Notes
-
[1]
Linton Freeman L., 2004, The Development of Social Network Analysis : A Study in the Sociology of Science, Vancouver, Empirical Press.
-
[2]
Il faut signaler toutefois les efforts de Claude Fischer, l’auteur de l’une des études les plus importantes sur les réseaux personnels (Fischer, 55) « Appels privés, significations individuelles. Histoire sociale du téléphone avant-guerre aux États-Unis » pour analyser les premières étapes de la diffusion du téléphone et ses effets sur les pratiques, notamment celles qui relèvent de la sociabilité (Claude S. Fischer, 1993, America Calling : a social history of the telephone to 1940, Berkeley, University of California Press). L’une de ses conclusions est que le téléphone ne change pas significativement le déploiement des relations dans l’espace géographique.
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[3]
Les malheureux analystes de réseaux ont ainsi vu leur expression savante, plus ou moins stabilisée après de longues années de recherches et de débats, utilisée dans le langage courant pour désigner un dispositif technique. Ils doivent depuis lors passer beaucoup de temps à expliquer que les réseaux sociaux qui les intéressent existaient avant les réseaux sociaux numériques…
-
[4]
Ceux qui connaissent l’analyse des réseaux sociaux peuvent allègrement sauter cette section. Ceux qui n’accordent aucun crédit aux travaux réalisés dans cette approche peuvent carrément interrompre la lecture de ce texte.
-
[5]
Notamment Leopold von Wiese, voir Michel Forsé, « Les réseaux sociaux chez Simmel : les fondements d’un modèle individualiste et structural », in Lilyane Deroche-Gurcel, P. Watier (dir.), La Sociologie de Georg Simmel (1908). Éléments de modélisation sociale, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Sociologies », 2002, pp. 93-94.
-
[6]
Jacob Levy Moreno, 1937, Who shall survive, trad. française, Fondements de la sociométrie, Paris, Presses universitaires de France, 1954.
-
[7]
(Barnes, 182) « Classes sociales et réseaux dans un île norvégienne ». Publication originale 1954.
-
[8]
Harrison C. White, 1970, Chains of Opportunity : System Models of Mobility in Organizations, Cambridge, Harvard University Press ; F. Lorrain, H. C. White, 1971, « Structural Equivalence of Individual in Social Networks », Journal of Mathematical Sociology, vol. 1, pp. 49-80.
-
[9]
Entre de nombreux autres, Mark S. Granovetter, 1973, « The Strength of Weak Ties », American Journal of Sociology, vol. 78, n° 6 (mai 1973), pp. 1360-1380 ; Barry Wellman, 1979, « The Community Question : The Intimate Networks of East Yorkers », American Journal of Sociology, 84 (5), pp. 1201-1231 ; Nicholas Mullins, 1972, « The Development of a Scientific Speciality : the Phage Group and the Origins of Molecular Biology », Minerva, vol. 19, pp. 52-82.
-
[10]
L’International network for Social network Analysis (INSNA).
-
[11]
Alain Degenne, Michel Forsé, 2004, Les réseaux sociaux, Paris, Armand Colin.
-
[12]
Barry Wellmann, Stanley Berkowitz, dir., 1997, Social Structures : A Network Approach, 2nd ed. Greenwich, CT, JAI Press.
-
[13]
Nan Lin, 2001, Social Capital, Cambridge University Press. Dans un texte sur le capital social, Pierre Bourdieu a présenté un point de vue assez proche dans un court texte : Pierre Bourdieu (1980), « Le capital social. Notes provisoires », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 31, janvier, pp. 2-3.
-
[14]
Robert Putnam, 1995, « Bowling Alone : America’s Declining Social Capital », Journal of Democracy, vol. 6, n° 1, pp. 65-78.
-
[15]
Sanjeev Goyal, 2007, Connections : An Introduction to the Economics of Networks, Princeton University Press, Princeton.
-
[16]
Claire Lemercier, 2005, « Analyse de réseaux et histoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 52-2, avril-juin, pp. 88-112.
-
[17]
Gernot Grabher, 2008, « Trading routes, bypasses, and risky intersections : Mapping the travels of ‘networks’ between economic sociology and economic geography », Progress in Human Geography 30 (2), pp. 163-189 ; Martin Hess, 2004, « Spatial’ relationships ? Towards a reconceptualization of embeddedness », Progress in Human Geography 28(2), pp. 165-186.
-
[18]
Voir par exemple l’étude d’Emmanuel Lazega sur un cabinet d’avocats (The collegial phenomenon, The social mechanisms of cooperation among peers in a corporate law partnership, Oxford, Oxford University Press, 2001).
-
[19]
En incluant des personnes rencontrées il y a longtemps et que nous ne voyons plus, ce qui pose des problèmes non négligeables de méthode pour amener les enquêtés à les énumérer ou en évaluer le nombre (James Stiller et R.I.M.Dunbar, 2007, « Perspective-taking and memory capacity predict social network size », Social Networks, 29, pp. 93-104).
-
[20]
C’est l’un des résultats intéressants de l’étude longitudinale dirigée par Claire Bidart et Alain Degenne (voir Claire Bidart, Alain Degenne, Michel Grossetti, 2011, La vie en réseau. Dynamique des relations sociales, Paris, Presses universitaires de France, en particulier le chapitre 8 sur la dimension géographique des réseaux).
-
[21]
Michel Grossetti, 2005, « Where do social relations come from ? A study of personal networks in the Toulouse area of France », Social Networks, 27, pp. 289-300.
-
[22]
Antonio A. Casilli, 2010, Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ?, Paris, Seuil, 2010.
-
[23]
Lee Rainie, Barry Wellman, 2012, Networked : The New Social Operating System, Cambridge Massachusetts, MIT Press.
-
[24]
Le centre tire son nom de la fondation qui en est le principal financeur, la « Pew Charitable Trusts », issue elle-même d’une fondation créée par la famille de Joseph N. Pew, industriel héritier de la compagnie pétrolière Sun Oil et fortement engagé dans le parti républicain (http://www.pewresearch.org/). L’un des projets du Pew Research Center, le « Pew Internet and American Life Project » porte sur les usages d’Internet.
-
[25]
Paola Tubaro, Antonio A. Casilli, 2010, « An ethnographic seduction : how qualitative research and agent-based models can benefit each other », Bulletin de Méthodologie Sociologique, n° 106, pp. 59-74.
-
[26]
Rainie, Wellman, 2012, pp. 11 et 12 (ma traduction).
-
[27]
Barry Wellman, 1979, « The Community Question : The Intimate Networks of East Yorkers », American Journal of Sociology, 84, mars, pp. 1201-1231. Cette thèse s’opposait en partie à celle de Claude Fischer, auteur de l’autre grande enquête sur les réseaux personnels en milieu urbain, qui mettait plutôt l’accent sur l’insertion des relations personnelles dans des collectifs peu connectés les uns aux autres.
-
[28]
White, 2011, op. cit.
-
[29]
Voir par exemple Norbert Elias, La société des individus, Paris, Fayard, 1991, [1987].
-
[30]
Anne Vincent-Buffault, L’exercice de l’amitié. Pour une histoire des pratiques amicales aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Seuil, 1995.
-
[31]
Comme dans l’étude classique de John Padgett et Christopher Ansell, « Robust Action and the Rise of the Medici », 1400-1434, American Journal of Sociology, 98, 1993, pp. 1259-1319.
-
[32]
Emmanuel Le Roy Ladurie, 1975, Montaillou, village occitan, de 1294 à 1324, Paris, Gallimard.
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[33]
Des relations de parrainage.
-
[34]
Pour une synthèse des recherches sur cette question, voir Sebastian Schnettler, 2009, « A structured overview of 50 years of small-world research », Social Networks, 31, pp. 165-178.
-
[35]
Stanley Milgram, 1967, « The small world problem », Psychology Today, 2, pp. 60-67.
-
[36]
Michel Forsé, 2012, « Les réseaux sociaux d’aujourd’hui. Un monde décidément bien petit », Revue de l’OFCE, 125, pp. 155-169.
-
[37]
On estime en général qu’en deçà de 16 intermédiaires, ce qui correspondrait à la structure d’un réseau dont les liens seraient aléatoires, on a bien affaire à une structure de petit monde.
-
[38]
Robin I. M. Dunbar, 1993, « Coevolution of neocortical size, group size and language in humans », Behavioral and Brain Sciences, 16(4), pp. 681-735. Russel A. Hill, Robin I. M. Dunbar, 2002, « Social Network Size in Humans », Human Nature, vol. 14, n° 1, pp. 53-72.
-
[39]
McPherson, Miller, Lynn Smith-Lovin, Matthew E. Brashears, 2006, « Social Isolation in America : Changes in Core Discussion Networks over Two Decades », American Sociological Review, 71, pp. 353-375.
-
[40]
Claude S. Fischer, 2009, « The 2004 GSS Finding of Shrunken Social Networks : An Artifact ? », American Sociological Review, 74(4), pp. 657-669. Voir également la réponse des auteurs : Miller McPherson, Lynn Smith-Lovin, Matthew E. Brashears, 2009, « Reply to Fischer : Models and Marginals : Using Survey Evidence to Study Social Networks », American Sociological Review, vol. 74, n° 4 (août 2009), pp. 670-681.
-
[41]
Keith N. Hampton, Lynn F. Sessions, Eun Ja Her, Lee Rainie, 2009, « Social Isolation and New Technology », 2009, Pew Internet & American Life Project : Washington. En ligne : http://www.pewinternet.org/Reports/2009/18--Social-Isolation-and-New-Technology.aspx.
-
[42]
Cornelia Wrzus, Martha Hänel, Jenny Wagner, Franz J. Neyer, 2013, « Social Network Changes and Life Events Across the Lifespan : A Meta-Analysis », Psychological Bulletin, 139 (1), janvier 2013, pp. 53-80.
-
[43]
(Lethiais, Roudaut, 164), « Les amitiés virtuelles dans la vie réelle. Profils, motifs et modalités de construction , (Chaulet, 154), « Sélection, appariement et modes d’engagement dans les sites de mise en relation ».
-
[44]
Conrad Lee, Thomas Scherngell, Michael J. Barber, 2011, « Investigating an online social network using spatial interaction models », Social Networks 33, pp. 129-133.
-
[45]
L’homophilie est la similarité de caractéristiques entre les deux personnes en relation. On peut évaluer une homophilie de genre, d’âge, de niveau d’études, etc.
-
[46]
Michel Forsé, Louis Chauvel, 1995, « L’évolution de l’homogamie en France : une méthode pour comparer les diagonalités de plusieurs tables », Revue Française de Sociologie, 36-1, 1995, pp. 123-142. Voir également Milan Bouchet-Valat, 2013, « Patterns and Trends of Educational and Occupational Homogamy : Evidence for France Based on Yearly Surveys (1969-2011) », Conférence de printemps du Comité de recherche sur la stratification sociale et la mobilité (RC28), Trento (Italie), 18 mai 2013.
-
[47]
Jeroen Smits, Wout Ultee, Jan Lammers, 2000, « More or Less Educational Homogamy ? A Test of Different Versions of Modernization Theory using Cross-Temporal Evidence for 60 Countries », American Sociological Review, 65-5, 2000, pp. 781-788.
-
[48]
Olivier Godechot, 2000, « Plus d’amis, plus proches ? Essai de comparaison de deux enquêtes peu comparables », Document INSEE, n° 0004, 2000.
-
[49]
Michel Grossetti, « Communication électronique et réseaux sociaux », Flux, 29, 1998, pp. 5-13.
-
[50]
Voir l’ouvrage La vie en réseaux.
-
[51]
Gustavo de Mesch, Ian Talmud, 2000, Similarity and Quality of Social Relationships among Adolescents, The University of Haifa, 2000.
-
[52]
Namkee Park, Seungyoon Lee, Jang Hyun Kim, 2012, « Individuals’ personal network characteristics and patterns of Facebook use : A social network approach », Computers in Human Behavior, 28, pp. 1700-1707. Voir également Eszter Hargittai, 2007, « Whose space ? Differences among users and non-users of social network sites », Journal of Computer-Mediated Communication, 13(1), pp. 276-297.
-
[53]
(Licoppe, 112-113), « Sociabilité et technologies de communication. Deux modalités d’entretien des liens interpersonnels dans le contexte du déploiement des dispositifs de communications mobiles ».
-
[54]
Caroline Datchary, 2012, La dispersion au travail, Toulouse, Octarès.
-
[55]
C’est particulièrement vrai pour les adolescents : voir Danah Boyd, 2007, « Why Youth (Heart) Social Network Sites : The Role of Networked Publics in Teenage Social Life », MacArthur Foundation Series on Digital Learning – Youth, Identity, and Digital Media Volume (ed. David Buckingham). Cambridge, MA, MIT Press et Ito, Mizuko, Sonja Baumer, Matteo Bittanti, Danah Boyd, Rachel Cody, Becky Herr, Heather A. Horst, Patricia G. Lange, Dilan Mahendran, Katynka Martinez, C.J. Pascoe, Dan Perkel, Laura Robinson, Christo Sims, Lisa Tripp (with Judd Antin, Megan Finn, Arthur Law, Annie Manion, Sarai Mitnick, Dan Schlossberg, Sarita Yardi), 2009, Hanging Out, Messing Around, Geeking Out : Living and Learning with New Media. Cambridge, MIT Press.
-
[56]
Dominique Cardon, 2010, La démocratie internet. Promesses et limites, Paris, Seuil, 2010 ; Marie-Laure Geoffray, 2012, Contester à Cuba, Paris, Dalloz.
1Au début des années 1990, lorsque l’usage d’Internet a commencé à se diffuser assez largement dans les milieux scientifiques, cela a suscité des questions dans la communauté des chercheurs en sciences sociales qui étudiaient les « réseaux sociaux », c’est-à-dire des ensembles de relations sociales entre des personnes, des organisations ou d’autres formes collectives. Constituée dans les années 1970 après une longue période de maturation des idées et des notions, cette communauté était confrontée pour la première fois depuis sa formation à une évolution importante des formes de communication. En effet, même si l’on peut retracer la ligne de recherche représentée par les analystes de réseaux au moins jusqu’au XIXe siècle [1], il n’existait pas d’étude systématique des relations interpersonnelles et des réseaux qu’elles constituent au moment de l’apparition du téléphone [2]. Parmi les questions qui se posaient lors des débuts de généralisation de l’usage d’Internet figurait naturellement celle de l’évolution possible des structures relationnelles (connectivité, taille, densité et composition des réseaux personnels, etc.) sous l’effet de la diversification et de la sophistication des moyens de communication. Cette question très difficile, dont nous verrons qu’elle n’a toujours pas trouvé de réponse globale satisfaisante, malgré l’existence de nombreux travaux intéressants, est revenue de façon plus aiguë dans les années 2000 à la faveur de l’émergence des dispositifs de sociabilité comme Facebook, dispositifs qu’il est devenu d’usage courant de nommer des « réseaux sociaux » [3]. Ces dispositifs offrent la possibilité de gérer de façon plus réflexive des relations sociales diverses, généralement regroupées sous le vocable « amis ». Il n’est donc pas exclu qu’ils favorisent des évolutions des structures relationnelles ou au moins des formes d’engagement dans les relations interpersonnelles.
2L’intérêt des analyses de réseaux sociaux est qu’elles se prêtent bien à des comparaisons dans le temps et l’espace, dans la mesure où les centaines d’études accumulées depuis les années 1950 montrent que les structures relationnelles sont relativement stables. Là où la sociologie des usages doit sans cesse documenter les pratiques liées à de nouveaux moyens de communication, au risque parfois de s’épuiser dans une course sans fin après les concepteurs et les usagers, et de surestimer les changements sociaux induits par l’évolution des moyens de communication, l’analyse des réseaux se situe sur un registre plus structurel, au risque inverse de ne pas percevoir les évolutions historiques de son objet.
3Dans cet article, j’adopterai le point de vue d’une sociologie générale prenant en compte les relations interpersonnelles et les réseaux qu’elles constituent pour faire le point sur les évolutions des caractéristiques de ces réseaux. Je commencerai par revenir succinctement sur l’analyse des réseaux et en particulier sur l’étude dite de « réseaux personnels », sur laquelle je souhaite me concentrer. Ensuite, j’évoquerai les principales questions qui me semblent se poser et les réponses qui émergent des travaux produits ces dernières années.
L’étude des réseaux personnels [4]
4Parmi les notions qui ont été proposées durant les dernières décennies pour décrire le monde social « en partant du bas », celle de réseau a connu un développement particulièrement important. Ancrée dans une tradition interactionniste, notamment les travaux de Georg Simmel et ses disciples [5], dans la psychologie sociale de Jacob Moreno [6] et surtout dans l’anthropologie britannique des années 1950 [7], la notion a été approfondie et formalisée dans les années 1960 par des chercheurs en sciences sociales formés aux mathématiques, au premier rang desquels figurent Harrison White [8] et ses collaborateurs [9]. Par la suite, s’est constituée une communauté de chercheurs [10] en même temps que s’est stabilisé un corpus de notions et de techniques de construction et d’analyse des données [11]. Sur cette base notionnelle et méthodologique relativement consensuelle, des auteurs ont tenté de construire des corpus théoriques variés, certains faisant des réseaux un nouveau structuralisme [12], d’autres les considérant comme un « capital social », autrement dit une ressource individuelle [13] ou collective [14].
5L’intérêt de la notion de réseau social est d’attirer l’attention des chercheurs en sciences humaines et sociales sur le niveau « dyadique » de structuration du monde social, autrement dit sur les relations impliquant deux entités. Dans les travaux constituant ce courant, les entités en relation peuvent être de natures très diverses. Le plus souvent il s’agit de familles, d’organisations ou d’individus. La durée des relations peut aller de l’existence de simples interactions ponctuelles jusqu’à des liens de longue durée. Ces relations peuvent être informelles ou formalisées (contractuelles par exemple). Un réseau social désigne simplement l’agrégation de ces relations sans impliquer l’existence d’une conscience collective, de frontières ou de dénominations. La notion de réseau permet donc de conceptualiser et d’analyser une forme sociale qui se différencie clairement des groupes, des organisations, ou des classes sociales qui sont plus traditionnellement mises en scène par les sciences sociales et qui se définissent plus par le partage de ressources ou la similarité de caractéristiques. Elle constitue en cela un outil analytique générique susceptible d’être mis en œuvre dans des contextes sociaux et historiques variés. C’est pourquoi cette notion est de plus en plus utilisée par des chercheurs en sciences sociales, dans toutes les disciplines, en particulier récemment en économie [15], en histoire [16] ou en géographie [17].
6Pour étudier la structure sans limites que constituent les réseaux sociaux, différentes stratégies ont été progressivement élaborées. Certains s’intéressent aux grands réseaux et démontrent, au moyen d’expériences comme celle du psychologue américain Stanley Milgram, que les réseaux sociaux ont une structure particulière, dite de « petit monde » (il suffit de quelques intermédiaires pour relier deux individus). D’autres étudient en détail des réseaux « complets », circonscrits à l’intérieur d’organisations ou de groupes, afin de déterminer les différences (de capacité d’action, de pouvoir) associées aux variations des positions au sein du réseau [18]. Quelques-uns mettent en évidence les relations interpersonnelles mobilisées dans des processus sociaux (trouver un travail par exemple), démontrant au passage qu’une part de l’activité économique est « encastrée » dans les réseaux. Enfin, parmi les travaux produisant les résultats les plus importants, figurent ceux qui traitent des réseaux personnels et qui portent sur des entourages relationnels, les personnes avec lesquelles nous entretenons les relations les plus suivies, qu’il s’agisse de liens faibles (voisins, collègues) ou plus forts (famille, amis proches). On s’intéresse ici aux formes de soutien social procurées par les réseaux, mais également aux inégalités générées ou aux effets de discrimination produits par les affinités électives.
7Que sait-on des réseaux personnels ? On sait que leur taille varie selon le critère que l’on se donne pour les délimiter : en moyenne, nous « connaissons » un millier ou deux de personnes par leur nom [19], nous pourrions mobiliser une ou deux centaines de personnes pour nous présenter à quelqu’un que nous ne connaissons pas, nous échangeons régulièrement avec une trentaine de personnes et nous ne faisons des confidences qu’à trois ou quatre proches. La plupart des études de réseaux personnels portent sur les relations les plus régulières (20 à 50 personnes selon les méthodes d’enquêtes utilisées). Que nous apprennent-elles ? Elles permettent d’abord de savoir que les réseaux ont une structure spatiale. Alors même que l’on peut entretenir des liens forts avec des personnes à l’autre bout du monde, entre deux tiers et trois quarts des personnes avec lesquelles nous sommes en relation résident dans la même aire urbaine. Beaucoup de ces relations sont fragiles : elles disparaissent ou s’endorment lorsque nous partons nous installer ailleurs. Seuls les liens forts (famille, amis proches) résistent. Les relations locales se recréent au fil du temps et il faut environ deux ans pour reconstituer un réseau local similaire à celui de personnes installées depuis longtemps. Constitué de nouveaux liens, ce réseau présente une structure semblable au réseau antérieur [20].
8Les études de réseaux personnels permettent aussi de comprendre que les relations ne naissent pas par hasard : la plupart se construisent dans des contextes collectifs (famille, études, travail…) ou concernent des personnes qui nous sont présentées par une connaissance [21]. On sait aussi que la taille des réseaux varie avec le niveau social : plus on est favorisé par l’éducation ou le revenu, plus on a de relations. Ces relations sont en outre marquées par une homophilie assez forte : on fréquente davantage ceux qui nous ressemblent par l’âge, le niveau d’études, le genre… Si l’on cumule les différences dans la taille des réseaux avec les effets d’homophilie, on constate que les plus favorisés bénéficient davantage des réseaux que les autres, car ils ont plus de relations et que ces relations peuvent procurer plus d’aide. Les effets d’homophilie peuvent être interprétés comme une ségrégation douce fabriquant de l’entre-soi par le jeu des affinités et de la sociabilité. Cette ségrégation est plus marquée dans les grandes villes que dans des contextes ruraux où la densité des réseaux est également plus élevée. Tout se passe comme si, lorsque la densité de population s’accroît, les contraintes relationnelles sont plus faibles (on a plus de choix dans l’établissement des relations), ce qui favorise les affinités et donc les réseaux personnels socialement plus homogènes. Par ailleurs, en ville, les personnes que l’on fréquente dans le cadre d’activités différentes ont moins de chances de se connaître, ce qui explique la densité plus faible des réseaux.
9Si les réseaux sont une structure sociale assez stable, peu sensible aux évolutions de contexte, les études comparatives mettent toutefois en évidence quelques variations : dans des pays ayant vécu sous des régimes autoritaires, les personnes déclarent moins d’amis dans les enquêtes destinées à étudier les réseaux personnels. Dans l’Europe du Sud, la part de ceux qui trouvent du travail par des chaînes de relations interpersonnelles est plus élevée que dans le Nord. Qu’en est-il des variations historiques, et notamment des plus récentes, qui pourraient être liées à l’évolution des moyens de communication ?
Évolutions
10Pour amorcer la réflexion sur les évolutions récentes des réseaux personnels et leurs liens éventuels avec la communication, je repartirai de deux ouvrages récents qui abordent cette question, puis je reviendrai brièvement sur le passé pour interroger les évolutions sur la longue durée. Enfin, je présenterai ce qui me semble être l’état des connaissances sur les évolutions dans la période actuelle de différents aspects des réseaux personnels.
Deux ouvrages sur les réseaux sociaux et la communication
11Parmi les auteurs qui ont tenté de répondre de façon globale à la question de l’évolution des relations sociales dans un contexte d’utilisation croissante de la communication électronique, on peut citer l’ouvrage en français d’un jeune chercheur, Antonio Casilli [22], et celui, en anglais, du vétéran de l’analyse des réseaux personnels Barry Wellman [23], associé pour l’occasion à Lee Rainie, membre du « Pew Research Center », une organisation non gouvernementale produisant des enquêtes par questionnaire et les mettant à disposition du public [24]. Auteur d’une thèse sur les usages de la communication électronique dans la consommation médicale et, avec Paola Tubaro, d’une expérience intéressante sur les usages de Facebook [25], Antonio Casilli a cherché à résumer dans son livre ce que l’on sait sur les relations sociales en ligne. Écrit agréablement dans une tonalité d’essayisme informé, mélange d’observations personnelles et de citations d’études empiriques réalisées par divers chercheurs, son livre insiste sur le fait qu’Internet est un élément du monde social et non un espace à part, que les technologies numériques ne sont en soi ni bonnes ni mauvaises. De leur côté, Rainie et Wellman s’efforcent de relier les évolutions liées à la communication électronique à des tendances historiques de plus long terme. Ils font état de trois « révolutions » successives, celles, récentes, d’Internet et des mobiles, et celle, plus ancienne, des « réseaux sociaux » : « La première, la révolution des réseaux sociaux a procuré aux gens l’opportunité (et les stress qui vont avec) d’atteindre le monde au-delà des groupes étroits. Elle a permis plus de diversité dans les relations et les mondes sociaux – et des ponts pour atteindre ces mondes, ainsi que des possibilités pour manœuvrer entre ces mondes. Ensuite, la révolution internet a donné aux gens un pouvoir de communication et des capacités pour collecter des informations qui rendent celles du passé minuscules en comparaison. Elle a également permis aux personnes de devenir leurs propres éditeurs et diffuseurs et a créé de nouvelles méthodes de construction de relations sociales. Cela a fait passer le point de contact du ménage (et du groupe de travail) à l’individu. Chaque personne crée ses propres expériences d’Internet, adaptées à ses besoins. Enfin, la révolution mobile a permis aux TIC de devenir des appendices corporels, permettant aux personnes d’accéder sur commande à leurs amis et à l’information, où qu’ils soient. Il existe une possibilité de présence continue et d’une conscience envahissante des autres dans le réseau. Les séparations physiques des personnes dans le temps et l’espace sont moins importantes [26]. » Les auteurs, qui situent la première de ces révolutions après la Deuxième Guerre mondiale avec « la diffusion large des voitures, téléphones, et des voyages en avion », retrouvent ainsi la thèse ancienne de Wellman sur les communautés « libérées », l’idée que chaque personne construit sa propre communauté autour d’elle au lieu d’être affiliée à des collectifs [27]. Les données présentées à l’appui de cette thèse de la « révolution des réseaux sociaux » portent surtout sur l’équipement des ménages (voitures, téléphones, télévisions, ordinateurs), les pratiques (appels téléphoniques, voyages en avion) ou la distribution des types de profession, mais très peu sur les réseaux personnels. Les différents chapitres comportent des synthèses très intéressantes de multiples enquêtes sur les pratiques sociales ou les usages des moyens de communication, mais ce qui est dit de l’évolution des réseaux personnels relève plus de l’affirmation que de la démonstration. En fait, en lisant l’ouvrage, on a surtout le sentiment d’une tentative pour donner une allure plus moderne à l’analyse des réseaux (certains passages ressemblent à un cours sur ce thème) en l’accolant à Internet et aux moyens de communication mobiles. Bref, quel que soit leur intérêt intrinsèque, ces deux livres ne nous informent guère sur des évolutions des réseaux personnels que l’on pourrait associer au développement des nouveaux moyens de communication.
Les réseaux personnels et la longue durée
12Il faut donc reprendre le problème à la base. Commençons par revenir sur le passé : les relations dyadiques et les réseaux personnels ont-ils toujours été ce qu’ils sont actuellement ? Ce qui a été dit plus haut sur les variations selon les pays inciterait à répondre par la négative. Harrison White, l’un des pères de l’analyse « moderne » des réseaux sociaux considère que la notion de relation dyadique s’est construite historiquement en même temps que celle d’individu, dont elle est inséparable (une relation interpersonnelle suppose qu’il y existe des personnes) [28]. On peut faire raisonnablement l’hypothèse que ces notions n’ont pas émergé au même moment dans toutes les couches de la société [29]. Il est probable qu’elles ont été plus précoces dans les milieux les plus fortunés et plus tardives pour les autres, même si certaines notions comme celle d’amitié par exemple sont extrêmement anciennes [30]. À certaines époques et pour certains milieux, la notion de relation interpersonnelle n’a sans doute pas beaucoup de sens, et celle de réseau personnel non plus, même si l’on peut établir des liens entre des familles [31] ou entre des groupes. Il ne faut toutefois pas exagérer l’enfermement des individus dans des collectifs, même dans les temps les plus anciens. Il suffit de relire le portrait du berger Pierre Maury que fait Emmanuel Leroy-Ladurie dans sa synthèse sur un village occitan [32] pour se rendre compte qu’un berger analphabète du XIVe siècle pouvait parcourir des distances considérables au fil des transhumances et constituer un réseau très vaste et diversifié de collègues, « compères », « commères » [33] et amis, bien au-delà du cercle familial et du microcosme de son village d’origine. L’usage croissant des notions et des méthodes de l’analyse des réseaux sociaux par les historiens devrait éclairer bien plus précisément que cela n’a été fait jusqu’à présent cette question des liens dyadiques dans les contextes historiques différents. Il est clair toutefois que l’idée d’une « révolution des réseaux sociaux » qui substituerait à partir de la Seconde Guerre mondiale des réseaux personnels diversifiés à l’enfermement dans des communautés villageoises ou de quartier ne résiste pas longtemps à un minimum d’examen historique. Si une telle révolution a eu lieu un jour, c’est plus probablement au Néolithique que durant les Trente Glorieuses…
Les évolutions de la période actuelle
13Tournons-nous à présent vers l’avenir : les réseaux sociaux sont-ils en train d’évoluer dans le contexte actuel de sophistication croissante et rapide des moyens de communication ? Le problème est que l’on dispose de très peu de recul et de très peu d’études fiables sur cette question. On peut donc seulement (parfois) esquisser quelques tendances et (le plus souvent) faire des hypothèses en se fondant sur des résultats concernant l’évolution des réseaux sociaux en général et les effets de l’existence des dispositifs électroniques plus anciens (courrier électronique, chats, etc.).
Le réseau social global se rétrécit-il ?
14C’est la question classique du « petit monde » [34]. On sait depuis les années 1960 et la célèbre étude du psychologue Stanley Milgram [35] que les réseaux sociaux ont une structure particulière, marquée par une forte connectivité : il suffit de relativement peu d’intermédiaires (environ cinq dans l’étude de Milgram) pour joindre n’importe quel point du réseau. Cette question ne concerne qu’indirectement les réseaux personnels. Elle porte plutôt sur ce que l’on appelle les « grands réseaux » ou les chaînes relationnelles. Je l’aborde ici, car on commence à disposer de quelques études intéressantes, sur la base des données sur les utilisateurs des sites de sociabilité Facebook et Twitter ou de la messagerie instantanée MSN [36]. Ces études aboutissent à un nombre moyen d’intermédiaires un peu plus faible que celui de Milgram (entre 3 et 5), ce qui n’a pas manqué de susciter des commentaires trop rapides sur le rétrécissement du monde social. Étant donné les différences dans la construction des données et les populations concernées, tout ce que l’on peut dire c’est que l’ordre de grandeur est similaire et que l’on retrouve bien une structure de « petit monde » [37].
La taille des réseaux personnels s’accroît-elle ?
15L’existence des moyens de communication électronique influe-t-elle sur la taille des réseaux sociaux personnels ? J’ai indiqué plus haut les ordres de grandeur auxquelles aboutissent les enquêtes : quelques intimes auxquels on se sent prêt à confier des choses importantes, des secrets ; une quinzaine de personnes en ajoutant les personnes à qui l’on parle régulièrement au cours d’un mois, quarante à cinquante relations incluant aussi des personnes que l’on fréquente dans diverses activités, cent à deux cents liens en ajoutant les personnes que l’on voit peu, mais à qui l’on pourrait demander de nous présenter à quelqu’un d’autre, et enfin plus d’un millier de personnes en comptant les personnes rencontrées au cours de notre vie et dont nous connaissons le nom et que nous pourrions simplement contacter sur la base d’interactions passées. Ajoutons que certains psychologues considèrent qu’il existe une limite cognitive de l’ordre de 150 au nombre de liens stables que l’on peut entretenir en même temps [38].
16Qu’en est-il de l’évolution de la taille des réseaux personnels ? Une controverse récente a opposé des analystes de réseaux sur les évolutions du premier des cercles décrits plus haut, celui des confidents. Analysant les données du « General Social Survey » (GSS), la grande enquête sociale reproduite régulièrement aux États-Unis, trois auteurs observent entre 1985 et 2004 une régression (en arrondissant, de trois en moyenne à deux) du nombre de personnes citées en réponse à une question sur les personnes à qui les enquêtés discutent de « de choses importantes pour eux » et concluent à la croissance de situations d’isolement social [39]. Leur analyse a été critiquée par un vétéran de l’analyse de réseaux personnels, Claude Fischer, qui leur reproche de ne pas tenir compte d’effets de méthode qui expliquent les variations apparentes [40]. Wellman a également critiqué cet article à partir des enquêtes du « Pew Research Center » dans l’ouvrage cité plus haut. En effet, une des enquêtes de cette organisation inclut la même question que celle du GSS [41]. Wellman et Rainie s’appuient sur cette étude en arguant du fait que si les résultats sont similaires à ceux du GSS (une moyenne proche de deux), il y a nettement moins de personnes qui ne citent aucun nom et surtout, les usagers d’Internet et de téléphones mobiles citent plus de noms et sont plus rarement « isolés » (aucun nom cité). Le résultat de cette controverse est qu’on ne sait toujours pas s’il y a ou non une évolution significative du nombre de confidents, mais que, s’il y a bien une régression, ceux qui sont équipés de moyens de communication les plus avancés sont mieux protégés contre elle que les autres.
17Pour les autres niveaux de relations, il existe peu d’études. Il faut toutefois signaler une méta-analyse réalisée par une équipe de psychologues allemands sur 277 enquêtes sur les réseaux personnels effectués entre 1978 et 2012 [42]. Selon ces auteurs, la taille des réseaux observés diminue au fil des années de réalisation de ces enquêtes, sauf en ce qui concerne les liens familiaux. Leur thèse va donc plutôt dans le sens de celle des auteurs cités plus haut sur les confidents. Se dessine donc une hypothèse qui serait une baisse du nombre de liens forts et un accroissement de l’isolement dans les couches sociales les moins favorisées (qui sont en moyenne moins « équipées »), donc un accroissement des inégalités relationnelles dans un contexte de légère régression générale des liens forts.
18Pour les autres types de liens, on trouve peu de travaux très convaincants. Il est possible (et même probable) que la régression des liens forts soit compensée par un accroissement des liens faibles : il semble que l’on tende à maintenir « actifs » (par des interactions sporadiques) plus de liens « faibles » qui auparavant pouvaient facilement « s’endormir ». Mais cela reste à vérifier.
Peut-on créer des relations sociales « en ligne » ?
19Oui, certainement. Les interactions avec d’autres personnes « rencontrées » sur Internet peuvent se répéter et faire émerger des liens sociaux plus ou moins durables. On dispose de peu d’études sur les liens créés en ligne, mais celles qui existent montrent qu’il est rare que liens qui ne s’actualisent pas à un moment ou un autre « hors ligne » se pérennisent durablement [43].
La diversification des moyens de communication produit-elle des réseaux plus dispersés dans l’espace géographique ?
20On ne sait pas encore bien répondre à cette question, mais les rares études dont on dispose suggèrent quelques hypothèses. Tout d’abord, il semble que les relations sociales soient un peu plus fréquemment distantes dans l’espace, mais à peine, dans la mesure où Internet et les mobiles permettent aussi de créer et d’entretenir des liens locaux. Dans un article récent présentant les résultats d’une analyse sur un site de sociabilité allemand similaire à Facebook, les auteurs indiquent la variable qui explique le mieux l’existence des liens est la distance géographique : chaque fois que l’on s’éloigne de 100 kilomètres, le taux de relation avec les personnes décroît de 90 % [44].
Les réseaux deviennent-ils plus ségrégatifs et moins denses ?
21Dans le langage des analyses de réseaux, la ségrégation peut être assimilée à certains types d’homophilie [45] (de niveau d’éducation entre autres). Dans le cas particulier de l’homogamie, Michel Forsé et Louis Chauvel [46] montrent que l’homogamie relative à l’origine sociale a régressé, mais pas celle qui est liée au niveau d’études. Effectuant une comparaison internationale, d’autres chercheurs [47] observent que l’homogamie de niveau d’éducation régresse dans 15 pays, qu’on ne note pas de changement dans 38 autres et qu’elle s’accroît significativement dans 7 pays. En ce qui concerne l’homophilie plus généralement, on dispose de moins de résultats. Olivier Godechot [48] a confronté les enquêtes INSEE « Contacts » de 1983 et « EPCV » de 1997. Il semble que l’homophilie de catégorie professionnelle ait diminué, mais il observe aussi que « l’homophilie d’âge aurait en revanche augmenté » (p. 40). Mais il s’agit d’enquêtes antérieures à l’apparition des sites de rencontre.
22On peut faire l’hypothèse qu’il en est de l’homophilie comme de l’homogamie, qui se maintient si l’on considère les niveaux d’études, mais décroît pour les catégories professionnelles, à cause de la modification de la structure de celles-ci, qui se diversifie et se réduit moins qu’auparavant à une hiérarchie. L’enquête classique de Fischer, consacrée aux effets de l’urbanisation de masse sur les formes de solidarité sociale, montrait que les citadins avaient des réseaux un peu différents de ceux des ruraux (censés représenter le passé) : une densité plus faible et des relations plus homophiles, à la fois pour l’âge (en ville, les jeunes fréquentant moins les plus âgés), le niveau d’études (les plus diplômés fréquentant moins ceux qui ont fait peu d’études) et la profession. Les urbains fréquentent moins leurs voisins et leur famille, mais déclarent plus d’« amis ». Une des façons d’interpréter ces différences est de dire que la ville abaisse les contraintes sur les interactions et rend de ce fait la construction des relations plus libre. Lorsque les relations sont plus choisies, elles font plus de place au jeu des affinités et tendent de ce fait à être plus homophiles.
23Il est vraisemblable que l’évolution des moyens de communication ait un effet du même type. Dans une recherche sur les usages relationnels d’Internet réalisée il y a plus de quinze ans [49], il apparaissait que les utilisateurs intensifs d’Internet tendaient à avoir des réseaux moins denses, ce qui m’avait amené à former l’hypothèse que le développement de la communication électronique pourrait avoir sur les réseaux sociaux un effet similaire à celui de l’urbanisation. Lorsque les limites matérielles et sociales, qui contraignent à une certaine diversité sont allégées, que la distance géographique, les barrières linguistiques, et autres, pèsent moins sur les interactions, alors s’accroît la possibilité de créer des relations homophiles, c’est-à-dire de choisir plus librement des amis semblables en matière de goûts et de comportements. Dans une enquête conduite à Toulouse en 2001 [50], cette hypothèse trouve un argument supplémentaire. L’usage du courrier électronique y est plus fréquent dans le cas de relations homophiles. Ainsi, en restreignant l’analyse aux enquêtés utilisant le courrier électronique avec au moins une des relations citées, 52 % des personnes avec qui les enquêtés communiquent par courrier électronique, et qui ne sont pas de leur famille, ont le même niveau d’études qu’eux, alors que la proportion est de 42 % pour ceux avec qui ils n’échangent pas de courrier de ce type. Les proportions passent respectivement à 58 % et 29 % pour les relations familiales.
24Comme l’accroissement des moyens de déplacement, la possibilité d’utiliser la communication électronique tendrait donc à accroître l’homophilie des relations, notamment pour la partie de la population la plus diplômée, en permettant le maintien de liens distants homophiles. Une autre étude menée, auprès de 980 adolescents israéliens, montre que les liens noués sur Internet sont en moyenne légèrement plus faibles, un peu moins homophiles sur le plan du genre, et qu’ils associent des personnes plus éloignées dans l’espace, mais que lorsqu’ils sont homophiles, alors ils sont plus forts [51]. Une étude comparant des réseaux personnels obtenus au moyen de générateurs de noms classiques et les réseaux Facebook des mêmes enquêtés (212 étudiants de « colleges » américains, 21 ans de moyenne d’âge) semble montrer que les seconds sont plus homophiles sur le plan de la « race » (au sens que lui donnent les chercheurs américains) [52]. On sait que les sites de rencontre offrent des informations sur les caractéristiques sociales des personnes inscrites qui devraient favoriser l’homophilie (l’homogamie lorsque la rencontre va jusqu’à la formation d’un couple). Mais on sait également qu’un certain nombre d’usagers utilisent ces sites pour des rencontres plus éphémères, pour lesquelles les caractéristiques sociales sont moins discriminantes que l’apparence physique ou la disponibilité. Il est difficile de se faire une idée de l’évolution résultant de tous les mouvements contradictoires à l’œuvre actuellement : importance accrue du niveau d’éducation, affaiblissement des barrières entre couches professionnelles, disponibilité de moyens de communication de plus en plus sophistiqués. Il semble que les relations fortement entretenues « en ligne » soient plus homophiles que les autres lorsqu’il s’agit de liens forts et moins que les autres lorsqu’il s’agit de liens faibles.
Accélération des échanges et connexion permanente
25Le principal changement apporté par l’existence des moyens électroniques de communication semble bien concerner la temporalité des échanges. En simplifiant, on pourrait dire que le numérique ne dilate pas tant l’espace qu’il accélère le temps. La facilité de communication procurée par ces moyens rend tous les liens potentiellement accessibles en permanence, instaurant une continuité virtuelle des échanges là où auparavant les interactions étaient séparées par des intervalles durant lesquels les personnes étaient peu joignables [53]. L’accélération des interactions et leur équipement permettent également de gérer en même temps plusieurs types d’échanges, ce que documentent bien les travaux récents sur la dispersion au travail [54].
Une évolution de la notion de relation ?
26La multiplication des moyens de communication rend possible une grande sophistication de la gestion des relations et des formes d’engagement, là où de nombreuses relations se voyaient facilement ramener à des rôles relationnels (famille, voisins, collègues, amis, etc.). Cette sophistication s’accompagne probablement d’une réflexivité accrue sur les liens et sur le réseau social. Les personnes développent une certaine représentation de leur réseau et de leur popularité à partir de leur répertoire et de la fréquence de leurs appels [55]. Cela peut favoriser des comportements relationnels plus stratégiques exacerbant ainsi un paradoxe central des relations sociales, le fait que la sociabilité se présente comme intrinsèquement désintéressée tout en constituant une ressource sociale essentielle. L’ambivalence, composante essentielle des liens sociaux, empêche cette contradiction de rendre la vie sociale impossible. Le fait de « désenchanter » les liens peut alors s’avérer problématique. On peut toutefois imaginer que les usagers de ces supports sauront inventer de nombreux moyens de recréer cette ambivalence des liens.
Conclusion
27Si l’on se fie à ces tendances et hypothèses, on peut penser que les supports de sociabilité ne vont pas bouleverser les réseaux sociaux. Ils les rendent plus tangibles, plus manipulables. Il est probable qu’ils favorisent le renouvellement rapide des liens les plus faibles et la diversification des expériences relationnelles. Ils renforcent probablement des tendances plus générales de l’évolution des relations interpersonnelles et des réseaux. Ces tendances ont des causes multiples, qui sont loin de se réduire aux évolutions des moyens de communication, mais intègrent les changements dans les hiérarchies d’éducation et de revenus, les structures familiales, les engagements collectifs. Si l’on ne peut pas raisonnablement suivre Wellman sur la thèse de l’existence d’une « révolution des réseaux sociaux » après la Seconde Guerre mondiale, on peut en revanche s’accorder avec lui sur le fait qu’Internet et les mobiles renforcent des dynamiques à l’œuvre en ce qui concerne les relations sociales en général.
28Ce que font les réseaux numériques aux réseaux sociaux est donc simplement de donner plus d’ampleur à leurs évolutions qui sont liées à bien d’autres facteurs. Ces évolutions semblent aller dans le sens d’une légère régression des liens forts et d’un accroissement des liens faibles, mais surtout d’un renforcement des inégalités relationnelles et de l’homophilie. Qu’ils soient numériquement équipés ou non, les réseaux contribuent à renforcer les inégalités sociales et tendent à favoriser l’entre soi et la ségrégation sociale. L’hypothèse selon laquelle les supports numériques seraient une sorte d’extension de l’urbanité semble toujours intéressante. Le développement des supports numériques accroîtrait alors des tendances déjà observées dans le passage du rural à l’urbain. Nous irions alors vers un monde plus équipé, plus connecté, aux communications plus denses, plus continues et plus rapides, mais peut-être plus ségrégatif. Cela suggère qu’il serait utile de combiner l’étude des réseaux, en ligne et hors ligne, avec les formes d’inscription des liens dans l’espace géographique.
29Mais, de même que le monde social en général n’est pas constitué uniquement de relations interpersonnelles, Internet et les mobiles ne soutiennent pas seulement des liens dyadiques. Ils peuvent également favoriser la constitution de collectifs et des formes renouvelées de démocratie [56]. Pour comprendre ce qui l’emportera entre la tendance à l’entre-soi et l’inscription dans des formes collectives, il faudra conduire bien des études empiriques. Celles-ci devront à mon sens intégrer les méthodes de l’analyse des réseaux sociaux et rechercher la comparabilité avec les travaux existants.
Bibliographie
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Notes
-
[1]
Linton Freeman L., 2004, The Development of Social Network Analysis : A Study in the Sociology of Science, Vancouver, Empirical Press.
-
[2]
Il faut signaler toutefois les efforts de Claude Fischer, l’auteur de l’une des études les plus importantes sur les réseaux personnels (Fischer, 55) « Appels privés, significations individuelles. Histoire sociale du téléphone avant-guerre aux États-Unis » pour analyser les premières étapes de la diffusion du téléphone et ses effets sur les pratiques, notamment celles qui relèvent de la sociabilité (Claude S. Fischer, 1993, America Calling : a social history of the telephone to 1940, Berkeley, University of California Press). L’une de ses conclusions est que le téléphone ne change pas significativement le déploiement des relations dans l’espace géographique.
-
[3]
Les malheureux analystes de réseaux ont ainsi vu leur expression savante, plus ou moins stabilisée après de longues années de recherches et de débats, utilisée dans le langage courant pour désigner un dispositif technique. Ils doivent depuis lors passer beaucoup de temps à expliquer que les réseaux sociaux qui les intéressent existaient avant les réseaux sociaux numériques…
-
[4]
Ceux qui connaissent l’analyse des réseaux sociaux peuvent allègrement sauter cette section. Ceux qui n’accordent aucun crédit aux travaux réalisés dans cette approche peuvent carrément interrompre la lecture de ce texte.
-
[5]
Notamment Leopold von Wiese, voir Michel Forsé, « Les réseaux sociaux chez Simmel : les fondements d’un modèle individualiste et structural », in Lilyane Deroche-Gurcel, P. Watier (dir.), La Sociologie de Georg Simmel (1908). Éléments de modélisation sociale, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Sociologies », 2002, pp. 93-94.
-
[6]
Jacob Levy Moreno, 1937, Who shall survive, trad. française, Fondements de la sociométrie, Paris, Presses universitaires de France, 1954.
-
[7]
(Barnes, 182) « Classes sociales et réseaux dans un île norvégienne ». Publication originale 1954.
-
[8]
Harrison C. White, 1970, Chains of Opportunity : System Models of Mobility in Organizations, Cambridge, Harvard University Press ; F. Lorrain, H. C. White, 1971, « Structural Equivalence of Individual in Social Networks », Journal of Mathematical Sociology, vol. 1, pp. 49-80.
-
[9]
Entre de nombreux autres, Mark S. Granovetter, 1973, « The Strength of Weak Ties », American Journal of Sociology, vol. 78, n° 6 (mai 1973), pp. 1360-1380 ; Barry Wellman, 1979, « The Community Question : The Intimate Networks of East Yorkers », American Journal of Sociology, 84 (5), pp. 1201-1231 ; Nicholas Mullins, 1972, « The Development of a Scientific Speciality : the Phage Group and the Origins of Molecular Biology », Minerva, vol. 19, pp. 52-82.
-
[10]
L’International network for Social network Analysis (INSNA).
-
[11]
Alain Degenne, Michel Forsé, 2004, Les réseaux sociaux, Paris, Armand Colin.
-
[12]
Barry Wellmann, Stanley Berkowitz, dir., 1997, Social Structures : A Network Approach, 2nd ed. Greenwich, CT, JAI Press.
-
[13]
Nan Lin, 2001, Social Capital, Cambridge University Press. Dans un texte sur le capital social, Pierre Bourdieu a présenté un point de vue assez proche dans un court texte : Pierre Bourdieu (1980), « Le capital social. Notes provisoires », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 31, janvier, pp. 2-3.
-
[14]
Robert Putnam, 1995, « Bowling Alone : America’s Declining Social Capital », Journal of Democracy, vol. 6, n° 1, pp. 65-78.
-
[15]
Sanjeev Goyal, 2007, Connections : An Introduction to the Economics of Networks, Princeton University Press, Princeton.
-
[16]
Claire Lemercier, 2005, « Analyse de réseaux et histoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 52-2, avril-juin, pp. 88-112.
-
[17]
Gernot Grabher, 2008, « Trading routes, bypasses, and risky intersections : Mapping the travels of ‘networks’ between economic sociology and economic geography », Progress in Human Geography 30 (2), pp. 163-189 ; Martin Hess, 2004, « Spatial’ relationships ? Towards a reconceptualization of embeddedness », Progress in Human Geography 28(2), pp. 165-186.
-
[18]
Voir par exemple l’étude d’Emmanuel Lazega sur un cabinet d’avocats (The collegial phenomenon, The social mechanisms of cooperation among peers in a corporate law partnership, Oxford, Oxford University Press, 2001).
-
[19]
En incluant des personnes rencontrées il y a longtemps et que nous ne voyons plus, ce qui pose des problèmes non négligeables de méthode pour amener les enquêtés à les énumérer ou en évaluer le nombre (James Stiller et R.I.M.Dunbar, 2007, « Perspective-taking and memory capacity predict social network size », Social Networks, 29, pp. 93-104).
-
[20]
C’est l’un des résultats intéressants de l’étude longitudinale dirigée par Claire Bidart et Alain Degenne (voir Claire Bidart, Alain Degenne, Michel Grossetti, 2011, La vie en réseau. Dynamique des relations sociales, Paris, Presses universitaires de France, en particulier le chapitre 8 sur la dimension géographique des réseaux).
-
[21]
Michel Grossetti, 2005, « Where do social relations come from ? A study of personal networks in the Toulouse area of France », Social Networks, 27, pp. 289-300.
-
[22]
Antonio A. Casilli, 2010, Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ?, Paris, Seuil, 2010.
-
[23]
Lee Rainie, Barry Wellman, 2012, Networked : The New Social Operating System, Cambridge Massachusetts, MIT Press.
-
[24]
Le centre tire son nom de la fondation qui en est le principal financeur, la « Pew Charitable Trusts », issue elle-même d’une fondation créée par la famille de Joseph N. Pew, industriel héritier de la compagnie pétrolière Sun Oil et fortement engagé dans le parti républicain (http://www.pewresearch.org/). L’un des projets du Pew Research Center, le « Pew Internet and American Life Project » porte sur les usages d’Internet.
-
[25]
Paola Tubaro, Antonio A. Casilli, 2010, « An ethnographic seduction : how qualitative research and agent-based models can benefit each other », Bulletin de Méthodologie Sociologique, n° 106, pp. 59-74.
-
[26]
Rainie, Wellman, 2012, pp. 11 et 12 (ma traduction).
-
[27]
Barry Wellman, 1979, « The Community Question : The Intimate Networks of East Yorkers », American Journal of Sociology, 84, mars, pp. 1201-1231. Cette thèse s’opposait en partie à celle de Claude Fischer, auteur de l’autre grande enquête sur les réseaux personnels en milieu urbain, qui mettait plutôt l’accent sur l’insertion des relations personnelles dans des collectifs peu connectés les uns aux autres.
-
[28]
White, 2011, op. cit.
-
[29]
Voir par exemple Norbert Elias, La société des individus, Paris, Fayard, 1991, [1987].
-
[30]
Anne Vincent-Buffault, L’exercice de l’amitié. Pour une histoire des pratiques amicales aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Seuil, 1995.
-
[31]
Comme dans l’étude classique de John Padgett et Christopher Ansell, « Robust Action and the Rise of the Medici », 1400-1434, American Journal of Sociology, 98, 1993, pp. 1259-1319.
-
[32]
Emmanuel Le Roy Ladurie, 1975, Montaillou, village occitan, de 1294 à 1324, Paris, Gallimard.
-
[33]
Des relations de parrainage.
-
[34]
Pour une synthèse des recherches sur cette question, voir Sebastian Schnettler, 2009, « A structured overview of 50 years of small-world research », Social Networks, 31, pp. 165-178.
-
[35]
Stanley Milgram, 1967, « The small world problem », Psychology Today, 2, pp. 60-67.
-
[36]
Michel Forsé, 2012, « Les réseaux sociaux d’aujourd’hui. Un monde décidément bien petit », Revue de l’OFCE, 125, pp. 155-169.
-
[37]
On estime en général qu’en deçà de 16 intermédiaires, ce qui correspondrait à la structure d’un réseau dont les liens seraient aléatoires, on a bien affaire à une structure de petit monde.
-
[38]
Robin I. M. Dunbar, 1993, « Coevolution of neocortical size, group size and language in humans », Behavioral and Brain Sciences, 16(4), pp. 681-735. Russel A. Hill, Robin I. M. Dunbar, 2002, « Social Network Size in Humans », Human Nature, vol. 14, n° 1, pp. 53-72.
-
[39]
McPherson, Miller, Lynn Smith-Lovin, Matthew E. Brashears, 2006, « Social Isolation in America : Changes in Core Discussion Networks over Two Decades », American Sociological Review, 71, pp. 353-375.
-
[40]
Claude S. Fischer, 2009, « The 2004 GSS Finding of Shrunken Social Networks : An Artifact ? », American Sociological Review, 74(4), pp. 657-669. Voir également la réponse des auteurs : Miller McPherson, Lynn Smith-Lovin, Matthew E. Brashears, 2009, « Reply to Fischer : Models and Marginals : Using Survey Evidence to Study Social Networks », American Sociological Review, vol. 74, n° 4 (août 2009), pp. 670-681.
-
[41]
Keith N. Hampton, Lynn F. Sessions, Eun Ja Her, Lee Rainie, 2009, « Social Isolation and New Technology », 2009, Pew Internet & American Life Project : Washington. En ligne : http://www.pewinternet.org/Reports/2009/18--Social-Isolation-and-New-Technology.aspx.
-
[42]
Cornelia Wrzus, Martha Hänel, Jenny Wagner, Franz J. Neyer, 2013, « Social Network Changes and Life Events Across the Lifespan : A Meta-Analysis », Psychological Bulletin, 139 (1), janvier 2013, pp. 53-80.
-
[43]
(Lethiais, Roudaut, 164), « Les amitiés virtuelles dans la vie réelle. Profils, motifs et modalités de construction , (Chaulet, 154), « Sélection, appariement et modes d’engagement dans les sites de mise en relation ».
-
[44]
Conrad Lee, Thomas Scherngell, Michael J. Barber, 2011, « Investigating an online social network using spatial interaction models », Social Networks 33, pp. 129-133.
-
[45]
L’homophilie est la similarité de caractéristiques entre les deux personnes en relation. On peut évaluer une homophilie de genre, d’âge, de niveau d’études, etc.
-
[46]
Michel Forsé, Louis Chauvel, 1995, « L’évolution de l’homogamie en France : une méthode pour comparer les diagonalités de plusieurs tables », Revue Française de Sociologie, 36-1, 1995, pp. 123-142. Voir également Milan Bouchet-Valat, 2013, « Patterns and Trends of Educational and Occupational Homogamy : Evidence for France Based on Yearly Surveys (1969-2011) », Conférence de printemps du Comité de recherche sur la stratification sociale et la mobilité (RC28), Trento (Italie), 18 mai 2013.
-
[47]
Jeroen Smits, Wout Ultee, Jan Lammers, 2000, « More or Less Educational Homogamy ? A Test of Different Versions of Modernization Theory using Cross-Temporal Evidence for 60 Countries », American Sociological Review, 65-5, 2000, pp. 781-788.
-
[48]
Olivier Godechot, 2000, « Plus d’amis, plus proches ? Essai de comparaison de deux enquêtes peu comparables », Document INSEE, n° 0004, 2000.
-
[49]
Michel Grossetti, « Communication électronique et réseaux sociaux », Flux, 29, 1998, pp. 5-13.
-
[50]
Voir l’ouvrage La vie en réseaux.
-
[51]
Gustavo de Mesch, Ian Talmud, 2000, Similarity and Quality of Social Relationships among Adolescents, The University of Haifa, 2000.
-
[52]
Namkee Park, Seungyoon Lee, Jang Hyun Kim, 2012, « Individuals’ personal network characteristics and patterns of Facebook use : A social network approach », Computers in Human Behavior, 28, pp. 1700-1707. Voir également Eszter Hargittai, 2007, « Whose space ? Differences among users and non-users of social network sites », Journal of Computer-Mediated Communication, 13(1), pp. 276-297.
-
[53]
(Licoppe, 112-113), « Sociabilité et technologies de communication. Deux modalités d’entretien des liens interpersonnels dans le contexte du déploiement des dispositifs de communications mobiles ».
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[54]
Caroline Datchary, 2012, La dispersion au travail, Toulouse, Octarès.
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[55]
C’est particulièrement vrai pour les adolescents : voir Danah Boyd, 2007, « Why Youth (Heart) Social Network Sites : The Role of Networked Publics in Teenage Social Life », MacArthur Foundation Series on Digital Learning – Youth, Identity, and Digital Media Volume (ed. David Buckingham). Cambridge, MA, MIT Press et Ito, Mizuko, Sonja Baumer, Matteo Bittanti, Danah Boyd, Rachel Cody, Becky Herr, Heather A. Horst, Patricia G. Lange, Dilan Mahendran, Katynka Martinez, C.J. Pascoe, Dan Perkel, Laura Robinson, Christo Sims, Lisa Tripp (with Judd Antin, Megan Finn, Arthur Law, Annie Manion, Sarai Mitnick, Dan Schlossberg, Sarita Yardi), 2009, Hanging Out, Messing Around, Geeking Out : Living and Learning with New Media. Cambridge, MIT Press.
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[56]
Dominique Cardon, 2010, La démocratie internet. Promesses et limites, Paris, Seuil, 2010 ; Marie-Laure Geoffray, 2012, Contester à Cuba, Paris, Dalloz.