Notes
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[1]
Ce fut d’abord le travail conséquent effectué par la commission parlementaire animée par le député Jean Léonetti en 2005. Cela aboutit au vote unanime par l’Assemblée nationale de la loi sur les droits des malades et la fin de vie, dénommée communément « loi Léonetti ». Puis, trois ans après, ce même député rédigea un volumineux document sur l’évaluation de l’application de cette loi. En 2009, ce fut le rapport de l’IGAS sur la mort à l’hôpital. En 2010, un groupe de travail émanant de la commission des affaires sociales du Sénat rédigea un document sur la fin de vie en France. En 2012, le professeur Régis Aubry fit le bilan du plan national de développement des soins palliatifs 2008-2012. Sans oublier les rapports annuels effectués par l’Observatoire national de la fin de vie en France et l’abondante production livresque sur cette thématique.
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[2]
La commission de réflexion sur la fin de vie est composée de huit personnes, médecins, soignants, psychologue, juriste, philosophe, ou issues de la société civile. Jean-Claude Ameisen, nommé président du Comité national consultatif d’éthique (CCNE) en octobre 2012, préféra s’abstenir en raison de demandes ultérieures qui pourraient être faites au CCNE.
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[3]
En effet, le professeur Sicard connaît particulièrement bien les questions relatives à la fin de vie puisqu’il présida pendant neuf ans le CCNE. C’est sous sa présidence que l’Avis n° 63 sur « fin de vie, arrêt de vie et euthanasie » fut promulgué en 2000. Cet Avis évoquait notamment la thématique controversée de « l’exception d’euthanasie ». Cet homme est aussi reconnu pour sa compétence en éthique et sa liberté de parole.
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[4]
Depuis son élection à la présidence de la République française, les propositions parlementaires se succèdent. Elles reprennent globalement le cadre légal belge ou hollandais de dépénalisation sous conditions de l’euthanasie, avec la création d’un droit de bénéficier d’une interruption de sa vie par l’intermédiaire d’un médecin.
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[5]
Ces progrès ont été possibles notamment grâce au soutien des responsables politiques de droite et de gauche.
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[6]
Il s’agit d’analyser les représentations du mourir, la perception des soins par le grand public, d’apprécier la connaissance des lois relatives à la fin de vie, de définir les situations que les Français jugent intolérables et de recueillir leurs demandes vis-à-vis de la médecine.
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[7]
Les nombreuses citations de citoyens qui ponctuent régulièrement le texte en témoignent.
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[8]
Ainsi, « un représentant d’une association de malades explique avoir organisé un débat sur la fin de vie dans un village de 4 000 habitants du Haut-Doubs : « 23 personnes se sont déplacées… Quelques jours plus tard, un salon du vin était organisé : il y a eu 2 300 participants. C’est dire si les questions de fin de vie intéressent » (Le Monde). À ce jour, nul ne semble avoir trouvé les moyens d’associer les Français à une réflexion sur le mourir, alors que cette thématique les concerne tous. L’enjeu est important car les questions sont complexes et les réductions faciles. L’utilisation de support vidéo, de chaînes de télévision parlementaires, d’Internet pourrait-elle être une alternative ?
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[9]
Sont épargnés les Français dont on ne conteste pas les remarques, les demandes ou les volontés, ainsi que les associations militant pour une dépénalisation de l’euthanasie qui sont très peu évoquées.
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[10]
La représentation commune des soins palliatifs est insatisfaisante. Ceux-ci sont assimilés à la phase terminale de la vie alors qu’ils requièrent une insertion dans la continuité du parcours du patient.
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[11]
Dans ces mêmes structures, on constate une « occupation indue » par absence d’organisation en aval ou en amont.
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[12]
Cette interruption des traitements peut se faire à la demande de la personne malade. Lorsque celle-ci ne peut plus signifier sa volonté, la responsabilité est médicale. Le médecin doit recueillir d’éventuelles directives anticipées, consulter la personne de confiance désignée par la personne malade et censée la représenter, organiser une procédure collégiale et argumenter sa décision dans le dossier.
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[13]
En 2008, seuls trois cancérologues en Île-de-France sur cent cinquante étaient formés aux soins palliatifs.
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[14]
Vu l’ampleur du sujet, nous ne présenterons pas l’ensemble des propositions. Notons cependant, en ce qui concerne la néonatologie, que la Commission Sicard prend acte de tous les progrès faits en trois décennies concernant les situations de nouveau-né atteint de maladie grave ou d’handicap létal. Les questions sont d’autant plus complexes lorsque l’enfant n’est plus dépendant de techniques de réanimation mais qu’il parvient à téter. Dans ce contexte, un des enjeux des équipes est de « protéger à tout prix la famille d’un deuil à venir d’autant plus difficile qu’il serait lié à la complicité objective d’avoir demandé la mort de l’enfant ». Le renforcement des programmes de formation et la mise en œuvre de réflexions collectives sur l’obstination déraisonnable sont préconisés. Face à cette charge émotionnelle et cette complexité éthique, « le travail en équipe est toujours protecteur pour l’enfant, sa famille et le personnel soignant ».
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[15]
Cette instance a pour mission d’accroître « la qualité en santé, afin d’assurer à tous les patients et usagers un accès pérenne et équitable à des soins aussi efficaces, sûrs et efficients que possible ». Dans cette optique, elle émet des recommandations nationales qui sont des repères de « bonnes pratiques ».
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[16]
Cela nécessite que chaque établissement fasse un rapport annuel et que ces données soient analysées par l’INSERM et l’ONFV.
-
[17]
Le médecin a l’obligation de les consulter, mais pas de les respecter.
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[18]
V. Danel-Brunaud, L. Laurier, K. Parent et alii, « Les enjeux de la loi Léonetti : participation des patients atteints de SLA à une discussion anticipée sur la réanimation respiratoire et les soins de fin de vie », Revue neurologique 165, 2009, p. 170-177.
-
[19]
Si le patient ne rédige pas de directives, le médecin n’a pas à se dédouaner de sa propre responsabilité. Il devra prendre ses décisions en tenant compte de critères cliniques et de ce qu’indiquent les repères d’existence de la personne malade.
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[20]
Rapport Sicard.
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[21]
Des propositions sont aussi faites sur un axe d’accompagnement. Elles impliquent des choix financiers. Elles concernent le renforcement du congé de solidarité familiale, le soutien des associations par des exonérations fiscales ou le service civique.
-
[22]
« La distinction curatif-palliatif n’a aucun sens car la visée du soin évolue avec l’avancée de la maladie. »
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[23]
Réunion de concertation pluridisciplinaire, réunion d’équipe, staff maladies chroniques, staff soins palliatifs…
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[24]
Il pourrait être assisté par un professionnel formé à cette fonction de coordination.
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[25]
L’évaluation médico-économique des soins devra être revue. La T2a apparaît comme « un principe inadapté […] dont les conséquences sont en particulier désastreuses pour la culture palliative ».
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[26]
Elles contrebalancent une focalisation médiatique sur la thématique, quantitativement faible, de la demande d’euthanasie.
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[27]
Mais s’il est unique, il se décline dans des orientations pas toujours compatibles. Des choix sont nécessaires.
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[28]
Développement professionnel continu.
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[29]
Pourtant, la grande majorité des professeurs de médecine ne récusent pas la nécessité d’un développement de la formation en soins palliatifs. Mais cela ne doit pas empiéter sur leur territoire. Ainsi, dans le cadre de la réforme actuelle des études médicales, les items relatifs aux soins palliatifs demeurent très limités. Malgré les propositions répétées émanant du Collège national des enseignants en soins palliatifs (CNEFUSP), il n’existe pas de visibilité des soins palliatifs. Leur enseignement s’inscrit peu dans une continuité et leur insertion ne se fait pas de manière transversale dans les disciplines concernées.
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[30]
Il existe, en France, quarante-sept facultés de médecine.
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[31]
Une commission mixte, comprenant des représentants de la conférence des Doyens, des acteurs de soins palliatifs, des responsables politiques, mais aussi des représentants de la société civile, pourrait faire des propositions réalistes afin de renforcer la formation aux soins palliatifs dans les facultés de médecine.
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[32]
Professeur Montero, de Namur.
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[33]
C’est le titre du rapport.
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[34]
Les pratiques de sédation sont encadrées par des recommandations HAS. De nombreuses sociétés savantes ont édifié des repères pratiques et éthiques relatifs aux limitations et arrêts de traitement. La loi Léonetti, le code de déontologie ont confirmé ces catégories.
-
[35]
Donatien Mallet, Nolwenn Begat, François Chaumier, Valérie Duchêne, Godeffroy Hisrch, Sophie Olivereau, Pratiques soignantes et dépénalisation de l’euthanasie, Paris, L’Harmattan, 2012.
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[36]
Le premier temps est marqué par l’écoute de la personne dans sa demande et sa souffrance. Dans un second temps, il s’agit d’analyser les raisons de sa demande tout en construisant une rencontre respectueuse des identités, fonctions, responsabilités de chacun. Enfin, l’enjeu est de délibérer, individuellement et collectivement, afin de mettre en œuvre des soins et un accompagnement adaptés au patient et à son entourage.
-
[37]
Dans ses fondements, le compromis n’est pas la négation des repères des acteurs. Soignants et soigné gardent leurs référentiels distincts, mais chacun renonce à une prétention hégémonique. Le compromis atteste que la « valeur » de la rencontre dépasse les repères personnels de chaque acteur. Il entraîne un pacte qui est une modalité de lutter contre l’isolement ou une forme extrême de violence.
-
[38]
Ils pourraient être des conditions nécessaires – et non pas suffisantes – avant d’envisager une éventuelle transgression. D. Mallet, N. Begat, Fr. Chaumier, V. Duchêne, G. Hisrch, S. Olivereau, Pratiques soignantes et dépénalisation de l’euthanasie.
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[39]
« Les juges, obligés de statuer, prononcent des peines, mais leur volonté de clémence apparaît nettement :
- Ils qualifient de délits des faits qui devraient en réalité s’inscrire dans la catégorie des crimes (affaire Humbert)
- Ils prononcent quasi systématiquement une peine de sursis pour les condamnations qui, au regard des textes, peuvent atteindre trente ans de réclusion criminelle (affaire Jensen, affaire Trémois).
- Ils leur arrivent de recourir aux circonstances atténuantes, comme la contrainte telle qu’elle est entendue par le droit pénal (affaire Humbert). » Cependant, le recours à cette appréciation judicaire n’est pas sans conséquence pour le médecin. Les délais entre la mise en examen et la décision définitive sont longs « avec ce que cela comporte de mise à l’écart. Pour des faits quasiment similaires, la qualification juridique peut différer d’une juridiction à l’autre. »
-
[40]
Il existe peu d’études sur le vécu des familles. Certains travaux semblent indiquer 20 à 30 % de deuils compliqués pour les proches présents lors d’un suicide assisté.
-
[41]
« Le fait de provoquer au suicide d’autrui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d’une tentative de suicide. »
-
[42]
« La proposition de loi qui devait devenir la loi du 31 décembre 1987 n’entend pas en l’espèce réprimer le suicide, qui est une affaire d’ordre personnel, mais souhaite seulement sanctionner le fait d’un tiers qui affecterait l’autonomie de la personne visée en transformant par son action, ses pressions, son influence, une personne libre en victime » (professeur Beigner).
-
[43]
Le rôle du médecin est normalement assez limité. Il vérifie la volonté de la personne et rédige la prescription. Quant aux institutions, elles ont l’obligation d’accueillir les personnes qui souhaitent recourir à ce mode de fin de vie. Mais les équipes soignantes peuvent se retirer le jour du suicide.
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[44]
« Un ou deux cas de figure de ce type ont été répertoriés en quatorze années. » « Dans un cas, la mort est survenue au bout de trois jours et demi, et dans un autre, le malade s’est réveillé au bout de quelques heures et est mort quatorze jours après, des seules conséquences de sa maladie. »
-
[45]
« Alors que c’était le cas pour 12,6 % des demandes entre 1998 et 2006. »
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[46]
« Cette présence n’aura été observée que deux fois sur la soixantaine de décès qui seront probablement enregistrés en 2012. » Il semble que beaucoup de médecins soient réticents à ces pratiques. Quant aux institutions de soins, elles sont peu concernées. Certaines interdisent à leurs médecins de prescrire le produit létal à la condition d’orienter la personne demandeuse vers un confrère réputé accepter.
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[47]
Center for Ethics in Health Care – Oregon Health and Science University.
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[48]
Le pharmacien bénéficierait aussi de la possibilité d’objection de conscience.
-
[49]
Leurs souffrances sont intenses, d’autant plus qu’elles se déploient dans une chronicité sans perspective réelle d’amélioration.
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[50]
En 2010, 10 400 personnes sont décédées suite à un suicide. La France a un taux standardisé global de 14,7 suicides pour 100 000 décès, alors que la moyenne de l’Union européenne est de 10,2 (chiffres INSEE).
-
[51]
Famille des barbituriques.
-
[52]
Par exemple, le pentobarbital est exceptionnellement prescrit pour des insomnies à la dose de 100 mg. Dans le cadre du suicide assisté, il est prescrit à la dose de 10 g.
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[53]
Dans l’État d’Oregon, le décès survient le plus souvent au domicile du patient, mais un rapatriement dans une structure de soins est possible si l’agonie se prolonge. Dans le canton de Vaux, en Suisse, les établissements de santé ou médico-sociaux ont l’obligation d’accueillir les personnes qui souhaitent recourir à cette forme de fin de vie.
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[54]
Comme le signalait Ivan Illich, toute souffrance n’est pas « le résultat d’une technologie fautive, d’une législation injuste, ou d’un manque de médecine antalgique ».
1Encore un rapport sur la fin de vie en France ! En huit ans, de nombreux travaux d’envergure nationale se sont succédé afin d’analyser les conditions du mourir en France et de proposer des axes d’amélioration [1]. Tous ces rapports faisaient le constat d’un certain déni de la mort en France. Ils attestaient d’une piètre qualité du mourir, y compris dans des structures de soins. Ils soulignaient une méconnaissance et un manque d’application de la loi Léonetti, une insuffisance de développement des soins palliatifs et une carence de formation des soignants.
2Et pourtant, malgré ce foisonnement de textes et de recommandations, de nombreuses personnes attendaient le rapport de la Commission de réflexion sur la fin de vie en France [2], remis par le professeur Didier Sicard au président de la République en décembre 2012.
3Cet intérêt était dû à la compétence du rédacteur [3] ainsi qu’au contexte social et politique. En effet, des sondages semblent attester que les Français sont ouverts à des pratiques médicales d’euthanasie. Même si ce terme est utilisé de manière imprécise – recouvrant indistinctement des décisions de sédation, d’arrêt de traitement ou d’injection létale –, ces recueils d’opinion traduisent la demande sociale d’améliorer les conditions du mourir par tous les moyens possibles, y compris légaux. Percevant cette insatisfaction, le candidat François Hollande proposa dans ses « Soixante engagements pour la France » l’ouverture d’une « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité […] dans des conditions strictes et précises [4] ».
4Dans le cadre de cet article, nous allons, dans un premier temps, présenter une synthèse de l’analyse faite par le professeur Sicard sur les conditions du mourir en France. Puis nous analyserons ses propositions sous un angle pragmatique.
5Certaines sollicitent le pouvoir politique dans sa capacité à contribuer à l’amélioration des pratiques de soins. Cela passe par des recommandations de bonnes pratiques, des procédures de certification, des recherches épidémiologiques.
6D’autres nécessitent une volonté et un engagement du pouvoir politique dans une optique réformiste. Cela implique une mutation des pratiques médicales et des organisations collectives, ainsi qu’une adaptation de la formation médicale.
7Le troisième groupe de propositions n’est pas encore précisément défini. Elles concernent l’euthanasie, la possibilité de sédation profonde avec geste létal, le suicide assisté. Ces propositions relèvent d’un débat public, du Comité national consultatif d’éthique (CCNE) et de choix politiques.
8D’emblée, un premier risque apparaît. La focalisation sur l’euthanasie ou le suicide assisté pourrait faire occulter les autres recommandations. Or, le rapport insiste à maintes reprises sur l’importance d’une modification du système de santé et des axes de la formation médicale, afin qu’ils soient plus adaptés aux personnes atteintes de maladies graves, chroniques, dépendantes ou en fin de vie. Une politique minimale ou focalisée sur la création de nouveaux droits ne modifiera pas significativement les conditions du vivre et du mourir quand on est atteint d’une maladie grave.
9Compte tenu de l’incertitude sur l’application réelle des recommandations, le rapport Sicard apparaît comme une étape au milieu du gué. Alors que des progrès significatifs ont été faits depuis trois décennies [5], quelles futures orientations pourraient être prises ?
Aspects méthodologiques
La volonté d’un débat citoyen, mais un public sélectif
10D’emblée, le choix est fait de solliciter les citoyens à travers des débats publics. La forme est originale puisque les participants travaillent en commissions sur des situations cliniques et émettent des propositions. Trois mille personnes participèrent directement à ces ateliers. Cette approche fut complétée par des sondages, ainsi qu’une étude qualitative auprès de personnes atteintes de maladies graves [6].
11Cet axe méthodologique prêtant attention aux paroles, aux vécus, aux représentations des Français, est le prisme prioritaire pour rendre compte de la situation [7].
12Cependant, malgré cette volonté d’associer la population à la réflexion, la participation aux débats reste sélective, avec un public composé essentiellement de personnes issues du milieu sanitaire ou médico-social, d’accompagnants bénévoles ou de militants d’association. Cette représentativité imparfaite n’est pas imputable aux organisateurs, mais plutôt à l’ambiguïté des citoyens. D’un côté, les Français sont préoccupés par les conditions de leur fin de vie et choqués lorsque des histoires tragiques sont médiatisées. De l’autre, ils se mobilisent peu lorsqu’on les sollicite pour élaborer avec eux ces questions [8].
L’analyse des cadres législatifs d’autres pays
13Parallèlement à cet axe d’attention aux vœux de la population, les membres de la Commission se sont intéressés aux autres cadres légaux qui régissent la fin de vie. Ils se sont déplacés dans des États ayant adopté une juridiction dépénalisant sous conditions l’euthanasie (Belgique, Hollande) ou autorisant le suicide assisté (Suisse, État d’Oregon).
Le mourir en France
14L’analyse de « la mort en France » est sans concession. Le style est vif, avec des phrases chocs, parfois lapidaires. La volonté est claire. Il s’agit d’avancer lucidement, rationnellement et sans complaisance. Tout le monde en prend un peu pour son grade : les médecins qui n’abordent pas les questions de fin de vie, les hôpitaux structurés sur le technique et le curatif, le cloisonnement des systèmes de santé et du médico-social, la loi Léonetti qui n’offre pas de réponse à l’ensemble des problèmes, le financement de la médecine hospitalière qui favorise une gabegie d’actes à visée curative, les acteurs de soins palliatifs qui n’écoutent pas les demandes d’euthanasie, le caractère péremptoire des déclarations des responsables politiques [9]…
« L’esquive de la mort » et « la mort sociale »
15Sur le plan sociétal, le rapport Sicard souligne « l’esquive de la mort ». « On a cru au pouvoir de la médecine comme on a cru en Dieu. On a oublié de penser sa propre finitude, au sens de la condition humaine : naître et mourir. » Dans ce contexte, la mort est occultée, puis masquée derrière l’artifice biomédical. Elle revient en boomerang, laissant la personne malade démunie, désemparée, sans repères, solidarités ni rites collectifs.
16Cette occultation de sa mortalité s’associe à « une mort sociale ». La vie semble « valable lorsqu’elle est utile, quand la personne fait, agit, produit, voire est rentable ». Dans cette conception, l’agonie apparaît inutile, angoissante, consommatrice de temps, dénuée de sens. Par extension, cette qualification de la vie par son utilité conduit à stigmatiser le grand âge. Les établissements hospitaliers pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD) sont vécus comme des « néo-mouroirs qui renforcent l’angoisse naturelle de la mort ». Dans sa réflexion sur l’euthanasie, la commission souligne, à maintes reprises, le risque de renforcement de cette mort sociale avec l’« intériorisation de représentations sociales négatives » de la vieillesse, de la maladie, du handicap.
Une perte de confiance des citoyens envers les médecins
17Les citoyens ont bien intégré les possibilités médicales de prolongation artificielle de l’existence. Mais ils sont inquiets et incertains sur « la qualité et le sens de ce temps vécu ». Ils font le constat que « le corps médical a beaucoup de mal à aborder concrètement les questions de fin de vie ». « L’aide médicale proposée n’est pas le plus souvent celle qui est attendue. » Dans ce contexte, certaines personnes développent une suspicion, un sentiment « médecinophobe ». Ils perçoivent « une médecine sans âme », enserrée dans des hôpitaux conçus comme « une entreprise de soins ». Dans ce climat de « malaise, de peur et de colère des citoyens », les Français demandent « d’être reconnus, en tant que personnes malades, comme sujets de droits à part entière ».
Une diffusion insuffisante, trop tardive et inégale des soins palliatifs
18La diffusion des pratiques de soins palliatifs est insuffisante. Ainsi en est-il, par exemple, des services d’urgence où surviennent 8 000 décès rapides de personnes âgées venant des EHPAD.
19De manière générale, la réflexion éthique sur la pertinence d’utiliser ou non certains traitements prolongeant l’existence est limitée. Les médecins ont une réticence de fond à s’engager dans le palliatif [10]. Leur formation ne les aide pas et la prédominance d’une « culture activiste encouragée par la prime à la seule évaluation quantitative et technique » renforce la difficulté à passer d’une « médecine curative » à une « médecine palliative ».
20Les acteurs de soins palliatifs ne sont pas épargnés. Dans certaines structures, il existe un risque de ghetto normatif avec la valorisation d’« une mort bonne parce que lente ». La prédominance de repères collectifs conduirait à minimiser les demandes d’euthanasie.
21Le fonctionnement des équipes référentes en soins palliatifs est jugé imparfait. Les critères financiers peuvent influer sur la sélection des patients admis dans les Unités de soins palliatifs (USP), avec le rejet des personnes âgées pourvoyeuses de plus longues hospitalisations [11].
22En ce qui concerne les patients maintenus à domicile, il n’existe pas de permanence vingt-quatre heures sur vingt-quatre. De plus, des tensions sont constatées entre les hospitalisations à domicile (HAD), les services de soins (SIAD), les EHPAD.
23En termes de santé publique, les besoins sont majeurs. L’Observatoire national de la fin de vie (ONFV) estime que 322 000 personnes chaque année relèvent de soins palliatifs. Mais une « inégalité et une insuffisance d’accès aux soins palliatifs » sont constatées. Il existe un discours incantatoire des tutelles et politiques, notamment sur une insuffisance de financement des équipes mobiles de soins palliatifs et une fluctuation des ressources des réseaux de santé.
Une loi Léonetti « méconnue, sans visibilité, mal ou non appliquée »
24La méconnaissance et l’insuffisance d’application de la loi Léonetti sont soulignées sur l’ensemble de ces axes.
25La loi Léonetti condamne l’obstination déraisonnable (acharnement thérapeutique). Mais seuls 47 % des Français connaissent cette interdiction légale.
26Un Français sur deux ignore la possibilité qu’il a de demander un arrêt de traitement. Seulement 2,5 % des personnes malades ont rédigé des directives anticipées, mentionnant l’orientation des traitements qu’elles souhaitent recevoir en cas d’évolution défavorable. Ainsi, malgré les possibilités ouvertes par le législateur, il existe une « quasi-absence d’expression de la volonté de la personne à propos des choix qui la concernent ».
27En ce qui a trait aux décisions de limitation et d’arrêt des traitements lorsque la personne malade ne peut s’exprimer, la loi impose au médecin une délibération sous forme de consultation des soignants et d’un autre médecin. Cette « procédure collégiale » ne semble pas entrée dans les mœurs puisque l’équipe soignante n’est consultée que dans 26 % des cas pour une limitation de traitement (37 % pour un arrêt) et qu’un avis d’un autre médecin est sollicité dans 38 % des cas s’il y a limitation (55 % si arrêt) de traitement. La discussion avec l’entourage se fait dans 48 % des cas s’il y a limitation de traitement (57 % si arrêt).
28Les discussions parlementaires qui s’associaient à la loi Léonetti ont introduit la possibilité légale d’arrêt de nutrition ou d’hydratation qui visait à prolonger l’existence [12]. Mais, selon le rapport, cette pratique serait difficile car l’évocation de l’arrêt de la nutrition renvoie à un « imaginaire d’effroi en raison de la forte symbolique qui y est rattachée ».
29La loi Léonetti clarifie aussi le rapport légal aux pratiques de sédation, c’est-à-dire l’endormissement artificiel d’un patient en raison d’une souffrance intolérable, au risque de précipiter le décès. Mais la commission souligne que cette pratique soignante ne permet pas de résoudre l’ensemble des problèmes. Elle est parfois vécue comme « insupportable par ceux qui souffrent ». Elle se fait « sans délibération collégiale ». Elle n’est pas adaptée au domicile et aux EHPAD. De manière conceptuelle, elle se voudrait « une façon de maîtriser l’agonie, mais elle ne s’en donne pas les moyens réels ».
30La loi Léonetti se révèle donc insuffisamment appliquée. Mais la loi souffre en elle-même d’une mauvaise perception par les citoyens. La proposition de non-initiation, de limitation ou d’arrêt de traitement « peut apparaître comme un abandon, un laisser mourir, donc comme une violence ». De plus, la focalisation sur la loi et sur la nécessité de son application ne répond pas au vécu de la personne malade face à la mort ou au vécu des Français. « La mort reste un fait culturel alors que la loi, par construction, l’enferme dans un fait médical en ne traitant que l’aspect médical de la mort, comme si une loi pouvait enfermer le mourir. »
31Enfin, la loi Léonetti « ne répond pas au malade qui souhaite rester maître de son destin ». Si elle ouvre au refus de traitement, elle n’introduit pas l’acte d’interruption de la vie à la demande du patient.
Un système de santé inadapté, orienté vers le « tout curatif »
32Le système de santé n’échappe pas à la critique. Il « n’a pas évolué ». « Il reste scindé, quasi clivé, entre les champs sanitaires et sociaux, entre le secteur de l’hôpital et celui de la ville, entre les institutions et le domicile. »
33Les modalités d’évaluation économique des soins influent sur les pratiques médicales. La quantification de « l’action, la technique, le toujours plus » favorise le « tout curatif ». Le refuge dans « l’aisément quantifiable » ne valorise pas la qualité des pratiques médicales et soignantes alors qu’elles pourraient être évaluées à travers la « réflexion partagée en équipe, l’anticipation des complications, la coordination du parcours de soin ».
34Sur le plan financier, la répartition entre les budgets alloués à la « médecine curative » et à la « médecine palliative » est « discutable ». Elle n’est plus adaptée aux besoins et à la demande de la population.
L’insuffisance de la formation en soins palliatifs
35« Malgré les recommandations renouvelées des différents rapports, malgré les revendications constantes du Collège national des enseignants pour la formation universitaire en soins palliatifs (CNEFUSP), le développement de cette formation reste bien modeste. » La formation médicale apparaît particulièrement déficitaire. Au cours du deuxième cycle des études médicales, le nombre d’heures consacrées aux soins palliatifs peut varier de deux à vingt-cinq heures. Ultérieurement, il n’y a plus aucune formation en dehors des diplômes d’études spécialisés complémentaires. 80 % des médecins n’ont reçu aucune formation à la prise en charge de la douleur. 63 % des médecins déclarent n’avoir jamais reçu de formation sur les limitations de traitement [13].
36Les enjeux cliniques et sociétaux ne semblent pas perçus à leur juste mesure par les responsables universitaires. « Si un nouveau regard, heurtant les conformismes et les traditions, n’est pas porté par les pouvoirs publics, il n’y a aucune possibilité que les institutions médicales elles-mêmes proposent de leur propre chef des changements dont elles ne mesurent pas l’importance sociale pour les citoyens. »
« La bonne mort comme un droit à conquérir »
37Dans ce contexte de piètre qualité du mourir et de perte de confiance entre les Français et leurs médecins, la possibilité d’être euthanasié et/ou de se suicider est perçue comme une alternative nécessaire.
3858 % des personnes envisagent de demander à leur médecin qu’il leur donne un produit leur permettant de mettre fin eux-mêmes à leur vie (suicide assisté). 67 % des personnes souhaitent pouvoir bénéficier d’une euthanasie s’ils en font la demande. Ce souhait s’applique même à leur proche puisque 30 % des Français souhaiteraient que l’on accélère ou que l’on facilite la mort d’un proche, que celui-ci le demande ou non.
39Ce souhait d’un mourir maîtrisé trouve son origine dans la volonté de « s’opposer à ce que la médecine décide à la place du malade », de « revendiquer une dernière liberté pour ne pas être confronté à une mort sociale » et de « supprimer l’agonie et le temps de la séparation ».
40En écho à ce bilan très critique sur les conditions du mourir en France, quelles sont les propositions faites par la commission Sicard ? Dans un premier temps, nous analyserons des propositions qui semblent relativement consensuelles. Elles sollicitent le pouvoir politique dans sa capacité à contribuer à l’organisation des soins, mais elles ne lui imposent pas de faire des choix significatifs [14].
Propositions relativement consensuelles contribuant à l’amélioration des pratiques de soins et d’accompagnement
Propositions normatives et organisationnelles afin d’accroître la qualité des soins
Présentation
41La commission Sicard sollicite la Haute Autorité de santé [15] (HAS) afin qu’elle fasse des « recommandations de bonnes pratiques en soins de support et en soins palliatifs avec la même exigence qu’en soins curatifs ». Elle recommande aussi des « recommandations sur les pratiques de réanimation aux urgences ».
42Les Agences régionales de santé (ARS) sont sollicitées afin de créer « un site coordonné avec listing des structures et compétences en soins palliatifs ». La coordination entre les HAD, SIAD et les équipes de soins palliatifs doit être renforcée.
43Au niveau national, l’accès en ville aux médicaments sédatifs doit être facilité. Les procédures de certification des structures de soins ou des EHPAD doivent prendre en compte la qualité des soins auprès des patients en fin de vie.
44Enfin, la recherche doit être soutenue avec le développement de l’épidémiologie [16].
Discussion
45Sur le papier, ces mesures sont faciles à décliner. En pratique, elles semblent relativement réalisables bien qu’elles nécessitent un travail conséquent.
46Cependant, leur répercussion sur le quotidien des patients demeure incertaine. Il existe toujours un écart, voire un abîme, entre l’édiction de normes de soins, plus ou moins contraignantes, et la réalité des pratiques. En effet, les soignants sont soumis de manière répétitive à des recommandations ou des normes organisationnelles, juridiques, financières, censées encadrer leurs pratiques. Cet excès d’injonctions engendre une certaine lassitude, une résistance passive, voire une démotivation. Si une certaine cohérence institutionnelle n’est pas posée, cela risque de renforcer l’écart entre l’exercice au chevet du patient et les normes de soins.
47Cependant, ces axes normatifs ne sont pas à dénigrer car ils contribuent à la reconnaissance de pratiques de soins et visent à accroître leurs qualités, pour autant que les moyens financiers soient alloués de manière concomitante.
Propositions relatives à une meilleure diffusion et application des directives anticipées
Présentation
48La commission Sicard cherche à renforcer l’attractivité des directives anticipées afin qu’elles s’inscrivent « dans l’univers du soin comme une donnée aussi élémentaire que la possession de sa carte Vitale ».
49Le rapport propose l’organisation de campagnes régulières d’information à destination du grand public et des soignants. Le médecin généraliste jouerait un rôle important. Un premier document pourrait être proposé à tout adulte quel que soit son état de santé. Si la personne le souhaite, elle mentionnerait des choix d’orientations thérapeutiques en fonction de diverses complications envisagées. Un des enjeux serait de trouver un langage adapté mais, si possible, précis, en s’appuyant sur un formulaire préétabli.
50Pour les personnes résidant dans des EHPAD, des thématiques spécifiques seraient à discuter, comme le souhait du résident d’être ou non transféré aux Urgences si une complication survenait. En cas de difficulté pour rédiger ces directives ou de désaccord du médecin ou de l’institution, une démarche serait entreprise, mobilisant le résident, « ses proches, les soignants, l’administration de l’EHPAD et une équipe mobile de soins palliatifs de manière à trouver un modus operandi respectueux des volontés de la personne ».
51La commission s’est interrogée sur l’éventuelle modification du cadre légal actuel afin de donner plus de poids aux directives anticipées. En effet, ces dernières n’ont actuellement qu’une valeur consultative [17].
52Pour le professeur Sicard, il apparaît « tout à fait choquant de ne pas tenir compte des directives anticipées ». Si le médecin décide de ne pas les respecter, il devrait « en référer sous peine d’illégalité, voire de pénalisation, à une collégialité » et argumenter sa décision dans le dossier du patient.
53Pour autant, est-il pertinent de leur donner une valeur contraignante ? La réponse est plutôt négative car « les personnes en fin de vie ont souvent des fluctuations de la volonté, entre abattement et réflexe de survie ».
54L’élaboration des directives anticipées n’omettrait pas les demandes d’euthanasie. Si une personne évoque ce souhait, cela pourrait avoir « une force contraignante pour, au minimum conduire à une discussion collégiale concernant l’arrêt éventuel ou la non-mise en œuvre de traitements susceptibles de prolonger la vie ». En l’absence de dépénalisation de l’euthanasie, cela pourrait « contraindre à poser la question de la sédation pour souffrance supposée de la personne ».
55Pour renforcer la participation du citoyen aux décisions médicales, la commission propose la création d’un second document. Il serait élaboré uniquement lorsque la personne est malade. Il concernerait spécifiquement les traitements possibles en fin de vie. Sa rédaction nécessiterait un dialogue entre le patient, le médecin généraliste et les médecins hospitaliers. Ce document serait signé par la personne malade et le médecin concerné. Cette signature, « sans en faire un caractère contraignant, en fait un caractère très engageant ».
56Afin que ces deux documents soient opérationnels, ils seraient clairement identifiés et insérés dans le dossier médical. Un fichier national informatisé pourrait être en permanence utilisé, même en cas d’urgence.
Discussion
57En écho à ces propositions, il nous semble qu’« un consensus dans ce domaine semble possible ». C’est d’ailleurs vers cet axe que semblent s’orienter les responsables politiques puisque le président François Hollande a saisi le CCNE sur les pistes d’évolution de la loi concernant le recueil et l’application des directives anticipées.
58Cette valorisation des directives anticipées permet de soutenir la capacité d’autodétermination des personnes qui le souhaitent. Leur évocation conduit à introduire de manière anticipée la mort et la confrontation aux diverses limites, notamment corporelles, thérapeutiques et psychiques. La diffusion de supports préformatés, la création d’un second document et l’inscription dans une politique d’établissement contribueront probablement à une meilleure information sur la loi Léonetti et à une modification des habitudes.
59Cependant, des points de vigilance s’imposent. Beaucoup de personnes malades ne parviennent pas à se prononcer par anticipation sur les orientations de traitement. Ainsi, dans le cas d’une maladie comme la sclérose latérale amyotrophique, seuls 20 % des patients rédigent des directives anticipées alors que leurs médecins valorisent ce type de démarche [18].
60Le risque d’une trop grande valorisation institutionnelle des directives anticipées serait de construire un parcours qui convoquerait le patient à exprimer des choix, pour lui, impossibles. Cela le serait d’autant plus si le recueil des directives anticipées était pris comme critère de certification.
61La loi est à comprendre dans ses visées et non comme une procédure à appliquer avec un objectif opérationnel. L’enjeu éthique n’est pas la rédaction de directives anticipées. C’est plutôt la possibilité, à travers cette proposition, de dialoguer avec le patient sur son devenir et ce qui semble faire sens ou non pour lui. C’est une parole partagée [19].
62De plus, la valorisation nécessaire des directives anticipées ne doit pas conduire à une normalisation. Ce n’est pas parce que l’homme moderne est démuni face à la mort que l’idéal du mourir doit être celui d’un patient se déterminant lucidement sur ce qu’il souhaite recevoir, adoubé par des équipes médicales ou des institutions qui confirmeraient cette pratique comme critère du « bon soin ». Comme le souligne Olivier Abel,
La condition anthropologique du mourir a été brouillée avec les progrès thérapeutiques en ajournant la mort. Ce qui est vécu comme un élargissement des libertés et des pouvoirs humains est vécu comme l’obligation de choisir. La mort n’est plus ce qui arrive, mais elle est ce qu’on choisit d’ajourner et d’abréger et nous sommes mal préparés à cela [20].
Propositions nécessitant un engagement des responsables politiques dans une optique réformiste
64Un deuxième groupe de propositions est relatif aux référentiels des hôpitaux, aux fonctionnements du système de soin et à la formation médicale [21]. Pour que ces projets puissent aboutir, il faut une mobilisation continue des pouvoirs publics impliquant des choix assumés.
Une adaptation des filières de soins aux patients atteints de maladies graves
Présentation
65En ce qui concerne les structures hospitalières, l’enjeu est « le développement absolument nécessaire d’une culture palliative et l’abolition de la frontière entre soin curatif et soin palliatif [22] ».
66Pour mettre en œuvre cette mutation dans les hôpitaux, la commission plaide pour un développement en amont des soins palliatifs. Cela passe par l’insertion d’acteurs de soins palliatifs dans les consultations de suivi, les hôpitaux de jour, les commissions interdisciplinaires de cancérologie [23].
67Le système de soins devrait être réformé, avec la nécessité de « passer de logiques structurelles à des logiques fonctionnelles ». L’important est de construire « une médecine de parcours ». Pour cela, l’HAS élaborerait, « pour les maladies chroniques les plus graves, des recommandations de parcours de soins et de santé prenant en compte les souhaits des personnes malades y compris en fin de vie ». L’important serait d’articuler les différentes compétences sanitaires, médico-sociales et sociales coordonnées par le médecin généraliste [24]. Les formules de séjour ou d’hospitalisation de répit seraient développées afin de faciliter le maintien à domicile de manière durable. Chaque établissement de santé ou institution médico-sociale pourrait bénéficier d’une équipe mobile de soins palliatifs.
68En ce qui concerne le financement de ces réformes, la commission Sicard plaide pour un « transfert d’une part du coût de la médecine curative, génératrice de consommation de ressources inutiles, vers la médecine palliative ». Il s’agit de redéployer les « ressources d’un mode curatif disproportionné par ses excès et trop peu interrogé [25] ».
Discussion
69Ces propositions nous semblent fondamentales dans une optique de santé publique [26]. Elles concernent la majeure partie des personnes atteintes de maladie grave. Plus encore, elles bénéficieraient à l’ensemble des personnes vieillissantes, atteintes d’une ou plusieurs maladies chroniques, dépendantes ou handicapées.
70En effet, les difficultés rencontrées mettent en lumière une certaine inadaptation du système de santé qui dépasse le champ du mourir. Par exemple, les hôpitaux sont essentiellement structurés par des logiques scientifiques, curatives et financières, qui conduisent à la production d’actes médico-économiques. Or, les nouveaux défis médicaux ne se réduisent pas au développement de nouvelles techniques prolongeant l’existence. Il s’agit aussi de délibérer sur la pertinence d’utiliser ou non ces techniques vu l’incertitude quant à la qualité et au sens de la vie ainsi prolongée.
71De même, dans un contexte de dépendance et de maladies chroniques, l’essentiel ne se réduit pas à une prise en charge efficace lors d’une complication. L’objectif est aussi de construire une continuité du parcours de soins.
72Enfin, compte tenu des limites, certes financières mais aussi de la disponibilité des soignants, des choix sont nécessaires. La superposition de nouvelles injonctions ne fera que renforcer la sensation d’écartèlement et le désinvestissement des soignants.
73La tâche des responsables politiques est donc majeure : définir des objectifs prioritaires, faire des choix et les appliquer. Cela implique une attitude réformiste dans un univers où lassitude, habitudes, conservatismes et enjeux financiers sont prégnants.
74Plus en amont, cela nécessite de médiatiser ces choix. Quel type de médecine voulons-nous ? Quelle priorité de soins souhaitent les Français ? Dans ce débat public, il ne s’agit pas d’opposer une médecine curative à une médecine palliative. Comme l’énonce le professeur Sicard, « le soin est un [27] ».
75Cette réflexion sociétale, utilisant à bon escient les médias, pourrait permettre progressivement de construire collectivement un rapport aux limites, certes financières, mais aussi humaines, plutôt que de s’épuiser ou s’illusionner dans un fantasme du « toujours plus ». Elle permettrait aussi d’honorer un souci d’équité.
Ré-axer la formation médicale
Présentation
76La commission Sicard insiste sur le rôle de levier que pourrait jouer la formation médicale. Cette mission serait confiée à la conférence des Doyens. L’objectif est de « repenser en profondeur l’enseignement des études médicales afin que les attitudes curatives ne confisquent pas la totalité de l’enseignement ». Pour cela, « une filière universitaire spécifiquement dédiée aux soins palliatifs » serait créée dans chaque université afin de développer la formation médicale, initiale et continue, sur les thématiques de l’antalgie, les soins palliatifs, la sédation, l’obstination déraisonnable. Tout au long de leur cursus, les étudiants en médecine seraient sensibilisés à « l’exigence de la relation humaine dans les situations de fin de vie, grâce au concours des sciences humaines et sociales ». « Une réflexion sur les excès de la médicalisation » serait menée. Au cours de l’internat, un stage en soins palliatifs serait obligatoire pour les étudiants généralistes et spécialistes principalement concernés par les maladies graves. Dans le cadre de la formation continue [28], le médecin en activité devrait suivre, au moins une fois tous les trois ans, une formation sur les attitudes à adopter face à une personne malade en fin de vie.
77Des exigences similaires seront prodiguées à tous les professionnels de santé.
Discussion
78La commission Sicard dénonce à juste titre les lacunes dans le champ de la formation médicale en soins palliatifs. Bien que des progrès soient constatés depuis quelques années, ils restent modestes et varient selon les facultés. On reste dans une stratégie a minima [29]. À titre d’exemple, seuls six postes de professeurs associés [30] ont été créés, alors que les missions d’enseignement et de recherche ne cessent de croître.
79L’objectif n’est pas uniquement le renforcement de la formation en soins palliatifs. C’est aussi le développement d’une réflexivité continue sur les pratiques médicales en s’appuyant sur les sciences humaines et sociales.
80Pourtant, l’axe de la formation est majeur. « Tant que la formation des professionnels de santé à la culture palliative restera marginale, il n’y a rigoureusement rien à espérer d’un changement des pratiques en France face aux situations de fin de vie. » La formation médicale gagnerait à s’extraire d’une focalisation excessive sur une compétence technoscientifique pour favoriser conjointement l’apprentissage des compétences relationnelles, éthiques, coopératives, nécessaires à la pratique médicale actuelle dans ses complexités.
81Là encore, les propositions faites sont un appel aux responsables universitaires et politiques afin qu’ils ne se limitent pas au colmatage des carences actuelles [31].
Réflexions concernant les lois encadrant les décisions médicales
82Ce troisième groupe comprend des réflexions sur l’euthanasie et le suicide assisté. Nous y avons inclus la proposition concernant la possibilité de « geste létal dans les phases ultimes de l’accompagnement de fin de vie ». S’appuyant sur de nombreux entretiens et sur l’analyse des législations étrangères, la commission Sicard établit une liste d’arguments en faveur ou en défaveur d’une dépénalisation de l’euthanasie.
Arguments en faveur d’une dépénalisation de l’euthanasie
83Même si l’interprétation des sondages est incertaine, la dépénalisation semble répondre positivement aux demandes des citoyens. Elle ferait « droit aux demandes des personnes de voir leur souhait respecté par la médecine » en s’appuyant sur « les concepts de liberté et d’auto-détermination ». Sur le plan clinique, elle contribuerait à améliorer les conditions du mourir en créant « une situation de grande sérénité au moment où cette possibilité est proposée dans l’évolution de la maladie ». De plus, elle favoriserait l’« instauration d’un dialogue entre malade, médecin, famille », alors que la fin de vie est souvent omise, voire déniée. Elle permettrait « une transgression, au nom de la compassion, de principes rigides indifférents à la spécificité de certaines situations ». L’euthanasie pourrait ainsi être pratiquée lorsque la médecine « s’obstine à prolonger la vie en dehors du souhait de la personne ou au contraire la laisse mourir “cruellement” ». Elle permettrait de lutter contre l’acharnement thérapeutique, mais aussi « paradoxalement d’essayer de nouvelles thérapeutiques, voire d’enrayer un acharnement, pour que l’on puisse passer brutalement d’une situation curative à la mort ». Elle éviterait une sorte de « loterie » où, selon sa chance, le patient est accueilli dans des équipes hospitalières plus ou moins enclines à des pratiques de sédation, voire d’euthanasie. Sur le plan éthique, la distinction entre sédation, limitation de traitement et euthanasie ne fait pas l’unanimité. Pour certains, « les sédations et arrêts de traitement constituent des euthanasies hypocrites et il n’y a pas de différence de nature entre ces différents actes ». Socialement, la dépénalisation mettrait fin à une pratique ancienne, clandestine, sans pour autant engendrer des dérives car « le danger de l’augmentation quantitative des demandes n’a jusqu’ici pas été observé dans les pays étrangers ».
Arguments s’opposant à une dépénalisation de l’euthanasie
84À contrario, l’ouverture à une dépénalisation conduirait certaines personnes à demander l’euthanasie par « culpabilité de vivre ». Le risque n’est pas négligeable car « près de 50 % des personnes malades et personnes âgées craignent d’être un fardeau pour leur entourage ». « Les contraintes économiques, liées à l’augmentation des situations de dépendance et au vieillissement de la population, pourraient encourager subrepticement de telles attitudes. » La forme du mourir par euthanasie n’a rien d’anodin. L’euthanasie est un acte brutal, « radical », car elle interrompt soudainement la relation et la vie. « Les mots d’“auto-délivrance”, de “mort miséricordieuse”, ne sont là que pour adoucir la violence du mot euthanasie. » Compte tenu de cette densité émotionnelle, il existe une incertitude sur le vécu et le deuil de l’entourage témoin d’une euthanasie, soignants compris. La dépénalisation risquerait « d’encourager l’acharnement thérapeutique déraisonnable… dans la mesure où on passerait brutalement de l’acharnement thérapeutique à l’euthanasie ». Elle mettrait « la médecine en situation impossible en raison d’une culture médicale très radicalement opposée à celle-ci ». Sur le plan relationnel, elle pourrait « créer une situation de clivage » avec les patients, leur entourage ou au sein des équipes. L’ouverture à la dépénalisation pourrait engendrer l’extension de sédation terminale, avec ou sans consentement, car les médecins souhaiteraient échapper aux procédures administratives. Le contrôle des pratiques serait inopérant de par le « caractère illusoire des évaluations a posteriori ». En effet, l’expérience des pays étrangers révèle que les commissions d’évaluation ont un rôle essentiellement « statistique ». Cela conduit paradoxalement à « un renforcement du pouvoir médical qui ne se soumet pas à une instance d’évaluation rigoureuse, et en tout cas jamais à une évaluation a priori, avant l’acte ». D’un point de vue logique, la justification d’un droit à l’euthanasie apparaît paradoxale car il « repose sur la nécessité d’un tiers qui effectue un acte médical, alors que la revendication de l’euthanasie se fonde justement sur la mise en cause de la médecine. On demande ainsi à la médecine simultanément de mettre en œuvre sa toute-puissance et de réparer ses excès, comme si la médecine devait réparer un préjudice causé par elle-même. » Le cadre légal serait sans cesse contesté. Les critères de « minutie » seraient « toujours nécessairement mouvants ». Ainsi le terme de « souffrance insupportable » laisse la porte ouverte à un large flou interprétatif. Les indications s’étendraient progressivement vers les « pathologies psychiatriques, dépressions, enfants, personnes très âgées, polyhandicaps ». Les représentations sociales seraient déplacées avec la diffusion d’un « inconscient collectif qui trouve bénéfice à ce que des personnes, conscientes du poids qu’elles font peser sur leur entourage, demandent à interrompre prématurément leur vie ». Or, le rôle de l’État est de lutter « contre le risque de discrimination des plus vulnérables qui ne bénéficieraient plus d’une protection a priori ».
Des réserves et une mise en garde en cas de dépénalisation de l’euthanasie
85Puis elle se positionne très clairement et met en garde le législateur s’il s’aventure vers une dépénalisation de l’euthanasie.
86Elle craint des demandes d’euthanasies par défaut de soins, culpabilité ou raisons économiques. Le « changement symbolique fort » pourrait créer « l’effroi d’une population peu informée » et l’« intériorisation de représentations sociales négatives » de la vieillesse, de la maladie, du handicap qui renforceraient l’exclusion et le souhait de mort.
87Elle constate que « la pratique euthanasique développe sa propre dynamique résistant à tout contrôle efficace, et tend nécessairement à s’élargir, avec un curseur qualitatif, sans cesse mouvant, qui ne revient jamais en arrière ». Ainsi, en Belgique, vingt-cinq propositions d’extension de la loi ont été déposées depuis 2002, touchant progressivement la démence, le handicap, la néonatalogie et la situation des grands enfants.
88Elle prend acte de la « résistance du corps médical alors que ce serait à lui de faire le geste ». Elle ne conteste pas cette réticence, considérant que la dépénalisation ferait « basculer la médecine du devoir universel d’humanité de soins et d’accompagnement à une action si contestée d’un point de vue universel ».
89Dans sa réflexion sur le rôle de la loi, elle rappelle que « le cadre légal ne peut répondre à l’exceptionnel ». Il y a une « utopie de vouloir résoudre par la loi la complexité des situations de fin de vie ». « À contrario, l’absence de droit est parfois plus protectrice que le droit » car « tout déplacement d’un interdit crée de nouvelles situations limites [32] ».
90Sur le plan anthropologique, elle interroge la valorisation contemporaine de l’individualisme. Il est « illusoire de penser que l’avenir de l’humanité se résume à l’affirmation sans limite d’une liberté individuelle, en oubliant que la personne humaine ne vit et ne s’invente que reliée à autrui et dépendante d’autrui ». Il s’agit de « penser solidairement la fin de vie » [33].
91La commission recommande d’appliquer les lois actuelles plutôt que d’en créer de nouvelles.
92Mais, s’il se prononce de manière claire contre la dépénalisation de l’euthanasie, le professeur Sicard évoque la possibilité d’« un geste létal dans les phases ultimes de l’accompagnement en fin de vie », encadré par des recommandations de bonnes pratiques.
Proposition « d’un geste létal dans les phases ultimes de l’accompagnement en fin de vie »
Présentation
93C’est avec prudence que la commission Sicard évoque cette « grave décision ». Concrètement, ce serait un geste, effectué par un médecin, accélérant la venue de la mort. Il pourrait être discuté dans au moins quatre situations différentes.
94Certaines impliquent la demande de la personne malade. Ce pourrait être un patient en fin de vie, qui demanderait l’euthanasie dans un contexte d’arrêt de tout traitement susceptible de prolonger sa vie. Ce souhait pourrait être exprimé par les directives anticipées lorsque la personne ne pourrait plus manifester directement sa volonté.
95Dans d’autres cas, ce serait les proches qui formuleraient la demande, notamment lorsque le patient ne peut plus s’exprimer et n’a pas rédigé de directives anticipées. Une discussion collégiale serait nécessaire pour vérifier que cette demande semble en accord avec « les souhaits réels de la personne ».
96Enfin, ce geste létal serait aussi effectué lorsque les traitements sont considérés « comme une obstination déraisonnable et que les soins de support n’auraient comme objet qu’une survie artificielle ». Cela concernerait des patients en fin de vie ou hospitalisés en réanimation, les nouveau-nés nourris ou ventilés de manière artificielle. Potentiellement, bien que ce ne soit pas mentionné, cela pourrait inclure aussi les personnes handicapées. Une discussion collégiale avec le malade ou ses proches serait nécessaire.
97La décision relèverait de la responsabilité d’un « médecin engagé en conscience, toujours éclairé par une discussion collégiale ». L’argumentation serait rédigée dans le dossier.
98Ce geste létal serait dans l’esprit de la loi Léonetti. Il « peut correspondre, aux yeux de la commission, aux circonstances réelles d’une sédation profonde telle qu’elle est inscrite dans la loi Léonetti ». Il s’opposerait à une « sorte d’acharnement », jugé « cruel », qui consisterait à « “laisser mourir” ou “laisser vivre” une personne, après arrêt de tout traitement et des soins de support ».
99Ce geste létal ne justifie pas le passage par la loi car « les critères qu’une loi pourrait imposer dans ce type de décision ne pourront jamais contenir toute la complexité et la diversité du réel ». En revanche, il relèverait d’« édictions de recommandations de bonnes pratiques d’une médecine responsable ».
Discussion
100Cette proposition prête à discussion.
101– Il est légitime que la commission Sicard aborde ouvertement cette option. Comme nous l’avons vu, les conditions du mourir sont insatisfaisantes. Une partie de la population souhaite une ouverture, légale ou non, à des gestes létaux pratiqués par des médecins. Peut-être existe-t-il des situations où un geste létal serait la moins mauvaise alternative dans une optique de moindre mal ? Enfin, sans se focaliser sur des considérations stratégiques, cette option pourrait être considérée comme une moins mauvaise alternative que celle d’une dépénalisation de l’euthanasie.
102– Cependant, le champ d’application du geste létal est assez large. Il concerne les personnes en fin de vie, en réanimation ou maintenues en vie grâce à des traitements de suppléance vitale. Il ouvre à un nombre élevé de situations, notamment si les éventuelles recommandations retiennent le critère de demande de l’entourage. Dans cette hypothèse, on peut craindre de multiples demandes de familles qui ne supporteraient pas l’agonie de leur proche. Est-il légitime d’envisager des gestes létaux fondés sur la seule demande de l’entourage, plus encore s’ils ne s’inscrivent pas dans une dynamique préalable de directives anticipées ?
103– Cette extension de gestes létaux pourrait être d’autant plus importante que l’usage du terme « cruel » associé au « laisser mourir » ou « laisser vivre » peut être interprété comme une disqualification morale de l’agonie. Or, l’agonie est une énigme. Personne ne sait ce que vit un patient en phase agonique et nul ne peut affirmer que l’agonie ait un sens ou non. Cette inconnue et cette incertitude justifient-elles la réalisation d’un geste létal ? L’enjeu n’est-il pas plutôt de soulager la personne malade, d’accompagner les proches dans ce temps de séparation et de respecter cette énigme ?
104– Si on analyse l’argumentation du geste létal, la commission Sicard s’appuie sur « l’esprit de la loi Léonetti » avec le recours aux notions de « sédation profonde » et d’« acharnement ». Cette articulation présente un intérêt d’un point de vue médico-légal. Si des euthanasies devaient être justifiées d’un point de vue éthique, le juge pourrait s’appuyer sur cette évocation de « l’esprit de la loi » pour ne pas engager des poursuites. Le cadre légal interdisant l’homicide serait maintenu, mais l’argumentation du jugement jurisprudentiel apparaîtrait plus validée.
105Cependant, la justification du geste létal par le recours à la loi Léonetti n’est pas pleinement convaincante. Dans sa réflexion préalable sur la sédation, la commission Sicard maintient « la frontière entre l’euthanasie volontaire et la sédation profonde ». Elle argumente cette distinction car « l’intention n’est pas a priori la même. Dans le cas de l’euthanasie, l’intention est de donner la mort, alors que, dans le cadre de la sédation, l’intention est de soulager la souffrance. » De plus, « les médicaments utilisés ne sont pas les mêmes » ou les posologies sont différentes. Compte tenu de ces éléments, on ne comprend pas bien cette évocation de « la sédation profonde » pour justifier un geste létal, alors que l’on a établi préalablement la distinction. Quant au recours à la notion d’acharnement, il est inadéquat si tous les traitements susceptibles de prolonger l’existence ont été arrêtés.
106– Enfin, le recours à des recommandations a des répercussions incertaines. D’un côté, elles permettraient de définir des points de repères afin que ces prises de décision soient a minima encadrées. D’un autre côté, il est difficile d’apprécier si elles seront consultées ou non. Leur existence pourrait inciter patient et entourage à réclamer un geste létal. Ce ne serait pas un droit, mais une forte injonction faite aux médecins. Symboliquement, elles feraient sortir l’euthanasie du registre de la transgression, tant d’un point de vue social qu’au niveau des pratiques professionnelles.
107En ce qui nous concerne, nous plaidons pour que les distinctions entre sédation, arrêt de traitement et euthanasie soient maintenues pour des raisons clinique, éthique, pédagogique et historique. Pendant des décennies, des confusions régnaient sur la nature des décisions médicales en fin de vie. La caricature était l’usage des « cocktails lytiques » qui relevaient indistinctement du soin antalgique, de la sédation et de l’euthanasie. Progressivement, une clarification s’est faite, notamment pour les jeunes médecins [34]. La remise en cause de ces distinctions ne contribuerait pas à la diffusion de pratiques de soins, certes complexes, mais pas confuses.
108La formation médicale, initiale et continue, devrait être renforcée afin que les pratiques de sédation soient bien comprises et justement appliquées. Des recommandations, voire la loi, pourraient imposer une délibération collégiale lorsque se pose l’indication d’une sédation, à l’instar de la procédure collégiale mentionnée par la loi Léonetti. La personne malade, son entourage, les soignants pourraient être à l’initiative de ce questionnement. Les situations spécifiques de sédation durant l’agonie ou de sédation à la demande d’une personne malade feraient l’objet de recommandations.
109En ce qui nous concerne, nous n’inscririons pas la sédation dans le registre d’un droit dont pourrait bénéficier le patient à sa demande, indépendamment de son état clinique ou de sa symptomatologie.
110Techniquement, ce n’est pas toujours simple d’endormir un patient, même lorsqu’il en fait la demande. Psychiquement, le rapport à la souffrance est complexe, avec des éléments relationnels, temporels, conscients et inconscients. Dans cette complexité, mieux vaut valoriser l’instauration d’un profond dialogue avec la personne malade, son entourage et les soignants que l’application d’un droit encadré par un protocole. Enfin, socialement, la sédation est légitime dans des situations de grande détresse, physique ou psychique, mais elle ne doit pas devenir une nouvelle norme du mourir. Cette pratique de soin relève d’abord d’un registre clinique et éthique, et non pas légal.
Propositions
111Peut-on proposer quelques points de repère si les responsables politiques souhaitent avancer sur le complexe sujet des décisions médicales avec geste létal ?
112– L’interdit de l’homicide est un repère majeur et structurant de la relation et de notre société. L’homicide est un acte transgressif et doit le rester. L’État a une responsabilité collective et une fonction symbolique. Ce n’est pas à lui d’organiser par la loi ou par des recommandations la mise en œuvre d’une éventuelle transgression.
113– Pour maintenir le caractère transgressif de l’euthanasie, la loi Léonetti doit demeurer dans son cadre actuel. Il n’y a pas de continuité entre la loi Léonetti et l’euthanasie, encore moins lorsque cette dernière n’est pas symboliquement nommée mais qualifiée de geste létal.
114– Plutôt que de rédiger des recommandations relatives à des gestes létaux, il nous semble plus approprié de faire un important travail pédagogique, voire des recommandations, sur les attitudes médicales à adopter lorsqu’une personne majeure formule un souhait de mort [35].
115En effet, avant d’être une question légale ou éthique, la demande d’euthanasie est d’abord l’expression d’une souffrance et relève d’une compétence clinique [36]. Si la demande persiste malgré une écoute et des soins adaptés, une piste est de rechercher des alternatives ou un compromis [37]. Son objet peut être variable : instauration d’une sédation, maintien dans un service de soins, engagement de reprendre le patient dès qu’il en formulera la demande. Dans certaines situations, ce pourrait être l’acceptation du suicide du patient comme respect de sa liberté personnelle.
116Si aucun accord n’est possible, se pose alors la question de la transgression de l’interdit de l’homicide. Elle relève de la responsabilité du praticien. À titre de jalons, nous proposons quatre points de vigilance relatifs à la liberté des acteurs, l’altérité de la rencontre, la créativité mise en œuvre, la qualité de la délibération personnelle et collective [38].
117– Si un homicide est réalisé et que des plaintes sont déposées, cela relève de la compétence de la justice. Des sanctions sont nécessaires lorsque des dérives sont constatées. Mais les juges ont aussi leur liberté de jugement avec une possibilité de clémence [39]. Cette approche invite cliniciens et juges à réfléchir à la question de l’euthanasie dans le champ de l’éthique pour rendre compte de leur pratique singulière. Cette perspective, moins sécurisante que le recours à la norme de droit, est aussi une invitation à la responsabilité dans le respect des fonctions de chacun.
118– Nous sommes réservés sur la possibilité d’un geste létal effectué à la demande de tiers. La souffrance ou la volonté d’un tiers ne doit pas prévaloir sur la vie d’une personne qui, paradoxalement, ne l’éprouve peut-être pas. De plus, cela risque de renforcer l’atténuation des solidarités vis-à-vis des personnes vulnérables.
119Les situations relatives aux nouveau-nés, aux enfants, aux personnes handicapées relèvent d’une délibération collégiale dans le cadre de la loi Léonetti autorisant la mise en œuvre de sédation et/ou des arrêts de traitement. Si on ne peut exclure des transgressions, elles ne peuvent être justifiées par la demande de l’entourage.
120L’euthanasie repose d’abord sur une conception de la liberté et de la responsabilité de l’homme dans la conduite de son existence, y compris par la maîtrise de sa vie biologique. En cela, elle s’apparente à la thématique du suicide.
Réflexions sur le suicide assisté
Présentation
121Dans son rapport, le professeur Sicard aborde la question du suicide assisté sans pour autant en faire une proposition. Plusieurs questions sont travaillées.
122– Quels sont les arguments justifiant le suicide assisté ?
123Le suicide assisté s’appuie sur une conception de l’« autodétermination » de la personne. Cette dernière demande à la collectivité de lui fournir des moyens afin de pouvoir par elle-même interrompre son existence.
124Le suicide assisté permet de « soulager l’angoisse existentielle d’une mort sur laquelle l’homme n’a pas de prise » ou d’« échapper à l’inquiétude du “chemin de croix” et d’une agonie anxiogène ».
125Il peut être bénéfique pour l’entourage en lui permettant « de se préparer à la fin de vie ». Il n’impliquerait pas directement la médecine. Cela lui permettrait ainsi d’être « déresponsabilisée » d’une démarche qui, classiquement, ne rejoint pas ses repères.
126Sur le plan social, il ne susciterait pas « d’angoisse dans la société en raison de la liberté totale du geste ».
127– Quels sont les arguments s’opposant au suicide assisté ?
128Pratiquement, il n’est pas toujours possible de se suicider car cela suppose « une totale capacité physique et mentale au moment de l’acte ». De plus, il n’est pas très adapté « aux situations terminales et de fin de vie en raison des risques de vomissement ou de prise incomplète de la substance létale ». Psychiquement, il demande « un certain courage qui peut manquer à ce moment-là ».
129Il peut être traumatisant pour l’entourage qui n’accepterait pas ou serait témoin de cet acte [40]. De plus, la durée du mourir est très variable. Cela est « susceptible de créer des situations de violence ressentie par l’entourage avec un impact éventuel sur le deuil ».
130Le suicide assisté n’exclut pas totalement une participation de la médecine car le médecin et le pharmacien sont sollicités pour la délivrance du produit.
131Les modalités de contrôle a posteriori sont peu satisfaisantes, avec la possibilité de dérives.
132Enfin, sur le plan sociétal, cette valorisation de l’autodétermination sous forme de droit risque d’« être source d’une inflation des droits libertaires qui risquent de diminuer, voire nier, les devoirs collectifs de solidarité ». Par ailleurs, le discours associé sur la dignité peut induire « un sentiment de culpabilité pour certaines personnes en situations identiques, stigmatisant ceux qui n’y recourraient pas ».
133– Le suicide et l’assistance au suicide sont-ils incriminables en France ?
134Depuis le Code révolutionnaire de 1791, le suicide n’est plus un crime.
135En 1982, la parution du livre Suicide, mode d’emploi suscita de vives réactions. Les suicides augmentèrent. En 1987, le législateur décida de lutter contre cette promotion des suicides et inséra dans le Code pénal le délit de provocation au suicide [41].
136– L’aide au suicide d’autrui peut-elle être assimilée à une provocation au suicide ?
137Selon le rapport Sicard, il semble que non car la volonté du législateur n’était pas de réprimer le suicide, mais plutôt d’adopter une position protectrice afin d’éviter qu’une personne vulnérable mette fin à ses jours suite à des pressions personnelles ou un contexte délétère promouvant le suicide [42]. La loi chercherait à protéger la liberté du citoyen et non pas à entraver son souhait de se suicider. Dans cette optique, l’assistance au suicide, si elle n’est pas incitatrice ou si elle n’aliène pas la liberté de l’autre, ne serait pas une provocation au suicide. Elle ne serait pas pénalement incriminable.
138– Quelles analyses peut-on faire de l’assistance au suicide en Suisse ?
139Le Code pénal suisse interdit l’aide au suicide sauf si elle est accordée sans « motif égoïste ». Dans les années 2000, des associations d’aide au suicide ont été créées afin d’organiser le suicide assisté selon diverses modalités. Des cantons se sont opposés à ces pratiques. L’aide au suicide n’est donc pas homogène dans l’ensemble du pays.
140Pour l’association Exit-ADMD, seuls les citoyens domiciliés en Suisse romande et inscrits préalablement à l’association peuvent bénéficier de leur aide. Ces personnes doivent être en capacité de discernement et exprimer leur demande de manière répétée. Elles sont atteintes d’une maladie incurable, occasionnant des souffrances physiques ou psychiques intolérables, avec un pronostic fatal ou une invalidité importante.
141Après un accompagnement de quelques semaines, le suicide est organisé. Le médecin traitant ou le médecin d’Exit-ADMD rédige l’ordonnance du produit létal. Au jour décidé, l’accompagnant d’Exit-ADMD vérifie que la personne est toujours déterminée à cette « auto-délivrance ». En cas de réponse positive, il lui donne un antivomitif puis, trente minutes après, lui propose la solution létale. La personne l’ingère elle-même. La perte de conscience survient dans les minutes ou la demi-heure qui suivent. Le décès est constaté entre trente minutes et vingt-quatre à quarante-huit heures selon les personnes, avec une moyenne de deux heures. Les accompagnateurs sont formés par Exit-ADMD. Ils reçoivent un dédommagement de 400 francs suisses.
142L’association Dignitas accepte d’assister des personnes venant de l’étranger. En raison de frais de locaux, de documents médicaux, de rapatriement du corps, elle exige des contributions financières plus importantes (entre 6 000 et 10 000 euros).
143La commission Sicard constate que le gouvernement fédéral suisse a fait le choix de ne pas encadrer trop rigoureusement les associations. Celles-ci ont leur autonomie, avec l’édiction de critères spécifiques. Cependant, ces critères ne sont pas toujours respectés. Ainsi, 20 % des personnes âgées assistées pour se suicider n’ont pas de pathologie incurable, mais une ou plusieurs pathologies de gravités diverses. Il existe un doute sur l’analyse d’éventuels éléments relationnels qui influeraient sur la volonté de se suicider. La présentation faite à la personne d’alternatives afin d’éviter un suicide ne semble pas systématique. On ne peut exclure qu’un certain nombre de suicides seraient évités si les procédures étaient appliquées et contrôlées par une autorité externe [43].
144– Quelles analyses peut-on faire de l’assistance au suicide en Oregon ?
145L’Oregon’s death with dignity act permet aux personnes en phase terminale d’une maladie incurable d’obtenir la prescription d’un produit létal par un médecin.
146La personne doit être majeure et résider dans l’Oregon. Deux demandes orales séparées de quinze jours minimum, puis confirmées par un écrit, sont nécessaires. Un médecin doit valider le diagnostic et le pronostic, ainsi que la demande confirmée du malade. Le médecin doit informer la personne de la possibilité de soins palliatifs. Elle est aussi informée de la possibilité d’une longue agonie avec le recours aux services d’urgence au cas où les proches du malade ne la supporteraient pas [44]. En cas de doute sur une fragilité psychique, une consultation auprès d’un psychiatre est possible.
147Cette procédure concerne 0, 2 % des décès en Oregon, soit une soixantaine de personnes chaque année. Une relative stabilité est observée depuis dix ans.
148La plupart des personnes demandeuses ont « un niveau d’études élevé et ont occupé des fonctions dirigeantes ». Entre un tiers et la moitié des malades ayant reçu une prescription de produit létal ne l’utilisent pas.
149Dans cette procédure, les attributions dévolues aux médecins demeurent limitées. Leurs mises en œuvre sont incertaines.
150Tout d’abord, médecins et pharmaciens peuvent refuser de s’associer à cette démarche.
151S’il l’accepte, le praticien doit valider le stade terminal d’une maladie. Or, la définition du stade terminal est un peu floue. Ainsi dans le cas de maladie cancéreuse, l’arrêt de la chimiothérapie peut être un critère. Cependant, cette décision peut être prise plusieurs mois, voire plusieurs années avant la survenue de la mort. Est-ce que ce cas de figure correspond au stade terminal ?
152Le médecin doit aussi vérifier la validité de la demande et proposer des alternatives. Mais le formulaire se borne à indiquer que le malade est clairement informé de son état de santé, du produit létal et du recours possible aux soins palliatifs. Qu’en est-il d’éventuels éléments relationnels ou contextuels qui influeraient sur le souhait ? Sur quelles modalités relationnelles et avec quel engagement médical sont présentés les soins palliatifs ? Quels espaces de délibération et de discussion sont réellement ouverts ?
153Il peut faire appel à une expertise psychiatrique. Celle-ci n’est qu’exceptionnellement demandée [45]. Cette omission ne permet-elle pas une absence de diagnostic de dépression ?
154En ce qui concerne la participation directe au suicide, la loi n’impose pas la présence du médecin prescripteur au moment de l’ingestion du produit ou du décès. Dans les faits, elle est exceptionnelle [46].
155À l’inverse, l’implication de la société civile par le biais d’association, est importante. 75 % à 90 % des décès sont « assistés » par des membres d’une association privée, Compassion and Choices of Oregon. Cette association envoie deux personnes volontaires pour accompagner le malade, préparer le produit létal et vérifier son ingestion. 99 % des personnes décèdent entourées par leur famille, des proches ou des représentants de l’association.
156L’État de l’Oregon intervient peu car le suicide est considéré comme d’ordre privé. L’information a posteriori de l’État se limite à une transmission de données factuelles permettant la rédaction d’un rapport annuel. Aucune enquête policière n’est menée.
157Cependant, il existe un guide de recommandations de bonnes pratiques, élaboré par un groupe décrit comme « neutre » et soutenu par un centre d’éthique [47]. Ces recommandations sont précises, détaillées et actualisées.
158Compte tenu de ces éléments, l’expression « suicide médicalement assisté » paraît inadéquate. Le médecin vérifie un certain nombre de critères, informe la personne, fait la prescription, puis, la plupart du temps, se retire. C’est l’association qui joue le rôle d’assistance et d’accompagnement.
159– Quelles suggestions fait la commission Sicard ?
160Le professeur Sicard ne se prononce pas sur la pertinence d’introduire ou non une assistance au suicide en France. Ce n’est donc pas une proposition.
161En revanche, si le législateur ouvrait cette possibilité, la commission affirme « l’impératif d’impliquer au premier chef la responsabilité de l’État et la responsabilité de la médecine ». Cela induit la nécessité de s’assurer de la volonté et de la liberté de la personne avec des échanges collégiaux associant le patient, la famille, le médecin traitant, un autre médecin externe et un soignant. Cet engagement de la médecine ne se limite pas à ces étapes préalables. Lors de l’ingestion du produit et de l’agonie, la présence du médecin traitant ou, en cas d’objection de conscience [48], du médecin prescripteur est jugée nécessaire.
Discussion
162– L’État doit-il s’engager dans des démarches visant à offrir la possibilité à certains citoyens de se suicider ?
163En tant que soignant, nous n’avons pas compétence à répondre à cette question. Elle relève d’une pensée politique avec un souci du respect de chacun et du bien commun. Cependant, en s’appuyant sur notre expérience de terrain, quelques points peuvent être soulevés.
164– Il existe beaucoup d’incertitudes sur les demandes de suicide assisté.
165Sur le plan quantitatif, des patients souhaiteront probablement bénéficier d’une assistance au suicide si cela est possible. Mais nul ne sait si leur nombre sera conséquent ou non.
166Sur le plan qualitatif, le désir de se suicider diffère d’une demande d’euthanasie. Toute une clinique est à découvrir avec l’adaptation de pratiques de soins et d’accompagnement. Elles dépasseront très largement le strict respect d’une procédure légale.
167Dans ce contexte très incertain, une prudence s’impose. Avant d’opter pour un cadre légal, une phase d’application et d’évaluation ne serait-elle pas nécessaire ?
168– L’ouverture au suicide n’entre pas dans le registre médical classique car le soin est d’abord une tentative de soutien du processus du vivant. Cependant, dans le cadre de maladies létales, nous ne pouvons exclure que des soignants – après rencontres répétées, recherche de solutions ou d’alternatives, délibération individuelle et collective – acceptent d’accompagner un patient dans sa volonté de se suicider.
169Pour les soignants, ce processus dialogique sera complexe et singulier. Il sollicite des affects psychiquement éprouvants. Éthiquement, il relève d’une démarche réflexive avec des aspects paradoxaux. Compte tenu de ces éléments, l’assistance au suicide ne peut être un droit impliquant les acteurs du soin sans qu’ils aient la possibilité de s’y soustraire, partiellement ou complètement. Une procédure qui convoquerait systématiquement les médecins tout au long du parcours serait excessive.
170– Si l’on considère que le suicide est fondé sur une capacité d’autodétermination, l’édiction de critères limitants ne sera pas aisée. Le cadre du « stade terminal de maladie incurable » risque d’être rapidement contesté. Qu’en sera-t-il des personnes atteintes d’une maladie incurable mais ne pouvant ingérer par elles-mêmes le produit létal ? Les personnes atteintes d’un handicap ou souffrant de maladies psychiatriques [49] pourront-elles aussi bénéficier de cette assistance ? La revendication d’une égalité des droits n’incitera-t-elle pas à étendre progressivement les critères ?
171– Sur le plan sociétal, même si on ne constate pas de flambée des suicides en Suisse ou dans l’État d’Oregon, nul ne sait quelles seront les conséquences d’une ouverture vers le suicide assisté [50]. Cette incertitude concerne les patients vulnérables, en doute sur la valeur de leur existence. Elle s’applique aussi aux solidarités familiales et collectives, parfois défaillantes dans notre société.
172– Si le législateur ou l’État autorise une assistance au suicide sous certaines conditions, quelle place pour la médecine et les soignants ?
173La commission Sicard juge insatisfaisantes les procédures légales étrangères. Elle s’interroge sur la vérification de la liberté des personnes demandeuses, la prise en compte d’une détresse psychique, la présentation d’alternatives au suicide, l’investissement militant des associations. Pour contrebalancer ces lacunes, la médecine apparaît comme le protagoniste à impliquer pour entendre, réguler, mettre en œuvre et contrôler le suicide assisté.
174Mais n’est-il pas excessif et injustifié de confier l’assistance au suicide uniquement à la médecine, alors que cela ne correspond classiquement pas à ses repères ? N’est-ce pas une certaine démission de l’État qui utiliserait la médecine comme bouclier, bras armé et arbitre ? En langage simple, tout relève-t-il de la médecine ?
175Si le législateur prend et assume l’initiative d’ouvrir une assistance au suicide, il nous semblerait plus juste de construire une procédure qui engagerait la responsabilité du demandeur, de la société civile, de l’État et de la médecine. Le citoyen doit assumer sa conception de l’existence dans la limite de ce qui lui est possible. L’État doit exercer son rôle de protection du vulnérable et de garant des lois. La médecine doit perdurer dans sa mission de prendre soin et d’accompagner la personne malade. Mais le soignant ne peut le faire que s’il se sent en adéquation avec ses repères professionnels et personnels.
176– Dans cette optique, peut-on envisager une procédure qui répartirait des fonctions entre la personne demandeuse, la société civile, les agents de l’État, les soignants ?
177– Ainsi, la vérification des critères médicaux qui ouvrent au suicide assisté relève à l’évidence du champ médical. Il en est de même de la présentation d’alternatives au suicide. Cette proposition introduit l’aspect médico-social car les problèmes financiers ou de résidence pourraient influer sur le souhait de se suicider. L’approche devra être collégiale, pluridisciplinaire, impliquant les différents acteurs du soin, médecins généralistes et médecins référents compris. Elle inclurait des tiers. Une objection de conscience serait possible.
178– La vérification de la liberté de la personne ne relève pas uniquement du champ médical. La protection des plus vulnérables est d’abord une mission régalienne dévolue à la justice. En cas de doute, une expertise psychiatrique est possible. Ainsi, ce critère pourrait être apprécié par le médecin, la justice et le psychiatre si nécessaire.
179– La prescription d’un produit létal n’est pas du champ de la médecine. Bien au contraire. Certes, les produits prescrits sont des médicaments [51], mais ils sont très peu utilisés en médecine et à des posologies cent fois moindre [52]. La prescription et la délivrance du produit pourraient être faites par une instance de l’État.
180– La présence lors de l’ingestion du produit et du décès relève d’abord de la société civile. Les soignants pourraient être présents dans une fonction d’accompagnement si ce geste fait sens pour eux. Mais cela ne peut être une obligation.
181– L’accompagnement de l’entourage après le décès relève de la société civile. Les soignants pourraient y participer s’ils le souhaitent.
182– La détermination du lieu de la fin de vie est complexe [53]. Puisque le choix est privé, il devrait relever de l’habitat personnel et non pas de structures collectives. Mais certaines personnes n’ont pas de domicile adapté à leur dépendance ou relèvent de soins délivrés uniquement à l’hôpital. Certaines équipes soignantes considéreront qu’il est juste d’accompagner jusqu’à son terme le patient au sein du service de soins ou de l’EHPAD. Enfin, certaines agonies peuvent se prolonger et deviennent intolérables pour l’entourage. Qu’en sera-t-il pour les personnes qui souhaitent se suicider, mais dont le service référent n’adhère pas à cette démarche ? Qu’en sera-t-il pour les soignants qui devront prendre soin en urgence de patients agonisants et de familles désemparées ?
183– Le contrôle des critères et de la procédure dépend de l’État.
184– Les recherches sur le suicide assisté relèvent de plusieurs disciplines.
185– Le contrôle d’éventuelles associations s’engageant dans l’accompagnement des personnes souhaitant se suicider est une compétence de l’État. Les aspects financiers ne devront pas être occultés.
Conclusion
186Dressant un bilan très critique sur les conditions du mourir en France, le rapport Sicard apparaît comme une étape au milieu du gué. Certains prochains pas sont balisés. D’autres moins, car ils dépendent de choix et de volontés politiques dans une optique réformiste. D’autres encore sont plus incertains, voire risqués. Il requiert une articulation entre la demande d’une partie de la population, la responsabilité de l’État et la fonction de la médecine. La recherche de cet hypothétique équilibre bancal est-elle pertinente alors que les vulnérabilités s’accroissent et que les solidarités collectives diminuent ?
187Dans cette traversée inachevée, un point d’attention mérite d’être dégagé sous peine d’être emporté par des courants potentiellement délétères. La volonté légitime du rapport Sicard de faire émerger la parole du citoyen pourrait laisser croire que toute demande requiert une réponse et que l’absence de réponse est une erreur, voire une faute [54].
188Or, toute demande ne relève pas d’une réponse. Si la confrontation à la mort impose une solidarité efficace et un engagement relationnel, il est illusoire de prétendre combler toutes les crises imputables au mourir.
189Face à la finitude, l’enjeu humain n’est pas uniquement de mettre en œuvre des réponses dans des champs techniques, organisationnels ou légaux, comme si la médecine était mandatée dans une fonction de « gestion opérationnelle » de la souffrance, du dramatique, voire du tragique. Il s’agit aussi de construire un rapport au creux, au manque, à la limite, à la vulnérabilité inhérente à la condition humaine. Il s’agirait d’exister sans se détourner de l’angoisse, de demeurer malgré l’épreuve du non-sens. Il s’agit de se confronter et d’honorer, ne serait-ce que par sa présence, l’énigme de la condition humaine au-delà de tout savoir, maîtrise, pouvoir ou horizon de sens.
190La médecine ne doit pas être seule à cette place singulière. Chaque citoyen y est aussi convoqué, ne serait-ce que pour ses proches. Mais la société civile a aussi à construire, voire à reconstruire, des pratiques, du langage et des symboles pour accompagner collectivement l’humain confronté à sa vulnérabilité et au sens ou non-sens de son existence.
Notes
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[1]
Ce fut d’abord le travail conséquent effectué par la commission parlementaire animée par le député Jean Léonetti en 2005. Cela aboutit au vote unanime par l’Assemblée nationale de la loi sur les droits des malades et la fin de vie, dénommée communément « loi Léonetti ». Puis, trois ans après, ce même député rédigea un volumineux document sur l’évaluation de l’application de cette loi. En 2009, ce fut le rapport de l’IGAS sur la mort à l’hôpital. En 2010, un groupe de travail émanant de la commission des affaires sociales du Sénat rédigea un document sur la fin de vie en France. En 2012, le professeur Régis Aubry fit le bilan du plan national de développement des soins palliatifs 2008-2012. Sans oublier les rapports annuels effectués par l’Observatoire national de la fin de vie en France et l’abondante production livresque sur cette thématique.
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[2]
La commission de réflexion sur la fin de vie est composée de huit personnes, médecins, soignants, psychologue, juriste, philosophe, ou issues de la société civile. Jean-Claude Ameisen, nommé président du Comité national consultatif d’éthique (CCNE) en octobre 2012, préféra s’abstenir en raison de demandes ultérieures qui pourraient être faites au CCNE.
-
[3]
En effet, le professeur Sicard connaît particulièrement bien les questions relatives à la fin de vie puisqu’il présida pendant neuf ans le CCNE. C’est sous sa présidence que l’Avis n° 63 sur « fin de vie, arrêt de vie et euthanasie » fut promulgué en 2000. Cet Avis évoquait notamment la thématique controversée de « l’exception d’euthanasie ». Cet homme est aussi reconnu pour sa compétence en éthique et sa liberté de parole.
-
[4]
Depuis son élection à la présidence de la République française, les propositions parlementaires se succèdent. Elles reprennent globalement le cadre légal belge ou hollandais de dépénalisation sous conditions de l’euthanasie, avec la création d’un droit de bénéficier d’une interruption de sa vie par l’intermédiaire d’un médecin.
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[5]
Ces progrès ont été possibles notamment grâce au soutien des responsables politiques de droite et de gauche.
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[6]
Il s’agit d’analyser les représentations du mourir, la perception des soins par le grand public, d’apprécier la connaissance des lois relatives à la fin de vie, de définir les situations que les Français jugent intolérables et de recueillir leurs demandes vis-à-vis de la médecine.
-
[7]
Les nombreuses citations de citoyens qui ponctuent régulièrement le texte en témoignent.
-
[8]
Ainsi, « un représentant d’une association de malades explique avoir organisé un débat sur la fin de vie dans un village de 4 000 habitants du Haut-Doubs : « 23 personnes se sont déplacées… Quelques jours plus tard, un salon du vin était organisé : il y a eu 2 300 participants. C’est dire si les questions de fin de vie intéressent » (Le Monde). À ce jour, nul ne semble avoir trouvé les moyens d’associer les Français à une réflexion sur le mourir, alors que cette thématique les concerne tous. L’enjeu est important car les questions sont complexes et les réductions faciles. L’utilisation de support vidéo, de chaînes de télévision parlementaires, d’Internet pourrait-elle être une alternative ?
-
[9]
Sont épargnés les Français dont on ne conteste pas les remarques, les demandes ou les volontés, ainsi que les associations militant pour une dépénalisation de l’euthanasie qui sont très peu évoquées.
-
[10]
La représentation commune des soins palliatifs est insatisfaisante. Ceux-ci sont assimilés à la phase terminale de la vie alors qu’ils requièrent une insertion dans la continuité du parcours du patient.
-
[11]
Dans ces mêmes structures, on constate une « occupation indue » par absence d’organisation en aval ou en amont.
-
[12]
Cette interruption des traitements peut se faire à la demande de la personne malade. Lorsque celle-ci ne peut plus signifier sa volonté, la responsabilité est médicale. Le médecin doit recueillir d’éventuelles directives anticipées, consulter la personne de confiance désignée par la personne malade et censée la représenter, organiser une procédure collégiale et argumenter sa décision dans le dossier.
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[13]
En 2008, seuls trois cancérologues en Île-de-France sur cent cinquante étaient formés aux soins palliatifs.
-
[14]
Vu l’ampleur du sujet, nous ne présenterons pas l’ensemble des propositions. Notons cependant, en ce qui concerne la néonatologie, que la Commission Sicard prend acte de tous les progrès faits en trois décennies concernant les situations de nouveau-né atteint de maladie grave ou d’handicap létal. Les questions sont d’autant plus complexes lorsque l’enfant n’est plus dépendant de techniques de réanimation mais qu’il parvient à téter. Dans ce contexte, un des enjeux des équipes est de « protéger à tout prix la famille d’un deuil à venir d’autant plus difficile qu’il serait lié à la complicité objective d’avoir demandé la mort de l’enfant ». Le renforcement des programmes de formation et la mise en œuvre de réflexions collectives sur l’obstination déraisonnable sont préconisés. Face à cette charge émotionnelle et cette complexité éthique, « le travail en équipe est toujours protecteur pour l’enfant, sa famille et le personnel soignant ».
-
[15]
Cette instance a pour mission d’accroître « la qualité en santé, afin d’assurer à tous les patients et usagers un accès pérenne et équitable à des soins aussi efficaces, sûrs et efficients que possible ». Dans cette optique, elle émet des recommandations nationales qui sont des repères de « bonnes pratiques ».
-
[16]
Cela nécessite que chaque établissement fasse un rapport annuel et que ces données soient analysées par l’INSERM et l’ONFV.
-
[17]
Le médecin a l’obligation de les consulter, mais pas de les respecter.
-
[18]
V. Danel-Brunaud, L. Laurier, K. Parent et alii, « Les enjeux de la loi Léonetti : participation des patients atteints de SLA à une discussion anticipée sur la réanimation respiratoire et les soins de fin de vie », Revue neurologique 165, 2009, p. 170-177.
-
[19]
Si le patient ne rédige pas de directives, le médecin n’a pas à se dédouaner de sa propre responsabilité. Il devra prendre ses décisions en tenant compte de critères cliniques et de ce qu’indiquent les repères d’existence de la personne malade.
-
[20]
Rapport Sicard.
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[21]
Des propositions sont aussi faites sur un axe d’accompagnement. Elles impliquent des choix financiers. Elles concernent le renforcement du congé de solidarité familiale, le soutien des associations par des exonérations fiscales ou le service civique.
-
[22]
« La distinction curatif-palliatif n’a aucun sens car la visée du soin évolue avec l’avancée de la maladie. »
-
[23]
Réunion de concertation pluridisciplinaire, réunion d’équipe, staff maladies chroniques, staff soins palliatifs…
-
[24]
Il pourrait être assisté par un professionnel formé à cette fonction de coordination.
-
[25]
L’évaluation médico-économique des soins devra être revue. La T2a apparaît comme « un principe inadapté […] dont les conséquences sont en particulier désastreuses pour la culture palliative ».
-
[26]
Elles contrebalancent une focalisation médiatique sur la thématique, quantitativement faible, de la demande d’euthanasie.
-
[27]
Mais s’il est unique, il se décline dans des orientations pas toujours compatibles. Des choix sont nécessaires.
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[28]
Développement professionnel continu.
-
[29]
Pourtant, la grande majorité des professeurs de médecine ne récusent pas la nécessité d’un développement de la formation en soins palliatifs. Mais cela ne doit pas empiéter sur leur territoire. Ainsi, dans le cadre de la réforme actuelle des études médicales, les items relatifs aux soins palliatifs demeurent très limités. Malgré les propositions répétées émanant du Collège national des enseignants en soins palliatifs (CNEFUSP), il n’existe pas de visibilité des soins palliatifs. Leur enseignement s’inscrit peu dans une continuité et leur insertion ne se fait pas de manière transversale dans les disciplines concernées.
-
[30]
Il existe, en France, quarante-sept facultés de médecine.
-
[31]
Une commission mixte, comprenant des représentants de la conférence des Doyens, des acteurs de soins palliatifs, des responsables politiques, mais aussi des représentants de la société civile, pourrait faire des propositions réalistes afin de renforcer la formation aux soins palliatifs dans les facultés de médecine.
-
[32]
Professeur Montero, de Namur.
-
[33]
C’est le titre du rapport.
-
[34]
Les pratiques de sédation sont encadrées par des recommandations HAS. De nombreuses sociétés savantes ont édifié des repères pratiques et éthiques relatifs aux limitations et arrêts de traitement. La loi Léonetti, le code de déontologie ont confirmé ces catégories.
-
[35]
Donatien Mallet, Nolwenn Begat, François Chaumier, Valérie Duchêne, Godeffroy Hisrch, Sophie Olivereau, Pratiques soignantes et dépénalisation de l’euthanasie, Paris, L’Harmattan, 2012.
-
[36]
Le premier temps est marqué par l’écoute de la personne dans sa demande et sa souffrance. Dans un second temps, il s’agit d’analyser les raisons de sa demande tout en construisant une rencontre respectueuse des identités, fonctions, responsabilités de chacun. Enfin, l’enjeu est de délibérer, individuellement et collectivement, afin de mettre en œuvre des soins et un accompagnement adaptés au patient et à son entourage.
-
[37]
Dans ses fondements, le compromis n’est pas la négation des repères des acteurs. Soignants et soigné gardent leurs référentiels distincts, mais chacun renonce à une prétention hégémonique. Le compromis atteste que la « valeur » de la rencontre dépasse les repères personnels de chaque acteur. Il entraîne un pacte qui est une modalité de lutter contre l’isolement ou une forme extrême de violence.
-
[38]
Ils pourraient être des conditions nécessaires – et non pas suffisantes – avant d’envisager une éventuelle transgression. D. Mallet, N. Begat, Fr. Chaumier, V. Duchêne, G. Hisrch, S. Olivereau, Pratiques soignantes et dépénalisation de l’euthanasie.
-
[39]
« Les juges, obligés de statuer, prononcent des peines, mais leur volonté de clémence apparaît nettement :
- Ils qualifient de délits des faits qui devraient en réalité s’inscrire dans la catégorie des crimes (affaire Humbert)
- Ils prononcent quasi systématiquement une peine de sursis pour les condamnations qui, au regard des textes, peuvent atteindre trente ans de réclusion criminelle (affaire Jensen, affaire Trémois).
- Ils leur arrivent de recourir aux circonstances atténuantes, comme la contrainte telle qu’elle est entendue par le droit pénal (affaire Humbert). » Cependant, le recours à cette appréciation judicaire n’est pas sans conséquence pour le médecin. Les délais entre la mise en examen et la décision définitive sont longs « avec ce que cela comporte de mise à l’écart. Pour des faits quasiment similaires, la qualification juridique peut différer d’une juridiction à l’autre. »
-
[40]
Il existe peu d’études sur le vécu des familles. Certains travaux semblent indiquer 20 à 30 % de deuils compliqués pour les proches présents lors d’un suicide assisté.
-
[41]
« Le fait de provoquer au suicide d’autrui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d’une tentative de suicide. »
-
[42]
« La proposition de loi qui devait devenir la loi du 31 décembre 1987 n’entend pas en l’espèce réprimer le suicide, qui est une affaire d’ordre personnel, mais souhaite seulement sanctionner le fait d’un tiers qui affecterait l’autonomie de la personne visée en transformant par son action, ses pressions, son influence, une personne libre en victime » (professeur Beigner).
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[43]
Le rôle du médecin est normalement assez limité. Il vérifie la volonté de la personne et rédige la prescription. Quant aux institutions, elles ont l’obligation d’accueillir les personnes qui souhaitent recourir à ce mode de fin de vie. Mais les équipes soignantes peuvent se retirer le jour du suicide.
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[44]
« Un ou deux cas de figure de ce type ont été répertoriés en quatorze années. » « Dans un cas, la mort est survenue au bout de trois jours et demi, et dans un autre, le malade s’est réveillé au bout de quelques heures et est mort quatorze jours après, des seules conséquences de sa maladie. »
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[45]
« Alors que c’était le cas pour 12,6 % des demandes entre 1998 et 2006. »
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[46]
« Cette présence n’aura été observée que deux fois sur la soixantaine de décès qui seront probablement enregistrés en 2012. » Il semble que beaucoup de médecins soient réticents à ces pratiques. Quant aux institutions de soins, elles sont peu concernées. Certaines interdisent à leurs médecins de prescrire le produit létal à la condition d’orienter la personne demandeuse vers un confrère réputé accepter.
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[47]
Center for Ethics in Health Care – Oregon Health and Science University.
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[48]
Le pharmacien bénéficierait aussi de la possibilité d’objection de conscience.
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[49]
Leurs souffrances sont intenses, d’autant plus qu’elles se déploient dans une chronicité sans perspective réelle d’amélioration.
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[50]
En 2010, 10 400 personnes sont décédées suite à un suicide. La France a un taux standardisé global de 14,7 suicides pour 100 000 décès, alors que la moyenne de l’Union européenne est de 10,2 (chiffres INSEE).
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[51]
Famille des barbituriques.
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[52]
Par exemple, le pentobarbital est exceptionnellement prescrit pour des insomnies à la dose de 100 mg. Dans le cadre du suicide assisté, il est prescrit à la dose de 10 g.
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[53]
Dans l’État d’Oregon, le décès survient le plus souvent au domicile du patient, mais un rapatriement dans une structure de soins est possible si l’agonie se prolonge. Dans le canton de Vaux, en Suisse, les établissements de santé ou médico-sociaux ont l’obligation d’accueillir les personnes qui souhaitent recourir à cette forme de fin de vie.
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[54]
Comme le signalait Ivan Illich, toute souffrance n’est pas « le résultat d’une technologie fautive, d’une législation injuste, ou d’un manque de médecine antalgique ».