Notes
-
[1]
HABERMAS, 1965,1973, p. 133-162, p. 145.
-
[2]
FOUREZ, 1996, p. 12.
-
[3]
GIMD s’est engagé auprès de la Commission européenne à céder le magazine La Vie Financière pour ne pas dépasser le seuil des 50 % de parts de marché sur le secteur de la publicité financière.
-
[4]
Communiqué de l’AFP, 18/06/2004.
-
[5]
Entretien accordé par François Boissarie, secrétaire général du SNJ, au site internet du Nouvel Observateur, 16/06/2004.
-
[6]
SANTI, 2004.
-
[7]
COSTEMALLE, 2004.
-
[8]
BAJOS, 2004.
-
[9]
BOUGUEREAU, 2004.
-
[10]
Le Monde, 18/06/2004.
-
[11]
La Croix, 24/06/2004.
-
[12]
Le Monde, 10/07/2004, citant un communiqué du groupe PS à l’Assemblée nationale.
-
[13]
Serge Dassault a été élu sénateur en septembre 2004.
-
[14]
Propos tenus sur les ondes de France Inter le vendredi 10 décembre, repris dans Le Monde, 12/12/2004.
-
[15]
La Croix, 21/06/2004.
-
[16]
MEDIONI, 2004a.
-
[17]
REPITON, 2004b.
-
[18]
Le Figaro, 3/09/2004.
-
[19]
La Croix, 26/01/2004.
-
[20]
Propos relatés par PEYREL, 2004 et par MEDIONI, 2004a, op. cit.
-
[21]
Propos relatés par Le Parisien, 21/06/2004.
-
[22]
Propos relatés par Neteconomie, 22/06/2004 et par Libération, 21/06/2004.
-
[23]
Propos relatés par l’Expansion, 21/06/2004 et par le Journal du net, 22/06/2004.
-
[24]
BUI, 2004.
-
[25]
L’Express, 21/06/2004.
-
[26]
NouvelObs.com, 2/06/2004.
-
[27]
JACQUIN, 2004.
-
[28]
ROJINSKY et BAJOS, 2004.
-
[29]
NouvelObs.com, 30/04/2004.
-
[30]
MEDIONI, 2004b.
-
[31]
L’Observatoire de la musique analyse chaque année un panel de 33 stations publiques et privées représentant plus de 95 % de l’audience totales des radios.
-
[32]
JAURES, 2004b.
-
[33]
Chiffres Livre Hebdo, publiés dans La Tribune, 21/05/2004.
-
[34]
Source CNL, Centre national du livre.
-
[35]
MEDIONI, 2004a, op. cit.
-
[36]
La Tribune, 03/06/2004.
-
[37]
CROM, 2004.
-
[38]
Propos tenu le 28/05/2004 par Christian Laval, enseignant adhérent au FSU, auteur de l’ouvrage L’École n’est pas une entreprise, La Découverte.
-
[39]
La Tribune, 21/05/2004.
-
[40]
SALLES, 2004a.
-
[41]
JACQUIN, 2004 et MEIGNAN, 2004.
-
[42]
La maison d’édition Odile Jacob a intenté un référé contre l’accord Hachette-Wendel devant le tribunal de commerce de Paris en juin 2004, puis devant la Cour des communautés européennes en juillet, en attaquant cette fois le mode d’organisation de la vente par la Commission européenne.
-
[43]
Les Echos, 14/06/2004.
-
[44]
DROMARD, 2004.
-
[45]
SALLES, 2004b et 2004c.
-
[46]
Propos tenus par le responsable de la direction de la concurrence à Bruxelles, Claude Rakovsky, Livres Hebdo, 11 juin 2004.
-
[47]
REPITON, 2004a.
-
[48]
JACQUIN, 2004c.
-
[49]
FERAUD, 2003.
-
[50]
Propos relatés par La Tribune, 13/05/2004.
-
[51]
REPITON, 2004a.
-
[52]
La Tribune, 30/04/2003.
-
[53]
CASSINI, 2004b.
-
[54]
La Tribune, 12/05/2004.
-
[55]
Interview d’Antoine Villette, Libération, 07/01/2004.
-
[56]
La Tribune, 04/05/2004.
-
[57]
JAURES, 2004a.
-
[58]
LE LAY, 2004.
-
[59]
NouvelObs.com, 16/01/2004.
-
[60]
Propos tenus par Michel Gomez, délégué général de l’ARP, Société des Auteurs, réalisateurs, producteurs, La Croix, 21/05/2004.
-
[61]
Idem.
-
[62]
La Tribune, 28/01/2004.
-
[63]
Le Nouvel Observateur, 15-21 avril 2004.
-
[64]
REPITON, 2004c.
-
[65]
REPITON, 2004b.
-
[66]
La Tribune, 12/05/2004.
-
[67]
La Tribune, 14/05/2004.
-
[68]
Selon l’Observatoire européen de l’audiovisuel, 954 millions de billets de cinéma ont été vendus en 2003 dans les 25 pays de l’Union Européenne, soit une baisse de 4,4 % par rapport à 2002. La part des films américains a progressé de 1,6 % pour atteindre72,1 % du marché de l’Union européenne, alors que les films européens se sont mal exportés. Ils ne réalisent que 6,3 % de leurs entrées européennes hors de leurs frontières. Les films des autres régions du monde ne représentent que 2,2 % du marché. 752 films ont été produits en 2003.
-
[69]
La Tribune, 05/12/2003.
-
[70]
La Tribune, 12/05/2004.
-
[71]
En France, l’administrateur d’un site proposant le téléchargement illégal encourt les peines de contrefaçon, soit 300 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement.
-
[72]
PEYREL, 2004, op. cit.
-
[73]
Le NouvelObs.com, 04/05/2004.
-
[74]
Le NouvelObs.com, 08/06/2004.
-
[75]
TORREGANO, 2004a.
-
[76]
Le NouvelObs.com, 15/06/2004.
-
[77]
Le NouvelObs.com, 08/06/2004.
-
[78]
CASSINI, 2004a.
-
[79]
La campagne montre derrière des barreaux de prison un doigt d’honneur stylisé, symbolisant « l’attitude des internautes vis-à-vis du téléchargement » selon le SNEP.
-
[80]
Le Journal du Net, 05/05/2004.
-
[81]
La Tribune, 05/01/2004.
-
[82]
TORREGANO, 2004b.
-
[83]
Le Figaro, 17/11/2003.
-
[84]
CASSINI, 2004a.
-
[85]
Le Journal du Net, 05/12/2003.
-
[86]
http ://permanent.nouvelobs.com/
-
[87]
Étude disponible à l’adresse suivante : http :// www. unc. edu/ cigar/ papers/ FileSharing_March2004. pdf
-
[88]
Le NouvelsObs.com, 01/04/2004.
-
[89]
La Tribune, 07/06/2004.
-
[90]
Propos de Kaz Hirai, président de Sony Electronics America, in La Tribune, 13/05/2004.
-
[91]
SU J.-B., « Sony relance la bataille des consoles portables », La Tribune, 02/04/2004. Propos repris par La Tribune, 11/05/2004 et par Le Monde, 16/05/2004.
-
[92]
La Tribune, 29/04/2004.
-
[93]
Les sonneries de « tubes » téléchargeables sur téléphone mobile ont augmenté de 40 % sur le premier semestre 2004, développant un chiffre d’affaires égal à 10 % du marché de la musique.
-
[94]
Propos tenus par Thierry Chassagne, patron de Warner, in MEDIONI G., « Le disque craque », L’Express, 21/06/2004.
-
[95]
La Tribune, 17/03/2004.
-
[96]
Cette réduction d’impôt plafonnée à 500 000 euros par film, correspond à 20 % des dépenses engagées. Si l’entreprise de production ne réalise pas de bénéfice imposable, elle reçoit un chèque équivalent des services fiscaux.
-
[97]
Les studios de développement de jeux vidéo créés il y a moins de huit ans peuvent bénéficier d’exonérations fiscales s’ils consacrent au moins 15 % de leur budget à la recherche et développement.
-
[98]
ROJINSKY, 2004.
-
[99]
Le Nouvel Observateur, n° 2100,3/9 février 2005.
-
[100]
La Tribune, 16/12/2003.
-
[101]
La Tribune, 03/03/2004.
-
[102]
La Tribune, 03/03/2004.
-
[103]
DELGADO, 2004.
-
[104]
GATEAUD, 2004.
-
[105]
Déclaration des intermittents publiée dans le NouvelObs.com, 17/04/2004.
-
[106]
Cet article s’insère dans un programme de recherches actuellement en cours : MIÈGE, à paraître, a et b.
-
[107]
ROBIN (s. d).
1Les industries culturelles ainsi que celles de l’information connaissent aujourd’hui de profondes mutations, liées à trois grands phénomènes : l’arrivée à maturité des technologies numériques et le développement de l’internet, la déréglementation et la libéralisation généralisées des divers secteurs de la communication, et la financiarisation accrue des champs de la culture et de l’information : dès lors, les œuvres culturelles ne seraient plus que des informations circulant sur des réseaux ou des terminaux (téléphonie mobile, télévision, internet…) et les produits informationnels seraient plus que jamais sous la dépendance immédiate des décisions stratégiques de grands groupes de communication.
2Pour nombre d’observateurs, les choses sont entendues : l’autonomie éditoriale des firmes spécialisées ainsi que tous les autres traits spécifiques des industries culturelles et informationnelles appartiennent désormais à l’histoire de la culture comme à celle de l’information ; les contenus se déduisent quasi-mécaniquement des (nouvelles) logiques technologiques, juridico-politiques et surtout financières qui seraient non seulement à l’œuvre dans les industries considérées, mais y auraient déjà imposé leur pouvoir sans partage. Le passage aux industries du contenu serait déjà opéré, et celles-ci n’auraient dès maintenant que peu à voir avec les industries de la culture et celles de l’information, telles qu’elles ont fonctionné depuis plus de deux siècles, et surtout de la fin du XIXe siècle jusqu’à la fin du XXe siècle.
3Or, il semble bien que ces appréciations, souvent corroborées par des faits d’actualité, soient loin de prendre en compte toutes les complexités des mutations effectivement en cours. Et peut-être qu’à mettre seulement en évidence les avancées des logiques financières (celles-ci d’ailleurs régulièrement signalées et dénoncées tout au long de l’histoire du livre, de la presse ou de la musique enregistrée), les abandons des réglementations et des politiques publiques, ainsi que les asservissements induits par la montée des techniques de l’information et de la communication, on laisse de côté des évolutions, non moins décisives, portant sur les règles et conditions de fonctionnement des industries elles-mêmes et, par conséquent, sur les conditions actuelles du recours au travail artistique et intellectuel à partir du moment où on fait appel à eux dans le cadre d’un procès d’industrialisation (on s’accordera pour considérer qu’il s’est accéléré depuis le début des années quatre-vingt-dix). C’est ce qui nous a conduits à étudier le discours de la presse sur les mutations des industries de la culture et des médias.
LE CADRE CONCEPTUEL DE L’ANALYSE
4La consistance même de ce programme est que son ambition, théorique et thématique, empêche de le mener à bien sans le fragmenter et sans employer des biais ou des angles d’approches particuliers. C’est ce qui est à l’origine de cet article où nous entendons montrer comment les mutations en direction des industries des contenus sont traitées dans l’espace médiatique, celui-ci supposé avoir un rôle actif dans la formation des représentations et surtout contribuer à la circulation des opinions, en particulier parmi les acteurs les plus directement impliqués : « décideurs » privés et publics, créateurs artistiques et intellectuels, médiateurs, chargés de la diffusion et de la distribution des produits, et même « cibles » prioritaires des marchés…
5Cet objectif justifie une triple limitation de notre propos :
- d’abord du cadre, à savoir la presse nationale surtout généraliste pendant le 1er semestre 2004 : La Tribune, Le Monde, Le Figaro, La Croix, Libération, Les Echos, L’Expansion, Le Nouvel Observateur, L’Express ;
- ensuite de la méthode : recension des thèmes évoqués en rapport avec les questions nous paraissant les plus pertinentes et non analyse socio-discursive ;
- enfin du matériau mis en évidence, en l’occurrence des discours sociaux émanant de journalistes sur les actions des acteurs sociaux dominants et non le repérage des stratégies de ces mêmes acteurs.
6Les travaux de Jürgen Habermas [1] sur les codes restreints et élaborés offrent un cadre particulièrement intéressant à notre étude. Toute activité scientifique, toute forme de savoir se lit comme une production de sens dont il faut évaluer la portée et la validité. C’est au travers de cette détermination subjective qui habite la pratique de l’homme de science que tout se joue : c’est ce que Habermas appelle l’intérêt, c’est-à-dire la condition à laquelle on peut lier les productions scientifiques aveugles à la perspective de l’évolution sociale.
7Dans cette perspective, le code restreint correspond à l’intérêt qu’ont les hommes et les femmes à mettre de l’ordre dans leur monde, à le contrôler et à communiquer la manière dont ils le voient. Habermas parle ainsi d’un intérêt technique, propre aux sciences dites exactes. Les sciences empirico-analytiques considèrent le monde comme un objet d’investigation et d’expérimentation, la démarche qui les sous-tend est essentiellement positive et on peut les rattacher à un intérêt d’ordre pratique, utilitaire et technique [2].
8On utilise le code élaboré lorsqu’il s’agit d’interpréter les événements, le monde, la vie humaine, la société. Pour Habermas, cet intérêt philosophique est lié à l’intérêt herméneutique ou interprétatoire des êtres humains. La sociologie, l’Histoire, la philosophie sont des sciences qui tendent à interpréter les faits (sociaux et historiques) en vue d’une meilleure compréhension du monde. Elles visent au « maintien et l’extension de l’inter-subjectivité d’une compréhension entre les individus ».
9De plus, le code élaboré est utilisé lorsqu’il s’agit de « critiquer » (au sens étymologique du terme, à savoir « porter un jugement » et non pas « dénigrer ») des interprétations habituellement reçues. Ce dépassement des idées communément admises correspond à un intérêt émancipatoire, propre aux sciences humaines de nature critique. La psychanalyse et la critique des idéologies partagent avec la philosophie l’idéal de l’émancipation humaine (la constitution du sujet philosophique ou historique) ; elles se rapprochent des sciences herméneutiques en ce qu’elles visent à restaurer la rationalité de la communication.
10Notre étude se situerait au niveau de l’intérêt interprétatoire puisque nous cherchons à analyser de quelle manière la presse communique le sens qu’elle donne aux événements. En retenant principalement les citations des acteurs sociaux et économiques, identifiés comme étant les plus représentatifs des industries de la culture et de l’information par le monde journalistique, nous avons voulu constater de quelle manière la presse relayait l’information et identifier ce qu’elle laissait à montrer au grand public.
11Un corpus d’environ deux cents articles, sélectionnés dans la presse généraliste quotidienne et hebdomadaire sur le premier semestre 2004, a ainsi été constitué ; après analyse, la moitié seulement des articles se sont révélés exploitables.
12Les articles ont été retenus en fonction des thèmes qu’ils traitaient, thèmes correspondant à nos préoccupations scientifiques, à savoir les mutations en cours dans les industries culturelles et informationnelles. Six orientations, développées ci-après, ont ainsi été retenues :
- les interventions des pôles financiers ou de ceux qui disposent du pouvoir financier sur les lignes éditoriales et plus largement sur la production des contenus ;
- l’état de la production indépendante ;
- le phénomène d’internationalisation des productions ; ses implications au niveau des normes de production et du formatage des produits, ainsi que de la socialisation et la « technicisation » de la conception des produits ;
- le rôle de la publicité, observé à la fois sous l’angle des pratiques actuelles du marketing dans la conception des produits et des œuvres, et sous celui des discours promotionnels ; nous nous interrogerons également sur la place de la production consommée face à production supportée par la publicité et face à la production « sponsorisée » ;
- le processus d’industrialisation des contenus fortement lié à l’émergence d’une individualisation des pratiques de consommation et d’usage ;
- le respect des exigences de politique culturelle, que ce soit au stade de la création et de la production (maintien de l’emploi des personnels artistiques et techniques), mais également au niveau de la diffusion et de la distribution des produits nationaux (quotas…), tout en soulevant la question de la pérennisation des arts du spectacle vivant et des institutions culturelles.
INTERVENTIONS DES PÔLES FINANCIERS ET MISES EN CAUSE DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION CRÉATIVE ET DE LA LIBERTÉ D’INFORMATION
13Avec la financiarisation croissante des industries culturelles, on constate que les grands groupes recherchent de plus en plus le contrôle de l’ensemble d’une filière, des concepteurs aux consommateurs finaux, du contrôle des droits sur les œuvres en amont et sur les abonnés en aval.
14Dans les discours de presse, cet aspect bénéficie d’un traitement majoritaire ; le processus de concentration est presque partout considéré comme une menace envers le pluralisme des idées, des expressions et de la démocratie, car les grands groupes disposent d’une réelle capacité d’influence sur les pouvoirs et sur l’opinion publique.
La forte concentration du marché de la presse ou le risque d’atteinte au pluralisme des médias
15Le groupe industriel Marcel Dassault (GIMD), en prenant le contrôle en juin 2004 de 82 % de la Socpresse, est en passe de devenir le premier éditeur de presse française avec Le Figaro, Nord Eclair, Le Dauphiné Libéré, Le Bien Public ou Presse Océan. Il possède également 40 % de Rossel (Belgique) ainsi que nombre de magazines ou revues.
16Dassault représente également la première force de frappe publicitaire de la presse magazine, avec 30 à 40 % du marché, supérieure à celle des titres rassemblés autour du pôle concurrent Le Monde-La Vie [3]. Depuis le 1er janvier 2004, Publiprint, la régie de la Socpresse, a fait alliance avec celle d’Hachette pour fédérer au sein d’un nouveau produit publicitaire, baptisé Conso News, ciblant les cadres supérieurs, l’offre du Figaro Magazine, de L’Express, de Paris Match, du Point et de l’Equipe Magazine. Sur le marché des petites annonces, l’alliance Figaro-Express pèse plus de 30 % des offres d’emploi visant les bac +2.
17La prise de contrôle de la plus grande majorité des titres de presse par Dassault et précédemment par Lagardère, entraîne de nombreuses réactions, notamment des syndicats. On peut citer la position du SNJ-CGT, initiateur de l’appel « du 18 juin » de l’Observatoire français des médias contre la concentration et la mainmise financière sur les médias : « l’acquisition de la Socpresse par Dassault est un événement grave pour la presse écrite en France […]. Aujourd’hui, les deux groupes Lagardère et Dassault contrôlent 70 % des titres édités dans notre pays » [4]. Le syndicat de journalistes FO fait part également de ses inquiétudes et s’interroge sur le devenir de la ligne éditoriale des quotidiens, notamment du Figaro, sur les politiques de relance de la presse quotidienne, ou sur l’organisation et la gestion des métiers de l’édition-fabrication. La position du syndicat SNJ est claire à ce sujet : « Notre crainte est principalement que Dassault entende avoir la main sur la ligne éditoriale et que les titres de la Socpresse deviennent des “journaux Rafale” – référence à l’avion de combat du groupe Dassault » [5].
18Cette ingérence dans les contenus éditoriaux est d’autant plus à redouter que Serge Dassault affiche sur son site personnel un entretien qu’il a accordé au magazine Entreprendre en décembre 2003 : « la presse est un monde intéressant qui permet de faire passer un certain nombre d’idées saines, d’orientations, pour permettre de mieux gérer l’économie ». Au sujet de sa montée dans le capital de la Socpresse, il affirme alors : « Cela me permettra de mieux coordonner l’action, de diffuser des idées que je considère comme saines ». On retrouve ces citations dans de nombreux articles aux titres très évocateurs : « L’industriel veut faire passer un certain nombre d’idées saines », Le Monde [6] ; « Une presse instrumentée », Libération [7] ; « Dassault s’offre enfin Le Figaro », La Tribune [8] et « Des idées saines » dans La République des Pyrénées [9].
19Au-delà de l’engagement politique explicite de certains dirigeants, on peut s’interroger sur le devenir de la presse, désormais contrôlée par de grands industriels financiers. L’objectif premier étant la recherche de rentabilité, on peut craindre des suppressions d’emplois, voire des remodèlements complets de certaines branches d’activité, a priori peu rentables. La presse quotidienne régionale, disposant d’un outil industriel lourd et peu flexible, et subissant une diminution des recettes publicitaires, rentre-t-elle ainsi dans la logique de performance d’un groupe comme Dassault ? La situation de certains quotidiens est sans équivoque [10] : en juin 2004, la livraison de nouvelles rotatives, déjà commandées, a été refusée au Progrès de Lyon ainsi qu’au Dauphiné Libéré, par le président de la Socpresse ; Le Courrier de l’Ouest à Angers, Presse-Océan à Nantes et Le Maine libre au Mans, jusqu’alors indépendants les uns des autres, partagent désormais une même page d’informations générales et un directeur des rédactions commun ; La Voix du Nord et Nord-Eclair font l’objet de plan de restructuration et leur effectif rédactionnel ne cesse de diminuer.
20Le 24 juin 2004, la Filpac-CGT dénonçait la suppression de 1000 emplois dans la presse quotidienne régionale, 160 emplois dans l’imprimerie du journal le Monde, 130 emplois pour le Figaro et 400 emplois aux NMPP, et appelait à une journée de mobilisation pour protester contre ce qu’elle considère comme « une attaque déclenchée par l’ensemble des éditeurs de presse qui n’a pas de précédent historique » [11].
21Par la suite, la presse faisait état de l’intention du groupe Bouygues et sa filiale TF1, de prendre à terme 35 % de la Socpresse. Les négociations ont rapidement achoppé, Dassault refusant une rapide montée en puissance de la firme candidate à une reprise partielle, et Bouygues prenant peur après avoir pris connaissance des résultats financiers du groupe de presse. Cette éventualité envisagée pendant une courte période a été vue assez largement comme une atteinte alarmante au pluralisme des médias : « la concentration dans les médias s’intensifie en France, mettant en danger le pluralisme de l’expression, l’indépendance des médias et la démocratie. Dorénavant, la presque totalité de la presse écrite, télévisée ou radiophonique est dans les mains de dirigeants de puissants groupes industriels spécialisés dans l’armement ou les travaux publics, vivant de commandes de l’Etat. » [12]
22La presse, objet même de cette course à la concentration, relate de manière très détaillée l’ensemble de ces opérations financières et pose toujours largement la question de sa pluralité et de son indépendance. Sur la période du mois de juin 2004, nous avons recensé 31 documents relatant la prise de contrôle de la Socpresse par le groupe Dassault dans le quotidien La Tribune, 29 dans Le Figaro, 26 respectivement dans Les Echos et Le Monde, et 20 articles dans le journal Libération. Les quotidiens nationaux ont ainsi consacré quasiment un article par jour à « l’affaire » Dassault au cours du mois de juin, ce qui rappelle le principe de sérialisation adopté par les chaînes de télévision, diffusant quotidiennement l’épisode d’un feuilleton.
23Six mois après, alors que la question de la compatibilité se posait entre les fonctions d’entrepreneur privé de Serge Dassault et son mandat de sénateur [13], le « feuilleton Dassault » se poursuivait (26 articles ont été recensés dans La Tribune, 20 dans Le Figaro, 19 respectivement dans Le Monde et Les Echos) et le journal Le Monde de reprendre, une fois encore, les propos de Serge Dassault sur « les idées saines » [14].
24Tout comme le marché de la presse, la musique enregistrée se place actuellement dans un contexte de financiarisation croissante qui est également dénoncé par les médias observés ; les principaux acteurs fusionnent entre eux, constituant ainsi un oligopole très puissant sur le marché mondial. Néanmoins, la branche, comme on le sait, est actuellement en récession, contraignant les « Majors » à de nouvelles politiques industrielles, sociales et financières.
La crise de la musique enregistrée
25Le marché mondial de la musique est dominé par un duopole : Sony-BMG qui possède 25 % des parts de marché (Sony et BMG ont fusionné en juillet 2004), et Universal réalisant 26 % de parts de marché au niveau européen. Les deux autres « Majors », l’américain Warner Music et le groupe britannique d’édition musicale EMI seraient également en train de fusionner. Sony-BMG, Universal, Warner Music et EMI se partagent 80 % du marché de l’édition musicale [15].
26Les maisons de disques indépendantes ont tout tenté pour empêcher la fusion entre Sony Music (Francis Cabrel, Jean-Jacques Goldman, Patricia Kaas, Bob Dylan, Michael Jackson, George Michael…) et BMG (Patrick Bruel, Laurent Voulzy, Alicia Keys…) en faisant état d’une collusion des « Majors » sur les marchés intérieurs et d’une politique d’entente sur les prix du disque ; elles accusent la Commission de Bruxelles de mettre en péril l’équilibre concurrentiel du secteur. Ces réactions ont été de plus confortées par l’annonce de dénonciations de contrats concernant les deux tiers des artistes allemands de BMG, deux jours avant que le dossier passe devant la Commission de Bruxelles [16]. La réponse de l’instance de régulation est d’ailleurs très équivoque : « Nous pensons que la fusion Sony-BMG est un élément de plus qui accentue la concentration du secteur. Elle est nocive pour le consommateur. Nous n’approuvons pas la fusion, mais nous ne pouvons pas nous y opposer faute d’élément tangible ».
27La situation de l’industrie musicale enregistrée connaît un renversement de tendance à partir de l’année 2000 ; elle est devenue véritablement alarmante à partir de 2002, même de 2003 en France, subissant de plein fouet le ralentissement de l’économie mondiale et devant faire face à la montée de ce que les industriels s’accordent à qualifier de piratage.
28Le nombre de nouvelles signatures d’artistes avec les cinq « Majors » qui était en hausse depuis 1999, est retombé en 2003 à 132, son niveau de 1997. 114 contrats ont été annulés, soit deux fois plus qu’en 2001. Néanmoins, l’augmentation démesurée du nombre d’albums commercialisés s’est poursuivie avec 3314 nouveaux albums en 2003, soit un millier de plus qu’en 1999 [17].
29En France, les chiffres communiqués par le SNEP, Syndicat national des éditeurs phonographiques sont alarmistes [18] : le cumul fin juin 2004 des ventes de compact disque totalise un chiffre d’affaires de 409,1 millions d’euros contre 524,7 millions d’euros pour la même période l’année précédente. Le marché du disque encaisse une baisse de 22 % en valeur et de 19,9 % en unités. « Tous les voyants sont au rouge ! L’industrie du disque vit l’une des périodes les plus difficiles de son histoire », déclare à La Croix [19] Hervé Rony directeur général du SNEP.
30Les grands noms de l’édition musicale ont trouvé le coupable : « la piraterie ». Leur principal porte-parole, Pascal Nègre, PDG d’Universal Music dénonce violemment les pratiques de téléchargement gratuit des chansons sur l’internet : « Jamais des Français n’ont consommé autant de musique. Simplement, ils ne l’ont pas payée. Ils l’ont volée ! » [20] Ce phénomène de piraterie est un sujet très porteur pour la presse nationale (cf. p. 175), alors même que bien d’autres facteurs constituent des éléments explicatifs de la crise de l’industrie musicale.
31Pour Patrick Devedjian, ministre de l’Industrie, le secteur de la musique est largement responsable de sa situation : « Des tarifs trop élevés, une offre de plus en plus réduite et une surface de vente de plus en plus faible […] Voilà où est le problème de fond » [21]. « Réclamer la baisse de la TVA sur le disque n'équivaut-il pas à mener une bataille désormais d'arrière garde ? » [22]. « Les disques sont trop chers et certains ne sont plus disponibles que sur interne » [23].
32Laurent Michaud, consultant à la société d’études IDATE, Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe, porte un regard aussi critique et s’exprime en ces termes : « Les majors n’ont pas su d’adapter aux nouveaux besoins des consommateurs. Elles étaient trop occupées à fusionner et à se racheter les unes les autres. Pendant ce temps, les sites illégaux ont compris comment séduire les clients. Et pas seulement parce que la musique est gratuite. Ils sont plus faciles d’accès, plus flexibles, disposent d’une offre plus large » [24].
33Selon Jérôme Roger, directeur général de l’UPFI, Union des producteurs phonographiques français indépendants, « les Majors n’ont pas su anticiper ». « C’est la fin d’un cycle économique fondé sur un seul support qui représente 17 % du marché. Le CD va désormais se combiner avec la musique dématérialisée » [25].
34Face à la récession du marché, les maisons de disques tentent de minimiser les risques financiers et restreignent leurs choix artistiques. Ces changements de politique apparaissent clairement dans les articles journalistiques que nous avons étudiés au cours du premier semestre 2004.
35Les plans de licenciement s’enchaînent, les « Majors » quittent leurs bureaux prestigieux dans le centre de Paris pour se délocaliser en banlieue, ont tendance à soutenir leurs vedettes « poids lourds » à grands coups de matraquage publicitaire, et congédient les artistes pas ou peu rentables.
36Ainsi, alors que Warner Music France présentait son plan social visant à réduire leur effectif de 30 %, les salariés des maisons de disques organisaient leur première manifestation en juin 2004 afin d’exprimer leurs inquiétudes quant aux suppressions d’emplois dans ce secteur [26].
37Universal Music, filiale de Vivendi Universal, a cherché en 2004 à promouvoir des artistes reconnus, des valeurs sûres de la musique afin de s’assurer des ventes sur quelques artistes bien ciblés (Eminem, U2, Shania Twain…) [27]. En février 2004, la « Major » rachète Trema, un acteur de poids des labels indépendants, qui accompagne le chanteur Michel Sardou depuis trente-cinq ans (de 1994 à 2004, Michel Sardou a vendu 80 millions de disques) [28]. Avant d’être racheté par Universal Music, Trema avait signé avec Sardou pour ses quatre prochains albums, assurant ainsi le chiffre d’affaires des prochaines années.
38Les maisons de disques n’hésitent pas à renégocier les contrats passés avec les artistes interprètes et les auteurs souffrant d’une notoriété faible. Fin mars 2004, Alain Chamfort (tout comme Yves Duteil, Jacques Higelin ou encore Ophélie Winter) s’est trouvé confronté à l’annulation de son contrat par sa maison de disque EMI [29]. Cette rupture des plus brutales serait due au manquement d’atteinte d’objectifs commerciaux ; Alain Chamfort n’aurait vendu que 60 000 exemplaires de son dernier album Le plaisir contre 100 000 attendus par EMI. « J’ai été montré du doigt dans les médias, jeté en pâture pour la seule raison que je ne vendais pas suffisamment de disques. Ma démarche artistique a été niée : je n’étais plus qu’un produit n’ayant pas atteint ses objectifs » [30].
39Les « Majors » ont également tendance à promouvoir des jeunes artistes « à la mode », issus de la télé-réalité notamment. Les jeunes auteurs compositeurs interprètes talentueux sont de fait laissés pour compte. La politique de diffusion musicale sur les radios illustre parfaitement cette concentration des intérêts sur un petit nombre d’artistes et de morceaux. Un rapport de l’Observatoire de la musique [31] dresse le constat suivant en 2004 : « Une forte représentation des majors compagnies, un marketing largement axé sur les nouveautés, une faible contribution à l’exposition des genres musicaux moins rentables, une difficulté réelle à l’exposition de la production indépendante et globalement au soutien durable d’une émergence artistique ». Les dérives pointées sont nombreuses et les chiffres parlent d’eux-mêmes : 2,68 % des titres musicaux représentent 75 % de la programmation des radios [32].
40Ce qu’il faut noter, c’est que les discours de presse associent généralement la montée en puissance des pôles financiers et la concentration qui se renforce dans les différentes branches des industries culturelles, à une limitation concomitante des libertés d’expression et de création et à une réduction systématique d’acquis, mis à l’actif sinon des industries telles qu’elles se sont organisées dans l’histoire, du moins des actions conduites par les personnels des champs artistiques et journalistiques.
41En revanche, les mécanismes par lesquels les pouvoirs financiers asservissent les activités artistiques et informationnelles sont rarement envisagés ; leurs visées ressortent du court terme, voire du très court terme : d’où l’accent mis sur les restrictions financières et la réduction des risques industriels, et même sur leurs intérêts politico-idéologiques immédiats (cf. le cas de Serge Dassault déjà cité). Et on trouve très peu d’interprétations, fondées sur des données plus structurelles ; c’est particulièrement saisissant pour les industries musicales où les difficultés identifiées s’accordent bien avec les informations diffusées par le puissant SNEP.
L’AVENIR PLUS QU’INCERTAIN DE LA PRODUCTION INDÉPENDANTE
42Le marché du livre illustre bien les tiraillements, les crispations et les conflits d’intérêts aigus qu’engendre la montée en puissance de quelques grands groupes auprès des indépendants, que soit au niveau de l’édition ou de la distribution commerciale.
43Après la répartition, récemment finalisée, des actifs de Vivendi Universal
Publishing (VUP), Livres hebdo [33] estimait qu’elle se répartissait comme suit
(en termes de chiffres d’affaires) :
1er : Hachette Livre : 1,3 milliard d’euros ;
2e : Editis-Wendel : 562 millions d’euros ;
3e : France Loisirs : 395 millions d’euros ;
4e : La Martinière/Le Seuil : 280 millions d’euros ;
5e : Atlas : 279 millions d’euros ;
6e : Gallimard : 265 millions d’euros ;
7e : Flammarion : 228 millions d’euros ;
et une myriade de petites maisons d’édition dont le nombre est estimé à
800 (si on se limite à celles qui ont une activité régulière et si on élimine
celles spécialisées dans les publications institutionnelles.)
44Le secteur de l’édition de livres est depuis une trentaine d’année bouleversé par deux grands phénomènes : la montée des grands distributeurs et la pression commerciale des gros éditeurs.
La montée des grands distributeurs
45Depuis l’avènement des grandes chaînes de magasins culturelles au début des années soixante-dix, et plus encore depuis que les grandes surfaces se sont lancées dans le livre, les librairies indépendantes ont bien du mal à se positionner sur le marché. Si elles étaient plus de 5 000 il y a trente ans, elles ne sont plus que 2 300 en 2003 à offrir un assortiment diversifié (entre 5 000 et 50 000 titres en référence) [34], et représentent ainsi moins de 10 % des 25 000 points de vente (grands distributeurs culturels, hypermarchés, papeteries, maisons de presse…). En 2003, selon Livres Hebdo, 36 des quelques 50 créations de librairies ont été le fait des grandes enseignes (Fnac, Virgin, Espaces Culturels Leclerc…). Malgré les aides à la création dispensées par des organismes comme l’Adel, Association pour le développement de la librairie de création, la part des librairies indépendantes dans les ventes de livres est ainsi tombée de 22 % en 1997 à 18 % en 2001, quand celle des grandes chaînes spécialisées passait de 15 % à 20 % (étude TN-Sofres-CNL).
46Le libraire conseille le lecteur et peut lui suggérer des choix à contre-courant de la mode et de la pression mercantile tandis que la grande distribution ne s’encombre pas des ouvrages d’auteurs qui ne lui garantissent pas des ventes massives. Elle sélectionne les 20 % de titres qui lui permettront d’assurer 80 % du chiffre d’affaires. Ce phénomène pose bien entendu le problème des restrictions du choix des lecteurs, particulièrement dans les zones désertées par les librairies traditionnelles.
47On retrouve le même phénomène dans l’industrie du disque. Le nombre des disquaires spécialisés est passé de 3 000 en 1985 à 1 200 aujourd’hui. De fait, les hypermarchés représentent 57 % du secteur du disque, tandis que la Fnac et Virgin se partagent 34 % du marché [35]. Pour beaucoup, cette logique du libre-service a accéléré l’érosion des ventes, en mettant la priorité sur des CD lancés par les « Majors » à grands coups de matraquage publicitaire, n’accordant plus qu’une place succincte aux nouveaux talents et aux labels indépendants.
La pression des gros éditeurs
48En pleine mutation, le secteur de l’édition s’éloigne de plus en plus du modèle de la petite et moyenne industrie pour basculer dans le monde de la finance.
49Depuis 2002, date à laquelle le groupe Lagardère, à travers Hachette Livre, a racheté VUP, alors numéro un français de l’édition, les grands équilibres de la chaîne du livre sont complètement bouleversés. L’entité Hachette-VUP représentait en effet à elle seule 40 % du chiffre d’affaires total de l’édition en France, 80 % du marché des livres scolaires et des encyclopédies, 50 % du marché des livres de poche, mais aussi 70 % dans la distribution.
50La constitution de ce nouveau géant de l’édition a bien sûr engendré de nombreuses réactions de la part des professionnels, notamment lorsque Wendel Investissement, dirigé par le patron du MEDEF, le baron Ernest-Antoine Seillière, a racheté en juin 2004,60 % de l’ancien pôle éditorial de Vivendi dont Hachette était tenu de se dessaisir [36].
51La Croix [37] met particulièrement l’accent sur les inquiétudes du monde des enseignants redoutant une « mainmise idéologique patronale » [38] sur le contenu des manuels scolaires. La Tribune [39] évoque plus largement les préoccupations des libraires s’interrogeant sur le devenir de l’outil de distribution d’Editis, Interforum. Quant au journal Le Monde [40], il rapporte les propos des syndicats émettant des réserves quant aux nouvelles politiques de management à venir dans le secteur de l’édition : « Les salariés sont inquiets », « Nous ne voulons pas être des intermittents de l’édition ».
52Mais ce sont surtout les propos d’Arnaud Lagardère qui sont retenus par les journalistes lorsqu’il déclare vouloir détenir à terme un groupe 100 % médias et intégrer le « Top 3 » mondial [41].
53Les éditions Odile Jacob, candidates au rachat d’Editis (structure formée par Lagardère avec les actifs de VUP), ont contesté le processus de vente et ont accusé Lagardère de ne pas avoir respecté la procédure de mise aux enchères qu’il avait choisie [42]. Les Echos [43], Le Figaro [44] et Le Monde [45] retranscrivent ainsi une partie des déclarations du procès, notamment celles des avocats de l’éditeur Odile Jacob assurant qu’il y a eu « atteinte caractérisée au principe de loyauté ». Pourtant, la position de la Commission européenne qui donne son aval sur la transaction, laissait préjuger que l’action en référé n’aurait pas de suite : « C’est Lagardère qui organise la vente, pas la Commission européenne. Sur le dossier qui nous sera présenté, nous aurons uniquement à évaluer les capacités du repreneur à conduire une concurrence efficace » [46].
54Le SLF, Syndicat de la librairie française, regroupant plus de 500 libraires, présidé par Gilles de la Porte, fondateur de la librairie La Galerne au Havre, entend lutter contre la position dominante de Lagardère. De part sa situation prioritaire au sein de l’oligopole, Lagardère est en mesure de dicter ses conditions commerciales en ce qui concerne la rémunération du libraire sur chaque livre vendu (pour les librairies les plus importantes, dites de premier niveau, Hachette consent généralement une remise de 38 % seulement, alors que Gallimard ou Le Seuil accordent souvent près de 40 % ; pour les petits points de vente, ce chiffre peut tomber à 25 %), mais aussi aux éditeurs qui ne disposent pas de leur propre structure de distribution.
55Lagardère apparaît donc comme un acteur ultra dominant sur le marché de l’édition et des médias en général présentant une forte intégration verticale. Les petits éditeurs redoutent ce phénomène de concentration, qui poussent les auteurs les plus en vague à rejoindre les plus grands groupes. Récemment, Michel Houellebecq a quitté Flammarion (RCS Media Group) pour Fayard, une maison Hachette [47]. Il a justifié son départ par la promesse reçue d’une adaptation de son prochain roman par une société de production audiovisuelle du groupe Lagardère (GMT). Il n’y aurait plus de spécificités entre un groupe d’édition et une entreprise de production cinématographique. On ne parle ainsi plus des industries culturelles, mais d’un groupe de communication englobant de parts ses activités toutes les branches des produits culturels.
56Cette évolution est redoutée par les éditeurs et distributeurs indépendants depuis longtemps. Mais il semble bien que la tendance se renforce, atteignant un point de non-retour et changeant en profondeur des règles de fonctionnement que l’on tenait pour pérennes au sein des industries culturelles, et particulièrement ce que l’on avait désigné comme une « dialectique du tube et du catalogue » : le profit serait de plus en plus recherché titre par titre, et non pas sur la production d’ensemble de catalogues.
L’ACCÉLÉRATION DE L’INTERNATIONALISATION
57Face aux impératifs de l’exploitation commerciale internationale, les producteurs adoptent des logiques de production de plus en plus spécifiques.
58Dans l’industrie cinématographique, le phénomène de l’internationalisation, note La Tribune [48], se traduit par une montée de la délocalisation : de 2002 à 2004, le nombre de semaines de tournage à l’étranger pour les films d’origine française a augmenté au rythme d’environ 20 % par an. Ainsi, le film Deux frères de Jean-Jacques Annaud, produit par Pathé a été tourné en anglais, alors même que l’histoire se passe au Cambodge dans les années vingt, au moment de l’occupation française. Le film est sorti sur les 700 écrans nationaux en version doublée. Le film, affichant un budget de 60 millions d’euros a de plus nécessité un montage d’assurance complexe pour couvrir les risques liés à la durée et aux pays de tournage, ainsi qu’aux acteurs principaux, les tigres.
59Dans l’industrie du jeu vidéo, on s’aperçoit que le numéro un français, Infogrames/Atari n’emploie que 250 personnes en France sur un total de 1 600, dont 900 aux États-Unis [49]. 61,5 % du chiffre d’affaires est d’ailleurs réalisé outre-Atlantique où les principaux studios de création se sont installés (Shiny, Paradigm, Legend, Humongous…). Les propos de Bruno Bonnell, PDG d’Atari Inc., résument la situation : « Nous nous sommes considérablement rapprochés du marché américain, celui qui compte le plus, nous avons réduit la dette d’un tiers et achevé l’intégration et la transformation de GT Interactive en une structure plus efficace » [50]. La crainte des syndicats est que la France ne devienne plus qu’un « simple bureau de vente ». Il ne reste effectivement plus qu’un seul studio en France, la société Eden, qui adapte sa création à un public essentiellement français, voire européen.
60Les acteurs du marché de l’audiovisuel français tentent également de s’imposer à l’international en vendant leurs programmes télévisés. Les jeux « Intervilles », créés il y a quarante ans par Guy Lux, ont déjà été exportés en Chine et en Allemagne et pourraient conquérir le marché américain [51]. Si la déclinaison de jeux en formats d’émissions est le genre le plus importé par la télévision américaine, les dessins animés et les séries documentaires français possèdent également un réel potentiel sur le marché international.
61L’internationalisation porte également sur les normes de production et le formatage des produits.
62L’industrie du jeu vidéo est de plus en plus à la recherche du « tube » afin de concurrencer les standards américains. Actuellement, le développement d’un jeu coûte en moyenne un million d’euros en France, mais pour s’imposer au niveau international, le budget grimpe à 10, voire 15 millions d’euros, tout en rajoutant au moins la même somme pour les frais de promotion [52]. Pour progresser dans un marché de plus en plus compétitif, les éditeurs français rationalisent leurs filiales de production et de distribution, et investissent de manière importante dans le marketing et les franchises « AAA » (licences de jeux, de films et de dessins animés). Ce sont les stratégies qu’ont développées Ubi Soft et Infogrames/Atari pour lancer leurs jeux d’action respectifs, « Splinter Celle », et « Enter the Matrix ». Celui-ci, créé par Shiny Entertainment (un studio américain racheté par Infogrames pour 47 millions de dollars) s’apparente à une véritable superproduction, et a même vu sa sortie programmée le même jour (le 15 mai 2003) que le film de la Warner. Il était ainsi présenté comme « un jeu dans le film et un film dans le jeu ». L’opération s’est avérée rentable puisque le jeu a généré plus de 130 millions d’euros de chiffre d’affaires sur l’exercice 2003-2004. Ce véritable coup de poker a néanmoins permis à Infogrames/Atari de rester sur le marché international du jeu, face à l’américain Electronic Arts ou au japonais Konami.
63L’industrie du jeu vidéo utilise donc désormais les mêmes stratégies que l’industrie cinématographique, à savoir la logique du cinéma monde.
64Ces tendances sont en relation directe avec la socialisation et la « technicisation » de la conception des produits.
65La création d’un prototype, ou d’une œuvre culturelle, a un coût particulièrement élevé. Si l’on prend l’exemple d’une société française de production spécialisée dans le secteur de l’animation, la Sarl Arlequin, on constate que le coût de fabrication d’un film d’animation oscille entre 200 000 et 300 000 euros la demi-heure. Pour être rentabilisée, une telle production doit être vendue plusieurs fois aux chaînes de télévision françaises ou étrangères, sachant que la télévision, lorsqu’elle n’est pas coproductrice, achète environ 10 000 euros la demi-heure de film d’animation.
66La production fonctionne toujours selon des modalités artisanales, mais elle est également fortement soumise aux aléas du calendrier. Cette irrégularité de la production justifie le recours à l’intermittence (il faut savoir que la part des rémunérations dans le coût de production représente environ les trois quarts du total). Pour des séries de 60 fois une minute comme « Une minute au musée » ou « Les Belles histoires de Pomme d’Api » de 52 fois cinq minutes, Arlequin emploie 10 à 40 intermittents pendant parfois un an. Seul le système de l’intermittence permet autant de souplesse et maintient la production cinématographique ou audiovisuelle comme un secteur particulier de l’activité économique.
67Afin de limiter les aléas financiers liés à la production d’une œuvre cinématographique, les producteurs semblent suivre une règle de précaution : couvrir 80 % du budget notamment via les préventes en France et à l’étranger, avant de lancer la machine de production.
68Le phénomène d’internationalisation se produit également au stade de la distribution, notamment grâce au développement du commerce en ligne des produits culturels. Dans le domaine des jeux vidéo, Microsoft développe sa plate-forme Xbox Live, tandis que Sony propose des « kits d’accès internet » à sa PlayStation 2, permettant l’accès à des centaines de jeux. L’avènement du jeu en ligne constitue un enjeu majeur au niveau de la réduction des coûts de distribution. « Ce qui coûte cher, c’est d’emballer les disques, et de les livrer », explique, à La Tribune [53] David Reeves, prédisent de Sony Computer Europe. « Comme la musique, le jeu vidéo serait alors à l’aube d’une révolution ».
69Face à ce contexte d’internationalisation, les industriels français attendent des mesures de soutien de la part de l’Etat et rappellent que « la création en France est aujourd’hui désavantagée dans le contexte d’une compétitivité internationale accrue » [54]. Selon Antoine Villette, président de l’Association des producteurs d’œuvres multimédias, « la défense du jeu vidéo français est un enjeu culturel et technologique » [55] et souhaiterait une forme de soutien calquée sur le modèle du fonds de soutien développé par le CNC (cf. p. 180).
LE RÔLE DE LA PUBLICITÉ PRÉSENTE AUX DIFFÉRENTS STADES DES FILIÈRES DES INDUSTRIES CULTURELLES
70Les faits récents relatés par la presse mettent en évidence de nouvelles logiques en termes de publicité-promotion. Les puissants annonceurs publicitaires sont de plus en plus présents sur le terrain médiatique et occupent largement le champ socio-culturel, incitant ainsi les médias à développer de nouvelles stratégies financières et d’investissement.
Les changements dans l’ordre des discours promotionnels et de la sponsorisation
71Les récentes modifications en termes de discours publicitaire, qui ont sans doute généré le plus d’articles de presse, sont relatives à la promulgation de la loi autorisant l’accès de la presse et de l’édition à la publicité. Depuis le 1er janvier 2004, la presse a accès au média télévision pour se promouvoir. Le cadre est bien délimité, car s’il n’y a pas de restriction au niveau du choix des chaînes télévisées, demeure bannie toute publicité pour un titre ou un ouvrage vantant le tabac, l’alcool, les médicaments ou les armes à feu. De même, les titres de presse ne peuvent faire de publicité en référence à un film sorti en salles ou sur le point de sortir. La France a en effet décidé, au nom de la diversité culturelle, de maintenir l’interdiction pour le cinéma afin de ne pas favoriser les « blockbusters » commerciaux au détriment des films indépendants. Pour la même raison, la publicité pour les livres est autorisée aux seules chaînes du câble et du satellite.
72Depuis l’ouverture du marché publicitaire aux secteurs jusqu’alors interdits, on constate des logiques promotionnelles parfois inattendues. En mai 2004, Flammarion a ainsi consacré 20 000 euros à l’achat d’espace sur LCI et Paris Première pour promouvoir un livre de Fernando Arrabal intitulé « Lettre à Staline » [56]. Le réalisateur (l’agence J. Walter Thomson) a choisi de filmer l’écrivain espagnol, assis à la station Stalingrad alors que passe une rame de métro. Une voix off résume le contenu de l’ouvrage, et conclut : « Flammarion, et si vous lisiez autre chose que la télévision ! ».
73On retrouve également les outils et techniques développés par le marketing au stade de la programmation. Ainsi, les chaînes de télévision disposent d’outils marketing de plus en plus sophistiqués pour élaborer leurs grilles de programmes. La plupart des émissions appelées à s’installer dans la grille d’une chaîne sont ainsi testées avant leur mise à l’antenne, ou dans leurs premières semaines de diffusion si leur audience est décevante [57]. Les techniques utilisées sont les mêmes que celles employées pour les produits de la grande consommation (visionnage des émissions par les groupes tests de téléspectateurs par exemple). Les responsables des chaînes disposent également de sondages sur les tendances de la société (bouleversements de la famille, intérêt croissant pour la sécurité routière), et de données très précises sur les habitudes de vie des Français (semaine type du Français, quart d’heure par quart d’heure ; emploi du temps de l’ensemble de la population).
74Les chaînes de télévision utilisent donc toutes les techniques mercatiques existantes pour améliorer leurs taux d’audience et répondre ainsi aux exigences des annonceurs publicitaires. Si l’on en croit Patrick Le Lay, président de TF1, la finalité première d’une chaîne commerciale se résume à « aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. Or, pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau disponible » [58]. Cette citation a été largement médiatisée aussi bien par la presse que la télévision et la radio, et restera à coup sûr marquée dans les esprits.
75Afin de promouvoir leurs titres, les entreprises de presse adoptent aussi de véritables techniques de marketing. Si jusqu’à présent, l’abonnement à un journal s’accompagnait systématiquement d’un cadeau, la vente en kiosque des numéros se couple de plus en plus souvent avec la vente d’un produit culturel à un prix très attractif. Le livre s’est dans un premier temps trouvé transformé en prime commerciale (Le Point ou Le Journal du Dimanche), mais devant la faible rentabilité de l’opération, le DVD l’a dans un deuxième temps remplacé en tant que produit d’appel. Le pionnier français en la matière est Le Figaro qui, dès janvier 2004, agrémentait son offre du week-end (le journal, le magazine d’opinion et de culture, le féminin, le magazine télévision) d’un film choisi parmi « les succès du cinéma français », pour sept euros l’ensemble, soit trois euros pour le seul DVD [59]. Les auteurs et réalisateurs ont immédiatement lancé un appel commun, scandalisés « que l’on traite les œuvres comme des yaourts ! », ou « choqués que l’œuvre devienne un produit d’accompagnement, un gadget » [60], tout en nuançant leurs propos : « le film est méprisé quand il sert de levier à la vente d’essence ou de produits bancaires comme cela se rencontre de plus en plus. Le cas de la presse écrite est différent, si ces opérations demeurent bien spécifiques et limitées ; nous sommes dans une proximité de contenu » [61].
76Le DVD possède des atouts de maniabilité de part son conditionnement et joue un rôle réellement attractif de stimulation des ventes (Le Figaro enregistre une augmentation de 15 % de ses résultats en kiosque pour l’édition du week-end). Ces méthodes de vente peuvent même contribuer à faire sortir de l’ombre des films en fin de vie dont les ventes directes sont quasi-nulles.
77Dans le domaine de la musique en ligne, les opérations récentes de vente de fichiers musicaux vont de pair avec de nouvelles logiques promotionnelles. La marque Coca-Cola, s’est associée à l’opérateur OD2 (On Demand Distribution) en hébergeant sa plate-forme sur son site Mycokemusic.com. Coca-Cola a lancé une campagne promotionnelle sur 200 millions de canettes permettant de gagner 20 millions de titres à télécharger [62]. La rémunération versée sur ces titres à la filière musicale fait partie du budget publicitaire de la marque, qui compte ainsi se rapprocher de l’univers de la musique, et ainsi de sa cible commerciale.
78Outre les secteurs de la télévision, de la presse, du cinéma ou encore de la musique, la publicité semble également s’intéresser de plus en plus fréquemment à des domaines jusqu’à présent « réservés » : la littérature ou le théâtre.
79En Angleterre, Ford a pris sous contrat la romancière à succès Carole Mattews, spécialisée dans les romans sentimentaux. Son lectorat, constitué essentiellement de jeunes femmes célibataires, correspond à la cible recherchée par Ford pour le lancement de son nouveau modèle. L’héroïne de Carole Mattews roulera ainsi en Ford Fiesta dans ses trois prochains romans [63].
80En France, Findus s’est « invité » dans une pièce de théâtre « Folles de son corps », lors des représentations aux Bouffes-Parisiennes. Contactée par l’auteur de la pièce, Findus a fourni les surgelés exposés sur scène, et les costumes des acteurs habillés en « sac Findus » pour le final de la pièce. En échange, la firme s’est chargée de la promotion du spectacle, en distribuant notamment 40 000 tracts dans les hypermarchés aux rayons surgelés.
81L’ensemble de ces exemples relatés par la presse n’a qu’une portée anecdotique face aux enjeux inhérents à la publicité et à la promotion des produits. Les journalistes retranscrivent régulièrement « la » nouvelle campagne à la mode à un moment donné (en augmentant de fait son impact potentiel), en décrivant les moyens, les supports utilisés, sans prendre le temps d’en analyser les fondements stratégiques, à savoir les éléments d’ordre représentationnel sur lesquels porte le travail de conception, les cibles effectivement recherchées ou ce qui est donné à voir et à percevoir des produits eux-mêmes.
Vers un modèle économique affranchi de la « domination » publicitaire
82Face au potentiel limité de croissance, voire à la baisse de ce qu’il est convenu de désigner comme des investissements du secteur publicitaire, les grands médias sont à la recherche de nouvelles sources ou des compléments de financement dans des activités autres que la publicité.
83Selon La Tribune [64], les chaînes de télévision commerciales en clair comme TF1 et M6 développent ces politiques de diversification en créant des filiales (TF1 Entreprises, M6 Interactions) dans le secteur des jeux, de la presse, de la vidéo, de la musique, de l’internet et des produits dérivés. Ce mouvement a été initié par TF1 en 1987, lorsque la chaîne a lancé ses premières émissions de téléshopping, puis a édité en support vidéo l’émission du « Bébête Show » (300 000 unités vendues). Les filiales des chaînes de télévision se spécialisent ainsi dans la vente de licence de programme (le fabricant de jeu Ravensburger a racheté la licence E=M6), coproduisent certaines émissions avec des maisons de disques par exemple (pour l’émission « Popstars », M6 Music est coproducteur des disques avec Universal), prennent en charge une partie des frais marketing d’un produit (publicité sur l’antenne par exemple) en échange d’un intéressement sur les ventes, ou s’apparentent à de véritables sociétés de production (TF1 Games édite « Qui veut gagner des millions ? », mais également des jeux qui ne font pas l’objet d’une émission sur TF1).
84Peut-on ainsi parler de l’émergence d’un nouveau modèle économique affranchi de la dépendance des acteurs conventionnels et des intermédiaires du marché publicitaire ?
85Dans la même logique, TF1 et M6 essayent de protéger leur chiffre d’affaires et leurs résultats, en cherchant d’autres sources de revenu dans le secteur de la télévision payante. Patrick Lelay, président du groupe TF1, est particulièrement fier de cette position stratégique : « Nous sommes un cas unique de télévision gratuite à être allé dans la télévision payante » [65]. TPS est ainsi détenu à 66 % par TF1 et 34 % par M6. TF1 possède également des chaînes thématiques comme Eurosport, LCI, Odysée, TFOU, Série Club ou TF6, en commun avec M6. M6 exporte son savoir-faire en manière de téléshopping à des chaînes du groupe RTL Group (principal actionnaire de M6), en Belgique, en Allemagne où les diversifications représentant 15 % du chiffre d’affaires de RTL Group, ou aux Pays-Bas.
86Ainsi, plus les audiences se fragmentent, plus les annonceurs se tournent vers les chaînes qui apportent les plus fortes audiences relatives.
87Mais il convient de s’intéresser aussi aux changements portant sur le financement de la production (les exemples qui suivent sont empruntés au secteur cinématographique).
88Certains producteurs font preuve d’originalité pour trouver de nouveaux montages financiers. Au début de l’année 2004, la société de production du cinéaste Luc Besson, EuropaCorp, imagine un schéma novateur pour trouver de l’argent hors du circuit traditionnel du financement du film. EuropaCorp s’est ainsi tourné vers une émission d’Obsar, Obligations à bons de souscription d’actions remboursables à cinq ans. Les bons attachés aux obligations permettent de souscrire une action à un prix déterminé, ce qui revient à faire pré-financer par les banques l’augmentation de capital qui aurait lieu dans cinq ans.
89Cette opération financière permet à la société de production française de pouvoir financer des films à gros budget, à vocation internationale, sans avoir besoin d’aller chercher des apports financiers auprès des studios américains, comme c’est souvent le cas dès que le coût de production dépasse 35 millions d’euros.
90Les producteurs de cinéma doivent également compter avec une nouvelle source de financement : celle du web.
91Si l’industrie cinématographique a été très influencée à partir des années cinquante par la télévision (à la fois en tant que nouveau support de diffusion et nouvelle source de financement), puis par le support de la vidéo dans les années quatre-vingt, le média de l’internet semble désormais de plus en plus s’imposer. La Tribune [66] signale qu’en France, les internautes téléchargent près d’un million de films chaque jour. C’est ce qu’avait annoncé Michel Reihac, directeur du cinéma d’Arte France, lors d’un débat organisé par un groupe de réflexion sur le cinéma, l’association l’Exception (aujourd’hui Cinéma sans frontière) : « Parmi les nouveaux moyens de diffusion [du cinéma], internet doit entrer dans notre réflexion, avec toutes les conséquences que cela induit sur la nature même du rapport aux images, aux récits, etc. Le cinéma […] est redéfini par de nouveaux paramètres auxquels il faut faire place pour construire un avenir, y compris économique, aux films » [67].
92La mise à contribution du net remet donc en cause le système de financement du cinéma (avance sur recettes, apport des chaînes de télévision ou des éditeurs de vidéo) et soulève bien entendu le problème des téléchargements pirates. C’est bien au-delà des discours médiatiques l’hypothèse que nous pouvons d’ores et déjà formuler, en d’autres termes l’élargissement significatif des modalités d’exploitation des films et celui de leur procès de légitimation (les salles devenant de plus en plus un élément à côté d’autres).
SOUS L’EMPRISE DE LA TECHNIQUE ET DANS LE CADRE DE LA MULTI-MÉDIATISATION
93Afin de pallier la baisse de la fréquentation en salles [68], l’industrie du cinéma a sans doute été un précurseur en matière de stratégie de multi-médiatisation. Après la télévision, la casette vidéo VHS, le DVD, le film se décline aujourd’hui en format numérique sur l’internet.
94Les nouveaux matériels utilisent désormais les technologies du numériques et sont de plus en plus sophistiqués et adaptés à la consommation des œuvres culturelles. Avec le développement des appareils nomades capables de jouer de la musique, de lire des vidéos et des jeux et de se connecter à l’internet haut débit, les contenus font de plus en plus l’objet de pratiques échappant au marché. Selon l’institut de recherche Forrester, un internaute français sur quatre télécharge de la musique en ligne (39 % chez les 16-24 ans) et plus de 40 % des Européens qui déclarent télécharger plus de 7 fois par semaine disent aussi acheter moins de disques [69]. Les deux tiers des Européens ne veulent pas payer pour les contenus obtenus en ligne, et aux États-Unis, la perte liée au téléchargement est évaluée à 700 millions de dollars. Au niveau mondial, le manque à gagner induit par le piratage sur l’internet ou la contrefaçon de DVD se chiffrerait à 3,5 milliards de dollars par an [70]. Pour approximatives qu’elles soient, ces données traduisent des tendances effectives.
La montée du téléchargement gratuit sur l’internet
95Ce phénomène qualifié systématiquement de « piratage » par la presse est un thème largement exploité par les journalistes relatant ponctuellement les différentes actions de lutte entreprises par les industriels :
- la mise en place de systèmes payants de téléchargement sur l’internet ;
- la menace de poursuites judiciaires contre ceux qui consomment de la musique gratuite [71] (qui aurait permis de diviser par deux le nombre de « pirates » aux États-Unis [72] ) ou qui téléchargent des films cinématographiques sur l’internet. A ce propos, la presse française relatait les décisions de justice prises à propos d’internautes poursuivis pour avoir téléchargé de la musique et des films, les avoir échangés sur l’internet, et pour les avoir gravés en utilisant le système du « peer to peer » [73]. En Allemagne, le premier procès de ce type a eu lieu en juin 2004 [74] ; en France il a été annoncé environ six mois plus tard, ce qui montre bien que c’était la destinée des pressions exercées antérieurement et relayées par les médias.
- l’alliance, en France, du ministère de l’Industrie et du ministère de la Culture et de la Communication ayant pour but de faire converger les intérêts des opérateurs de télécommunication avec ceux des professionnels de la musique et du cinéma [75]. Ce plan, présenté par Patrick Devedjian, comporterait trois volets : l’information et la sensibilisation aux risques de la piraterie, le suivi des actions judiciaires engagées contre « des pirates particulièrement remarqués », et la promotion de l’offre audiovisuelle légale et payante « à des prix plus accessibles » [76] ;
- la mise en œuvre de campagnes de communication européennes, orchestrées par l'IFPI, Fédération internationale de l’industrie phonographique, informant sur l’illégalité du partage de fichiers sur l’internet. Selon cette organisation, 73 % des consommateurs savaient en mai 2004 qu’il est illégal de partager des fichiers de musique protégée par des droits d’auteur, contre 59 % en janvier [77]. En France, le SNEP a également lancé sa propre campagne nationale en mai 2004 avec pour slogan « la musique gratuite à un prix » [78]. Cette communication à but préventif adopte un ton des plus provocateurs [79], et traduit bien la position du président du SNEP, Gilles Bressand « Nous faisons un doigt d’honneur aux pirates qui téléchargent illégalement de la musique en ligne » [80].
- l’initiative de l’américain Intel, le finlandais Nokia, le coréen Samsung et les japonais Toshiba et Matsushita qui se sont alliés au sein d’un consortium, baptisé Project Hudson, et qui font campagne auprès des « Majors » du cinéma et de la musique pour les convaincre de ne plus limiter les systèmes de protection aux supports CD et DVD mais de protéger aussi les contenus numériques [81].
96Dans le même esprit, Sony et Philips se sont alliés pour créer « Intertrust », Apple a réalisé « Fairplay » [82] et RealNetworks « Helix », avec le but avoué de lutter contre Microsoft qui voulait lancer « Windows Media Rights Manager », projet reporté en raison du procès intenté par la consortium Sony-Philips.
97On se dirige ainsi vers une forme de management de la protection des droits, des auteurs mais aussi des éditeurs-producteurs, sur l’internet.
98Malgré la volonté de ces consortiums, le phénomène de piraterie, en d’autres termes la consommation culturelle qui n’est pas régulée par le cadre et les normes marchands, est loin d’être enraillé et oblige à certaines adaptations. Ainsi, les producteurs du long métrage « Matrix » ont pris la décision de sortir le film à la même heure dans tous les pays de distribution [83]. Il semblerait qu’à partir du moment où une œuvre cinématographique jouit d’une importante notoriété de départ, elle soit systématiquement victime de piratage.
99Malgré ces différentes actions, les citations retranscrites par les journalistes sont pour le moins alarmistes : « La courbe de pénétration du haut débit est corrélée à la chute des ventes (de disques) », Pascal Nègre, PDG d’Universal Music France [84] ; « Le succès d’une centaine de grands films dans le monde permet chaque année aux producteurs de faire tous les autres films. Si ces films sont piratés, c’est toute la chaîne qui disparaît », Nicolas Seydoux, PDG de Gaumont et président de l’ALPA, Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle [85].
100Pourtant, le Nouvel Observateur, sur son site web [86] présente l’étude des professeurs Felix Oberholzer de la Havard Business School, et Koleman Strumpf de l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill. Ceux-ci mettent en évidence dans une étude publiée le 29 mars 2004 [87], que le partage de fichiers n’a qu’un impact limité sur les ventes de disques [88]. Leurs conclusions vont à l’encontre du discours ambiant sur la « piraterie » puisqu’ils affirment que la majorité des utilisateurs téléchargeant des fichiers sont des individus qui n’auraient pas acheté l’album, même en l’absence du partage de fichiers. Leurs calculs montrent que le manque à gagner sur la vente d’un seul album est équivalent à 5 000 téléchargements de ce même album ! D’autres expertises aboutissent à des résultats voisins ; elles ont très rarement été reprises par la presse.
Vers de nouvelles pratiques de consommation
101Il serait faux de considérer ces pratiques uniquement comme des conséquences des développements technologiques. Avec le développement du marché mondial de la musique numérique, dominé par de grands groupes tel Microsoft, Napster, Sony, et plus récemment Apple, il est vrai qu’il est désormais possible de télécharger très facilement un morceau de musique, pour environ un euro. Le service développé par Apple, l’iTunes Music Store va plus loin dans la démarche, puisqu’il associe la vente de musique sur internet au baladeur iPod, véritable phénomène de mode. Au premier trimestre 2004, plus de 800 000 iPod ont été vendus, soit dix fois plus qu’un an plus tôt [89]. Apple détient plus du tiers du marché mondial des lecteurs de musique numérique, et l’iPod mini, nouvelle version de son produit fétiche, se vend tellement bien aux États-Unis, que le groupe a dû retarder son lancement en Europe pour répondre à la demande américaine.
102Cette offre de musique numérique en ligne entraîne de nouveaux modes de consommation et d’écoute de la musique. On peut maintenant écouter de la musique sans posséder de support (disque, DVD), et en accédant très rapidement (quelques clics sur l’internet) au titre désiré. Plus besoin de se rendre chez un disquaire. « C’est une opportunité pour la distribution de musique et de films » [90]. Ce mode d’accès à la musique entraîne bien souvent une consommation plus personnelle (le baladeur devient le mode de lecture privilégié) et place ainsi l’auditeur dans un contexte sociologiquement différent des pratiques antérieures.
103Côté jeux vidéo, les industriels ont déjà conçu leur nouveau lecteur multifonction portable (la PSP, PlayStation Portable, pour Sony ; la DS, Dual Screen pour Nintendo). La PSP a bien évidemment pour fonction première le jeu, mais dispose également de toutes les fonctionnalités d’un « walkman » interactif : elle apporte la musique, les films et les vidéos, et permet donc une consommation que l’on peut qualifier de multi-médiatisée. Son constructeur préfère l’annoncer comme le « walkman du XXIe siècle » [91].
104Dépendantes des nouvelles techniques de l’information et de la communication, ces nouvelles pratiques ont des conséquences directes sur l’organisation de la filière musicale. Ainsi, les modalités des contrats entre maisons de disques et artistes pourraient s’étendre à tous les secteurs touchés de près ou de loin par la musique [92] : les ventes de disques bien entendu, mais également les recettes sur tous les produits dérivés que génère un artiste, sur ses spectacles, etc. (les productions de concerts, les droits perçus sur le marchandisage, les sonneries de téléphone [93] …). « Le disque ne sera plus longtemps l’investissement principal de la filière. On ne parlera bientôt plus de maisons de disques, mais de maisons de musiques » [94].
105Ce qui est sûr, c’est que la presse rend compte avec régularité des évolutions technologiques, souvent en surestimant les changements apportés par les nouveaux dispositifs, en tout cas en reprenant sans distance et jusque dans les formulations elles-mêmes les indications fournies par les firmes dans leurs campagnes de communication. Rares sont les critiques. La technique est une donnée qui s’impose par elle-même, avec laquelle cependant les consommateurs finaux, identifiés aux premiers usagers généralement technophiles, se modèlent ou rusent. Les résistances à la technique se trouvent seulement dans les changements des pratiques culturelles et informationnelles. Les techniques de l’information et de la communication pérennisent ainsi la dimension prométhéenne de la technique. Concluons sur ce point en notant l’assez grande imperméabilité des discours de presse aux résultats des travaux contemporains sur l’insertion sociale des objets techniques ; ce qui a été établi par divers courants théoriques à l’œuvre en sociologie de la communication est pour l’essentiel ignoré.
LE RESPECT PLUS APPARENT QUE RÉEL DES EXIGENCES DE LA POLITIQUE CULTURELLE
106Les industries culturelles ont, au nom de l’exception culturelle, au moins depuis la fin de la seconde guerre mondiale, régulièrement recours au financement et à « l’encadrement » des pouvoirs publics. Comment ne pas y voir la source de la bonne tenue des groupes et firmes dans les marchés extérieurs, surtout en Europe ? S’il ne s’agit pas ici de présenter une liste exhaustive de ces mesures, certaines, en raison de leur importance ou de leur caractère actuel, méritent d’être mentionnées :
- la loi sur le prix unique du livre adoptée en 1981 qui interdit toute ristourne supérieure à 5 % a constitué un véritable rempart contre les tentations de dumping de la grande distribution. Selon le président du SLF, Syndicat de la librairie française, la plupart des libraires de quartier auraient, sans cette loi, connu le sort des disquaires, qui ont totalement disparu du paysage urbains ;
- tout en respectant les règles européennes, les pouvoirs publics incitent les régions à mettre en place des fonds régionaux d’aide au cinéma et à l’audiovisuel, fonds qui seront abondés par le CNC, Centre national de la cinématographie, dès 2005 [95] ;
- la loi de finances 2004 prévoit l’instauration d’un crédit d’impôt pour les films produits sur le territoire français. Ainsi, le producteur d’un film agrée par le CNC peut demander à bénéficier de ce crédit d’impôt dès lors que 80 % des dépenses de tournage et de postproduction sont réalisées en France [96]. Ce dispositif devrait être étendu à la production audiovisuelle ;
- à la fin de l’année 2003, face à la concurrence américaine et japonaise, les pouvoirs publics ont considéré l’industrie du jeu vidéo comme un secteur en difficulté et un plan de relance de 50 millions d’euros a été proposé [97]. Le gouvernement étudie également la création d’un fonds de soutien spécifique pour financer les productions ludo-interactives en amont sur le modèle du fonds de soutien cinématographique [98].
107La presse est attentive à tous ces aspects relevant de la politique économique de la culture ; elle donne fréquemment des informations et se fait l’écho des positions des différentes associations professionnelles, aussi bien dans l’édition de livres, le cinéma, la musique enregistrée, etc. On doit cependant remarquer qu’elle est plus à l’aise pour traiter des mesures techniques ou sectorielles que pour susciter ou alimenter les débats de fond. Néanmoins, certains organes de presse s’engagent ponctuellement sur des questions de fond (cf. l’appel des artistes contre la répression des pirates du net « Libérez ll@ musique ! »,publié par Le Nouvel Observateur en février 2005) [99].
108Sur la question de l’exception culturelle (aisément assimilée à la diversité culturelle), la large unanimité formée en 1993 et réactivée en 2000, et qui va des industriels (aussi bien ceux qui sont insérés dans des réseaux mondiaux que ceux qui fonctionnent à l’abri de protections), des responsables politiques et associatifs, des dirigeants des institutions d’action culturelle aux artistes du spectacle vivant radicalement opposés à l’art industriel, est peu interrogée. Cette unanimité, qui a toujours été fragile, semble se lézarder : La Tribune rapporte les propos de Bruno Bonnell, PDG d’Atari (ex Infogrames), qui, tout en reconnaissant que les efforts des pouvoirs publics pour aider les entreprises françaises de jeux vidéo sont louables, préfère utiliser la notion « d’offensive culturelle ». « Il faut aider la créativité à s’exprimer plutôt que chercher à imposer des quotas comme on le voit trop souvent dans d’autres médias. Les studios de développement ne devront leur survie qu’à leur talent, et non à des subventions. Aujourd’hui, on voit émerger d’incroyables studios finlandais, irlandais, siciliens, hongrois… Il faut donc arrêter cette hypocrisie de la “french touch” » [100].
109A propos des intermittents du spectacle, de plusieurs côtés et d’horizons bien différents, que ce soit des syndicalistes ou des hommes politiques, on émet de nombreuses réserves quant à la réforme sensée définir le nouveau cadre de l’intermittence. « La question de l’assurance chômage n’est que la résultante de l’absence de financement de la politique culturelle. Or, il est vain de s’attaquer à une résultante », Jacques Peskine, président de la Fesac, Fédération des entreprises du spectacle vivant de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma [101] ; « Il est quand même fantastique que dans un pays comme le nôtre, ce soit l’assurance chômage qui finance la politique culturelle… On est en plein délire ! », Jean-François Chérèque, secrétaire général de la CFDT [102] Bien que le gouvernement propose une redéfinition du champ de l’indemnisation chômage pour la fin de l’année 2005 (date d’expiration de la convention Unedic actuelle) [103], cette réforme n’apporterait pas les économies escomptées et aurait exclu du système les personnes les plus vulnérables, tout en confortant les « permittents », ces pseudo-intermittents, qui permettent à certaines entreprises de réaliser des économies sur les coûts des rémunérations [104]. Le rapport de Jean Roigt et René Klein, inspecteurs généraux pour les affaires sociales et la culture, a ainsi montré qu’un certain nombre d’entreprises privées se sert de manière récurrente de l’intermittence comme source d’économies et moyen d’ingénierie financière et de management du travail, surtout dans le secteur de l’audiovisuel. On citera en guise d’illustration, le cas d’une actrice de sitcoms qui avait signé 426 contrats journaliers en sept ans avec AB Productions. Les donneurs d’ordre qui ont visiblement du mal à mettre en place des contrôles, ont pris tout simplement l’habitude de fermer les yeux.
110Les pouvoirs publics sont également les premiers à se défausser sur l’Unedic, à travers les sociétés de télévision publiques comptant parmi les principaux coupables d’abus, et les collectivités locales, dont les équipements culturels sont le plus souvent dotés d’un personnel peu qualifié et en nombre insuffisant. France Télévision aurait ainsi recours massivement aux intermittents : le rapport Gourinchas présenté en janvier 2004 estime ce taux à 21 % des jours de travail.
111Ces éléments, essentiels pour l’alimentation du débat public, n’ont pas été dissimulés par la presse, du moins par quelques titres. Mais ils ne sont intervenus qu’épisodiquement et accessoirement et, selon toute vraisemblance, les lecteurs n’ont pu en mesurer l’importance, par comparaison avec ce qui est apparu au coeur de la question : la lutte des artistes les plus démunis, et pour la plupart travaillant dans les arts du spectacle vivant. « Ce désengagement généralisé au profit de la culture marchande pèse sur l’avenir de milliers de travailleurs du secteur, menace de disparition des centaines de productions et casse la dynamique d’un cinéma de création » [105]. Les industriels de la culture et de l’information, comme les dirigeants des grandes institutions d’action culturelle, ainsi que plus généralement les entreprises pour les besoins de leur communication corporate (et la production des films, sites web et événements) étaient pourtant directement impliqués. La différence en tout cas a rarement été marquée (ou la confusion est généralement entretenue) entre ce qui se rattache aux activités industrielles et ce qui participe du spectacle vivant (notamment des organisations les plus démunies), comme si les unes comme les autres relevaient de logiques identiques.
Conclusion
112L’examen du traitement par les médias écrits des mutations en cours des industries de la culture et de l’information se révèle finalement tout à fait productif, même si comme c’est indiqué au début de cet article, nous avons été dans l’obligation de poser des limites précises à l’analyse.
113D’une façon générale, ce traitement s’avère conventionnel et sans surprise. Non seulement d’un titre à l’autre, les convergences et les points d’accord sont nettement majoritaires, mais surtout rares sont les questions nouvelles qui émergent ; ce qui est saillant, c’est un intérêt primordial (et récurrent) pour les changements affectant la propriété et le contrôle financier sur les différentes industries ; l’acceptation de la dépendance des médias et des évolutions technologiques, considérées comme se justifiant par elles-mêmes ; la vision d’une domination renforcée ou de l’asservissement de la production indépendante par les oligopoles respectifs dans les différentes branches ; le consentement à l’accentuation de l’internationalisation des productions et des normes de production ; la dénonciation assez superficielle du recours croissant au marketing et au financement publicitaire (sous des modalités plus « sophistiquées »), dans la conception, la production et la distribution des produits ; et l’acquiescement devant le statu quo de la politique culturelle et informationnelle, de plus en plus en difficulté pour « équilibrer » des exigences contradictoires.
114Sans présager des résultats d’un programme de recherches qui vient d’être
engagé [106], il nous apparaît que de nombreuses questions sont ainsi laissées
de côté ; nous n’en évoquerons que quelques-unes :
– Au sein des grands groupes de communication, de plus en plus
multimédias, comment se gère désormais la production culturelle et
informationnelle, avec quelles méthodes et outils, et au profit de quels types
de produits, et avec quelles catégories de personnels, artistes ou
journalistes ? En d’autres termes, que deviennent les médiations entre les
pouvoirs financiers et les champs artistiques ou journalistiques ?
115Face à ces interrogations, les travaux restent encore peu fréquents et les réponses émanent surtout de polémistes ou de professionnels. On peut cependant citer les conclusions de la Thèse de doctorat de Christian Robin [107] et particulièrement celles de l’étude qu’il a conduite sur un certain nombre de collections de livres pendant la période allant de 1980 à 2001 : à la question posée de savoir si les outils de gestion avaient entravé la créativité et limité les projets ambitieux, sa réponse est négative : si les outils de gestion poussent à une certaine « cohérence des choix internes », les critères multiples qu’il a retenus, ne permettent pas de conclure à ce qui pourrait s’apparenter à une baisse de qualité des ouvrages édités. En tout cas, l’utilisation des logiciels dans le façonnement et la conception des livres lui paraît plus décisif que le recours aux outils de gestion, ceux-ci pourtant présentés comme une arme managériale, permettant de mettre à la raison le travail artistique (c’est-à-dire de contraindre la création au profit d’une rationalité d’ordre industriel). Quoiqu’il en soit, les recherches à engager sur cette question dans les différentes branches des industries culturelles ou médiatiques ne vont pas de soi : comment en effet identifier de supposés « effets » des décisions managériales (provenant soit du pôle financier soit des dirigeants des structures éditoriales) et avec quoi les comparer ? Comment distinguer dans l’activité d’un groupe les exigences d’ordre financier des choix de production industrielle ? Si les données empiriques paraissent nécessaires, elles sont difficilement accessibles.
116– La période qui s’est ouverte ne conduit vraisemblablement pas à la raréfaction des produits ou même à la concentration sur un petit nombre de produits-phare ; les industries du contenu ont besoin de programmes, dans une gamme élargie de champs ; comment, dans ces conditions, s’opère le choix entre les produits et les producteurs, participant de ce mouvement (renforcé) d’industrialisation d’une part, et ceux qui ne sont pas éligibles, ou forment des réserves, d’autre part ? Le marketing suffit-il à tenir la place de la « dialectique du tube et du catalogue » ?
117En tout cas, les indicateurs contredisent ici une appréciation fréquemment formulée : l’offre de produits culturels et informationnels est, dans presque toutes les branches, en croissance, parfois forte, ce qui tendrait à prouver que les modalités d’exploitation tendent à conserver leur caractère apparemment archaïque, et aboutissant à la non-consommation d’une partie importante des productions, une fois assurée la rentabilité commerciale à partir d’un petit nombre de succès. Le recours effectivement de plus en plus constaté aux techniques du marketing, soit pour soutenir la promotion des produits, soit même pour encadrer leur conception, ne doit pas dissimuler le maintien de la plupart des traits spécifiques de ces industries : les méthodes de conception d’Harry Potter sont encore loin d’être généralisées dans l’édition de livres, dans la production cinématographique ou dans celle de la musique enregistrée ; et même là où la technicisation de la création est forte, comme dans le multimédia ou les jeux, les méthodes « artisanales » sont encore de mise.
118– La médiatisation technique croissante de l’information et de la culture s’imposera-t-elle de plus en plus, à l’issue d’un processus accepté sans résistances et oppositions ? Cette interrogation vaut bien sûr pour les différentes catégories d’usagers-consommateurs, mais elles concernent aussi les différents acteurs concernés des industries du contenu, y compris au sommet des grands groupes de communication où les arbitrages entre les stratégies techniques et les stratégies artistiques (ou informationnelles) ne vont pas de soi, ainsi que le montrent les déboires de Vivendi Universal et d’AOL-Time Warner.
119La déclinaison multi-médiatique est une perspective que poursuivent de nombreux groupes depuis au moins une vingtaine d’années. Les nouveaux outils (logiciels facilitant l’accès aux œuvres et leur « traitement ») ont réactivé cette visée. Mais on peut tout aussi bien prévoir que les groupes seront contraints, non de décliner ou de transposer, mais de produire à nouveau à partir des créations initiales ; l’expérience de la presse numérique comme celle en cours des services d’information sur les outils de téléphonie mobile avancée, tendent à confirmer cette prévision.
120– Enfin, l’acceptation tacite, surtout dans le cadre de la France (largement exportatrice, en Europe du moins), de l’internationalisation rampante actuelle (sous ses différentes formes), même accompagnée de déclarations politiques assurées, est-elle favorable, ou non, à la diversité des productions, dans un cadre mondialisé qui justifierait pourtant des coopérations bilatérales renforcées ?
121La diversité culturelle (et ajoutons-le informationnelle) peut, sous certaines conditions, être confortée par l’industrialisation. Encore faut-il assurer le soutien des productions par le recours à l’action publique (sous ses différentes formes) et leur garantir un certain niveau de débouchés par le moyen de coopérations équilibrées. Autant de questions, et d’autres, dont la scène médiatique et surtout le débat public, pourraient s’emparer.
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Notes
-
[1]
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-
[2]
FOUREZ, 1996, p. 12.
-
[3]
GIMD s’est engagé auprès de la Commission européenne à céder le magazine La Vie Financière pour ne pas dépasser le seuil des 50 % de parts de marché sur le secteur de la publicité financière.
-
[4]
Communiqué de l’AFP, 18/06/2004.
-
[5]
Entretien accordé par François Boissarie, secrétaire général du SNJ, au site internet du Nouvel Observateur, 16/06/2004.
-
[6]
SANTI, 2004.
-
[7]
COSTEMALLE, 2004.
-
[8]
BAJOS, 2004.
-
[9]
BOUGUEREAU, 2004.
-
[10]
Le Monde, 18/06/2004.
-
[11]
La Croix, 24/06/2004.
-
[12]
Le Monde, 10/07/2004, citant un communiqué du groupe PS à l’Assemblée nationale.
-
[13]
Serge Dassault a été élu sénateur en septembre 2004.
-
[14]
Propos tenus sur les ondes de France Inter le vendredi 10 décembre, repris dans Le Monde, 12/12/2004.
-
[15]
La Croix, 21/06/2004.
-
[16]
MEDIONI, 2004a.
-
[17]
REPITON, 2004b.
-
[18]
Le Figaro, 3/09/2004.
-
[19]
La Croix, 26/01/2004.
-
[20]
Propos relatés par PEYREL, 2004 et par MEDIONI, 2004a, op. cit.
-
[21]
Propos relatés par Le Parisien, 21/06/2004.
-
[22]
Propos relatés par Neteconomie, 22/06/2004 et par Libération, 21/06/2004.
-
[23]
Propos relatés par l’Expansion, 21/06/2004 et par le Journal du net, 22/06/2004.
-
[24]
BUI, 2004.
-
[25]
L’Express, 21/06/2004.
-
[26]
NouvelObs.com, 2/06/2004.
-
[27]
JACQUIN, 2004.
-
[28]
ROJINSKY et BAJOS, 2004.
-
[29]
NouvelObs.com, 30/04/2004.
-
[30]
MEDIONI, 2004b.
-
[31]
L’Observatoire de la musique analyse chaque année un panel de 33 stations publiques et privées représentant plus de 95 % de l’audience totales des radios.
-
[32]
JAURES, 2004b.
-
[33]
Chiffres Livre Hebdo, publiés dans La Tribune, 21/05/2004.
-
[34]
Source CNL, Centre national du livre.
-
[35]
MEDIONI, 2004a, op. cit.
-
[36]
La Tribune, 03/06/2004.
-
[37]
CROM, 2004.
-
[38]
Propos tenu le 28/05/2004 par Christian Laval, enseignant adhérent au FSU, auteur de l’ouvrage L’École n’est pas une entreprise, La Découverte.
-
[39]
La Tribune, 21/05/2004.
-
[40]
SALLES, 2004a.
-
[41]
JACQUIN, 2004 et MEIGNAN, 2004.
-
[42]
La maison d’édition Odile Jacob a intenté un référé contre l’accord Hachette-Wendel devant le tribunal de commerce de Paris en juin 2004, puis devant la Cour des communautés européennes en juillet, en attaquant cette fois le mode d’organisation de la vente par la Commission européenne.
-
[43]
Les Echos, 14/06/2004.
-
[44]
DROMARD, 2004.
-
[45]
SALLES, 2004b et 2004c.
-
[46]
Propos tenus par le responsable de la direction de la concurrence à Bruxelles, Claude Rakovsky, Livres Hebdo, 11 juin 2004.
-
[47]
REPITON, 2004a.
-
[48]
JACQUIN, 2004c.
-
[49]
FERAUD, 2003.
-
[50]
Propos relatés par La Tribune, 13/05/2004.
-
[51]
REPITON, 2004a.
-
[52]
La Tribune, 30/04/2003.
-
[53]
CASSINI, 2004b.
-
[54]
La Tribune, 12/05/2004.
-
[55]
Interview d’Antoine Villette, Libération, 07/01/2004.
-
[56]
La Tribune, 04/05/2004.
-
[57]
JAURES, 2004a.
-
[58]
LE LAY, 2004.
-
[59]
NouvelObs.com, 16/01/2004.
-
[60]
Propos tenus par Michel Gomez, délégué général de l’ARP, Société des Auteurs, réalisateurs, producteurs, La Croix, 21/05/2004.
-
[61]
Idem.
-
[62]
La Tribune, 28/01/2004.
-
[63]
Le Nouvel Observateur, 15-21 avril 2004.
-
[64]
REPITON, 2004c.
-
[65]
REPITON, 2004b.
-
[66]
La Tribune, 12/05/2004.
-
[67]
La Tribune, 14/05/2004.
-
[68]
Selon l’Observatoire européen de l’audiovisuel, 954 millions de billets de cinéma ont été vendus en 2003 dans les 25 pays de l’Union Européenne, soit une baisse de 4,4 % par rapport à 2002. La part des films américains a progressé de 1,6 % pour atteindre72,1 % du marché de l’Union européenne, alors que les films européens se sont mal exportés. Ils ne réalisent que 6,3 % de leurs entrées européennes hors de leurs frontières. Les films des autres régions du monde ne représentent que 2,2 % du marché. 752 films ont été produits en 2003.
-
[69]
La Tribune, 05/12/2003.
-
[70]
La Tribune, 12/05/2004.
-
[71]
En France, l’administrateur d’un site proposant le téléchargement illégal encourt les peines de contrefaçon, soit 300 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement.
-
[72]
PEYREL, 2004, op. cit.
-
[73]
Le NouvelObs.com, 04/05/2004.
-
[74]
Le NouvelObs.com, 08/06/2004.
-
[75]
TORREGANO, 2004a.
-
[76]
Le NouvelObs.com, 15/06/2004.
-
[77]
Le NouvelObs.com, 08/06/2004.
-
[78]
CASSINI, 2004a.
-
[79]
La campagne montre derrière des barreaux de prison un doigt d’honneur stylisé, symbolisant « l’attitude des internautes vis-à-vis du téléchargement » selon le SNEP.
-
[80]
Le Journal du Net, 05/05/2004.
-
[81]
La Tribune, 05/01/2004.
-
[82]
TORREGANO, 2004b.
-
[83]
Le Figaro, 17/11/2003.
-
[84]
CASSINI, 2004a.
-
[85]
Le Journal du Net, 05/12/2003.
-
[86]
http ://permanent.nouvelobs.com/
-
[87]
Étude disponible à l’adresse suivante : http :// www. unc. edu/ cigar/ papers/ FileSharing_March2004. pdf
-
[88]
Le NouvelsObs.com, 01/04/2004.
-
[89]
La Tribune, 07/06/2004.
-
[90]
Propos de Kaz Hirai, président de Sony Electronics America, in La Tribune, 13/05/2004.
-
[91]
SU J.-B., « Sony relance la bataille des consoles portables », La Tribune, 02/04/2004. Propos repris par La Tribune, 11/05/2004 et par Le Monde, 16/05/2004.
-
[92]
La Tribune, 29/04/2004.
-
[93]
Les sonneries de « tubes » téléchargeables sur téléphone mobile ont augmenté de 40 % sur le premier semestre 2004, développant un chiffre d’affaires égal à 10 % du marché de la musique.
-
[94]
Propos tenus par Thierry Chassagne, patron de Warner, in MEDIONI G., « Le disque craque », L’Express, 21/06/2004.
-
[95]
La Tribune, 17/03/2004.
-
[96]
Cette réduction d’impôt plafonnée à 500 000 euros par film, correspond à 20 % des dépenses engagées. Si l’entreprise de production ne réalise pas de bénéfice imposable, elle reçoit un chèque équivalent des services fiscaux.
-
[97]
Les studios de développement de jeux vidéo créés il y a moins de huit ans peuvent bénéficier d’exonérations fiscales s’ils consacrent au moins 15 % de leur budget à la recherche et développement.
-
[98]
ROJINSKY, 2004.
-
[99]
Le Nouvel Observateur, n° 2100,3/9 février 2005.
-
[100]
La Tribune, 16/12/2003.
-
[101]
La Tribune, 03/03/2004.
-
[102]
La Tribune, 03/03/2004.
-
[103]
DELGADO, 2004.
-
[104]
GATEAUD, 2004.
-
[105]
Déclaration des intermittents publiée dans le NouvelObs.com, 17/04/2004.
-
[106]
Cet article s’insère dans un programme de recherches actuellement en cours : MIÈGE, à paraître, a et b.
-
[107]
ROBIN (s. d).