Notes
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[1]
Michel Quint, Effroyables jardins, Éd. Joëlle Losfeld, 2000, p. 10.
-
[2]
Ernest renan, in La science positive et la science idéale.
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[3]
Colas Duflo, Pour des morales par provision, coll. « Autres temps », Labor et Fides, 1996, p. 28.
-
[4]
Voir Ibid., p. 33.
-
[5]
Ibid., préface de Paul Ricœur, p. 15.
-
[6]
Ibid, p. 16.
-
[7]
Notre travail s’est élaboré pour beaucoup à partir des trois numéros de la RETM, nos 210, 211, 212, Cerf, 1999-2000. Ceux-ci sont le fruit, pour une bonne part, des travaux du colloque de l’atem à Paris en 1998 : « La mémoire, un lieu théologique pour l’éthique ».
-
[8]
Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, Paris, PUF, p. 405 s.
-
[9]
Voir Alfredo Gomez-Muller, « Mémoire, liberté et pluralisme » in RETM, n° 210, septembre 1999, p. 21-36.
-
[10]
E. Kant, La Religion dans les limites de la simple raison, Paris, Vrin, 1983, p. 23.
-
[11]
Voir Charles Taylor, Le Malaise dans la modernité, coll. « Humanités », Paris, Cerf, 1999, p. 12.
-
[12]
A. Gomez-Muller, art. cit., p. 36.
-
[13]
Voir Cornilius Castoriadis, L’Institution imaginaire de la société, Paris, Éd. du Seuil, 1975, p. 277 s.
-
[14]
Cette section de la conférence s’inspire des travaux de François Ost, et plus particulièrement : La déclinaison éthique des temps juridiques (1997), Facultés universitaires Saint-Louis.
-
[15]
Louis Vereecke, « Histoire et morale selon Veritatis Splendor », RETM, n° 188-1989, janvier-juin 1994, p. 336.
-
[16]
P. Legendre, « L’impardonnable », in Le Pardon. Briser la dette et l’oubli, sous la dir. d’O. Abel, Paris, Autrement, coll. « Morales » 4, 1991, p. 18-33.
-
[17]
In V. Jankélévitch, L’Imprescriptible, Paris, Éd. du Seuil, 1986.
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[18]
Voir M. Delmas-Marty, Pour un droit commun, Paris, Éd. du Seuil, coll. « La Librairie du xxe siècle », 1994, p. 275.
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[19]
E. Weil, Philosophie morale, Paris, Vrin, 2003, p. 21.
-
[20]
Voir Ibid., p. 44.
-
[21]
On lira, avec profit, en écho direct à cette question de pouvoir sortir de la vengeance l’article de Anahide ter minassian, « Le différend » in Le Pardon. Briser la dette et l’oubli, op. cit., p. 158-170, à propos du génocide arménien : « Ce qu’il y a de terrifiant, c’est que le travail du deuil ne peut pas se faire : il est devenu impossible. Ainsi, les Arméniens n’ont pas pu “enterrer” leurs morts, et cela dans les deux sens du terme. D’abord très concrètement. Une scène revient comme un leitmotiv dans tous les récits de déportation. Parce qu’il faut marcher, avancer, on est dans l’obligation d’abandonner le moribond ou le mort. On ne peut pas enterrer sa mère, sa sœur, son père. Leurs corps restent sans sépulture ou sont dévorés par les bêtes de proie. Cette “déshumanisation” a laissé un grand sentiment de culpabilité chez tous les survivants. Et puis le travail du deuil ne s’est pas fait, parce que ceux qui ont vécu ces événements ne les ont pas acceptés, n’ont pas accepté de les avoir vécus. C’est cela qui a été transmis, l’inacceptable. » Seule la reconnaissance du génocide serait « une sépulture pour les morts », ajoute-t-elle encore.
-
[22]
Voir Guy Coq, Que m’est-il donc arrivé ? Un trajet vers la foi, Paris, Éd. du Seuil, 1995, p. 125.
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[23]
Voir E. Schillebeeck, Concilium, n° 36, 1968, p. 27-44 ; et avec D. Mieth, n° 120, 1976, p. 34-35.
-
[24]
Voir les réflexion d’E. Fuchs et P.-A. Strucki, Au nom de l’Autre. Essai sur les fondements des droits de l’homme, Labor et Fides, 1985, p. 117-121 et p. 101-124.
-
[25]
Voir G. Médevielle, « Acte de mémoire », in RETM, n° 212, mars-avril 2000, p. 71-95.
-
[26]
Voir l’instance du « particulier » en éthique : la sagesse habituelle d’une communauté de destinée.
-
[27]
L’expression est de V. Jankélévitch (op. cit., p. 16).
-
[28]
V. Jankélévitch, Le Pardon, Paris, Aubier-Montaigne, 1967, p. 17.
-
[29]
O. Abel, « Tables du pardon », in Le Pardon, op. cit., p. 229. (L’auteur prend pour exemple les réformes de Clisthène à Athènes et l’année du Jubilé chez les Hébreux.)
-
[30]
Pensons à ce douloureux et magnifique travail de l’Afrique du Sud à travers la commission « Vérité et Réconciliation ».
-
[31]
O. Abel, « Tables du pardon », op. cit., p. 219.
-
[32]
Voir O. Abel, « Éloge de l’oubli : rupture et répétition », in RETM, n° 211, décembre 1999, suite des actes du colloque de l’atem, « La mémoire, un lieu théologique pour la morale ».
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[33]
Nous évoquons ici la problématique de W. Benjamin ; voir par exemple Jeanne-Marie Gagnebin, Histoire et narration chez W. Benjamin, coll. « La philosophie en commun », Paris, L’Harmattan, 1994.
-
[34]
La torture a justement pour but de créer quelque chose d’inoubliable, une obsession, une mémoire malade.
-
[35]
O. Abel, « Éloge de l’oubli : rupture et répétition », art. cit., p. 147.
-
[36]
Voir la définition de l’inconscient de Jacques Lacan : ce qui dans l’homme est la mémoire de ce qu’il oublie.
-
[37]
Voir les différentes sortes d’oubli chez Paul Ricœur dans Temps et Récit.
-
[38]
Christian Duquoc, « Le pardon de Dieu », in Concilium, n° 204, 1986, p. 57.
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[39]
Pensons aux prises de parole à propos de l’interdit du clonage humain reproductif ou aux déclarations du comité d’éthique de l’Unesco.
-
[40]
En ce sens, voir H. Arendt, Condition de l’homme moderne.
-
[41]
Nous pensons ici, en éthique médicale, à tous les travaux autour de l’éthique de prédiction.
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[42]
On ne peut sous-estimer la place de l’espérance de vie dans des engagements qui traversent alors des crises devant lesquelles les institutions, religieuses comme laïques, sont assez démunies en terme de tradition. Mais, sur un autre terrain, on peut penser au « testament de vie » que réclame les tenants de l’euthanasie : ne serait-ce pas un engagement démesuré ?
-
[43]
C. Castoriadis, L’Institution imaginaire de la société, p. 277 s.
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[44]
« Tout ce qui est sans mesure vient du diable » : apophtegme des Pères du désert.
-
[45]
Johann Baptist Metz, La Foi dans l’histoire et dans la société (1977), trad. fr., coll. « Cogitatio Fidei », Paris, Cerf, 19992, p. 107 s.
« Sans vérité, comment peut-il y avoir de l’espoir ? [1] »
Propos
« Le dix-neuvième siècle est grand, mais le vingtième sera heureux. »
1Tout avait pourtant bien commencé. La fin du xixe siècle laissait entrevoir un avenir radieux pour l’humanité. Les progrès conjugués des sciences et des techniques devaient inéluctablement conduire les hommes vers le progrès moral. Porte-parole de cette vision optimisme, Ernest Renan exprima à de nombreuses occasions sa foi en une philosophie de l’histoire centrée sur l’idée de progrès. Ainsi déclarait-il en 1886 : « En s’attachant aux grandes périodes, on voit clairement que le rôle de l’erreur et de la méchanceté décroît, à proportion que l’on avance dans l’histoire du monde. Les sociétés deviennent de plus en plus policées, et j’oserai dire de plus en plus vertueuses. La somme du bien va toujours en augmentant, et la somme du mal en diminuant, à mesure que la somme de vérité augmente et que l’ignorance diminue dans l’humanité. C’est ainsi que la notion de progrès s’est dégagée comme un résultat a posteriori des études historiques. [2] »
2L’histoire trompa malheureusement cette confiance. Loin d’être heureux, le xxe siècle fut marqué du sceau de la barbarie : des champs de bataille de la Première Guerre mondiale aux camps de la mort, le cours de l’histoire s’orienta dans une direction bien étrangère à toute idée de progrès. La barbarie n’était certes pas chose nouvelle ; toutes les époques avaient eu droit à leur part de drame et de souffrance. Cependant, sa manifestation moderne se distingua principalement par son ampleur et par un caractère inédit : l’utilisation des capacités scientifiques et techniques à des fins d’extermination et de génocide.
3Ce phénomène inconnu dans l’histoire de l’humanité contribua largement à l’émergence d’une sensibilité accrue vis-à-vis des implications éthiques du développement technoscientifique. La bioéthique et de grands principes éthiques contemporains trouvent, pour une bonne part, leur origine dans ces grandes catastrophes de l’histoire.
4Une éthique donc qui devra prendre en charge une mémoire. Sans pour autant croire y rencontrer les réponses des chemins d’aujourd’hui. Et, à ce titre, nous ne devons pas nous lamenter d’avoir ce sentiment, bien connu de la tradition mystique, que « là il n’y a plus de chemin ». Car alors est l’obligation pour chacun et les sociétés de rebâtir sa maison [3].
5Peut y naître une morale qui se sait non définitive, sans prétendre constituer la vérité ultime, une morale par provision [4]. Morale par provision parce qu’il y a encore de l’incertain et que la décision ne peut attendre la certitude.
6Enfin, notre tentative de recherche ne se fera pas sans cette question. Comment trouverions-nous le courage de nous déterminer dans l’incertain, si notre effort ne pouvait s’assurer d’aucun soutien [5] ? Et c’est ici que se posera pour nous l’enjeu même d’une éthique théologique. Non le christianisme tel une réserve de sens face à la nouveauté, parfois à l’inattendu des questions éthiques de la modernité. Mais plus fondamentalement, plus durablement aussi, une possible interprétation chrétienne de la source d’espérance « d’où peut jaillir la grâce d’un soutien donné au courage d’être et d’agir. Donné aussi à l’effort pour instaurer une cohérence pratique entre ses propres principes et ses propres engagements au sein de la morale par provision que l’on assume [6] ».
Comprendre notre situation : proposition d’une herméneutique de l’éthique avec la conception libérale [7]
7La liberté libérale se définit par le pouvoir de commencer [8]. La liberté signifie le pouvoir de légiférer exclusivement à partir de soi-même, faisant abstraction de toute détermination extérieure. Compréhension kantienne de la liberté comme autonomie par rapport à l’hétéronomie. Pure suffisance à soi d’un sujet purement abstrait, détaché de tout donné social et historique et donc de toute mémoire. La liberté est ainsi capacité à commencer à partir de soi-même et donc à partir du pur présent [9]. Se trouve au cœur de ce propos l’idée que le sujet préexiste à la société, qu’il n’y a donc pas de commencement social. Le sujet libéral est sujet avant de se trouver engagé dans des rapports avec autrui et donc indépendamment de tout lien d’appartenance et de toute mémoire sociale. Il est sujet a priori.
8Le lien avec le passé revêt ainsi une signification inquiétante : en tant que donné dans lequel l’histoire propre et l’histoire commune se mêlent, le passé met en question la prétention autarcique à l’absolue suffisance à soi. Le passé est toujours déjà là. Signe de l’Autre, pure hétéronomie que le sujet autarcique se pose comme un être sans commencement dans le temps.
9Trois dichotomies découlent de cette conception : liberté / mémoire – rationalité / historicité – temps présent / temps passé. Elles sont devenues des signes caractéristiques de la modernité libérale individualiste. S’en dégage une conception inédite de l’éthique et de la rationalité pratique : définie par la rupture entre la question du bonheur et la question du devoir ; entre la problématique du bien et celle du juste, cette conception libérale de l’éthique entend s’abstenir de toute indication positive relative aux fins et aux valeurs. Ainsi nouvelle dichotomie entre normativité et téléologie. La morale doit être sans mémoire ; et sans fin. « Pour bien agir, en morale, il n’est pas nécessaire d’avoir un but [10]. » Le sujet moral agit pour agir moralement, c’est-à-dire pour préserver la coexistence entre des volontés originellement séparées, mais reliées par l’intérêt de la coexistence. Intérêt de la coexistence qui est une finalité et non une fin. Ainsi cette signification de l’éthique comme finalité sans fin est donc corrélative de l’effacement du sens de l’agir et plus généralement du sens de l’expérience du monde.
10Quant aux fins, aux valeurs et aux sens, le libéralisme individualiste ne reconnaît pas l’existence de conceptions au sens strict, c’est-à-dire d’élaborations réflexives comportant comme telle un certain degré d’objectivité, mais seulement d’opinions. Alors, aucune opinion relative au bien et aux valeurs n’est préférable à une autre. Se dégage ainsi une compréhension spécifique du sens, de fins, des valeurs, comme opinions : non pas un pluralisme de significations, d’argumentations, mais d’opinions.
11S’opère ainsi une certaine uniformisation du symbolique : chacun a le droit de choisir ses propres valeurs et sa propre fin mais ces valeurs et ces fins sont dans tous les cas de simples opinions, c’est-à-dire l’expression de préférence purement subjectives et arbitraires. On peut se reporter à Charles Taylor parlant de « l’aplatissement » et du « rétrécissement » de la vie des sociétés où l’utopie, l’idéal de la passion, tendent à disparaître et où les derniers des hommes (Nietzsche) n’aspirent plus qu’à un « minable confort [11] ».
12Partant de cet « état de la pensée », comment rendre possible une interprétation de la temporalité qui permettra à l’éthique d’être éthique, c’est-à-dire de décider ? Il nous faut alors poser un double pari, une double tâche aussi. C’est seulement à partir de celle-ci que cette problématisation sera rendue praticable.
13– Élaboration d’une autre conception de la liberté, intégrant la détermination originairement sociale de l’humain et se définissant comme pouvoir de répondre plutôt que de commencer. Ainsi prendre acte du principe d’autonomie mais non de son interprétation autarcique. L’appropriation d’un contenu éthico-symbolique est toujours recréation de sens et non création ex nihilo. Au sein d’une recréation intersubjective continuée, la liberté répond à l’histoire comme elle répond pour l’avenir, dans le présent. Et en particulier répondre de la vie de l’autre.
14– Développement d’une autre anthropologie comprenant la subjectivité humaine comme intersubjectivité. Perspective communicationnelle : dans le dialogue avec d’autres traditions et avec ce qui dans la propre tradition est autre. « Dans cette perspective, le pluralisme pourrait avoir un autre sens : il désignerait non plus le pluralisme d’opinions, fondé sur l’uniformisation du symbolique, mais celui des mémoires. [12] »
15À partir de cette perspective, une intersubjectivité qui puisse répondre de l’autre et avec lui, il nous est possible d’effectuer une réinterprétation de la temporalité tel ce rapport de l’institué à l’instituant. Il est nécessaire qu’une communauté sociale prenne le risque de l’auto-altération comme chance pour de nouvelles créations [13]. Se lira, alors, son effort de résistance aux pentes de l’oubli et du ressentiment.
Rythme en quatre temps de la mémoire et du pardon, de la promesse et de la remise en question [14]
16Rythme qui engage effort et courage pour chaque scansion du temps. Face à la pente naturelle du temps ; contre les vindictes accumulées des rancœurs ; devant les séductions des intérêts successifs ; devant, enfin, la peur de l’inconnu ou le lien des habitudes. Effort et courage, non par volonté arc-boutée, mais par passion pour le temps des hommes.
De la mémoire
17« Les sources de la moralité sont toutes affectées par la dimension historique, toutes elles manifestent une évolution qui les fait entrer, de quelque façon, dans le domaine historique [15]. »
18Alors que nous assistons à une véritable crise de la transmission, que nous avons une propension certaine à oublier des pages de notre histoire, nombreux sont ceux qui aujourd’hui revendiquent un « devoir de mémoire », un « acte de mémoire », une « fidélité de la mémoire ».
19En 1998, c’était : les quatre cents ans de l’Édit de Nantes, les cent cinquante ans de l’abolition de l’esclavage, les cinquante ans de la déclaration universelle des Droits de l’Homme, les trente ans de mai 1968.
20La première forme du temps instituant est en effet celle de la mémoire. La mémoire qui rappelle qu’il y a du donné et de l’institué. Des événements qui ont compté et qui comptent encore, susceptibles de conférer un sens (une direction et une signification) à l’existence. En se remémorant, l’homme lutte contre l’oubli et la mort, et ainsi déjoue l’irréversibilité qui menace. Cette mémoire active ne devrait pas être pour autant l’enfermement dans un passé révolu et obsédant : elle est, au contraire, la condition nécessaire pour une autre fin.
21Pensons, tout d’abord, à nos débats à propos des PMA, de l’accouchement sous X, ne savons-nous pas l’enjeu de la mémoire ? Établir une filiation [16] et attribuer à un enfant le nom de ses auteurs, c’est bien plus qu’une formalité : insérer le nouveau sujet dans une généalogie, c’est lui signifier l’instance de la loi (du Tiers dont le père est porte-parole) et ainsi l’arracher au fantasme de « l’auto-fondation du sujet roi », tout en lui assurant une place dans la commune humanité. Inscrire le sujet dans une lignée, prosaïquement, c’est le dispenser d’avoir à se fonder lui-même (entreprise démente assurément) et lui signifier qu’il y a de l’indisponible radical, quelque chose comme un interdit fondateur, un donné à partir duquel seulement (et pas en deçà duquel) il sera possible de produire du sens.
22Pensons aussi à l’importance de la mémoire de la négativité. C’est bien à partir de celle-ci que Vladimir Jankélévitch [17] parlera de « crime métaphysique », car c’est l’humanité même de l’homme qui est atteinte : là où doivent s’affirmer des droits « indérogeables », et se reconnaître des « crimes imprescriptibles ». S’énoncent ainsi des droits fondamentaux minima : l’interdit de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, celui de l’esclavage et de la servitude [18]. Interdit adressé aux États comme aux individus. Mémoire de la négativité qui rejoint les profondeurs de l’inscription de l’humain, car comme nous le rappelle Éric Weil : « Aucun assassinat premier n’explique la morale ; sans morale il n’y aurait nulle différence entre la mort du père tué par ses fils et celle du père étouffé par un ours : il n’y aurait pas d’assassinat [19]. » C’est l’universel qui donne à la règle particulière son sens moral et non l’origine particulière de la règle particulière qui ne saurait créer la possibilité d’un sens [20].
23Bien entendu, le danger de dogmatisme pointe ici dès lors que la tradition risque toujours de devenir l’objet d’une simple répétition acritique. Ceci nous conduit à évoquer finalement le danger que peut représenter l’acte de mémoire lorsqu’il en vient à interdire tout avenir, spécialement lorsqu’il arrête les horloges sur le temps de la faute. Dans ce cas, la société risque de s’enfermer dans un passé traumatique qui ne lui livre d’autres perspectives que l’éternelle rumination de la rancœur et du ressentiment.
24Rappelons-nous Antigone. La tragédie de Sophocle ne se réduit pas au rappel des vieux interdits fondateurs. À travers le « forfait » d’Antigone, l’accomplissement d’un rite funéraire élémentaire, on pourrait voir plus que la satisfaction d’un prescrit culturel, mais un geste d’amour et de pardon à l’égard d’un frère rebelle et traître à la Cité. Alors que Créon se retranche derrière cet aphorisme rassurant : « l’ennemi même mort n’est jamais un ami », Antigone lui répondra : « Je suis de ceux qui aiment, non de ceux qui haïssent ». Perce ici l’écho d’une tout autre loi, bien plus audacieuse et créatrice que celle de la vengeance : la règle du pardon qui, précisément, met un terme à l’enchaînement de la vengeance et à la succession des malheurs.
25Et, d’autre part – seconde originalité du drame de Sophocle –, il ne s’agit pas ici d’insister sur l’imprescriptibilité d’un crime, mais bien plutôt sur le caractère indérogeable d’un droit : tout homme, quel que soit le forfait qu’on lui reproche, a droit à une sépulture – quelque chose comme l’équivalent pour l’au-delà de l’asile politique. Il ne s’agit donc pas de s’enfermer dans la logique close du ressentiment mais, au contraire, de consacrer le droit indérogeable à une libération dans cet « ailleurs ». Ainsi ce serait le décret « moderne » de Créon qui s’incruste dans le temps statique et traumatique de la rancœur [21].
26Ainsi y a-t-il une bonne [22] mémoire de l’indignation [23]. Là où la conscience éthique au cœur d’une négativité, toujours située historiquement, fonctionne comme capacité de discernement, de saisie et d’interprétation d’un toujours déjà-là exprimé au titre d’une promesse [24] de vivre ensemble et de réalisation de soi. Promesse d’existence car aucun sage au monde n’oserait fonder sur de simples faits historiques que la vérité, le bonheur, la justice, est possible. C’est bien par la médiation [25] des autres et tout particulièrement des morts qui ne sont plus accessibles, que l’obligation et l’action éthique peuvent être discernées. Le « passant », que nous sommes, n’est pas en position d’origine ni d’émetteur de la promesse d’humanisation, il la reçoit.
27Enfin, pour conclure cette première temporalité, n’oublions pas que ce n’est pas que dans ces circonstances tragiques que le temps de la mémoire affleure à la surface des élaborations éthiques. Dans le quotidien également, il structure bon nombre de situations et de comportements, de mœurs, sous la forme de normes, verbalisées ou non, mais néanmoins profondément inscrites dans le patrimoine de sagesse [26]. Avec une nouvelle interrogation : de quoi pouvons-nous faire mémoire quand la nouveauté des situations et des problèmes nous plonge dans l’indétermination et le manque de solution délivrée par une tradition ? Et à l’heure du pluralisme, quelle mémoire peut être fondamentale et disponible pour s’orienter dans une vie sensée ?
28Rappelons ici simplement que la juste mémoire aura au moins trois conditions : les corrections concernant des éléments oubliés, travestis ; s’ouvrir à l’universel d’une promesse pour tous ; oser regarder en face la souffrance des victimes et le récit des fautes.
Le pardon
29Second temps constitutif. Cette « généreuse illégalité [27] », principe de mobilité et de fluidité », écrit Vladimir Jankélévitch [28]. Délier les entraves du passé qui le retenaient de s’ouvrir. Le pardon est ainsi la capacité de renversement de la flèche du temps, et, à ce titre, de libération des possibles. Songeons « seulement » à Jésus que les pharisiens voulaient piéger à propos de la femme adultère, coupable sans doute selon la loi mosaïque, mais pardonnée selon la loi évangélique : « Que celui qui est sans péché soit le premier à lui jeter la pierre » (Jean 8). Le temps du pardon opère comme une sorte « d’année zéro où les dettes seraient abolies, les esclaves libérés, les terres redistribuées de manière égale [29] ».
30Un tel pardon ne se ramène ni à l’indifférence stoïcienne (la « grandeur d’âme »), ni à l’excuse intellectuelle (la recherche d’excuses, de motivations, de circonstances atténuantes, voire de torts partagés), ni à la « liquidation » (croix hâtive tracée sur le passé pour en chasser les importuns et en refouler les embarras), ni à l’effet du seul écoulement du temps. Il est, au contraire, un acte de mémoire et une rémission : effacement délibéré d’une offense bien réelle. Inauguration d’une nouvelle histoire, de nouvelles significations et directions offertes. L’offensé, la victime, peut se trouver enchaîné au ressentiment, comme le coupable au remords. L’un et l’autre se libèrent ensemble de ce passé obsessionnel et se rendent disponibles pour un avenir à nouveau possible [30]. Le pardon serait bien ainsi une mémoire, écrit O. Abel, « mais une mémoire différente. Une mémoire qui n’est pas l’interminable récit du passé, ou plus exactement l’interminable garantie d’une identité ; mais la mémoire d’une promesse, un désormais tout sera autrement [31] ».
31Cette mémoire s’articule paradoxalement sur une forme d’« éloge de l’oubli [32] ». D’un type d’oubli qui n’est pas l’écoulement du temps. Et les écoles analytiques nous ont enseigné qu’il faut parfois oublier plusieurs fois jusqu’à ce que l’on se souvienne de quelque chose, comme il faut parfois se souvenir plusieurs fois (et se souvenir « complètement ») pour pouvoir oublier vraiment [33]. C’est un des sens de la narration qui essaye de raconter et de se souvenir complètement, en emportant dans son flot l’obstacle de la douleur, jusqu’à pouvoir parvenir à cet oubli. Ainsi « peut-on agir au présent, et peut-on être présent, parce qu’il y a une faculté d’oubli qui est elle-même active. Ce qui est malade dans le ressentiment [34], c’est qu’on réagit non à la blessure ancienne, mais à la cicatrice de la blessure que l’on ne cesse de rouvrir mais qui n’a plus rien à voir avec la blessure antérieure. On ne se souvient pas de la blessure, on se souvient du souvenir de la blessure [35]. »
32L’enjeu : parvenir à une mémoire active, une mémoire de la promesse et non du ressentiment, bref une mémoire de l’assentiment. Une mémoire qui rend possible non une liberté pour commencer, mais une liberté pour répondre. Une mémoire car il en faut pour se souvenir qu’il faut oublier [36].
33Si la mémoire consiste en la capacité à pouvoir différer, l’oubli est la capacité à cesser de différer. Capacité à revenir à zéro [37].
34Ainsi avons-nous une double injonction : faire mémoire et ne pas oublier d’oublier comme ce qui respecte une sorte de délai anthropologique.
35Pour conclure cette seconde temporalité, juste une incise du côté de la théologie à propos du « pardon de Dieu ». Il n’est ni écoulement du temps, ni laxisme. Mais il est là pour autoriser un nouvel espace. Un pardon de Dieu, révélé par celui qui fut victime d’un crime, et ne cesse de signifier que Dieu est solidaire des victimes de l’histoire. Non pour le ressentiment mais l’assentiment à un monde renouvelé par création de nouvelles relations. Conversion et non par substitution de puissance [38].
36Ceci nous amène à prendre en considération le troisième terme, la promesse.
La promesse
37L’avenir est un champ de possibles, un terrain d’investissement, un espace de projet, une source d’espérance. Mais il est aussi, à l’inverse, objet de souci et d’incertitudes. Il est à la fois l’objet d’« attentes » et d’« alarmes ». Comment, alors, vivre dans cette tension ? Comment supporter cette contradiction et ce retournement sans cesse menaçant ? La promesse, comme institution, tente de faire face, à double titre :
- contre l’inconséquence des dispositions humaines, hésitantes et volatiles, mais aussi contre la violence toujours tapie, elle oppose le lien de l’engagement par le plus fragile et pourtant le plus réel de l’humain : sa parole. Parole singulière ; parole des sociétés, des États. Engagements ratifiés pour signifier une orientation [39] ;
- contre l’incertitude du contexte de l’action, résultant lui-même d’une multitude de facteurs exogènes de plus en plus en interaction, elle offre la sécurité d’une option prise, en principe de façon irréversible [40]. Dans le brouillard engendré par l’interaction des libertés à l’œuvre dans un monde lui-même peu prévisible, la promesse, socialement garantie, est peut-être ce qui vient rendre possible le courage dont nous parlions en début de cet article. Un courage pour vivre dans un monde « en fuite », c’est-à-dire désormais sans centre repérable. Un courage aussi pour nous estimer nous-mêmes, au cœur de nos égarements.
38Bien sûr, des dangers peuvent poindre d’une survalorisation du temps de la promesse. En particulier dans un accaparement déraisonnable de la durée [42].
39Aussi la promesse doit-elle trouver des figures de souplesse, vivre avec des moments de rupture qui vont introduire un peu de désordre nécessaire à une vie qui demeure vivante, et donc instituante.
40À nouveau, pour le plaisir, je me permets juste un mot en direction de la tradition théologique et biblique. La promesse s’y décline sous la figure majeure de l’Alliance. Une Alliance scellée en Dieu, fondatrice de toute relation. Ce que celle-ci évoque à nos promesses malhabiles est d’essayer de ne jamais être usée par l’usage, la fidélité de Dieu ne l’étant pas, car vivante, infatigablement.
La remise en question
41De même que le pardon délie la mémoire du ressentiment, peut-on penser, en quelque sorte, délier l’avenir ? Non pas en permanence, sinon nous en revenons au « tohu bohu » des origines, à l’aléa de la violence toujours prête à l’élancer. Mais graduellement, afin de réorienter les promesses devant justement les figures non prévisibles que prend chaque présent. Le législateur a su donner une forme concrète, inédite, à cette remise en question lors de la promulgation des lois dites de bioéthique en 1994. En effet, il fut décidé, dans la loi elle-même, que cette dernière serait révisée après cinq ans. Et ceci de par une incapacité à prévoir tous les effets et conséquences. Devant une nouvelle figure de la réalité, il est ainsi nécessaire de reprendre les données de la promesse afin de la réaffirmer. Personne n’incarne la vérité, mais encore ne la détient. C. Castoriadis peut donc écrire que la démocratie « a inauguré la mise en question explicite par la société de son propre imaginaire institué [43] ».
42Remettre en question avec mesure, diraient les premiers moines [44]. Avec prudence, dirait de concert la tradition philosophique et théologique. De cette prudence comme vertu qui permet de s’ajuster à la bonne décision, en un contexte précis, du sein de la temporalité. Faire ainsi face tant aux impatients qu’aux traditionalistes d’une heure de l’histoire.
Conclusion provisoire
43Articuler ainsi ces temporalités, penser la liberté comme l’autonomie nécessaire pour répondre et avant tout répondre de la vie de l’autre, de son égale dignité au cœur des perplexités qu’impose le réel, penser la subjectivité comme un récit, signe d’une commune appartenance à une communauté d’humanitude, c’est donner à l’éthique cette chance de tisser le singulier, le particulier, l’universel. C’est alors donner sa chance au présent telle « cette unique matinée de printemps » qu’il ne faut pas perdre. Retour sur le présent où l’éthique affirme sa réalité en « tranchant sans se retrancher ».
44Le clin d’œil théologique, si je puis me permettre, serait alors de rappeler « l’avenir de la mémoire de la souffrance [45] ». Celle du Christ, et par lui celle des victimes. Avenir d’une mémoire qui est promesse d’avenir de fraternité. Cette mémoire vive, vivante, pointe vers les figures du mal, sort du ressentiment, risque de se fier à des paroles échangées et oser inscrire l’incertain et l’ambigu comme une obligation pour agir. Aussi la théologie, du cœur de l’éthique, fait signe vers une capacité pour l’homme de devenir lui-même, non sans les autres.
45Oui, nous pouvons vraiment aimer la liberté, celle de notre capacité à répondre. Celle où nous marchons ensemble, ébranlés. En quête de cette lancinante interrogation : qui est l’homme, comment faire la vérité ? Comment s’assurer, pas après pas, que nos progrès techniques, nos évolutions de mœurs, sont des avancées d’humanité ?
Notes
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[1]
Michel Quint, Effroyables jardins, Éd. Joëlle Losfeld, 2000, p. 10.
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[2]
Ernest renan, in La science positive et la science idéale.
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[3]
Colas Duflo, Pour des morales par provision, coll. « Autres temps », Labor et Fides, 1996, p. 28.
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[4]
Voir Ibid., p. 33.
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[5]
Ibid., préface de Paul Ricœur, p. 15.
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[6]
Ibid, p. 16.
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[7]
Notre travail s’est élaboré pour beaucoup à partir des trois numéros de la RETM, nos 210, 211, 212, Cerf, 1999-2000. Ceux-ci sont le fruit, pour une bonne part, des travaux du colloque de l’atem à Paris en 1998 : « La mémoire, un lieu théologique pour l’éthique ».
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[8]
Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, Paris, PUF, p. 405 s.
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[9]
Voir Alfredo Gomez-Muller, « Mémoire, liberté et pluralisme » in RETM, n° 210, septembre 1999, p. 21-36.
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[10]
E. Kant, La Religion dans les limites de la simple raison, Paris, Vrin, 1983, p. 23.
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[11]
Voir Charles Taylor, Le Malaise dans la modernité, coll. « Humanités », Paris, Cerf, 1999, p. 12.
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[12]
A. Gomez-Muller, art. cit., p. 36.
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[13]
Voir Cornilius Castoriadis, L’Institution imaginaire de la société, Paris, Éd. du Seuil, 1975, p. 277 s.
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[14]
Cette section de la conférence s’inspire des travaux de François Ost, et plus particulièrement : La déclinaison éthique des temps juridiques (1997), Facultés universitaires Saint-Louis.
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[15]
Louis Vereecke, « Histoire et morale selon Veritatis Splendor », RETM, n° 188-1989, janvier-juin 1994, p. 336.
-
[16]
P. Legendre, « L’impardonnable », in Le Pardon. Briser la dette et l’oubli, sous la dir. d’O. Abel, Paris, Autrement, coll. « Morales » 4, 1991, p. 18-33.
-
[17]
In V. Jankélévitch, L’Imprescriptible, Paris, Éd. du Seuil, 1986.
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[18]
Voir M. Delmas-Marty, Pour un droit commun, Paris, Éd. du Seuil, coll. « La Librairie du xxe siècle », 1994, p. 275.
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[19]
E. Weil, Philosophie morale, Paris, Vrin, 2003, p. 21.
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[20]
Voir Ibid., p. 44.
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[21]
On lira, avec profit, en écho direct à cette question de pouvoir sortir de la vengeance l’article de Anahide ter minassian, « Le différend » in Le Pardon. Briser la dette et l’oubli, op. cit., p. 158-170, à propos du génocide arménien : « Ce qu’il y a de terrifiant, c’est que le travail du deuil ne peut pas se faire : il est devenu impossible. Ainsi, les Arméniens n’ont pas pu “enterrer” leurs morts, et cela dans les deux sens du terme. D’abord très concrètement. Une scène revient comme un leitmotiv dans tous les récits de déportation. Parce qu’il faut marcher, avancer, on est dans l’obligation d’abandonner le moribond ou le mort. On ne peut pas enterrer sa mère, sa sœur, son père. Leurs corps restent sans sépulture ou sont dévorés par les bêtes de proie. Cette “déshumanisation” a laissé un grand sentiment de culpabilité chez tous les survivants. Et puis le travail du deuil ne s’est pas fait, parce que ceux qui ont vécu ces événements ne les ont pas acceptés, n’ont pas accepté de les avoir vécus. C’est cela qui a été transmis, l’inacceptable. » Seule la reconnaissance du génocide serait « une sépulture pour les morts », ajoute-t-elle encore.
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[22]
Voir Guy Coq, Que m’est-il donc arrivé ? Un trajet vers la foi, Paris, Éd. du Seuil, 1995, p. 125.
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[23]
Voir E. Schillebeeck, Concilium, n° 36, 1968, p. 27-44 ; et avec D. Mieth, n° 120, 1976, p. 34-35.
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[24]
Voir les réflexion d’E. Fuchs et P.-A. Strucki, Au nom de l’Autre. Essai sur les fondements des droits de l’homme, Labor et Fides, 1985, p. 117-121 et p. 101-124.
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[25]
Voir G. Médevielle, « Acte de mémoire », in RETM, n° 212, mars-avril 2000, p. 71-95.
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[26]
Voir l’instance du « particulier » en éthique : la sagesse habituelle d’une communauté de destinée.
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[27]
L’expression est de V. Jankélévitch (op. cit., p. 16).
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[28]
V. Jankélévitch, Le Pardon, Paris, Aubier-Montaigne, 1967, p. 17.
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[29]
O. Abel, « Tables du pardon », in Le Pardon, op. cit., p. 229. (L’auteur prend pour exemple les réformes de Clisthène à Athènes et l’année du Jubilé chez les Hébreux.)
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[30]
Pensons à ce douloureux et magnifique travail de l’Afrique du Sud à travers la commission « Vérité et Réconciliation ».
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[31]
O. Abel, « Tables du pardon », op. cit., p. 219.
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[32]
Voir O. Abel, « Éloge de l’oubli : rupture et répétition », in RETM, n° 211, décembre 1999, suite des actes du colloque de l’atem, « La mémoire, un lieu théologique pour la morale ».
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[33]
Nous évoquons ici la problématique de W. Benjamin ; voir par exemple Jeanne-Marie Gagnebin, Histoire et narration chez W. Benjamin, coll. « La philosophie en commun », Paris, L’Harmattan, 1994.
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[34]
La torture a justement pour but de créer quelque chose d’inoubliable, une obsession, une mémoire malade.
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[35]
O. Abel, « Éloge de l’oubli : rupture et répétition », art. cit., p. 147.
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[36]
Voir la définition de l’inconscient de Jacques Lacan : ce qui dans l’homme est la mémoire de ce qu’il oublie.
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[37]
Voir les différentes sortes d’oubli chez Paul Ricœur dans Temps et Récit.
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[38]
Christian Duquoc, « Le pardon de Dieu », in Concilium, n° 204, 1986, p. 57.
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[39]
Pensons aux prises de parole à propos de l’interdit du clonage humain reproductif ou aux déclarations du comité d’éthique de l’Unesco.
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[40]
En ce sens, voir H. Arendt, Condition de l’homme moderne.
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[41]
Nous pensons ici, en éthique médicale, à tous les travaux autour de l’éthique de prédiction.
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[42]
On ne peut sous-estimer la place de l’espérance de vie dans des engagements qui traversent alors des crises devant lesquelles les institutions, religieuses comme laïques, sont assez démunies en terme de tradition. Mais, sur un autre terrain, on peut penser au « testament de vie » que réclame les tenants de l’euthanasie : ne serait-ce pas un engagement démesuré ?
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[43]
C. Castoriadis, L’Institution imaginaire de la société, p. 277 s.
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[44]
« Tout ce qui est sans mesure vient du diable » : apophtegme des Pères du désert.
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[45]
Johann Baptist Metz, La Foi dans l’histoire et dans la société (1977), trad. fr., coll. « Cogitatio Fidei », Paris, Cerf, 19992, p. 107 s.