Notes
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[1]
Structure de propriété (propriété managériale, propriété institutionnelle, possession d’actions par les blocs de contrôle, existence de blocs de contrôle), Conseil d’administration (indépendance du conseil d’administration, absence de la structure dualiste, respect de la taille du conseil exigé par le code belge des sociétés commerciales, diligence du conseil, et ancienneté du directeur financier), Comité d’audit (indépendance, taille, expertise et diligence)
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[2]
Les résultats sont disponibles sur demande.
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[3]
Propriété institutionnelle, concentration de propriété, indépendance du conseil d’administration, sa taille, ancienneté du directeur financier, indépendance du comité d’audit, sa taille et son expertise.
Il est à noter que la concentration de propriété est la possession d’actions par les blocs de contrôle mesurée par la part détenue par les actionnaires ayant individuellement au moins 20% dans le capital. La concentration de propriété est aussi mesurée par une variable binaire qui est égale à 1 dans le cas d’existence de blocs de contrôle (≥20%) et 0 autrement. -
[4]
Les cinq attributs qui composent l’indice de la qualité d’audit sont : l’appartenance de l’auditeur aux Big 4, le co-commissariat, l’appartenance du co-commissaire aux Big 4, les honoraires de l’auditeur et la durée du mandat de l’auditeur (Gana et Lajmi, 2013b).
1 – Introduction
1L’audit externe joue un rôle important dans le marché financier en assurant aux utilisateurs, des états financiers conformes aux normes comptables. Dès lors, l’étude des déterminants d’un audit de qualité devient un thème qui revêt de l’importance pour les utilisateurs des états financiers. D’un point de vue théorique, Titman et Trueman (1986) avancent qu’un audit de bonne qualité produit une information précise de la valeur de l’entreprise. Palmrose (1988) définit la qualité de l’audit externe comme étant la probabilité que les états financiers soient dépourvus de toute déclaration erronée. Ainsi, l’objectif principal de l’audit externe est de fournir l’assurance que les états financiers sont crédibles.
2L’intérêt principal des recherches antérieures (Lajmi et Gana, 2012, 2013a, 2013b) était de repérer les déterminants de la qualité de l’audit externe en Belgique, pays où les institutions diffèrent clairement de celles des environnements anglo-saxons qui ont fait l’objet de la plupart des recherches. Ces études ont voulu expliquer l’impact des caractéristiques de gouvernance, prises de manière séparée, sur la qualité de l’audit externe. Les mécanismes internes de gouvernance sont décrits à travers trois dimensions. La première se réfère à la structure de propriété. La deuxième concerne le conseil d’administration qui est considéré comme le principal organe de contrôle interne au sein de l’entreprise. La troisième caractéristique de la gouvernance des entreprises belges est le comité d’audit dont l’instauration est rendu obligatoire, en Belgique, par la loi du 17-12-2008 au sein de toutes les entreprises cotées.
3En effet, le premier objectif était d’examiner l’impact de la structure de propriété sur la qualité de l’audit (Lajmi et Gana, 2012). Dans un travail ultérieur, la relation entre le conseil d’administration et la qualité de l’audit externe était analysée (Lajmi et Gana, 2013a). Ainsi, les caractéristiques du conseil d’administration communément considérées étaient l’indépendance du conseil, la structure dualiste du conseil, sa taille et sa diligence. Dans la dernière recherche menée dans ce cadre (Lajmi et Gana, 2013b), les auteurs ont étudié le rôle que peut jouer le comité d’audit dans le choix de l’auditeur.
4Toutefois, les résultats empiriques obtenus de ces études antérieures étaient mitigés quant aux effets de complémentarité ou de substitution entre ces mécanismes.
5L’objectif de la présente étude est d’étendre cette lignée de travaux relativement récents et d’examiner, à travers les fondements de la théorie de l’agence et de la théorie néo-institutionnelle, la relation entre la qualité des caractéristiques de la gouvernance considérées de façon simultanée et la qualité de l’audit externe. Concrètement nous nous intéressons spécifiquement, au niveau de cette recherche, à l’étude de la relation entre la conformité au code de bonnes pratiques de gouvernance approchée par un indice global de gouvernance et la qualité de l’audit externe, dans le cadre du contexte belge.
6Le marché belge est choisi comme contexte de référence parce qu’il a connu une vague de réformes relatives, à la fois, à la gouvernance et à l’audit. Le code Lippens a été publié en 2005, suite aux différents scandales financiers qu’a connus le monde économique à partir de 2001 notamment celui d’Enron en Amérique et l’affaire de Lernout & Hauspie en Belgique, et a été remplacé, après, par le code belge de gouvernance d’entreprise, en 2009. Ce code est une bonne référence aux entreprises et permet de les inciter à améliorer leurs pratiques de bonne gouvernance. En 2010, l’application du code de 2009 est exigée selon le § 2 de l’article 96 du code des sociétés, dans le but de créer une réelle assise sociale autour d’un guide unique.
7Le contexte belge a connu, par ailleurs, une refonte des mécanismes de contrôle. Concernant l’audit externe, la loi du 01-08-2002 interdit au commissaire aux comptes d’accepter certaines missions mettant en péril son indépendance dans l’exercice de sa fonction. La loi du 23/12/2005 apporte une nouvelle réglementation sur la transparence des honoraires d’audit. En outre, le marché belge est différent du contexte anglo-saxon par l’absence des litiges entre les auditeurs et leurs clients, ce qui incite les deux parties à nouer des relations d’amitié mettant en cause l’indépendance des auditeurs.
8Nous étudions donc, dans le cadre de cette recherche, le marché d’audit belge au sein duquel les événements récents, notamment, les scandales financiers, offrent un cadre adéquat pour examiner l’effet de la gouvernance sur la qualité de l’audit externe. De plus, la Belgique est caractérisée par une concentration de propriété, caractéristique des pays européens. Selon Boutillier et al. (2002), en Belgique, le plus gros actionnaire possède, en moyenne, environ la moitié du capital. C’est ce que confirment aussi La Porta et al. (1998), selon qui ce pays est marqué par une concentration d’actionnariat et par une faible protection des actionnaires en comparaison aux pays anglo-saxons.
9Par ailleurs, très peu d’études se sont penchées sur l’étude de ce contexte. Notre objectif est donc d’examiner l’impact du respect du code belge de bonnes pratiques de gouvernance sur la qualité de l’audit externe en nous inspirant, principalement, de la théorie de l’agence (Jensen et Meckling, 1976). En effet, selon cette théorie, les mécanismes internes de gouvernance sont censés réduire les divergences d’intérêts entre les acteurs de la firme. L’audit externe est aussi considéré comme étant un mécanisme de contrôle et de gouvernance.
10Pour atteindre notre objectif, l’approche pratique se focalise sur les tests empiriques, dans les entreprises belges cotées, permettant d’expliquer l’impact des mécanismes de gouvernance, considérés comme un tout indissociable, sur la qualité d’audit externe approché par un indice composite. La construction de l’indice de gouvernance traduit la volonté des entreprises belges à mettre en œuvre l’ensemble des pratiques de bonne gouvernance tel que stipulé dans le code de gouvernance 2009.
2 – Gouvernance d’entreprise et qualité de l’audit externe : revue de la littérature
11La mise en place des codes de gouvernance a pour principal objet une meilleure gestion et une réconciliation des intérêts divergents au sein de l’entreprise. Ces codes visent un meilleur contrôle des règles comptables des sociétés cotées stipulant, par ailleurs, des pratiques de bonne gouvernance se rapportant aux conseils d’administration ou aux comités d’audit. Dans ce sens, la finalité du code Lippens (2005) suivi par le code belge de gouvernance d’entreprises (2009), est d’aider à la création de la valeur à long terme pour tous les stakeholers. Ces codes, complémentaires à la législation belge, définissent la gouvernance d’entreprise comme un ensemble de règles en fonction desquelles les entreprises sont gérées et contrôlées. Une bonne gouvernance d’entreprise réalise son objectif, en instituant un équilibre entre la performance et la conformité à ces règles. Elle prône aussi un audit externe de qualité. Néanmoins, certaines recherches empiriques démarrant avec les études de Williamson (1983) ont plutôt mis en exergue une relation de substitution entre les mécanismes internes décrits par la structure de propriété et le conseil d’administration, par exemple, et l’audit externe.
12En ce sens, les recherches antérieures relatives à l’examen de la qualité de l’audit externe ont pris différentes orientations théoriques et visions méthodologiques. Au début, l’attention est portée sur l’investigation du comportement des firmes concernant la qualité de l’audit externe en se focalisant sur les caractéristiques spécifiques des entreprises notamment la taille des firmes auditées, leur performance et la complexité de leurs opérations. Simunic (1980) prétend que les études relatives à ce sujet seront améliorées si des caractéristiques de gouvernance étaient prises en considération. Dans notre étude, nous avons retenu les orientations découlant aussi bien des contextes anglo-saxons qu’européens. Ces orientations se focalisent sur les relations entre les composantes de gouvernance d’entreprise et la qualité de l’audit externe. L’idée de la présente étude est de fournir une méthode à vocation novatrice approchant la qualité de l’audit externe : il s’agit de composer un score multi-items. Nous essayons aussi de déterminer les facteurs ayant un impact sur la qualité de l’audit externe en considérant la qualité globale de gouvernance d’entreprise.
13Depuis l’accroissement de la divulgation d’états financiers manipulés, le débat incessant sur la gouvernance d’entreprise et les lois nouvellement adoptées, visant à rétablir la confiance des investisseurs, ont eu des effets sur la pratique de l’audit externe. En fait, le nombre de faillites de certaines sociétés cotées à l’instar d’Enron 2001, a crée une véritable crise de confiance sur le plan international. La disparition du groupe « Andersen », qui a été à un moment donné, une des entités de renommée composant le réseau international Big, pose le problème du choix de l’auditeur. En Belgique, l’affaire de Lernout & Hauspie (L&H) constitue une autre preuve de la remise en cause de la profession de l’audit légal. Cette entreprise, leader dans le secteur des technologies, a fait faillite en 2001. Le cas de cette firme belge traduit le comportement des dirigeants qui privilégient leurs propres intérêts au détriment de celui de l’objectif de la maximisation de la performance de la firme (Finet et al., 2005). Cette situation a remis en cause certaines responsabilités, notamment, celles du commissaire aux comptes.
14Dans ce cadre, plusieurs recherches ont essayé d’apporter des mesures adéquates de la qualité d’audit externe. Celle-ci a été mesurée soit à travers les qualités indépendance-compétence de l’auditeur (DeAngelo, 1981) soit en examinant le processus d’audit (Sutton, 1993). Néanmoins, il y a certaines difficultés pour apprécier cette qualité, puisqu’il s’agit d’une variable qui n’est pas directement observée. Certains travaux antérieurs ont proposé des mesures approximatives ou des substituts de la qualité de l’audit. En conséquence, la majorité de ces recherches s’appuie sur des approches d’évaluation indirecte de la qualité d’audit externe. Le critère le plus couramment utilisé au niveau des recherches est l’appartenance de l’auditeur au groupe des plus grands réseaux internationaux, communément appelé Big (DeAngelo, 1981 ; Defond, 1992). Ces cabinets possèdent des compétences tant humaines que matérielles qui leurs permettent de garantir la qualité de l’information financière et comptable des firmes auditées (Francis et al., 1999). Le scandale financier d’Enron nous amène toutefois à limiter la portée de l’appartenance au réseau Big comme critère renseignant sur la qualité d’audit, même si ce proxy est encore utilisé dans des travaux très récents (Persakis et Iatridis, 2016, Dakhlaoui et al. 2017). En effet, les auditeurs appartenant à l’un des réseaux Big sont plus enclins à protéger leur réputation en fournissant un service de qualité, car ils sont les plus connus sur le marché des auditeurs et la qualité de leur service touche directement leur réputation. Palmrose (1988) utilise les honoraires perçus par les auditeurs comme proxy de la qualité d’audit externe. En ce sens, un contrôle approfondi des comptes de l’entreprise, nécessite de faire appel à des auditeurs qualifiés et requiert plus de temps, ce qui ultimement se traduit par des honoraires d’audit plus élevés. Des travaux comme celui de Hay et al. (2008) signalent que les honoraires d’audit reflètent les coûts associés aux auditeurs efficaces. Selon la théorie de l’agence, la publication des honoraires permet de réduire les coûts d’agence et d’améliorer la transparence financière. Une autre mesure de la qualité d’audit est signalée dans la littérature, il s’agit de la durée du mandat de l’auditeur. Cette mesure peut affecter la qualité d’audit externe. D’après Ghosh et Moon (2005) une longue durée de mandat de l’auditeur ne porte pas atteinte à son indépendance, c’est à dire la longévité de la durée du mandat est considérée comme un avantage pour l’auditeur en termes d’expertise. Un auditeur assurant pour la première fois le contrôle d’une entreprise a généralement besoin de temps pour une meilleure compréhension comptable et financière de la firme, ce qui élève le risque des anomalies au niveau des états financiers. En revanche, lorsque l’auditeur assure le contrôle des comptes de la firme sur plusieurs exercices, ceci est de nature à conduire à une meilleure compréhension de l’entreprise et de son secteur, ce qui lui permet de détecter les erreurs et les anomalies en temps opportun.
15En outre, le co-commissariat aux comptes, un critère très peu évoqué par la littérature, permet de renforcer le contrôle, précisément des sociétés anonymes puisqu’il permet un double contrôle de la part des deux commissaires aux comptes. En Belgique, le code de commerce dans son article 142 précise que « le contrôle des comptes annuels dans les sociétés doit être confié à un ou à plusieurs commissaires aux comptes ». Ainsi, le recours à plusieurs commissaires aux comptes n’est pas en soi obligatoire pour les firmes belges. Cette pratique est choisie de façon plutôt volontaire. En France, le co-commissariat aux comptes est soumis à un double contrôle, et ce, dans le but de renforcer l’indépendance des auditeurs car, ces deux cabinets formulent une opinion conjointe sur les comptes d’une société (rapport Bouton, 2002). Ainsi, la qualité de cette opinion est meilleure puisque la responsabilité des deux commissaires aux comptes est partagée. De plus, la qualité des travaux d’audit est aussi meilleure car le co-commissaire relève la moindre erreur omise par l’autre partie. Enfin, le co-commissariat aux comptes est une « garantie fondamentale de l’indépendance des commissaires » (rapport Bouton, 2002). Selon Bennecib (2004), la présence d’un deuxième commissaire aux comptes améliore la qualité du service, spécialement s’il est de type Big grâce à la synergie issue de la complémentarité de l’expertise des deux auditeurs.
16La problématique de la qualité d’audit externe a été souvent étudiée aussi bien dans le contexte anglo-saxon qu’européen par l’examen de l’effet de certains mécanismes de gouvernance comme la structure de propriété sur la qualité de l’audit externe. La relation entre ces deux variables est fondée sur la théorie de l’agence (Jensen et Meckling, 1976). En ce sens, le recours à un audit externe de qualité est un mécanisme qui permet la réduction de l’opportunisme managérial et des conflits d’agence entre les acteurs de la firme. Il permet aussi la protection des intérêts des actionnaires en garantissant la qualité de l’information financière. Il s’ensuit que la qualité d’audit devrait augmenter quand l’asymétrie d’information entre actionnaires-dirigeants s’accroît. D’ailleurs, selon Lai (2009), l’audit externe limite l’asymétrie informationnelle entre les dirigeants et les actionnaires, et ce dans le but d’assurer des états financiers crédibles. Ainsi, la nature de la structure de propriété affecte le choix en matière d’audit externe (Jensen et Meckling, 1976 ; Hay et al., 2008 ; Lajmi et Gana 2012).
17En outre, le conseil d’administration, qui est considéré comme un des principaux mécanismes de gouvernance et qui se veut une entité collégiale, a comme seul souci la protection des intérêts des actionnaires de l’entreprise. Sur la base de la théorie de l’agence, Fama et Jensen (1983) précisent que les membres externes du conseil d’administration sont plus indépendants et sont mieux placés pour contrôler les dirigeants que les administrateurs internes. La théorie de l’agence stipule que, les administrateurs indépendants et objectifs sont susceptibles de limiter les conflits d’agence entre les dirigeants et les actionnaires. Plusieurs travaux examinent l’impact de la présence des membres externes dans le conseil d’administration sur la nomination d’auditeurs de meilleure qualité. D’après Hay et al. (2008), contrairement à la thèse de substitution utilisée pour le contrôle interne, la littérature soutient généralement que le lien entre l’audit externe et les mécanismes de gouvernance comme l’indépendance du conseil d’administration et du comité d’audit est complémentaire. Dans une étude portant sur le contexte belge, Lajmi et Gana (2011) montrent que l’indépendance du conseil d’administration et la qualité d’audit externe constituent deux mécanismes de contrôle complémentaires. En effet, ces auteurs soulignent que la qualité de l’audit externe -approchée d’une part, par les honoraires d’audit et par l’appartenance à l’un des Big 4, d’autre part,- est influencée par la proportion des administrateurs indépendants siégeant le conseil. Ces résultats ont été prouvés par une étude ultérieure (Lajmi et Gana, 2013a), en considérant que la qualité d’audit est un indice composé de plusieurs proxy de la qualité d’audit. Les auteurs expliquent ce résultat par le fait que les administrateurs indépendants cherchent un contrôle plus efficace, pour établir des états financiers plus crédibles, afin de sauvegarder leur réputation. De plus, selon la théorie de l’agence, l’efficacité du conseil d’administration est associée avec la séparation des fonctions du président de conseil et du directeur général de la firme. Lajmi et Gana (2011) expliquent que les actionnaires de la firme choisissent un audit de meilleure qualité lorsque les entreprises sont dirigées par un cadre supérieur qui est lui-même le président du conseil d’administration. Néanmoins, cet aboutissement n’a pas été confirmé par l’étude de Lajmi et Gana (2013a), lorsque les auteurs ont approché la qualité d’audit par un indice composite. Ensuite, selon Lajmi et Gana (2013a), la diligence du conseil d’administration appréciée par le nombre de réunions effectuées par an par le conseil affecte positivement la qualité d’audit externe. Enfin, les auteurs montrent que la taille du conseil n’a pas d’impact sur le choix de la qualité d’audit externe.
18Arrivant maintenant au troisième mécanisme de gouvernance, l’étude de Lajmi et Gana (2013b) montre un impact positif et statistiquement significatif de l’indépendance du comité d’audit, de sa taille et de sa diligence sur la qualité d’audit. Ce résultat corrobore celui obtenu par l’étude de Boo et Sharma (2008) réalisée sur le contexte américain et par celle d’Ayadi (2013) effectuée sur le contexte français. Un nombre élevé d’administrateurs indépendants et diligents oriente le choix des auditeurs vers des contrôleurs compétents, dans le but d’avoir des états financiers de qualité. A ce niveau, les auteurs valident empiriquement une complémentarité entre les mécanismes de gouvernance.
19Tout un courant de littérature comptable et financière (Lajmi et Gana 2013a,b ; Boo et Sharma 2008 ; Yatim et al. 2006…) fait valoir qu’une meilleure qualité de gouvernance d’entreprise permet d’améliorer la qualité de l’information financière en ayant recours à un audit externe de qualité.
20À travers nos recherches antérieures (Lajmi et Gana 2012, 2013a et 2013b), nous avons rejoint la majorité des études précédentes et nous avons focalisé notre attention, successivement, sur l’analyse de l’impact des caractéristiques de la structure de propriété, du conseil d’administration et du comité d’audit prises de façon séparée, sur le choix de l’auditeur externe. Néanmoins, les résultats étaient divergents. Ainsi, à la lumière de la littérature et des travaux empiriques développés ci-dessus, nous nous intéressons spécifiquement, au niveau de cette recherche, à la relation entre la conformité au code de bonnes pratiques de gouvernance et la qualité de l’audit externe. En ce sens, et pour nous distinguer des études antérieures, nous avons eu l’idée de construire un indice global de la gouvernance d’entreprise et d’étudier son impact sur l’indice de la qualité de l’audit externe.
3 – Méthodologie
3.1 – Échantillon de l’étude
21L’étude empirique porte sur un échantillon de 100 entreprises belges cotées à la bourse de Bruxelles sur la période s’étalant entre 2011 et 2015. A l’encontre des autres études, nous n’avons exclu aucun secteur. Ce choix a été motivé par le fait que le premier secteur d’activité représenté en Belgique est celui financier.
3.2 – Mesure de la qualité de gouvernance d’entreprise
22Les recherches précédentes (Lajmi et Gana, 2012, 2013a, 2013b) tant théoriques qu’empiriques ont examiné la relation entre certaines caractéristiques de la gouvernance d’entreprise prises de façon séparée et l’indice composite de la qualité de l’audit externe. Les résultats étaient mitigés. Dans ce qui suit, nous allons essayer d’étendre cette lignée de travaux relativement récents et examiner cette même relation en ayant recours à un indice de gouvernance à l’instar de celui utilisé par Black et al. (2006), O’Sullivan et al. (2008) et Price et al. (2011).
3.2.1 – Qualité globale de gouvernance
23Nous mesurons la gouvernance d’entreprise par référence au code de gouvernance 2009. Pour ce faire, nous nous sommes inspirés des travaux antérieurs ayant adopté un score, afin d’apprécier la qualité globale de gouvernance. Par exemple, sur la base d’un échantillon de 1500 firmes américaines, Gompers et al. (2003) trouvent un lien positif et significatif entre l’indice de gouvernance composé de 24 items et le rendement des titres. Ultérieurement, Black et al. (2006) développent un indice des pratiques de gouvernance d’entreprise. Ils découvrent une relation positive entre l’indice de gouvernance de 515 entreprises et la valeur de la firme. Les auteurs concluent que l’indice global de gouvernance d’entreprise est un facteur important susceptible d’expliquer la valeur de marché des entreprises publiques coréennes. De plus, Cheung et al. (2007) montrent une relation positive entre l’indice des pratiques de gouvernance et la valeur de la firme. Mais, en 2008, dans une recherche ultérieure étudiant le contexte chinois et durant l’année 2004, Cheung et al. ne trouvent pas de résultats statistiquement significatifs quant à la relation entre la qualité des pratiques de gouvernance d’entreprise mesurée par l’indice de bonnes pratiques de gouvernance et la valeur des 100 entreprises cotées. Ceci a été expliqué par le fait qu’en 2004, les bonnes pratiques de gouvernance n’ont pas été pleinement intégrées dans la valeur marchande de ces entreprises. En outre, O’Sullivan et al. (2008) utilisent, se basant sur le contexte australien, pour les années 2000 et 2002, un indice de bonne gouvernance établi en fonction de 15 items relatifs à la structure de propriété, au conseil d’administration et à la qualité de l’audit. Pour la première année de l’étude, les auteurs soulignent que l’indice global de la qualité de gouvernance présente un effet significatif et positif sur la divulgation volontaire de l’information. Toutefois, pour la deuxième année, les chercheurs ne montrent aucun résultat significatif : la divulgation volontaire ne semble pas être conduite par les mêmes facteurs en 2002. En d’autres termes, les mécanismes de gouvernance ne présentent pas d’effet sur la décision de l’entreprise de publier des informations prévisionnelles dans leurs rapports financiers.
24De leur coté, Bebchuk et al. (2009) développent un indice plus raffiné conçu sur la base de six items choisis parmi un total de 24 items de gouvernance. Ces auteurs indiquent une relation négative entre l’indice de gouvernance et la valeur des firmes. Plus récemment, Price et al. (2011) procèdent à la construction d’un indice de gouvernance qui implique la conformité avec le code des bonnes pratiques de gouvernance. L’indice de conformité, constitué de 55 items, représente la somme du nombre d’éléments correspondants aux bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise en Mexique. Cependant, les auteurs ne trouvent aucune association entre leur indice de gouvernance et la performance de la firme.
3.2.2 – Conformité au code de bonnes pratiques de gouvernance : application de la méthode pas à pas
25Dans cette recherche, nous nous sommes basés sur les travaux d’O’Sullivan et al. (2008) et Price et al. (2011) pour développer notre indice de conformité et étudier son impact sur la qualité de l’audit externe. En s’appuyant sur leur démarche, pour chacune des firmes de notre échantillon, nous avons calculé un indice de gouvernance. Cet indice est construit, tout d’abord, par 13 attributs de la gouvernance d’entreprise [1] obtenus par la réunion des mesures des trois mécanismes de gouvernance. Des variables binaires et continues, reflétant la qualité de gouvernance d’entreprise, ont été prises en considération. Pour pouvoir appliquer la méthode pas à pas, nous attribuons, pour les variables binaires, la valeur de 1 si l’item choisi est vérifié par la firme et 0 sinon. Ainsi, la valeur fournie à l’item en question sera majorée à l’indice de gouvernance. Concernant les variables continues, si l’entreprise présente une valeur supérieure ou égale à la moyenne pour l’item considéré, nous attribuons alors un point à l’indice global de gouvernance, sinon nous attribuons la valeur zéro. Par conséquent, l’indice ICONF est évalué par une simple sommation des notes ainsi obtenues au niveau de chacune des firmes de l’étude. Ainsi, la valeur maximale de notre indice de conformité ou encore de gouvernance est égale au nombre total d’items pris en considération, soit 13. Enfin, nous anticipons un lien positif entre l’indice et l’efficacité des mécanismes de gouvernance.
26À présent, il est important d’apprécier la validité de l’indice de conformité étant donné que le développement d’un tel score mène à une certaine subjectivité. Pour cela, nous optons pour la technique pas à pas du coefficient alpha de Cronbach (Curt et al., 1997) avant d’arrêter la composition finale du construit. Rappelons que cette méthode présente l’avantage de développer un indice raffiné et de trouver, par ailleurs, un sous-ensemble d’items le plus fiable possible.
27Conséquemment, nous procédons au calcul du coefficient alpha de Cronbach de l’indice de gouvernance comprenant les 13 items ainsi arrêtés [2]. Sa valeur est égale à 0,56 qui paraît satisfaisante puisqu’elle est supérieure à 0,5. Néanmoins, en appliquant la méthode pas à pas pour le calcul du coefficient alpha de Cronbach, nous obtenons des valeurs de α de Cronbach supérieures notamment quand la variable diligence du conseil d’administration est éliminée. Ce processus étant itératif, nous conduit à écarter 4 items qui sont la diligence du conseil d’administration et celle du comité d’audit, la propriété managériale et l’absence de la structure dualiste du conseil d’administration. L’indice de conformité au code de bonnes pratiques de gouvernance est, par conséquent, composé de 9 items [3].
28Nous retenons, alors, ces items pour la construction de notre indice puisque la valeur du coefficient alpha de Cronbach de l’indice de gouvernance ainsi obtenue est la plus élevée et est égale à 0,6513. La valeur de ce coefficient est suffisamment satisfaisante et montre donc la fiabilité de notre construit.
3.3 – Spécification du modèle de la régression multivariée
29Nous présentons le modèle de régression suivant estimé sur des données de panel :
31Avec :
- IQAUD : l’indice de la qualité de l’audit externe [4] ;
- ICONF : la qualité globale de gouvernance d’entreprise ;
- ENDE : l’endettement de l’entreprise est égale au rapport de la dette totale à long terme sur le total des actifs ;
- TAIL : la taille de la firme est mesurée par le logarithme népérien du total des actifs ;
- RENT : le ratio de rentabilité est égal au rapport du résultat avant impôt et intérêt sur le total des actifs.
4 – Résultats empiriques
4.1 – Statistiques descriptives de l’indice de conformité
32Le tableau 1, panel A et B, récapitule les principales valeurs des analyses descriptives de la qualité globale de gouvernance d’entreprise.
Analyses descriptives de la qualité de gouvernance
Analyses descriptives de la qualité de gouvernance
Ce tableau présente les statistiques descriptives de l’ICONF.33L’examen du panel A du tableau 1 dévoile que l’indice moyen est d’environ 5 et est significativement différent de zéro (au seuil de 1%). Cette valeur est proche de l’indice maximal, ce qui indique que les dirigeants des entreprises belges cotées adoptent les bonnes pratiques de gouvernance et sont, par conséquent, conscients de leur importance. L’écart-type est assez élevé (1,829) montrant des écarts importants entre les observations de l’échantillon de l’étude.
34Ensuite, par référence au même panel, nous analysons la distribution de l’indice de conformité au code de bonnes pratiques de gouvernance dans le temps. Ces résultats traduisent les spécificités du contexte belge dans lequel la qualité de la gouvernance d’entreprise semble meilleure d’une année à une autre depuis l’année 2011 à l’année 2015 avec une légère diminution en 2014. En outre, nous remarquons que le niveau moyen de la gouvernance passe de 4,752 en 2011 à 5,422 en 2015. Ce qui permet d’observer une amélioration de la qualité de gouvernance en appliquant les bonnes pratiques de gouvernance citées au niveau du code 2009.
35Enfin, les résultats du panel B du tableau 1 montrent que la plupart des entreprises belges cotées (25,98%) opte pour une bonne qualité de gouvernance (ICONF= 7) respectant ainsi leur code de bonnes pratiques de gouvernance. Seulement 5,04% des observations de l’échantillon de l’étude montrent un non respect du code de gouvernance (ICONF=1). Il est, en outre, important de préciser que seulement 5 firmes de l’échantillon de l’étude présentent un indice maximal de gouvernance d’entreprise (ICONF= 9). Ceci traduit que les dirigeants des entreprises belges ont encore des efforts à fournir pour adopter totalement les bonnes pratiques de gouvernance.
4.2 – Interprétation des résultats du modèle de régression
36Nous examinons, dans ce qui suit, l’impact de la qualité de gouvernance sur la qualité d’audit externe sachant que nous avons anticipé, lors du développement de l’indice, un effet positif de la qualité totale de la gouvernance d’entreprise sur la qualité d’audit externe. Nous posons alors l’hypothèse de recherche ci-après :
37Hypothèse : Il existe une relation positive entre la qualité de gouvernance et la qualité de l’audit externe.
38Dans le but de tester la présence éventuelle d’un problème de multicolinéarité, nous appliquons le test du facteur d’inflation de la variance (VIF) et nous remarquons que ce problème ne se pose pas car la valeur la plus élevée des variables est égale à 1,24 qui est inférieure à 3, avec un VIF moyen égal à 1,14.
39Les résultats de ce test sont présentés au niveau du tableau 2.
Test du facteur d’inflation de la variance (VIF)
Variable | ICONF | ENDE | TAIL | RENT |
---|---|---|---|---|
VIF | 1.24 | 1.22 | 1.09 | 1.02 |
VIF moyen | 1.14 |
Test du facteur d’inflation de la variance (VIF)
40Par la suite, nous réalisons le test de présence d’effets individuels. Ce test est significatif au seuil de 1%, ce qui permet de valider l’hypothèse des effets individuels. Par conséquent, un tel résultat nous permet de recourir à l’estimation sur des données de panel. En appliquant le test d’Hausman, les résultats nous amènent à choisir la spécification des effets aléatoires. L’effet aléatoire fournit des résultats statistiquement plus significatifs par rapport à l’effet fixe avec un pouvoir explicatif R2 s’élevant à 49,23%. En effet, les variables retenues dans la régression (ICONF, ENDE, TAIL et RENT) concourent à expliquer environ 49,5% de la variabilité de la demande d’un audit de qualité à travers les entreprises belges cotées. Ainsi, la considération des neufs attributs individuels de manière simultanée dans un indice de qualité globale fournit un pouvoir explicatif plus significatif. Enfin, nous réalisons les tests sur les résidus et nous soulignons l’existence de problèmes d’hétéroscédasticité et d’autocorrélation.
41Nous optons, donc, pour la régression linéaire généralisée pour estimer le modèle de régression. Ses résultats sont présentés dans le tableau 3 ci-dessous.
Impact de la qualité de gouvernance (ICONF) sur la qualité de l’audit externe (IQAUD)
Variables | Coefficients | z | P>|z| |
---|---|---|---|
ICONF | 0.138 | 5.89*** | 0.000 |
ENDE | 0.246 | 0.68 | 0.496 |
TAIL | 0.186 | 9.34*** | 0.000 |
RENT | 0.640 | 2.98*** | 0.003 |
α0 | -2.289 | -5.84*** | 0.000 |
Impact de la qualité de gouvernance (ICONF) sur la qualité de l’audit externe (IQAUD)
Le tableau 3 expose les résultats de la régression IQAUDit = α0 + α1 ICONFit + α2 ENDEit + α3TAILit + α4 RENTit + Ɛit avec IQAUD est l’indice de la qualité de l’audit externe. ICONF est la qualité totale de gouvernance d’entreprise. ENDE est l’endettement à long terme de la firme. TAIL correspond à la taille de la firme. RENT mesure la rentabilité de la firme. ***significatif au seuil de 1%. **significatif au seuil de 5%. * significatif au seuil de 10%.42D’après les résultats révélés ci-dessus, nous constatons que l’indice de gouvernance composé par les trois mécanismes de gouvernance est fortement significatif (au seuil de 1%) et est positif. Cela confirme bien l’hypothèse prédéfinie. En effet, la propriété institutionnelle et la concentration de propriété ont un effet positif sur la qualité de l’audit externe. En Belgique, les institutionnels sont des acteurs importants sur le marché financier et occupent une place de plus en plus prépondérante au sein de l’entreprise, ce qui explique leur pouvoir et volonté de renforcer la qualité d’audit au sein des firmes. De même, les actionnaires majoritaires éprouvent le besoin d’améliorer la qualité de l’audit externe, et ce dans le but de limiter l’opportunisme des dirigeants. Ensuite, pour ce qui est du conseil d’administration, les administrateurs indépendants des firmes belges veulent renforcer le contrôle, afin de produire des états financiers de qualité, et ce pour protéger leur réputation sur le marché des administrateurs en Belgique et, par la même occasion, de préserver les intérêts des actionnaires. Ce résultat rejoint certaines études menées dans d’autres contextes (Piot 2005, Hay et al. 2008). De plus, l’augmentation du nombre de membres au sein du conseil est liée positivement à la qualité de l’audit externe, ceci est expliqué par le fait que les administrateurs veulent avoir une plus grande assurance que les états financiers ne contiennent pas d’erreurs. Ce résultat corrobore celui montré par Lajmi et Gana (2011).
43Jouant un rôle important dans la gouvernance d’entreprise, le directeur financier influence la qualité de l’audit externe au sein des firmes belges. Son ancienneté favorise son enracinement positif, dans la mesure où celui-ci veut renforcer la qualité d’audit, afin de pallier aux éventuelles défaillances au sein de l’entreprise dans l’intérêt des actionnaires. Par ailleurs, en ce qui concerne le comité d’audit, la qualité de l’audit externe s’améliore avec son indépendance et sa taille. Ces constats rejoignent celui de Boo et Sharma (2008) réalisé dans le contexte américain. En effet, les administrateurs non exécutifs sont censés agir dans l’intérêt de la firme et sont considérés comme des contrôleurs efficaces. Leurs décisions seront plus objectives dans l’amélioration de la qualité d’audit externe. De plus, le nombre élevé d’administrateurs des comités d’audit des firmes belges peut entraîner une prise de connaissance des enjeux liés à la politique d’audit et par ailleurs, une multiplication des procédures de contrôle de type externe. Enfin, la présence d’experts en finance ou en comptabilité au sein du comité d’audit améliore la qualité des rapports et minimise la possibilité de gestion des résultats, ce qui permettrait d’améliorer la qualité d’audit externe. Ce résultat est en cohérence avec celui de Yatim et al. (2006).
44Ainsi, la qualité globale de gouvernance joue un rôle important dans l’explication de la qualité d’audit externe dans les entreprises belges. Cela veut dire que les dirigeants des firmes belges de l’échantillon du présent travail, démontrant de bonnes pratiques de gouvernance en se conformant au code de gouvernance 2009, exigent un niveau élevé de la qualité d’audit. Ainsi, une bonne qualité de la structure de propriété, dominée non seulement par la présence des institutionnels mais aussi par les blocs de contrôle, un conseil d’administration indépendant et respectant la taille recommandée par le code de gouvernance, et un comité d’audit indépendant, expert, et de grande taille sont de bons mécanismes de gouvernance affectant ainsi la qualité d’audit externe.
45L’aboutissement de la présente étude contribue à renforcer le rôle que peut jouer une bonne gouvernance dans l’amélioration de la qualité d’audit externe. Une qualité globale de gouvernance présente un effet, de manière plus importante et plus significative, sur la qualité d’audit que la considération des caractéristiques de la gouvernance séparément. Par conséquent, la prise en compte d’un indice de conformité réunissant les bonnes pratiques de gouvernance citées dans le code de gouvernance belge 2009 donne des résultats concluants. En effet, les résultats dégagés par les études antérieures (Lajmi et Gana, 2012, 2013a et 2013b) ont prouvé que les variables indépendance du conseil d’administration et du comité d’audit, sa taille et sa diligence ainsi que l’ancienneté du directeur financier, sont significatives et positives. Toutefois, la propriété institutionnelle, managériale et l’expertise du comité d’audit indiquent des signes contraires à ceux prévus. Les autres variables explicatives ne présentent aucun effet statistiquement significatif sur la qualité d’audit externe.
46Enfin, concernant les variables de contrôle, nous constatons une relation positive et significative entre les variables taille et rentabilité de la firme et la qualité de l’audit externe. D’une part, les dirigeants d’entreprise de grande taille recourent à des audits externes de qualité parce qu’ils veulent prouver ou qu’ils sont forcés de montrer qu’ils ne sont pas enracinés de manière négative. Le coefficient rattaché à la variable TAIL est positif et significativement différent de 0 au seuil de 1%. D’autre part, tel que nous l’avons avancé plus haut, une relation positive et statistiquement significative au seuil de 1% entre la rentabilité de l’entreprise et la qualité de l’audit externe est constatée. Ceci traduit que les firmes présentant une bonne performance sont celles qui présentent une meilleure qualité d’audit. Ces résultats sont cohérents avec d’autres études notamment celle de Lajmi et Gana (2012). Néanmoins, pour ce qui est de l’endettement, nous n’obtenons pas de résultat statistiquement significatif, ce qui peut paraître contre-intuitif par rapport à la logique financière qui met en évidence le fait qu’un endettement élevé serait synonyme de contrôle accru et approfondi, notamment de type externe. Par contre, ce résultat peut s’expliquer par le fait que les entreprises belges sont peu endettées, et donc la relation endettement/contrôle peut présenter une forme différente de celle observée dans d’autres contextes au sein desquels l’endettement serait une source de financement plus importante.
4.3 – Analyse de sensibilité
47Dans le but de tester la robustesse des résultats et de nous assurer de leur pertinence, nous avons mené une analyse de sensibilité en régressant l’indice de la qualité d’audit mesurée par l’Analyse en Composantes Principales Non Linéaire (ACPNL) en fonction des mêmes variables explicatives et de contrôle.
48En effet, l’objectif de cette analyse est de repérer parmi les cinq variables décrivant la qualité d’audit celles qui peuvent être intégrées dans la création de l’indice de qualité. La caractéristique de l’ACPNL est qu’elle permet d’extraire les intercorrélations non linéaires entre les variables. Par ailleurs, selon Young et al. (1976), l’ACPNL présente l’avantage de convenir sur des données mixtes à la fois dichotomiques et numériques. Les honoraires d’audit et l’ancienneté de l’auditeur sont des variables numériques. La réputation de l’auditeur et le co-commissariat aux comptes sont des variables dichotomiques.
49Le tableau suivant présente les résultats de l’impact de la qualité de gouvernance sur l’indice de la qualité d’audit mesuré par l’ACPNL.
Impact de la qualité de gouvernance (ICONF) sur la qualité de l’audit externe (IQAUD’) : application de l’analyse en composantes principales
Variables | Coefficients | z | P>|z| |
---|---|---|---|
ICONF | 0.127 | 4.81*** | 0.000 |
ENDE | -0.135 | -0.53 | 0.597 |
TAIL | 0.187 | 5.51*** | 0.000 |
RENT | 0.809 | 2.92** | 0.015 |
α’0 | -3.234 | -8.24*** | 0.000 |
Impact de la qualité de gouvernance (ICONF) sur la qualité de l’audit externe (IQAUD’) : application de l’analyse en composantes principales
Ce tableau présente les résultats de la régression IQAUD’it = α’0 + α’1 ICONFit + α’2 ENDEit + α’3TAILit + α’4 RENTit + Ɛit avec IQAUD’ est l’indice de la qualité de l’audit externe construit en fonction de l’ACPNL. ICONF est la qualité globale de gouvernance d’entreprise. ENDE est l’endettement à long terme de la firme. TAIL correspond à la taille de la firme. RENT mesure la rentabilité de la firme. ***significatif au seuil de 1%. **significatif au seuil de 5%. * significatif au seuil de 10%.50Nous constatons clairement que les résultats du test de sensibilité sont cohérents avec ceux démontrés lors de l’estimation de la régression précédente avec une légère différence au niveau de la variable endettement qui présente un effet plutôt négatif mais toujours non significatifs sur la qualité d’audit.
51En conclusion, il ressort de ce dernier test que notre modèle est robuste. Ainsi, l’utilisation de l’indice de gouvernance montre que la demande pour un audit de qualité augmente lorsque les entreprises belges appliquent les règles de bonnes pratiques de gouvernance. Ceci traduit la complémentarité entre les pratiques de bonne gouvernance et le recours à un audit externe de qualité.
5 – Conclusion
52L’objectif de cette étude est d’étendre la lignée des recherches antérieures traitant de la relation entre les mécanismes de gouvernance pris de façon séparée et la qualité de l’audit externe, et d’étudier plus particulièrement, à travers les fondements de la théorie de l’agence et la théorie néo-institutionnelle, cette relation en considérant la gouvernance comme un tout indissociable constitué en fonction du code de bonnes pratiques de gouvernance. En d’autres termes, ce test consiste en l’examen de la relation entre certaines caractéristiques des trois mécanismes de gouvernance, étudiées précédemment (Lajmi et Gana, 2012, 2013a, 2013b), prises simultanément dans un indice global de gouvernance, et l’indice de la qualité de l’audit externe. La qualité globale de gouvernance d’entreprise inclut, par conséquent, les attributs relatifs à la structure de propriété, les caractéristiques d’un bon conseil d’administration et les caractéristiques d’un comité d’audit de qualité. Au total, la qualité globale de gouvernance se compose de 9 items. Nous avons, par ailleurs, obtenu des résultats qui montrent que la prise en compte, à la fois, des caractéristiques d’une bonne gouvernance sous forme d’un indice global fournit une relation plus significative et plus explicative.
53Enfin, les variables de contrôle (taille et rentabilité de la firme) sont des facteurs déterminants de la qualité d’audit externe. Les grandes entreprises belges et les plus performantes recourent aux meilleurs auditeurs externes. En revanche, dans le contexte belge, les résultats obtenus quant à la relation entre l’endettement et la qualité d’audit sont mitigés. L’utilisation de l’indice de gouvernance global comme variable explicative tranche toutefois pour un effet non significatif de cette variable sur la qualité d’audit.
54À travers la présente étude, nous avons appréhendé empiriquement l’importance du rôle joué par la gouvernance d’entreprise dans l’explication de la qualité de l’audit externe. Ainsi, la qualité globale de gouvernance est un facteur déterminant de la qualité d’audit externe. Par ailleurs, notre travail de recherche fournit des résultats qui concernent un contexte très peu étudié auparavant. Réellement, notre étude peut être utile pour les dirigeants des firmes belges dans la mesure où ils peuvent améliorer la stratégie adoptée pour choisir les meilleurs auditeurs externes en fonction de leurs mécanismes de gouvernance. En outre, notre étude s’appuie sur les bonnes pratiques de gouvernance par référence aux nouvelles réglementations en matière de gouvernance d’entreprise dans le marché belge. Nous pouvons également avancer que les résultats auxquels nous sommes parvenus peuvent être d’intérêts pratique aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. Ces aboutissements sont d’un intérêt crucial au normalisateur belge dans la mesure où il est concerné par l’amélioration de la qualité de l’information divulguée en assurant les bonnes pratiques de gouvernance et une meilleure qualité de l’audit externe.
55Enfin, cette étude a permis de renforcer le champ et la perspective d’analyse par la prise en considération de concepts importants (gouvernance d’entreprise, qualité de l’audit externe) et relativement peu évoqués au niveau des études relatives au contexte belge.
56En revanche, ce travail présente quelques limites. Il se focalise sur un marché spécifique sur une période bien déterminée. Il utilise une approche qui se veut résolument quantitative sans prise en compte d’éléments plus qualitatifs. Cette idée pourrait constituer une voie qui mériterait d’être explorée dans le cadre de recherches futures.
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Mots-clés éditeurs : bonnes pratiques, gouvernance d’entrepris, qualité de l’audit externe
Date de mise en ligne : 13/02/2019
https://doi.org/10.3917/resg.127.0135Notes
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[1]
Structure de propriété (propriété managériale, propriété institutionnelle, possession d’actions par les blocs de contrôle, existence de blocs de contrôle), Conseil d’administration (indépendance du conseil d’administration, absence de la structure dualiste, respect de la taille du conseil exigé par le code belge des sociétés commerciales, diligence du conseil, et ancienneté du directeur financier), Comité d’audit (indépendance, taille, expertise et diligence)
-
[2]
Les résultats sont disponibles sur demande.
-
[3]
Propriété institutionnelle, concentration de propriété, indépendance du conseil d’administration, sa taille, ancienneté du directeur financier, indépendance du comité d’audit, sa taille et son expertise.
Il est à noter que la concentration de propriété est la possession d’actions par les blocs de contrôle mesurée par la part détenue par les actionnaires ayant individuellement au moins 20% dans le capital. La concentration de propriété est aussi mesurée par une variable binaire qui est égale à 1 dans le cas d’existence de blocs de contrôle (≥20%) et 0 autrement. -
[4]
Les cinq attributs qui composent l’indice de la qualité d’audit sont : l’appartenance de l’auditeur aux Big 4, le co-commissariat, l’appartenance du co-commissaire aux Big 4, les honoraires de l’auditeur et la durée du mandat de l’auditeur (Gana et Lajmi, 2013b).