Notes
-
[1]
CLARK, 2004.
-
[2]
UNDERHILL,1999.
-
[3]
LAVE, 1986,1988.
-
[4]
BARREY et al., 2000.
-
[5]
CALLON et al., 2000.
-
[6]
COCHOY, 2002.
-
[7]
COCHOY, 2004.
-
[8]
DUBUISSON-QUELLIER et NEUVILLE, 2003.
-
[9]
KESSOUS et MALLARD, à paraître.
-
[10]
LEVINSON, 1983.
-
[11]
Simmel soulignait déjà la dialectique de l’union et de la distinction, de la coopération et de la lutte comme inhérente à l’échange : « dans une affaire commerciale, les deux parties constituent une unité, dans la mesure où elles reconnaissent, bien que leurs intérêts soient tout à fait opposés, des normes qui les lient, qui les engagent » (SIMMEL, 1995).
-
[12]
SUCHMAN, 1987.
-
[13]
Comme lorsque différents centres d’appels sont mis en compétition pour savoir qui a placé le plus de produit.
-
[14]
Cela a été le cas de l‘offre de télévision sur internet tellement mise en avant fin 2004 (les opérateurs ne touchaient les commissions sur l’ensemble des services qu’ils avaient placé que si ils avaient aussi vendu un nombre déterminé de souscription à ce service dans le mois) que les performances commerciales ont baissé sur les autres services. Six mois plus tard, lors de notre passage suivant ce seuil avait disparu et ce service avait repris une place moins visible dans l’éventail de l’offre que tentait de placer les téléopérateurs du centre d’appels.
-
[15]
WHALEN, 1995 ; BOWERS et MARTIN, 2000.
-
[16]
MAYNARD, 1980.
-
[17]
SACKS, 1992, p. 300-301.
-
[18]
SCHEGLOFF, 1980
-
[19]
LEVINSON, 1983 ; HERITAGE, 1984.
-
[20]
POMERANTZ, 1984.
-
[21]
POMERANTZ, 1986.
-
[22]
MAZELAND, 2004.
-
[23]
DE FORNEL, 1986.
-
[24]
CLARK, DREW et PINCH, 2004.
-
[25]
Pour des consommateurs en magasins, leurs premiers tours de parole thématisent en général une orientation vers l’achat, ou bien le fait de ne pas l’être, en général accompagné de justifications et d’excuses plus ou moins explicites : les deux témoignent d’une attente normative partagée concernant le fait que pénétrer dans un magasin fait de soi un prospect (Clark, 2004).
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[26]
L’accès à l’offre étant conditionné au débit ADSL disponible sur la ligne téléphonique, et toutes les zones n’étant pas encore couvertes avec un débit suffisant, tous les appelants ne peuvent s’équiper.
-
[27]
C’est comme si l’appelant présentait un visage inconnu, n’offrant aucune prise repérable par rapport à l’offre mis en jeu. Au regard du déficit de « connaissance client » qui résulte de la singularité de l’offre TVbythePhone, l’appelant est en quelque sorte un inconnu, ce qu’il n’était pas dans le cas des « rebonds » concernant les services téléphoniques. Il est intéressant de rapprocher cette configuration des études comparatives menées entre des sujets qui se connaissaient préalablement ou pas. Dans le cas des inconnus, les interactions étaient souvent initiées par des références au contexte de l’expérimentation (MAYNARD et ZIMMERMAN, 1984).
-
[28]
CONEIN, 2005.
-
[29]
En reprenant la typologie des services de Gadrey (GADREY, 2003).
1Les travaux de sociologie économique qui se sont orientés vers l’analyse des formes de l’échange marchand sont restés marqués par le modèle de la grande distribution. Or celle-ci instaure un cadre très particulier. Le visiteur qui pénètre dans le supermarché devient en effet un consommateur potentiel. Il manifeste sa disponibilité à être interpellé à ce titre [1]. Même s’il n’achète finalement rien, comme cela peut être le cas dans un nombre non négligeable de cas [2], l’offre de produits est immédiatement à portée de main, la consommation étant construite sur le socle d’une promesse de disponibilité et d’accessibilité des biens exposés. Enfin l’organisation spatiale des magasins crée une séparation entre l’étape de confrontation et de choix des biens consommés et celle de la transaction, tellement routinière qu’elle peut être accomplie sans qu’un mot ne soit échangé entre le consommateur et le caissier.
2Ce modèle de distribution autonomise une confrontation du consommateur avec les biens que plusieurs courants de recherche se sont donnée comme objet. L’anthropologie cognitive s’est tournée vers les raisonnements effectués par un consommateur corporellement engagé dans un environnement marchand [3]. Les « calculs » de la personne, qu’il s’agisse de déterminer des quantités ou des prix, ou d’acheter selon une liste de courses, constituent des activités situées et distribuées. La sociologie s’est intéressée aussi bien aux appuis conventionnels de la coordination, qu’à la manière dont les « professionnels du marché » mettent en forme la médiation marchande [4] et positionnent les produits les uns par rapport aux autres en jouant sur leurs qualités [5]. Le choix d’un consommateur confronté à une gamme de produits similaires est équipé par ce travail de mise en marché [6], dans le cadre d’un ajustement constant des biens de consommation et des préférences des consommateurs [7]. Ce type d’approche a pu être étendu à d’autres formes différentes de coordinations sociales [8].
3La distribution de masse de produits et de services s’appuie également sur des dispositifs de commerce à distance. A ce titre, le cas de la vente par téléphone est intéressant à plusieurs égards. La rencontre entre le consommateur et les biens mis en jeu constitue un accomplissement en grande partie conversationnel. Le déroulement séquentiel de l’échange est empiriquement observable (au moyen d’enregistrements audio et vidéo). Il est donc possible d’analyser l’échange tel qu’il se fait, moment par moment, et d’appliquer aux données obtenues les méthodes de l’analyse de conversation. D’autre part, il arrive fréquemment dans les centres d’appels téléphoniques que le cadrage commercial de l’interaction ne soit pas donné à l’avance (comme c’est le cas dans un magasin, une fois que le consommateur y a pénétré de sa propre volonté). Lors de l’interaction, il s’agit de produire non seulement une rencontre de l’offre et de la demande, mais également un espace marchand, d’ordre conversationnel, mutuellement ratifié par les participants.
4Cet accomplissement conversationnel d’un cadre marchand mutuellement ratifié constitue l’enjeu central du démarchage par téléphone. Dans le cadre du « télémarketing proactif » les télévendeurs appellent à la chaîne des « prospects » dont ils interrompent les activités domestiques et qu’ils cherchent à engager dans un dialogue commercial [9]. Cette question s’est étendue depuis le début des années 1990 au traitement téléphonique de la relation client en général, sous l’effet de profondes évolutions à la fois organisationnelles et technologiques. Cette transformation, que je qualifierai de « tournant commercial », vise à exploiter commercialement les interactions en cours (initiées par des appelants qui cherchent une information, une assistance technique ou commerciale) pour proposer et placer des produits, une fois résolue la demande de l’appelant. L’hypothèse sous-jacente à cette transformation est que l’interaction téléphonique, convenablement conduite et équipée, est assez malléable pour être travaillée, façonnée, réorientée de manière à créer une plus-value économique auparavant inexploitée.
5La capacité à recadrer commercialement un appel entrant constitue alors un enjeu crucial. Comment construire et ratifier un engagement commun dans une situation reconnaissable comme marchande, caractérisée par un horizon transactionnel (où les actions effectuées ont un caractère impliquant vis-à-vis d’un achat éventuel), alors que la raison initiale de l’appel était tout autre ? Comment construire un cadre interactionnel dans lequel ce qui est légitimement en jeu est une offre de services pour laquelle l’appelant n’a pas marqué d’intérêt préalable ? Comment relier dans la conversation et par la conversation les services qu’il faut vendre à l’appelant qu’il faut satisfaire ? Comment accomplir en collaboration un nouveau jeu d’identités situées (vendeur et clients potentiels, c’est-à-dire « prospects »), et affilier l’appelant dans un engagement mutuel vis-à-vis d’une action conjointe ? C’est tout cela qui est en jeu dans ce que l’organisation appelle le « rebond téléphonique ».
6Mon travail s’appuie sur des enregistrements audio et vidéo de conversations en centres d’appels. La démarche procède d’une double perspective : l’analyse de l’activité conversationnelle proprement dite, dégagée de son contexte et concrétisée par l’enregistrement audio ; l’activité conversationnelle de l’opérateur ressaisie dans son contexte d’action (mobilisation d’artefacts, de supports papier et électroniques, de collaboration avec les acteurs présents sur le plateau, etc.), enregistrée avec des moyens vidéo, et commentée au cours d’observations et d’entretiens.
7J’analyserai plus spécifiquement les tours de conversations par lesquels les participants accomplissent un recadrage marchand de l’interaction téléphonique en cours. D’un point de vue analytique, je définirai les « rebonds », non pas du point de vue de leur finalité ultime (effectuer une proposition commerciale explicite), comme le fait l’organisation, mais à partir des dispositifs conversationnels repérables et utilisés pour initier le recadrage commercial de l’interaction. Je montrerai en particulier comment ceux-ci sont systématiquement organisés à partir de « préséquences » [10].
8Travailler au niveau de l’enchaînement des tours de parole observables dans les interactions téléphoniques permet d’analyser la formation du cadre marchand à un stade où l’union des participants dans le souci de collaborer à produire une conversation téléphonique appropriée, et l’asymétrie de leurs positions dans l’échange, sont étroitement imbriquées et se dégagent à peine l’une de l’autre [11]. A ce niveau d’observation, il n’est pas possible de réduire l’échange à une coordination gouvernée par les ajustements de qualité des biens et des caractéristiques des personnes, ajustements qui seraient détachables des situations où ils sont mobilisés. On peut rapprocher cette observation des conclusions de la « cognition située », une approche qui a montré que l’action ne pouvait se rapporter à l’exécution d’un plan, et que le plan devait plutôt être considéré comme une ressource contextuelle, mise en jeu sous des formats finement accordés aux contingences de l’action [12]. De manière similaire, les qualités des services ne constituent pas des ressources exogènes à la situation. Elles sont produites et mobilisées dans le cours même des situations, d’une manière étroitement accordée aux contingences de leur déroulement.
9Je montrerai ensuite comment la conduite des rebonds est sensible aux ressources informatiques et artefactuelles dont dispose le téléopérateur. En effet, bien qu’ils présentent des similarités structurales d’un point de vue conversationnel, tous les rebonds ne se valent pas. Les différences portent sur l’implicativité commerciale des rebonds. Celle-ci concerne à la fois le degré d’engagement mutuel des participants dans la situation marchande et le travail d’attachement des qualités des services évoqués et des caractéristiques des appelants ; ainsi que de leurs usages. Tous les produits ne semblent pas se prêter de la même manière à des rebonds. De même, tous les rebonds ne disposent pas de la même assise sociotechnique. Le téléopérateur peut posséder ou non des informations objectivées sur les usages des appelants quant aux services qu’ils envisagent de proposer. Je comparerai les rebonds qui touchent aux services téléphoniques (pour lequel le téléopérateur dispose souvent, en situation, de connaissances sur les comportements des consommateurs, au moyen des applications de facturation détaillée), et les rebonds vers une offre nouvelle de services télévisuels, offre à propos de laquelle les télévendeurs ne disposent pratiquement d’aucune connaissance préalable sur le client et ses usages. Je tenterai alors de montrer en quoi les rebonds effectués dans l’un et l’autre cas n’ont pas la même force performative.
10Le travail a été réalisé dans les centres d’appels d’un opérateur de télécommunications, que nous appellerons « 11 Telecom », et ce en plusieurs vagues d’observation, en 2004 et 2005. Les centres d’appels étudiés étaient initialement dédiés à régler les problèmes commerciaux rencontrés par les clients. Depuis plusieurs années, une politique commerciale de valorisation des contacts téléphoniques avait été mise en place dans ces centres pour inciter les télé-conseillers à devenir vendeurs : profiter de l’appel pour découvrir un peu plus les clients et leurs usages, susciter une demande pour certains services et les vendre eux-mêmes au téléphone.
Tenter de rebondir vers le placement d’un service donné sur un appel dont la demande initiale a été traitée : un choix équipé
11L’objectif des télévendeurs est d’arriver à vendre au cours du mois une panoplie de services assez différents. Ils ne peuvent le faire que dans le cadre d’une conversation téléphonique, initiée par un client qui demande qu’on lui règle un problème. Il faut donc que les opérateurs parviennent à recadrer l’échange pour qu’une proposition commerciale puisse y être légitimement énoncée. Il s’agit de redéfinir l’interaction en cours, les identités situées et les cadres de participation, les biens et services effectivement mis en jeu, de manière à construire, par la conversation, un cadre marchand mutuellement ratifié.
12On nommera ici rebond le principal dispositif conversationnel dont disposent les téléopérateurs pour amorcer la construction d’un espace marchand. Ce choix lexical s’appuie sur le fait que les téléopérateurs identifient souvent le rebond par le travail accompli pour l’initier de manière appropriée. Ce travail n’est pas seulement verbal, il prend une forme incorporée. Un téléopérateur qui s’apprête à effectuer un rebond marque la force et la focalisation de son engagement conversationnel par des repositionnements corporels (se rapprocher de l’écran) et des prises d’inspirations fortement audibles. Du côté du management, le rebond est défini différemment, puisqu’il est reconnaissable au fait qu’une offre donnée a été évoquée dans la conversation achevée. C’est le fait qu’un produit ou un service ait été nommé qui implique que cet appel puisse être caractérisé comme ayant occasionné un certain type de rebond. C’est sur ce critère que sont calculés les taux de rebond, dans des campagnes d’évaluation en général fondées sur des appels simulés, les « appels mystère ».
13L’organisation des conversations permet rarement d’effectuer plusieurs rebonds. Sur plus de deux cent appels observés, moins de la moitié comportaient un rebond, une minorité deux, et aucun plus de deux. Le téléopérateur doit évaluer au cours de la conversation la pertinence d’effectuer un rebond, et celle du service qui pourrait être ensuite proposé. Cette décision est équipée en amont de l’appel par un ensemble de dispositifs destinés à réguler la saillance relative des produits et des services auprès du consommateur, mais aussi auprès des vendeurs Tout un travail d’animation organisationnelle et commerciale vise à « préoccuper » les télévendeurs avec certains produits, dont la vente est jugée prioritaire et stratégique pour l’entreprise.
14Un produit peut être mis en avant au titre de son caractère emblématique, stratégique et structurant pour toute l’organisation. Les campagnes de communication grand public, et les actions de marketing proactif, contribuent à mettre en visibilité les offres auprès des téléopérateurs. Lorsque des clients déclarent être déjà au courant lors de rebonds, ou lorsque certains appellent de leur propre initiative pour se renseigner sur une offre, l’engagement global de l’entreprise dans la promotion d’un type de service particulier devient perceptible aux yeux des opérateurs.
15L’activité commerciale des télé-conseillers sur le système d’information met à leur disposition des applications qui décrivent les offres, mettent en forme la consommation téléphonique des appelants, ainsi qu’un outil de CRM (Customer Relationship Management) qui retrace les profils clients et l’historique des contacts. Il fournit des repères cognitifs en amont de la conversation téléphonique (au décroché), qui pendant son déroulé, contribuent à rendre plus pertinent un produit et plus saillant un type de rebond donné par rapport au développement plausible de l’interaction en cours. L’application de CRM est configurée pour que la fiche client de l’appelant s’affiche sur l’écran du téléopérateur au décroché. Elle indique dans le premier écran le segment auquel le client appartient, ainsi que son éligibilité à certaines offres, comme les offres d’accès audiovisuel sur internet. Le traitement du problème initialement posé par l’appelant conduit souvent à la consultation d’applications de CRM (historique des contacts clients) ou de facturation détaillée, qui permettent au téléopérateur de se faire une idée, avant tout rebond, de l’appelant, de son portefeuille de services et de ses usages téléphoniques.
16L’activité commerciale des télévendeurs est encadrée par des objectifs quantitatifs individuels et elle est mesurée. Il faut comprendre cet effort de prescription comme une volonté de réguler l’économie attentionnelle des téléopérateurs et orienter leur décision de rebondir vers un produit donné parmi la gamme des services dont la vente est prescrite. Cette prescription directe par des objectifs individuels s’accompagne d’un travail d’animation commerciale collective, lors de campagnes promotionnelles, et de « défis » [13].
17Les télé-conseillers ont des objectifs mensuels sur une quinzaine de services et démarches commerciales. Ils ont également un objectif en termes de taux de concrétisation global et par service-cible (le nombre d’appels conduisant à vendre quelque chose par rapport au nombre total d’appels). Ils ont enfin un objectif sur le nombre d’appels à traiter, et sur le taux de remplissage des informations client dans l’application de CRM. Un tableau journalier leur est fourni, qui rend intelligible écarts et retards, sert de base aux discussions avec les managers de proximité, et oriente les opérateurs vers certains types de rebonds (faire un effort de rebond plus systématique sur les produits où l’on est en retard).
18L’effort commercial est davantage piloté par l’évolution des objectifs de placement et de rebond que structuré par des consignes ou des scripts portant sur les interactions téléphoniques. Cela conduit à un effort de prescription en amont des conversations (la fixation et la révision des objectifs individuel, ainsi que la forme de mobilisation suscitée autour de ceux-ci influent sur la saillance des produits correspondants dans l’économie attentionnelle des vendeurs) et en aval de ceux-ci (en comptabilisant a posteriori les rebonds et leurs conséquences commerciales). Des exemples de rebonds sont certes fournis aux téléopérateurs et sont évalués lors de sessions de travail avec leurs superviseurs, mais ces derniers considèrent que les téléopérateurs peuvent dans une certaine mesure adapter leurs rebonds à leur manière habituelle de parler. Les stratégies des vendeurs s’orientent donc surtout par rapport aux objectifs commerciaux. Sur les produits difficiles, pour limiter la pression des objectifs, certains vendeurs trichent un peu en fin de mois, lorsqu’ils font un bon mois. Ils déclarent une date de placement au début du mois suivant, pour démarrer avec un peu de marge, être plus à l’aise :
Oui, mais le problème, c’est qu’après honnêtement, j’aime bien quand je commence un mois, je sais que j’ai un peu d’avance, je suis un peu tranquille. Quitte même à avoir 10,15,20 euros ou même 30 euros de moins sur la paye quoi. Mais je préfère au moins attaquer un mois pépère. Pas de stress des débuts de mois, quoi… Moi ma technique c’est en début de mois j’y vais à fond, j’y vais à fond, à fond, je regarde où est-ce que j’en suis au niveau des objectifs, après si je suis bien lancé au niveau des ventes, c’est pas que je me calme, je vais approfondir plus sur certaines choses, je vais plus me fixer d’ailleurs sur TVbythePhone des choses comme ça (Téléopérateur).
20Commencer le mois en s’engageant à fond permet de clarifier très vite quels services seront faciles ou difficiles à placer, et ces informations tendancielles équipent les jugements effectués à propos des rebonds (rebondir ou non, rebondir vers un type de service ou un autre, etc.).
21Le filet de la prescription est d’ailleurs tellement maillé par les indicateurs et les objectifs que des marges de jeu s’ouvrent. Certains objectifs individuels deviennent contradictoires dans le contexte d’une incessante animation marketing. Puisque l’offre de télévision sur internet TVbythePhone est une offre complexe, son évocation conduit souvent à des conversations téléphoniques longues, une demi-heure et plus. Faire un très gros effort pour placer cette offre conduit mécaniquement à ne plus respecter l’objectif sur le nombre d’appels traités par heure. D’autre part, des objectifs individuels et collectifs peuvent devenir contradictoires : par exemple l’objectif individuel de placement d’un produit et l’objectif collectif d’assurer au niveau du centre un certain taux de rebonds par conversation. Les taux de rebonds vers un produit donné, tel que TVbythePhone, sont mesurés par des appels mystère au niveau du centre d’appels. Si le management local a un objectif fort sur ce taux global de rebonds, il peut inciter les vendeurs à rebondir systématiquement dans la conversation sur ce service, quitte à ce que ces rebonds soient moins pertinents, conduisent moins à placements, ce qui fera chuter les taux de concrétisation. Les écarts sur ce dernier indicateur devront alors être tolérés. Cela a été le cas quelques semaines, pendant lesquelles l’entreprise se mobilisait nationalement sur les taux de rebond.
22Chaque campagne commerciale, chaque évolution de la prescription marketing redéfinit les objectifs et les priorités. Les conséquences de ces évolutions ne peuvent être complètement anticipées. Les consommateurs se comportent parfois de manière inattendue (rendant l’activité des téléopérateurs plus facile ou plus difficile qu’escompté dans l’objectif prescrit). Ensuite le jeu des interdépendances dans l’activité globale des téléopérateurs conduit à des effets en cascade. Prioriser de manière trop manifeste un produit risque d’affecter négativement le niveau de performance sur d’autres objectifs [14]. La notion de rebond équipé couple la performance commerciale des téléopérateurs au travail organisationnel de prescription et d’animation marketing, via la saillance conférée à un certain moment au placement de certains produits par rapport à d’autres.
23Nous allons maintenant analyser les rebonds de beaucoup plus près, pour en dégager la structure conversationnelle.
« Rebondir » pour placer des services téléphoniques
L’organisation séquentielle d’un rebond
24La possibilité de déplacer le thème de la conversation pour effectuer une proposition commerciale est très sensible au contexte conversationnel. Cette sensibilité au contexte est reconnue par les opérateurs. Ceux-ci évoquent le fait qu’il est difficile de rebondir avec succès, ou même de rebondir tout court lorsque l’appelant se montre insatisfait, et ils donnent à cette régularité un caractère normatif. Quand ils anticipent la possibilité de rebondir vers une offre donnée, ils déclarent être vigilants vis-à-vis de l’organisation de la conversation pour reconnaître des opportunités séquentielles et situées de changements thématiques (ce qui n’est possible que parce que l’accomplissement des rebonds revêt un caractère méthodique). J’analyserai tout d’abord de manière détaillée une séquence de rebond pour cerner les dispositifs conversationnels sur lesquels les opérateurs s’appuient pour recadrer l’interaction en cours.
25L’extrait suivant est caractéristique de l’activité de ce centre d’appels. Un client qui déménage appelle pour savoir quand arrivera sa facture s’il fait mettre en service sa nouvelle ligne le 29 du mois. Une fois ce point clarifié, il demande à ce que sa ligne soit effectivement mise en service ce jour. C’est à ce moment que commence la transcription. Après une mise en attente où il traite informatiquement la question, le télé-conseiller reprend la ligne, et recadre la conversation (tours 1-3) pour proposer un nouveau type de forfait téléphonique que l’appelant finit plus tard par acheter.
Conversation n° 1
2. C. : Oui mais je vais vous dire je viens que deux mois hein.
3. G. : Oui mais en fait parce que : on- pour les résidences secondaires on a la possibilité (.) de mettre en place un service qui s’appelle le Plan qui coûte un euro cinquante par mois'09 6 : ;4 :8 507209 /’avoir des réductions tarifaires dès que vous allez appeler (.) sur le local le national parce que je vois que vous appelez sur Marseille
4. C. : Effectivement (1.0) j’appelle sur Marseille
5. G. : [voilà
26Le téléopérateur effectue un recadrage de la conversation en cours au tour 5, que nous allons considérer dans son détail. Le changement de sujet est étroitement ajusté aux propriétés séquentielles du tour. Celui-ci débute par l’engagement du téléopérateur de mettre en service la ligne demandée par le client. Cette opération est présentée comme une simple formalité. L’accomplissement de différentes opérations tapées au clavier engendre, du point de vue de l’appelant, une longue pause dans la conversation. Celle-ci est en général traitée par l’appelant, non pas comme le symptôme d’un problème, mais comme le signe d’une activité de saisie en cours, dont la fin sera signalée par une reprise de parole du téléopérateur [15]. La pause après les bruits de clavier marque un emplacement en quelque sorte préempté pour que le téléopérateur s’auto-sélectionne, un emplacement sûr pour reprendre la parole. Les observations et les verbalisations des téléopérateurs recueillies après les appels ont montré que, dans de nombreux cas, ils donnaient l’impression d’attendre une opportunité d’effectuer un rebond sans pouvoir en trouver aucune. Un emplacement conversationnel situé à un moment où le problème du client est traité et où une prise de parole du téléopérateur est attendue constitue donc une opportunité particulièrement intéressante de rebond. Mais les changements de sujet impliquent une connaissance subtile des environnements où ils peuvent être construits et produits [16]. C’est également le cas des rebonds.
27La reprise de parole du téléopérateur se présente comme une proposition de changement thématique. Le tour débute par une expression, « alors par contre … » qui marque une double orientation, à la fois envers ce qui précède (alors) et vers ce qui suit, marqué comme un sujet distinct (par contre). Sacks a montré comment les changements de sujet pouvaient s’effectuer de manière abrupte (fermeture d’un sujet puis ouverture d’un autre) ou de manière progressive, par étapes. Dans ce dernier cas, les tours sont construits de telle sorte que la première partie se réfère au thème qui précède, et la seconde, qui invite à un déplacement thématique, renvoie à la première partie du tour uniquement [17]. Le « alors par contre » introduit une unité de tour qui condense cette ambivalence. L’activité du téléopérateur, invisible pour l’appelant, est thématisée dans le même tour comme un événement d’écran (« actuellement je vois que »), lié à la ligne téléphonique dont ils viennent justement de discuter le rétablissement. Elle préface et justifie le constat à suivre et qui est introduit comme une nouvelle digne d’être mentionnée
Actuellement je vois que sur votre ligne vous n’avez pas de :: euh d’abonnement (1.0) euh de forfait vous n’avez pas de forfait (.)
29Dans ce type de réorientation thématique de l’échange, le téléopérateur produit un tour complexe, qui joue le rôle d’une étape de transition. Il thématise des observations faites « soudainement » dans ses applications informatiques, en rendant compte des événements d’écran légitimant une qualification située des pratiques de l’appelant. Les téléopérateurs disposent de ressources informatiques poussées sur la consommation et les usages de l’appelant (celles qui constituent la base de la facturation détaillée que reçoivent les appelants sous format papier). L’appelant traite leur mobilisation comme non problématique, car, pour lui, le téléopérateur représente l’entreprise, et dispose à ce titre d’informations objectives sur ses pratiques de communication. La production de tels constats, insérés dans le tour initial de rebond, constitue un dispositif conversationnel fréquemment observé chaque fois que le rebond concerne les services téléphoniques (à la souscription desquels sont associés le recueil et la diffusion des données de facturation détaillée). L’extrait n°2 montre un autre exemple, dont le traitement ultérieur est légèrement différent :
Conversation n° 2
2. C : d’accord.
3. L : alors par contre un instant (0.2) je regarde que euh les communications de votre facture au passage en même temps (.) et je vois qu’il y a cinq heures trente trois vers l’international (0.1)
4. C : et alors ?
5. L : ils appellent vers le Maghreb vos parents ?
6. Cliente : Attendez ° papa tu téléphones tu as téléphoné en Algérie ?°
30Le tour 3 est construit de manière analogue comme une étape de transition. Après la pause qui suit le constat, l’appelante prend cette fois l’initiative d’une question d’éclaircissement (« et alors ? »). Ceci démontre une attente relative à la pertinence du constat énoncé en 3, comme à la manière dont le constat la concerne et fait référence à sa situation. Dans ce contexte commercial, les participants s’orientent, si l’acteur qui représente l’organisation introduit un nouveau thème relatif aux usages de l’appelant dans la conversation, vers une prise en compte de ce thème comme évaluation pertinente. Cela vaut surtout par rapport à la relation institutionnelle qui lie le téléopérateur et l’appelant, et plus particulièrement vis-à-vis de ce qui est discuté à ce moment précis dans la conversation. En ce sens, le tour 5 est préparé par le tour 3. Il en constitue une reformulation plus précise. Les appels fréquents vers l’étranger deviennent des appels fréquents vers le Maghreb. Cette reformulation attache un peu plus le constat initial au cas de la cliente. Celle-ci l’entend bien ainsi, puisqu’elle vérifie auprès de son père si cette évaluation de ses pratiques de communication est juste (tour 6). Le tour 5 ne joue cependant pas qu’un rôle évaluatif, car cette caractérisation, ostensiblement produite par un représentant de l’entreprise de services, projette l’exposition ultérieure d’une offre commerciale. L’extrait n°2 marque bien la manière dont les deux participants traitent le constat comme un préliminaire, plus précisément dans le cas de cet extrait comme un « pre-pre » [18].
L’annonce de nouvelles comme préliminaire à des développements thématiques et comme premier tour d’une préséquence préparant une « offre » commerciale
31Dans l’extrait n° 1, juste après l’énoncé du constat (« vous n’avez pas de forfait »), le téléopérateur fait une pause et s’auto-sélectionne pour poursuivre. Il traite ce constat comme prémisse d’une inférence : « ça veut dire que vous payez toutes vos communications (1.0) quand vous êtes dans : quand vous êtes sur Bandol plein tarif ». Cette inférence attache le constat initial à un trait caractéristique de l’appelant en tant que client. Le constat effectué dépasse alors la simple description pour prendre un sens évaluatif et constituer potentiellement la première partie d’une préséquence. Les préséquences sont communément utilisées dans la conversation pour solliciter par avance la collaboration active du destinataire à une action projetée [19]. Ce dernier peut marquer son inclinaison vers une action ultérieure du locuteur, telle qu’une offre, une invitation, une requête, sans que celle-ci ait été directement explicitée. C’est à dire dans des conditions où les faces des participants sont moins vulnérables. L’action projetée est toujours ici une proposition commerciale. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas besoin d’un préliminaire supplémentaire comme dans la séquence précédente ? Pourquoi ce tour projette-t-il plus directement l’exposition d’une offre ?
32Tout d’abord, comme dans l’extrait n° 2, l’unité ou le tour qui rattache le constat issu des données informatiques au comportement particulier de l’appelant crée une tension qui invite à résolution. Dans ce contexte commercial, les participants s’orientent vers le fait que si l’acteur qui représente l’organisation propose un nouveau thème en explicitant un fait particulier lié à l’appelant et à ses pratiques, alors :
- le constat correspondant constitue une évaluation ;
- cette évaluation est pertinente vis-à-vis de la relation institutionnelle qui lie le téléopérateur et l’appelant. Si ce constat souligne un problème ou pointe une amélioration possible, les participants peuvent s’attendre à ce que le locuteur soit en mesure de proposer des actions réparatrices ;
- le fait que ce constat soit produit ici et maintenant, dans une transition thématique à l’initiative du téléopérateur anticipe une action à venir, compatible avec le rôle institutionnel du téléopérateur. C’est-à-dire une proposition commerciale, ce qui confère à l’évaluation une dimension de préséquence.
33On peut dire que le tour est façonné pour rendre acceptable par le destinataire son statut de préliminaire à une offre (préséquence) ou à la description d’une offre (« pre-pre »). En effet, la réponse préférentielle à une évaluation est un accord [20]. L’accord éventuel du destinataire, même s’il est orienté vers la dimension évaluative du tour précédent, peut être traité par le téléopérateur, non seulement comme une ratification de l’adéquation descriptive du constat proposé, mais aussi comme une validation du problème vers lequel il pointe, c’est-à-dire comme un feu vert pour aborder des solutions dont la seule mention aura des implications commerciales encore plus marquées.
34Plus spécifiquement, la formulation de ce tour exploite des dispositifs qui renforcent cette dimension projective. Il est difficile d’imaginer en effet que le téléopérateur s’en tienne là. Pourquoi ? Il recourt à une « formulation de cas extrême », lorsqu’il affirme que l’appelant paie plein tarif. Cela implique que l’appelant paie le maximum de ce qu’il est légitime de payer, et qu’il ne pourrait payer plus, sauf aberration. De telles formulations extrêmes constituent une ressource pour que les locuteurs parviennent à certaines conclusions concernant le fait qu’un état de choses est déraisonnable, illogique, inacceptable, etc... [21]. Le constat est transformé en évaluation, et la situation de l’appelant peut être traitée comme problématique. Dans ce contexte, il est possible d’inférer du fait qu’un problème qui met autant en jeu la relation institutionnelle du téléopérateur et de l’appelant soit constitué et évoqué par le représentant de l’organisation commerciale, que celui-ci tient une solution à portée de main. Le tour projette comme suite pertinente un développement thématique (la description d’une offre) et une action (une offre commerciale adaptée). L’appelant collabore par sa réplique à clarifier cette ambigüité :
Conversation n° 3
3. G. : Oui mais en fait parce que : on- pour les résidences secondaires on a la possibilité (.) de mettre en place un service qui s’appelle le Plan qui coûte un euro cinquante par mois'096ui vous permet d’avoir des réductions tarifaires dès que vous allez appeler - sur le local le national parce que je vois que vous appelez sur Marseille
35Au tour 2, il ratifie le caractère problématique du constat précédent. Il nuance ensuite immédiatement cet acquiescement en limitant par avance la pertinence de toute solution proposée, puisqu’elle ne porterait que sur les deux mois d’activation de cette ligne, lors des vacances d’été. Cette manière de brider les implications potentielles d’un acquiescement est une propriété assez générale des conversations téléphoniques commerciales. Les appelants placés en position de « prospects » modalisent très souvent leurs engagements, de crainte que ceux-ci puissent être traités par le vendeur comme la marque d’un intérêt trop grand pour le produit. Ils rendent ainsi visible leur souci de minimiser l’implicativité marchande de leurs actions conversationnelles [22]. L’appelant manifeste à la fois sa collaboration à l’évolution de l’activité en cours et son orientation vers le fait que celle-ci a pris un tournant commercial. De son côté, le téléopérateur configure le tour 3 en fonction de cette réplique. D’une part il s’appuie sur l’acquiescement de l’appelant pour proposer l’offre. Celle-ci est présentée graduellement, puisque le tour évoque d’abord l’existence même d’une offre (et donc d’une solution au problème suggéré précédemment), puis la nomme, en indique le prix, avant de mettre l’appelant en situation d’utilisateur, et de lui donner la possibilité de percevoir les bénéfices qu’il pourrait en retirer au vu de ses usages téléphoniques (« cela vous permet d’avoir des réductions tarifaires dès que vous allez appeler »). Enfin le téléopérateur attache un peu plus encore l’offre au consommateur, en thématisant des caractéristiques plus singulières encore de son usage, comme s’il les découvrait soudainement dans ses applications informatiques (« parce que je vois que vous appelez sur Marseille »).
36La suite du deuxième extrait discuté dans cette section montre comment certaines situations ne se prêtent pas à ce que le tissage des dimensions cognitives (évaluer la pertinence de ces attachements) et pragmatiques (s’engager de manière négociée dans une action conjointe, d’ordre marchand) s’accomplissent de manière fluide :
Conversation n° 4
4. C : et alors ?
5. L : ils appellent vers le Maghreb vos parents ?
6. Cliente : Attendez. °papa tu téléphones tu as téléphoné en Algérie ?°
37Le tour 6 rend manifeste le fait que l’appelante ne peut participer à cette dynamique conjointe de qualification et d’attachement. Elle parle pour son père, qui est le propriétaire de la ligne, vers lequel elle se tourne pour voir s’il ratifie la description faite de ses pratiques. Dans cette situation, la téléopératrice va repousser longtemps l’exposition de l’offre et tenter de faire valider le constat sur les pratiques téléphoniques des parents, à travers la médiation de l’appelante.
Discussion
38Lorsque la demande initiale concerne les services téléphoniques, le recadrage commercial s’effectue à partir de l’annonce de nouvelles concernant les usages de l’appelant. Ainsi placées dans des environnements de transition thématique, de telles annonces sont équivoques d’un point de vue structurel [23]. Elles impliquent séquentiellement aussi bien des développements thématiques que des actions (ici une offre commerciale) auxquelles elles invitent. Les appelants s’orientent dans leurs réponses par rapport à cette équivoque. Ils distinguent le traitement du constat fait par les téléopérateurs sur leurs usages des implications commerciales potentielles de leur ratification de ce constat. Ils manifestent également leur capacité à reconnaître le caractère commercial d’une situation (caractérisée par le fait qu’une transaction potentielle se profile comme horizon possible de l’interaction) et à évaluer constamment les implications de chacune de leurs actions vis-à-vis cette finalité commerciale.
39Le travail conversationnel que les appelants accomplissent pour distinguer explicitement les deux orientations que projette le rebond, traduit l’effort d’attachement effectué par les opérateurs, facilité par les ressources contextuelles dont ils disposent à ce moment. Le traitement du problème initial concerne souvent la ligne téléphonique : les applications de facture détaillées sont ouvertes sur l’écran, et les téléopérateurs ont ainsi eu l’occasion de se faire une idée préalable des comportements téléphoniques de l’appelant. Que les appelants ne contestent pas le droit des téléopérateurs à produire ce constat montre qu’ils considèrent légitime que l’entreprise de services que celui-ci représente dispose de ces informations et les utilise, dans le cadre des droits et des obligations que recouvrent l’engagement contractuel souscrits entre eux et la firme. Enfin, ce constat confronte l’appelant à une évaluation extérieure et impersonnelle de sa propre expérience, énoncée par autrui. De manière générale déjà, susciter un accord sur des évaluations constitue une manière d’affilier un vendeur et un prospect, et d’impliquer celui-ci, commercialement, un peu plus [24]. Lorsque l’évaluation porte aussi directement sur les usages de l’appelant, soutenue par la référence implicite au traitement systématique des traces informatiques, cela engage fortement l’appelant à réaligner son expérience (intérieure) à la description (extérieure) qui lui est proposée, en se la réappropriant par un commentaire ou simplement une approbation, plus rarement un rejet. Le constat produit au moment du rebond invite l’appelant à s’engager, dans un contexte conversationnel où l’engagement interactionnel prête aussi à conséquence marchande.
40Dans une conversation ordinaire, le fait de rendre saillants des traits de la personne et son comportement n’implique pas séquentiellement une invitation ou une proposition. On peut imaginer qu’une assertion comme « Tiens tu fais le café comme cela » soit traitée dans un contexte ordinaire et familier comme une simple observation n’appelant pas de réplique. Dans un centre d’appel et de prestations de service, l’initiative par le téléopérateur de focaliser l’attention sur une information de ce type (« tiens vous payez plein tarif vos communications ») invite à ce que le constat soit traité comme témoignant d’un problème qui appelle une solution commerciale. Elle peut ensuite être traitée comme présupposant que le téléopérateur qui s’autorise à expliciter ce constat soit en mesure de fournir une solution adaptée au problème qu’il dessine.
41L’initiation d’un rebond appuyé par un constat sur les usages téléphoniques de l’appelant projette donc fortement l’expression d’une offre commerciale, pour autant que l’appelant donne des signes positifs qu’il en agrée le principe en collaborant à l’accomplissement de la préséquence. Dans le cadre d’une organisation séquentielle de la conversation structurellement équivoque, l’appelant peut donc se sentir aspiré vers la ratification du constat proposé et se trouver d’autant plus vulnérable aux implications commerciales auxquelles celle-ci l’expose. D’où la fréquence dans ces situations des acquiescements modalisés du type « oui (ratification d’un constat sur les usages téléphoniques), mais… (Minimisation des implications commerciales que l’acquiescement préalable a rendues pertinentes)».
« Rebondir » pour placer des services de télévision sur internet
42La vente de bouquets télévisuels accessibles via l’internet haut débit constitue depuis quelques mois une activité nouvelle, particulièrement stratégique dans une période marquée par une grande agressivité concurrentielle sur les accès Internet haut débit. Les différents opérateurs étaient soucieux de développer leur offre audiovisuelle pour se positionner en tant que prestataires de services multimédia grand public (et pas simplement en entreprises de réseaux de données), de se diversifier, et de préserver une certaine maîtrise de l’accès au domicile du consommateur, en valorisant la ligne de téléphone fixe. Leur placement figure désormais dans les objectifs des opérateurs.
43Sur notre corpus de deux cent conversations environ, une quinzaine manifestent des tentatives de réorganisations thématiques orientées vers cette offre appelée TVbythePhone. Comment sont accomplis ces rebonds ? En quoi sont-ils semblables ou différents de ceux qui s’orientent vers le placement de services téléphoniques ?
La singularité des offres TVbythePhone et les contraintes qui pèsent sur leur évocation dans des contextes de « rebond »
44Comme on l’a vu, le but des téléopérateurs est de parvenir à la fois à exposer les caractéristiques des offres, et à y attacher suffisamment l’appelant pour l’engager dans une interaction avec des implications commerciales. Dans le cas des offres concernant la télévision sur internet, l’appelant n’a souvent manifesté aucune marque d’intérêt préalable. Il a d’autant plus de chances d’ignorer ou de considérer toute proposition de ce type comme non pertinente qu’il s’agit de services nouveaux par rapport aux métiers traditionnels.
45Dans le cas de la vente par téléphone, lorsque l’activité commerciale s’effectue par rebonds, le problème n’est pas seulement d’équiper la confrontation des personnes et des produits (comme c’est le cas dans la distribution physique), mais également d’en étayer les fondations et la légitimité. Il faut créer ex nihilo le cadre propice à une rencontre ordonnée et pertinente. L’engagement des consommateurs et leur orientation vers l’offre, qui sont en général tenus pour acquis dans le magasin, une fois que le consommateur y a pénétré [25], constituent ici un accomplissement conversationnel. Dans ce contexte, se jouent des formes particulières de qualification, qui ont trait à la manière dont un produit ou un service peut constituer une ressource pour ce travail conversationnel. L’offre TVbythePhone est à cet égard intéressante, car malgré les efforts du management pour l’intégrer au portefeuille de services proposés dans les centres d’appels, elle reste un produit à part dans l’activité.
46Pour les téléopérateurs, l’offre TVbythePhone se singularise à plusieurs égards. Elle met en avant des produits fabriqués par des partenaires, des fournisseurs de bouquets audiovisuels, qui n’appartiennent pas au monde des « Télécoms ». C’est aussi ce que leur renvoient les appelants :
Les gens étaient un petit peu étonnés au départ, Tiens vous faites de la télévision ? Comme le câble ? (Téléopérateur).
48Les téléopérateurs craignent même de voir dériver leur activité de service vers une pure activité de distribution, ce qui ferait perdre son sens actuel à leur travail :
Ben comme on dit, bientôt on va vendre du café … Voilà on va faire un grand Darty … le client il va venir à 11Télécom et il va repartir avec le caddie plein, quoi (Téléopératrice).
50La vente par téléphone de l’offre TVbythePhone est très différente de celle des autres services. Elle touche aux pratiques culturelles et les téléopérateurs sont conduits à discuter les goûts et les préférences audiovisuelles des appelants. Dépourvus de sources d’information objectives sur les usages des appelants, ils se retrouvent fréquemment en train d’évoquer leurs propres goûts et doivent se mettre en situation d’utilisateur pour pousser leurs interlocuteurs à dévoiler leurs préférences. Lorsque les rebonds vers l’offre TVbythePhone se déroulent favorablement, les conversations téléphoniques qui en résultent peuvent durer trois quarts d’heure ou une heure, au point de rendre difficile pour les téléopérateurs à tenir leur objectif moyen de sept appels à l’heure. Il faut discuter les prix, les goûts de l’appelant (qui contribuent à déterminer le bouquet de chaînes qui composera une offre pertinente pour lui), la configuration de ses équipements au foyer, les arrangements liés aux problèmes d’installation et d’intervention, etc. Enfin, parce que l’offre télévisuelle haut débit est complexe, d’un usage collectif (les préférences télévisuelles des autres membres du foyer sont aussi mises en jeu) et qu’elle est financièrement engageante, la vente se fait très rarement sur un seul appel. Elle nécessite en général plusieurs échanges téléphoniques, l’envoi de papiers et de documentation, ce qui demande de gros ajustements organisationnels, puisqu’il leur faut dégager des plages de temps pour effectuer ces rappels.
51Le placement de cette offre est perçu comme particulier par les téléopérateurs. Ils le distinguent du simple placement de services par rebond sur appels entrants et le considèrent comme une vente qui est davantage susceptible de mobiliser des compétences de vendeur. Une partie des téléopérateurs déclare se satisfaire de pouvoir gérer personnellement un dossier depuis la première expression d’intérêt jusqu’à la conclusion de la vente et prendre plaisir à traquer sur plusieurs interactions un prospect avec lequel s’établit un rapport personnalisé. Dans la deuxième phase de l’enquête, lorsque la mobilisation était moindre, chaque vente TVbythePhone était devenue une prouesse, rendue publique et mise en scène pour être appréciée par les autres opérateurs voisins.
52Le caractère singulier de l’offre TVbythePhone est également marqué dans la façon même d’amener le rebond, sur le plan de la logique commerciale comme sur le plan pragmatique. Les téléopérateurs n’ont identifié avec l’habitude qu’un seul type d’appel qui leur donne la possibilité de rebondir vers l’offre de télévision sur internet avec des chances raisonnables de succès final, tout en s’appuyant sur la demande initiale de l’appelant. Dans ce scenariotype, la demande de l’appelant concerne l’internet haut débit. Les téléopérateurs sont alors en mesure de signaler à l’appelant que s’il est éligible, il n’aura que quelques euros de plus à débourser pour avoir accès aux services télévisuels. Il faut enfin noter que les difficultés que rencontrent les télévendeurs à initier des rebonds heureux ne tiennent pas aux particularités de la vente téléphonique. Dans les boutiques, où pourtant le passant qui pénètre est orienté d’emblée par rapport aux implications commerciales de ses actions, les vendeurs rencontrent également des difficultés.
53Dans le centre d’appel, le système informatique n’offre aucun appui permettant d’attacher au moment du rebond des caractéristiques de l’offre aux usages des clients. Ils ne disposent d’aucune information sur les comportements télévisuels des appelants. Les descriptifs des bouquets sont bien disponibles dans un outil d’aide à la vente, mais cette application n’est en général ouverte qu’après que l’appelant ait confirmé son intérêt pour l’offre. Le seul appui disponible au moment où la conversation téléphonique se prête au rebond est un indicateur d’éligibilité mis en avant sur la fiche client qui s’affiche à l’écran au décroché du téléphone [26]. Dans ces conditions, contrairement aux services téléphoniques étudiés dans la première partie ou aux services internet haut débit, le rebond vers l’offre TVbythePhone est découplé de l’usage du système informatique et de la consultation des écrans. Les téléopérateurs interrompent d’ailleurs souvent leur activité informatique et reculent légèrement leur corps quelques secondes avant d’initier un rebond vers l’offre TVbythePhone. Pour cette offre, le rebond est accompli essentiellement dans et par la conversation.
Le tour qui marque le rebond
54Je m’intéresserai d’abord au tour qui amorce le rebond, en commençant par un exemple atypique.
Conversation n° 5
2. M : oui mais il marche plus D : bah je vais voir avec (nom du fournisseur internet) je vais vous les passer vous allez pas payer la communication-hhein par contre simplement une chose : euh : vous n’étiez pas intéressé par l’offre intégrée avec euh internet(hh) et la télévision ?
55L’appelant a un problème avec son accès internet. Juste après avoir indiqué qu’il allait transférer gratuitement l’appel vers la hotline internet, le téléopérateur propose un changement thématique (tour 3). Il est introduit comme détaché de ce qui précède (« par contre ») et se présente comme une question qui lie directement une mention non sollicitée de l’offre (« l’offre intégrée avec euh internet (hh) et la télévision »), et l’évocation d’une demande pour celle-ci (« vous n’étiez pas intéressé par »), qui, si elle est ratifiée rendrait l’interaction en cours commercialement impliquante. La question posée présente un statut préliminaire par rapport à une discussion commerciale de l’offre TVbythePhone. Elle éprouve directement, sans aucune préparation, l’attachement de l’appelant et de l’offre. Le téléopérateur déclarera, après l’échange, avoir juste « tenté le coup » dans l’urgence, avant le transfert de l’appel (ce qui le conduit à prendre moins de précautions que d’habitude pour opérer le rebond). Il était dans l’idée qu’il aurait rappelé ultérieurement le client, s’il avait donné un signe positif d’intérêt. Ce type de rebond est exceptionnel dans notre corpus, et très significatif. Sous pression, le téléopérateur donne à voir ce qui est en jeu dans le rebond : légitimer ex nihilo un recadrage de l’échange en cours, orienté vers l’expression d’une demande concernant l’offre TVbythePhone. Il n’a d’autre choix que de poser directement la question, ce qui ne se fait habituellement pas, comme le montre l’étude des rebonds les plus fréquemment observés :
Conversation n° 6
: voilà par contre monsieur (nom) est-ce que vous avez entendu parler du produit TVbythePhone ? ou pas du tout ?
[(Clique pour fermer l’application facture et revenir à la fiche client)) TVbyth
7. C : ah pas du tout
8. L : est-ce que vous savez que là où vous êtes situé à Nice vous avez la possibilité(h) (.) d’avoir la télé (.) si vous voulez numérique mais au lieu d’avoir une parabole vous pouvez l’avoir par votre ligne 11Télécom ?
56Dans cet exemple, la téléopératrice sépare nettement l’opération qu’elle vient d’accomplir de ce qui suit. La réorientation thématique n’est pas atténuée par une étape de transition (sur le mode « voila par contre … »). Le nouveau thème est introduit par une question concernant le degré de connaissance de l’offre TVbythePhone chez l’appelant. Construire le changement thématique comme une interrogation sur l’information de cet appelant, une question suscitée par un événement commercial (offre nouvelle, promotion, soudaine éligibilité du consommateur par rapport à cette offre) lui confère une certaine légitimité. L’enquête se réfère en effet à un contrat moral et commercial implicite. Au titre d’un devoir hypothétique d’information des clients, le représentant de l’entreprise peut prendre prétexte des nouveautés commerciales pour informer le consommateur, apparemment sans que l’échange soit impliquant. Le tour 6 est habile, car il imbrique et projette l’accomplissement de deux formes de préséquences. Si l’appelant déclare son ignorance, le téléopérateur peut traiter cette dénégation comme une invite à élaborer un peu plus l’offre (ici sous la forme d’une nouvelle préséquence portant sur l’éligibilité de l’appelant par rapport à l’offre). Si l’appelant déclare connaître l’offre, le téléopérateur peut exploiter cet acquiescement pour inviter l’appelant à développer un peu plus, au moyen d’une question ouverte comme dans l’extrait suivant :
Conversation n° 7
2. M : d’accord.
: hein euh : donc là heuh moi je vais faire :: le changement vous comptez quarante huit heures :: le temps que ça passe au niveau informatique hein je vous envoie un courrier de confirmation (hh)et : maintenant tout à fait autre chose hein euh au niveau de la ligne téléphonique je ne sais pas si on vous en a déjà parlé vous pouvez avoireuh : donc : le bouquet soit (.) euh canal : canal plus canal sat ou T-P-S à partir de 11 euros par mois.
4. M : oui.
: hein euhon vous en a déjà parlé de ça ?
6. M : en fait on a reçu une documentation qu’on garde précieusement parce que (inaudible) c’est quelque chose c’est un projet qu’on a euh
57Dans l’extrait n°5, la transition entre les arrangements concernant le traitement de la demande initiale et ce qui suit est rendue ostensiblement plus abrupte (« et maintenant tout à fait autre chose »). La singularité de « TVbythePhone » par rapport au reste de la gamme est ainsi exploitée comme une ressource dans la construction conversationnelle du rebond et affirmée ainsi.
58Dans une fraction des cas observés, les téléopérateurs cherchent à construire le tour de rebond de manière à développer une transition plus fluide avec ce qui précède. La singularité de l’offre télévisuelle et l’absence de connaissances des usages de l’appelant conduisent les téléopérateurs à s’appuyer sur la seule référence à des éléments partagés de contexte immédiat pour légitimer le changement thématique proposé [27]. Ils prennent appui sur un élément mentionné auparavant (par exemple mentionner une localité évoquée auparavant pour signaler que les personnes qui y habitent sont éligibles), ou simplement sur l’opportunité offerte par la situation d’interaction, avec « tous les canaux ouverts » pour offrir une information nouvelle, comme dans l’extrait suivant :
Conversation n° 8
11. P : voilà
$ : juste une chose pendant que je vous ai au téléphone monsieur (nom) est-ce que vous savez que vous pouvez recevoir maintenant la télé par votre ligne téléphonique (.) en qualité numérique ?
59L’analyse des conversations téléphoniques avec rebond conduisant à l’évocation de l’offre TVbythePhone montre des transitions thématiques marquées par une frontière abrupte, ou introduites par une étape de transition, mais sans prendre appui sur les thèmes précédemment traités dans la conversation. La transition s’appuie sur l’évocation d’éléments contextuels de l’interaction, comme un lieu de résidence mentionné auparavant et qui justifie une éligibilité, ou sur le fait même qu’une interaction soit en cours (« tant qu’on y est »). Le tour qui initie le rebond thématise l’offre TVbythePhone, surtout par rapport à sa nouveauté, avec très peu de ressources pour attacher des qualités de l’offre à l’appelant. Il se présente comme la première partie d’une préséquence (ou une « pre-pre »), préliminaire à une offre d’information (ou à d’autres préséquences).
Le traitement par l’appelant du caractère équivoque des préséquences de rebond
60Aussi prudentes soient-elles, ces préséquences qui visent en apparence à éprouver le désir d’information des appelants, sont comprises par ceux-ci comme ayant des implications marchandes, comme le montrent leurs différentes réponses. Toutes en témoignent, depuis la marque d’intérêt affirmée jusqu’au refus le plus net. Un premier cas de figure est celui où ils rendent visible le caractère équivoque du rebond.
Conversation n° 9
! 4 :, 8-, 343 à pour l’instant nan euh : nn euh :
14. S : vous avez quelque chose avec la télé non ? vous avez : euh
61Dans sa réponse (tour 13) au rebond initié par le téléopérateur (tour 12), l’appelant accomplit deux actions distinctes. D’un côté, il répond directement à la question formulée dans le préliminaire, de l’autre il refuse le recadrage commercial de la conversation. Il rend explicite l’action que celui-ci met à l’horizon de la conversation (une invitation à achat) et se refuse à endosser l’identité située de « prospect » que suggère le rebond, en repoussant toute action engageante commercialement dans un futur lointain. Ce faisant il sépare la question de l’information sur l’offre de ses conséquences éventuelles et distingue, d’un côté, ce qui constitue une réponse à la proposition d’information et, de l’autre, ce qui constitue un traitement du recadrage marchand de l’interaction en cours. Il convient de remarquer que la seconde partie du tour est marquée par des hésitations et des perturbations de l’énonciation, caractéristiques des réponses non préférentielles.
62Il arrive que cette distinction ne soit pas opérée en un seul tour, mais au cours de deux tours successifs :
Conversation n° 10
8. M : oui.
9. D : oui - d’accord. est-ce qu’on vous a parlé de l’offre Maligne TV ?
: oui oui on m’en a parlé.
11. D : oui ?
M : oui mais je suis pris en ce moment j’ai un autre souci je vous demand ça parce que bon
63L’appelant confirme qu’il est informé. Sur la relance ouverte du téléopérateur l’invitant à développer un peu plus (« Oui ? »), il répète qu’il est informé, mais il souligne également qu’il est pris. Il marque ainsi son refus net du recadrage commercial de la conversation.
64Ces deux extraits montrent l’efficacité pragmatique du dispositif de préséquence, relativement aux enjeux du rebond. Le fait que le rebond soit mis en forme comme une question préliminaire projette une structure de préférence dans laquelle le traitement de la question constitue la réponse préférentielle et le traitement du recadrage de l’interaction qu’implique le rebond une réponse non préférentielle. Dans certaines conversations, on peut observer néanmoins l’appelant s’orienter seulement par rapport au recadrage proposé.
Conversation n° 11
8. M. bon
9. D : maintenant je voulais juste vous dire par M : [et comme je suis cocorico et que j’ai de des actions chez 11Telecom je trouvais que c’était un peu bizarre=
10. D : =ah bah voila=
11. K : = de ne pas passer par 11 Telecom j’ignorais cette solution là.
12. D : eh oui maintenant qu’on a des offres intéressantes là vous allez être satisfaite et vous allez plus repartir hhhhh maintenant tout à fait autre chose : au niveau de la ligne vous savez qu’on peut vous proposer la - télévision (0.5) euh ::numérique c’est à direeuh :: un grand nombre de chaînes (.) des chaînes de ciné : des ch :=
: =nonnonnonnonnon
14. D : d’accord d’accord très bien non c’était simplement pour vous : pour vous informer.
65La proposition de rebond est effectuée au tour 12, après une première tentative au tour 9 interrompue par l’appelante. La réaction de l’appelante est de refuser, avec véhémence (ce que montre la répétition appuyée des non enchaînés), marquant ainsi son souci de voir traiter ce refus comme définitif, et de bloquer complètement la ligne conversationnelle en cours. Elle fait plus que répondre à la question posée. Ce refus si marqué n’est pas orienté seulement vers l’évocation de l’offre d’accès audiovisuel et ses conséquences, mais vers le principe même d’un recadrage marchand, implicite dans le rebond. Il n’est pas question pour elle, qui avait interrompu le premier rebond pour parler de sa relation à 11 Telecom sur un ton de bavardage, de se trouver à nouveau dans une situation avec des implications commerciales. Elle s’oppose purement et simplement à tout recadrage marchand de l’échange. Son refus revêt une connotation morale, dans la mesure où elle vient juste d’accepter d’acheter un service téléphonique et de déclarer en conclusion qu’elle était un peu grippée, un peu « embrouillée ». Elle marque par sa véhémence le caractère abusif de tout nouveau rebond. La réponse du téléopérateur prend en compte cette dimension morale. Il produit une excuse, et déclare avoir juste voulu informer l’appelante. Cette excuse utilise l’équivoque structurelle qui caractérisait son rebond pour permettre au téléopérateur de se rabattre sur une interprétation minimale de celui-ci. Il présente en effet, non sans mauvaise foi, le recadrage marchand qu’il essayait d’effectuer comme un effet secondaire et non voulu de sa formulation.
66Les participants collaborent à traiter les préséquences par lesquelles les téléopérateurs rebondissent vers l’offre TVbythePhone comme des propositions de recadrage de l’échange. Celui-ci est réorienté par rapport à l’horizon futur d’une transaction éventuelle, vis-à-vis de laquelle chaque tour de conversation peut être évalué. Ce recadrage amorce une redéfinition des identités situées des participants. Son acceptation s’accompagne d’un travail continuel des participants pour ajuster leurs postures interactionnelles au cadre interprétatif que dessine le rebond, et à l’évolution de celui-ci au fil de la conversation. La conversation suivante, qui voit un appelant manifester un intérêt préalable pour l’offre TVbythePhone en donne un exemple.
Conversation n° 12
2. M : oui.
3. D : hein euhon vous en a déjà parlé de ça ?
4. M : en fait on a reçu une documentation qu’on garde précieusement parce que (inaudible) c’est quelque chose c’est un projet qu’on a euh
67En réponse à la préséquence de rebond (tour 1) l’appelant confirme posément qu’il a entendu parler de l’offre. A la relance ouverte du téléopérateur qui l’invite à développer, il explique qu’il a reçu, lu, et conservé la documentation, dans la mesure où cela correspondait à un projet. Il ratifie le recadrage marchand de l’échange, en alignant sa perspective personnelle de développement (ses projets) à la perspective commerciale que dessine le rebond (l’achat futur de l’offre de services concernée). Par la thématisation de ses intentions, et l’alignement de ses projets avec l’enjeu commercial autour duquel le téléopérateur recadre l’interaction, il fait valoir son acceptation d’une discussion concertée dont l’évolution s’inscrit dans le dessein d’une transaction différée mais présente. Dans cette conversation, la ratification du rebond s’opère par une mise en scène appuyée du caractère mutuellement pertinent des engagements et préfigure une action conjointe. L’appelant valide l’identité située proposée (prospect), et s’associe au téléopérateur en mettant surtout en scène sa disponibilité à un engagement partagé. Il s’oriente ainsi par rapport à la proposition de « coordination sociale » qui fait partie intégrante des invitations et des offres [28]. Le travail spécifique d’affiliation de l’appelant et de l’offre de services mise en jeu s’accomplit ultérieurement, après ce travail d’alignement des horizons d’action des participants en un projet commun. L’interaction se développe alors dans le sens d’une co-production conversationnelle des attachements possibles (explorer les qualités de l’offre TVbythePhone, leur pertinence par rapport à sa situation, évoquer les adaptations possibles) et de l’engagement vis-à-vis de la transaction (dans ce nouveau cadre interactionnel, chaque attachement validé apparaissant comme un pas en avant par rapport à un achat futur, et chaque marque d’engagement constituant une ressource pour relancer le travail d’attachement).
Conclusion
68Le rebond n’est pas qu’une réorganisation thématique de la conversation. Les deux participants collaborent à ratifier un engagement conjoint dans une activité reconnaissable comme nouvelle et orientée vers une finalité transactionnelle. Cette réorientation de l’activité qu’amorcent les séquences de rebonds opère une transition entre deux types d’activité de service [29]. Dans le cas d’un rebond vers la vente de forfaits téléphoniques, il s’agit de passer d’une demande initiale d’intervention et d’assistance à une proposition de mise à disposition des capacités de l’entreprise. Comme cette proposition suppose l’achat d’un nouveau type de forfait, le client qui appelait pour autre chose devient un « prospect » susceptible d’acheter dans le futur. Ces repositionnements qui procèdent du travail conversationnel incessant accompli sur les identités situées des participants mettent également en jeu la « face » des participants : l’accomplissement participatif et négocié du cadre de l’échange risque de pouvoir être lu comme une manipulation ou une captation excessive dans la mesure où l’appelant n’a donné aucun signe d’intérêt préalable.
69Le travail ethnographique a permis de montrer en quoi l’activité conversationnelle des téléopérateurs, et en particulier la décision de réorienter la conversation en cours pour proposer tel service (c’est-à-dire « rebondir ») constituait une activité prescrite et outillée. Le jugement concernant l’opportunité même de rebondir s’inscrit au carrefour d’un ensemble de prescriptions interdépendantes et parfois contradictoires concernant le placement des différentes offres (pour lesquels les taux de rebonds sont comptés et évalués par rapport à des objectifs). Ce jugement est préparé par un travail d’animation commerciale qui rend plus ou moins saillants certains produits dans l’économie attentionnelle des vendeurs. Il est équipé par différents repères activés en situation, comme le « flag », qui signale dans la fiche client son éligibilité pour l’offre envisagée, ou encore un historique des contacts précédents.
70En utilisant les méthodes de l’analyse conversationnelle, j’ai montré comment les rebonds présentaient une organisation systématique, basée sur le recours à des préséquences. Le téléopérateur s’enquiert de l’état d’information de l’appelant sur une offre nouvelle, ou bien met en relief un constat sur les caractéristiques de son comportement téléphonique. Les réponses des appelants montrent que ces tours de parole ont un statut préliminaire. En tant que préséquences, ils éprouvent la pertinence d’une action à venir, et préservent la face des participants des menaces qu’impliquerait une proposition ou un engagement trop directs. Ces préséquences sont structurellement équivoques, comme le montrent les réactions des appelants. Leurs réponses anticipent souvent le fait que les rebonds préparent aussi bien à des descriptions plus élaborées des offres qu’à des propositions possédant des implications commerciales.
71Le caractère marchand de la conversation constitue une propriété émergente de l’enchaînement des préséquences. D’un côté, la situation est reconnaissable comme marchande dès qu’elle présente un horizon transactionnel et qu’à tout moment la situation en cours peut être évaluée par rapport à la possibilité d’un achat futur. De l’autre, cette finalité, et l’engagement des participants dans cette transaction possible s’élaborent de manière émergente, tour après tour. Dans les rebonds qui donnent lieu aux explorations les plus poussées de l’offre, les deux participants collaborent à un ancrage conversationnel progressif du cadre de l’échange. Il s’appuie sur un va-et-vient incessant entre le travail d’attachement et l’utilisation des préséquences. Le téléopérateur évoque de manière plus ou moins directe une relation possible entre les qualités de l’offre et les caractéristiques de l’appelant. L’énoncé correspondant sert de point d’appui à une préséquence éprouvant la pertinence d’une description plus poussée de l’offre et de ses qualités. Si elle est acceptée, cela ouvre sur la perspective de nouveaux attachements, et cela relance le mouvement.
72La comparaison de rebonds orientés vers la proposition d’une offre traditionnelle pour l’entreprise (les services téléphoniques) et d’une offre nouvelle, jugée stratégique, mais singulière (les offres de télévision sur internet haut débit) a montré que tous les rebonds ne se valaient pas. La différence principale entre ces deux configurations concerne le fait que soit disponible (dans le cas des services téléphoniques) ou indisponible (dans le cas de TVbythePhone), en situation, des informations pertinentes sur les comportements d’usage des appelants relatifs au service qui fait l’objet du rebond.
73Dans les rebonds qui concernent les services téléphoniques, le travail d’attachement s’effectue dans le tour même qui amorce le rebond. Les téléopérateurs peuvent mobiliser des applications informatiques de facture détaillée (en général utilisées dans la phase initiale de la conversation et restées ouvertes à l’écran) et les traduire en constats mettant en relief certains traits des usages téléphoniques des appelants. Le travail d’attachement s’effectue dans le tour même qui amorce le rebond. En confrontant ainsi l’appelant à une description externe de ces usages, ce tour projette fortement un alignement même partiel de celui-ci à ce constat. Dans le contexte ambigu de la préséquence, cet alignement minimal peut servir de point d’appui à l’exposition d’une offre « adaptée ». Autrement dit, l’appelant doit faire un travail interactionnel spécifique pour échapper aux implications commerciales de son engagement conversationnel.
74En revanche, les rebonds orientés vers l’offre de services télévisuels ne font quasiment jamais référence dans le tour initial à des caractéristiques personnelles de l’appelant. Pour ce type de service, les téléopérateurs ne disposent pas de source de connaissance pertinente sur les comportements de consommation télévisuelle des appelants. Ils ne peuvent appuyer leurs rebonds que sur des attachements impersonnels, comme la relation de services qui lie plus généralement l’appelant à l’entreprise et qui légitime le souci d’informer celui-ci des évolutions de l’offre, ou sur la simple opportunité créée par la conversation en cours (« Tiens, pendant que je vous ai en ligne … »), qui projette moins clairement, moins immédiatement, et moins fortement un alignement de l’appelant, mais plutôt un constat objectif portant sur ses propres pratiques. Les appelants peuvent se désengager des implications marchandes des rebonds avant que le travail d’attachement des qualités des services et des caractéristiques de leur comportement ait véritablement commencé.
75Les formats de production des rebonds sont donc sensibles à l’existence de ressources permettant au téléopérateur de légitimer la discussion de l’offre (en particulier avec la possibilité de la configurer et de la rendre accessible et de pouvoir le mentionner). Les formats amènent également à exploiter des compétences acquises sur les scripts de rebond qui fonctionnent bien et, surtout, de s’orienter par rapport à des attachements possibles du service et de l’appelant. Le rebond constitue une activité collective qui dispose d’une assise différente selon les services projetés et leurs qualités. Des agencements organisationnels et matériels dont l’articulation et la stabilisation dépassent de très loin les cadres temporels, spatiaux et sociaux des situations de rebond dans les centres d’appels, configurent et stabilisent certains aspects des contextes dans lesquels ceux-ci se déroulent. On peut dire, au sens de la sociologie des sciences et des techniques, que ces agencements « agissent à distance » sur les situations de rebond. Ils modèlent l’efficacité performative des rebonds vis-à-vis du recadrage commercial de la conversation téléphonique.
Bibliographie
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Notes
-
[1]
CLARK, 2004.
-
[2]
UNDERHILL,1999.
-
[3]
LAVE, 1986,1988.
-
[4]
BARREY et al., 2000.
-
[5]
CALLON et al., 2000.
-
[6]
COCHOY, 2002.
-
[7]
COCHOY, 2004.
-
[8]
DUBUISSON-QUELLIER et NEUVILLE, 2003.
-
[9]
KESSOUS et MALLARD, à paraître.
-
[10]
LEVINSON, 1983.
-
[11]
Simmel soulignait déjà la dialectique de l’union et de la distinction, de la coopération et de la lutte comme inhérente à l’échange : « dans une affaire commerciale, les deux parties constituent une unité, dans la mesure où elles reconnaissent, bien que leurs intérêts soient tout à fait opposés, des normes qui les lient, qui les engagent » (SIMMEL, 1995).
-
[12]
SUCHMAN, 1987.
-
[13]
Comme lorsque différents centres d’appels sont mis en compétition pour savoir qui a placé le plus de produit.
-
[14]
Cela a été le cas de l‘offre de télévision sur internet tellement mise en avant fin 2004 (les opérateurs ne touchaient les commissions sur l’ensemble des services qu’ils avaient placé que si ils avaient aussi vendu un nombre déterminé de souscription à ce service dans le mois) que les performances commerciales ont baissé sur les autres services. Six mois plus tard, lors de notre passage suivant ce seuil avait disparu et ce service avait repris une place moins visible dans l’éventail de l’offre que tentait de placer les téléopérateurs du centre d’appels.
-
[15]
WHALEN, 1995 ; BOWERS et MARTIN, 2000.
-
[16]
MAYNARD, 1980.
-
[17]
SACKS, 1992, p. 300-301.
-
[18]
SCHEGLOFF, 1980
-
[19]
LEVINSON, 1983 ; HERITAGE, 1984.
-
[20]
POMERANTZ, 1984.
-
[21]
POMERANTZ, 1986.
-
[22]
MAZELAND, 2004.
-
[23]
DE FORNEL, 1986.
-
[24]
CLARK, DREW et PINCH, 2004.
-
[25]
Pour des consommateurs en magasins, leurs premiers tours de parole thématisent en général une orientation vers l’achat, ou bien le fait de ne pas l’être, en général accompagné de justifications et d’excuses plus ou moins explicites : les deux témoignent d’une attente normative partagée concernant le fait que pénétrer dans un magasin fait de soi un prospect (Clark, 2004).
-
[26]
L’accès à l’offre étant conditionné au débit ADSL disponible sur la ligne téléphonique, et toutes les zones n’étant pas encore couvertes avec un débit suffisant, tous les appelants ne peuvent s’équiper.
-
[27]
C’est comme si l’appelant présentait un visage inconnu, n’offrant aucune prise repérable par rapport à l’offre mis en jeu. Au regard du déficit de « connaissance client » qui résulte de la singularité de l’offre TVbythePhone, l’appelant est en quelque sorte un inconnu, ce qu’il n’était pas dans le cas des « rebonds » concernant les services téléphoniques. Il est intéressant de rapprocher cette configuration des études comparatives menées entre des sujets qui se connaissaient préalablement ou pas. Dans le cas des inconnus, les interactions étaient souvent initiées par des références au contexte de l’expérimentation (MAYNARD et ZIMMERMAN, 1984).
-
[28]
CONEIN, 2005.
-
[29]
En reprenant la typologie des services de Gadrey (GADREY, 2003).