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Article de revue

Présentation

Pages 9 à 11

English version

1Avec les bouleversements que connaît depuis quelques années l’industrie musicale, c’est la science économique qui se positionne aujourd’hui en science sociale de référence pour penser l’apparition et le fonctionnement de nouveaux marchés et les mécanismes de production de la valeur. Pour autant, bien d’autres questions restent à explorer en matière de musique : l’éclatement des frontières entre amateurs et professionnels avec la démocratisation des technologies d’enregistrement ; les déterminants de sexe dans la constitution du goût musical ; les nouveaux modes d’appropriation et la reconfiguration des sociabilités autour de la musique ; les effets des politiques publiques sur l’accès aux musiques actuelles, etc. Ce sont de telles questions qu’examinent les sociologies des musiques populaires aujourd’hui et qui justifient le projet de ce numéro de Réseaux. Nous présentons ici un éventail de travaux qui, par les choix de méthode ou d’objet, reflète la vitalité du champ. Comme le notera le lecteur, deux partis pris ont guidé la réalisation de ce volume. Tout d’abord, on a souhaité confronter des textes britanniques et français, ce qui permet de croiser les regards sur un sujet où nos voisins ont l’antériorité des recherches, mais où les contextes posent des questions souvent fort différentes (rôle de l’Etat et de la politique des musiques actuelles en France par exemple). Par ailleurs, nous avons choisi de regrouper les musiques étudiées sous le terme de « musiques populaires », terme dont l’usage est commun de part et d’autre de la Manche, mais dont la signification diverge, ce qui a le mérite d’ouvrir à la question des catégories d’analyse : le terme « populaire » présente ainsi l’intérêt d’échapper à une trop forte historicisation (à la différence de « rock »), ou à l’emprise des politiques publiques (à l’inverse de « musiques actuelles »). En outre, il met l’accent sur les goûts et les pratiques des publics alors que la concentration croissante dans la filière musicale favorise les discours alarmistes : qu’est-ce qu’un goût musical populaire aujourd’hui ?

2Dans une première partie, trois articles sont consacrés à des éléments d’histoire. Richard Osborne étudie la manière dont les étiquettes situées sur le rond central des disques ont pu jouer un rôle crucial, non seulement en permettant la publicité, mais aussi la datation et le catalogage, voire, à travers la création de collections, de véritables discriminations. De tous ces aspects, les collectionneurs se sont emparés pour rechercher et identifier les différentes versions d’une même œuvre.

3De son côté Marc Touché montre comment les collections établies par les musées en charge des traditions populaires permettent aux chercheurs de bâtir des formes originales de collaboration en direction du public, autour de la nouvelle dimension anthropologique que constitue la prise en compte des musiques amplifiées dans la culture matérielle et immatérielle.

4Samuel Beuscart s’est attaché de son côté à la transformation de l’intermédiation musicale qui a été créée par l’offre de musique sur internet, laquelle a modifié les règles commerciales et juridiques du marché, dans un rapport de forces qui a abouti à un compromis entre les acteurs des industries du disque et de l’informatique, aucune alternative solide d’autoproduction de la culture de masse n’étant apparue qui pût s’y opposer.

5Dans la seconde partie du dossier, trois contributions prennent en compte les musiques dans leur dimension émotionnelle et tentent d’étudier ce qui relève de leur appropriation. Simon Frith note que la musique live s’étant confirmée ces dix dernières années en Grande-Bretagne comme une part essentielle de l’économie de la musique, le chanteur conserve un rôle social très important. L’auteur développe son argument autour de trois exemples, le karaoké, les Tribute Bands et le phénomène de la Nouvelle Star.

6David Hesmondhalgh insiste sur la dimension de construction active de soi que constitue la musique. En reprenant à Alex Honneth le concept de « prise de conscience structurée de soi », il nous invite à penser le rôle que joue la musique de manière critique, dans la mesure où celle-ci peut constituer pour ses amateurs le terrain d’une injonction sociale à prendre en compte ses émotions, à développer sa sensibilité, comme sa subjectivité.

7Philippe Le Guern a choisi pour sa part de mener une observation au sein du fan club français du concours de l’Eurovision. Il s’interroge sur la surreprésentation parmi ses membres d’homosexuels masculins et tente d’expliquer leur attachement à ce concours, en relativisant les interprétations culturalistes qui font du goût pour le kitsch un élément central de la culture gay. La troisième partie est consacrée aux politiques culturelles et aux scènes locales. Philippe Teillet s’attache à la prise en compte récente par les politiques publiques des musiques actuelles et observe la manière dont cette nouveauté s’intègre aux modalités préexistantes mises en place en matière de spectacle vivant. Il montre comment cette intégration, cette normalisation, s’établissent entre deux priorités : la démocratisation et la diversité culturelle.

8Quant à Gérôme Guibert, il reprend la notion de scène locale pour monter comment l’investissement des collectiviés locales aura permis, pour des publics passionnés, l’émergence de dynamiques territoriales et identitaires et de pratiques musicales qu’il qualifie cependant d’invisibles.

9On trouvera enfin en Varia un article de Christian Licoppe sur la sophistication des sonneries de téléphone, où l’auteur tente en particulier d’interroger le paradoxe selon lequel les mêmes consommateurs sont prêts à refuser de payer des contenus musicaux de longue durée, mais sont disposés à dépenser des sommes conséquentes pour avoir sur leur mobile une ou des sonneries personnalisées de quelques secondes.


Date de mise en ligne : 31/05/2007

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