Réseaux 2016/1 n° 195

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Article de revue

Impact des réseaux sociaux sur la sociabilité

Le cas de Facebook

Pages 165 à 195

Notes

  • [1]
    Groupement d’intérêt scientifique « Marsouin » (www.marsouin.org).
  • [2]
    Le projet Algopol en France pourrait combler cette lacune. Il utilise sur la base d’un volontariat et d’une « viralité » (recommandation à ses amis de participer au projet) une application installée par ces volontaires, qui « trace » leur activité sur Facebook. Il contrôle la représentativité, en offrant aussi aux membres du panel CSA d’internautes, d’installer cette application. Mais leurs résultats n’ont pas encore été publiés au moment où nous écrivons (août 2015) : http://algopol.huma-num.fr/appresults/le-projet/
  • [3]
    L’échantillon a été construit selon la méthode des quotas en fonction de l’âge, du genre, de la localisation géographique et de la catégorie socioprofessionnelle.
  • [4]
    Afin que les répondants puissent clairement distinguer les amis sur Facebook, des « vrais » amis, les amis sur Facebook ont été nommés « amis » avec des guillemets dans le questionnaire.
  • [5]
    Nous ne présenterons pas les résultats du modèle 2 concernant la probabilité d’avoir moins d’amis, les effectifs étant trop faibles (seulement 4 % des interviewés déclarent avoir moins d’amis depuis qu’ils ont Facebook).
  • [6]
    Pour le modèle 1, nous présenterons les résultats avec chacune de ces variables ; pour les modèles 2, 3 et 4, nous présenterons uniquement les résultats des modèles avec la variable « nombre d’amis sur Facebook », les modèles avec la variable « indice de sociabilité en ligne donnant les mêmes résultats ».
  • [7]
    Dunbar avait observé qu’à l’instar des singes qui, ne pouvant pas s’épouiller eux-mêmes, s’épouillent mutuellement, ce qui renforce la confiance dans le groupe, les individus prennent (et perdent) le temps d’échanger des propos banals qui ne les intéressent pas pour solidifier la cohésion du groupe.

1Facebook, l’archétype des réseaux sociaux en ligne, est devenu en très peu de temps un phénomène d’une ampleur inouïe. Censé permettre aux inscrits de rester en contact les uns avec les autres et d’échanger des informations, des photos, et des actualités de tous ordres, bref d’interagir, ce réseau social a induit une pratique rapidement devenue un authentique fait social. La recherche s’est emparée de cette question, mais la richesse des interactions et les difficultés de collecte de données font que le sujet n’est pas près de s’épuiser. Notamment les premiers travaux s’appuyaient sur le recueil de données auprès des premiers adeptes de Facebook, les étudiants des « grandes » universités américaines, et leurs résultats doivent être confirmés ou non par l’observation des usagers actuels.

2Ce papier se propose de tirer parti d’un recueil par sondage réalisé auprès d’un échantillon représentatif de la population d’internautes français titulaires d’un compte Facebook et âgés de plus de 15 ans. Il a été commandité par le GIS Marsouin [1] dans un objectif académique, et a conduit à plusieurs papiers (Dang Nguyen, Huiban et Deporte, 2014 ; Pénard et Miltgen, 2014). Celui-ci tente de répondre à la question suivante : Facebook, conçu comme un outil permettant aux individus de pratiquer une forme de sociabilité « en ligne » avec leurs « amis », comme on les appelle sur le réseau social, modifie-t-il notre sociabilité habituelle ? Nous montrons dans un premier temps un lien entre celle-ci et l’usage de Facebook dans le cas des relations avec les proches. Mais lien ne signifie pas causalité. Nous cherchons dans un second temps à caractériser d’une part les individus qui déclarent que Facebook leur a permis d’élargir le cercle de leurs connaissances, et d’autre part les minorités de répondants qui déclarent de leur côté que Facebook a contribué à créer de nouvelles amitiés ou à modifier la fréquence de rencontres avec les amis. La question sous-jacente est la suivante : sachant que la majorité des personnes interrogées déclare que Facebook ne modifie pas les relations d’amitié, par qui le réseau social numérique est-il perçu comme favorisant ou à l’inverse desservant sa sociabilité ?

3Pour donner une réponse, nous procédons en trois étapes. Dans une première partie, nous posons une définition de la sociabilité en référence à la littérature usuelle, puis nous rendons compte de façon plus détaillée des travaux s’attachant à analyser le rôle des technologies, et plus précisément des réseaux sociaux, dans l’évolution de la sociabilité. Dans une deuxième partie, nous présentons les données récoltées et la méthodologie que nous utilisons pour répondre à notre question de recherche. La troisième partie fournit les résultats et les analyses. En conclusion, nous montrons les limites de ce travail et dégageons quelques perspectives de recherche nouvelle.

Le cadre d’analyse et les questions de recherche

4Cette première partie pose le cadre d’analyse : nous y définissons la sociabilité et analysons l’impact des réseaux sociaux sur l’évolution de cette sociabilité.

La sociabilité : définition et évolution

5La notion de sociabilité est pour ainsi dire consubstantielle à la sociologie puisqu’elle traite des relations que les individus entretiennent entre eux : comme le dit Bigot (2001) en se référant notamment à Norbert Elias, « le tissu des relations entre chaque individu constitue le fondement de la société ». Selon Forsé, pour analyser la sociabilité, « il ne s’agit pas de mettre en évidence la sociabilité comme qualité intrinsèque des individus… [mais] de montrer que les relations qu’un individu entretient avec autrui, varient en grande partie selon des facteurs sociaux, économiques ou démographiques » (Forsé, 1981, p. 39). Mercklé se référant implicitement à Simmel parle de la sociabilité comme de « la forme la plus pure de l’action réciproque » (Mercklé, 2011, p. 37).

6Dans cet esprit s’est développé, notamment en France, tout un courant de recherche empirique cherchant à établir les liens entre les structures sociales et la sociabilité. Des enquêtes de l’INSEE (enquête « Contacts » en 1983 et enquête « Relations de vie quotidienne » en 1997) ont tenté de la mesurer par le nombre de contacts en face-à-face développés par une personne durant une semaine (Héran, 1988 ; Blanpain et Pan Ke Shon, 1998). La méthode utilisée était celle des carnets : les individus ont noté pendant cette période les contacts qu’ils ont eus avec les autres ainsi que leur durée.

7En différenciant les réponses non seulement par le volume de ces contacts, mais aussi par leur structure (parents, amis, voisins, collègues de travail, fournisseurs de services marchands ou non, de simples connaissances ou inconnus), et en les reliant à des caractéristiques classiques socio-économiques (CSP, niveau d’éducation…) ou démographiques (âge, sexe, vie familiale…), les enquêtes de l’INSEE ont pu mettre en évidence des profils, mais aussi des trajectoires de sociabilité. Nous renvoyons aux travaux cités pour les résultats, notre propos n’étant pas d’expliciter les déterminants sociaux et démographiques de la sociabilité.

8Néanmoins « les relations vont aux relations » (Héran, 1988, p. 15). Ceux qui ont le plus de contacts avec leur famille en ont aussi plus avec leurs amis, ou participent plus à des activités de sociabilité (associations…). Et si les catégories socioprofessionnelles se distinguent par la structure de leur contact, il s’établit une « hiérarchie » de la pratique de sociabilité, liée en partie au revenu, mais plus au diplôme donc au capital culturel, ce qui fait dire à Héran que la sociabilité est une « pratique culturelle » (ibid.).

9La littérature nord-américaine utilise le terme de capital social comme synonyme de sociabilité, terme plutôt employé dans la recherche empirique française. Mercklé (2011) montre bien le lien entre les deux notions, voisines, mais pas tout à fait identiques. La sociabilité est l’ensemble des interactions sociales qu’un individu développe au quotidien : la finalité n’est pas d’accumuler un « capital » ; le terme « sociabilité » a donc un sens un peu plus large. Dans l’idée de capital social, l’individu produit un « effort » qui peut bénéficier à ceux avec qui il interagit (Stutzman et al., 2012) : par exemple, aller voir un ami malade ou simplement discuter avec lui peut contribuer au bien-être de celui-ci. Mais ceci crée un lien symétrique fondé sur la « relation réciproque » : l’individu s’attend donc à ce que cet effort engendre en retour un effort équivalent, d’où l’idée d’un capital que l’on accumule à la faveur de ses interactions sociales. Dans ce contexte, le capital social est un sous-ensemble de la sociabilité, réservé aux amis et connaissances que l’on aide, et pas forcément à toutes les personnes que l’on côtoie au quotidien.

10Cela nous conduit à distinguer assez classiquement « liens forts » et « liens faibles » (Granovetter, 1973). Les liens forts sont ceux que l’on tisse avec ses proches, ils s’appuient sur une confiance réciproque élevée, fondée sur le respect de normes de comportement tacitement admises, et induisent des relations affectives plus ou moins étendues. Ils sont le support de l’amitié (Bidart, 1997). Les liens faibles ont une fonction différente. Noués entre personnes qui sont de simples « connaissances », ils n’exigent pas systématiquement le même niveau d’engagement notamment sur le plan affectif, mais ils mettent souvent en relation des personnes culturellement ou socialement éloignées. Ce faisant, ils donnent accès par exemple à des informations que l’on n’aurait pas eues autrement (Granovetter, 1973). La sociabilité, c’est donc l’ensemble des liens forts et des liens faibles d’un individu.

11Depuis Riesman (1950), de nombreux auteurs ont souligné l’évolution des sociétés modernes vers un plus grand isolement. La multiplication des divorces, les mobilités professionnelles et géographiques, le manque de contact de voisinage dans les grandes métropoles conduisent à cet isolement, c’est-à-dire à une baisse de la sociabilité. Cette « doxa » a fait l’objet de vérifications statistiques. Ainsi, en comparant les résultats d’une enquête réalisée en 1997 à ceux de Héran obtenus à partir d’une enquête réalisée en 1983, Blanpain et Pan Ké Shon montrent une baisse de la sociabilité en face-à-face des Français sur la période (Blanpain et Pan Khe Shon, 1998). Cette affirmation est aussi au cœur de la thèse de Putnam (2000) pour qui la sociabilité des Américains s’est dégradée sur les cinquante dernières années. McPherson, Smith-Lovin et Brasherars (2006) suggèrent à partir des enquêtes « General Social Survey » effectuées en 1985 et en 2004 que, durant ce laps de temps, les Américains ont de moins en moins discuté de choses importantes avec leurs amis, tandis qu’inversement Hampton, Sessions, Her et Rainie indiquent que l’isolement social n’a guère changé depuis 1985, mettant en avant les interactions via les nouvelles technologies (Mc Pherson, Smith-Lovin et Brasherars, 2006 ; Hampton et al., 2009). Rivière montre également que les contacts par téléphone complètent et en partie compensent la perte de sociabilité en face-à-face, tout en étant plus centrés sur les amis proches et les parents. Mais ils contribuent aussi à renforcer les inégalités de sociabilité : les personnes qui échangent le plus en face-à-face sont aussi celles qui communiquent le plus par téléphone (Rivière 2001). Cela nous amène à discuter le rôle des technologies par rapport aux interactions directes.

12Une première thèse est donc que les technologies, parce qu’elles permettent aux individus de communiquer, sont le support d’une forme de sociabilité qu’elles peuvent modifier (Licoppe, 2002 ; Licoppe et Smoreda 2005). Se crée ainsi un « entrelacement » entre les diverses pratiques de sociabilité, en face-à-face et « médiatisées » par les dispositifs techniques : non seulement le téléphone, mais aussi l’ensemble des moyens de télécommunication numérique (SMS, courriel, chats et forums de discussion, réseaux sociaux…). Toutes ces pratiques se complètent ou se substituent si c’est nécessaire, en raison de ce que Beaudouin appelle la « désynchronisation des temps et l’éclatement de l’espace » : les individus plus mobiles, moins maîtres de leur agenda, ont du mal à se coordonner pour des rendez-vous en face-à-face, ce qui est en partie compensé par le recours aux diverses technologies de l’information.

13Pour certains auteurs, c’est l’effet de substitution qui domine. C’est le point de vue de Wellman et al. (2010), pour qui « les interactions en ligne comblent des vides de communication entre des rencontres en face-à-face… beaucoup de liens sociaux deviennent non locaux, connectés par des voitures des avions, des téléphones et maintenant des réseaux d’ordinateurs ». On retrouve ici la thèse de Hampton et al. (2009) citée plus haut. C’est également celle défendue par Mercklé (2011), pour qui il n’y aurait pas globalement de baisse de la sociabilité, en tout cas en France, mais un remplacement de la sociabilité « directe », en face-à-face, par une sociabilité « médiatisée » par des dispositifs techniques, le téléphone hier, Internet et en particulier les réseaux sociaux aujourd’hui.

14Plusieurs travaux empiriques ne contribuent pourtant pas à vérifier cette affirmation. En effet, l’utilisation d’Internet peut aussi apporter un supplément de sociabilité, au moins à la marge. Lethiais et Roudaut, à partir d’une enquête réalisée en 2008 auprès plus de 2 000 ménages bretons, complétée par une douzaine d’entretiens semi-directifs, et Pénard et Poussing à partir d’une enquête menée au Luxembourg en 2002 auprès de 1 554 ménages, montrent qu’Internet ne se traduit pas nécessairement pas une substitution de la sociabilité « en ligne » à la sociabilité « hors ligne », mais apparaît plutôt comme un moyen de renforcer la vie sociale (Lethiais et Roudaut, 2010 ; Penard et Poussing 2010). Dans le même esprit, Wang et Wellman (2010) ont montré qu’une forme de sociabilité semble avoir augmenté entre 2002 et 2007 : celle du nombre d’amis à qui on parle au moins une fois par semaine hors ligne. Les auteurs montrent aussi que ce surcroît de sociabilité croît avec l’utilisation d’Internet. Au total, l’articulation entre la sociabilité « réelle » et celle développée en ligne est loin d’être parfaitement comprise.

15Cependant, depuis l’arrivée de Facebook et sa large diffusion dans le public, le débat sur l’impact des technologies de l’information a beaucoup évolué. Notamment, il semble émerger un consensus sur un impact différentiel sur la sociabilité avec les proches et celle avec les simples connaissances. Cela invite à examiner leur rôle de plus près.

Le rôle spécifique des réseaux sociaux

16Facebook est le réseau social en ligne le plus répandu, notamment en France. Ses caractéristiques en ont fait un instrument extrêmement efficace pour la sociabilité. Conçu et installé à Harvard par un de ses étudiants pour que ses congénères connaissent qui était qui, mais mesurent aussi leur popularité au sein du campus, il fut d’emblée élaboré dans l’esprit d’un club auquel tout le monde n’a pas accès. Il s’est rapidement diffusé dans les autres grandes universités américaines puis plus largement dans le monde des collèges (premier cycle universitaire) et finalement du grand public, mais a plus ou moins gardé ce parfum d’exclusivité qui était sa marque de fabrique à l’origine. De fait, durant toute son extraordinaire croissance, Facebook a su proposer à ses membres de façon évolutive, un arbitrage permanent entre deux tendances contradictoires. D’une part, il les incite à diffuser sous forme numérique des témoignages de leur vie pour consolider leur popularité et accroître éventuellement leur réseau social ou tout au moins développer leurs interactions en ligne ; cela a pour effet indirect d’enrichir le stock global d’informations disponibles sur le site, le rendant ainsi plus attractif, non seulement pour les autres membres, mais aussi pour les entreprises qui achètent les données à Facebook. D’autre part, Facebook tente avec plus ou moins de bonne volonté d’offrir à ses membres des moyens pour qu’ils gardent un certain contrôle sur les informations publiées, ce qui en restreint forcément la circulation.

17Quoi qu’il en soit, pour Cardon, les réseaux sociaux en ligne, dont Facebook est le meilleur exemple, conduisent désormais les individus à interagir à partir de la mise en scène de soi, exposée par les informations de toute nature que l’on dépose sur le site. Cardon considère que Facebook est une plateforme qui privilégie les interactions « entre individus qui se connaissent ou appartiennent à des cercles sociaux de proximité » (Cardon, 2013, p. 3). Il indique cependant que ce ne sont ni « les contacts aventureux avec les inconnus, ni l’échange intime avec les proches » qui sont privilégiés, mais plutôt « des liens faibles… intermédiaires de la vie sociale : copains de toujours ou d’occasion, collègues, partenaires d’activité, amis d’amis, connaissances lointaines ». Selon cet auteur c’est une forme particulière de liens (« faibles ») qui serait en cause, mais globalement la sociabilité des individus s’enrichirait avec l’usage de Facebook.

18Donath et Boyd (2004) avaient parmi les premières émis l’hypothèse que les réseaux sociaux devaient augmenter le capital social des individus. La littérature empirique semble avoir confirmé cela. Un des premiers papiers ayant étudié l’impact de Facebook (Valenzuela et al., 2009), montrait par exemple que plus on renseignait son profil, plus on avait d’amis. Mais l’impact semble modeste. Cependant, l’usage de Facebook était positivement corrélé, selon ces auteurs, avec la satisfaction personnelle, une plus grande confiance dans les autres, et un plus grand engagement dans des actions sociales et collectives. Des chercheurs de l’Université du Michigan ont aussi bien documenté le lien entre la pratique intensive de Facebook et l’existence d’un capital social plus important sur les campus (Lampe et al., 2007 ; Ellison et al., 2007). En distinguant bridging et bonding, ils ont montré que Facebook favorisait plutôt les liens intermédiaires de bridging, confirmant ainsi l’affirmation de Cardon et les résultats de Valenzuela et al. Dans un papier plus récent, Vitak, Ellison et Steinfeld ont, eux, montré que le bonding se développe également grâce à Facebook (Vitak, Ellison et Steinfeld, 2011). D’autres questionnements et d’autres résultats sont apparus à partir de ces premiers travaux, dont on trouvera une petite synthèse dans Di Capua (2012).

19Ces études empiriques initiales se référaient aux étudiants que les chercheurs avaient recrutés pour leurs enquêtes, puisque Facebook s’était d’abord développé sur les campus. Ces premiers travaux ont eu cependant l’immense mérite de dégager les problématiques et les concepts que mettait en évidence ce phénomène social nouveau. Par exemple, l’étude de Lampe et al. (2007), propose de distinguer une pratique de « social browsing », chercher à renouer des contacts avec d’anciens amis, maintenir le lien avec notre réseau, et celle de « social searching » (chercher de nouveaux amis). La question de la vie privée et son lien avec les comportements d’usage a été traité dans les papiers de Stutzman et al. (2012) et de Ellison et al. (2011). Le premier notamment analyse les possibilités dans le cadre de Facebook, de « social grooming », d’épouillage social cher à Dunbar (1996), que donne l’envoi d’un message privé contenant des commentaires, à un membre de son réseau ayant posté un nouveau contenu. Cet envoi est selon les auteurs, un exemple d’« investissement relationnel » offert par Facebook qui renforce le capital social, donc la sociabilité. Plus traditionnelles sont les études de l’impact des statuts sociaux, du genre et de l’ethnicité sur les usages, présentées dans Vasalou et al. (2010) et dans Lewis et al. (2008).

20À partir des années 2010, d’autres méthodes de collecte de données ont été mises en place, en lien avec la diffusion de Facebook dans un large public. Des enquêtes sociologiques par entretien semi-directif ont été effectuées, révélant des problématiques intéressantes comme celle de l’usage du réseau social numérique pour la coordination d’activités entre proches (Whon et al., 2011). Des enquêtes ouvertes à un public plus large que les étudiants ont également été effectuées par exemple par Ellison et al. (2014) qui ont étendu les résultats sur le « social grooming » observé chez les étudiants à ces populations nouvelles, ou par Gil de Zuniga et al. (2012) qui ont étudié le lien entre l’usage de Facebook et la participation civique et politique, un thème classique de la problématique du bridging cher à Putnam. Burke, Kraut et Marlow (2011) ont effectué une étude longitudinale concernant le lien entre le type d’activité pratiqué sur Facebook, et le capital social. Ils montrent que seul l’envoi d’un message privé de réaction à des amis qui postent un contenu sur leur mur accroît le capital social de l’émetteur, mais que pour les personnes en difficulté personnelle, se borner à lire passivement ce que font les amis peut être source de réconfort.

21C’est surtout la publication des recherches menées par des employés de Facebook qui a renouvelé notre vision des usages. En effet, ces chercheurs ont accès à la matérialité des actions entreprises par tous les inscrits : dépôt des contenus, lecture des contenus des autres, messages échangés avec les membres de son réseau… Ils peuvent donc mesurer directement des comportements « réels », et en outre leurs échantillons sont inépuisables puisqu’ils ont accès à toute l’information ! Cela change leur outil d’analyse qui n’est plus l’enquête sur échantillon et son traitement par la statistique inférentielle et l’économétrie, mais l’analyse de graphes immenses d’interactions que propose la « Science des Réseaux » (Barabasi, 2002). Parmi les thèmes traités par ces approches, on peut citer la question de Milgram, à savoir le nombre de degrés de séparation entre deux individus tirés au hasard dans un réseau. Backstrom et al. montrent qu’il est égal à 4 sur Facebook. Burke, Marlow et Lento (2010) étudient le lien entre les activités sur Facebook et le bien-être social, et montrent que lire des posts tend à réduire le capital social. Néanmoins, on ne sait rien, dans ces études, sur l’origine et les caractéristiques sociodémographiques des individus. Les résultats ne sont donc que des « moyennes » statistiques sur toute la population [2].

22Ces études ont été complétées aux États-Unis par une enquête du Pew Internet Project effectuée en 2010 auprès de 2 255 Américains sur les sites de réseaux sociaux (Hampton et al., 2011). Elle confirme le résultat mis en évidence par Ellison et al. en 2007, que Facebook réveille des « liens dormants » : 31 % des « amis Facebook » ne sont ni des collègues de travail, ni des camarades d’étude de lycée ou d’université, ni des membres de la famille proche ou étendue, ni des voisins, ni des membres d’associations fréquentées par les interviewés. Or, parmi ces 31 %, seuls 7 % n’ont jamais été rencontrés. Les « amis Facebook » sont donc majoritairement des amis d’amis et des connaissances avec lesquelles on n’a pas de lien social actif. On retrouve la thèse de Cardon sur le caractère « intermédiaire » des interactions sur Facebook. Mais l’intérêt des réseaux sociaux est, selon l’enquête de Pew Internet Project, qu’ils entretiennent aussi les liens forts : les utilisateurs de Facebook ont plus confiance dans les autres (leurs amis notamment) que les non-utilisateurs, ils ont plus d’interactions sociales et obtiennent plus de soutien moral de la part de leurs amis.

23Notre échantillon apporte des éléments complémentaires et nous permet de décrire comment Facebook est utilisé et perçu en France, en tant qu’outil de sociabilité. Nous nous proposons de déterminer de quelle manière la pratique de Facebook contribue à la modifier.

Questions de recherche

24L’objectif de cet article est de répondre, dans le contexte français, à la question de Wellman et al. : Facebook complémente, supplémente ou se substitue-t-il à la sociabilité « réelle » ? Nous commençons par faire le lien entre les pratiques de sociabilité « en ligne » et « hors ligne » par une méthode de corrélation, sans nous interroger sur l’existence d’une causalité éventuelle entre ces deux formes. Un deuxième objectif est de caractériser la manière dont Facebook a modifié la sociabilité de certains usagers, donc d’établir la causalité de la sociabilité en ligne sur la sociabilité « ordinaire » (hors ligne).

25Car corrélation ne signifie pas causalité. Si ceux qui ont une plus grande sociabilité en ligne ont aussi une plus forte sociabilité hors ligne, ils pouvaient l’avoir déjà avant d’utiliser Facebook.

Données et méthodologie

26Nous présentons d’abord les données collectées et la méthode de leur recueil. Puis nous décrivons la méthodologie à la base de cet article.

Les données d’enquête

27En novembre 2013 le GIS (Groupement d’intérêt scientifique) Marsouin a conduit une enquête déclarative sur les utilisateurs de Facebook. A été interrogé un échantillon de 2 000 internautes représentatif de la population française [3] inscrite sur Internet et qui avait un compte Facebook. Parmi les questions posées, certaines rendent compte des pratiques sociales que nous qualifions de « sociabilité hors ligne » : la fréquence des rencontres avec des amis proches et des membres de la famille proche d’une part et de simples connaissances d’autre part, la fréquence de pratique d’une activité sportive ou artistique avec des amis ou en groupe (comité d’entreprise, club, association), la fréquence de sorties culturelles avec des amis ou en groupe, la participation aux activités d’une ou plusieurs associations et l’exercice de responsabilité d’organisation dans ces associations.

28Une grande partie du questionnaire était néanmoins consacrée aux usages de Facebook. Divers aspects des usages étaient mobilisés : le temps passé, le nombre d’« amis » [4], les différentes pratiques (consultation de murs ou fils d’actualités, interaction sur les murs/fils d’actualités, discussion via le chat, création d’événements, mise en ligne de photos ou vidéos…). Enfin, un volet de l’enquête interrogeait les usagers sur la manière dont Facebook a modifié leur sociabilité.

Méthodologie

29Nous définissons la sociabilité hors ligne et celle en ligne à partir des données dont nous disposons. Nous utilisons comme indicateur de la première les mesures suivantes : la fréquence des rencontres, avec des proches ou des membres de la famille proche d’une part, avec de simples connaissances d’autre part ; la pratique d’activités sportives ou artistiques, avec des amis d’une part, en groupe d’autre part ; la fréquence de sorties culturelles, avec des amis d’une part, en groupe d’autre part. Chacune de ces variables peut prendre 5 modalités : quotidienne ou presque, une ou quelques fois par semaine, une ou quelques fois par mois, moins souvent, jamais. La distinction entre proches et connaissances ou entre amis et groupe peut ici être assimilée en première approximation, à la différenciation entre « liens forts » et « liens faibles ».

30Par ailleurs, les mesures de la sociabilité en ligne retenues sont les suivantes : la fréquence de connexion à Facebook (moins d’une fois par semaine, quelques fois par semaine, une fois par jour, plusieurs fois par jour, connexion en continu), la durée des connexions (moins de 30 minutes, entre 30 minutes et une heure, plus d’une heure), le nombre d’« amis » sur Facebook (moins de 20, de 20 à 100, de 100 à 200, plus de 200) et le nombre de photos ou vidéos personnelles déposées (aucune, entre 1 et 20, entre 21 et 50, entre 51 et 200, plus de 200).

31Pour répondre à la question de Wellman et al. – la sociabilité en ligne agit-elle sur la sociabilité hors ligne et comment ? –, les individus ont été directement interrogés sur la manière dont le réseau social a eu un impact sur leur vie sociale et ont exprimé leur perception de cet impact via les réponses aux quatre questions suivantes :

  • Avez-vous élargi votre cercle de connaissances grâce à Facebook : oui/non
  • avez-vous plus d’amis depuis que vous utilisez Facebook : oui/non, Facebook n’a aucun effet/non, c’est même le contraire/ne sait pas
  • voyez-vous plus souvent vos amis depuis que vous utilisez Facebook : oui/non, Facebook n’a aucun effet/non, c’est même le contraire/ne sait pas
  • sortez-vous plus souvent depuis que vous utilisez Facebook : oui/non, Facebook n’a aucun effet/non, c’est même le contraire/ne sait pas.

32Nous pouvons ainsi identifier les facteurs qui influent sur la probabilité que Facebook ait eu un impact sur les différentes formes de sociabilité hors ligne. Cela revient à caractériser les individus qui ont déclaré un impact de l’usage de Facebook sur leur sociabilité. Nous évaluons cet impact sur trois dimensions : pour qui le réseau social a-t-il contribué à multiplier les liens faibles ? Pour qui a-t-il augmenté le nombre de liens forts ? Et enfin, pour qui a-t-il participé au renforcement ou à l’inverse à l’affaiblissement des liens forts existants ? Nos données sont déclaratives et ne constituent pas une mesure réelle, mais une mesure perçue de l’impact de Facebook, ce qui constitue une limite de ce travail.

33Nous construisons donc trois modèles économétriques. La probabilité d’avoir élargi son cercle de connaissances grâce à l’usage de Facebook est estimée grâce à un Logit binomial (modèle 1). La probabilité d’avoir plus d’amis [5] et la probabilité de voir plus ou moins souvent ses amis depuis qu’on utilise Facebook sont estimées par des modèles Logit multinomiaux (modèles 2 et 3). Une fois encore, chacune de ces probabilités est en fait la perception par l’individu de l’évolution de sa sociabilité depuis qu’il utilise Facebook. Par abus de langage, nous utiliserons les termes probabilité d’avoir plus d’amis et probabilité de voir plus ou moins souvent ses amis afin de ne pas alourdir la lecture. Chacune de ces probabilités est estimée en contrôlant les variables suivantes, la première étant la variable explicative :

  • La sociabilité en ligne du répondant, donnée alternativement par le nombre d’amis sur Facebook ou par une mesure de sociabilité en ligne agrégée. Celle-ci, dénommé indice agrégé de sociabilité en ligne, est construite en sommant la fréquence des activités réalisées sur Facebook (consultation du mur des amis, interaction sur le mur des amis et groupes, interaction sur son propre mur, discussion via le Chat, recherche active de nouveaux amis, création d’événements) [6] ;
  • la part de l’entourage du répondant présente sur Facebook ;
  • la sociabilité hors ligne du répondant mesurée par la participation aux activités d’une ou plusieurs associations (participation passive) et l’exercice de responsabilité d’organisation dans ces associations (participation active) ;
  • la distance du domicile du répondant aux lieux de sorties habituels, censée freiner la rencontre avec les amis dans les lieux publics ;
  • les caractéristiques sociodémographiques du répondant : le genre, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle et le niveau d’études.

34Les statistiques descriptives pour l’ensemble des variables explicatives sont présentées en annexe 1.

Résultats et analyse

Le lien entre les pratiques de sociabilité hors ligne et en ligne

35La corrélation des deux indices agrégés de sociabilité en ligne et hors ligne est significative et positive. Afin de pousser plus loin l’analyse, nous calculons les coefficients de corrélation entre les diverses composantes de la sociabilité hors ligne, et les pratiques de la sociabilité en ligne, les usages de Facebook. Nous assimilons les activités, sorties ou rencontres avec des amis ou proches à des liens forts, alors que les sorties, activités ou rencontres avec des connaissances ou en groupe témoignent d’une volonté de socialisation au-delà du cercle restreint des amis et des proches (liens faibles). Le tableau 1 présente les coefficients de corrélation de Spearmann et leur significativité.

Tableau 1

Coefficients de corrélation de Spearman entre sociabilités hors ligne et en ligne

Tableau 1
Liens forts Liens faibles Fréquence rencontres proches Fréquence activités avec des amis Fréquence sorties culturelles avec des amis Fréquence rencontres connaissances Fréquence activités groupe Fréquence sorties culturelles en groupe Fréquence connexion à FB 0.1586 *** <.0001 0.0662 ** 0.0030 0.1173 *** <.0001 0.0010 0.9625 0.0021 0.9232 -0.0619 ** 0.0056 Temps passé sur FB 0.0447 * 0.0453 0.0140 0.5314 0.0473 * 0.0343 -0.0009 0.9662 -0.0069 0.7564 -0.0329 0.1409 Nombre d’« amis » sur FB 0.2284 *** <.0001 0.1592 *** <.0001 0.2308 *** <.0001 0.0497 0.0261 0.0369 0.0990 -0.0252 0.2597 Nombre de photos publiées sur FB 0.1779 *** <.0001 0.1239 *** <.0001 0.1841 *** <.0001 0.0173 0.4382 0.0262 0.2411 -0.0316 0.1575

Coefficients de corrélation de Spearman entre sociabilités hors ligne et en ligne

36On observe le lien positif entre la sociabilité en ligne (usages de Facebook) et la sociabilité hors ligne dans le cas les liens forts uniquement. En effet la quasi-totalité des variables mesurant la sociabilité en ligne est liée positivement aux mesures de sociabilité hors ligne avec les amis et les proches. À l’inverse, aucun des items de sociabilité en ligne n’est corrélé avec la fréquence des activités en groupe (sportives, artistiques) ni avec la fréquence de rencontres avec de simples connaissances. Seule la fréquence de sorties culturelles en groupe est significativement liée à la fréquence de connexion à Facebook et le lien est négatif. Cela ne nous permet cependant pas de conclure à un effet de substitution entre la sociabilité en ligne et les activités hors ligne avec les « liens faibles », mais plutôt une absence de lien, aucune des autres variables n’étant corrélées entre elles.

37La corrélation entre les pratiques intensives sur Facebook et les liens forts hors ligne, montre que le réseau social numérique est un outil d’approfondissement des relations d’amitié, plus qu’un outil d’interaction avec des connaissances. Nous retrouvons des résultats antérieurs mis en évidence avant l’arrivée des réseaux sociaux (Lethiais et Roudeaut, 2010) que les pratiques d’interactions sociales en ligne sont plus un complément pour entretenir un réseau amical qu’un substitut à la sociabilité habituelle avec ses amis.

38Mais, comme il a été dit précédemment, ces corrélations ne nous permettent pas d’affirmer que Facebook est un outil qui contribue à renforcer les liens forts (ou faibles). Aussi, afin de mesurer l’impact de l’utilisation du réseau social sur la sociabilité hors ligne, nous utilisons, dans la partie suivante, les questions portant sur la perception de l’effet de Facebook par les interviewés.

L’impact perçu de Facebook sur la sociabilité hors ligne : un effet mitigé

39Globalement, Facebook ne semble avoir un effet sur la sociabilité hors ligne que pour une minorité de ses membres. Cela apparaît dans le tableau 2, qui présente les fréquences de réponses aux questions portant sur l’impact perçu de l’utilisation de Facebook sur la sociabilité et sur les pratiques de sociabilité hors ligne.

Tableau 2

Statistiques descriptives : impact perçu de Facebook sur la sociabilité et sur les pratiques de sociabilité hors ligne (N = 2 000)

Tableau 2
Questions Modalités de réponses, pourcentage et effectifs Depuis que vous utilisez Facebook… Oui Non, Facebook n’a aucun effet Non, c’est même le contraire Vous ne savez pas … vous avez plus d’amis 12 % (240) 78 % (1 560) 4 % (80) 6 % (120) … vous voyez plus souvent vos amis 8 % (160) 81 % (1 620) 6 % (120) 4 % (80) … vous sortez plus souvent 7 % (140) 83 % (1 660) 6 % (120) 5 % (100) … vous communiquez plus facilement avec vos amis 42 % (840) 50 % (1000) 3 % (60) 4 % (80) … vous avez repris contact avec certaines personnes 63 % (1 260) 31 % (620) 3 % (60) 4 % (80) Avez-vous élargi votre cercle de connaissances grâce à Facebook ? Oui Non 38 % (760) 62 % (1 240)

Statistiques descriptives : impact perçu de Facebook sur la sociabilité et sur les pratiques de sociabilité hors ligne (N = 2 000)

40Facebook ne révolutionne donc pas les pratiques sociales les plus usuelles, puisque 81 % des interrogés déclarent ne pas voir plus souvent leurs amis, et 83 % qu’ils ne sortent pas plus souvent. Facebook ne débouche que rarement sur la création de liens forts (78 % des déclarants affirme n’avoir pas plus d’amis depuis qu’ils utilisent le réseau social en ligne), mais il permet en revanche de renforcer des liens forts existants pour une grosse minorité d’internautes (42 % des interviewés déclarent qu’ils communiquent plus facilement avec leurs amis). Le seul effet de Facebook sur la sociabilité qui semble relativement plébiscité est son utilité pour reprendre contact avec certaines personnes (pour 63 % des répondants). Enfin si, comme nous l’avons montré dans la section précédente, l’utilisation du réseau social ne semble pas se traduire par des rencontres plus fréquentes avec les connaissances ou des sorties en groupe plus nombreuses, Facebook est cependant perçu par une part non négligeable de ses utilisateurs comme un outil pour accroître ses liens faibles, puisque 38 % des interviewés déclarent avoir élargi leur cercle de connaissances grâce au réseau social.

41Les résultats présentés dans le tableau 2 contribuent en outre à faire apparaître le rôle ambigu de Facebook sur la sociabilité : pour certains, il l’accroît (plus d’amis, de sorties, de communication…) et pour une très petite minorité (de 3 à 6 %, colonne 4 du tableau 2) au contraire l’utilisation du réseau social la réduit. Enfin, si l’impact perçu de Facebook sur la sociabilité est plus souvent positif que négatif, l’écart reste faible (8 % contre 6 % sur l’item voir plus ou moins souvent ses amis).

42Si, pour une majorité d’Internautes, Facebook n’a pas fait beaucoup évoluer la sociabilité, quel est le profil de ceux pour qui ce n’est pas le cas ? Plus précisément, comment caractériser les internautes comptabilisés dans les quatre cases grisées du tableau 2 ? D’abord, ceux qui déclarent avoir élargi leur cercle de connaissances grâce à Facebook sont 38 % de l’effectif et leurs caractéristiques seront déterminées dans le modèle 1 ci-dessous. Ensuite, ceux pour lesquels Facebook a affecté la sociabilité positivement par une augmentation du nombre d’amis, sont 12 % de l’effectif et serviront de base au modèle 2. Ceux enfin qui ont perçu une évolution positive (8 %) ou négative (6 %) de la fréquence des rencontres avec ces amis sont caractérisés dans le modèle 3.

Facebook : un outil pour accroître son cercle de connaissances

43Nous analysons dans cette section les résultats du modèle 1, présentés dans le tableau 1 de l’annexe 2 : les déterminants de la probabilité d’avoir perçu un élargissement de son cercle de connaissances grâce à Facebook.

44Facebook contribue à cet élargissement pour les hommes, les jeunes ou les personnes de 35-49 ans, et ceux qui sont très actifs sur Facebook. À l’inverse, pour ceux qui ont tout ou presque tout leur entourage sur Facebook, les personnes de capital culturel élevé (bac + 3 et au-delà) et la catégorie socioprofessionnelle « cadre, profession intellectuelle supérieure, profession libérale », Facebook contribue moins à élargir le cercle de connaissances. Précisons ces résultats :

45• On sait que les individus dont le capital culturel est le plus élevé ont la sociabilité la plus grande, les relations les plus nombreuses. Facebook semble donc jouer ici un rôle compensateur, car le réseau social numérique contribue le plus à accroître le cercle de connaissances des personnes à capital culturel faible (niveau d’études inférieur à Bac + 3). Les personnes de haut capital culturel ne semblent pas passer par un réseau social en ligne pour développer leur cercle de connaissances. Ce premier résultat est relativement inattendu, en tout cas pas mentionné, à notre connaissance, dans la littérature.

46• Celle-ci met en avant une sociabilité plus tournée vers l’extérieur pour les hommes que pour les femmes : ce résultat se confirme sur nos données des pratiques en ligne, les hommes ayant une probabilité plus importante que les femmes d’avoir élargi leur cercle de connaissances grâce à Facebook.

47• D’après nos résultats, la sociabilité sur Facebook, qu’elle soit mesurée par le nombre d’« amis » Facebook ou par l’indice de sociabilité agrégé, a une incidence positive sur la probabilité d’accroître son cercle de connaissances : la plateforme joue donc bien son rôle de support de la sociabilité, une fois que l’on contrôle les pratiques des groupes sociaux et des catégories d’âge, ce qui confirme des résultats antérieurs mis en évidence dans la littérature (Ellison et al., 2007).

48• Enfin, le modèle 1 fait apparaître un effet négatif de la présence de l’entourage sur Facebook, sur la probabilité d’avoir élargi son cercle de connaissances, effet d’autant plus fort que la part de l’entourage présente sur le réseau social est importante. Pouvoir interagir avec ses proches sur Facebook se fait au détriment d’un possible élargissement des connaissances.

49En complément de cette analyse sur les liens faibles et afin de mieux comprendre la manière dont Facebook contribue à renforcer les liens forts, nous nous intéressons maintenant aux facteurs qui ont un impact sur la probabilité d’avoir plus d’amis et sur celle de voir plus ou moins souvent ses amis.

Facebook comme outil de renforcement des liens « forts »

50Avoir augmenté le nombre de ses amis depuis l’inscription sur Facebook est un indicateur « quantitatif » de l’impact du réseau social numérique sur les liens forts, et sera vérifié dans le modèle 2. Une mesure plus « qualitative », est d’évaluer si l’utilisation de Facebook peut se traduire par une fréquence de rencontre plus (ou moins) importante avec ses amis existants (modèle 3). Les résultats des modèles sont présentés dans le tableau 2 de l’annexe 2.

51La probabilité d’avoir augmenté son nombre d’amis, donc ses liens forts, grâce à Facebook (modèle 2) est plus faible pour certaines catégories socioprofessionnelles notamment les cadres, professions intellectuelles supérieures, et professions libérales, mais aussi les professions intermédiaires, les retraités et les étudiants (à nombre d’amis sur Facebook équivalent), que pour la catégorie « ouvriers ». Elle est en revanche d’autant plus importante que les « amis » sur Facebook sont nombreux. Ces résultats vont dans le sens d’un renforcement de la sociabilité par l’usage des réseaux sociaux en ligne, mais qui semble réservé à certaines catégories socioprofessionnelles (les moins élevées). Or on sait (Bidard, 1997) que les ouvriers et CSP moins favorisées ont, souvent à cause de difficultés personnelles plus grandes, une plus grande propension à être plus isolés. Sur Facebook, cette tendance apparaît donc inversée, ce qui constitue un deuxième résultat original de notre étude. Comme pour les liens faibles, le réseau social numérique semble jouer, par rapport à la distribution habituelle du capital social, un rôle compensateur pour les liens forts. Ceux qui en ont le moins dans la vie réelle en acquièrent plus dans le réseau social numérique. La plupart des autres variables (genre, niveau d’études, âge) n’ont aucune influence sur la probabilité d’avoir augmenté son nombre d’amis.

52Par ailleurs, la probabilité de voir plus souvent ses amis est augmentée si tout son entourage est aussi présent sur Facebook : la plateforme permet sans doute de mieux coordonner des rencontres et d’organiser des événements collectifs (Whon et al., 2011). On note d’ailleurs que seule la modalité « tous » est significative, ce qui implique que la probabilité de voir plus souvent ses amis n’est pas augmentée si une partie seulement des proches est présente sur le réseau. Une interprétation possible est qu’avec une présence lacunaire de son entourage sur Facebook, les rencontres réelles avec les proches inscrits vont se substituer à des rencontres avec ceux qui ne sont pas inscrits, et avec lesquels les échanges deviennent ainsi moins fréquents et l’organisation d’événements plus complexe : au total, cela ne contribue pas à augmenter de manière globale les rencontres avec les proches, mais à les réorienter vers ceux avec qui on a plus de possibilités d’interactions via le numérique.

53Autres variables qui influent positivement sur l’accroissement du nombre des rencontres avec les amis : le fait d’être âgé de 15 à 24 ans, et d’avoir beaucoup d’« amis » Facebook, c’est-à-dire un large cercle social en ligne. On sait que les jeunes plus que les adultes voient souvent leurs amis. On sait aussi qu’ils sont de grands utilisateurs de Facebook. C’est d’ailleurs à propos des adolescents que Judith Donath (2007) a mobilisé la notion élaborée par Dunbar (1996) d’« épouillage social » [7]. Mais ce que le résultat de notre enquête nous indique, c’est que grâce à Facebook les 15-24 ans voient encore plus souvent leurs amis proches, même parmi ceux qui en ont un usage plus modéré.

54Globalement, on retrouve donc une influence positive de la sociabilité en ligne sur une forme de socialisation perçue (voir plus souvent ses amis). Elle semble être plus l’apanage des classes sociales soit moins favorisées soit plus indépendantes (ouvriers, employés, artisans, commerçants). De même, l’impact perçu de l’utilisation de Facebook sur les pratiques de sociabilité est moins fort chez les personnes à capital culturel important : on a un effet négatif d’un niveau de diplôme au-delà de Bac + 3 sur la probabilité de voir plus souvent ses amis, mais aussi sur la probabilité de voir moins souvent ses amis : pour ces personnes, Facebook ne modifie pas les pratiques de sorties avec les amis, que ce soit positivement ou négativement.

55Enfin, l’impact perçu positif de Facebook sur la sociabilité (voir plus souvent ses amis) semble plus fort chez ceux qui habitent à proximité des lieux de sorties. Facebook ne contribue donc pas ici à réduire l’écart entre les individus localisés à proximité des lieux de sortie et ceux plus « isolés », mais au contraire semble le creuser.

Discussion générale et conclusion

56L’enquête du GIS Marsouin a tout d’abord permis de mettre en évidence l’absence de substitution entre l’utilisation de Facebook et la sociabilité, en particulier celle qui repose sur des liens forts : au contraire, les gros utilisateurs de Facebook sont aussi ceux qui sortent le plus avec leurs amis et proches. Pourtant, cela ne veut pas dire que Facebook est nécessairement perçu comme un moyen de renforcer sa sociabilité. En effet, nous montrons que l’influence perçue de l’utilisation de Facebook sur la sociabilité n’est pas systématique et est fortement dépendante du contexte social et générationnel. Nous avons pu établir un ensemble de résultats intéressants dont certains méritent un approfondissement ultérieur.

57Tout d’abord les variables mesurant la sociabilité en ligne sont, quel que soit le modèle, un facteur déterminant de la probabilité que Facebook ait un effet positif sur la sociabilité hors ligne. Cela confirme l’idée évoquée plus haut d’un « entrelacement » entre les interactions directes et celles qui passent par l’intermédiaire d’un système électronique, et ce d’autant plus que les usages du réseau social en ligne sont intenses.

58Un autre résultat est que Facebook semble, pour ceux qui ont perçu une modification de leur sociabilité grâce à Facebook, plus augmenter les liens faibles que les liens forts : ils y ont trouvé plus d’opportunités de faire de nouvelles connaissances que d’occasions de se faire de nouveaux amis. Ceci va dans le sens des résultats antérieurs, notamment ceux d’Ellison et al. (2007).

59Nous avons également pu noter des effets de groupe liés à l’usage de Facebook. Ceux pour qui l’entourage est aussi sur Facebook, auront tendance à moins utiliser le réseau pour étendre leur réseau social, étant enclins à rester « entre amis ». Ce point mérite également d’être approfondi en interrogeant les personnes sur les volumes de leurs interactions avec différentes catégories d’amis Facebook : les personnes très proches, les amis plus éloignés, les collègues de travail, les « copains d’avant », ceux qui partagent un hobby commun, etc.

60Un résultat original que nous avons exploité plus en détail dans un autre papier est que Facebook semble avoir un effet de compensation, pour certains internautes, sur les écarts de sociabilité : les individus disposant d’un moindre réseau de connaissances, car bénéficiant d’un capital culturel (mesuré par le diplôme) moindre, trouvent sur Facebook plus d’opportunités de se créer de nouvelles connaissances. Ce rôle compensateur est aussi observé sur les liens forts : les professions libérales et intellectuelles supérieures ont une probabilité plus faible de se faire de nouveaux amis que les ouvriers (modèle 2), alors que dans le monde réel, ces professions sont généralement pourvues d’un fort réseau d’amis. De même, si Facebook est perçu par certains comme un moyen de voir plus souvent leurs amis, cela concerne surtout les CSP les moins favorisées (ouvriers, employés) ou les plus indépendantes (artisans, commerçants chefs d’entreprise) et les personnes à capital culturel moins élevé (en dessous de Bac + 3). Ce résultat est relativement inattendu, car on avait tendance à penser que les dispositifs techniques renforçaient les inégalités sociales et notamment les inégalités de capital social (Rivière, 2001).

61À l’inverse, Facebook semble creuser les écarts de sociabilité liés à la localisation géographique de ses usagers, une localisation à proximité des lieux de sorties habituels contribuant à amplifier l’effet positif que joue le réseau social sur les liens forts. Mais ce premier résultat mériterait un approfondissement pour mieux comprendre l’articulation entre le lieu de résidence, la disposition d’« aménités » locales (lieux de sortie, tissu associatif), la localisation de ses proches, la pratique de sociabilité courante (sortir, voir ses amis ou ses proches) et l’usage de Facebook. C’est le caractère territorial ou non des réseaux sociaux numériques qui pourrait être évalué par cette recherche approfondie.

62Un autre résultat important est l’impact générationnel : on sait que ce sont les jeunes qui pratiquent le plus la sociabilité en ligne. Nous montrons en outre que, même en contrôlant le niveau de cette sociabilité en ligne, les jeunes déclarent plus facilement accroître leur cercle de connaissances que les personnes plus âgées, ce qui tendrait à prouver qu’ils acceptent plus souvent d’être amis d’inconnus. De même, pour les jeunes plus que pour les plus âgés, l’usage de Facebook (encore une fois en contrôlant la plus grande sociabilité en ligne des jeunes) les induit à rencontrer plus souvent leurs amis, ce qui est peut-être dû à leur plus grande facilité à organiser des événements grâce à Facebook. En revanche, Facebook n’a pas plus d’effet perçu sur le nombre d’amis pour les jeunes que pour d’autres catégories d’âge, si on contrôle la plus grande activité des jeunes sur Facebook.

63Au total, la disposition d’un échantillon représentatif d’internautes français nous a permis de montrer les liens entre la sociabilité en ligne et hors ligne ainsi que la diversité des impacts perçus de Facebook sur la sociabilité de ces personnes. Nous sommes conscients qu’une enquête, processus de collecte de données déclaratives, a de nombreuses limites, principalement le risque d’écart entre ce qui est déclaré et ce qui est effectif. Mais le recueil direct des usages sur Internet, s’il permet de mesurer des comportements réels, souffre aussi d’une limite importante : il ne permet d’acquérir que peu d’informations sur le profil des usagers et aucune sur les pratiques de sociabilité hors ligne. Une collecte d’informations par un système de carnet, telle que celle utilisée dans les enquêtes « Contact » en 1983 et « Relations de vie quotidienne » en 1997 (Héran, 1988 ; Blanpain et Pan Ke Hon, 1998), réalisée sur une période de temps suffisamment longue, permettrait de mesurer des comportements en ligne et hors ligne et donc d’évaluer réellement l’impact du réseau social sur la sociabilité de ses usagers. Elle ne permettrait probablement pas de toucher un échantillon représentatif de 2 000 utilisateurs. En l’absence des « données idéales », les voies ouvertes par ce papier nous semblent suffisamment riches pour motiver une poursuite des travaux sur la question de l’impact des réseaux sociaux et plus généralement d’Internet sur la sociabilité.


Annexe 1

Statistiques descriptives : fréquence des variables explicatives

tableau im3
Variables Modalités Effectifs Pourcentage Présence de l’entourage sur Facebook (famille proche, amis proches) Tous 449 22.45 % La majorité 1 125 56.25 % Une minorité 343 17.15 % Aucun 55 2.75 % Non-réponse 28 1.40 % Nombre d’« amis » sur Facebook Plus de 200 amis 365 18.25 % Entre 100 et 200 458 22.90 % Entre 20 et 100 789 39.45 % Moins de 20 388 19.40 % Participation à une association Active 433 21.65 % Passive 257 12.85 % Aucune 1 310 65.50 % Distance du domicile aux lieux de sorties habituels Plus d’une heure 43 2.15 % Entre 30 minutes et 1 heure 402 20.10 % Entre 10 et 30 minutes 1 270 63.50 % Moins de 10 minutes 285 14.25 % Genre Femme 1 005 50.25 % Âge Entre 15 et 24 ans 567 28.35 % Entre 25 et 34 ans 479 23.95 % Entre 35 et 49 ans 520 26.0 % 50 ans et plus 434 21.70 % Catégories socioprofessionnelles Indépendant 47 2.35 % Cadre, profession intellectuelle supérieure, profession libérale 283 14.15 Profession intermédiaire 373 18.65 % Employé 509 25.45 % Ouvrier 142 7.10 % Retraité 140 7.0 % Élève, étudiant 298 14.90 % Sans activité 208 10.40 % Niveau d’études Bac + 5 ou plus 300 15.0 % Bac + 3 ou Bac + 4 372 18.60 % Bac + 1 ou Bac + 2 500 25.0 % Niveau Bac 389 19.45 % Sans diplôme, BEPC, BEP/CAP 419 20.95 % Non-réponse 20 1.0 % Nombre d’observations 2 000
Annexe 2

Synthèse des résultats des modèles

64Les résultats des tableaux doivent être lus de la manière suivante : pour les variables/modalités significatives, nous présentons le sens de la relation (+ pour positive, – pour négative), le niveau de significativité (+++ ou – – – pour 1 %, ++ ou – – pour 5 % et + ou – pour 10 %) et le rapport de cotes (odds ratio). Pour un modèle Logistique, le coefficient estimé d’une variable/modalité ne nous renseigne que sur le sens de la relation qui existe entre cette variable et la variable expliquée. Il est alors usuel et recommandé d’interpréter les rapports de cotes pour juger de l’influence de chaque variable explicative. Un rapport de cote égal à x implique que la probabilité d’avoir élargi son cercle de connaissances est multipliée par x pour la modalité considérée par rapport à la modalité de référence. « Ref. » indique la modalité de référence ; « n.s. » indique que la variable/modalité n’est pas significative.

Tableau 1

Résultats du modèle logistique de la probabilité d’avoir élargi son cercle de connaissances grâce à Facebook (Modèle 1)

Tableau 1
Variables/modalités Modèle 1 : probabilité d’avoir élargi son cercle de connaissances Présence de l’entourage sur FB Tous – – (0,452) n.s. La majorité – – (0,440) – (0,576) Une minorité – – – (0,366) – – – (0,400) Aucun Ref. Sociabilité en ligne Indice de sociabilité en ligne + + + (1,508) / Nombre d’amis sur Facebook Plus de 200 amis / + + + (10,033) Entre 100 et 200 / + + + (5,762) Entre 20 et 100 / + + + (3,141) Moins de 20 / Ref. Participation à une association Active n.s. n.s. Passive n.s. n.s. Aucune Ref.
Tableau 1
Distance du domicile aux lieux de sorties habituels Plus d’une heure n.s. n.s. Entre 30 minutes et 1 heure n.s. n.s. Entre 10 et 30 minutes n.s. n.s. Moins de 10 minutes Ref. Genre Femme – – – (0,677) – – (0,805) Âge Entre 15 et 24 ans + (1,485) n.s. Entre 25 et 34 ans n.s. n.s. Entre 35 et 49 ans + + (1,412) n.s. 50 ans et plus Catégories socioprofessionnelles Indépendant n.s. n.s. Cadre, profession intellectuelle supérieure, profession libérale n.s. – – (0,577) Profession intermédiaire n.s. n.s. Employé n.s. n.s. Ouvrier Ref. Retraité n.s. n.s. Élève, étudiant n.s. n.s. Sans activité n.s. n.s. Niveau d’études Bac + 5 ou plus – – – (0,615) – – – (0,574) Bac + 3 ou Bac + 4 – – – (0,638) – – – (0,528) Bac + 1 ou Bac + 2 n.s. n.s. Niveau Bac Ref. Sans diplôme, BEPC, BEP/CAP n.s. n.s. Pourcentage de concordance 76,7 71,3 Nombre d’observations 2 000 2 000

Résultats du modèle logistique de la probabilité d’avoir élargi son cercle de connaissances grâce à Facebook (Modèle 1)

65Les informations contenues dans le tableau 2 sont identiques à celles du tableau précédent : le sens de la relation (+ pour positive, – pour négative), le niveau de significativité (*** pour 1 %, ** pour 5 % et * pour 10 %) et le rapport de côte (odds ratio). « Ref. » indique la modalité de référence ; « n.s. » indique que la variable/modalité n’est pas significative.

Tableau 2

Résultats des modèles logistiques multinomiaux des probabilités d’avoir plus d’amis (modèle 2) et de voir plus/moins souvent ses amis depuis qu’on utilise Facebook (modèle 3)

Tableau 2
Variables/modalités Modèle 2 : probabilité d’avoir plus d’amis Modèle 3 : probabilité de voir plus souvent ses amis Modèle 3 : Probabilité de voir moins souvent ses amis Présence de l’entourage sur FB Tous n.s. +++ (2,588) n.s. La majorité n.s. n.s. n.s. Une minorité n.s. Ref. Aucun Ref. Sociabilité en ligne : nombre d’amis sur Facebook Plus de 200 amis +++ (6,833) +++ (3,513) n.s. Entre 100 et 200 +++ (3,855) ++ (2,190) n.s. Entre 20 et 100 +++ (2,146) n.s. n.s. Moins de 20 Ref. Participation à une association Active n.s. n.s. n.s. Passive n.s. n.s. n.s. Aucune Ref. Distance du domicile aux lieux de sorties habituels Plus d’une heure n.s. n.s. n.s. Entre 30 minutes et 1 heure n.s. – – (0,494) n.s. Entre 10 et 30 minutes n.s. – – (0,595) n.s. Moins de 10 minutes Ref. Genre Femme n.s. n.s . n.s. Âge Entre 15 et 24 ans n.s. +++ (3,031) n.s. Entre 25 et 34 ans n.s. n.s. + (1,761) Entre 35 et 49 ans n.s. n.s. n.s. 50 ans et plus Ref. Catégories socioprofessionnelles Indépendant n.s. n.s. n.s. Cadre, profession intellectuelle supérieure, profession libérale – – – (0,317) n.s. n.s. Profession intermédiaire – (0,606) – (0,479) n.s. Employé n.s. n.s. n.s. Ouvrier Ref. Retraité – – (0,446) – – (0,089) n.s.
Tableau 2
Élève, étudiant – (0,542) – – (0,427) n.s. Sans activité n.s. n.s. n.s. Niveau d’études Bac + 5 ou plus n.s. – – (0,490) n.s. Bac + 3 ou Bac + 4 n.s. – (0,590) – (0,525) Bac + 1 ou Bac + 2 n.s. n.s. n.s. Niveau Bac Ref. Sans diplôme, BEPC, BEP/CAP n.s. n.s. n.s. Nombre d’observations 1972

Résultats des modèles logistiques multinomiaux des probabilités d’avoir plus d’amis (modèle 2) et de voir plus/moins souvent ses amis depuis qu’on utilise Facebook (modèle 3)

66Les modèles 2 et 3 réalisés sur l’échantillon complet (2 000 individus) ne convergent pas en raison de l’absence d’une modalité de réponse de la variable expliquée pour certaines modalités de la variable « entourage sur Facebook ». Afin de faire converger le modèle, il a été nécessaire d’exclure de l’échantillon les non-réponses à cette question (28 individus). Pour ces deux modèles, l’échantillon est donc de 1 972 individus.

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Notes

  • [1]
    Groupement d’intérêt scientifique « Marsouin » (www.marsouin.org).
  • [2]
    Le projet Algopol en France pourrait combler cette lacune. Il utilise sur la base d’un volontariat et d’une « viralité » (recommandation à ses amis de participer au projet) une application installée par ces volontaires, qui « trace » leur activité sur Facebook. Il contrôle la représentativité, en offrant aussi aux membres du panel CSA d’internautes, d’installer cette application. Mais leurs résultats n’ont pas encore été publiés au moment où nous écrivons (août 2015) : http://algopol.huma-num.fr/appresults/le-projet/
  • [3]
    L’échantillon a été construit selon la méthode des quotas en fonction de l’âge, du genre, de la localisation géographique et de la catégorie socioprofessionnelle.
  • [4]
    Afin que les répondants puissent clairement distinguer les amis sur Facebook, des « vrais » amis, les amis sur Facebook ont été nommés « amis » avec des guillemets dans le questionnaire.
  • [5]
    Nous ne présenterons pas les résultats du modèle 2 concernant la probabilité d’avoir moins d’amis, les effectifs étant trop faibles (seulement 4 % des interviewés déclarent avoir moins d’amis depuis qu’ils ont Facebook).
  • [6]
    Pour le modèle 1, nous présenterons les résultats avec chacune de ces variables ; pour les modèles 2, 3 et 4, nous présenterons uniquement les résultats des modèles avec la variable « nombre d’amis sur Facebook », les modèles avec la variable « indice de sociabilité en ligne donnant les mêmes résultats ».
  • [7]
    Dunbar avait observé qu’à l’instar des singes qui, ne pouvant pas s’épouiller eux-mêmes, s’épouillent mutuellement, ce qui renforce la confiance dans le groupe, les individus prennent (et perdent) le temps d’échanger des propos banals qui ne les intéressent pas pour solidifier la cohésion du groupe.
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