sont exposés au pouvoir de marché. « Les caractéristiques géographiques des marchés de la production et les conditions changeantes des réseaux permettent presque d’affirmer que les marchés de la production ne seront jamais parfaitement concurrentiels, quelle que soit la situation. » [56]

166Comme l’électricité ne peut pas être stockée, les marchés de l’électricité doivent être différenciés en fonction du moment où elle est livrée. Lorsque les réseaux de transport sont congestionnés, les marchés de l’électricité doivent être séparés géographiquement. Même sur ces marchés séparés selon des critères temporels et géographiques, une forte proportion de producteurs peut fonctionner à plein rendement, ce qui les empêche de réagir à une augmentation du prix. En outre, la très faible élasticité de la demande d’électricité implique qu’une infime réduction de la production suffit pour influencer fortement le prix [57].

167L’observation d’épisodes pendant lesquels les prix sont très élevés n’apporte pas nécessairement la preuve de l’exercice d’un pouvoir de marché. Comme la demande est à la fois cyclique et difficilement prévisible, les épisodes de prix élevés sont inévitables, même dans un secteur où l’offre d’électricité est parfaitement concurrentielle. Il n’en reste pas moins que le pouvoir de marché peut accentuer les fluctuations de prix. En outre, le pouvoir de marché peut engendrer à la fois une inefficience allocative (étant donné que les consommateurs changent de sources de combustible) et une inefficience productive (étant donné que des producteurs à coût élevé remplacent des producteurs à faible coût et que des producteurs à coût élevé sont incités à entrer sur le marché). Les transferts qui en résultent des consommateurs vers les producteurs peuvent être substantiels. Environ 60 pour cent du total des paiements versés aux producteurs d’électricité de la Californie au cours de l’été 2000 sont imputables au pouvoir de marché seulement.

168Le pouvoir de marché qui se manifeste sur les marchés de l’électricité peut être contrôlé par différentes politiques. Étant donné que les marchés de l’électricité sont exposés au pouvoir de marché, il faudrait étudier attentivement toutes les politiques visant à entamer le pouvoir de marché, notamment celles qui encouragent la tarification en temps réel, la passation de contrats à long terme, la séparation horizontale et verticale, la réforme de la tarification du transport et les contrôles bien ciblés des prix [58].

169Les problèmes posés par le pouvoir de marché (ainsi que d’autres problèmes) ont nécessité une réévaluation des arguments concernant les avantages et les inconvénients de la libéralisation de l’électricité. Jusqu’à présent, rien ne semble indiquer que les problèmes de pouvoir de marché soient insurmontables ou nécessitent une réorientation des réformes engagées pendant la dernière décennie. Borenstein explique :

170

« Les difficultés rencontrées jusqu’ici (… ) ne doivent pas être interprétées comme un échec de la restructuration, mais comme participant du processus ardu au bout duquel le secteur de l’électricité sera à même de servir les clients encore mieux que par le passé. » [59]


ANNEXE A

171On trouvera ci-après un tour d’horizon des études qui ont été faites sur le pouvoir de marché tiré d’un document réalisé en mars 2001 par le Department of Energy des États-Unis :

Concentration sur les marchés de la production d’électricité :

172

« Schmalensee et Golub (1984) calculent les valeurs IHH de 170 marchés de production d’électricité desservant près des trois quarts de la population des États-Unis, à l’aide de différentes hypothèses d’étendue géographique des marchés de la production. Les auteurs font état d’un nombre significatif de cas où la concentration mesurée au moyen d’un IHH atteint le seuil critique défini dans les principes directeurs relatifs aux fusions horizontales. Par exemple, en supposant une faible capacité de transport, entre 35 et 60 pour cent de l’ensemble des marchés de production ont des valeurs IHH supérieures à 1800 dans un éventail de cas de coût marginal et d’élasticité de la demande. La valeur IHH moyenne pondérée s’établit entre 1590 et 2650, ce qui indique une concentration importante. Dans le cas plus favorable où la capacité de transport est forte, la concentration est moins élevée, mais jusqu’à 33 pour cent des marchés conservaient des valeurs IHH supérieures au seuil de 1800 établi dans les principes directeurs relatifs aux fusions pour l’identification des marchés très concentrés. (… )»

173Dans une étude récente, Cardell, Hitt et Hogan ( 1997) avancent que les marchés de l’électricité restent aujourd’hui encore fortement concentrés. À l’aide de données datant de 1994 et d’une définition plus étroite de l’étendue géographique des marchés de l’électricité, ils calculent les valeurs IHH de 112 régions en fonction des frontières des États et des sous-régions délimitées par le North American Electric Reliability Council (NERC). Même si l’analyse ne reflète pas la poussée récente de fusions et de cessions, environ 90 pour cent de ces régions affichent des valeurs IHH supérieures à 2 500.

L’impact du pouvoir de marché sur les prix de l’électricité de gros au Royaume-Uni et en Californie

174Des analystes ont été en mesure d’évaluer les incidences du pouvoir de marché en fonction de données réelles provenant du Royaume-Uni et de la Californie. D’après leurs études, les producteurs, sur ces deux marchés, ont pu percevoir des revenus excédentaires considérables grâce au pouvoir de marché. L’expérience du Royaume-Uni a fait l’objet de nombreuses études, en partie parce que ce pays a été l’un des premiers à introduire la concurrence sur les marchés de gros de l’électricité. Depuis la création du pool de l’électricité du Royaume-Uni, en 1990, l’Office of Electricity Regulation (OFFER) [60] a mené des enquêtes sur les abus de pouvoir de marché à plusieurs occasions après avoir constaté que les prix du pool étaient inhabituellement élevés. Lors de la conception du marché du Royaume-Uni, il a été prévu deux types de rémunération pour les producteurs : les primes de capacité, qui sont fonction de la comparaison pour le lendemain des besoins de capacité anticipés et de la capacité disponible, et les paiements liés à la fourniture d’énergie, lesquels sont fondés sur les prix marginaux du système. Au début de 1992, les prix marginaux du système et les primes de capacité ont considérablement augmenté. Après avoir mené une enquête, l’OFFER a établi que National Power et PowerGen, les deux plus gros producteurs, qui représentaient ensemble 70 pour cent de la capacité totale du pool, demandaient des prix qui excédaient leurs coûts marginaux. En outre, PowerGen avait déclaré qu’un certain nombre de centrales étaient indisponibles afin de faire augmenter les primes de capacité. Une fois que la prime de capacité avait été déterminée, PowerGen déclarait les centrales en question disponibles, ce qui les habillitait à recevoir les primes de capacité les plus élevées. Même si l’OFFER a institué un certain nombre de réformes par la suite, il semble avoir plus ou moins réussi a affaiblir le pouvoir de marché [61].

175Wolfram ( 1998 et 1999) a examiné le comportement stratégique de National Power et PowerGen dans le cadre d’enchères. À l’aide de données sur les coûts du combustible et les coûts thermiques, elle a évalué le coût marginal de l’électricité et l’a comparé ensuite avec le « prix marginal du système » [62] afin de déterminer la marge prix-coût (la différence entre le coût marginal d’un producteur et le prix qu’il demande). Selon son évaluation, de 1992 à 1994, les prix marginaux ont dépassé 19 à 25 pour cent les coûts marginaux estimés.

176Wolak et Patrick ( 1997) examinent le problème du retrait de capacité sur le pool de l’électricité du Royaume-Uni. La structure de ce pool permet aux entreprises de tirer grandement profit de cette pratique. Les prix payés aux producteurs comprennent une prime de capacité déterminée toutes les demi-heures par le gestionnaire du pool en fonction du niveau des réserves disponibles et de la « perte de charge » [63]. Lorsque la capacité de production de réserve chute, les primes de capacité augmentent. Les entreprises qui pratiquent le retrait de capacité perçoivent des primes de capacité et des prix marginaux du système plus élevé pour leur production, et cette stratégie est très rentable.

177Après avoir analysé les prix et les quantités à l’équilibre de l’offre et de la demande aux demi-heures, et les enchères et les déclarations de disponibilité aux demi-heures pendant la période comprise entre 1991 et 1995, les auteurs citent plusieurs éléments qui démontrent que National Power et PowerGen mènent une stratégie de retrait de capacité. Premièrement, ils constatent que le pourcentage de capacité totale déclarée indisponible par National Power et PowerGen pendant les mois creux de 1995 correspond à plus du double de la quantité moyenne déclarée indisponible par tous les producteurs pendant les mois creux. En outre, ils calculent les facteurs de disponibilité moyens par type de combustible pour National Power et PowerGen et les comparent avec les critères établis pour le secteur d’après les données du NERC pour des groupes comparables. Pour chaque type de combustible, les facteurs de disponibilité, aussi bien pour ce qui concerne National Power que PowerGen, sont inférieurs au repère établi pour le secteur. Ainsi, les facteurs de disponibilité moyens pour les turbines à gaz à cycles combinés sont respectivement de 53 et 64 pour cent pour National Power et PowerGen, comparativement à un repère de 80 pour cent pour le secteur. À l’inverse, les facteurs de disponibilité pour les producteurs d’électricité indépendants qui vendent au pool du Royaume-Uni sont tous supérieurs au repère du secteur, puisqu’ils s’établissent entre 81 et 93 pour cent pour les turbines à gaz à cycles combinés.

178Le marché de gros de la Californie, beaucoup plus récent que celui du Royaume-Uni, est ouvert à la concurrence depuis 1998. Ce marché a une structure institutionnelle différente de celle du Royaume-Uni – par exemple, il n’y a pas de primes de capacité autres que celles qui sont directement liés à la prestation de services auxiliaires. Même si les concepteurs du marché de la Californie auraient pu tirer les enseignements de l’expérience britannique, les premières analyses font soupçonner qu’un pouvoir de marché s’exerce sur ce marché. Borenstein, Bushnell et Wolak ( 1999) s’intéressent au marché de gros de l’électricité pendant la période comprise entre juin et novembre 1998. Ils calculent la courbe de l’offre marginale agrégée en se fondant sur les coûts du combustible, les coûts thermiques et les coûts variables de fonctionnement et d’entretien, à l’aide de données fournies par la California Energy Commission et d’autres sources. À l’aide des niveaux de production horaire communiqués par le gestionnaire du réseau de transport, ils déterminent le prix concurrentiel horaire. Ce prix est ensuite comparé au prix horaire (plan non contraint) pratiqué sur la bourse de l’électricité de la Californie pour évaluer la marge prix-coût. Pour la totalité de la période de six mois, les paiements totaux aux producteurs ont dépassé de 29 pour cent, soit 94 million de dollars, et même, à certaines périodes, de 75 pour cent, les niveaux concurrentiels. Les marges les plus élevées ont été enregistrées en juillet et août entre midi et 18 h, lorsque la demande est élevée. Wolak a récemment étendu l’analyse de manière à inclure l’été 1999, et révisé l’évaluation, de sorte que les montants versés aux producteurs auraient dépassé de plus de 800 millions de dollars les niveaux concurrentiels pendant les étés 1998 et 1999 combinés.

179Les études mentionnées dans la présente section rendent compte du surprix en tant que pourcentage du prix du marché de gros de l’électricité. Le prix de gros de l’électricité n’est qu’une des composantes du prix global payé par les consommateurs de services d’électricité, qui comprend également les coûts de transport et de distribution et d’autres frais. Les mêmes impacts sur les prix, mesurés en pourcentage du prix total à la livraison de l’électricité aux utilisateurs finals, seraient beaucoup moindres, et se situeraient dans de nombreux marchés entre la moitié et les deux tiers de l’impact en pourcentage en ce qui concerne la production seulement.

Autres preuves du pouvoir de marché au Royaume-Uni et en Californie

180Des études fondées sur des observations comme celles menées par Wolfram ( 1998,1999) et par Borenstein, Bushnell et Wolak ( 1999) mesurent l’ampleur du pouvoir de marché en évaluant d’abord le coût marginal de production et en le comparant ensuite aux estimations obtenues avec les prix. La tentative d’estimation des coûts de production pose toutefois un certain nombre de difficultés. Wolfram, par exemple, n’inclut pas les coûts variables de fonctionnement et d’entretien dans ses estimations, et, de ce fait sous-estime peut-être les coûts de production réels. En Californie, les producteurs n’incluent pas explicitement les coûts de démarrage dans leurs offres (comme le font d’autres pools d’électricité) et doivent plutôt les inclure dans leurs offres d’énergie (même si l’inclusion des coûts de démarrage ne rendrait pas entièrement compte des paiements plus élevés déjà mentionnés versés aux producteurs de Californie). À ce titre, l’offre faite par un producteur peut sembler supérieure aux coûts marginaux même si le prix demandé reflète précisément le coût variable de production assumé par ce producteur.

181D’autres éléments, cependant, font penser que les entreprises exercent un pouvoir de marché – le comportement en matière d’enchères au Royaume-Uni, par exemple. Même si les entreprises ont intérêt à faire des enchères plus élevées sur le pool afin d’augmenter leurs recettes, elles doivent faire en sorte que la centrale soit appelée. Selon la théorie économique, si les producteurs se comportent en suivant une stratégie, les marges prix-coûts sont plus élevées pour les centrales qui sont les plus susceptibles de fixer le prix du pool et dont la capacité disponible est supérieure à la capacité inframarginale. Wolfram constate que ces deux phénomènes ont pu être observés sur le pool du Royaume-Uni. Elle montre en outre que la variation des prix des offres faites par un groupe donné est supérieure à la variation des offres faites par l’ensemble des groupes.

182D’autres analystes ont comparé les prix réels du pool de la bourse de l’électricité de la Californie avec ceux établis dans une étude réalisée en 1997 par Borenstein et Bushnell sur l’existence possible d’un pouvoir de marché sur le marché de gros de Californie. Pour deux des quatre mois étudiés, le modèle surestime les prix faisant supposer l’existence d’une situation de concurrence ou de pouvoir de marché. Pour les deux autres mois, cependant, le modèle prédit de manière exacte les prix concurrentiels pour environ 80 pour cent des heures, en général lorsque les charges sont basses. Pour environ 10 pour cent des heures pendant ces deux mois, les prix réels de la bourse de Californie se situent dans l’éventail des prix qui, selon les prédictions, font soupçonner l’existence d’un pouvoir de marché.

183L’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché peut restreindre considérablement l’aptitude à maintenir les prix au-dessus du niveau concurrentiel pendant une période significative, comportement qui correspond à la définition de l’exercice d’un pouvoir de marché. La possibilité d’une entrée rapide de nouveaux concurrents peut dissuader un opérateur historique qui domine le marché d’exercer un pouvoir de marché, étant donné que l’entrée motivée par la perspective de profits supérieurs à la normale et de prix élevés peut mener à une surcapacité et diminuer les bénéfices après l’entrée.

184Même si l’on a enregistré de nombreuses entrées sur le marché britannique depuis la privatisation, le pouvoir de marché n’y a pas été entièrement éliminé. En 1993 et 1994, les prix du pool se sont situés en moyenne immédiatement en dessous des coûts moyens à long terme d’un nouvel entrant potentiel. En outre, National Power et PowerGen ont pratiqué des retraits significatifs de capacité lors de l’arrivée de nouvelles entreprises au début des années 90, ce qui a limité l’augmentation nette de capacité au sein du pool. Les montées des prix les plus récentes, survenues en 1999, donnent à penser que National Power et PowerGen peuvent toujours exercer un pouvoir de marché malgré les nouvelles entrées et la baisse subséquente de leur part de marché [64].

185Les problèmes liés au pouvoir de marché ont persisté au Royaume-Uni malgré les ajouts considérables de capacité qui sont le fait de producteurs d’électricité indépendants ( 12 300 mégawatts) et l’ajout, entre 1991 et 1997, de capacité nucléaire, conformément à un engagement pris antérieurement ( 3 200 mégawatts). Ensemble, ces ajouts ont représenté l’équivalent de 25 pour cent de la capacité totale du pool de l’Angleterre et du pays de Galles. Comme les conditions qui prévalaient sur le marché britannique étaient probablement plus propices à l’ajout rapide d’une importante capacité fournie par des producteurs d’électricité indépendants que sur de nombreux marchés régionaux de l’électricité aux États-Unis, l’entrée de nouveaux concurrents ne devrait probablement pas être considérée comme la panacée au pouvoir de marché à court et à moyen terme.

Études du pouvoir de marché dans d’autres régions

186Borenstein, Bushnell et Knittel ( 1997) examinent la possibilité qu’un pouvoir de marché s’exerce dans le New Jersey. En raison des contraintes de transport qui existent à destination et en provenance du pool de l’électricité Pennsylvanie-New Jersey-Maryland (PJM), le New Jersey (« PJM-East ») peut parfois être un marché restreint, distinct sur le plan géographique, qui se prête à l’exercice d’un pouvoir de marché. L’analyse examine la possibilité qu’ont les cinq principales entreprises de service public du New Jersey d’augmenter les prix en réduisant leur production, en supposant que les marchés voisins (New York et « PJM-West ») sont parfaitement concurrentiels et vendront de l’électricité sur le marché du New Jersey lorsque cela sera possible, compte tenu des prix et des contraintes de transport. Ils constatent que les prix du marché commencent à dépasser les niveaux concurrentiels lorsque la demande excède 14 500 mégawatts au New Jersey (ils situent la demande de pointe à 16 500 mégawatts en 2000 pour les besoins de cette analyse). Lorsque la demande atteint ce niveau, les augmentations potentielles de prix dues au pouvoir de marché vont de quelques points à un facteur de 4.

187On a également étudié la possibilité qu’un pouvoir de marché s’exerce dans le Colorado. Sweester ( 1998) note que les contraintes de transport et la présence d’une entreprise dominante peuvent favoriser l’exercice d’un pouvoir de marché dans l’est du Colorado. Il examine comment différentes possibilités d’action ou d’évolutions du marché pourraient réduire ce pouvoir de marché. Par exemple, la présence de coopératives d’électricité rurales et d’agences d’électricité municipales sur les marchés concurrentiels réduit les marges prix-coûts prévues d’environ 10 pour cent. En supposant l’entrée sur le marché de 1 000 mégawatts de production nouvelle et concurrentielle, les marges prix-coûts chutent de façon spectaculaire. La plus forte diminution des marges prix-coût, dans une hypothèse de pouvoir de marché, est obtenue en exigeant de l’entreprise dominante qu’elle cède 50 pour cent de ses actifs.

188Plusieurs commissions de services publics des différents états ont également entrepris des études sur le pouvoir de marché dans le cadre d’une restructuration. Dans le Michigan, par exemple, la commission des services publics a calculé des valeurs d’IHH pour cet État et conclu que le marché du Michigan est « tellement concentré et que les avantages des services publics en place sont tellement généralisés que la prise de mesures s’impose ». La commission des services publics de l’Utah a réalisé des études de simulation similaires à celles qui ont été faites dans le New Jersey et le Colorado et constaté que l’entreprise dominante serait en mesure d’exercer un pouvoir de marché de 45 à 60 pour cent du temps.

ANNEXE B

L’indice de Lerner et l’IHH sur un marché sans contraintes de capacité

189 Supposons un marché comportant n entreprises qui produisent un produit identique, assumant des coûts de pour i= 1,.., n. La courbe de la)( ii qc demande sur le marché est P(Q),

equation im30

Le bénéfice de la i ième entreprise est donc :

equation im31

Supposons que ces entreprises se font une concurrence en quantité, l’équilibre de Cournot étant . D’après les conditions de premier),...,,( **2*1nqqq ordre, nous savons que :

equation im32

Ce qui implique que :

equation im33

Où si = qi / Q est la part de marché de la iième entreprise et ? est l’élasticité de la courbe de la demande lorsque la production totale est Q. Si nous multiplions cette expression par si et additionnons la production de toutes les entreprises, nous constatons que :

equation im34


equation im35

est la moyenne pondérée des coûts marginaux des entreprises au niveau d’équilibre de la production (pondéré par les parts de marché de chaque entreprise) et

equation im36

est la somme des carrés des parts de marchés des entreprises présentes sur le marché.

190 Supposons maintenant que les entreprises assument un coût marginal constant. L’expression ci-dessus permet de déduire que :

equation im37


equation im38

est la simple moyenne des coûts marginaux assumés par les entreprises. Ce résultat a pour conséquence immédiate que si la courbe de i la demande a une élasticité constante, la marge prix-coût marginal est constante, quel que soit le niveau de la demande.

Contraintes de capacité et IHH ajusté

191 Supposons maintenant que la i ième entreprise fait face à une contrainte de capacité de Ki. Le problème de l’entreprise est maintenant de maximiser

equation im39

à la condition que

equation im40

Soit m entreprises exemptes de contraintes de capacité désignées 1,2,…, m. Pour ces entreprises, les conditions de premier ordre ci-dessus sont maintenues. Supposons que la part de marché totale des entreprises contraintes soit

equation im41

. Supposons ensuite que

equation im42

Si nous multiplions les conditions de premier ordre par

equation im43

et faisons le total, nous obtenons :

equation im44


equation im45

et

equation im46

Valeur minimum de l’IHH ajusté

192 Pour un nombre donné d’entreprises sans contraintes, nous pouvons trouver la valeur minimum de l’IHH en choisissant s1, s2,...., sm pour réduire au minimum HHI adj, pour autant que

equation im47

On peut alors aisément démontrer que s1, s2,...., sm doivent être identiques et, par conséquent, que

equation im48

En intégrant ce résultat à l’expression HHI adj, nous obtenons

equation im49

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Notes

  • [1]
    Dans le présent document, « pouvoir de marché » désigne principalement le pouvoir de marché unilatéral et horizontal (par opposition au pouvoir de marché collusoire, concerté ou vertical).
  • [2]
    Par souci d’uniformité, ajoutons que lorsqu’une entreprise subit des contraintes, il se peut que le prix du marché soit supérieur au coût marginal assumé par les entreprises non contraintes.
  • [3]
    Voir à l’annexe B. La marge prix-coût marginal moyen peut diminuer, même si la marge prix-coût marginal le plus bas augmente.
  • [4]
    Nous ne tenons pas compte ici des pertes de transport ou de la congestion éventuelles. On verra plus loin que lorsque les lignes de transport subissent des contraintes, il est parfois nécessaire de faire appel à des producteurs à coût élevé afin de maintenir l’intégrité du système.
  • [5]
    Voir Borenstein ( 1999) p. 3 : « En l’absence de pouvoir de marché exercé par un vendeur sur le marché, le prix peut quand même excéder les coûts marginaux de production de toutes les installations de production présentes sur le marché à ce moment. » Par conséquent, sur un marché présentant des contraintes de capacité, il faut, pour démontrer la présence d’un pouvoir de marché, à la fois une indication que le prix du marché est plus élevé que le coût marginal de toutes les entreprises présentes sur le marché (c’est-à-dire que l’indice de Lerner est positif) et qu’au moins une entreprise fonctionne sans utiliser toute sa capacité.
  • [6]
    Borenstein et Bushnell ( 2000), pp. 48-49.
  • [1]
    Borenstein, Bushnell, Kahn et Stoft ( 1996), p. 18.
  • [2]
    Borenstein, Bushnell et Knittel ( 1999), p. 5.
  • [7]
    Borenstein et Bushnell ( 2000), p. 49. En ce qui a trait au marché de l’Angleterre et du pays de Galles, Wolack et Patrick ( 1997), pp. 8-9, observent : « La grande majorité des clients [d’une société régionale de fourniture d’électricité] achètent l’électricité à des tarifs fixes et non liés aux variations du prix du pool au cours d’une année. Tous les particuliers paient des prix fixes pouvant varier selon des modalités convenues d’un commun accord sur une base quotidienne ou hebdomadaire, indépendamment des fluctuations du prix du pool, pendant la totalité de l’exercice budgétaire. Sous sa forme la plus courante, ce mode de tarification prévoit un prix fixe par kWh pour la consommation totale pendant les périodes diurnes et un autre prix fixe par kWh pour la consommation pendant les périodes nocturnes. Presque tous les utilisateurs commerciaux et industriels achètent l’électricité par le biais de contrats similaires à prix fixes négociés annuellement, selon lesquels les prix varient également sur une base quotidienne ou hebdomadaire, indépendamment des variations du prix du pool. Par conséquent, les variations du prix du pool au cours d’une journée, d’une journée à l’autre ou même d’un mois à l’autre n’ont d’incidence que sur les prix payés par une petite partie de la clientèle, étant donné que les structures des prix ne sont pas modifiées pour la totalité de l’exercice budgétaire. Seule une infime partie de la charge totale du réseau de l’Angleterre et du pays de Galles, soit environ 5 pour cent, est achetée par des consommateurs finals en fonction des variations du prix semi-horaire sur le marché spot. » De toute façon, dans le cadre de l’ancien système de négociation de l’Angleterre et du pays de Galles, il n’existait pas de mécanismes qui permettaient aux acheteurs de signaler leur intention de réduire leur demande à la suite d’une hausse des prix.
  • [8]
    Borenstein et Bushnell ( 2000), p. 49. À strictement parler, le problème de fond n’est pas que les producteurs sont confrontés à des contraintes de capacité, mais que la courbe de coût marginal augmente fortement lorsque la capacité maximum est presque atteinte, de sorte que les producteurs fonctionnent la plupart du temps à pleine capacité.
  • [9]
    Voir, par exemple, Cramton et Lien ( 2000).
  • [10]
    Borenstein et Bushnell ( 2000), pp. 49-50.
  • [11]
    Borenstein et Bushnell ( 2000), pp. 49-50. Cet argument peut être facilement extrapolé pour montrer que le pouvoir de marché peut exister non seulement en période de pointe mais aussi à tout instant lorsque la courbe de l’offre du secteur est inélastique (par exemple lorsqu’une augmentation de la production nécessite l’appel d’une installation dont le fonctionnement coûte cher). De fait, lorsque la courbe de l’offre est inélastique, on estime que même une petite entreprise peut trouver rentable de réduire un peu sa production – les coûts de cette réduction sont plus que contrebalancés par la hausse du prix du marché des unités restantes vendues.
  • [12]
    US FTC, In the Matter of PacifiCorp; The Energy Group PLC; Peabody Holding Company, Inc.; Peabody Western Coal Company, Analysis of Proposed Consent Order to Aid Public Comment ( www. ftc. gov/ os/ 1998/ 9802 /).
  • [13]
    D’autre part, l’indice d’Herfindahl-Hirschman ajusté est une mesure plus précise que celle qui consisterait simplement à ne pas tenir compte de la part de marché des entreprises soumises à des contraintes au motif qu’elles sont « hors marché ». Cette approche est examinée, par exemple, par Werden ( 1996), p. 19 : « Selon les règles actuelles des institutions du marché, la capacité destinée à la charge locale devrait peut-être être considérée comme “hors marché ” … En effet, les parts de la capacité excédentaire sont de bien meilleurs indicateurs d’un éventuel pouvoir de marché significatif que les parts de la capacité totale. »
  • [14]
    Wolak et Patrick ( 1997), p. 47.
  • [15]
    La réduction du pouvoir de marché n’entraîne pas de baisse du prix du marché mais plutôt une diminution de la marge du prix du marché par rapport au niveau de coût efficace.
  • [16]
    Newbery ( 1998), p. 744.
  • [17]
    Bushnell et Wolak ( 1999), pp. 4-5.
  • [18]
    Bushnell et Wolak ( 1999), pp. 4-5. Joskow ( 1997) constate : « [C]ertains producteurs possèdent des centrales situées stratégiquement sur le réseau et sont de temps à autre “ appelés pour assurer la fiabilité du réseau ”. Naturellement, lorsque les producteurs savent que le gestionnaire du réseau leur demandera de tourner pour maintenir la fiabilité du réseau (presque) indépendamment du prix demandé, ils font des offres élevées. Certaines centrales situées stratégiquement sur le réseau de l’Angleterre et du pays de Galles ont facturé des prix six fois plus élevés que des producteurs comparables avant que l’autorité de la réglementation ne leur impose un prix plafond ». Joskow ( 1997), p. 134.
  • [19]
    Joskow et Tirole ( 2000), p. 458.
  • [20]
    Voir, par exemple, Hogan ( 1997).
  • [21]
    Hjalmarsson ( 2000) observe : « C’est, que je sache, la première étude sur les marchés de l’électricité qui ne peut rejeter l’hypothèse de la concurrence parfaite. »
  • [22]
    Borenstein, Bushnell et Wolak ( 2002), p. 5.
  • [23]
    Voir Cardell, Hitt et Hogan ( 1997), Bushnell ( 1999), Borenstein, Bushnell et Stoft ( 2000), Joskow et Tirole ( 2000).
  • [24]
    Voir Bushnell ( 2002).
  • [25]
    Borenstein, Bushnell et Wolak ( 2002), pp. 5-6.
  • [1]
    L’information contenue dans cet encadré est tirée de Wolak et Patrick ( 1997) et de Green et Newbery ( 1992). Voir aussi Wolak ( 1997).
  • [2]
    Green et Newbery ( 1992), p. 952.
  • [*]
    Les informations fournies dans cet encadré proviennent de Borenstein, Bushnell et Knittel ( 1999). Parmi les autres études ayant conclu à l’existence d’un pouvoir de marché significatif sur le marché de gros de l’électricité en Californie, citons celles de Borenstein, Bushnell et Wolak ( 2001), Wolak, Nordhaus et Shapiro ( 2000), Puller ( 2001), Joskow et Kahn ( 2001), Hildebrandt ( 2001) et Sheffrin ( 2001).
  • [26]
    Department of Energy, États-Unis ( 2000), p. 13.
  • [27]
    Commission européenne ( 2001), p. 30.
  • [28]
    Commission européenne ( 2001), pp. 18-29.
  • [29]
    Aux États-Unis, le Department of Energy ( 2000) évoque la possibilité que les producteurs soient tenus d’améliorer le transport placé sous leur contrôle afin d’affaiblir leur pouvoir de marché dans les zones de saturation où ils exercent leurs activités.
  • [30]
    Hogan ( 1998) observe : « Il est tout à fait possible d’élaborer des exemples de liaisons de transport valables n’ayant pas de transit net d’électricité, et qui apparaissent inutiles au regard de nombreuses définitions des droits établis en fonction des liaisons », p. 11.
  • [31]
    Troisièmement, la construction d’une liaison de transport ou l’amélioration de la capacité d’une liaison existante ne fait pas toujours baisser les prix du marché. L’allégement d’une contrainte de transport entre les points A et B ne fait pas nécessairement baisser les prix aux points A et B. A vrai dire, c’est l’opposé qui est quasiment le plus susceptible de se produire. Une liaison de transport entre les points A et B est, de fait, une sorte de mise en équilibre des prix en vigueur aux points A et B. L’existence d’un transit d’électricité du point A vers le point B signifie que (tout au moins en l’absence de transit) le prix du marché est plus élevé au point B qu’au point A. Une liaison de transport a par conséquent tendance à faire augmenter les prix au point A (et à les faire dminuer au point B). On a vu en revanche que l’effet d’accroissement de la concurrence a tendance à faire baisser les prix à la fois au point A et au point B. Il n’est pas possible de dire dans l’abstrait lequel des deux effets l’emportera.
  • [32]
    Joskow ( 1997), p. 132.
  • [33]
    Hilke ( 2001).
  • [34]
    Hilke ( 2001).
  • [35]
    Hilke ( 2001).
  • [36]
    Voir par exemple l’Irlande, wwww. cer. ie/ cer01101.pdf, l’Oregon et l’Alberta.
  • [37]
    Voir www. edf. fr/ htm/ en/ enchere/ enchere/ Survolproduit.
  • [38]
    Voir par exemple Fraser ( 2001).
  • [39]
    Wolak et Patrick ( 1997), p. 51.
  • [40]
    Kahn et al. ( 2001), pp. 16-17. « Bien que la facturation en temps réel ne soit pas répandue aux États-Unis, la technologie y est bien établie. La plupart des gros clients commerciaux et industriels de la Californie sont déjà dotés de compteurs en temps réel et la communication du prix du marché du lendemain ou en temps réel à ces clients peut facilement se faire par Internet. Il se peut qu’il ne soit pas pratique ou nécessaire dans un avenir proche d’inclure les particuliers dans le programme de tarification en temps réel, mais la diminution du coût des compteurs en temps réel facilitera cette inclusion. Il importe de comprendre que la variation des prix peut être dissociée du niveau moyen des prix. Pour tout niveau de prix de détail uniforme considéré, le même niveau de prix moyen à l’échelle du réseau peut être obtenu chaque mois avec la tarification de détail en temps réel. La tarification en temps réel réduira le coût de passation des marchés d’électricité rendra moins nécessaire la construction de centrales électriques, et favorisera la baisse des prix de détail », Borenstein ( 2002), pp. 205-206.
  • [41]
    Hilke ( 2001). Hilke se montre également prudent : « L’élasticité de la demande risque de varier dans le temps (… ) Par exemple, la demande record qui est due à un froid très intense peut être moins élastique que celle qui relève du dynamisme de l’économie. Il est risqué de supposer qu’une plus forte élasticité de la demande attribuable à la participation du côté de la demande persistera en toutes circonstances. »
  • [42]
    National Electricity Code, articles 3.9.4 et 3.9.5.
  • [43]
    Wolak et Patrick ( 1997), page 14.
  • [44]
    Cet aspect est approfondi par Bushnell et Wolak ( 1999), pp. 12-13. Aux États-Unis, le FERC peut retirer l’autorisation de déterminer les tarifs au moyen de processus fondés sur le marché s’il estime que cela entraîne des résultats peu souhaitables.
  • [45]
    Wolak et Patrick ( 1997), pp. 13-14.
  • [46]
    Kahn et al. ( 2001), p. 13.
  • [47]
    Borenstein ( 2002), p. 203.
  • [48]
    Wolak et Patrick ( 1997), pp. 48-49.
  • [49]
    On trouvera dans IEA ( 2000) un résumé utile des avantages et des inconvénients des différentes approches de la conception de marché.
  • [50]
    Voir Kahn et al. ( 2001).
  • [51]
    Wolak et Patrick ( 1997), pp. 48-49.
  • [52]
    Wolak et Patrick ( 1997), p. 50.
  • [53]
    Voir Kahn et al. ( 2001), p. 15.
  • [54]
    Borenstein ( 2002), p. 202.
  • [55]
    Schmalensee et Golub ( 1984), p. 26.
  • [56]
    Joskow ( 1997).
  • [57]
    « Un élément qui a contribué de façon significative au mouvement observé à l’échelle internationale vers la restructuration de la concurrence sur les marchés de l’électricité est que la composante production de ce secteur n’est plus considérée comme un monopole naturel. Alors que la concurrence portant sur la production de l’électricité peut effectivement être vive dans de grandes régions, les limites des capacités de transport dans la plupart des réseaux d’électricité, associées au manque de moyens de stockage économique de l’électricité, restreignent souvent la concurrence dans des régions géographiques relativement petites. Dans ces petites régions, les groupes peuvent détenir un pouvoir de marché significatif. Ce pouvoir de marché est accentué par le fait que la demande en temps réel d’électricité de gros se caractérise par une très grande inélasticité-prix. » Bushnell et Wolak ( 1999), p. 3.
  • [58]
    « Le mouvement vers la restructuration des marchés de l’électricité est issu d’une nette insatisfaction à l’égard des résultats de la réglementation du coût des services. Cela dit, les marchés de l’électricité se sont révélés plus difficiles à restructurer que de nombreux autres marchés (… ) en raison de la présence inhabituelle d’une très forte inélasticité de l’offre comme de la demande. La tarification de détail en temps réel et la passation de contrats à long terme peuvent contribuer à contrôler des prix de gros en hausse comme ceux observés récemment en Californie et à ménager du temps pour traiter d’autres problèmes structurels importants qui doivent être résolus pour instaurer un marché de l’électricité stable et fonctionnel. Ces problèmes concernent notamment la création d’une structure adaptée à la concurrence sur le marché de détail, la détermination de la meilleure façon de fixer localement les prix et les frais de transport, la mise en œuvre d’un cadre cohérent d’investissement dans de nouvelles capacités de transport et l’optimisation de l’approvisionnement en capacité de réserve. » Borenstein ( 2002), p. 210.
  • [59]
    Borenstein ( 2002), p. 210.
  • [60]
    En 1999, l’OFFER et l’Office of Gas Supply ont fusionné en vue de la création de l’Office of Gas and Electricity Market (OFGEM).
  • [61]
    L’OFFER a fini par imposer un plafond sur les prix marginaux, exigé que National Power et PowerGen cèdent une partie de leurs actifs de production et demandé aux producteurs de présenter des plans annuels relativement aux interruptions temporaires anticipées des centrales.
  • [62]
    Les prix du pool de l’électricité du Royaume-Uni comprennent trois éléments distincts : le prix marginal du système, qui correspond au prix de l’offre du dernier producteur figurant sur le plan de dispatching, une prime de capacité, qui rémunère les producteurs pour la fourniture de capacité et une prime d’ajustement au titre des écarts entre la demande anticipée et la demande réelle et des coûts des services auxiliaires fournis par les producteurs (par exemple, participation au réglage de la tension). Les augmentations des coûts attribuables à l’augmentation des primes de capacité ne sont pas prise en compte dans cette analyse, qui se borne à l’examen du prix marginal du système.
  • [63]
    La valeur de la perte de charge est l’évaluation du montant que les consommateurs finals qui reçoivent de l’électricité en vertu de contrats fermes seraient disposés à payer pour éviter une interruption de leur service d’électricité.
  • [64]
    En juillet 1999, les prix du pool de l’électricité au Royaume-Uni étaient d’environ 80 pour cent supérieurs aux prix en vigueur pendant la même période en 1998, malgré une augmentation relativement faible de la demande ou des prix du combustible comparativement à l’année précédente. L’OFGEM a établi que ces hausses de prix étaient principalement attribuables à l’augmentation des prix demandés par les centrales alimentées au charbon appartenant à National Power et PowerGen.
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