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Article de revue

Morale sexuelle et éthique des vertus

Pages 75 à 89

Notes

  • [1]
    « C’est donc par convention que je réserverai le terme d’éthique pour la visée d’une vie accomplie et celui de morale pour l’articulation de cette visée dans des normes caractérisées à la fois par la prétention à l’universalité et par un effet de contrainte » (Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, septième étude, « Le soi et la visée éthique », Éd. du Seuil, coll. « Points-Essais », 1990, p. 200) ; « Appelons “visée éthique” la visée de la “vie bonne” avec et pour autrui dans des institutions justes » (Ibid., p. 202).
  • [2]
    Voir Aristote, Éthique à Nicomaque, 1095 a 17-22.
  • [3]
    Voir ibid., livre II.
  • [4]
    Sur l’éthique des vertus, la pensée de saint Thomas et les réélaborations contemporaines : voir Alasdair MacIntyre, Après la vertu, traduit de l’anglais par L. Bury, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2006 (première édition anglaise 1981) ; Josef Pieper, Le quadrige. Prudence, justice, force, tempérance, traduit de l’allemand par J. Granier, Paris, Pierre Téqui, 2020 ; Laurent Sentis, De l’utilité des vertus. Éthique et alliance, Paris, Beauchesne, 2004 ; Alain Thomasset, Interpréter et agir. Jalons pour une éthique chrétienne, Paris, Éd. du Cerf, 2011, chapitre 8.
  • [5]
    Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIa-IIae Q. 143 rep.
  • [6]
    « Celui qui s’abstient de tout plaisir sans égard pour la droite raison, comme si le plaisir lui-même lui faisait horreur, est un insensible et un rustre » (IIa-IIae Q.152, a. 2, sol. 2) ; « l’abondance du plaisir que produit un acte sexuel conforme à l’ordre de la raison n’est pas contraire au milieu de la vertu » (Ibid., Q. 153, a. 2, sol. 2).
  • [7]
    Voir Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIa-IIae, Q. 81, a. 2.
  • [8]
    Voir Somme théologique, IIa-IIae, Q. 153, a. 2 ; Suppl. Q. 41, a. 4.
  • [9]
    Dans les textes récents du Magistère, c’est la structure métaphysique de la personne (sa dignité, son unité) qui est mise en avant.
  • [10]
    « Mais d’autres disent que la continence est ce qui permet à quelqu’un de résister aux convoitises mauvaises qui l’agitent violemment (…). En ce sens la continence a quelque chose de la vertu, en tant que la raison est affermie contre les passions, afin de ne pas être entraînée par elles ; cependant elle n’atteint pas à la perfection de la vertu, qui fait que même l’appétit sensible est soumis à la raison, si bien qu’il ne connaît plus l’insurrection de passions violentes contraires à la raison » (Somme théologique, IIa-IIae, Q. 155, a.1, rep.).
  • [11]
    Voir Somme théologique, II-II, Q. 151, a. 1, sol. 1.
  • [12]
    Voir Xavier Thévenot, Éthique pour un monde nouveau, préface de Ph. Bordeyne, Paris, Salvator, 2005, p. 62-74. Autre reprise de la notion de chasteté par Jean-Louis Bruguès, Dictionnaire de morale catholique, Chambray, éditions C.L.D., 1991, article « chasteté ».
  • [13]
    Cette notion de « modèle associatif » vient de Louis Roussel, La famille incertaine, Odile Jacob, coll. « Points », 1989, p. 171-175.
  • [14]
    Voir Xavier Thévenot, Éthique pour un monde nouveau, p. 65-69.
  • [15]
    Voir par exemple, à propos des crimes de pédophilie commis par des prêtres, Marie-Jo Thiel, L’Église catholique face aux abus sexuels sur mineurs, Montrouge, Bayard, 2019, p. 474-480 : « sexualité et pouvoir ». Voir également, ibid., « L’éthique sexuelle et familiale mise en cause », (I) RETM 304 (décembre 2019), p. 89-106 ; (II) RETM 305 (mars 2020), p. 89-104.
  • [16]
    Voir Xavier Lacroix, Le corps de chair. Les dimensions éthique, esthétique et spirituelle de l’amour, Paris, Éd. du Cerf, 1992, spécialement la quatrième partie : « le corps, lieu d’alliance ».
  • [17]
    Paul Ricœur nous a appris que l’unité d’une vie est une unité narrative. Le récit noue les choix et les événements d’une vie pour en faire un tout cohérent. La sexualité est ordinairement ce qui ne se raconte pas, surtout si elle représente la part obscure et discordante de l’existence.
  • [18]
    Xavier Thévenot parle des trois « fonctions de la sexualité » : « la fonction relationnelle » ; « la fonction plaisir », « la fonction fécondité », voir Éthique pour un monde nouveau, p. 37-39.
  • [19]
    En fait Paul VI dans Humanae Vitae ne mentionne que deux significations de l’acte conjugal, union et procréation. Au contraire, Jean-Paul II, puis François intègrent la dimension érotique de la sexualité (cf. Amoris laetitia 150-152 et les références, à cet endroit, aux catéchèses de Jean-Paul II). Du principe énoncé dans HV 12, il suit qu’un acte conjugal volontairement privé de sa signification unitive (imposé de force) est un désordre moral, tout autant qu’un acte conjugal privé de sa signification procréative.
  • [20]
    Comparer la première partie de Casti Connubii sur les biens du mariage et les chapitres 4 et 5 d’Amoris laetitia sur « l’amour dans le mariage » et « l’amour qui devient fécond ».
  • [21]
    Les personnages des romans de Michel Houellebecq sont un contre-modèle, poussé à l’extrême, de l’existence éthique que nous avons tenté de décrire. Voir par exemple le parcours de vie de Florent-Claude Labrouste dans Michel Houellebecq, Sérotonine, Flammarion, 2019.

1Le titre donné à cet article en indique l’objet. Le terme « morale » est souvent associé à un ensemble d’interdits et d’obligations ; celui d’« éthique » à la visée d’une vie belle et bonne (voir Paul Ricœur [1]). « Morale sexuelle et éthique des vertus » signifie donc : quels pourraient être les axes d’une réflexion en théologie morale qui mette positivement en évidence la place de la sexualité dans la réalisation d’une vie humaine belle et bonne ? Comment sortir la morale sexuelle de l’ornière d’une morale d’interdits, sans verser dans celle, opposée, de la « libération » de tout interdit ?

2Après avoir, dans un premier temps, explicité la problématique, nous rappellerons à grands traits, dans un second temps, le sens de la vertu de chasteté dans la doctrine morale classique inspirée par saint Thomas d’Aquin. Dans une troisième partie, la plus importante, nous évoquerons quelques pistes pour une présentation positive, et en même temps exigeante, de la place de la sexualité dans l’existence humaine, telle qu’elle apparaît à la lumière de la révélation biblique. Cette partie aura surtout une valeur exploratoire.

Sexualité et interdits

3Dans l’esprit de beaucoup de nos contemporains la religion est identifiée à la morale ; la morale est réduite à la morale sexuelle ; et celle-ci est perçue comme un catalogue d’interdits qui s’opposent à l’émancipation de la femme ainsi qu’à la liberté sexuelle. La morale se résumerait en la défense d’un cadre institutionnel répressif et hypocrite.

4L’enseignement du Magistère de l’Église catholique depuis soixante ans a renforcé cette idée. L’Église catholique est perçue comme l’institution qui s’est opposée, et continue de s’opposer, au divorce, à la contraception, à l’IVG, au préservatif, à la PMA, à l’homosexualité, au mariage pour tous, etc. Pour certains : une institution à abattre. Que les papes, de Paul VI à François, se soient efforcés de montrer positivement la valeur de la sexualité humaine n’est pas compris ni retenu. L’Église catholique, gouvernée exclusivement par des hommes célibataires, aurait un grave problème avec la sexualité, ce qui lui aliénerait la majorité de nos contemporains. Il va sans dire que les scandales d’abus sexuels dans le clergé, spécialement la pédophilie, n’ont fait qu’accentuer cette défiance et ce rejet.

5Pourtant, en théologie chrétienne, la sexualité, inhérente à la condition humaine, à la fois comme sexuation (être homme ou femme) et comme activité sexuelle, appartient à la bonté originelle de la création. L’homme et la femme sont donnés l’un à l’autre par Dieu pour ne faire qu’un et ils sont investis ensemble de la mission de transmettre l’image de Dieu au sein de la Création. La Bible ne cache pas la puissance du désir et les violences ainsi que les désordres qui en résultent parfois. Mais elle chante aussi la beauté de l’amour humain, y compris son expression sexuelle.

6Un vaste chantier est ouvert en théologie morale : il s’agit de montrer comment, dans les conditions culturelles actuelles, la sexualité peut s’intégrer à la construction d’une vie humaine accomplie. Il ne s’agit pas de rejeter le moment normatif. On a pu être tenté de le faire à une époque récente, en réaction contre une morale sexuelle excessivement répressive. Le fameux slogan de mai 68 « il est interdit d’interdire » a été brandi pour conquérir la liberté sexuelle. Aujourd’hui l’interdit revient en force avec les scandales des abus sexuels dont des enfants ou des femmes ont été les victimes, souvent de la part d’hommes en situation d’autorité ou de domination. Il n’a donc pas disparu, il s’est déplacé. Autrefois il portait surtout sur les relations sexuelles hors mariage, ainsi que sur tout ce qui empêche l’acte conjugal d’atteindre sa finalité procréative. Désormais, il porte sur les relations sexuelles non consenties, imposées, ou obtenues dans le cadre d’une relation de pouvoir. Il ne faut donc pas opposer éthique et morale, visée de la vie bonne et normes, mais veiller à bien les articuler. Par-dessus tout, l’humanité a besoin de sagesse pratique et de témoins qui suscitent le désir de l’exigence d’une vie bonne.

Sexualité et vertu : la doctrine classique

7La doctrine morale chrétienne fut élaborée à l’époque des Pères à partir de la Bible ainsi que des philosophies d’inspiration platonicienne et stoïcienne. Au xiiie siècle, saint Thomas d’Aquin s’appuya sur Aristote pour développer une théologie universitaire à visée proprement, et même éminemment, scientifique. L’éthique, selon Aristote, est une investigation rationnelle dont l’objet est la vie heureuse [2]. La notion de vertu y occupe une place centrale. L’acte bon – l’acte proprement humain – procède d’une disposition acquise à bien juger qui entraîne le désir [3]. Une éthique des vertus ne met pas au premier plan les normes mais les qualités humaines, naturelles et acquises, qui permettent d’agir de façon à mener une existence pleinement et proprement humaine [4].

8Traditionnellement, une éthique des vertus, comme celle magistralement développée par saint Thomas d’Aquin dans la IIa-IIae de la Somme théologique, traite de la sexualité dans la partie consacrée à la vertu cardinale de tempérance. La partie subjective de la tempérance qui concerne la sexualité est la chasteté [5]. Le comportement sexuel d’une personne chaste est habituellement (au sens technique d’habitus) conforme à l’ordre de la raison. Elle n’a pas besoin de contenir ses pulsions par la force de sa volonté. Celles-ci sont domestiquées, disciplinées. Elles ne sont pas réduites au silence, mais orientées et canalisées vers la finalité naturelle de la sexualité : assurer la propagation de l’espèce. Leur énergie va dans le sens de la raison, c’est-à-dire de ce « juste milieu » ou « excellence » que la raison discerne. Le plaisir n’est pas rejeté [6]. Au contraire, il accompagne l’acte sexuel conforme à l’ordre de la raison, ou, ce qui revient au même, conforme à la nature.

9En raison de la connexion des vertus, la chasteté suppose la prudence, satisfait à la justice et demande de la force.

La chasteté suppose la prudence

10Il n’y a pas de vertu s’il n’y a pas de gouvernement de soi par la raison. Qui se laisse guider par des mouvements spontanés, non réfléchis, de l’affectivité peut occasionnellement agir selon la vertu, mais n’est pas vertueux. La sexualité chaste est celle de l’homme (homme ou femme) sage, de bon conseil, qui discerne ce qu’il est bon de faire dans les circonstances changeantes de la vie, et qui se détermine à le faire. Cependant il ne faut pas confondre existence vertueuse et vie toujours et en tout point « raisonnable ». En effet, surtout dans le domaine de la sexualité, il peut être conforme à la raison de lâcher la bride aux désirs, pour un moment, entre époux, de renoncer à la stricte maîtrise de soi, de lâcher prise et se « laisser aller ».

11Notons trois choses :

12Premièrement, le présupposé d’une morale ou d’une éthique sexuelle est que l’on puisse et doive donner du sens à sa sexualité. Il existe un autre point de vue qui considère la sexualité comme la part de l’existence qui échappe à la clarté de la signification, la part « animale », obscure, qui ne se laisse pas « humaniser », ce qui la rend à la fois redoutable et fascinante. La morale chercherait à endiguer cette puissance anarchique pour la mettre au service de la procréation et protéger l’institution familiale, tout en fermant hypocritement les yeux sur ses inévitables débordements (prostitution et maisons closes). Au contraire, nous supposons que la sexualité n’est pas entièrement réfractaire à la raison et à la volonté (à la liberté du sujet conscient). Sinon le projet d’une éthique sexuelle serait vain. Seules la répression policière et la sanction judiciaire seraient en mesure d’empêcher les violences et les abus.

13Deuxièmement, la mise au premier plan de la prudence signifie que la moralité ne consiste pas en l’application automatique d’une loi générale à une situation particulière. Le sujet moral n’est pas l’exécutant d’un ordre qui lui vient de l’extérieur. Il ne se défausse pas de sa responsabilité sur le compte d’un donneur d’ordre auquel il n’aurait fait qu’obéir. L’agir moral consiste en la décision réfléchie, prise en conscience, de faire le bien qui doit être fait dans cette situation singulière, et dont le sujet moral assume la responsabilité. La loi morale éclaire la conscience, elle ne se substitue pas à elle. Elle est la gardienne de l’exigence du bien.

14Troisièmement, et par conséquent, une réappropriation contemporaine de la notion de vertu demande d’examiner l’idée de raison, alors que celle-ci est désormais largement identifiée à la raison technicienne. Entre l’idéal médiéval d’une vie éclairée et gouvernée par la raison, participation à la Sagesse divine (l’homme sujet et acteur de son existence en se conformant à la vérité d’un ordre rationnel des choses), l’idéal des Lumières d’une raison autonome et universelle (l’homme sujet et acteur de son existence en suivant les règles qu’il s’est données) et la dénonciation contemporaine des illusions de la raison (l’homme est agi par des forces qui le dépassent), où se trouve la juste voie ? La place de la raison dans la sexualité serait-elle réduite aux techniques du plaisir et aux moyens prophylactiques ? Le sens de l’obligation morale serait-il seulement l’expression de l’attachement affectif aux règles de vie traditionnelle propres à un groupe ? Ou bien y a-t-il encore place pour un discernement moral qui ait réellement prise sur la vie ?

La chasteté satisfait aux exigences de la justice

15Rendre à chacun ce qui lui est dû : telle est la définition la plus générale de la justice. La vertu de religion fait partie de la vertu de justice. Être religieux c’est rendre à Dieu ce qui lui est dû [7]. Les préceptes de la morale sexuelle classique sont fondés sur le respect de l’ordre des choses fixé par le Créateur à l’origine. La sexualité a été voulue par Dieu pour que l’homme et la femme transmettent la vie, et ainsi collaborent à son projet : qu’une multitude de créatures raisonnables aient part à sa béatitude. Lorsqu’elle est utilisée seulement pour la jouissance, elle est détournée de sa finalité. L’homme et la femme en font alors un usage injuste, ils abusent de leur liberté [8].

16Les démocraties libérales refusent cette référence à un ordre objectif des choses voulu par Dieu ou produit par la nature. Elles y voient une inacceptable hétéronomie. Pour l’Église catholique, au contraire, cette reconnaissance est la condition d’une existence digne et libre au sein de la commune famille humaine [9]. La vie humaine est donnée, elle comporte une part de réceptivité qui doit être respectée. La liberté humaine n’est pas absolue. Tout n’est pas manipulable.

17Tous les débats de société de ces dernières décennies, depuis celui sur la contraception jusqu’à celui sur le mariage pour tous et l’ouverture de la PMA aux couples de même sexe, réactivent la polémique entre autonomie et émancipation de la personne, d’une part, respect d’un ordre des choses constitutif de l’existence humaine personnelle et sociale, d’autre part. C’est pourquoi l’un des défis de la théologie morale est la place qu’elle accorde à la doctrine de la création, la manière dont elle la comprend, et les conséquences qu’elle en tire. On se heurte à une question de limites : d’un côté, Dieu a créé l’homme libre, capable de s’autodéterminer et de se faire en partie lui-même ; de l’autre côté, l’homme doit respecter certaines données fondamentales de son existence (la différence homme / femme ; la procréation par union sexuelle ; sa condition mortelle). Où se trouve la limite ? Comment faire la différence entre ce qui est laissé à la libre disposition de l’homme et ce à quoi il lui est interdit de toucher ?

18La justice est aussi la règle des relations entre les humains. La doctrine morale classique enseigne aux époux, à partir de 1 Co 7, 3-5, qu’ils doivent se rendre mutuellement le devoir conjugal (debitum conjugale). Dans une théorie contractuelle du mariage, la sexualité est une prestation due au conjoint. Aujourd’hui, du moins dans le contexte culturel occidental, la notion de consentement est devenue centrale. L’injustice n’est plus l’union refusée, mais l’union imposée, y compris dans le mariage. Le sexe doit être banni de toute relation hiérarchique ou asymétrique, dans laquelle une personne exerce un pouvoir sur une autre ou se trouve en position d’autorité vis-à-vis d’elle. La doctrine chrétienne est vivement interpellée : prend-elle suffisamment en compte l’égalité et la réciprocité entre l’homme et la femme, ou bien perpétue-t-elle, au nom de la différence des sexes, un ordre social et familial hiérarchique ? Il est clair que l’idéal chrétien d’amour conjugal et de communion ne dispense pas des obligations de justice, mais les suppose. Comment vivre une juste parité, qui ne sacrifie pas la richesse de la différence ? Un travail est nécessaire pour intégrer à la réflexion morale sexuelle et familiale l’évolution de la place de la femme dans la société et les nouvelles exigences de justice et d’égalité dans le couple qui en découlent.

La chasteté demande de la force

19La chasteté n’est pas ce raidissement de la volonté qui s’oppose à la violence des pulsions (qui connaît de tels combats n’est pas encore chaste, mais continent [10]). Sa force est celle du caractère, elle est le courage qui permet d’affronter les difficultés, sans lâcheté ni présomption. Il faut de la résolution intérieure pour résister aux sollicitations contraires à la chasteté. Il faut aussi de la force pour assumer courageusement l’éducation des enfants qui naîtront de l’union des époux.

20Pour une conception volontariste de la morale, seule la force de la volonté peut plier le désir à la loi. Au contraire, pour une éthique des vertus, c’est de l’intérieur de soi, par une inclination devenue comme naturelle, que l’homme vertueux fait le bien que lui propose la raison droite [11]. C’est pour commettre un mal, et non pour faire le bien, que l’homme vertueux devrait se faire violence. À ce compte, la vertu de chasteté est chose rare. La psychologie des profondeurs nous a appris que le pouvoir de la raison sur les pulsions est limité. Elles n’échappent pas totalement à la liberté, sinon la notion de morale ou d’éthique sexuelle serait contradictoire. Mais il est vrai que la conduite sexuelle se soumet malaisément aux préceptes d’une sagesse intérieure. N’a-t-elle pas été régulée, toujours et partout, par des contraintes sociales plutôt que par la vertu ? Notre société d’individus émancipés n’échappe pas à la règle. Les déterminations sociales des comportements sexuels agissent toujours fortement, bien que souvent en sens opposé de celles des générations précédentes. Entre soumission aux pulsions et régulation sociale, l’idée de vertu dans le domaine sexuel serait-elle utopique ?

21En réponse à cette question, on sait comment la notion de chasteté a été ré-élaborée de plusieurs manières à l’époque contemporaine [12]. Dans la troisième partie de cet article nous voudrions tracer quelques traits (sans prétendre brosser un portrait complet) d’une sexualité chaste à partir d’une conception personnaliste de l’être humain inspirée par la révélation biblique.

Sexualité et vertu : quelques pistes

22Ces pistes, qui ne sont ici qu’amorcées, sont au nombre de six : l’éthique sexuelle sera considérée à partir d’une anthropologie de communion (1) qui promeut l’engagement de vie (2) comme ce qui donne sens à la liberté (3) et permet, dans une certaine mesure, l’unification personnelle (4). Le respect en est la condition minimum (5) ; la charité l’accomplit (6).

Une éthique de la communion

23L’éthique chrétienne est une éthique du lien, de la fraternité et de la communion. À partir d’une anthropologie personnaliste et en s’appuyant sur une étude renouvelée de l’Écriture Sainte, la théologie morale insiste sur la dimension relationnelle de la personne. L’être humain, créé à l’image de Dieu Trinité, est essentiellement un être de relation. L’anthropologie chrétienne est une anthropologie de communion. Le bonheur personnel est un bien commun et non individuel. Le péché trouble le projet divin en provoquant rivalité et jalousie, volonté de puissance et convoitise, défaut de communication et manque de reconnaissance, repli sur soi et indifférence envers autrui. Le salut par la mort et la résurrection du Christ et le don de l’Esprit est une œuvre de réconciliation qui fonde la possibilité d’une véritable communion fraternelle.

24La société conjugale et familiale est renouvelée en Jésus-Christ. Par sa grâce, qui suscite et soutient l’engagement des libertés, la société traditionnellement hiérarchique entre époux est appelée à devenir une communion dans l’amour. Dans cette perspective, la sexualité n’est plus abordée seulement comme l’acte par lequel un enfant peut être naturellement conçu, mais aussi comme une expression personnelle, à la fois corporelle et spirituelle, de l’amour entre époux. En raison de l’unité de la personne humaine (voir GS 14, 1), l’union des corps peut exprimer et doit favoriser la communion des époux. La sexualité atteint sa pleine signification humaine lorsqu’elle est vécue comme un don mutuel des corps et non comme l’appropriation du corps de l’autre. Un don qui exprime et fortifie le don personnel pour la vie des époux.

25Dans cette perspective, le discours moral sera avant tout un discours de sagesse attentif à situer la sexualité dans la totalité de la vie conjugale. Les époux seront exhortés à veiller à la qualité de leur relation dans la vie quotidienne. Une sexualité épanouie et respectueuse suppose écoute et attention, goût d’être ensemble, capacité de communiquer et de se pardonner, etc. On conseillera le dialogue, on valorisera le plaisir donné et reçu, on recommandera l’attention au désir du conjoint, on mettra en garde contre un idéal de performance sexuelle qui met bien des couples en difficulté.

26La recherche portera sur la nature d’une communion conjugale dont le modèle est, analogiquement, la communion trinitaire. Une anthropologie personnaliste de communion ne prône pas le retour aux sociétés traditionnelles holistes dans lesquelles l’individu n’existe et n’a d’identité que par la place qu’il occupe dans le groupe. Il n’y a de communion qu’entre personnes qui sont les sujets de leur propre existence. Mais le modèle de la communion conjugale s’oppose non moins au « modèle associatif » qui fait du couple l’association de deux individus indépendants et souverains qui demeurent ensemble tant que l’un et l’autre y trouvent plus d’avantages et d’agréments que l’inverse [13]. Il sera également distingué du rêve de fusion des personnes (en effet, si les époux ne sont plus qu’un, ils restent deux personnes différentes) ; du désir d’uniformité (les époux ont deux personnalités distinctes : il ne faut pas chercher à changer l’autre pour le rendre semblable à soi) ; de la volonté de dominer (l’unité conjugale n’est pas la domination de l’un qui décide de tout sur l’autre qui le suit en tout).

27Fusion, uniformisation, domination : ces trois travers, ces trois déformations de l’unité conjugale, ont des répercussions sur la manière de vivre la sexualité. Si les théologiens moralistes des décennies passées mirent en garde contre le rêve d’une relation fusionnelle sans faille, ni différence [14], c’est désormais surtout la relation de pouvoir dominant / dominé qui est vivement dénoncée [15].

Une éthique de l’engagement

28La sexualité peut être vécue en dehors de tout engagement, y compris entre personnes qui ne se connaissent pas et n’entendent pas se revoir. Elle peut aussi être une pratique solitaire. Ce qui est recherché c’est l’intensité du plaisir, le soulagement d’une tension, la satisfaction d’un besoin, mais hors relation et sans créer de lien. À l’extrême opposé, la doctrine morale de l’Église catholique juge que tout acte sexuel en dehors de l’engagement du mariage est un désordre moral. Comment rendre compte du lien entre sexualité et engagement ?

29D’une part, une éthique de la communion conduit à une éthique de l’engagement : la communion entre deux personnes sujets de leurs existences suppose l’engagement de leurs libertés. L’engagement mutuel permet de construire un couple stable, fondement d’une famille. Dans ce cadre, la fidélité devient une valeur centrale. Une infidélité est très mal vécue et supportée, elle met en danger le couple. Être fidèle n’est pas seulement s’abstenir de relations sexuelles avec quelqu’un d’autre que son conjoint. C’est s’engager entièrement dans la relation d’amour et dans la communauté de vie. C’est une attitude de cœur et d’esprit. En cela, la fidélité est une vertu.

30D’autre part, ce qui touche le corps touche la personne en profondeur. L’union des corps, si elle n’est pas une simple utilisation du corps de l’autre, même consentie, est très engageante. Les deux partenaires se livrent, se donnent, dévoilent leur intimité, acceptent d’être vulnérables. Ils se font chair l’un pour l’autre. Une relation de confiance est nécessaire. On sait quelles blessures profondes, parfois irrémédiables, provoque la trahison de cette confiance, le sentiment que l’autre s’est joué de soi. C’est pourquoi l’union des corps appelle l’alliance des personnes [16].

31La capacité à s’engager suppose une formation de la personnalité qui relève d’une éthique des vertus : être capable de prendre une décision réfléchie et de s’y tenir ; de s’engager dans une relation et de la cultiver ; de consentir au réel, toujours différent de l’idéal. Précisons que cela peut se vivre dans d’autres états de vie que ceux officiellement reconnus dans l’Église. Un célibat non choisi au départ, mais assumé, est aussi un engagement qui donne forme et fécondité à la vie.

Une éthique de la liberté

32Notre culture valorise l’autonomie autant que l’égalité. L’engagement, créateur de lien, semble aller dans la direction opposée. Le projet de libération sexuelle a produit ses effets d’émancipation individuelle et de subversion de l’institution familiale traditionnelle. L’évolution sociale a permis aux individus de gagner en liberté de choix, au plan de la conjugalité comme au plan de la paternité et maternité, au détriment de la stabilité du lien familial (éclatement et recomposition des familles). Rien ne doit plus être subi, tout doit pouvoir être choisi. Cependant, de nouvelles formes d’assujettissements sont apparues. C’est ainsi que beaucoup de personnes se plaignent d’être prisonnières d’addictions (à la pornographie par exemple) qui les humilient et sont un obstacle à la construction d’un amour vrai et durable. Il est fréquent de se croire libre alors qu’en réalité l’on ne fait que se conformer à des règles sociales. Le domaine de l’intime n’échappe pas à cette loi. La liberté est moins un acquis qu’une tâche à accomplir, une œuvre de libération.

33Aujourd’hui la question qui se pose est quel sens donner à notre liberté, notamment notre liberté sexuelle ? C’est le rôle de l’éthique d’exhorter à donner sens à sa vie en engageant sa liberté pour construire quelque chose, et pour cela disposer des nécessaires qualités de caractère et d’intelligence. L’homme libre est celui qui peut se gouverner lui-même. Cela suppose qu’il n’est pas le jouet impuissant de ses pulsions, mais qu’il a acquis une suffisante maîtrise de soi pour s’engager et construire une relation. Être libre requiert une éducation à la liberté par l’affermissement de la personnalité.

34L’éthique intègre le fait que la personne est en partie le fruit de son histoire et qu’elle est prise dans les circonstances de la vie. Sa liberté est réelle, mais elle est aussi reliée, limitée et conditionnée. Le jugement moral tient compte de ces circonstances dont le poids peut se faire particulièrement sentir dans le domaine de la sexualité. Le moraliste sait que toute personne est imparfaite (il l’est lui-même !) : ce qui compte c’est d’être en chemin. Ni la personne qui se croit sans péché, ni celle qui est résignée ou désespérée de son péché, n’est dans la vérité évangélique, mais bien celle qui fait la vérité sur sa vie, s’ouvre à la miséricorde et s’efforce concrètement de s’affranchir d’un vice ou de progresser dans la pratique d’une vertu.

Une éthique de l’unification

35L’engagement libre de la personne dans une relation qui vise la communion concerne toutes les dimensions de son être : corps, affectivité, raison et volonté, ainsi que les dimensions sociale et temporelle de son existence. L’enjeu de l’éthique est l’intégration de la sexualité dans l’engagement qui donne sens à la vie. À rebours d’une sexualité vécue comme un élément discordant et perturbant dans une existence autrement bien maîtrisée et policée [17]. À rebours également d’une recherche de jouissance corporelle qui n’entraîne ni responsabilité, ni engagement.

36On distingue habituellement trois dimensions ou fonctions de la sexualité : recherche du plaisir, fécondité potentielle, expression de l’amour [18]. Alors que la tendance est aujourd’hui à les dissocier au nom de la liberté de choix individuel, l’Église catholique défend la valeur de leur lien. Une relation sexuelle volontairement privée de l’une de ses dimensions (ou significations) perd sa valeur morale [19]. On note cependant un glissement de Casti Connubii à Familiaris Consortio et Amoris laetitia : d’une intégration sous le primat de la fécondité potentielle on passe à une intégration sous le primat de l’amour (ou de l’union, ou du don mutuel) [20]. La valeur du plaisir est reconnue, à condition qu’il ne soit pas recherché pour lui-même. Le corps n’est pas un instrument au service de la satisfaction d’un désir de jouissance ou de la réalisation d’un projet parental. Il est partie prenante de la personne. Il ne se réduit pas à la biologie et à la physiologie. Il possède une objectivité et des significations qui doivent être reconnues. Il est sage de le respecter et d’accepter qu’il oppose des limites à notre volonté de puissance.

37La question se pose de savoir si l’obligation morale du lien entre sexualité, amour et procréation s’impose rigoureusement. Elle n’est pas totale puisqu’une régulation des naissances pour de justes motifs est reconnue comme légitime, à condition que le moyen employé ne porte pas atteinte aux processus corporels de la génération. Mais qu’en est-il de l’emploi d’un moyen contraceptif par des époux qui ont déjà eu plusieurs enfants, ou bien du recours aux techniques d’aide médicale à la procréation par des époux qui ne parviennent pas à avoir d’enfant, s’il n’y a ni donneur extérieur, ni embryons surnuméraires ?

38Une des tâches de la théologie morale est de bien articuler les trois « sources de la moralité », objet, intention et circonstances, alors que trop souvent l’un de ces facteurs est mis en avant au détriment des deux autres, au risque de verser soit dans le rigorisme légaliste, soit dans une morale de la bonne intention, soit dans le situationnisme. Dans une éthique des vertus, la loi occupe une place seconde. Ce qui est premier c’est l’action prudente. Le bien moral possède une objectivité, dont la loi est l’interprète, mais celle-ci ne se substitue pas à la décision prise en conscience.

Une éthique du respect

39La justice exige que l’on n’utilise jamais l’autre seulement comme un moyen, mais qu’on le considère toujours aussi comme une fin. Ce principe, formalisé par Emmanuel Kant, est souvent rappelé dans l’enseignement moral du Magistère, soit en morale sexuelle, soit en morale sociale. L’autre n’est pas un instrument que l’on utilise pour en tirer du plaisir ou pour avoir un enfant. Positivement, la justice demande que l’autre soit reconnu et respecté en tant que personne libre et d’égale dignité. L’amour va au-delà des exigences de la justice, mais il n’en dispense pas. Il les suppose et les intègre. Le respect dû à l’autre sexe s’apprend dès le plus jeune âge, dans le contexte familial. Une conduite sexuelle « vertueuse » exclut les rapports de domination ainsi que toute forme d’exploitation d’autrui.

Une éthique de la charité

40La doctrine morale catholique assume la visée d’une existence bonne, juste et altruiste – une existence qui a du sens. Mais la vie chrétienne ne peut pas être seulement un humanisme. La loi du Christ est celle de l’amour de Dieu et du prochain (amour agapê, amour de charité) (cf. Rm 13, 8-10). La morale chrétienne est une morale de la grâce. Celle-ci est l’amour de Dieu communiqué par l’Esprit Saint (cf. Rm 5, 5). Son fruit est une vertu accomplie, principe d’authentiques actes d’amour. C’est ainsi que le Christ, Amour de Dieu pour les hommes, est le modèle de toute vertu. Cet amour qui va jusqu’au bout du don de soi (cf. Jn 13, 1) apparaît une folie aux yeux de la sagesse du monde – la folie de la croix (cf. 1 Co 1, 17-25). C’est pourquoi il y a dans le christianisme un jusqu’au-boutisme de l’amour, du don de soi, de l’engagement, qui sera toujours jugé irrecevable par le monde. À l’inverse, un christianisme qui serait réduit à la mesure de l’homme, un christianisme « mondanisé », serait ce « sel ayant perdu sa saveur » qui « n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds », dont parle Jésus (Mt 4, 13). Ceci vaut pour la sexualité. La chasteté, au sens chrétien, n’est pas un idéal de maîtrise de soi, mais un chemin de don de soi, que ce soit dans le mariage ou dans le célibat.

Conclusion

41Le programme d’une éthique des vertus est de montrer positivement comment la sexualité, à l’origine un ensemble de pulsions anarchiques, peut s’intégrer dans la construction d’une vie belle et bonne, avec et pour autrui, dans le respect des exigences de la justice. Une telle éthique repose sur une certaine conception de l’homme. Les anthropologies sont aujourd’hui diverses. L’homme des anthropologies matérialistes, individualistes et libérales, n’est pas le même que celui de l’anthropologie chrétienne (elle-même diversifiée). Dans cet article, nous nous sommes fondé sur une anthropologie personnaliste pour formuler quelques axes d’une éthique qui vise l’intégration de la sexualité dans un engagement de vie, avec et pour autrui, donnant sens et forme à l’existence [21].

42Cependant, l’éthique n’est pas seulement affaire de réflexion théorique. Le bien moral ne s’écrit pas d’abord dans les livres mais dans des existences manifestement réussies, dont l’exemple est attirant.


Mots-clés éditeurs : sexualité, amour, éthique, justice, vertu

Date de mise en ligne : 11/03/2021

https://doi.org/10.3917/retm.312.0075

Notes

  • [1]
    « C’est donc par convention que je réserverai le terme d’éthique pour la visée d’une vie accomplie et celui de morale pour l’articulation de cette visée dans des normes caractérisées à la fois par la prétention à l’universalité et par un effet de contrainte » (Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, septième étude, « Le soi et la visée éthique », Éd. du Seuil, coll. « Points-Essais », 1990, p. 200) ; « Appelons “visée éthique” la visée de la “vie bonne” avec et pour autrui dans des institutions justes » (Ibid., p. 202).
  • [2]
    Voir Aristote, Éthique à Nicomaque, 1095 a 17-22.
  • [3]
    Voir ibid., livre II.
  • [4]
    Sur l’éthique des vertus, la pensée de saint Thomas et les réélaborations contemporaines : voir Alasdair MacIntyre, Après la vertu, traduit de l’anglais par L. Bury, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2006 (première édition anglaise 1981) ; Josef Pieper, Le quadrige. Prudence, justice, force, tempérance, traduit de l’allemand par J. Granier, Paris, Pierre Téqui, 2020 ; Laurent Sentis, De l’utilité des vertus. Éthique et alliance, Paris, Beauchesne, 2004 ; Alain Thomasset, Interpréter et agir. Jalons pour une éthique chrétienne, Paris, Éd. du Cerf, 2011, chapitre 8.
  • [5]
    Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIa-IIae Q. 143 rep.
  • [6]
    « Celui qui s’abstient de tout plaisir sans égard pour la droite raison, comme si le plaisir lui-même lui faisait horreur, est un insensible et un rustre » (IIa-IIae Q.152, a. 2, sol. 2) ; « l’abondance du plaisir que produit un acte sexuel conforme à l’ordre de la raison n’est pas contraire au milieu de la vertu » (Ibid., Q. 153, a. 2, sol. 2).
  • [7]
    Voir Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIa-IIae, Q. 81, a. 2.
  • [8]
    Voir Somme théologique, IIa-IIae, Q. 153, a. 2 ; Suppl. Q. 41, a. 4.
  • [9]
    Dans les textes récents du Magistère, c’est la structure métaphysique de la personne (sa dignité, son unité) qui est mise en avant.
  • [10]
    « Mais d’autres disent que la continence est ce qui permet à quelqu’un de résister aux convoitises mauvaises qui l’agitent violemment (…). En ce sens la continence a quelque chose de la vertu, en tant que la raison est affermie contre les passions, afin de ne pas être entraînée par elles ; cependant elle n’atteint pas à la perfection de la vertu, qui fait que même l’appétit sensible est soumis à la raison, si bien qu’il ne connaît plus l’insurrection de passions violentes contraires à la raison » (Somme théologique, IIa-IIae, Q. 155, a.1, rep.).
  • [11]
    Voir Somme théologique, II-II, Q. 151, a. 1, sol. 1.
  • [12]
    Voir Xavier Thévenot, Éthique pour un monde nouveau, préface de Ph. Bordeyne, Paris, Salvator, 2005, p. 62-74. Autre reprise de la notion de chasteté par Jean-Louis Bruguès, Dictionnaire de morale catholique, Chambray, éditions C.L.D., 1991, article « chasteté ».
  • [13]
    Cette notion de « modèle associatif » vient de Louis Roussel, La famille incertaine, Odile Jacob, coll. « Points », 1989, p. 171-175.
  • [14]
    Voir Xavier Thévenot, Éthique pour un monde nouveau, p. 65-69.
  • [15]
    Voir par exemple, à propos des crimes de pédophilie commis par des prêtres, Marie-Jo Thiel, L’Église catholique face aux abus sexuels sur mineurs, Montrouge, Bayard, 2019, p. 474-480 : « sexualité et pouvoir ». Voir également, ibid., « L’éthique sexuelle et familiale mise en cause », (I) RETM 304 (décembre 2019), p. 89-106 ; (II) RETM 305 (mars 2020), p. 89-104.
  • [16]
    Voir Xavier Lacroix, Le corps de chair. Les dimensions éthique, esthétique et spirituelle de l’amour, Paris, Éd. du Cerf, 1992, spécialement la quatrième partie : « le corps, lieu d’alliance ».
  • [17]
    Paul Ricœur nous a appris que l’unité d’une vie est une unité narrative. Le récit noue les choix et les événements d’une vie pour en faire un tout cohérent. La sexualité est ordinairement ce qui ne se raconte pas, surtout si elle représente la part obscure et discordante de l’existence.
  • [18]
    Xavier Thévenot parle des trois « fonctions de la sexualité » : « la fonction relationnelle » ; « la fonction plaisir », « la fonction fécondité », voir Éthique pour un monde nouveau, p. 37-39.
  • [19]
    En fait Paul VI dans Humanae Vitae ne mentionne que deux significations de l’acte conjugal, union et procréation. Au contraire, Jean-Paul II, puis François intègrent la dimension érotique de la sexualité (cf. Amoris laetitia 150-152 et les références, à cet endroit, aux catéchèses de Jean-Paul II). Du principe énoncé dans HV 12, il suit qu’un acte conjugal volontairement privé de sa signification unitive (imposé de force) est un désordre moral, tout autant qu’un acte conjugal privé de sa signification procréative.
  • [20]
    Comparer la première partie de Casti Connubii sur les biens du mariage et les chapitres 4 et 5 d’Amoris laetitia sur « l’amour dans le mariage » et « l’amour qui devient fécond ».
  • [21]
    Les personnages des romans de Michel Houellebecq sont un contre-modèle, poussé à l’extrême, de l’existence éthique que nous avons tenté de décrire. Voir par exemple le parcours de vie de Florent-Claude Labrouste dans Michel Houellebecq, Sérotonine, Flammarion, 2019.

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