Notes
-
[1]
LICOPPE et HEURTIN, 2001.
-
[2]
LICOPPE, 2002.
-
[3]
LING, 2002.
-
[4]
GREEN, 2002.
-
[5]
Population d’étudiants interviewés par entretiens semi-directifs très approfondis :
-
[6]
Cette étude a pu être réalisée grâce à un financement CNRS. Que Patrice Flichy, Dominique Pasquier, qui m’ont sollicités pour m’associer à leur projet d’étude, soient ici remerciés, mais aussi Jean-Philippe Heurtin qui m’a fait part de son expérience de recherche sur le portable, pour élaborer mon guide d’entretien. Nos remerciements s’adressent aussi à Yvonne Pozo qui a participé à notre groupe de recherche, ainsi qu’aux étudiants François Bernard, Olivia Scenama, Amel Kouza, Arnaud Martin, Laure Morisset, Christian Roux qui ont participé à notre groupe de recherche et ont fait passer des entretiens et ont collaboré aux observations in situ.
-
[7]
FIZE, 1997.
-
[8]
PERIN, 1996.
-
[9]
MANCERON, 1997.
-
[10]
THERY 1993 ; DE SINGLY, 1996 ; CASTELAIN-MEUNIER, 1998.
-
[11]
CASTELAIN-MEUNIER, 1997.
-
[12]
CALOGIROU et ANDRE, 1997.
-
[13]
ROBSON, 1994.
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[14]
HEURTIN, 1998.
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[15]
KAUFFMANN, 2001.
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GOFFMAN, 1973.
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LING, 1998.
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LING, 1998.
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MONJARET, 1997.
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HEURTIN, 1998.
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[21]
GUILLAUME, 1994.
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[22]
ZARIFIAN, 1998.
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[23]
HEURTIN, 1998.
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[24]
KIESLER, cité par KATZ et ASPDEN, 1998.
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[25]
JAUREGUIBERRY, 1998.
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DE GOURNAY, 1994.
-
[27]
JAUREGUIBERRY, 1998.
-
[28]
GOFFMAN, 1997.
1Le recours à la téléphonie mobile instrumentalise et accompagne tout à la fois la subjectivation de l’utilisateur. Si l’on ne peut certes réduire le débat à une telle dichotomie, on peut néanmoins, se référer à cet espace de réflexion. En effet, dans le cadre de cette téléphonie mobile, la communication qu’elle soit directe ou différée, se complexifie d’autant plus qu’il s’agit pour l’individu de jongler entre des situations contradictoires, ambivalentes, dans une tension qu’il lui faut atténuer en tentant de réguler les contradictions. Nous voudrions également montrer dans cet article que la résolution de cette tension accompagne désormais un processus d’intégration à la société. On constate que l’usage d’un portable s’inscrit dans des rituels, ainsi que dans une logique, voire même dans une éthique de communication complexe. Celle-ci inclut une recherche d’affirmation personnelle, mais aussi une conception personnalisée des rapports entre l’intimité et l’espace public et des limites de l’espace privé. Une étude des usages du mobile renvoie donc à l’intersection de l’identitaire et du lien social, et ce de plusieurs manières : avec le trio que constitue l’aventurier, l’intrus et le témoin ; dans le cadre d’une culture de situation, qui comprend de l’émotionnel ; dans les contours d’une géographie redessinant les frontières entre l’intime et le public.
2Christian Licoppe et Jean-Philippe Heurtin [1], étudiant le téléphone portable à l’aide d’une étude quantitative et qualitative, font état de la complexité des interactions entre les personnes du fait de la réciprocité et la juxtaposition des échanges. Licoppe [2], en dressant une synthèse des recherches empiriques concernant les usages et les manières de conduire les relations interpersonnelles « dans différentes configurations de l’ensemble des dispositifs de communication disponible », distingue deux modalités d’entretien des liens interpersonnels. Il s’agit de modalités d’échange soit « conversationnelles », soit « connectées », « qui constituent des configurations de gestion des relations téléphoniques entre proches qui organisent les pratiques et le sens que prennent celles-ci ». Cependant, l’auteur souligne qu’une redistribution des pratiques de communication, permet de mentionner « le caractère corrélé des différentes pratiques de communication interpersonnelle ».
3Richard Ling [3], qui examine, lui, l’impact du téléphone mobile, le caractérisant par une communication plus directe, montre que son usage engendre davantage d’indépendance pour les acteurs. Nicola Green [4], met quant à lui l’accent sur l’importance de la notion de contrôle et la perpétuelle négociation de celui ci.
4Notre réflexion s’inspire de ces travaux, elle s’appuiera sur les enquêtes que nous avons réalisées depuis plusieurs années à l’aide de – questionnaires et d’interviews semi-directifs approfondis, auprès d’une population d’étudiants âgés entre 20 et 28 ans [5]. Nous nous référerons aussi à des observations détaillées, in situ, retraçant le comportement d’étudiants utilisant un téléphone portable et ne se sachant pas observés [6].
Des rituels accompagnent l’acquisition d’un portable
5L’acquisition d’un portable par les jeunes étudiants, revêt des dimensions spécifiques et des caractéristiques fréquemment évoquées dans notre enquête. On peut les synthétiser de la manière suivante :
L’accès à la maturité
6Le téléphone en général, perturbe, l’équilibre familial, en interférant sur l’intimité des membres qui la compose, mais aussi pour des raisons budgétaires. A ces dérangements, se juxtapose des agréments par l’ouverture, les possibilités d’échanges et de liens sociaux qu’il autorise, ainsi que sa dimension fonctionnelle, son utilité ; il est apprécié aussi pour les prouesses de la technique qu’il symbolise. Pour les adolescents « Le téléphone constitue un formidable instrument de sociabilité. Il assure en permanence le lien avec les pairs [7]. » Qui plus est : « Les adolescents d’aujourd’hui sont nés avec le téléphone. Ils ont grandi avec lui, se le sont approprié, ce qui le désacralise et lui donne tout simplement le statut d’un outil facilitant la communication [8]. » Pour Vanessa Manceron [9], qui étudie les comportements « de jeunes qui ne sont ni étudiants, ni professionnels » : « L’emploi du temps et les déplacements sont en grande partie fonction des appels téléphoniques échangés. » L’usage du téléphone peut être sujet de discorde tout en accompagnant l’apprentissage de l’autonomie pour les jeunes, il renvoie par exemple, à la mise au point de principes de réalité, de normes d’usage et d’utilisation qui peuvent engendrer des conflits, mais aussi des rappels à l’ordre, des négociations, des complicités…
7L’élaboration des normes d’usage se situe dans un contexte contemporain qui n’est pas dépourvu d’angoisse pour les parents, tant existe une inflation des modèles éducatifs et des incertitudes concernant les critères et les repères éducatifs, les frontières entre ce qu’on peut permettre, tolérer, interdire [10]. Lors de notre enquête auprès des pères non gardiens [11], les pères qui avaient des difficultés à joindre leurs enfants au téléphone, car la mère faisait écran, envisageaient très sérieusement de munir leurs enfants même très jeunes (5,6 ans…) d’un téléphone portable, pour pallier ces difficultés. Ainsi, pour les adultes ayant des enfants, les raisons qui les poussent à munir les jeunes d’un portable, sont des motifs bien particuliers qui combinent les attentes sécuritaires et les besoins de communication, corroborant la recherche de personnalisation des liens et donc valorisant l’individualisation et les relations d’interactions, que son usage autorise. Pour les étudiants, comme nous allons le voir, les avantages liés à la possession d’un portable dominent d’autant plus qu’ils s’inscrivent dans un rituel d’accompagnement symbolisant l’accès à la maturité.
Une dialectique d’émancipation pour les étudiants « à la maison »
8Les étudiants que nous avons interviewés vivent pour la plupart encore chez leurs parents. Ils ne possèdent pas de ligne personnelle, mais un appareil qui se greffe sur la ligne principale. Le portable peut alors dispenser d’avoir à installer une autre ligne.
J’avais une chambre de bonne indépendante de l’appartement et ma mère ne voulait pas que j’installe de ligne téléphonique, elle en avait ras le bol de gueuler dans les couloirs pendant 10 minutes pour me dire que quelqu’un m’attendait au téléphone. (F, 21 ans)
10Les parents jouent en quelque sorte un rôle de médiateur entre eux et les personnes qui les appellent et laissent des messages. Ainsi on ne s’étonnera pas que les mères soient désignées comme standardistes par ces jeunes adultes et même si Claire Calogirou et Nathalie André [12] se réfèrent aux familles d’origine immigrée pour écrire que : « Dans la majorité des familles interrogées, ce sont les femmes, mère ou fille, qui se servent le plus du téléphone. Ce sont elles qui décrochent lorsqu’il sonne », il s’agit d’un phénomène répandu qui peut encore caractériser l’ensemble de la population concernant le téléphone fixe. Dans le cadre de notre enquête, les mères sont désignées comme ayant eu à jouer ce rôle, dans la mesure où justement, l’acquisition d’un téléphone portable permet aux jeunes de se dispenser d’un relais à la maison durant leur absence ou encore d’un intermédiaire décrochant, lorsqu’ils sont présents, mais aussi d’un témoin des messages laissés pour eux, sur le répondeur familial. L’acquisition d’un téléphone mobile s’inscrit ainsi dans une double autonomie : celle du parent qui n’est plus tenu de rendre service et celle du jeune adulte qui échappe au contrôle parental qu’il sentait peser sur lui. Dans ce sens, l’acquisition d’un mobile s’inscrit pour des raisons différentes, dans une dynamique qui correspond de fait à une prise d’autonomie de la part des deux générations, vivant sous le même toit. Phénomène qui est accentué par la « démocratisation » interne au famille [13] et le fait, comme l’écrit Jean-Philippe Heurtin [14] qu’un « modèle plus contractuel accentue ainsi l’autonomie des individus, et ainsi est susceptible de favoriser la diffusion d’une téléphonie moins collective et plus personnelle, dont le mobile est un instrument privilégié ».
La légitimité du motif d’acquisition comme antidote à la frime et à la futilité
11Si l’acquisition d’un mobile s’inscrit dans un contexte de prise d’autonomie des deux parties en présence, elle se caractérise aussi par des rituels qui rendent ainsi compte des normes accompagnant l’acquisition d’un mobile. En effet, les conditions, grâce auxquelles les étudiants interviewés se retrouvent avec un portable, se révèlent significatives dans ce sens. Elles rendent compte d’une dynamique familiale qui converge vers la décision d’acheter un mobile.
- Pour que le jeune adulte soit responsable et contrôle son budget téléphonique (sur l’argent que lui donne ses parents ou sur le budget téléphonique auquel il peut prétendre).
- Ce n’est pas un objet anodin, puisqu’il peut s’agir d’une offrande pour Noël (Eric 20 ans, Mathilde 22ans).
- C’est l’occasion d’une demande mûrie et accompagnée d’un argumentaire
visant à démontrer et prouver son utilité (Jean-Marc, 21 ans). Alors même
que le jeune homme en question gagne son argent de poche. Mais il peut
étayer sa demande par le fait qu’il acquiert de nouvelles responsabilités. En
effet, il va devenir responsable de la junior entreprise de l’école dans
laquelle il fait ses études, avec un autre étudiant, qui possède lui, déjà un
mobile. Il s’agit alors de se munir des mêmes instruments de communication
que ses pairs et de disposer ainsi des mêmes potentialités. Les récits faits par
les étudiants des conditions d’acquisition d’un mobile, renvoient à
l’assimilation à son groupe de référence. Son acquisition symbolise la
confirmation de son intégration et témoigne du renforcement d’une image
personnelle positive engendré par l’autonomie et la responsabilité. Mais il
s’agit aussi d’argumentation rendue convaincante, auprès des parents, par le
biais, par exemple, de motif humanitaire, dans le cadre d’un stage étudiant à
SOS dépression (Marie, 24 ans)…
Ce qui n’empêche pas les préjugés négatifs d’exister et qui ont pu contribuer à retarder l’acquisition d’un portable, avec le fait que le mobile est perçu comme un objet de frime et donne alors une image de frimeur à son utilisateur. Pour les adolescents, l’ambivalence est plus grande que pour les aînés, car la notion d’utilité s’impose moins fortement et l’autonomie ne constitue pas un enjeu fondamental, car elle peut être fortement redoutée, pour des raisons différentes par les parents et les pré-ado. - Par ailleurs, pour les étudiants, il existe souvent un élément déclencheur explicatif à l’achat. L’acquisition d’un portable, correspond à un événement qui jalonne la vie étudiante et qui figure dans le registre des prises en considération par les parents, il s’agit en l’occurrence des liaisons amoureuses, de déménagement de la petite amie ou du petit ami, de déménagement pour soi qui entraîne le choix du portable plutôt qu’une ligne fixe, de diverses responsabilités nouvellement acquises et qui justifient le besoin d’être joint, de pouvoir joindre.
13Ainsi, l’on peut dire que trois facteurs se combinent dans l’achat d’un mobile pour les étudiants interviewés :
- la négociation qui précède la décision parentale,
- le poids du milieu de référence,
- l’événement déclencheur, légitimant son usage et donc son achat.
14Cette convergence de facteurs contribue à chasser l’impression de futilité qui peut être associée à la possession d’un portable qui n’appartient pas encore dans les mentalités à la rubrique des objets indispensables. De même que plus son usage sera trouvé futile, plus son maniement sera critiqué, témoignant certainement par là même, de la difficulté qu’il y a à se situer en extériorité et en personne témoin involontaire de l’intimité ordinaire des personnes inconnues. L’énervement est particulièrement manifeste pour les coups de fil dans les super marchés… sur « le choix des yaourts… », dans le train, dans le bus, à fin de rendre compte de sa localisation dans l’espace et du planning temporel… « je suis à Rungis, j’arrive dans 5 minutes… »).
Le butoir du forfait : une discipline et une contrainte, un douloureux principe de réalité
15Avoir à maîtriser son budget téléphonique, que ce soit sous la forme du forfait défini dans le cadre de l’abonnement ou de la somme allouée par les parents est souvent ressenti de manière très violente par les étudiants qui semblent éprouver en général de grandes difficultés à réaliser et à admettre que les unités défilent, comme si les communications qu’ils passaient ne devaient pas entraîner de coûts élevés. On se trouve face à un malaise qui relève du fait qu’ils n’ont pas l’impression que leurs communications sur portable durent longtemps étant donné la nature et la spécificité des échanges, sur lesquelles nous reviendrons. Mais c’est aussi le douloureux sentiment qu’il s’agit d’un couperet, de tarif jugé excessif, dans la mesure où il n’est pas rare qu’ils ressentent une certaine culpabilité ou qu’ils se sentent infantilisés d’avoir à rendre des comptes si ils dépassent le forfait. Savoir se limiter pour ne pas le dépasser, ou savoir évaluer le flux des communications auxquelles ils ont droit constitue un apprentissage et fait partie d’un rituel initiatique qui accompagne l’entrée dans l’âge adulte et permet d’évaluer la maturité.
Une sourde dialectique, entre l’aventurier, l’intrus et le témoin : une intimité et une civilité paradoxales
Libère de l’assignation au foyer et de la dépendance à l’égard de ses membres
16Pour vanter les qualités du portable, on se réfère au téléphone installé dans l’espace privé, c’est-à-dire à la manière dont le portable permet de s’émanciper de ses habitudes téléphoniques, nous rappelant ainsi, comme le dit J.-C. Kauffmann [15] que nous sommes, certes, des êtres d’habitudes, en même temps que nous sommes prêts à en changer lorsque les nouvelles pratiques se présentent sous de bons hospices et contribuent à accompagner, à favoriser, à améliorer nos capacités d’affirmation. En effet, dans le cas précis, le portable évite d’avoir à rentrer chez soi pour prendre connaissance des messages recueillis par les parents ou enregistrés sur le répondeur. Ça permet aussi de ne pas avoir à téléphoner chez soi pour demander à un des membres de la famille si il n’y a pas eu de coup de fil pour soi, ou de ne pas avoir à interroger son répondeur et à rappeler d’une cabine. En d’autres termes, cela simplifie les déplacements, les manipulations d’appareil et cela évite d’avoir à déranger d’autres personnes et en l’occurrence donc de dépendre d’elles. Dans ce sens, il s’agit d’un véritable désenclavement par rapport à la sphère privée et aux personnes qui l’habitent, libérant ainsi l’aventurier qui existe en chacun.
Joindre et être joint, en aventurier dans la ville
17La qualité fondamentale reconnue au portable, qui peut aussi le rendre de ce fait tyrannique ou encore dangereux pour les jeunes, qui peuvent être appréhendés comme étant particulièrement vulnérables, est qu’il permet d’être joint partout. Ceci corrobore bien cela, à savoir que le lien est vecteur d’affirmation ou de manipulation et accompagne les exigences en matière d’affirmation, que ce soit sous la forme de représentation et de mise en scène de soi dans le sens du rôle, de E. Goffman [16], ou d’étayage de soi par les autres (en se racontant) ou encore de l’autre par inter action avec autrui (en l’écoutant), ou comme jalons, repères, traits d’union entre soi et les autres accompagnant le tracé de la vie quotidienne, les activités personnelles, telle une seconde peau, une seconde enveloppe, un cocon, une bulle entourant l’aventurier dans la ville. Cette image est étayée par les observations que nous avons réalisées in situ, à savoir que l’individu appelé ou appelant, va se livrer à la construction d’un espace virtuel éphémère qui ne durera que le temps de l’utilisation de l’appareil en public, dans l’espace qu’il aura choisi ou qu’il sera contraint d’utiliser. Nous pensons ainsi à ces jeunes observés à l’intérieur d’un grand magasin, ou encore aperçus le soir devant une vitrine, ou une porte cochère, ou bien encore à d’autres silhouettes ainsi observées. Ce qui était frappant dans tous ces cas, c’est comment l’utilisateur s’appliquait à délimiter son territoire par ses expressions, son attitude, sa gestualité, ses déplacements. En effet, il s’agissait d’une surface verticale qui constituait un pôle de référence, symbolisée par la vitrine intérieure au magasin sur un vaste pallier au 1er étage, ou la vitrine dans la rue ou encore la porte cochère le long de laquelle l’individu en question se déplaçait en limitant ses allées et venues, au périmètre de ce cadre et à la surface composée par le rectangle compris entre la vitrine et une partie du palier ou du trottoir, suffisamment vaste pour permettre un déploiement de soi sans entrave tout en étant attentif à ne pas gêner la circulation sur le trottoir ou dans l’espace intérieur. Les va-et-vient constitués ainsi d’aller retour émaillés de surplace se déroulant à l’intérieur du territoire ainsi délimité se traduisaient par une appropriation réelle d’un espace de communication symbolisée à autrui par les yeux rivés sur le sol, ou encore un regard fixe absent manifestant à l’intrus présent dans le champ une hostilité tacite ne pouvant qu’encourager l’autre à s’éclipser. Ce dispositif nous fait ainsi penser à la manière dont le lynx délimitait son territoire, dans les mythes explicatifs aux structures élémentaires de la parenté, décrits par Lévi-Strauss lors de ses conférences au Collège de France, à la différence près que le lynx urinait pour parfaire sa délimitation, alors qu’ici, il s’agit de processus de dissuasion par absence d’expression du regard (dans le sens du refus de la communication à l’égard d’autrui physiquement présent) avec un corps en mouvement, c’est-à-dire un repli sur soi et sur l’autre absent du champ de vision, qui renvoie au passant une sorte de clignotant, de signal de zone interdite au nom de la défense d’une intimité, d’une complicité avec l’interlocuteur, « l’autre » qui est « au bout du fil », qui ne supporte pas le partage. Ici la familiarité confère à l’étranger, non inclus dans l’intimité, son statut d’intrus et son exclusion temporaire, y compris de l’espace public entérinant un clivage entre l’individu qui communique et celui qui ne communique pas à l’aide de signaux qui accompagnent et spécifient cette bipolarité. On est loin alors des signes lancés par deux personnes qui se croisent sur un trottoir et qui interprètent la direction que chacun va prendre afin de ne pas se heurter, décrit par Goffman. Il s’agit plus alors d’expression de rapport de force et de mise à l’écart non pas de celui qui est en ligne, mais de celui qui est susceptible de faire irruption dans un espace public, temporairement individualisé, approprié. On peut qualifier ces faits de douce tyrannie identitaire sociale, qui plus est d’intimité paradoxale, (que nous définirions ainsi, par rapport à l’interaction en direct avec l’intrus), car engendrée par une société désormais aussi tournée vers l’échange à distance et surtout la recherche d’affirmation de soi quel que soit le contexte. Le « moi » et le « je » décrits par G.H. Mead, dans le sens des deux dimensions qui sont à l’origine du soi, entrant dans ce genre de situation, en collision si l’intimité n’est pas préservée par des stratégies d’intimidation qui engendrent une sociabilité paradoxale, elle-même génératrice d’une intimité paradoxale, car conquise dans l’hostilité avec un tiers, c’est-à-dire celui qui rode et/ou qui risque de pénétrer dans le territoire temporairement proscrit et de briser ainsi ou de compromettre l’intimité établie entre celui qui utilise le mobile dans l’espace public et l’autre au bout du fil.
L’émergence d’une nouvelle figure sociale : l’étranger/intrus
18Richard Ling qui étudie l’usage du téléphone mobile au restaurant [17] rend compte de la complexité de la situation, dans la mesure où il s’agit de combiner « l’appel téléphonique privé avec la conversation privée, qui oblige à jongler avec deux interactions parallèles ». Ces distorsions sociales qui peuvent être aussi induites par l’usage du fixe, dans d’autres contextes, certes, se renforcent nettement et prennent de nouveaux contours avec le mobile, y compris au restaurant et nous voulons renforcer notre argumentation concernant la définition de ce que nous appelons l’intimité paradoxale, en nous référant à nos interviews, qui permettent de mieux l’appréhender. Il est clair en effet, comme l’argumente avec force R. Linch, que « l’intrusion d’un appel sur un mobile menace la situation existante ».
19L’équilibre social dans l’espace public est plus ou moins perturbé par le tiers à l’autre bout du fil, celui-là même qui est invisible et dans le trio : – appelé, – appelant, – spectateur, que nous appelons l’aventurier, l’intrus, le témoin, il y en a toujours un au moins qui va se sentir mal à l’aise et la situation va engendrer ainsi une civilité paradoxale.
Dans une réunion à deux, c’est le troisième (celui qui téléphone), qui va emmerder le monde, casser l’ambiance. Quand on replace ça dans le cadre d’un groupe quel qu’il soit, que ce soit la rue, la société, n’importe quoi, dès que le téléphone sonne, c’est fatalement quelqu’un à part entière qui est à l’autre bout du fil et donc l’appareil, c’est comme si c’était une personne physique supplémentaire. Donc à partir de là, comme on discute avec cette personne en aparté, on n’a pas tellement envie que n’importe qui vienne écouter ce qu’on fait, ou, vice versa, envie d’embêter tout le monde avec la discussion qu’on a avec cette personne en aparté. Il y a fatalement une gêne réciproque qui s’installe avec le portable qu’il faut d’après moi essayer de réduire au maximum (H, 23 ans).
21A la question « est ce que toi tu ressens un sentiment de gêne à l’égard des autres quand tu téléphones ? », on notera que la réponse peut inverser la question.
Quand je téléphone beaucoup moins, je me sens beaucoup plus gênée quand les autres téléphonent que quand c’est moi qui téléphone, parce qu’en effet, on est accaparé par sa conversation, on se tourne… on pense à autre chose…
(F 21 ans).
23La gêne peut exister des deux côtés.
Je dirais que quand tu n’as pas le bon environnement voulu autour de toi, tu ne peux pas dire ce que tu veux. La nature du message a peu d’importance quand tu as suffisamment d’intimité pour parler, sauf quand c’est assez anodin et que tu es dans un bar, par exemple, le seul risque, c’est de gêner les gens et souvent je sors pour rappeler quelqu’un, je ne reste pas dans le bar…
Le risque en fait, c’est que tu peux ne plus faire attention aux autres si jamais on t’annonce un bon plan… Dès que t’es en relation avec quelqu’un et qu’on t’appelle, c’est un peu perturbant (H, 27 ans).
C’est plus facile d’appeler de chez soi que dans la rue ou dans un bus ou dans un bar… C’est moins facile pour avoir des conversations de fond…ça dépend du fait de pouvoir joindre les gens tout de suite ou pas… (H, 27 ans).
25La communication privée par le biais du portable suscite d’autant plus de levée de boucliers comme nous l’avons trouvé dans nos enquêtes, que l’étranger à l’intimité projette sur l’autre l’agressivité déclenchée par le sentiment auquel le renvoie son exclusion.
C’est probablement pour éviter (la gêne) que je ne veux pas me servir (du portable) dans les restaurants et tout ça… parce que les gens avec qui je suis ne doivent pas être amenés à me supporter à causer avec d’autres gens. Je me mets tout de suite à la place de l’autre personne qui pourrait se dire : ça va, j’ai une sale gueule, il veut pas causer avec moi, il cause avec son téléphone portable… (H, 23 ans).
27Ce qui corrobore le fait qu’une société de communication ne peut concevoir la convivialité entre ses membres que si ceux-ci sont suffisamment « épanouis », dans le sens d’un ajustement qui ne soit pas par trop conflictuel entre le je et le moi, sous peine de se sentir perpétuellement agressés, mal à l’aise. Dans nos enquêtes, il est clair que plus le lieu est intime à l’intérieur du public ou à l’intérieur du privé, plus l’intolérance à l’autre qui exclut, parce qu’il est « en ligne », est forte (bus, restaurant, cinéma, chez des amis…) Le son de la voix est perçu comme étant particulièrement problématique, comme le mentionne D. Linch [18]. Les jeunes que nous avons interviewés, ne manquent pas de le mentionner.
Les gens se rendent pas compte, mais ils parlent très très fort et tout ce qui se passe autour ne les intéresse plus, ils sont dans leur conversation, dans leur monde, et c’est presque une agression, une violation de…, de respect, d’espace, de ton, de volume (H, 23 ans).
29Une géographie de l’agacement, se dessine ainsi pour le seul motif de se voir réduit à un témoin passif et involontaire d’échanges verbaux, vocaux, pourtant, qui plus est souvent déclarés inintéressants et pour cause, car ils semblent avoir avant tout pour vocation d’exclure celui qui se projette tout en lui renvoyant son insignifiance, en lui signifiant son inexistence. Le témoin d’un échange est d’autant plus agacé que celui-ci est tronqué et qu’il ne doit pas paraître indiscret, alors même qu’il est, pour reprendre les propos de R. Ling, « contraint à une écoute clandestine ». Mais aussi selon nous, parce qu’il entre malgré lui, dans une zone de « haute tension », car l’utilisateur du portable doit lui aussi se contrôler, filtrer ses propres propos, d’autant plus qu’il peut être sollicité à l’autre bout du fil dans un registre très intimiste ou très dérangeant.
Quelquefois t’es en train de prendre un pot avec des copains, il y a ta mère qui t’appelle pour t’engueuler parce que t’as pas pensé à éteindre le linge, c’est pas le truc que t’a envie d’entendre, pour voir la tête de tout le monde, alors, c’est qui ? euh, là c’est la machine à laver !, alors ça dépend aussi de la personne (F1,21 ans).
31Ainsi il s’agit d’une intimité paradoxale qui peut amener à faire partager par bribe
Un minimum. Parce que sinon c’est toujours l’histoire des messes basses et pas de messes, sans curé, quand on est avec quelqu’un, on n’est pas avec quelqu’un d’autre… (F2,21 ans),
33ou encore qui pousse à éviter de perturber les autres.
J’essaie de ne pas monter le ton de ma voix, généralement, j’essaie de m’éloigner de façon à ne pas déranger les autres (F1,21 ans).
35Se ménager, ménager l’autre ou les autres ainsi que la personne qui est au bout du fil : il s’agit bien d’une dialectique à trois, alors même que chacun ne souscrit pas aux mêmes règles, puisqu’il s’agit à la fois de parler pour satisfaire aux exigences de communication avec l’autre en ligne et de se taire ou d’être le plus silencieux possible pour ne pas gêner les autres présents en situation de visu. Il s’agit bien d’une sociabilité et d’une intimité, paradoxales et on peut penser que la complexité et la dimension paradoxale seront susceptibles d’augmenter au fur et à mesure que les technologies de la communication se développeront. Anne Monjaret qui analyse les pratiques téléphoniques des cadres parisiens [19] chez eux ou au travail, évoque déjà « les relations paradoxales », à propos du téléphone fixe et la manière dont chacun « dispose de ressources pour gérer et réguler ses communications, respectant, détournant ou transgressant la norme collective dans un jeu de positionnement ». Avec le téléphone mobile, il n’est pas certain qu’il soit si facile de convenir de normes collectives susceptibles de réduire la dynamique paradoxale des interactions à trois. Il s’agirait alors d’un double paradoxe lié au fait que l’établissement de règles peut s’avérer trop complexe pour imposer des normes susceptibles de convenir à l’ensemble des situations, d’une part et, d’autre part, la notion de détournement peut elle-même disparaître au profit d’une tournure plus individuelle, aléatoire car plus référée à l’émotionnel, au stratagème et à une ritualisation clandestine.
Extension et limites de la joignabilité
36Pour les étudiants, la possibilité d’utiliser son portable à n’importe quelle heure du jour et de la nuit représente un plus qui accentue le sentiment de liberté, d’autonomie dans l’espace familial, puisque les autres (parents, frère, sœur, colatéraux…) peuvent ainsi ignorer de tels échanges dont ils ne sont plus avertis ou témoins.
37Je respecte les horaires habituelles de l’autre, c’est-à-dire pas avant 10 heures le matin et pas après 10 heures le soir, à moins que j’appelle sur un portable.
38Ça change parce que généralement les gens que j’appelle ce sont des amis, ce sont donc des amis qui pour la plupart vivent chez leurs parents, à partir du moment où c’est leur téléphone portable qui sonne, je ne brise pas l’intimité de la famille… Je ne viole pas l’intimité familiale (F1,21 ans).
39De plus, le sentiment de pouvoir transgresser les normes d’usage sans se préoccuper des horaires pour appeler ajoute au plaisir des échanges. C’est aussi cette liberté qui peut freiner les parents pour en offrir un à leurs enfants, car ils échappent à leur contrôle. Les échanges à des heures illicites impliquent cependant des précautions d’usage, à savoir, que ceux avec qui l’on cherche à communiquer aient eux aussi un portable et que l’on connaisse leurs modalités d’utilisation. On sent bien à quel point l’usage du portable renvoie à des normes d’utilisation qu’il s’agit d’affiner en fonction des exigences du groupe d’appartenance et ou d’affinité et correspond à des repères de sociabilité qui sont très dépendants des réseaux qui entourent et définissent chacun. Ainsi, Joël (28 ans) appelle, car il sait que si l’autre ne veut pas recevoir de coup de fil si tardif, il aura éteint son portable. Ces précautions peuvent ainsi contribuer dans ce cas à garantir l’authenticité des échanges, à préserver le capital émotionnel, un ensemble d’éléments jugés précieux dans la hiérarchie des valeurs des jeunes générations et des étudiants préoccupés d’affirmation identitaire. Ce sentiment de disposer ainsi « d’horaire sans limite » (Olivier, 23 ans), constitue une nouvelle donne très appréciable et ce d’autant plus que la dépendance par rapport aux parents est encore bien réelle (sous l’angle financier, mais aussi car on partage encore le même espace familial…).
Une ligne à soi
40C’est aussi l’idée que l’intimité avec l’autre peut être renforcée, car personne d’autre ne risque d’intercepter les échanges, comparativement à ce qui pouvait se passer lorsqu’on ne disposait que d’un appareil, annexe à la ligne familiale. En effet, avoir un portable est décrit par les étudiants interrogés comme la possibilité d’avoir « sa » ligne, c’est-à-dire à soi. Même si il s’agit pour des étudiants d’être joints par la famille, ou de joindre la famille. Sujet sur lesquels ils ne s’étendent pas. Ils reconnaissent cependant qu’ils échangent souvent avec un frère ou une sœur, « car celui-ci » (Aurélie, 23 ans), ou « celle là » (Stéphane, 24 ans), appartient à la même « bande d’amis ».
41Avoir un mobile, c’est avoir sa ligne dans le sens où il s’agit d’une possibilité d’avoir son autonomie et de se sentir individualisé par « un numéro nominatif », (Aurélien, 22 ans). On se trouve bien ainsi dans la configuration décrite par J.-P. Heurtin, à savoir que « le téléphone mobile permet aux jeunes de se détacher du cocon familial, et donc de manifester une relative indépendance [20] ». On peut même ajouter qu’il peut accompagner un cheminement personnel dans le sens d’un déploiement de l’autonomie psychique.
Une générosité pratiquement illimitée mais non dépourvue de méfiance
42Avoir sa ligne et pouvoir donner son numéro sans compter, caractérise ces étudiants. En effet, ils sont très peu sélectifs et très prolixes dans l’art de donner leur coordonnée somme toute, très personnelle, comme si la situation de transition dans laquelle ils sont engagés et qui se traduit par une dialectique accrue entre dépendance et autonomie accentuait leur besoin d’ouverture, leur envie de saisir des opportunités, la peur de rater une occasion. Surtout quand l’acquisition du portable est légitimée par la recherche d’un stage, d’un emploi, ou le motif de pouvoir être joint, dans le cadre d’un travail qu’ils effectuent en plus de leurs études. Ils n’hésitent pas à mettre leur numéro de portable, sur leur curriculum vitae (Romain, 20 ans) ; Sur le répondeur :
Il est sur mon répondeur (du téléphone fixe) et je comprends pas que les gens qui ont un répondeur ne mettent pas leur numéro de portable dessus et s’ils ne veulent pas être dérangés, ils peuvent l’éteindre…je trouve que c’est une bonne idée de coupler portable et fixe… (H, 27 ans).
44Mais de même qu’on ne donne pas son numéro de fixe à n’importe qui, on ne donne pas son numéro de portable, pourtant…
A des mecs très lourds, je vais pas le donner… Mais je ne vais pas non plus donner mon numéro de fixe… ils peuvent le trouver dans l’annuaire, mais les personnes que je trouve susceptible de me prendre la tête, je ne vais pas leur donner, sauf s’ils appellent mon répondeur chez moi, mais je me dis que pour toutes les personnes cool qui peuvent m’appeler, ça vaut le coup de le mettre, (H, 27 ans).
46Pourtant, le fait qu’il s’agisse « d’un outil assez personnel, intime », entraîne qu’on « ne le file pas à n’importe qui » (H, 23 ans).
Appeler, être appelé : à chacun ses responsabilités
47D’emblée, les étudiants, situent l’utilité et l’usage du portable dans le cadre de l’interaction, c’est-à-dire de la possibilité d’appeler, d’être appelé. C’est la notion de responsabilité qui prime et se renforce avec l’usage du mobile, étant donnée la liberté que son usage autorise. S’il s’agit d’assumer ses propres responsabilités en jouant avec la flexibilité des horaires que son usage autorise, on sollicitera aussi la responsabilité de la personne qu’on appelle et c’est une manière de se décharger de la gêne que l’on peut éprouver si l’on téléphone à mauvais escient.
Lui éventuellement se fera engueuler parce qu’il n’a pas pensé à éteindre son portable alors que les parents lui avait expressément demandé (F, 21 ans).
49L’horaire de l’appel n’en est pas moins mis au point
ah ben oui, j’ai un dîner, (je vais dire) : je peux pas être joignable avant 10 heures 1/2, pas de problème tu m’appelles sur mon portable.
51A la question te sens-tu à la merci de certaines personnes ?
Ça arrive, mais je ne peux le reprocher qu’à moi-même. C’est moi qui n’ai pas éteint mon portable…
53Des jeunes femmes (Cécilia 23 ans), (Laure 23 ans), étudiantes, éprouvent des réticences à l’idée d’être appelées et s’en servent surtout pour appeler.
54Flexibilité et culture « de situation » : des nouvelles unités de temps, de lieux. De nouvelles formes de relations, de traces d’existence, d’émotions, de « petits riens » au quotidien…
55Le portable, c’est la communication inscrite dans l’intimité (n’est-il pas comparé à une sorte de « prothèse communicante », faisant presque partie du corps, par Marc Guillaume [21] ?), avec la référence à la proximité existentielle immédiate, aux petits riens du quotidien, aux humeurs liées précisément à la situation vécue dans l’instant, qui permet d’exprimer ses émotions en direct. Zarifian [22] met l’accent, lors d’une consultation d’experts sur la téléphonie mobile organisée par Motorola, sur le fait que le mobile réhabilite le langage des émotions, « la parole perdue » Heurtin [23], évoque le fait que : « La caractéristique principale du téléphone mobile n’est ainsi pas tant son caractère ‘portable’, que la capacité qu’il introduit d’une communication personnelle. » Nous allons dans ce sens, en ajoutant qu’il s’agit de ce que nous appelons : « une culture de situation », qui intègre la dimension personnelle, émotionnelle, sensible, mais aussi dans le sens où elle est adaptée à la situation qui accompagne l’usage du mobile et de son utilisateur. Sorte de convergence entre ce que Kiesler [24], appelle la mobilité et la flexibilité des individus et la référence faite par J.-P. Heurtin à la communication personnelle, à laquelle nous ajoutons la notion du vécu retransmis en direct quelle que soit son importance. L’important étant alors de pouvoir parler avec un interlocuteur choisi, de sa situation immédiate.
Avant, quand je faisais la queue derrière une cabine, il fallait que je sois motivé, que j’aie vraiment un truc important à dire. Bon là comme c’est facile, on l’a dans la poche, on le sort, on compose le numéro d’un pote :
Allô !, ça va, je fais rien…
Si je m’en sers, c’est pour prévenir, genre : je suis à la bourre, j’arrive, quand je suis en déplacement ou pour demander un truc. Je suis assez bref et je ne m’étend pas trop, sauf quand j’ai du temps à tuer, mais si j’appelle avec un but bien précis, je ne vais pas m’éterniser (H, 23 ans).
Les communications où tu racontes ta vie, je ne les passe pas avec mon portable… pour moi, le portable n’est pas fait pour ça (H, 27 ans).
57Le portable c’est rendre l’autre témoin de ce qu’on fait, de l’endroit où l’on est. Même si se localiser ne concerne pas tous les échanges.
La situation géographique, oui, c’est important, pas tellement chez les jeunes, mais chez les plus âgés. Mes parents, c’est systématique : t’es où ?
(F, 21 ans).
59L’usage du portable intensifie du fait qu’il s’inscrit dans une culture de situation, la fréquence des relations avec les personnes proches, les amis que l’on voit souvent
Si j’ai un cours qui s’annule, j’ai envie de déjeuner avec une copine. Je sais que si je l’appelle chez elle, comme je sais qu’elle n’est pas de retour avant 17 heures, c’est pas la peine. Avec le portable, c’est possible. Ce n’est pas l’intensification des relations, mais la fréquence (F, 21 ans).
61La dimension intrusive du portable liée au fait qu’il suit la personne dans ses déplacements, qu’il en est au plus proche, favorise aussi les réflexes défensifs, tels que le mensonge.
Quand j’ai eu mon portable à 17 ans, comme j’habitais au-dessus de chez ma mère et j’avais découché … quand elle m’a téléphoné en disant il est 7h 1/2, il est temps de se lever pour aller en cours…, oui, oui, j’arrive…, je dors encore 1/4 d’heure… (F, 21 ans).
63Mais il favorise aussi les mesures de précaution.
J’ai tendance à appeler différemment. (Sur un fixe), je sais que les gens sont chez eux, tandis que sur un portable, ils peuvent être n’importe où. C’est vrai qu’il y a plus de questions quand j’appelle sur un portable : t’es où, qu’est-ce que tu fais, je te dérange, tu veux que je te rappelle plus tard ? Je vais très vite, prendre des nouvelles de l’autre pour savoir si le coup de fil est inopportun ou non. Sur un fixe, il y a moins de chance (F, 21 ans).
65La variable apprentissage revêt selon nous toute son importance et accompagne à la fois, le processus d’autonomisation des jeunes mais aussi leur socialisation, car l’individu est obligé de se plier à « une logique d’intégration », « une logique d’utilisation », « une logique critique », comme le décrit Francis Jauréguiberry [25]. Chacun est amené aussi à utiliser le portable en recourant à des ruses, et ce d’autant plus que c’est un instrument qui accompagne le vécu individuel, en vue de sélectionner les appels que l’on reçoit. Elles se révèlent parfois difficiles, même si il s’agit de pratiques usitées ou alors justement, parce que chacun y a recours :
Maintenant, tout le monde commence à comprendre comment ça fonctionne, donc il faut refuser l’appel assez rapidement parce que sinon, ça sonne, ça sonne, ça sonne, la personne laisse pas de message et réessaie. Donc, il faut vraiment réagir, surtout que les gens le savent, si jamais il y a deux sonneries et que ça passe sur la messagerie vocale, la personne peut s’interroger et se dire est-ce que la personne a su que j’appelais et donc a refusé l’appel. Ça peut provoquer des quiproquos (F, 21 ans).
67L’usage du mobile varie avec l’humeur, les activités, l’emploi du temps, les lieux, le bruit, la densité de population, de voiture (embouteillage), le planning, les activités à venir, les déplacements…Il s’agit d’échanges que l’on peut référer à une culture de situation, qui convient d’autant plus aux jeunes, car en mouvement, en action, en contacts, à l’affût.
Quand j’ai des infos de dernière minute à passer à des amis ou à qui que ce soit, j’ai un portable. Quand il faut que j’obtienne une information et que je me mets vainement à la recherche d’une cabine, bon, c’est quelque chose qui ne m’arrive plus depuis. Je suis content d’avoir un portable. D’autant plus que je vois que les cabines ne désemplissent pas… (H, 23 ans).
69Aussi est-il souvent allumé chez les étudiants qui se présentent généralement comme étant en attente et à la recherche des opportunités, car il s’agit de
ne pas louper quelque chose… de recevoir un maximum d’informations… un plan d’action pour la soirée, un code, un renseignement (F, 21 ans).
71Le comportement des étudiants est très significatif dans ce sens, s’opposant à l’usage exclusif « en cas de pépin » ou « pour être dépannées » ou dans le cadre d’un planning plutôt dépourvu d’imprévu.
72L’usage du portable redessine autrement les frontières entre le privé, le public et la notion d’intimité. Pour Chantal de Gournay [26], le mobile « devient une arme pour trouver sa place, pour inventer son territoire ». Ce qui compte au regard de nos interviewés, c’est de fait la propension de l’individu à communiquer en fonction des situations qu’il vit dans l’instant. Le comportement apparaît alors volontariste, certes, mais relève aussi d’un principe d’immédiateté, une sorte de comportement pulsionnel socialisé. L’utilisation des lieux, de l’environnement, semble faite dans ce sens. Un détournement s’effectue ainsi à seule fin de pouvoir communiquer. Il s’agit certes du « révélateur d’urbanité » décrit par F Jauréguiberry [27], mais apprivoisé selon chacun.
Dans la rue c’est plus facile, les gens ne t’endentent pas trop… donc tu parles normalement (H, 27 ans).
Ce que je veux absolument quand j’utilise mon portable, c’est être isolé.
C’est-à-dire quand je marche, j’estime que je suis isolé, il n’y a personne qui me suit, qui est suffisamment proche de moi pour écouter ce que je dis. Il n’y a rien qui m’indispose plus que de savoir qu’on écoute mes communications, par exemple dans le RER, quand le RER est aérien, je débranche mon portable, parce que je n’ai pas envie qu’on m’emmerde. Je n’ai surtout pas envie, dans le wagon, d’être là : bonjour, ça va, là j’arrive à la station machin… (H, 23 ans).
Je vais pas appeler du bus, je trouve que c’est trop confiné comme endroit, c’est pas très cool… » « Au cinéma je l’éteins systématiquement, parce que ça craint, ça fait pas très sérieux…une fois j’ai vu quelqu’un qui a répondu…
et qui a parlé, tranquille, pendant cinq minutes, alors que tout le monde gueulait : ça suffit (H, 27 ans).
74L’usage du mobile redessine non seulement les frontières entre le public et le privé, mais aussi le rapport à l’espace, comme nous le montre les différents dessins retraçant l’utilisation du portable. On assiste à un clivage entre les lieux où on l’utilise et où on ne l’utilise pas… Chacun compose sa version géographique de l’usage qu’il en fait. On voit aussi que la communication ne saurait attendre, comme par exemple, en voiture, même si c’est interdit… Le besoin de communiquer ne supporte pas toujours d’être différé et on tient là, la clé explicative aux différences de tolérance qui existent à l’usage du portable selon que l’on est un utilisateur ou pas. L’utilisation d’un portable se fait de fait quand on a déjà été témoin d’autres utilisateurs. La personne sang gêne dont la voix porte et les propos sont ridicules constitue l’antimodèle ou si l’on préfère un modèle repoussoir et pour son usage personnel on va essayer de ne pas faire ce qu’il ne faut pas faire, de ne pas dire ce qu’il ne faut pas dire. Là encore nous retrouvons la théorie de E. Goffman [28], concernant la conversation, mais il s’agit aussi de fait d’une complexification du contexte et de la situation elle-même, de communication, dans le sens des préoccupations inhérentes au fait du trio que nous avons décrit plus haut, de la civilité paradoxale inhérente au portable et de l’intimité paradoxale. Le portable engendre et c’est encore un aspect paradoxal qui caractérise son usage, une réflexivité, par observation et jugement à l’égard du comportement d’autrui, en situation, en même temps qu’il permet l’immédiateté, l’émotionnel et la communication in situ. L’usage du portable pousse à un mouvement contraire car fait d’échange pulsionnel et de retenue. Son utilisation s’inscrit dans une dynamique caractérisée par l’ambivalence. On se libère en même temps qu’on doit faire preuve d’adaptation. Les récits concernant l’utilisation du portable par les autres en témoignent. Il y a une intériorisation des normes par le biais d’observation d’autrui. Le fait d’avoir parfois à déroger à la règle engendre une tolérance aux autres, ce qui n’empêche pas pour autant que l’on réévalue les comportements d’autrui en fonction des principes qui guident les conduites personnelles. Chaque possesseur de portable interviewé rend compte ainsi de ses conduites d’apprentissage. On se décrit soi-même comme ne parlant « pas trop fort », « on sort pour ne pas gêner », « on module la sonnerie », « on ne l’utilise pas partout », « pas dans le bus », « pas au restaurant », « pas au cinéma », « pas en cours », « pas dans une boulangerie, pour ne pas gêner, ne pas faire attendre ». On observe ainsi des normes d’usage, qui constituent des principes de civilité. On évoque aussi l’instinct.
Ça devrait être instinctif de ne pas gueuler par exemple, alors qu’il y a du monde autour de toi. On oublie un peu les principes de base sociaux avec le portable et je trouve ça bizarre, étrange… comme des personnes très clean qui vont oublier des règles de vie en société (H, 27 ans).
76C’est aussi l’idée que l’on peut secourir avec un portable et donc rendre service aux autres, c’est-à-dire à ceux qui sont en danger, c’est-à-dire dont la vie privée, intime est mise à mal. Dans ce cas, les interviewés le prêtent, alors même qu’ils ne sont pas enclins à le prêter, en général.
Un objet familier car identitaire et donc émotionnel
77Le portable est défini comme un objet familier. Mais ce qui lui donne son attrait, c’est l’usage qu’on en fait et le fait qu’il accompagne les faits et gestes au plus près de la réalité personnelle, au cœur du quotidien, sans qu’il s’agisse toutefois d’objectif fatalement utilitaire, bien au contraire, le côté « pour rien » ou « pour un rien », importe d’autant. A la question où préfères-tu appeler ?, les réponses vont dans ce sens.
78Dans la rue, parce que ça tient compagnie. Quand on a un trajet à faire à pied.
79Aussi quand j’attends quelqu’un… Par moment, je passe un coup de fil comme ça, je n’ai rien à raconter, mais c’est juste pour causer, en attendant.
80(H, 23 ans).
81C’est aussi l’agréable surprise de recevoir des messages. Ceux qui font le
plus plaisir :
N’importe où, dans la rue, au bureau, la plupart du temps, je suis dans la rue
ou le soir, de sortie avec des amis… ça peut être Delphine, pour dire des
choses gentilles… Le fait est qu’il y a une autre manière de l’utiliser. On
utilise les téléphones, Delphine et moi, d’une manière un peu différente en
s’envoyant des messages plutôt que de se passer un coup de fil. Les
messages, c’est comme si on recevait un petit mail sur le téléphone
(H, 23 ans).
82L’intensité émotionnelle est loin d’être en reste, avec le portable.
83Quand j’ai trouvé du boulot, je l’ai appris sur mon portable, à cette époque-là, je glandais un peu, ça faisait un mois et demi que j’avais fini la fac, j’attendais un peu des nouvelles là dessus, je commençais à bien stresser pour les stages que j’arrivais pas à trouver et j’étais au salon du Bourget que je visitais alors que je faisais mon service dans le civil et au retour dans le car, coup de fil : bon écoute, c’est bon il n’y a pas de problème tu es engagé.
84Donc j’ai raccroché et je l’ai dit autour de moi, ça y est j’ai trouvé du boulot, c’est hyper cool ! C’était en fin d’après-midi, vers 4-5 heures. (H,27 ans)
Conclusion
85Le téléphone portable, parce qu’il est objet de négociation entre les parents et les étudiants qui résident à la maison et parce qu’il libère chacun de certaines contraintes tout en préservant l’individualité des étudiants et en favorisant la tranquillité des parents, constitue un véritable support d’accompagnement dans la prise d’autonomie de ces jeunes qui l’utilisent en fonction de leurs besoins et de leur stratégie d’affirmation, d’autonomisation. Il constitue un objet accompagnant un passage dans le sens de la prise d’autonomie à l’égard des membres de la famille, favorisant les échanges avec les gens qui sont dans la même situation que soit.
86Il joue un rôle de transition dans le sens d’un objet facilitant la gestion : autonomie, dépendance, entre les générations vivant sous le même toit et favorisant de fait – la cohabitation –, car il permet de lever des obstacles qui auraient pu s’avérer rédhibitoire et pousser les jeunes à partir de chez eux ; il peut être perçu dans ce sens comme un des facteur accompagnant la prolongation de la cohabitation avec les générations qui n’ont pas véritablement de motif de partir de chez elles, puisque l’usage du portable leur permet une part d’autonomie tout en libérant les générations plus âgées. Le portable permet aux jeunes de déployer leur sociabilité et d’entretenir leur réseau d’amitié, en même temps que de bénéficier d’ouverture, avec le fait que l’usage du portable correspond à une culture de situation qui accompagne la mobilité, la flexibilité, la curiosité, la recherche d’opportunités… il s’inscrit dans la culture du sujet, accompagnant et faisant écho au besoin d’expression individuelle spontanée, émotionnelle, caractéristique des étudiants. De plus, l’intimité paradoxale que confère l’usage du portable dans l’espace public, ou l’espace semi-public, semi-privé, reflète bien l’ambivalence des situations de communication, car au cœur de la dialectique entre la recherche d’affirmation individuelle identitaire et d’intégration dans le sens d’adaptation et de lien social. En même temps, le portable peut se substituer au fixe et permettre ainsi l’affirmation identitaire dans l’univers familial. L’épreuve du portable consiste alors à savoir comment gérer cette communication que nous définissons comme une culture de situation, comment se situer par rapport à ce que nous qualifions d’intimité paradoxale et aussi venir à bout du butoir que représente le forfait, pour les étudiants, c’est-à-dire contrôler son budget, son flux d’échanges téléphoniques, afin d’éviter les problèmes et les conflits avec les parents qui financent, que ce soit sous forme d’argent de poche ou de forfait alloué pour les dépenses en communication. Sujet de conflit qui concentre l’ensemble des problèmes liés aux difficultés que les jeunes éprouvent à s’autonomiser. Nous sommes bien dans une société complexe où se juxtapose problème identitaire et relationnel, symbolisé par la dialectique qui caractérise les interactions entre ceux que nous appelons l’aventurier, l’intrus et le témoin, et ce d’autant plus que le sujet est jeune et dépendant de ses parents, comme les étudiants de notre enquête pour qui il s’agit de combiner rites de passage, rites d’intégration, stratégies d’apprentissage et stratégies d’affirmation.
Bibliographie
RÉFÉRENCES
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Notes
-
[1]
LICOPPE et HEURTIN, 2001.
-
[2]
LICOPPE, 2002.
-
[3]
LING, 2002.
-
[4]
GREEN, 2002.
-
[5]
Population d’étudiants interviewés par entretiens semi-directifs très approfondis :
-
[6]
Cette étude a pu être réalisée grâce à un financement CNRS. Que Patrice Flichy, Dominique Pasquier, qui m’ont sollicités pour m’associer à leur projet d’étude, soient ici remerciés, mais aussi Jean-Philippe Heurtin qui m’a fait part de son expérience de recherche sur le portable, pour élaborer mon guide d’entretien. Nos remerciements s’adressent aussi à Yvonne Pozo qui a participé à notre groupe de recherche, ainsi qu’aux étudiants François Bernard, Olivia Scenama, Amel Kouza, Arnaud Martin, Laure Morisset, Christian Roux qui ont participé à notre groupe de recherche et ont fait passer des entretiens et ont collaboré aux observations in situ.
-
[7]
FIZE, 1997.
-
[8]
PERIN, 1996.
-
[9]
MANCERON, 1997.
-
[10]
THERY 1993 ; DE SINGLY, 1996 ; CASTELAIN-MEUNIER, 1998.
-
[11]
CASTELAIN-MEUNIER, 1997.
-
[12]
CALOGIROU et ANDRE, 1997.
-
[13]
ROBSON, 1994.
-
[14]
HEURTIN, 1998.
-
[15]
KAUFFMANN, 2001.
-
[16]
GOFFMAN, 1973.
-
[17]
LING, 1998.
-
[18]
LING, 1998.
-
[19]
MONJARET, 1997.
-
[20]
HEURTIN, 1998.
-
[21]
GUILLAUME, 1994.
-
[22]
ZARIFIAN, 1998.
-
[23]
HEURTIN, 1998.
-
[24]
KIESLER, cité par KATZ et ASPDEN, 1998.
-
[25]
JAUREGUIBERRY, 1998.
-
[26]
DE GOURNAY, 1994.
-
[27]
JAUREGUIBERRY, 1998.
-
[28]
GOFFMAN, 1997.