Réseaux 2014/5 n° 187

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Article de revue

La production des formes de capital médiatique interne et externe

L'étrange cas de David Cameron au sein du champ politique britannique

Pages 107 à 133

Notes

  • [1]
    Cet article a originellement été publié sous le titre « Generating forms of media capital inside and outside a field: the strange case of David Cameron in the UK political field », dans la revue Media, Culture & Society, 2010, vol. 32 (5), pp. 739-759. Il est traduit de l’anglais par Clément Desrumaux et Jérémie Nollet. À la demande du comité de rédaction, la version a été allégée des développements consacrés à la présentation des concepts de Pierre Bourdieu, moins utiles à des lecteurs français qu’au public anglophone.
  • [2]
    NDT : conformément aux précisions données en introduction du numéro, le terme « mediated » est traduit par l’adjectif « médiatisé », au double de sens de « qui passe dans les médias » et « qui est intermédié ».
  • [3]
    NDT : Dans le passage qu’ils consacrent aux définitions de concepts de Bourdieu, Aeron Davis et Emily Seymour repèrent deux définitions distinctes de la place des journalistes dans le champ politique : « Pour de nombreux chercheurs, les médias d’information offrent au public une représentation symbolique de la politique. Dans le même temps, les journalistes agissent socialement en grande partie en tant que membres des champs qu’ils couvrent (Barnett et Gaber, 2001 ; Cook, 1998 ; Davis, 2007 ; Herbst, 1998). Basés durablement dans les institutions politiques, ils y passent plus de temps que dans leur rédaction. Pour d’autres chercheurs, les journalistes sont davantage tenus par les normes et pratiques du champ journalistique lui-même (Benson, 1998 ; Benson et Neveu, 2005 ; Bourdieu, 1998, 2005 ; Champagne, 2005 ; Couldry, 2003). Ainsi, les journalistes sont des intermédiaires culturels à l’intersection de champs professionnels, des rédactions et des publics. Cela suggère qu’il y a non pas une, mais plusieurs formes, ou composantes, du capital médiatique que les individus peuvent chercher à accumuler auprès de différents publics (les pairs, les intermédiaires, le grand public). Celles-ci agissent au sein d’un champ politique et en dehors, et sur une base à la fois personnelle et institutionnelle. »
  • [4]
    Les correspondants au Parlement du Royaume-Uni spécialisés sur les questions politiques sont aussi connus sous les noms de « lobby journalists » [traduit ici par « journalistes parlementaires »].
  • [5]
    NDT : Le cercle de Notting Hill est une désignation plutôt péjorative du groupe informel de responsables du Parti conservateur autour de David Cameron.
  • [6]
    On a classé tous les articles en « positif » ou « négatif » sur une échelle allant de +2 (approbation pure et simple) à -2 (critique univoque). La majorité des articles sont neutres ou équilibrés, avec une note de 0. Les fluctuations dans les couvertures correspondent au total cumulé hebdomadaire des articles positifs ou négatifs.
  • [7]
    NDT : Ce diplôme est une propriété commune à de nombreux parlementaires britanniques. Cette filière peut être comparée au cursus Sciences-Po en France.
  • [8]
    Dans le tableau 3, source « directe » signifie aussi bien que ses propos sont repris directement dans le journal ou qu’ils proviennent probablement d’un point de presse. Les sources « indirectes » renvoient à des interviews, des déclarations ou des reprises d’articles d’autres titres, de la télévision ou de communiqués de presse. La dernière colonne renvoie à une interview de l’individu ou à un texte écrit par celui-ci.
  • [9]
    51 % (413) des 813 articles collectés pour les huit titres sont écrits par seulement 14 journalistes. En ajoutant ceux d’autres journaux et les principaux journalistes de télévision et de radio, on peut estimer que pas plus de 20-30 journalistes ont dominé la couverture reçue par le public.

1À mesure que les sociétés deviennent plus « médiatisées » [2] [mediated], l’émergence des personnalités publiques est de plus en plus liée à leur capacité à se fabriquer une notoriété grâce aux médias de masse. Pour les politiques, les artistes, les stars de cinéma, les auteurs et d’autres, l’acquisition du statut professionnel se fonde en partie sur la façon dont réagissent les citoyens-consommateurs à leurs représentations médiatiques. La célébrité individuelle et le pouvoir symbolique sont désormais implicitement associés aux médias dans nombre d’écrits. La réussite des individus s’expliquerait par leur charisme personnel (Weber, 1948) et une capacité innée à afficher une personnalité médiatique qui draine de larges audiences (Ankersmit, 1997 ; Horton et Wohl, 1993 ; Pels, 2003 ; Street, 2003). D’autres auteurs considèrent que l’image symbolique est essentiellement fabriquée par des professionnels de la publicité (Boorstin, 1962 ; Evans, 2005 ; Franklin, 2004 ; Hall, Jamieson, 1996 ; Lilleker, Lees Marshment, 2006) mais aussi par certaines franges de l’industrie médiatique (Evans et Hesmondhalgh, 2005 ; Turner, 2004). Quelle que soit la manière dont se développe l’image publique d’un individu, l’exposition médiatique confère un statut de « définisseur primaire » à ceux qui sont placés en position de pouvoir, apportant ainsi un surcroît de couverture médiatique (Bennett, 1990 ; Champagne, 2005 ; Hall et al., 1978 ; Herman et Chomsky, 2002).

Personnalités publiques, médias et pouvoir symbolique

2Cette littérature variée nous apprend comment les personnalités publiques de premier plan entretiennent des « relations para-sociales » avec leur public (Horton et Wohl, 1993), la manière dont elles sont vendues avec succès comme des produits ou comment elles apparaissent comme des « définisseurs primaires ». Le processus de sélection des agents au sein d’un champ, d’abord, et ensuite la façon dont ce processus est influencé par les préoccupations liées à la médiatisation sont des questions qui demeurent beaucoup moins explorées.

3Ces questions suggèrent que les personnalités publiques ont du succès parce qu’elles parviennent à acquérir la reconnaissance et le soutien d’un ensemble de publics : les pairs, les intermédiaires médiatiques et le grand public. Dans certains secteurs, comme l’art d’avant-garde ou les films à gros budget, il n’est pas nécessaire que ces différents publics partagent le même point de vue. Dans d’autres secteurs, le statut professionnel individuel se trouve rehaussé par la combinaison de la perception sociale des qualités professionnelles de la personne et de sa capacité à rassembler largement le soutien d’un public (pour plus de détails, voir Moran, 1999 ; Wright, 2007). Ces trois publics (pairs, intermédiaires et grand public) doivent alors s’accorder, dans des proportions significatives, sur la représentation de la personne, même si leurs critères d’évaluation peuvent varier. Pour chacun des publics concernés, la représentation médiatique est à un degré plus ou moins important un élément clé de l’évaluation des individus. L’exposition médiatique est en effet un moyen de produire de la reconnaissance symbolique au sein d’une profession, des intermédiaires, mais aussi du grand public. La capacité d’obtenir une présence médiatique, à la fois quantitative et qualitative, via une large gamme de médias et de publics devient essentielle. Comment cela s’obtient-il, et comment pouvons-nous conceptualiser, mais aussi étudier empiriquement la question de manière systématique ?

4Afin d’examiner ces questions, cet article s’appuie sur les travaux de Pierre Bourdieu qui développent le concept de « capital médiatique » et étudient son application dans le champ politique. Les outils analytiques de Bourdieu se sont avérés très pertinents pour étudier les individus, l’accumulation et le déploiement de leurs ressources économiques et culturelles, ainsi que leurs déplacements au sein des « champs » et de la société dans son ensemble. Cependant, en dépit d’un vif intérêt pour les médias et la politique (1998, 2005), Bourdieu n’a jamais directement travaillé sur les champs politique ou médiatique, et n’a pas lui-même utilisé le terme de « capital médiatique » [3]. […]

Les formes du capital médiatique et leur accumulation dans le champ politique

5Il faut décomposer le concept de « capital médiatique » pour décrire ses formes ou éléments distincts. Ces derniers se distinguent principalement entre ceux qui sont produits au sein d’un champ politique et ceux qui le sont à l’extérieur, parmi les citoyens. Le capital médiatique produit et mobilisé en dehors du champ opère en relation avec les citoyens, comme moyen d’acquérir du pouvoir symbolique, et en relation avec le méta-capital symbolique de l’État. À la suite de Couldry (2003), on peut simplement le désigner comme « méta-capital médiatique ». Celui produit au sein du champ politique, en relation avec les agents politiques et les intermédiaires que sont les journalistes, participe d’un capital symbolique (ou politique) global au sein du champ. Il pourrait être dénommé « capital médiatique interne » [« internal media capital »]. Dans cette perspective, les agents politiques se comportent différemment, et sont jugés différemment, en fonction de leurs publics, que ce soient des publics directs et internes, intermédiaires ou extérieurs. La façon dont les membres du champ politique jugent leurs pairs, et donc leur confèrent du capital symbolique, diffère considérablement de la façon dont le public les juge et leur en confère. Une telle conclusion découle aussi de plusieurs études de science politique et de sciences de l’information et de la communication, qui ne s’inscrivent pas dans la théorie des champs (Alberoni, 2006 ; Ankersmit, 1997 ; Corner, 2003 ; Davis, 2007).

6En deuxième lieu, les formes du capital médiatique se différencient entre celles liées aux positions institutionnelles et celles liées à la personnalité individuelle. Bourdieu (1991) identifiait deux formes de capital symbolique au sein du champ politique : le capital « personnel » et le capital « délégué ». Le capital délégué, tout comme la forme légale-rationnelle de l’autorité chez Weber (1948), est lié aux positions officielles reconnues. Ce « capital médiatique institutionnalisé » [« institutionalized media capital »] est acquis en fonction de la position d’un individu au sein d’un parti politique ou dans une institution étatique, et est reconnu dans le monde social par l’intermédiaire des médias. L’autre forme, « personnalisée » ou « charismatique » (Weber, 1948), est un « capital médiatique individualisé » [« individualized media capital »]. Des individus peuvent accumuler des formes personnalisées de capital médiatique par toutes sortes de « performances » ou en nouant des relations avec les médias au fil du temps. Ainsi, plusieurs études (Alberoni, 2006 ; Boorstin, 1962 ; West et Orman, 2003) décrivent la communication des politiques comme le fruit de leurs qualités « naturelles », « innées », « héroïques » ou « charismatiques ». Pour d’autres (Pels, 2003 ; Stanyer et Wring, 2004 ; Street, 2003), les agents politiques doivent présenter une « persona » qui combine le familier et le non-familier, l’ordinaire et l’extraordinaire, afin d’impressionner le public tout en permettant de développer des « relations para-sociales ».

7Comment ces formes de capital médiatique s’accumulent-elles ? À un niveau simple et quantifiable, ce type de capital se mesure par l’exposition médiatique, qui est fonction du nombre d’apparitions et de l’importance de la diffusion des médias concernés. La nature du public (interne au champ, intermédiaire ou général) compte aussi indiscutablement, dans la mesure où chaque type de public confère un capital symbolique spécifique. Enfin, de manière plus qualitative, le cadre discursif implicite dans les textes médiatiques est un facteur contributif plus complexe.

8Si l’on croise ces définitions, il apparaît que le « méta-capital médiatique institutionnalisé » produit à l’extérieur du champ est le plus simple à accumuler. Il y a souvent une hiérarchie naturelle des positions politiques qui peut s’accompagner d’une accumulation parallèle de capital médiatique. Ainsi, comme les travaux sur les relations entre les médias et leurs sources tendent à le confirmer (Bennett, 1990 ; Hall et al., 1978 ; Herman et Chomsky, 2002), les élites politiques deviennent automatiquement des sources d’information dominantes et déterminent l’agenda médiatique. Le « méta-capital médiatique individualisé » produit à l’extérieur du champ est plus insaisissable, à la manière d’un saint Graal que les organisations politiques recherchent de plus en plus lorsqu’ils sélectionnent leurs leaders ou leurs porte-parole. Les performances personnelles et les présentations journalistiques des agents dans les médias deviennent des enjeux de plus en plus importants pour véhiculer une combinaison de qualités personnelles apte à mobiliser les citoyens. Une fois les leaders ou les porte-parole sélectionnés, le recours croissant à des professionnels de la publicité (Boorstin, 1962 ; Hall Jamienson, 1996 ; Lilleker et Less Marshment, 2006 ; Wernick, 1991) suggère toutefois qu’une personnalité politique présentée au public peut, dans une certaine mesure, être fabriquée, testée via des focus groups et « managée » par des conseillers.

9La constitution de capital médiatique interne auprès des journalistes passe par les deux modes que sont l’accumulation d’un « capital social auprès des journalistes » [« journalist-based social capital »] et celle d’un « capital culturel médiatique » [« media cultural capital »]. Dans la mesure où les agents politiques et les journalistes ont des échanges denses et réguliers, les premiers se construisent un capital social avec les seconds lorsqu’ils se constituent un carnet d’adresses et entretiennent de bonnes relations avec eux tout au long de leur carrière. Le capital culturel médiatique se fonde sur l’accumulation de connaissances sur le fonctionnement de la production de l’information et sur la façon dont les journalistes travaillent. Il s’acquiert avec l’expérience politique, par des formations professionnelles spécialisées sur les médias et, de plus en plus, par une expérience professionnelle antérieure en tant que journaliste ou spécialiste des relations publiques. Ces moyens d’influencer sa propre exposition médiatique à destination du monde social dans son ensemble s’obtiennent de manière relativement indépendante de la position institutionnelle de l’individu ou de ses qualités télégéniques et sont donc un moyen de contrebalancer ces déterminants.

10Un autre mode plus évident d’accumulation du capital symbolique par les médias passe par un « capital lié à des performances médiatisées » [« mediated performance capital »] à destination du public. Les performances peuvent contribuer à l’accumulation de chacune des quatre formes de capital médiatique identifiées précédemment et produisent une combinaison dynamique des formes produites au sein et à l’extérieur du champ politique. Cela s’explique par le fait que les performances politiques ciblent des publics multiples et, par conséquent, sont jugées (ou décodées) de différentes manières par ces publics. Une telle évaluation médiatisée des performances des agents politiques repose sur un ensemble de paramètres qui peuvent correspondre au pôle le plus « autonome » (capital médiatique interne) ou au plus « hétéronome » (méta-capital médiatique externe) du champ politique. Au pôle le plus « autonome », la première forme de jugement médiatisé apparaît dans les échanges personnels entre les agents politiques et les journalistes, ou lors de performances observées par des journalistes dans des lieux plus privés (réunions à huis clos, points de presse, déjeuners). La deuxième émerge lors de performances enregistrées (presse écrite, audiovisuelle et web) dans des arènes publiques institutionnalisées du champ politique (débats au parlement, réunions publiques, congrès). Les journalistes et les agents politiques observent souvent de telles performances, ou les revoient de nouveau dans des contenus médiatiques (quand elles y sont présentes). Une troisième forme de jugement apparaît dans la mesure où les agents politiques et les journalistes, tout autant que le grand public, observent et évaluent les premiers exclusivement à travers les produits médiatiques. On retrouve cette dernière forme dans des médias élitistes du pôle intellectuel, qui ont une importance symbolique particulière pour le champ politique (le Today Programme ou Question Time au Royaume-Uni). Plus on se rapproche du pôle « hétéronome » ? des journaux télévisés jusqu’aux émissions de divertissement et aux talk-shows, en passant par les programmes culturels plus grand public, comme les émissions satiriques ? plus les performances politiques deviennent accessibles.

11Bien qu’on distingue ici ces différentes formes de capital médiatique, une interaction et des échanges complexes se produisent entre elles. La capacité à générer une forme de capital influence l’accumulation d’une autre. Pour ce qui est des formes institutionnalisées et individualisées du capital médiatique, les représentations d’un individu au fil du temps peuvent évoluer en fonction de la façon dont sont perçues les organisations ou institutions qu’il représente. L’inverse est également vrai. Il en va de même pour le capital médiatique interne et le méta-capital médiatique externe. Les agents politiques n’acquièrent pas seulement du méta-capital médiatique en dehors du champ politique. Une grande partie du processus consiste à accumuler du capital médiatique en son sein ; en retour, cela permet aux agents d’acquérir des positions institutionnelles reconnues qui apportent automatiquement une couverture médiatique (méta-capital médiatique) à l’extérieur du champ politique. De même, la capacité d’un individu à produire du méta-capital médiatique à l’extérieur du champ politique peut influencer la façon dont les pairs le jugent au sein du champ politique.

L’étrange cas de David Cameron et le champ politique britannique

12Pour illustrer de manière plus dense la discussion théorique, on prendra maintenant pour objet l’ascension de David Cameron à la tête du Parti conservateur en 2005, au Royaume-Uni. Le cas présenté s’intéresse au champ politique britannique et aux structures politiques et médiatiques qui lui sont associées. Cependant, le cadre analytique et les méthodes de recherche mobilisées sont transposables à d’autres cas d’ascension politique dans beaucoup de démocraties « médiatisées ». Ces questions prennent de plus en plus d’importance dans beaucoup d’autres systèmes politiques et médiatiques (Corner et Pels, 2003 ; Lilleker et Less Marshment, 2006 ; Stanyer et Wring, 2004).

13La question posée ici est de savoir comment un jeune agent politique, relativement peu connu et peu doté de capital politique ou symbolique interne ou de méta-capital médiatique, tel que Cameron, sort de l’ombre pour diriger son parti. Pour beaucoup d’observateurs, Cameron n’est simplement qu’une créature médiatique, née spontanément de reportages trop enthousiastes à l’issue d’un simple discours à un congrès. Le considérable apport de méta-capital médiatique qui en résulte l’a propulsé devant ses rivaux. Cependant, comme nous le défendons ici, le succès de Cameron se fonde sur une longue accumulation de formes alternatives de capital politique et médiatique. Cette accumulation s’est accélérée durant la compétition partisane qui a précédé la campagne pour le leadership. Le discours de Cameron au congrès a ensuite confirmé ce que beaucoup d’initiés soupçonnaient : il était le candidat le plus capable d’accumuler du capital médiatique sous toutes ses formes et auprès des publics décisifs. Les députés, les adhérents du parti et les journalistes lui ont apporté leur soutien en retour.

14Les éléments présentés ici se fondent sur les résultats de deux méthodes de recherche. La première est l’analyse de contenu de quatre quotidiens nationaux et leurs suppléments dominicaux : le Daily / Sunday Telegraph, le Times / Sunday Times, le Daily Mail / Mail on Sunday et le Sun / News of the World. Ces journaux ont été retenus dans la mesure où ils sont les plus couramment lus par les conservateurs, députés, adhérents ou électeurs. L’analyse quantitative de ce corpus, qui court du 6 mai au 21 octobre 2005, porte sur 813 articles. La seconde méthode repose sur 39 entretiens semi-directifs avec des élus (24) et des journalistes politiques (15). Chacun a été interrogé sur ses souvenirs des événements durant la campagne pour le leadership et sur les raisons qui expliqueraient la victoire de David Cameron.

David Cameron : une créature médiatique spontanée

15À la suite des élections générales, Michael Howard, qui est « encore » Leader du Parti conservateur, annonce sa démission le 6 mai 2005. L’élection du Leader du parti est ajournée tant que les règles électorales en vigueur sont débattues. Durant l’été, David Davis, le ministre de l’Intérieur du Cabinet fantôme, est le grand favori pour prendre l’avantage sur les quinze candidats potentiels. À la fin septembre, la campagne officielle commence la semaine précédant le congrès annuel du parti à Blackpool et cinq candidats se présentent : David Davis, Ken Clarke, Liam Fox, David Cameron et Malcolm Rifkind. Rifkind abandonne par la suite. Selon les règles électorales du parti, pour remporter l’élection interne, les candidats doivent d’abord obtenir le soutien des parlementaires, qui, à l’issue de deux tours de scrutin, décident qui sont les deux derniers candidats. C’est aux adhérents que revient le choix, lors du vote final. Dans ces conditions, accumuler du capital médiatique interne, auprès des 198 députés du parti, et du méta-capital médiatique externe, parmi les 240 000 adhérents, serait indispensable. Deux autres publics sans droit de vote peuvent influencer le résultat : les journalistes parlementaires [4] et l’ensemble des votants potentiels aux élections générales. Le soutien de ces derniers apparaît nécessaire pour toute élection générale à venir contre le Parti travailliste de Tony Blair, et a été une considération omniprésente en arrière-plan de la course à l’investiture.

16Le tableau 1, qui synthétise les données de sondage de la période étudiée, indique que les principaux publics diffèrent considérablement quant aux niveaux de soutien pour les candidats. Sur la plus grande partie de cette période, seul David Davis reçoit un franc soutien des parlementaires, alors même qu’il n’a jamais obtenu un fort soutien des électeurs potentiels et que celui des sympathisants de son parti s’effondre de façon spectaculaire après le congrès. À l’inverse, Ken Clarke devient un vrai leader aux yeux de l’ensemble des électeurs potentiels et des sympathisants, mais, au sein du champ politique, il lui manque un véritable soutien de ses collègues députés et est éliminé dès le premier tour de scrutin. Jusqu’à la semaine du congrès, David Cameron doit se battre pour toucher tous les publics, mais il dépasse ensuite ses rivaux auprès de tous ces publics presque simultanément.

Tableau 1

Soutiens des candidats parmi les sondés, les sympathisants et les députés (29 mai au 21 octobre 2005)

Tableau 1
Date Sondage ou vote D Cameron % D Davis % Ken Clarke % Sondés Symp. cons. Députés Sondés Symp. cons. Députés Sondés Symp. cons. Députés 29/5 Telg/YouGov 15 35 10 27/7 Times/Populus 4 12 29 04/9 S Times/YouGov 9 28 8 06/9 Times/Populus 2 10 41 06/9 Times/Populus 3 16 55 07/9 MORI 2 6 32 09/9 Newsnight/ICM 4 10 40 10/9 Telg/YouGov 17 27 33 11/9 S Time/YouGov 6 16 42 30/9 YouGov 16 30 30 07-09/10 S Times 18 16 25 09/10 YouGov 39 14 26 10/10 Déclarations des députés 17 35 11 11/10 Times/Populus 45 15 22 13/10 Déclarations des députés 16 33 12 17/10 D Mail/Const Chairs 51 21 22 17/10 D Mail/Déclarations des députés 17 34 12 18/10 1er tour du scrutin parlementaire (198) (56) 28 (62) 31 (38) 19 19/10 YouGov 59 15 - 20/10 2e tour du scrutin parlementaire (198) (90) 45 (57) 29 - 21/10 MORI 33 13 - 06/12 Vote des adhérents 68 32

Soutiens des candidats parmi les sondés, les sympathisants et les députés (29 mai au 21 octobre 2005)

17Ce retournement spectaculaire est très surprenant quand on regarde les indicateurs les plus évidents de soutien en termes de méta-capital politique et des médias. Élu en 2001 seulement, et nommé pour la première fois au Cabinet fantôme en mai 2005, Cameron est relativement peu connu des députés. De plus, il manque de toute évidence de méta-capital médiatique externe, puisque son exposition médiatique est la plus faible (en nombre d’articles le mentionnant), et qu’il obtient peu de reconnaissance publique. Le tableau 2 indique le nombre d’occurrences médiatiques des principaux candidats dans les huit titres de presse sélectionnés, au cours des trois années précédant la période électorale. La couverture médiatique de Cameron représente moins d’un quart de celle de Ken Clarke et d’un neuvième de celle de David Davis. Ayant déjà été ministre (1979-1987) et membre du Cabinet (1987-1997), Ken Clarke est le candidat le plus expérimenté politiquement parlant et le plus connu publiquement. Par la suite, alors qu’il est un député de base en vue, son capital médiatique institutionnel s’effondre. Liam Fox, qui est membre senior du Cabinet fantôme et numéro deux du parti (1999-2005), arrive en deuxième position de la couverture médiatique durant cette période de trois ans, avec 1 057 occurrences médiatiques. David Davis, qui a été membre du gouvernement conservateur (1994-1997), numéro deux du parti (2001-2003), puis ministre de l’Intérieur dans le Cabinet fantôme (2003-2005), apparaît comme un leader incontestable, au regard du renforcement de son capital politique et sa position institutionnelle. Comme on peut s’y attendre, il devance également chacun de ses rivaux en termes de méta-capital médiatique. En conséquence, beaucoup de journalistes en tirent alors la conclusion qu’il est le gagnant le plus probable. En mai et juin, avant l’ouverture officielle de la campagne interne, pas moins de 52 articles insistent sur le statut de favori de Davis.

Tableau 2

Couverture médiatique des candidats dans huit titres de presse, durant la période de trois ans précédant l’élection interne (6 mai 2002 - 5 mai 2005)

Tableau 2
D. Cameron D. Davis K. Clarke 6/5/02-5/11/02 17 327 170 6/11/02-5/5/03 14 181 215 6/5/03-5/11/03 21 213 183 6/11/03-5/5/04 26 343 91 6/5/04-5/11/04 49 290 56 6/11/04-5/5/05 64 444 90 Total 191 1798 805

Couverture médiatique des candidats dans huit titres de presse, durant la période de trois ans précédant l’élection interne (6 mai 2002 - 5 mai 2005)

18Lorsque la campagne officielle débute, fin septembre, il semble que Cameron ne parviendra pas à surmonter ses déficits en capitaux politique et médiatique. Le soutien de Cameron parmi les parlementaires est encore faible. Son déficit en méta-capital médiatique sur les trois années précédentes se traduit par une faible reconnaissance externe, puisque seulement 3 % des sympathisants du parti soutiennent sa candidature. Son âge, son cursus scolaire privilégié et son identification en tant que membre du « cercle de Notting Hill » [5] (un terme utilisé dans pas moins de 77 articles), tout concourt à ce qu’il ne soit pas considéré comme un candidat sérieux, capable d’attirer un soutien électoral plus large. La plupart des personnes interrogées s’accordent sur ce point. Comme le dit Ben Brogan, rédacteur en chef du service politique du Daily Mail : « Il semblait y avoir une unanimité pour dire que c’était du tout cuit pour David Davis au Parti conservateur. Tout le monde disait que c’était trop tôt pour David Cameron. »

19Cependant, tout change de façon spectaculaire lors des quelques jours du congrès où les cinq candidats doivent faire leur discours. Après un discours bien reçu de Cameron le 4 octobre, et un discours mal reçu de David Davis le lendemain, Cameron sort soudainement de l’ombre et devient le favori. Les journalistes de télévision focalisent leur attention sur ces performances et soutiennent de manière enthousiaste Cameron, tout en critiquant Davis. Comme les figures 1 et 2 le montrent, la couverture par la presse écrite va dans le même sens. Ces chiffres rendent compte de la couverture médiatique (liée au méta-capital médiatique individualisé) cumulée au fil du temps, qu’elle soit positive ou négative, pour chacun des quatre quotidiens en question [6]. Dans la première semaine d’octobre, Cameron connaît une nette hausse et Davis une baisse équivalente, lorsque, simultanément, les quatre journaux jugent sans ambiguïté les deux candidats.

20Par la suite, les quatre publics (journalistes, députés, adhérents et votants potentiels aux élections générales) s’alignent sur l’idée que c’est Cameron qui rassemble le plus large soutien. Au moment du deuxième tour de scrutin, le 20 octobre, Cameron a acquis une forte avance parmi les parlementaires conservateurs et est clairement en tête dans les sondages auprès du grand public et des sympathisants du parti. Lors des six semaines qui suivent, les choses changent peu et, le 6 décembre, Cameron gagne, avec plus des deux tiers des votes lors du scrutin final.

Figure 1

Couverture cumulée (négative ou positive) de David Cameron dans The Times, le Telegraph, le Mail et le Sun (6 mai-21 octobre 2005)

Figure 1

Couverture cumulée (négative ou positive) de David Cameron dans The Times, le Telegraph, le Mail et le Sun (6 mai-21 octobre 2005)

Figure 2

Couverture cumulée (négative ou positive) de David Davis dans The Times, le Telegraph, le Mail et le Sun (6 mai-21 octobre 2005)

Figure 2

Couverture cumulée (négative ou positive) de David Davis dans The Times, le Telegraph, le Mail et le Sun (6 mai-21 octobre 2005)

21Pour de nombreux enquêtés qui ont été témoins des événements, tout a complètement changé en un ou deux jours. Dix des 24 députés interrogés, dont la moitié de Conservateurs, tiennent les médias pour responsables de l’ascension miraculeuse de Cameron. Le député travailliste Sion Simon fait ainsi remarquer : « Je pense qu’ils l’ont fait en une nuit. […] C’est un des exemples les plus saisissants de l’ère moderne, je pense, où les médias changent le cours de l’histoire politique en un seul instant. » Sept des quinze journalistes ont également déclaré que la couverture médiatique avait joué un rôle crucial dans la poussée de Cameron, sinon pendant le congrès, au moins après. Cinq d’entre eux ont dit que la couverture télévisuelle, en particulier celle de Tom Bradby sur ITN, a été particulièrement décisive :

22

Davis entame ce week-end avec une avance, une large avance, et Cameron fait partie d’un groupe d’options possibles. […] [Tom] Bradby a appelé [sa rédaction], il a eu le courage de sortir et d’appeler. « Davis a fait un bide » et c’est devenu une réalité. […] Il y avait un désir médiatique conscient ou inconscient, un peu des deux à la fois, de créer Cameron. Et il a été créé par les médias au cours de ces 24 heures, tout comme David Davis a été détruit par les médias dans ces 24 heures.
(Peter Oborne, journaliste, commentateur)

L’accumulation de formes de capitaux politique et médiatique par David Cameron sur le long terme

23Conformément à nos hypothèses, le succès de Cameron n’a pas été aussi spontané que ce qui est dépeint. Bien que les signes les plus évidents de capital lui fassent défaut (capital social et symbolique avec les députés et méta-capital médiatique), il a passé de nombreuses années à construire des formes alternatives, internes, de capital. Ces accumulations se sont accélérées rapidement au cours des cinq mois précédant le congrès du parti et elles ont joué un rôle essentiel dans l’amorce du basculement qui a eu lieu lors du congrès.

24Dès son plus jeune âge, Cameron a commencé à accumuler du capital politique, dans ses formes sociales (réseau) et culturelles (études, expérience). Après avoir été diplômé en 1988 d’une licence de science politique, philosophie et économie de l’université d’Oxford [7], il passe six ans à travailler en étroite collaboration avec beaucoup de figures dirigeantes du parti. Il a ainsi fait un passage au Département de recherche du Parti conservateur [« Conservative Research Department », CRD], fait du conseil et de la stratégie électorale pour le Premier ministre John Major, puis a tenu des rôles de conseiller spécial du Chancelier Norman Lamont et Michael Howard le ministre de l’Intérieur (Elliott et Hanning, 2007). De fait, Cameron a travaillé dans quatre des principaux centres de pouvoir du parti, lorsque celui-ci était aux affaires, et s’est forgé un capital social dans les sphères politiques les plus élevées. La relation de Cameron avec Howard, le chef du parti 2005, compte également. Howard, qui a clairement soutenu Cameron contre Davis (mentionné dans 44 articles par 25 journalistes en mai et juin), a immédiatement promu Cameron et plusieurs alliés, tels que George Osborne, au sein du Cabinet fantôme. En retardant l’élection interne de plusieurs mois, il a laissé du temps à Osborne et Cameron d’accroître leur volume de capitaux médiatique et politique, à l’intérieur et l’extérieur du champ politique.

25Bien que manquant de méta-capital médiatique, Cameron en a accumulé des formes internes depuis de nombreuses années. Dans ses fonctions à la CRD, et en tant que conseiller des responsables du parti de l’époque, il a entretenu de nombreuses relations professionnelles avec les journalistes politiques. Il a ensuite passé sept ans à travailler à Carlton Communications (1994-2001), l’une des entreprises dominantes du secteur de la télévision dans les années 1990. En tant que directeur de la communication, puis directeur des affaires commerciales, il a continué à avoir des échanges réguliers avec les journalistes, tout en apprenant davantage sur le milieu de la production télévisuelle. En effet, Cameron a accumulé le capital médiatique d’un spécialiste accompli, tant dans sa forme culturelle que sociale (auprès avec les journalistes). Sa garde rapprochée a complété ce capital. Elle comprenait plusieurs journalistes professionnels et expérimentés (Ed Vaizey, Michael Gove et Boris Johnson), ainsi que Steve Hilton, un stratège en relation publique de chez Saatchi and Saatchi qui avait travaillé sur la campagne électorale conservatrice victorieuse de 1992. Plusieurs enquêtés ont commenté ces éléments du passé de Cameron ainsi que sa connaissance actuelle des médias et des réseaux sociaux :

26

David Cameron a débuté en entretenant de très bonnes relations avec les médias, et il ne fait aucun doute que ça l’a aidé parce qu’il a eu beaucoup de temps d’antenne aux heures de grande écoute. Beaucoup de gens dans les médias sont intervenus en sa faveur […] mais c’est parce qu’il avait fait le travail au cours de ces années pour cultiver ses contacts.
(Chris Grayling, ministre conservateur du Cabinet fantôme)

27Davis, contrairement à Cameron, est fortement doté en méta-capital médiatique externe, mais relativement peu en capital médiatique interne. Il a été jugé mauvais orateur public et n’a pas cultivé de contacts avec des journalistes (Elliott et Hanning, 2007 ; Montgomery, 2006). Ces différences ont directement influencé les stratégies de campagne des deux candidats. La présentation de soi de Cameron tentait de faire appel à un électorat plus large au-delà du Parti conservateur. Il a fait plusieurs approches auprès de journalistes et de publications de gauche, et s’est positionné explicitement comme « l’héritier de Blair ». Près de 70 articles, de 43 journalistes différents, ont tiré des comparaisons entre Cameron et Blair. À l’inverse, s’étant plutôt attaché à conserver le solide soutien dont il jouit auprès des députés, il s’est adressé aux militants du parti et a fait peu d’efforts supplémentaires à l’endroit des journalistes parlementaires. En conséquence, plusieurs articles se sont interrogés sur ces tactiques et son soutien (par exemple Jones et Helm, 2005 ; Kavanagh, 2005 ; Sylvester, 2005a). Iain Dale, le directeur de campagne de Davis a reconnu : « Il y avait un sentiment parmi les médias d’être intimidés par certains membres de l’équipe de campagne de Davis […] tout s’est évidemment cristallisé lors du congrès quand David a prononcé le discours. »

28Pendant la période estivale, Cameron et son équipe se montrent plus actifs que n’importe quelle autre équipe. Les niveaux d’activité médiatique des deux principaux candidats sont illustrés par la figure 3 et le tableau 3. David Davis obtient l’exposition médiatique la plus importante (561 articles, 75,2 % du total), suivi par Cameron (524, 70,2 %), Clarke (424, 56,9 %), et Fox (279, 34,3 %). Cependant, par rapport à la période pré-électorale précédente de six mois (voir le tableau 2), Clarke et Cameron connaissent les hausses les plus importantes concernant l’accroissement de méta-capital médiatique externe. L’exposition totale de Davis pour la période de la campagne est supérieure d’un quart par rapport aux six mois précédents. Clarke augmente la sienne de presque cinq fois et Cameron de neuf fois. Cameron et ses alliés sont aussi les sources d’information les plus proactives à l’égard des journalistes. Dans le tableau 3, Cameron, qu’il soit cité comme une source directe ou indirecte, est le plus actif [8]. Il écrit plus d’articles et/ou fait l’objet de plus d’interviews que quiconque. Les alliés de Cameron apparaissent plus que l’équipe de tout autre candidat. Cette activité de Cameron est clairement remarquée par ceux qui suivent régulièrement les affaires politiques :

Figure 3

Couverture cumulée des quatre candidats dans The Times, le Telegraph, le Mail et le Sun (6 mai-21 octobre 2005)

Figure 3

Couverture cumulée des quatre candidats dans The Times, le Telegraph, le Mail et le Sun (6 mai-21 octobre 2005)

Tableau 3

Sources citées ou évoquées entre le 6 mai et le 21 octobre 2005

Tableau 3
Source Total (%) Directe Indirecte Interview/Article D. Cameron 121 34 79 8 Alliés de Cameron 104 74 28 2 Cameron Total 225 (20.6) 108 107 10 D. Davis 111 34 72 5 Alliés de Davis 98 67 28 3 Davis Total 209 (19.1) 101 100 8 K. Clarke 97 25 69 3 Alliés de Clarke 102 53 49 0 Clarke Total 199 (18.2) 78 118 3 L. Fox 72 22 45 5 Alliés de Fox 35 21 14 0 Fox Total 107 (9.8) 43 59 5 M. Howard/Porte-parole 28 13 15 0 Autre député ou responsable conservateur 253 154 94 5 Cadre ou membre local du parti 49 45 4 0 Autre 23 15 6 2 Total autre 353 (32.3) 227 119 7 Total des sources 1093 (100) 557 503 33

Sources citées ou évoquées entre le 6 mai et le 21 octobre 2005

29

Il y avait eu un certain nombre de discours [de Cameron] qui n’avaient pas vraiment fait mouche à la télé. […] Nous allons tous à beaucoup, beaucoup, beaucoup d’événements qui ne finissent jamais à la télé. […] Mais, bien sûr, ça forge notre opinion […] donc beaucoup de journalistes ont suivi ses progrès depuis un certain temps, mais ils n’en ont pas vraiment parlé beaucoup dans leurs journaux ou à la télé parce qu’ils n’ont pas eu beaucoup d’occasions.
(Daisy McAndrew, politique éditeur de diffusion)

30De toute évidence, tout au long de la période estivale, Cameron a fait plus que tout autre candidat pour accroître son volume de capital médiatique, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du champ politique. Son exposition dans la presse écrite (méta-capital médiatique extérieur) est significativement plus élevée que ce que pouvait laisser prévoir sa position institutionnelle en tant que membre mineur du Cabinet fantôme. Il a continué à entretenir son capital social avec les journalistes parlementaires et a accumulé un certain volume de capital lié à des performances médiatisées, au pôle autonome du champ politique, par plusieurs allocutions privées en présence de journalistes. À la fin septembre, ce qui lui fait le plus défaut, c’est la forme individuelle de capital, celle qui est liée à des performances médiatisées au pôle hétéronome du champ politique. Sa capacité à établir une « relation para-sociale » avec les membres du parti et les votants potentiels aux élections générales, au-delà du champ politique n’est pas encore éprouvée. Trois événements en particulier ont changé cela et encouragé la communauté interprétative relativement restreinte de journalistes, dominée par 20 ou 30 journalistes parlementaires, à soutenir Cameron [9].

31Le premier de ces événements est le lancement officiel de la campagne de Cameron devant les journalistes, le 29 septembre. Le lancement est choisi spécialement pour suivre celui de Davis plus tôt dans la journée et en prendre le contre-pied. Davis est dans une salle sombre et démodée, lambrissée de chêne, alors que Cameron est placé dans une pièce moderne, lumineuse avec de la musique « à la mode » et des rafraîchissements. Selon plusieurs témoignages, Davis apparaît hésitant alors que Cameron se montre confiant. Sur le coup, la couverture médiatique est poliment saluée pour les deux candidats, mais une poignée de journalistes reconnus a été manifestement impressionnée par Cameron (Bennett, 2005 ; Letts, 2005a ; Parris, 2005 ; Riddell, 2005). Quelques jours plus tard, cette opinion s’est répandue plus largement dans le milieu journalistique (par exemple Sylvester, 2005b ; Thompson, 2005). William Rees-Mogg (2005) écrit dans le Mail on Sunday que : « La plupart des journalistes pensaient que David Cameron avait fait un bien meilleur lancement que David Davis. David Cameron partage certaines des compétences de Blair. » Plusieurs des journalistes politiques interrogés, qui ont commenté les lancements des deux campagnes, en ont des souvenirs clairs qu’ils évoquent spontanément :

32

Tous les journalistes politiques étaient là pour chacun des deux [lancements], nous sommes allés voir David Davis d’abord. […] Davis n’était pas assez sûr de lui mentalement pour répondre plus de trois questions […] puis nous avons descendu la rue et nous sommes allés au lancement de Cameron, et ils avaient fait des efforts dans la mise en scène… et arrive Cameron, il parle sans notes, et il est spirituel et suffisamment sûr de lui, pour répondre presque à toutes les questions de la salle. Et tout le monde a senti cette différence […] et les gens venaient en disant, enfin vous voyez : « On va faire des bons papiers pour ce gars, il est bien meilleur que l’autre type » et « Davis donne l’impression d’aller nulle part. »
(Gary Gibbon, chef du service politique)

33Le deuxième événement significatif est l’émission de BBC, Newsnight, diffusée le 3 octobre, la veille du discours de Cameron. Au cours de l’émission, Frank Luntz, un consultant politique, a organisé un focus group d’électeurs conservateurs potentiels. Les clips des cinq candidats parlant en public leur sont présentés et David Cameron obtient le retour le plus favorable. Une semaine plus tard, lors du congrès, l’équipe Cameron envoie à tous les députés conservateurs et plusieurs journalistes des DVD, sur lesquels figure cette émission. Ceci a suffi à attirer quelques commentaires journalistiques favorables (par exemple Aaronovitch, 2005 ; Hurst, 2005 ; Portillo, 2005).

34Le troisième événement est le discours lors du congrès où, une fois de plus, les compétences des cinq candidats en matière de performances médiatisées vont être directement comparées. Dans presque tous les comptes rendus, dans la presse écrite et dans les réactions recueillies, on accorde au discours de Cameron un impact fort, sans qu’il soit considéré comme le meilleur des cinq (selon la plupart des avis, c’est soit celui de Rifkind soit celui de Clarke). Les rédacteurs en chef et les commentateurs du Times, du Mail et du Telegraph sont impressionnés autant par Clarke que Cameron, mais tous soutiennent Clarke (par exemple, Jones, 2005 ; Letts, 2005b ; Webster, 2005). Cependant, plusieurs enquêtés déclarent que la couverture télévisuelle et radiophonique est particulièrement enthousiaste vis-à-vis de Cameron. Le discours de Davis a lieu le lendemain et, comme de nombreux journalistes politiques l’ont prédit en privé, il ne réussit pas à « charmer ». Pour Iain Dale, cette perception est « favorisée par de bons points de presse de l’équipe de Cameron, qui a également fait en sorte que beaucoup de ses partisans, assis en face des tables de presse, ne fassent pas de standing ovation pour David Davis ». Le bulletin d’information matinal de Bradby, qui déclare que le discours a « fait un bide », donne de nouveau le ton de la couverture qui suit. Ce soir-là, un point de basculement est atteint au sein de la communauté interprétative journalistique, lorsque le soutien passe nettement à Cameron, délaissant Davis. Le lendemain, tous les articles de presse, même s’ils se montrent favorables aux déclarations de politique générale de Davis, désapprouvent sa prestation et sa présentation avec des termes tels que « terne », « suffisant », « monotone », « mauvais », « décevante » et « sans intérêt ». Le contraste dans la façon dont le capital lié à des performances médiatisées est accumulé à l’intérieur et à l’extérieur du champ politique par les deux candidats est résumé par le député David Blunkett :

35

Le verdict instinctif et collectif des médias rassemblés à Blackpool, que David Davis avait échoué et que David Cameron était le nouveau Blair, a été absolument viscéral. […] Le jugement s’est fait sur un type particulier de performance, parce que David Davis a fait beaucoup mieux que David Cameron sur [Radio Four] Today Programme ce même jour, mais il a incontestablement fait un bide avec son discours-programme officiel [télévisé]. Et, par conséquent, le discours-programme est devenu nouvel étalon de mesure.

Conclusion

36Cet article adapte le cadre théorique de Bourdieu au champ politique et développe le concept de « capital médiatique ». Il suggère que le « capital médiatique » est accumulé dans plusieurs formes, parmi des publics contrastés et par différents modes. Il fait valoir en particulier que les personnalités publiques qui réussissent doivent produire du capital médiatique tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur champ. Bien que les formes et les modes d’accumulation soient différents, ils sont également connectés et, par conséquent, ils lient les participants d’un champ, les intermédiaires culturels et leurs publics. Cela contribue à expliquer les mécanismes culturels par lesquels le pouvoir symbolique, établi dans des hiérarchies institutionnelles, change au fil du temps et, aussi, la façon dont les « définisseurs primaires » individuels naissent et disparaissent.

37Ce schème a été utilisé ici pour interpréter un cas d’ascension politique propre au Royaume-Uni, celle de David Cameron. Le succès particulier de Cameron est, en grande partie, lié à son accumulation sur le long terme de formes moins visibles de capital médiatique au sein du champ politique britannique. L’accroissement de son capital social auprès des journalistes, de son capital culturel médiatique et de son capital lié à des performances médiatisées interne au champ politique, en particulier durant une période intensive de cinq mois, a beaucoup contribué à influencer l’opinion du microcosme de Westminster. Le capital médiatique de Davis consiste principalement en un méta-capital médiatique institutionnalisé et externe, sans beaucoup de correspondance à l’intérieur du champ politique. Les discours télévisés, ainsi que des événements moins publicisés, ont démontré que Cameron est plus capable que Davis de générer du méta-capital médiatique individualisé externe et, par conséquent, d’obtenir un succès électoral. Le potentiel de Cameron en la matière a clairement pesé sur sa production de capital symbolique/politique et de capital médiatique interne. Il est clair sur la durée (voir le tableau 1) que, à la fois pour Cameron et Davis, l’évolution des soutiens provenant des adhérents du parti devance l’évolution parmi les députés. La couverture médiatique des interventions lors du congrès, en particulier celle des journalistes de télévision, a été cruciale dans la réorientation du soutien des adhérents envers les candidats. Le soutien journalistique continu, combiné à celui des poids lourds du parti et des sondages d’opinion, a ensuite persuadé les députés de basculer en nombre en faveur de Cameron. En effet, journalistes et députés dans le champ politique, au sein de leurs communautés interprétatives respectives, ont été amenés à réorienter leur soutien en fonction de leurs croyances concernant l’orientation des votes des adhérents et des futurs votants potentiels aux élections générales.

38Le cadre théorique des formes de capital médiatique, bien qu’il soit appliqué à une étude de cas britannique, peut également être appliqué à d’autres systèmes politiques et médiatiques avancés, les démocraties « médiatiques ». De telles comparaisons des formes de capital médiatique et de leurs modes d’accumulation peuvent également éclairer les compétitions électorales entre, par exemple, Gerhardt Schröder et Edmund Stoiber (2002) ou Angela Merkel (2005), Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal (2007), Al Gore et George W. Bush (2000) ou Hilary Clinton et Barack Obama (2008). Dans chaque cas, des contrastes importants entre les formes et les volumes des capitaux médiatique et politique des candidats ont joué un rôle dans les résultats généraux de la campagne.

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    • Ben Brogan, chef du service politique du Daily Mail, 26 avril 2007.
    • Iain Dale, blogueur conservateur, auteur, éditeur, présentateur de radio et à la télévision, 22 mars 2007.
    • Garry Gibbon, chef du service politique de Channel 4 News, 25 janvier 2007.
    • Chris Grayling, député conservateur d’Epsom & Ewell, ministre des Transports du Cabinet fantôme, 14 juin 2006.
    • Daisy McAndrew, chef du service politique d’ITN, 30 janvier 2007.
    • Peter Oborne, éditorialiste politique du Daily Mail, journaliste pour The Spectator, journaliste politique et chroniqueur, 19 mai 2007.
    • Sion Simon, député travailliste de Birmingham Erdington, 31 janvier 2007.

Notes

  • [1]
    Cet article a originellement été publié sous le titre « Generating forms of media capital inside and outside a field: the strange case of David Cameron in the UK political field », dans la revue Media, Culture & Society, 2010, vol. 32 (5), pp. 739-759. Il est traduit de l’anglais par Clément Desrumaux et Jérémie Nollet. À la demande du comité de rédaction, la version a été allégée des développements consacrés à la présentation des concepts de Pierre Bourdieu, moins utiles à des lecteurs français qu’au public anglophone.
  • [2]
    NDT : conformément aux précisions données en introduction du numéro, le terme « mediated » est traduit par l’adjectif « médiatisé », au double de sens de « qui passe dans les médias » et « qui est intermédié ».
  • [3]
    NDT : Dans le passage qu’ils consacrent aux définitions de concepts de Bourdieu, Aeron Davis et Emily Seymour repèrent deux définitions distinctes de la place des journalistes dans le champ politique : « Pour de nombreux chercheurs, les médias d’information offrent au public une représentation symbolique de la politique. Dans le même temps, les journalistes agissent socialement en grande partie en tant que membres des champs qu’ils couvrent (Barnett et Gaber, 2001 ; Cook, 1998 ; Davis, 2007 ; Herbst, 1998). Basés durablement dans les institutions politiques, ils y passent plus de temps que dans leur rédaction. Pour d’autres chercheurs, les journalistes sont davantage tenus par les normes et pratiques du champ journalistique lui-même (Benson, 1998 ; Benson et Neveu, 2005 ; Bourdieu, 1998, 2005 ; Champagne, 2005 ; Couldry, 2003). Ainsi, les journalistes sont des intermédiaires culturels à l’intersection de champs professionnels, des rédactions et des publics. Cela suggère qu’il y a non pas une, mais plusieurs formes, ou composantes, du capital médiatique que les individus peuvent chercher à accumuler auprès de différents publics (les pairs, les intermédiaires, le grand public). Celles-ci agissent au sein d’un champ politique et en dehors, et sur une base à la fois personnelle et institutionnelle. »
  • [4]
    Les correspondants au Parlement du Royaume-Uni spécialisés sur les questions politiques sont aussi connus sous les noms de « lobby journalists » [traduit ici par « journalistes parlementaires »].
  • [5]
    NDT : Le cercle de Notting Hill est une désignation plutôt péjorative du groupe informel de responsables du Parti conservateur autour de David Cameron.
  • [6]
    On a classé tous les articles en « positif » ou « négatif » sur une échelle allant de +2 (approbation pure et simple) à -2 (critique univoque). La majorité des articles sont neutres ou équilibrés, avec une note de 0. Les fluctuations dans les couvertures correspondent au total cumulé hebdomadaire des articles positifs ou négatifs.
  • [7]
    NDT : Ce diplôme est une propriété commune à de nombreux parlementaires britanniques. Cette filière peut être comparée au cursus Sciences-Po en France.
  • [8]
    Dans le tableau 3, source « directe » signifie aussi bien que ses propos sont repris directement dans le journal ou qu’ils proviennent probablement d’un point de presse. Les sources « indirectes » renvoient à des interviews, des déclarations ou des reprises d’articles d’autres titres, de la télévision ou de communiqués de presse. La dernière colonne renvoie à une interview de l’individu ou à un texte écrit par celui-ci.
  • [9]
    51 % (413) des 813 articles collectés pour les huit titres sont écrits par seulement 14 journalistes. En ajoutant ceux d’autres journaux et les principaux journalistes de télévision et de radio, on peut estimer que pas plus de 20-30 journalistes ont dominé la couverture reçue par le public.
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